République et canton de Genève

Grand Conseil

54e législature

No 33/VI

Jeudi 24 juin 1999,

soir

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Bernard Annen, Nicolas Brunschwig, Bénédict Fontanet, Alexandra Gobet, Marianne Grobet-Wellner, Michel Halpérin, Alain-Dominique Mauris, Christine Sayegh et Micheline Spoerri, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Le président. Le projet de loi suivant est parvenu à la présidence :

PL 8082
de Mme et MM. Olivier Vaucher (L), Bernard Lescaze (R), Walter Spinucci (R), Jean-Claude Vaudroz (DC), Gilles Desplanches (L) et Stéphanie Ruegsegger (DC) modifiant la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement (I 2 21). ( )PL8082

Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.  

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :

I 2019
de M. Olivier Vaucher (L) : de l'illégalité de traitement des squatters ! ( )I2019

Cosignataires : Jacques Béné, Florian Barro, Janine Berberat, Pierre Ducrest, Christian de Saussure. 

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

e) de questions écrites.

Néant.

IU 701
4. Interpellation urgente de M. John Dupraz : Entreprise Petroconsultants : restructuration. ( )IU701

M. John Dupraz (R). J'ai deux interpellations urgentes à développer. La première concerne l'entreprise Petroconsultants à Perly. Dernièrement, nous avons appris dans la presse que cette entreprise, malgré des bénéfices substantiels l'an dernier, procédait à une drastique restructuration qui débouche, comme toujours, sur des licenciements.

A ce sujet, je demande au Conseil d'Etat combien de personnes ont été licenciées. Ces personnes bénéficient-elles d'un plan social établi par cette entreprise ? Le Conseil d'Etat estime-t-il que ce plan social est suffisant ? Quelles sont les possibilités de reclassement de ces personnes dans l'activité économique à Genève ? Que pense entreprendre le Conseil d'Etat pour ces personnes qui travaillaient dans un secteur professionnel assez pointu ? Voici ma dernière question : le Conseil d'Etat sait-il si cette entreprise poursuivra son activité ou si, dans un temps relativement proche, elle fermera ses portes et transférera entièrement ses activités à l'étranger ? 

IU 702
5. Interpellation urgente de M. John Dupraz : libéralisation du marché de l'électricité. ( )IU702

M. John Dupraz (R). Vous savez que le Conseil fédéral vient de présenter aux Chambres le message concernant la libéralisation du marché de l'électricité. Pour faire face à cette échéance, les groupements d'entreprises électriques de Suisse romande s'associent. On a lu dans la presse que, prochainement, les SI de la Ville de Lausanne rejoindraient aussi les entreprises de Neuchâtel, Fribourg et Vaud.

Or quid des SIG ? Pensent-ils se rapprocher de l'EDF ? On n'entend pas parler d'eux. Estiment-ils être assez forts pour affronter tout seuls la libéralisation du marché de l'électricité ?  

IU 703
6. Interpellation urgente de M. Pierre Vanek : Interdiction de la diffusion d'un tract sur la voie publique. ( )IU703

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, je finirai mon intervention par trois questions au Conseil d'Etat, auquel s'adresse mon interpellation. Le sujet ? on pourrait le définir en reprenant une formule utilisée tout à l'heure par M. Halpérin : celle du «totalitarisme au petit pied». Il y a en effet une grave violation des libertés publiques dans notre cité.

Récemment, on a célébré le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. A cette occasion le Conseil d'Etat a publié une proclamation indiquant que les droits de l'homme sont l'affaire de tous : «gouvernants comme citoyens, militaires comme poètes». J'aimerais, malgré le fait que mon interpellation s'adresse au Conseil d'Etat dans son ensemble, que celui qui est gouvernant, citoyen, militaire, mais sans doute pas poète, prenne la peine de m'écouter.

Il s'agit de l'affaire de l'interdiction par le département de justice et police et par M. Ramseyer, de la diffusion d'un tract sur la voie publique, à l'occasion d'une manifestation convoquée dans le but de dire un certain nombre de choses à M. William Clinton, président des Etats-Unis. Cette manifestation a été convoquée par différentes organisations hautement subversives, comme celle dont fait partie votre serviteur, comme le parti socialiste, avec encore un certain nombre de syndicats et d'associations. Elle s'est déroulée de manière parfaitement pacifique.

A cette occasion, un certain nombre d'orateurs ont pu prendre la parole sur la voie publique. L'autorisation que nous avions demandée pour cette manifestation a été accordée. Elle était donc tolérée, comme l'a expliqué M. Lamprecht, et même autorisée. Mais, à la deuxième page du texte de ladite autorisation, nous avons pu prendre connaissance - et j'avoue humblement que cela m'avait échappé à la réception de la missive - de l'information qui suit. Je cite : «De plus, la diffusion du tract produit en annexe à votre demande du 9 juin 1999 est expressément interdite.»

Une voix. Hou ! Hou !

M. Pierre Vanek. C'est en effet un peu surréaliste, ou plutôt kafkaïen, du fait que l'on autorise une manifestation mais non le tract qui y appelle. Or on pourrait se dire qu'il s'agit d'un petit dérapage de M. Ramseyer - comme il en a l'habitude - et que ce n'est pas grave. Mais, sur le fond, c'est grave, car nous avons soumis ce tract avec la demande d'autorisation à la manifestation, non pas parce que nous étions obligés de le faire ni pour le soumettre à une quelconque censure préalable du Conseil d'Etat, mais simplement pour que les services de police concernés puissent voir de quoi il en retournait et par courtoisie à l'égard des fonctionnaires appelés à traiter notre demande d'autorisation.

Nous avons reçu cette autorisation comportant l'interdiction de diffuser le tract d'appel de la part de M. Christophe Friedrich, secrétaire adjoint. Cet acte est surréaliste ! Par exemple, dans la Déclaration des droits de l'homme ou même dans les règlements de notre République concernant l'exercice des libertés publiques, il est indiqué que la distribution ou la vente d'écrits ou d'autres supports d'expression de la liberté d'opinion ne sont pas soumises à autorisation. L'idée d'interdire est absolument saugrenue, quel que soit d'ailleurs le contenu de ce document.

Suite à des interventions de M. Christian Brunier - je crois qu'il n'est pas là - M. Ramseyer... (M. Brunier se manifeste.) Ah, je ne te voyais pas, excuse-moi ! ...a précisé sa pensée - sous sa propre signature cette fois - en indiquant, je cite : «A notre sens, le tract concerné est contraire aux dispositions des articles 173, 174 et 296 du code pénal suisse, raison pour laquelle l'organe étatique que nous présidons ne peut autoriser sa diffusion.»

La raison pour laquelle vous ne pouviez autoriser sa diffusion, Monsieur Ramseyer, est que vous n'aviez ni à l'autoriser ni à l'interdire, car la libre diffusion d'un tel écrit fait très clairement partie des libertés publiques. Les articles 173 et 174 concernent - si je ne m'abuse - l'atteinte à l'honneur et la calomnie; encore faut-il que les personnes visées - M. Clinton en a vu bien d'autres, je vous l'assure - portent plainte à cet égard...

Le président. Monsieur Vanek, je m'excuse de vous interrompre, mais il faut conclure !

M. Pierre Vanek. Je conclus. Outrage à un chef d'Etat étranger. Là encore il faudrait que l'Etat étranger mis en question se plaigne pour qu'il y ait matière à ce que la justice s'exerce. De toute manière, ces choses-là se font ultérieurement et il ne saurait y avoir de censure préalable.

J'aurais encore bien des choses à dire mais, suite à l'indication du président, j'en reste là et j'aimerais poser trois questions précises :

Premièrement - c'est grave, car il y va de nos libertés publiques et, en particulier, de la liberté d'expression et du droit de manifester - le Conseil d'Etat est-il prêt à reconnaître que son membre, M. Ramseyer, sur le fond et du point de vue des libertés...

Le président. Monsieur le député, je suis obligé de vous interrompre, vous avez largement dépassé votre temps de parole et vous êtes prié de conclure !

M. Pierre Vanek. Monsieur le président, j'ai trois questions à formuler... (Brouhaha.) et je vous demande de m'autoriser à le faire !

Le président. Nous vous écoutons, Monsieur Vanek. Formulez vos questions !

M. Pierre Vanek. Premièrement, j'aimerais savoir si le Conseil d'Etat est prêt à reconnaître que M. Ramseyer a commis une erreur grave du point de vue des libertés en interdisant la diffusion dudit tract.

- Deuxièmement, sur le plan légal, le Conseil d'Etat admet-il que cette interdiction est sans fondement ?

- Troisièmement, le Conseil d'Etat est-il prêt - pour se rattraper, en quelque sorte - à publier une déclaration adressée, non seulement au public, mais aussi aux agents de l'Etat, remettant les points sur les i en matière de libertés publiques, de liberté d'expression et de droit de manifester, etc. Cela me semble important. Je suis désolé d'avoir pris un peu plus de trois minutes de votre temps pour cette affaire.

Le président. Vous nous avez pris six minutes, Monsieur Vanek !

IU 704
7. Interpellation urgente de M. Georges Krebs : Ecole d'ingénieurs, décision urgente à prendre. HES, problèmes de crédit pour la recherche et le développement. ( )IU704

M. Georges Krebs (Ve). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Brunschwig Graf et concerne encore l'école d'ingénieurs.

Vous aviez - il y a deux séances - accepté la requête des étudiants en architecture, afin qu'ils puissent poursuivre la filière traditionnelle. Or à ce jour, aucune décision n'a été prise par la direction. Il semble qu'il y ait des difficultés administratives, alors qu'en réalité les professeurs et les élèves sont d'accord. Cela peut se résoudre très facilement, mais il semble qu'un blocage se soit formé au niveau de M. Thiébaut qui prétend que le Grand Conseil doit encore prendre une décision. Mais les élèves attendent et il faudrait que la décision soit prise très rapidement.

La deuxième partie de mon interpellation concerne aussi les HES. Il s'agit d'un cri d'alarme, un appel au secours. L'école n'a plus les moyens d'assurer sa mission, car il n'y a pas de crédits de recherche et de développement. Des crédits sont aussi nécessaires pour la recherche de partenaires. Il faut du sang neuf dans l'école mais aucun nouveau poste n'est prévu. Il ne convient pas seulement d'ouvrir de nouveaux postes, mais encore il faut de nouvelles personnes.

