République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 septembre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 10e session - 40e séance
PL 8099
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical, du 16 septembre 1983, est modifiée comme suit :
Art. 3, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
Art. 15, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
Art. 19A, al. 5 (nouveau, l'al. 5 ancien devenant l'al. 6)
L'exercice de la profession de psychomotricien(ne) est réservé aux titulaires du diplôme de psychomotricité, délivré par une école de psychomotricité suisse ou étrangère et reconnu par l'Association suisse des thérapeutes de la psychomotricité ou par un organisme désigné en commun par les cantons.
Art. 22, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les dispositions de l'alinéa premier sont applicables, le cas échéant, aux infirmières ou infirmiers, aux sages-femmes, aux ergothérapeutes, aux psychomotricien(ne)s, aux logopédistes, aux diététicien(ne)s et aux organismes d'aide et de soins à domicile.
Art. 130 Définition (nouveau)
On entend par psychomotricien(ne) les personnes qui sont appelées par leur formation à examiner, évaluer et traiter des patients souffrant de troubles psychomoteurs ou moteurs, liés à des troubles émotionnels cognitifs ou de la perception et à prévenir ou atténuer les répercussions des troubles, tant sur le plan personnel que sur le plan social, familial, scolaire et professionnel. Ils contribuent aussi à la prévention par le dépistage des troubles psychomoteurs d'origine somatique, psychogène ou psychosociale et par la sensibilisation des professionnels.
Art. 131 Droits - Champ d'activité (nouveau)
L'inscription dans le registre des psychomotricien(ne)s confère à la personne inscrite le droit de pratiquer sa profession dans un établissement médical, dans un cabinet médical, dans les institutions médico-sociales, dans les institutions préscolaires et médico-pédagogiques en général, à domicile ainsi qu'à titre individuel et indépendant dans les limites des compétences attestées par leur diplôme.
Art. 132 Limitations (nouveau)
Dans l'exécution des traitements, le/la psychomotricien(ne) agit selon les directives du médecin traitant et doit se conformer aux prescriptions de ce dernier.
Art. 133 Responsabilité (nouveau)
Les psychomotricien(ne)s sont responsables des traitements qu'ils ont donnés de leur propre chef. Elles ou ils peuvent être suivis civilement et pénalement, si elles ou ils commettent des négligences ou des erreurs préjudiciables à la santé des personnes confiées à leurs soins.
*Vous trouverez en annexe un extrait de la loi votée le 21 mai 1999 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2000.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de modification de loi vise à réglementer au niveau genevois la profession de psychomotricien(ne)s dans le domaine de la santé.
Les troubles psychomoteurs sont des troubles qui se manifestent avant tout corporellement. Leur origine est généralement plurifactorielle. Ils sont ou non associés à des déficits génétiques, neurologiques ou sensoriels et sont appelés troubles psychomoteurs dans la mesure où leur expression s'inscrit dans une dimension corporelle, émotionnelle, affective et cognitive impliquant la personne dans sa globalité. Il s'agit d'un type de troubles qui a donné naissance à une profession spécifique.
Considérations générales
Le projet de modification de la loi genevoise sur les professions de la santé qui vous est soumis est entre autres motivé par la protection des malades nécessitant des soins. Quant aux personnes souffrant de troubles psychomoteurs, elles peuvent être victimes d'affaires de moeurs ou de détresses graves. Aussi doivent-elles être traitées dans des cabinets bien équipés.
Il est dès lors impératif que - là où les familles ne peuvent leur venir en aide - des professionnels bien formés, responsables, titularisés et soumis aux sanctions de cette loi prennent en charge ces personnes. Ces professionnels méritent reconnaissance dans le cadre législatif cantonal.
Actuellement, à Genève, l'Association suisse des thérapeutes de la psychomotricité (ASTP) compte 54 membres actifs, dont la plupart travaillent dans le domaine de la santé, le plus souvent sous les directives du médecin, à titre dépendant ou indépendant, à plein temps ou à temps partiel.
Les soins apportés aux personnes atteintes de troubles psychomoteurs sont dans certains cas pris en charge par l'assurance invalidité. Le 30 juin 1998, l'assurance invalidité a conclu une nouvelle convention avec l'ASTP complétant celle de 1973. Elle réglemente les honoraires, le caractère économique et l'opportunité du traitement, l'obligation de renseigner, la formation ainsi que la vérification des diplômes. A la suite de l'article 6, 3e alinéa de cette convention, l'OFAS a donné son assentiment à un règlement de la Commission de reconnaissance des diplômes de l'ASTP.