Une perte des filières se ressent, comme le refus d'étudiants. Je pense à la limitation du nombre des étudiants français qui font partie du Bassin genevois. Ils ont suivi une filière différente et ne remplissent peut-être pas toutes les conditions, mais d'autres cantons sont beaucoup plus compréhensifs à ce sujet.

Il convient de dire - et c'est nouveau - qu'il n'y a pas de divergences entre l'AGEEIT et la direction. Pour une fois, elles sont d'accord sur les propositions formulées. Il convient de donner à cette école les moyens d'assurer sa mission et de travailler avec des entreprises pour la recherche et le développement.

Que comptez-vous faire ? J'aurais souhaité que cette école figure au budget de cette année, mais cela semble compliqué. J'ai parlé avec le président de la commission des finances et je souhaite, en tout cas, que pour l'année prochaine des moyens substantiels soient prévus à cet effet.  

IU 705
8. Interpellation urgente de Mme Madeleine Bernasconi : Exigences de la maturité. ( )IU705

Mme Madeleine Bernasconi (R). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme la présidente du Conseil d'Etat et du département de l'instruction publique.

Lors d'une rencontre, ce matin, j'ai appris une situation un peu particulière d'une jeune femme qui, à l'obtention de sa maturité, voulait entreprendre des études pédagogiques ; l'institut étant supprimé, elle a donc suivi la filière universitaire.

Durant sa formation universitaire, des modifications sont survenues, ce qui a fait que, à la fin de ses études et à l'obtention de sa licence, elle n'a plus posé sa candidature, car elle n'entrait plus dans les nouvelles normes pour pouvoir présenter une candidature en tant qu'enseignante du primaire genevois.

Je sais que vous comptez engager des enseignants d'autres cantons, voire d'autres pays, ce qui me paraît souhaitable si on va dans un esprit d'ouverture, mais il me semble que cette situation mérite une attention particulière et qu'il conviendrait de donner une réponse positive à cette jeune femme qui a suivi un parcours apparemment normal.  

IU 706
9. Interpellation urgente de Mme Véronique Pürro : Avenir d'Artamis gérance d'immeubles. ( )IU706

Mme Véronique Pürro (S). Mon interpellation concerne l'avenir d'Artamis et s'adresse plus particulièrement à M. Laurent Moutinot, chargé du suivi du dossier.

Depuis trois ans, comme vous le savez, l'association Artamis occupe et gère, avec l'accord de l'Etat et de la Ville de Genève, huit bâtiments sur l'ancien site des SIG. Les deux cents membres de l'association Artamis ont transformé et aménagé ces bâtiments à leurs frais, afin de développer toute une série d'activités, culturelles et professionnelles, qui s'inscrivent dans une démarche globale et originale, basée notamment sur l'autogestion et la vie associative.

Or Mesdames et Messieurs les députés, actuellement, les membres d'Artamis sont inquiets. En effet, la négociation de prêt à usage se trouve suspendue, car l'Etat, selon mes informations, pose trois conditions qui, si elles s'avèrent exactes, mettent en péril le projet de l'association.

- Premièrement l'Etat souhaite récupérer deux bâtiments avec, pour objectif, d'y installer d'autres entreprises. Si cette condition devait être maintenue, Artamis perdrait ainsi un quart de sa surface de travail et quarante personnes se trouveraient en grave difficulté dans la poursuite de leurs activités.

- Deuxièmement, l'Etat demande une contribution annuelle à Artamis qui doublerait ainsi les charges actuelles de l'association et dépasserait les capacités financières de cette association.

- Troisièmement, l'Etat entend limiter l'occupation du site à deux ans, période non renouvelable, ce qui va au-delà de l'engagement pris par les membres d'Artamis de quitter le site dès l'entrée en vigueur des autorisations de construire du projet de plan localisé de quartier qui, pour mémoire, prévoit - pour les deux bâtiments que l'Etat souhaite récupérer - la construction de logements.

Face à cette situation voici mes questions :

Le Conseil d'Etat reconnaît-il, comme l'a révélé l'évaluation d'experts externes, l'intérêt social, culturel et économique du projet développé par Artamis et, si tel est le cas, le Conseil d'Etat est-il prêt à réaffirmer son soutien à cette association, à prendre en compte la globalité de son projet et, dans ce sens, à revoir les conditions précédemment énoncées, notamment en tenant compte des besoins et possibilités de l'association ?

En d'autres termes, le Conseil d'Etat est-il prêt à renoncer à substituer des emplois par d'autres emplois et, ainsi, à récupérer deux bâtiments avant la réalisation du PLQ adopté ?

Le Conseil d'Etat est-il d'accord de revoir à la baisse le montant de la contribution demandée et, enfin, le Conseil d'Etat peut-il renoncer à limiter dans le temps l'occupation du site, confirmant l'accord premier qui prévoit, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'Artamis libère les lieux dès la réalisation du PLQ ? Je vous remercie et attends avec impatience vos réponses.  

IU 707
10. Interpellation urgente de M. Christian Brunier : Problèmes au service du tuteur général. ( )IU707

M. Christian Brunier (S). J'ai deux petites interpellations. La première concerne Mme Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique.

Madame la présidente, depuis quelques mois, plusieurs interventions ont émané de l'Alternative au sujet du service du tuteur général. L'augmentation massive de la charge de travail, la multiplication des situations de stress, la désorganisation chronique de ce service, le manque de moyens et de ressources, un management défectueux sont les sources de cette grande gabegie.

Nous avons donc multiplié nos interventions pour déclencher une profonde réforme de ce service, pour dégager davantage de moyens et de ressources et pour obtenir une inspection des finances.

Le temps passe mais, malheureusement, les choses évoluent très lentement. L'inspection cantonale des finances a terminé son travail, mais son rapport reste pour le moment confidentiel. Les dix postes supplémentaires et indispensables ne sont toujours pas là, mais ceci nous en reparlerons demain, je pense. La directrice a démissionné. Le tuteur général est parti à la retraite anticipée, le chef du personnel est en arrêt maladie depuis quelques mois, un collaborateur de l'encadrement a été licencié brutalement. Soyons clairs, le désordre règne !

C'est pour cela que, le 17 juin dernier, le personnel a déclenché une grève. Dans ce contexte insupportable, voici quelques questions :

- Premièrement, quelle est la vision du Conseil d'Etat face à cette situation ?

- Deuxièmement, quand pourra-t-on obtenir le rapport de l'inspection cantonale des finances sur ce service ?

- Troisièmement, qui pourra obtenir ce rapport ICF qui devrait être, selon moi, un rapport public ?

- Quatrièmement, quel est le planning et le contenu de la mise en oeuvre de la réforme du service du tuteur général ?

- Cinquièmement, qui évaluera les points forts, mais aussi les points faibles de cette future réorganisation ?  

IU 708
11. Interpellation urgente de M. Christian Brunier : Interdiction de la distribution de tracts. ( )IU708

M. Christian Brunier (S). Ma deuxième interpellation complète celle de M. Vanek, ce qui fait que je serai très bref.

Bien entendu, cela concerne l'acte lamentable commis par le département de justice et police en interdisant un tract. Je rappelle juste que ce tract était un document tout à fait anodin. Toutes les personnes qui l'ont vu peuvent le confirmer. Il s'agissait d'un tract d'appel à la manifestation, comme on en a des dizaines par année à Genève. Bien entendu, ce tract contenait quelques critiques à l'égard du président américain, mais je peux vous promettre que ces critiques étaient bien «soft» par rapport aux calicots qui fleurissent, par exemple, devant la Maison Blanche.

De ce fait, Monsieur Ramseyer, interdire un tract qui n'appelle ni à la haine ni à la violence est un acte autoritaire et une décision d'une rare maladresse, même si vous nous avez déjà donné quelques habitudes en la matière. Cette interdiction est donc choquante, bête et contraire à la liberté d'expression.

Voici mes deux questions. L'une recoupe celles de M. Vanek. Il s'agit de savoir si le reste du gouvernement est solidaire avec cette décision autocratique.

Ma deuxième question s'ajoute à celles de M. Vanek. Quelle est la date de la dernière interdiction d'un tract à Genève ? Je pense que la dernière interdiction remonte bien à vingt ou trente ans, à une époque où la guerre froide régnait et où les esprits étaient chauds et maladroitement chauds.

IU 709
12. Interpellation urgente de M. Alberto Velasco : Artamis. ( )IU709

M. Alberto Velasco (S). Mon interpellation s'adresse à M. Ramseyer, suite à une interpellation qui vous a été faite dans ce Grand Conseil et à la demande des animateurs du site d'Artamis. Il semble que la police procède actuellement à des rondes, ce qui nous satisfait. Néanmoins, lorsque ces animateurs font appel à la police par le numéro 117 au sujet des agissements des dealers, il semble que celle-ci ne prête aucune attention à leurs demandes.

Etant donné qu'une collaboration entre les animateurs, les utilisateurs et la police est non seulement judicieuse, mais salutaire en matière de prévention et d'action contre ces dealers, pourriez-vous, Monsieur le président, intervenir en ce sens ?  

IU 710
13. Interpellation urgente de M. Roger Beer : Office des poursuites, manque de confidentialité aux guichets. ( )IU710

M. Roger Beer (R). J'ai trois interpellations, dont la première concerne l'office des poursuites et s'adresse à M. Gérard Ramseyer. Mais rassurez-vous, Monsieur le conseiller d'Etat, ma question ne concerne pas le problème des emplois temporaires qu'évoquera plus tard mon collègue et homonyme Charles Beer...

En fait, c'est en effectuant le parcours du parfait candidat radical au Conseil national que quelque chose m'a déplu à l'office des poursuites. En effet, dans notre parti, pour être candidat, il faut présenter de nombreux documents. Cela évite des désillusions ultérieures ! Il faut une attestation de l'administration fiscale - comme quoi vous avez payé vos impôts - un extrait de casier judiciaire, un certificat de bonne vie et moeurs et une attestation de l'office des poursuites.

Quand je me suis rendu au bureau de l'office des poursuites de la rue de l'Hôtel-de-Ville, je n'étais pas le seul et j'ai attendu un certain temps comme les autres. Pas autant toutefois que pour l'attestation fiscale, pour laquelle j'ai attendu une heure et demie !

Je n'ai pas eu trop de difficultés à obtenir mon attestation de l'office des poursuites et c'est à cette occasion que j'ai trouvé bizarre qu'autour des guichets, dans les locaux de l'office des poursuites, il n'y ait aucune possibilité de confidentialité au sujet des problèmes évoqués par les personnes présentes.

En effet, le guichet est ouvert et chacun peut largement entendre et participer aux problèmes de la personne qui s'y entretient. Cette situation peut être très embarrassante ! Je n'étais pas particulièrement embarrassé moi-même disons, mais...

Des voix. Ah !

M. Roger Beer. ...ne pourrait-on pas, Monsieur le conseiller d'Etat, prévoir, comme dans la plupart des guichets de banques aujourd'hui, une espèce de distance de sécurité qui permette au client de discuter avec le représentant de l'office des poursuites sans que toutes les personnes présentes autour de lui participent à son problème ?  

IU 711
14. Interpellation urgente de M. Roger Beer : Concerne M 995 : troisième heure de gymnastique. ( )IU711

M. Roger Beer (R). Mon interpellation urgente concerne Mme Martine Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique.

Vous vous souviendrez, Madame la présidente du Conseil d'Etat, que le Grand Conseil avait accepté la motion 995 en octobre 1996 concernant la troisième heure de gym à Genève. Je crois savoir que, malgré le vote d'encouragement du Grand Conseil, cette troisième heure de gym a beaucoup de peine à se concrétiser à Genève.

Récemment - comme motionnaire - j'ai été interpellé par l'Association genevoise des maîtres d'éducation physique représentant des professeurs de gym.

En fait, les maîtres d'éducation physique ont quelque inquiétude par rapport au projet de modification de l'article premier de l'ordonnance du Conseil fédéral concernant l'encouragement de la gymnastique et des sports, du 9 février 1999.

La modification proposée permettrait un peu trop facilement de légaliser la situation genevoise actuelle, donc sans troisième heure officielle de gymnastique. La modification proposée implique que «trois heures sont en général consacrées par semaine à l'éducation physique». Et c'est précisément ce «en général» qui fait peur aux maîtres de gym genevois.

A titre personnel et comme co-rédacteur de la motion 995, je partage le souci de ces professeurs de gym et je me permets de vous interpeller à ce sujet. Avez-vous déjà répondu à la consultation sur cette question ? Avez-vous consulté les professeurs de gym, les premiers intéressés et concernés par cette modification ? Le cas échéant, qu'entendez-vous répondre au Conseil fédéral ?  

IU 713
15. Interpellation urgente de M. Roger Beer : Quels prospectus sur les tables du bureau de l'office du chômage ? ( )IU713

M. Roger Beer (R). Mon interpellation concerne M. Carlo Lamprecht, chargé du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, et s'intitule : «Quels prospectus sur les tables du bureau de l'office du chômage ?».

L'autre jour, un chômeur qui envisageait de venir travailler en occupation temporaire dans un important service de la Ville m'a rapporté un fait troublant.

En effet, en se rendant au bureau du chômage, pour discuter avec son placeur, ce chômeur a été étonné de trouver un dépliant des éditions L'Eau Vive qui est, en fait, un éditeur diffusant des livres «jaillissant de vie»  ! Ce dépliant fait de la publicité pour des ouvrages tels que : «Prêts pour le Ciel», «Prêts à rencontrer Dieu», «La Guerre Sainte», «Vers une religion mondiale», «Vision du Ciel et de l'Enfer», etc. Je vous avoue que je partage l'étonnement de ce chômeur.

Comment se fait-il qu'un service officiel de l'Etat - de plus à un guichet public - présente des dépliants dont l'objectivité laisse à désirer ?

Pour moi, ce dépliant semble davantage correspondre à une secte et je ne trouve pas normal que ce genre de papiers soit disponible, tout particulièrement, à l'office du chômage. D'autant plus qu'il est aisé d'imaginer la situation difficile et précaire des personnes qui fréquentent le bureau du chômage. Ne seraient-elles pas des proies faciles pour différents mouvements sectaires ?

Ma question, Monsieur Lamprecht, est la suivante : Comment des dépliants visiblement peu appropriés peuvent-ils se retrouver sur le bureau d'un guichet public de l'office cantonal du chômage ?

Enfin, je précise que ce dépliant a été trouvé au 4, rue des Glacis-de-Rive, le vendredi 14 mai 1999.  

IU 712
16. Interpellation urgente de M. Régis de Battista : Cause tibétaine. Réception du dalaï-lama. ( )IU712

M. Régis de Battista (S). Cette interpellation urgente s'adresse au Conseil d'Etat dans son ensemble, mais particulièrement à la présidente. Il s'agit de la question du Tibet.

Cela fait quelque temps déjà que notre parlement a accepté une motion traitant de la cause tibétaine. Dans cette motion, il était clairement demandé que, lors du prochain passage du dalaï-lama et des représentants officiels du Tibet, ces derniers puissent être reçus officiellement par nos autorités. Après les paroles, les actes : le dalaï-lama arrivera à Genève au début du mois d'août.

Je demande au Conseil d'Etat s'il est possible d'organiser cette rencontre officielle pour le chef d'Etat d'un pays en exil. C'est une position politique extrêmement difficile mais qui est très importante pour ce peuple vivant cet exil. Comme vous pouvez le deviner, suite aux faits survenus à Genève lors de la visite des représentants chinois, les pressions chinoises sont de plus en plus fortes, surtout à cause de sa prochaine venue. Notre parlement devrait faire comprendre au parti unique qui représente actuellement le peuple chinois qu'en Suisse il existe une autre manière de travailler que celle des «dessous-de-table», tactique que les Chinois défendent de manière extrêmement virulente.

Par rapport à Mme Ruth Dreifuss, conseillère fédérale, je trouve qu'une personne comme elle a besoin de l'aide des parlements cantonaux, afin qu'ils défendent en province une politique crédible de paix. Notre parlement ne peut que défendre cette idée générale en recevant officiellement le dalaï-lama et le gouvernement tibétain dans son ensemble.  

Le président. Il sera donné réponse aux interpellations urgentes à la séance de demain à 17 h.

Conformément aux décisions que nous avons prises par rapport à l'ordre du jour et à la convocation que vous avez reçue, nous passons au point 28 de l'ordre du jour.

IN 113
17. a) Initiative : «Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices». ( )IN113
IN 113-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la recevabilité de l'initiative : «Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices». ( -)IN113

Lancement d'une initiative

Le Comité d'initiative pour un contribution de solidarité… a lancé l'initiative populaire intitulée « Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices », qui a abouti.

Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le

17 mai 1999

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le

17 août 1999

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le

17 février 2000

4.

Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le

17 novembre 2000

5

En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le

17 novembre 2001

Initiative populaire« Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices »

Les soussignées et les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui demande au Grand Conseil d'adopter une loi ou des lois imposant plus fortement les gros bénéfices et les grandes fortunes sur le plan fiscal, conformément aux objectifs et critères définis ci-après :

Afin de favoriser le redressement des finances cantonales à concurrence de 250 millions par année, tout en mettant à contribution d'une manière plus équitable les contribuables réalisant de gros bénéfices et d'importants gains de fortune, le Grand Conseil adopte le plus rapidement possible et le cas échéant de manière séparée des dispositions légales :

   Impôt maximum Impôt total

 Tranches de fortune Taux de la tranche additionnel de la tranche additionnel maximum

 F % F F

1 à 1 500 000 0 0

1 500 001 à 3 000 000 5,0 7 500 7 500

3 000 001 à 5 000 000 5,5 11 000 18 500

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 12 mai 1999, publié dans la Feuille d'avis officielle du 17 mai 1999. Dès cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation, qui doit intervenir dans un délai de trois mois suivant la constatation de l'aboutissement de l'initiative, conformément à l'article 119A de la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01). En l'espèce, ce délai arrive à échéance le 17 août 1999 ; cependant, eu égard au calendrier de ses séances et à la pause estivale, le Grand Conseil devra traiter cet objet lors de sa session des 24 et 25 juin 1999. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. La validité de l'initiative

Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative « Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices » (IN 113) ne pose pas de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de l'analyse qui suit.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe, dont le contenu relève du droit fédéral, postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il peut être répondu par « oui » ou par « non ».

En principe, l'exigence de l'unité de la matière est plus souple s'agissant d'un projet rédigé en termes généraux dans la mesure où il doit être ensuite concrétisé par le législateur. Ce dernier pourra en effet corriger les imperfections de l'initiative dans la procédure d'adoption de la loi.

Intitulée « Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices», l'initiative 113 repose sur les volontés de « favoriser le redressement des finances cantonales » et de promouvoir une plus grande équité fiscale, et ce par le seul moyen d'une augmentation de la pression fiscale sur une partie des contribuables, à savoir les personnes morales qui réalisent des bénéfices supérieurs à 1 00 000 F et les personnes physiques dont la fortune excède 1 500 000 F, respectivement pour les parts excédant ces sommes de 1 000 000 F et 1 500 000 F, étant précisé que cette augmentation de l'imposition des personnes morales « est maintenue tant que le taux de chômage dans le canton est supérieur à 2 % »" et fait l'objet d'une perception de centimes additionnels cantonaux et communaux et que celle se rapportant aux personnes physiques visées est « limitée à 5 ans » et non soumise à la perception des centimes additionnels, cantonaux ou communaux.

Ainsi, la lecture de l'initiative 113 révèle que celle-ci poursuit a priori deux objectifs distincts, l'amélioration des finances cantonales et une plus grande équité fiscale, ce qui impliquerait la nécessité d'examiner si la présence des deux objets dans la même initiative est admissible au regard du principe de l'unité de la matière.