La question de savoir si la profession de psychomotricité est reconnue comme profession de la santé autorisée à travailler à charge des assureurs maladie est à l'ordre du jour de la Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie au mois d'août 1999. L'assurance-maladie devrait prendre en charge les indications non prévues par l'AI. En effet, les troubles psychomoteurs font l'objet de la Classification internationale des maladies (CIM/ICD, version 10) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Même si la profession ne devait pas encore être reconnue (pour des raisons financières avant tout) dans le cadre de l'assurance-maladie, il y a lieu de la reconnaître et d'autoriser son exercice au niveau cantonal, à l'instar de la profession des pédicures-podologues, qui n'est pas non plus reconnue par la LAMal. L'on peut d'ailleurs également se référer à la demande faite par les psychologues exerçant dans le domaine de la santé pour être inclus dans la loi cantonale sur l'exercice de la profession de la santé.
C'est le canton du Jura qui, le premier, a réglé l'exercice de la profession de psychomotricité dans son ordonnance du 13 décembre 1994. Cette ordonnance décrit dans son article 2, al. 2, l'activité de la profession comme suit :
établir des bilans psychomoteurs et des évaluations permettant de poser des indications psychomotrices ;
assumer le traitement psychomoteur d'enfants, d'adolescents, d'adultes de tous âges, individuellement et en groupe ;
mener des entretiens cliniques nécessaires avec les parents et les autres professionnels concernés ;
intervenir préventivement par des activités d'observation, de conseil et d'appui ;
informer et sensibiliser d'autres professionnels ;
contribuer à la formation des étudiants en psychomotricité.
Bref historique
Le concept de psychomotricité est lié historiquement aux découvertes de la neurophysiologie et notamment aux recherches de F. Dupré (1909) sur le syndrome de débilité motrice qui souligne la relation étroite entre les acquisitions motrices et le développement intellectuel. A la suite de nombreuses recherches en particulier du professeur J. de Ajuriaguerra, médecin-psychiatre, et des publications du prof. Jean Piaget, la psychomotricité a été introduite dans les soins à Genève dans les années 60.
C'est grâce aussi au prof. J. de Ajuriaguerra que l'Ecole romande de psychomotricité a été créée à Genève, les premiers diplômes étant décernés en 1966, plus tard aussi à Zurich et à Bâle. A cette même période et jusqu'à ce jour, les psychomotriciens interviennent dans le cadre des départements de psychiatrie infantile et adulte, de psychogériatrie de la clinique de Belle-Idée et enfin dans le cadre du service médico-pédagogique dans les consultations de secteurs, les classes spécialisées et les institutions. D'autres postes se développeront dès 1975 au Service de santé de la jeunesse puis dans les institutions préscolaires du canton.
Depuis 1990, la pratique privée tant auprès d'enfants que d'adultes s'est développée à la demande des pédiatres, des neuropédiatres, des pédopsychiatres, des médecins généralistes et des médecins psychiatres.
Bénéfices apportés par les professionnels aux personnes souffrant de troubles psychomoteurs
En 1998, à la demande de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), le prof. Jacques Richard de la clinique psychiatrique de Belle-Idée a reconnu expressément l'efficacité de cette forme de thérapie. Selon lui, il s'agit d'une méthode originale non seulement de traitement, mais également d'observation pour tous les groupes d'âge et pour toutes les affections mentales. Cette méthode répond parfaitement aux critères de toute activité qui se veut scientifique, c'est-à-dire au critère de vérification, de reproductibilité et de transmissibilité. Toujours selon le prof. Richard, la thérapie psychomotrice ne peut être appliquée que par des thérapeutes spécialement formé(e)s à cette intention. La thérapie trouve ses indications dans chacune des affections mentales qui constituent la nosologie psychiatrique. Les objectifs de la thérapie se fondent sur la façon dont le patient perçoit et vit son corps, la manière dont il se le représente, dont il l'emploie dans l'échange - verbal ou non - avec autrui, sur la manière dont il exprime ses affects et son imaginaire et dont il investit l'espace et le temps. Le thérapeute en psychomotricité attache ainsi une importance particulière au tonus musculaire, à la respiration, à l'équilibre du corps, à la coordination et la dissociation des mouvements, à la conduite de l'action, à la perception de la durée du rythme, au tempo et à l'orientation temporelle, à la représentation et à l'occupation de l'espace comme environnement, territoire et facteur de relations et à l'orientation spatiale comme localisation et indication de direction. Il permet au patient de mieux s'adapter à son milieu et d'y situer autrement ses relations à lui-même et à l'autre. Elle brise progressivement la dépendance et restaure l'autonomie de gestion du patient. Cette intervention thérapeutique permet souvent d'éviter des prises en charge plus lourdes, voire plus onéreuses ou permet d'en réduire l'emploi. En cela, la thérapie psychomotrice a une action à la fois préventive et curative.
Le profil de la profession
L'Association suisse des thérapeutes de la psychomotricité donne à la profession son profil. Elle en décrit ses compétences, ses modalités d'intervention (dépistage, consultation, prise en charge, prévention), la collaboration avec les éducateurs, les médecins, le personnel médicalisé, les logopédistes ou psychologues, le travail administratif, la sensibilisation de la population et de tous les milieux concernés, ainsi que la formation de base et la formation continue. L'ASTP a édicté des principes d'éthique professionnelle servant de ligne de conduite aux membres de l'association, en vue de protéger les patients ainsi que leurs proches de toute action contraire à leur intérêt (conférer profil de la profession de l'ASTP du 18 novembre 1995).