Il apparaît cependant que cette dualité d'objectifs n'en est pas réellement une, dès lors que l'amélioration des finances cantonales n'est qu'un effet-reflexe obligatoire découlant d'une augmentation de la taxation, fut-elle limitée, comme en l'espèce, à une partie des contribuables, et que, dans le présent cas, le seul moyen proposé pour atteindre cet objectif, alors qu'il en existe de nombreux autres possibles, se confond intégralement avec le but recherché en matière de justice fiscale.

Il peut en conséquence être retenu que l'initiative 113 satisfait au principe de l'unité de la matière.

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (article 66, alinéa 1, de la Constitution genevoise) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative non formulée et rédigée comme telle, au sens de l'article 65 de la Constitution genevoise, l'unité de la forme est respectée.

3. Unité du genre

L'unité du genre, ou unité normative (article 66, alinéa 1, de la Constitution genevoise), exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.

Dans le présent cas, l'unité du genre est respectée, puisque l'initiative dont il est question est conçue en termes généraux et qu'il appartiendra au Grand Conseil d'en concrétiser, le cas échéant, la teneur par une ou des lois ou par une norme constitutionnelle.

II. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit

Selon ce principe, une initiative cantonale doit avoir un contenu conforme au droit supérieur, c'est à dire compatible avec l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international. Une initiative ne peut cependant être invalidée sous ce rapport que si elle ne se prête à aucune interprétation compatible avec le droit supérieur.

En principe, il ne suffit pas que l'objectif poursuivi par l'initiative soit conforme au droit supérieur, il faut encore que les moyens proposés pour atteindre cet objectif ne soient pas contraire à ce droit. S'agissant d'une initiative rédigée en termes généraux, il faut prendre en considération la latitude d'appréciation dont dispose le législateur lors de la concrétisation ultérieure du texte. Il appartient alors au législateur de choisir parmi les solutions possibles pour atteindre les objectifs fixés par les initiants celles qui sont conformes au droit fédéral.

En outre, l'initiative doit être interprétée de manière conforme à la Constitution fédérale. L'initiative ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation.

En matière fiscale, s'agissant du barème de l'imposition, se pose la question de la garantie de la propriété, posée tant par l'article premier du protocole No 1 à la Convention européenne des droits de l'homme (non ratifié par la Suisse) que par l'article 22 ter de la Constitution fédérale : cette garantie prohibe l'imposition confiscatoire, soit celle qui équivaut à une expropriation de fait ou qui est constitutive d'une atteinte à la substance même du droit de propriété (voir JdT 1981 I p. 554).

En Suisse, le Tribunal fédéral a déclaré que le caractère confiscatoire de l'imposition ne dépendait pas uniquement d'un certain taux fixé à l'avance, mais devait pouvoir se déterminer de cas en cas. Le taux, la charge fiscale, la durée de l'imposition, l'intensité relative de la charge fiscale, le cumul des diverses contributions, ainsi que la possibilité de transférer l'impôt, sont à prendre en considération pour déterminer le caractère confiscatoire de l'imposition en cause (voir notamment Arrêt du TF du 31.03.89 non publié, Müller contre Administration fiscale genevoise). Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que le fait d'imposer à 55 % au total (taxe de succession et impôt sur le revenu) une rente viagère destinée à une personne de condition modeste avait un caractère confiscatoire (voir Archive 56 p. 439 et ss).

Il convient par ailleurs de relever qu'il n'y a pas d'impôt fédéral sur la fortune et que les cantons sont compétents pour fixer les taux des impôts qu'ils sont légitimés, dans les limites du droit fédéral, à instaurer sur leur territoire, tels les impôts directs sur le revenu et la fortune.

Dans le présent cas, l'initiative 113 prévoit d'augmenter l'imposition des bénéfices des personnes morales excédant 1 000 000 F « selon un taux progressif supérieur au taux fixe de 10 % (prévu par le Grand Conseil à l'art. 20 de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (D 3 15) et pouvant atteindre un taux allant jusqu'à 14 % », centimes additionnels cantonaux et communaux non compris, et d'augmenter, pour une durée de cinq ans, l'impôt sur la part de la fortune dépassant 1 500 000 F, en appliquant un taux d'imposition des tranches de fortune de 1 500 001 F à 3 000 000 F, de 3 000 001 F à 5 000 000 F et de plus de 5 000 000 F de, respectivement, 5%o, 5,5%o et 6%o , aucun centime additionnel n'étant perçu sur cette augmentation.

Ainsi que cela a été examiné ci-avant, le taux de l'impôt n'est en soi pas de nature à être confiscatoire, ce caractère dépendant des circonstances concrètes de chaque cas particulier. De plus, les cantons sont légitimés par le droit fédéral à instaurer des impôts directs sur le revenu et la fortune et la fixation des taux de ces impôts est de leur compétence.

Dès lors, l'augmentation de la pression fiscale sur une partie des contribuables proposée par l'initiative 113 n'est pas contraire au droit supérieur.

B. La prise en considération de l'initiative

Le Conseil d'Etat communiquera sa position à votre Conseil lors du débat d'entrée en matière.

Préconsultation

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat a déposé, en date du 9 juin dernier, son rapport quant à la validité et la prise en considération de l'initiative 113.

Comme il est d'usage, le Conseil d'Etat, compte tenu des nouvelles procédures adoptées en matière de traitement des initiatives, profite du dépôt du rapport sur la validité pour donner sa position de principe sur le fond, puisque, ensuite, l'initiative passe directement de la commission chargée d'examiner sa validité à la commission chargée de statuer sur le fond. Compte tenu des délais relativement courts, qui exigeaient que ce Grand Conseil traite de l'initiative aujourd'hui au plus tard, le Conseil d'Etat vous annonçait, dans son rapport du 9 juin, qu'il prendrait position sur le fond lors du débat d'entrée en matière.

C'est donc au nom du Conseil d'Etat que je vous livre les réflexions qui suivent sur le fond de cette initiative.

Tout d'abord, je rappelle un élément important, à savoir que cette initiative porte sur deux points.

Le premier touche à l'imposition des bénéfices des personnes morales pour des résultats supérieurs à un million de francs, en passant d'un taux fixe de 10% à un taux progressif pouvant aller jusqu'à 14% - l'initiative ne précise pas les paliers de façon tout à fait exacte. Cette proposition est d'ailleurs limitée dans le temps, puisque la contribution prévue dépend du niveau du taux de chômage : dès qu'il dépasse 2%, ce qui est largement le cas à l'heure actuelle, elle devrait donc être appliquée.

En second lieu, et pour une période limitée à cinq ans, l'initiative prévoit une imposition des personnes physiques dont la fortune est supérieure à 1,5 million, en appliquant un barème progressif, soulignant qu'il s'agit d'un «impôt de crise» - pour reprendre les termes de l'initiative.

Le Conseil d'Etat entend dire, s'agissant particulièrement de la santé de l'économie de ce canton et de ses entreprises, qu'il n'est pas possible d'imaginer que l'imposition des entreprises, telle qu'elle est prévue par l'initiative, puisse se faire sans dégâts pour l'économie de notre canton, précisément. En effet, la proposition qui est contenue dans l'initiative touche environ deux cent cinquante entreprises, sur les dix-huit mille du canton. Bien entendu, ce sont les plus grandes pourvoyeuses d'emploi. L'initiative prévoit des taux qui peuvent ascender à 14%, ce qui, certes, produirait des recettes pour un montant de 84,5 millions de francs, au total, selon les calculs et les prévisions, mais cette mesure entraînerait également une hausse de la charge fiscale au titre de l'impôt sur les bénéfices de l'ordre de plus 40%, pour certaines de ces entreprises.

Le Conseil d'Etat tient donc à souligner le paradoxe qui consiste à prélever des charges fiscales supplémentaires auprès de certaines entreprises, lorsque le chômage est supérieur à 2%, alors que ces mesures pourraient précisément les pousser à délocaliser leur siège économique et fiscal - et ce sont en général ces grosses entreprises qui en ont la possibilité. Le Conseil d'Etat estime donc qu'il faut refuser cette initiative qui pourrait mettre en danger l'économie du canton.

Par ailleurs, j'ajoute, pour celles et ceux qui se soucient de l'état des finances publiques, que ces mesures, qu'elles touchent l'impôt sur les personnes physique ou l'impôt sur les personnes morales, aboutissent elles aussi à un paradoxe : puisqu'il s'agit de mesures temporaires, elles ne résolvent en rien le problème de fond; par contre, l'abandon de ces mesures provoquerait un déséquilibre qui entraînerait probablement d'autres mesures encore plus douloureuses pour le budget de l'Etat de Genève.

IN 113

Cette initiative est renvoyée à la commission législative.

IN 113-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport. 

IN 110-C
18. Rapport de la commission ad hoc des jeux chargée d'étudier la recevabilité de l'initiative : Pour la suppression partielle du droit des pauvres. ( -) IN110
Mémorial 1998 : Page, 2336. Rapport du Conseil d'Etat, 2336. Pris acte, 2346.
Renvoi en commission, 2346. Rapport, 6146.
Recevabilité, 6148. Renvoi en commission, 6148.
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission ad hoc des jeux

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le

16 février 1998

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le

16 mai 1998

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le

16 novembre 1998

4.

Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le

16 août 1999

5.

En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le

16 août 2000

Sous la présidence de Mme Reusse-Decrey, la Commission des jeux chargée d'examiner l'initiative « Pour la suppression partielle du droit des pauvres », s'est réunie à 8 reprises, soit le 23 novembre 1998, les 4, 11 et 15 janvier 1999, les 1er et 8 février 1999, le 1er mars 1999 et le 19 avril 1999.

Introduction

Il est rappelé qu'en date du 22 septembre 1998, la Commission législative a examiné la validité de l'initiative populaire 110 et l'a déclarée recevable, (voir le rapport IN 110-B).

Le Grand Conseil a suivi la Commission législative. En conséquence, une commission ad hoc des jeux a été chargée d'en étudier le fond. Il convient de rappeler que cette Commission des jeux avait déjà été saisie d'un projet de loi 7467, traitant de la même problématique. Le rapport concernant ce projet de loi figure au mémorial N° 53 du 7 novembre 1997.

A l'occasion de ce projet de loi, de nombreuses auditions avaient eu lieu et la Commission des jeux n'entend pas procéder à un double travail.

Il est rappelé la position de différents groupes face au problème récurant du droit des pauvres. Une partie du milieu culturel, en raison de la situation financière précaire des subventions culturelles, accepte de maintenir le droit des pauvres dont une autre commission rappelle qu'en 1979 déjà, il avait été question de changer son appellation.

La commission doit aussi se déterminer sur la nécessité ou non de proposer un contreprojet à l'initiative. D'autres commissaires mentionnent que le droit des pauvres doit être supprimé.

Trois questions paraissent devoir trouver une réponse, afin que la commission puisse prendre une décision en toute objectivité. Il s'agit de savoir qui s'acquitte du droit des pauvres, quels sont les critères d'attribution de la taxe et comment s'organise la perception.

Il est rappelé que 70 % du droit des pauvres est octroyé à l'Hospice Général, le reste revenant au DASS pour sa politique sociale, et qu'il existe à ce propos un organe de répartition.

Dès la première séance, il est suggéré d'auditionner le comité d'initiative, diverses organisations de spectacles et les représentants des deux départements concernés, à savoir DJPT et DASS.

Auditions

Le 4 janvier 1999, la commission procède à l'audition de M. Michael Drieberg, organisateur d'événements artistiques. Ce dernier rappelle que la profession traverse de graves difficultés financières. Par exemple, pour 80 concerts mis sur pied chaque année il y a 10 ans, seuls 20 sont actuellement organisés. En effet, les vedettes coûtent de plus en plus cher. Seuls les festivals (Montreux, Paléo) ou des villes importantes peuvent encore les attirer. Le promoteur explique qu'il n'est bientôt plus possible d'organiser des spectacles, dans la mesure où une succession de taxes étrangle les organisateurs. Par exemple, il n'est pas possible de récupérer la TVA, puisque les billets ne sont pas soumis à cette taxe.

M. Drieberg souhaite que les députés comprennent bien l'enjeu financier que représentent certaines productions. Le budget du « Fantôme de l'Opéra » s'élevait à 1 300 000 F. Seule la baisse du dollar lui a permis de rentrer dans ses frais ! Pour lui, cette situation est imputable non pas au taux de remplissage, exceptionnel à Genève, mais bien aux taxes à payer. L'organisateur de spectacles convient toutefois qu'à Lausanne, l'on doit également s'acquitter d'une taxe sur les spectacles.

L'organisateur, en réponse à une question, précise que la suppression de la taxe devrait se répercuter sur le prix des billets, car ce dernier n'est pas fixé dans le but de gagner de l'argent. Il s'agit de vendre des entrées au prix le plus bas autorisé, dans la mesure où cet élément a un fort pouvoir d'attraction sur les spectateurs. Les retombées sont ailleurs : sponsoring, vente de boissons, etc.

Le 11 janvier 1999, la Commission des jeux auditionne M. Alain Vaissade, conseiller administratif chargé des affaires culturelles de la Ville de Genève, accompagné de M. Pierre Roehrich, directeur dudit département. Le conseiller administratif souhaite apporter quelques éléments de réflexion à la problématique du droit des pauvres.

La position de son département est simple. La Ville s'acquitte par ricochet de plusieurs millions de francs chaque année, au titre du droit des pauvres. Une partie des recettes prélevées par ce biais est affectée à certaines institutions, l'Hospice Général notamment. Plusieurs millions de francs sont aussi redistribués à diverses institutions d'actions sociales. Le droit des pauvres représente une ponction importante qui diminue les recettes des institutions culturelles concernées. Celles-ci se retournent alors vers la Ville pour qu'elle augmente son taux d'effort en matière de subventionnement.

Pour le magistrat, la grande problématique à résoudre a trait à la redistribution des compétences et des moyens destinés à l'accomplissement des tâches de service public.

Un commissaire lui demande si le maintien d'un droit des pauvres est véritablement de nature à handicaper le développement du volet culturel. Le magistrat reconnaît que le droit des pauvres ne représente que quelques francs par place de spectacle. Par contre, il représente plusieurs millions sur la totalité du budget culturel. Le directeur des affaires culturelles, pour sa part, reconnaît que le rôle joué par le droit des pauvres dans la formation du prix des spectacles, semble difficile à distinguer. Il lui paraît douteux que le droit des pauvres constitue réellement un obstacle à la fréquentation des spectacles et autres manifestations.

Pour sa part, le magistrat est plutôt opposé à l'instauration d'une taxe sur la culture. Il lui paraît préférable de taxer ce qui est nuisible au fonctionnement de la société. Le magistrat estime qu'il appartient à la commission de se prononcer sur l'éventuelle idée d'un contreprojet.

Le 11 janvier 1999, la commission auditionne le comité d'initiative pour la suppression partielle du droit des pauvres, représenté par M. Pierre Kunz, président, M. Jean-Marie Revaz, vice-président d'Orgexpo et de Palexpo, M. Willy Wachtl, président du Groupement des cinémas genevois, M. Michael Drieberg, organisateur de spectacles, M. Daniel Perroud, organisateur de manifestations sportives, Mme Nicole Condurey, représentante de l'Association des cafés-concerts, cabarets, dancings et discothèques, M. Jean-Luc Vincent, directeur du Salon des inventeurs, M. Fernand Moennat, représentant la corporation des forains et M. Raymond Walther, président de l'Association genevoise des sports.

M. Pierre Kunz indique que le conseiller administratif Haediger soutient l'action du comité. M. Revaz, après avoir brossé un bref historique du droit des pauvres, mentionné quelques chiffres y relatifs, notamment qui ne représentent que 0,75% des recettes de l'Etat, juge que la loi actuelle est manifestement inadaptée à la situation de la société contemporaine. Plutôt que de l'examiner dans le contexte des difficultés budgétaires présentes, il convient d'analyser l'avenir du droit des pauvres par rapport aux conditions-cadres de l'économie, à la capacité concurrentielle de Genève, à l'équité fiscale et à la cohérence de la politique de subventionnement des institutions caritatives, culturelles et sportives.

Il rappelle que l'initiative 110 demande la suppression pure et simple du droit des pauvres sur toutes les activités autres que les loteries, les tombolas et les jeux d'argent divers, ainsi que la suppression de ce droit sur les tombolas et loteries lorsque celles-ci sont organisées au profit d'associations caritatives, culturelles ou sportives sans but lucratif, étant toutefois précisé que l'initiative n'empêche nullement la recherche de ressources compensatoires. Il s'agit en l'occurrence de corriger les disparités intercantonales.

Au cours de diverses interventions ponctuelles, il est rappelé que les cinémas se sont engagés à baisser leur prix dès que le droit des pauvres sera aboli. La représentante de l'Association des cafés-concerts, cabarets, dancings et discothèques, se plaint que les établissements mentionnés sont soumis doublement à cette taxe, par le biais des entrées d'une part, par le biais des boissons d'autre part, une contribution forfaitaire étant prélevée à l'avance sur la consommation de boissons. Il convient par ailleurs de savoir que le droit des pauvres constitue l'une des 28 taxes dont doivent s'acquitter les établissements mentionnés. De même, M. Moennat rappelle que les forains doivent s'acquitter du droit des pauvres avant même de faire tourner leurs carrousels, ce qui entraîne une concurrence accrue de la part des forains alémaniques qui ne connaissent pas ce type de taxe chez eux.

Le président du comité d'initiative s'interroge : à supposer qu'il faille décider aujourd'hui de lever une nouvelle taxe pour financer les activités de l'Hospice Général, qui aurait l'idée saugrenue, en cette fin de XXe siècle, de taxer la culture, les spectacles, les foires commerciales, le sport et les manifestations caritatives ? Personne bien sûr ; c'est, pour lui, la preuve la plus évidente que cette taxe, appelée d'une manière trompeuse droit des pauvres, est un impôt anachronique, discriminatoire et injuste, qui doit être supprimé.

Le 25 janvier 1999, la commission auditionne M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Après avoir remis à la commission un point de situation relatif à la problématique du droit des pauvres soulevée par l'initiative 110, il rappelle que le Conseil d'Etat a proposé dans son rapport au Grand Conseil du 23 avril 1998, de rejeter l'initiative 110 et de lui opposer un contreprojet. La récente publication, le 30 décembre 1998, de la loi fédérale sur les jeux de hasard et des maisons de jeux, est venue confirmer les craintes manifestées par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil lors du rejet du projet de loi 7467. L'impôt sur les maisons de jeux ira exclusivement dans les caisses de l'AVS. Il serait donc vain de penser qu'il sera possible de prouver, après avoir supprimé le droit des pauvres, une compensation au niveau des casinos.

Le Conseil d'Etat n'entend pas modifier sa politique en matière de droit des pauvres, compte tenu des circonstances économiques actuelles. D'ailleurs, treize cantons perçoivent, directement ou par délégation aux communes, une taxe analogue au droit des pauvres. Plusieurs pays européens connaissent également une taxe sur les spectacles, comparable à la taxe du droit des pauvres. On ne peut donc pas prétendre que cette taxe constitue un anachronisme.

Pour le conseiller d'Etat, il convient d'opposer un contreprojet visant à maintenir le droit des pauvres à l'initiative 110. Ce contreprojet devrait comprendre les propositions suivantes :

Il faudrait abaisser le taux ordinaire de 13 à 10 % pour les entreprises de spectacles et les organisateurs ponctuels. Cette réduction de 3 % profiterait aux assujettis ordinaires et correspondrait au taux réel net de la TVA frappant les grands salons et les expositions nationales.

Il faut maintenir le taux de 10 % sur les loteries nationales.

Il faudrait abaisser le taux de 10 à 5 % pour les sociétés locales à but non lucratif.

Il faut exonérer totalement les spectacles, manifestations, fêtes, loteries et tombolas, dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance.

Il faut supprimer la taxe de 0,25 ct sur les billets de faveur gratuits.

Il faut réduire la taxe forfaitaire et supprimer la taxe sur les appareils de reproduction de sons et d'images, dans les cafés-restaurants et dans les établissements assimilés.

Il faut augmenter le taux de 13 à 20 % sur les machines à sous, mais il convient d'examiner soigneusement les dispositions de la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux.