La formation
Il existe trois centres de formation en Suisse, à savoir Genève, Bâle et Zurich. Le diplôme accordé par ces trois centres est réglé par une Commission spéciale de reconnaissance de diplôme de l'ASTP, sanctionné par l'Office fédéral des assurances sociales le 30 juin 1998.
Les études durent au minimum six semestres et comprennent au minimum 2500 heures d'enseignement, auxquelles s'ajoutent 400 heures de stage. Des examens finaux ainsi qu'un travail de diplôme vérifient les connaissances des matières essentielles.
Conclusion
La thérapie psychomotrice est une thérapie dont les résultats sur les patients sont reconnus. La profession est encadrée d'une manière sérieuse par l'Association suisse des thérapeutes de la psychomotricité (ASTP). Trois écoles en Suisse délivrent des diplômes reconnus par l'ASTP, sur la base d'un règlement adopté également par l'Office fédéral des assurances sociales. La thérapie a une action préventive et curative sur les patients. Il est nécessaire que les autorités publiques réglementent la profession dans l'intérêt des personnes atteintes de troubles psychomoteurs.
Rien n'empêche donc que le législateur introduise la profession de psychomotricien(ne) dans la loi sur l'exercice des professions de la santé, les premières démarches de l'ASTP concernant cette inscription datant de 1980 déjà.
C'est dans ce sens, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous demandons de réserver bon accueil à ce projet.
ANNEXE
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical, du 16 septembre 1983, est modifiée comme suit :
Art. 3, lettre c (nouvelle teneur), al. 2 (nouveau)
2 Demeurent réservées les conditions fixées par la loi fédérale sur l'assurance-maladie (ci-après LAMal) et ses dispositions d'exécution pour être admis comme fournisseur de prestations autorisé à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.
Art. 15, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
Art. 19 Professions soignantes et médico-techniques
Nationalité - autorisation d'établissement (nouvelle teneur)
L'exercice des professions soignantes et médico-techniques énoncées à l'article 3, alinéa 1, lettre c, de la présente loi est réservé aux ressortissants suisses et aux étrangers au bénéfice de l'autorisation d'établissement.
Art. 19 A Titres requis (nouveau)
1 L'exercice des professions d'infirmière ou d'infirmier, de sage-femme, de physiothérapeute, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue, d'ergothérapeute et de diététicienne ou diététicien est réservé aux titulaires du diplôme délivré à l'issue des études dans l'une des écoles genevoises des professions de la santé.
2 Le cas échéant, d'autres titres attestant une formation complète peuvent être admis, à savoir :
3 L'exercice de la profession de préparateur en pharmacie est réservé aux titulaires du certificat cantonal de capacité de préparateur en pharmacie.
4 L'exercice de la profession d'opticien est réservé :
5 L'exercice de la logopédie est réservé aux titulaires d'un diplôme suisse de logopédie de formation universitaire ou d'un diplôme d'une école suisse ou étrangère reconnue par l'association romande des logopédistes diplômés ou par un organisme désigné en commun par les cantons.
Art. 22, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les dispositions de l'alinéa 1 sont applicables, le cas échéant, aux infirmières ou infirmiers, aux sages-femmes, aux ergothérapeutes, aux logopédistes, aux diététiciennes ou diététiciens et aux organisations d'aide et de soins à domicile.
Art. 130 Définition (nouveau)
On entend par logopédistes les personnes qui sont appelées, par leur formation, à examiner, évaluer et traiter des patients atteints dans leurs capacités de communication, souffrant de troubles du langage oral et/ou écrit ainsi que des troubles de la sphère ORL, à prévenir ou atténuer les conséquences handicapantes de ces troubles, tant sur le plan personnel et social que scolaire et professionnel.
Art. 131 Droits - Champ d'activité (nouveau)
L'inscription dans le registre des logopédistes confère à la personne inscrite le droit de pratiquer sa profession dans un établissement médical, dans un cabinet médical, dans les institutions médico-sociales en général, ainsi qu'à titre individuel et indépendant, dans les limites de compétences attestées par le diplôme visé à l'article 19A, alinéa 5.
Art. 132 Limitations (nouveau)
Dans l'exécution des traitements prescrits par le médecin traitant, le logopédiste agit selon les directives de ce dernier et doit se conformer à ses prescriptions.
Art. 133 Responsabilité (nouveau)
Les logopédistes sont responsables des traitements qu'ils ont donnés de leur propre chef. Ils peuvent être poursuivis civilement et pénalement s'ils commettent des négligences ou des erreurs préjudiciables à la santé des personnes confiées à leurs soins.
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé sans débat de préconsultation.