Le conseiller d'Etat rappelle certains chiffres. En 1998, le produit de la taxe du droit des pauvres s'est élevé à 20,493 millions de francs. La répartition a porté sur 19,4 millions de francs, soit 13,6 millions pour l'Hospice Général et 5,8 millions pour l'Etat. Au niveau du droit des pauvres, il a été constaté en 1998 un très léger recul des recettes des cinémas et du football, un léger recul des loteries, un recul plus affirmé des jeux automatiques et du bowling. Cependant, d'une manière générale, le droit des pauvres a enregistré une augmentation de 338 000 francs par rapport à l'année précédente.

Une discussion s'engage entre les commissaires et les fonctionnaires du service du droit des pauvres, concernant la « paperasserie » exigée de certains organisateurs. Des réponses circonstanciées sont apportées. Au cours de la discussion il est rappelé, s'agissant des promesses de diminution de prix faites par les cinémas, qu'une situation analogue a été rencontrée dans l'initiative des taxis. Alors qu'ils avaient initialement promis des diminutions de tarif, une fois l'initiative acceptée, tous les taxis sont venus réclamer des augmentations.

Plusieurs commissaires souhaitent que le contreprojet soit transparent pour ce qui concerne l'affectation de la taxe sur le droit des pauvres. Les citoyens doivent avoir la conviction, sinon la certitude, que l'argent en question est alloué à ceux qui en ont réellement besoin. Pour ce faire, le Département de l'action sociale et de la santé fournira le détail de l'affectation des fonds.

Le 8 février 1999, la commission auditionne M. Guy Olivier Segond, conseiller d'Etat. Ce dernier souhaite préciser diverses questions relatives à la répartition et à l'utilisation des revenus provenant du droit des pauvres. Sur les 96 750 000 francs de subventions cantonales octroyées à l'Hospice Général en 1997, 13 450 832 francs proviennent du droit des pauvres et 83 299 168 francs des autres recettes ordinaires de l'Etat. Les comptes consolidés de l'Hospice Général montrent qu'en 1997 le droit des pauvres finance le 37,57 % des dépenses d'assistance publique, lesquelles s'élèvent à 37 812 781 francs.

La part du droit des pauvres attribuée à l'Etat de Genève s'est élevée à 5 764 642 francs en 1997. Les dépenses sont divisées en deux groupes sous la rubrique « Institutions privées » (rubrique 84.9900365) et « Versement au fonds » (rubrique 84.9900380). Les subventions octroyées à différentes institutions privées, d'un montant supérieur à 10 000 francs, sont accordées par le biais de projets de loi soumis au Grand Conseil. Les subventions accordées pour un montant inférieur à 10 000 francs à diverses institutions privées, figurent également sous cette rubrique. Elles sont accordées par un arrêté du Conseil d'Etat. Figurent également dans cette rubrique, des fonds d'aide en cas de catastrophes. Quant à la rubrique « Versement au fonds », elle représente la part non-utilisée du droit des pauvres qui s'est élevée à 339 642 francs en 1997.

Un commissaire constate que l'audition du magistrat montre bien que le droit des pauvres n'est pas une cassette secrète des magistrats et que la ventilation des versements est parfaitement transparente (voir annexe 2). Par ailleurs, le droit des pauvres joue à l'évidence un rôle important dans les ressources de l'Hospice Général consacrées à l'assistance publique.

Du coup, certains commissaires relèvent que parmi ceux qui s'opposent le plus fortement au droit des pauvres, se trouvent les organisateurs de manifestations sportives représentant 1,6 % du produit du droit des pauvres, les forains représentant 0,56 % du droit des pauvres, le football 1,56 % du droit des pauvres. Même les cinémas ne représentent que 16,33 % du produit du droit des pauvres.

Discussions

A la suite de la présentation - par M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat - des principes généraux qui devraient sous-tendre le contreprojet proposé à l'initiative 110, une discussion s'engage afin d'évaluer l'impact de ces propositions (voir annexe 1).

Un commissaire remarque qu'il convient de saisir la chance historique qui se présente par le biais de cette initiative pour élaborer un contreprojet afin de faire en sorte que le droit des pauvres ne soit plus ressenti comme une entrave. Les pistes esquissées par le Département de justice et police, paraissent être de bonnes pistes de travail. L'ensemble des commissaires observent que ces pistes sont intéressantes, même si certaines doivent être encore affinées.

Proposition N° 1 - abaissement du taux ordinaire de 13 à 10 % du droit des pauvres.

Il s'agit là de la pierre de touche de tout le contreprojet éventuel. Une majorité des commissaires acceptent d'entrer en matière.

Proposition N° 2 - maintien du taux de 10 % sur les loteries nationales

Il est rappelé que le projet de loi 7467 (élaboré par le député Pierre Kunz) proposait d'augmenter le taux applicable aux loteries. La Commission des jeux est favorable à la proposition du département qui vise à maintenir le taux actuel de 10 %.

Proposition N° 3 - abaissement du taux de 10 à 5 % pour les sociétés locales à but non lucratif

La majorité de la commission est favorable à cette proposition. Elle constate toutefois qu'il s'agira de définir de manière précise, les mots « but non lucratif » et « sociétés locales ». Il est en effet parfois difficile de savoir s'il y a véritablement ou non, but lucratif.

Proposition N° 4 - exonération totale des manifestations dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance

La commission estime qu'il faut veiller à ce que le produit net récolté en faveur d'oeuvres de bienfaisance, ne diffère pas trop du produit brut, mais elle est favorable à cette proposition.

Proposition N° 5 - suppression de la taxe de 0,25 ct sur les billets de faveur gratuits

La commission ne formule aucun commentaire à ce sujet.

Proposition N° 6 - réduction de la taxe forfaitaire et suppression de la taxe sur les appareils de reproduction de sons et de l'image

Il est rappelé que la taxe forfaitaire calculée sur la base de 10 à 13 % de la recette brute, s'applique aux forains, aux dancings, ainsi qu'aux cafés-restaurants proposant animations et musiques. Cette taxe forfaitaire fait l'objet d'un règlement. S'agissant des forains, elle est calculée en fonction des montants introduits dans les appareils. Quant aux dancings, la taxe forfaitaire est aujourd'hui basée sur le chiffre d'affaires. La commission est favorable à la réduction de cette taxe forfaitaire, car le contreprojet pourra voir des chances d'aboutir, soit atteindre le plus grand nombre de personnes, au moindre frais possible.

Une discussion s'engage pour savoir si, le cas échéant, la part du droit des pauvres provenant du domaine sportif, respectivement du domaine culturel, pourrait être rétrocédée à la formation de jeunes sportifs, respectivement de jeunes artistes. Cette interrogation pose un problème de principe : le droit des pauvres doit-il exclusivement revenir à des opérations réalisées en faveur des pauvres, de la santé publique ou du bien-être social, ou peut-il s'ouvrir à d'autres domaines ? Les commissaires constatent qu'ils doivent avant tout se déterminer sur le principe du contreprojet afin de l'opposer à une initiative qui apparaît excessive. Il convient donc de ne pas envisager de détourner le produit du droit des pauvres de sa finalité première. Pour certains commissaires, il ne faut pas oublier l'aspect symbolique du droit des pauvres qui milite en faveur du maintien de son appellation.

Proposition N° 7 - augmentation du taux de 13 à 20 % sur les machines à sous

Cette proposition mérite une analyse plus fine, une fois l'ordonnance fédérale édictée sur la base de la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux publiée. Il ne faut pas s'attendre, toutefois, à de grandes possibilités de recettes de ce côté, la Confédération entendant garder pour elle l'essentiel de la taxation des machines à sous et des casinos.

Conclusions et vote de la commission

Une majorité de la commission est favorable à l'idée d'un contreprojet, même si celui-ci ne peut être envisagé, à l'heure actuelle, que sur la base d'un certain nombre de principes. Il s'agit donc d'opposer un contreprojet à une initiative intitulée, à la limite de l'honnêteté, « Pour la suppression partielle du droit des pauvres » alors qu'elle vise en réalité, la suppression totale du droit des pauvres en caressant l'illusion d'une augmentation des recettes par le biais des casinos. Ce qui importe est de définir une nouvelle assiette du droit des pauvres qui ne soit pas significativement entamée, mais dont le nouveau découpage entraîne l'approbation d'une majorité.

Par un premier vote sur le principe d'un contreprojet, la commission se prononce par 8 oui (3 S, 2 AdG, 1 R, 2 DC) contre 0 et 3 abstentions (2 L, 1 R).

Proposition N° 1 - abaissement du taux ordinaire de 13 à 10 % du droit des pauvres.

La diminution de recette se monterait à 2 561 000 francs.

Vote : la proposition pour un abaissement raisonnable du taux ordinaire est acceptée par 8 oui (2 AdG, 1 DC, 1 R, 3 S, 1 Ve), avec 2 abstentions (1 L, 1 R).

Proposition N° 2 - maintien du taux de 10 % sur les loteries nationales

La proposition est acceptée par 8 oui (2 AdG, 1 DC, 1 R, 3 S, 1 Ve), avec 2 abstentions (1 L, 1 R).

Proposition N° 3 - abaissement du taux de 10 à 5 % pour les sociétés locales à but non lucratif

La plupart des commissaires estiment que c'est à ce niveau qu'il faut porter l'effort principal. Un commissaire suggère même la suppression totale, soit 0 %. L'administration explique qu'il s'agit de conserver le principe de la taxe puis de le moduler en trois volets, 10 %, 5 % et 0 %, de même, la distinction entre les sociétés à but non lucratif et le versement à une oeuvre caritative, qui implique un taux de 5 % dans un cas et de 0 % dans l'autre, est de nature historique, mais que le Conseil d'Etat est d'avis de la respecter.

Les sociétés sont dites locales lorsqu'elles sont installées à Genève, soit selon la loi, depuis plus de deux ans. Le but lucratif est déterminé par le code des obligations. Les statuts de la société fourniront également des indications pour savoir si telle société doit être véritablement cataloguée comme « sans but lucratif ». Il est précisé que les sociétés au bénéfice du taux réduit de 5 % ne sont pas nombreuses, soit une trentaine par an.

En 1958, le Conseil d'Etat a répondu à un député qui sollicitait l'exonération totale en faveur des sociétés charitables, en précisant qu'il ne pouvait exonérer de manière complète les sociétés locales, parce que « les personnes qui répondent à l'appel des organisateurs ne sont pas appelées exclusivement par le désir d'accomplir un acte de charité. Le prestige d'un conférencier, la qualité d'un spectacle ou d'un concert, joue un rôle non négligeable. »

Dans ces conditions, les commissaires constatent que le département devrait préciser davantage les diverses catégories qui bénéficieraient de la réduction envisagée sous le point 3. Il y a là source de confusion. Dans ces conditions, la commission, souhaitant que le contreprojet soit affiné, décide de ne pas voter sur ce point.

Proposition N° 4 - exonération totale des manifestations dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance

Une disposition du règlement prévoit qu'il faut que 50 % de la recette brute soit versée à l'organisation charitable pour bénéficier de la suppression du droit des pauvres. Pour l'administration du droit des pauvres, les situations doivent pratiquement être traitées toujours au cas par cas tant les situations peuvent être différentes. Même au cas où le versement serait très inférieur au 50 % de la recette brute, sans pour autant comporter des dépenses excessives, on pourrait accorder l'exonération totale, de même qu'aujourd'hui ces organisations peuvent bénéficier du taux réduit de 5 %.

Vote : 9 oui (3 AdG, 1 R, 1 DC, 3 S, 1 Ve) avec 2 abstentions (1 R, 1 L).

Proposition N° 5 - suppression de la taxe de 0,25 ct sur les billets de faveur gratuits

Il y a surtout un aspect symbolique non négligeable dans la problématique de cette proposition, mais il convient de dépoussiérer la loi. Le montant en jeu s'élève à 75 000 francs nets. Plusieurs commissaires se montrent plutôt favorables au maintien des 0,25 ct., voire pour l'un d'entre eux, de l'augmenter à 1 franc. Le directeur du service du droit des pauvres déclare alors que si l'on augmente cette taxe de 0,25 ct. à 1 franc, on risque de se mettre en porte-à-faux avec les grands organisateurs de salons qui distribuent de nombreux billets de faveur. Cette suggestion ne serait alors guère adéquate puisque Palexpo par exemple, s'acquitte déjà de la TVA en sus du droit des pauvres.

Vote : 8 oui (1 AdG, 1 L, 1 DC, 2 R, 2 S, 1 Ve) contre 2 non (2 AdG) et 1 abstention (1 S).

Proposition N° 6 - réduction de la taxe forfaitaire et suppression de la taxe sur les appareils de reproduction de sons et de l'image

Il est rappelé que le souci principal est de faire coller la loi à la pratique actuelle qui n'a de fait jamais appliqué le taux de 13 %. Il faut faire correspondre la loi à la réalité.

Vote : 10 oui (3 AdG, 1DC, 2 R, 3 S, 1 Ve) et 1 abstention (1 L).

Proposition N° 7 - augmentation du taux de 13 à 20 % sur les machines à sous

Il est rappelé que sur ce point, la commission ne peut se prononcer que sur le principe, dans l'attente des décisions fédérales. En effet, si la loi fédérale ne laisse aucune marge de manoeuvre pour prélever des recettes, l'ensemble de l'édifice sera fragilisé. Pour un commissaire, l'inconnue fédérale est quasiment levée. Si Genève souhaite obtenir un casino A, soit un casino de prestige, toute possibilité de percevoir une taxe de 13 % sur les machines à sous est perdue, puisque la Confédération prendrait tout. En revanche, si Genève acceptait de se contenter d'un casino B, faisant fi de tout amour-propre, la question serait différente. Toutefois, le département rappelle que le taux d'une taxe cantonale sur les machines à sous, dans l'hypothèse d'une concession de type B, dépendra de ce qui sera fixé en la matière par l'ordonnance d'exécution de la loi fédérale. Il convient de rappeler que l'on parle d'une fourchette allant jusqu'à 80 %. Un autre commissaire rapporte que les autorités fédérales n'envisagent pas de faire une distinction entre les machines à sous, ce qui ferait tomber tous ces appareils sous le coup de la loi fédérale, alors qu'à l'heure actuelle, les machines à sous du Grand Casino de Genève n'entrent pas dans cette problématique puisqu'elles sont encore considérées comme des jeux d'adresse et s'inscrivent, pour l'heure, dans la compétence résiduelle dont disposent les cantons.

La commission décide donc d'un vote de principe sur le maintien ou l'augmentation de la taxe sur les machines à sous.

Vote : 9 oui (3 AdG, 1 DC, 1 R, 3 S, 1 Ve) avec 2 abstentions (1 R, 1 L).

Vote final

Pour les motifs qui précèdent, la Commission des jeux vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, par 9 oui (3 AdG, 1 DC, 1 R, 3 S, 1 Ve) contre 2 non (1 R, 1 L), de rejeter l'initiative 110 « Pour la suppression partielle du droit des pauvres ».

Conformément aux dispositions légales, elle vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le principe d'un contreprojet du Conseil d'Etat opposé à l'initiative, contreprojet dont les principales lignes de force ont été définies ci-dessus, par 9 oui (3 AdG, 1 DC, 1 R, 3 S, 1 Ve) avec 2 abstentions (1 R, 1 L).

Le Grand Conseil doit se décider d'ici au 16 août 1999. En cas d'opposition d'un contreprojet, ce dernier devra être adopté par le Grand Conseil, au plus tard le 16 août 2000.

C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter l'initiative 110 et à accepter le principe de l'opposition d'un contreprojet.

Annexes:

Proposition du Conseil d'Etat en vue de la rédaction d'un contreprojet à l'initiative populaire 110.

Lettre du 8 février 1999 de M. Guy Olivier Segond, relative au produit du droit des pauvres et à son utilisation.

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Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette fois-ci nous sommes appelés à prendre position sur le fond de l'initiative 110 et, ensuite, après l'acceptation ou le refus de l'initiative, sur le principe d'un contreprojet.

M. Albert Rodrik (S). L'attachement du groupe socialiste à la taxe du droit des pauvres n'est pas idolâtrie.

Il y a vingt ans déjà, une motion Damien Cristin demandait que l'on réfléchisse et sur l'appellation et sur la matière sur laquelle était perçue cette taxe. C'est dire que le débat d'aujourd'hui porte sur l'absolue nécessité du produit du droit des pauvres à la conduite de ce qui nous est le plus cher, c'est-à-dire la politique sociale du canton. Et aujourd'hui - non seulement aujourd'hui mais même en temps de prospérité, sans les difficultés que nous connaissons dans les finances du canton - le produit du droit des pauvres n'a jamais cessé d'être indispensable pour la conduite de cette politique sociale.

Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, il faut bien reconnaître que nous avons bien tardé à moderniser et à actualiser cette taxe. Mais ceci n'était pas sujet de malignité... C'est parce que nous n'avions guère de garantie qu'il ne se trouve des majorités de circonstance pour jeter le bébé avec l'eau du bain ! Mais aujourd'hui, cette initiative pernicieuse nous met devant l'ardente obligation de réformer si nous ne voulons pas tout perdre. Cette initiative est pernicieuse de par son intitulé, «suppression partielle», car elle n'a rien de partiel : elle est totale ! Et ça devient d'autant plus évident depuis que la Confédération a légiféré en matière de casinos...

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons donc l'obligation de saisir cette chance que nous donne, sans le vouloir, cette initiative pour moderniser et actualiser ce produit du droit des pauvres, pas seulement de façon superficielle et cosmétique mais intelligemment et en profondeur. Et de ce point de vue, comme M. Ramseyer n'a pas été à la fête cet après-midi, je me plais à dire que ses propositions à la commission constituent la bonne voie pour réformer cette taxe dont nous avons besoin. Que ce soit aussi le lieu de remercier ses principaux collaborateurs qui nous ont apporté une aide précieuse.

Mesdames et Messieurs les députés, le soir du 6 novembre 1997, le premier soir de cette législature, je disais dans ce débat que si nous ne saisissions pas l'occasion de procéder à cette modernisation, la prochaine offensive contre le droit des pauvres aurait une légitimité que n'a pas la présente offensive.

Nous voici donc au pied du mur... Nous devons faire de cette initiative pernicieuse, comme je l'ai dit, une chance et un tremplin pour préserver cette taxe à l'avenir en la modernisant. Je vous prie donc de suivre le rapport qui vous est soumis et d'opter pour le refus de cette initiative, en lui opposant un contreprojet selon les lignes de la proposition du département, proposition de réforme qui est sa substance et qui nous assure des lendemains. 

Mme Salika Wenger (AdG). La culture a bon dos... En effet, tous les organisateurs de concerts, de spectacles et autres manifestations culturelles, dans le sens large du terme, clament à l'unisson qu'il est inadmissible de taxer leurs activités; qu'elles sont une nécessité de la vie moderne et que le droit des pauvres est une taxe prohibitive et responsable de tous les maux qu'ils endurent. La culture est sacro-sainte : on ne peut pas y toucher ! D'ailleurs, personne ne gagne d'argent... Il ne s'agit plus, à les entendre, d'une activité lucrative, mais d'un sacerdoce !

Mais ces mêmes personnes nous expliquent aussi que ces manifestations sont souvent un support pour la vente de tee-shirts, de sodas, de disques, d'affiches et autres gadgets. Et là, nous sommes très loin des préoccupations d'accès à la culture et autres credo vides et hypocrites... Certains cantons, en effet, ne pratiquent pas le droit des pauvres, mais je n'ai jamais entendu dire que les places de théâtre ou de cinéma y soient notablement moins chères qu'à Genève. Durant ce moment de jubilation que nous apportent un bon spectacle, une exposition, un bon film, le fait de penser aux plus démunis est un acte noble. Le droit des pauvres est le symbole de la générosité genevoise, aussi ne doit-il pas disparaître. En nous efforçant d'atteindre l'inaccessible, nous rendrions le possible irréalisable.

C'est pourquoi il nous a semblé juste de soutenir le contreprojet du Conseil d'Etat, même si en l'état il ne nous satisfait pas totalement. 

M. Michel Balestra (L). L'initiative pour la suppression partielle du droit des pauvres vise à supprimer la taxe sur toutes les activités autres que les loteries et les tombolas et à exonérer les associations sans but lucratif qui organisent ces dernières manifestations.

Il s'agit d'un effort limité, qui pourrait être largement compensé par les retombées qu'entraînerait cette suppression. Mesdames et Messieurs les députés, cette taxe est désuète... Elle date d'une époque où l'idée était de soulager la misère des plus démunis en taxant ceux qui avaient les moyens de sortir s'amuser. Nous parlons aujourd'hui dans ce Conseil - et vous le reconnaîtrez - de passer du devoir d'assistance à un droit à un revenu. Nous l'avons réalisé avec le RMCAS; certains veulent aller encore plus loin. Nous n'en sommes pas, mais quand bien même nous resterions au point où nous sommes, reconnaissez que nous nous trouvons aujourd'hui bien au-delà de la philosophie de la taxe à laquelle la majorité de la commission a cru bon de rester attachée.

Les opposants peignent le diable sur la muraille. Or, il s'agit en fait d'un manque à taxer théorique de 12 millions seulement, sur un budget de plus de 5 milliards ! Pourquoi un manque à taxer théorique ? Parce que l'économie, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas statique. Elle est dynamique et d'autres revenus dus à l'amélioration de la fréquentation des spectacles et à l'amélioration du nombre d'expositions réalisées à Genève, compenseront largement ce manque à taxer théorique.

Mesdames et Messieurs les députés, en Suisse, les cantons l'ont bien compris. Seuls Genève, le Tessin, et Bâle-Ville jusqu'à il n'y a pas longtemps, conservaient ce type d'impôt. Bâle-Ville vient d'y renoncer à cause de, je cite, «son caractère anticulturel et anti-économique» et, lorsque Zurich a proposé de voter sa suppression, celle-ci a été approuvée à plus de 92% de oui... A l'appui de cette affirmation, je citerai le résultat d'une étude de la faculté des sciences économiques et sociales de l'université qui démontre qu'un seul acteur des manifestations, Palexpo, génère plus de 600 millions de retombées économiques par année, avec deux cents manifestations. Imaginons que nous passions à deux cent vingt manifestations, ce type d'activité pourrait générer 720 millions de retombées économiques pour Genève, avec 12 millions d'investissement seulement, en renonçant à une taxe obsolète.

Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, pour une affaire comme celle-ci, je signe ! Et encore, j'ai pris la liberté de ne me concentrer que sur un seul exemple.

Prenons-en tout de même un autre. Telecom est exonéré de la taxe, parce que son organisation est d'obédience internationale. C'est heureux pour Genève, car qui peut chiffrer la visibilité, l'avancée technologique et les retombées de cette exposition pour Genève ?

Mesdames et Messieurs les députés, depuis 1928, le droit des pauvres a fait l'objet, en plus de celui qui a été cité par mon excellent collègue Rodrik, de trente et un projets ou propositions de révisions, dont quasiment aucun n'a passé la rampe... Tout cela parce que la classe politique n'a jamais eu le courage d'y toucher ! Aujourd'hui, la population genevoise devrait pouvoir se prononcer rapidement.

Le groupe libéral, pour toutes ces raisons et d'autres encore dont je vous fais grâce, soutiendra cette initiative. Nous ne nous opposerons pas à l'idée d'un contreprojet si l'initiative, par impossible, ne trouvait pas de majorité, malgré l'intelligence de son objectif, devant ce Conseil. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, que l'idée de ce contreprojet ne soit pas employée comme mesure dilatoire ne visant qu'à retarder par trop l'échéance du vote. Ce ne serait pas correct, et nous le dénoncerions avec toute notre énergie. Si ce contreprojet est suffisamment ambitieux, nous le soutiendrons, mais en recommandant le double oui. 

M. Claude Blanc (PDC). Comme vous venez de le reconnaître, Monsieur Balestra, si à vingt-huit reprises les modifications fondamentales du droit des pauvres ont été refusées, soit par le parlement soit par le peuple, c'est que c'est une institution profondément ancrée dans les lois de la République qui veut que lorsqu'on s'amuse on doit penser à ceux qui ne le peuvent pas. Mais cela a beaucoup changé, je le reconnais...

Il n'est toutefois pas possible de s'en passer, parce que les recettes engendrées par cette taxe financent encore des tâches de l'Etat que nous ne pourrions pas assumer autrement. Bien sûr, nous pourrions les financer par l'impôt, mais tout le monde sait ce qu'on en fait et ce qu'on ferait si l'impôt diminuait... Je pense donc qu'il faut maintenir le principe du droit des pauvres, mais aussi le modifier.

Cette fois-ci, les partisans de l'abrogation du droit des pauvres ont eu une idée assez géniale, parce qu'en fait les vrais partisans de cette suppression sont les gros organisateurs de spectacles, ceux qui, par la force des choses, payent des sommes considérables au droit des pauvres. Mais ils ne sont pas nombreux, alors ils ont eu la riche idée d'aller à la pêche parmi la multitude des petits organisateurs de petites manifestations sportives, culturelles, etc. Ils ont donc été nombreux à signer l'initiative - je n'en sais même plus le nombre exact. Et je dois reconnaître que les services de M. Ramseyer ont eu l'idée géniale de désamorcer l'initiative en donnant partiellement satisfaction à la multitude des petits, de manière que ces gens-là, une fois satisfaits, retirent leur soutien à l'initiative, ce qui nous permettra de continuer à bénéficier des revenus du droit des pauvres, amoindris, mais tout de même nécessaires pour l'instant.

La commission des jeux l'a très bien compris, en donnant satisfaction à la multitude, ce qui est logique. En effet, beaucoup de gens organisent des spectacles en y laissant la peau des fesses - si vous me passez l'expression -alors, s'ils doivent encore payer le droit des pauvres, il leur reste moins que la peau, si vous voyez ce que je veux dire... (Remarques et rires.) L'idée utilisée pour désamorcer cette initiative est bonne, et nous soutiendrons, pour notre part, l'idée du contreprojet que nous demandons au Conseil d'Etat de bien vouloir mettre au point pour la rentrée. 

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Je vous rappelle, Monsieur Balestra, que l'étude en commission a fait grandement avancer le projet. Les reproches qu'on pouvait lui faire n'ont pas été balayés mais singulièrement édulcorés, grâce aux lignes directrices du contreprojet qui a été présenté par le département de justice et police et des transports.

En revanche, nous n'avons toujours pas eu de réponse de la part des initiants sur la manière de trouver les 18 millions qui manqueront pour financer les buts sociaux auxquels ils sont actuellement affectés, dont plus de 13 millions pour l'Hospice général, ce qu'on ne peut, malgré tout, pas écarter d'un revers de main, surtout de la part d'un parti qui défend l'orthodoxie financière.

En ce qui concerne les études faites par la faculté des sciences économiques et sociales, la mode veut montrer, en effet, que certaines institutions très lourdement subventionnées rapportent quand même... C'est ainsi qu'il y a quelques années on essayait de nous faire accroire que, même d'une manière nette, le Grand Théâtre qui coûte 40 millions rapportait financièrement, alors qu'en réalité il rapporte d'une autre manière, plus immatérielle. On a essayé de faire le même calcul avec l'université qui coûte 500 millions par an... Ce sont des comptes fantastiques, et je suis un peu étonné de vous voir vous lancer sur cette voie, Monsieur Balestra !

En revanche, vous avez parfaitement raison : il y a eu trente et un projets divers de révision. Eh bien, la majorité de la commission pense que le nouveau projet qui est présenté aujourd'hui - la commission s'est prononcée sur la piste principale que le département est désormais censé affiner - passera la rampe, et cela nous satisfait. 

M. Albert Rodrik (S). Comme je commence à être un militant de gauche qui date d'un certain nombre d'années, je me rends compte d'une chose : à force de nous reprocher pendant des années de raser gratis, la droite commence à s'en imprégner... Depuis quelques années, le leitmotiv est de «supprimer», «démanteler», «abaisser» pour «rendre au centuple». C'est une espèce de vision chimérique qui ferait que plus on taille, plus on réduit, plus il en tombe du ciel...

Eh bien, un certain M. Reagan a essayé, une certaine Mme Thatcher aussi, le «supply side economy», mais ce n'est pas venu. Cela n'a engendré qu'une multitude d'emplois précaires... Eh non, ça ne pousse pas ! Et nous sommes au regret que cette croyance naïve puisse encore être d'actualité. D'ailleurs, vous ne savez même pas ce que vous allez supprimer avec 12,5% d'impôts en moins : vous n'avez jamais été capables de le dire... «Supprimez, supprimez, supprimez, et il vous sera donné au centuple !» : c'est merveilleux, biblique, mais nous ne marcherons pas, non ! Si vous savez vraiment où trouver 12 millions de substitution, vous nous le dites, et nous vous dresserons une statue et nous vous tresserons des couronnes. Il faut arrêter... Cessez de dire que le droit des pauvres n'existe qu'à Genève : ailleurs, il est appelé autrement, c'est tout !

Deux cantons seulement l'ont maintenu, mais il est en vigueur dans une multitude de communes, ce qui revient strictement au même ! Il faut arrêter les chimères selon lesquelles les productions seront extraordinaires, alors que Genève ne fait que des «genevoiseries», et s'en tenir aux réalités... La réalité, c'est que nous avons besoin de ce droit des pauvres pour la politique sociale; que, jusqu'à preuve du contraire, vous ne savez pas où trouver les sommes correspondantes et que vous n'avez pas de baguette magique pour les faire apparaître ! 

M. Jean-François Courvoisier (S). Ecoutez, j'ai pu diriger pendant quinze ans un bureau de concerts - je faisais partie de ces petits organisateurs dont vous parliez tout à l'heure, Monsieur Blanc - mais je peux vous dire que ce ne sont pas les 13% du droit des pauvres qui ont grevé les budgets et que ce n'est pas le seul canton où il existe. Lorsque je donnais des concerts dans le canton de Vaud et dans le canton du Tessin une taxe communale était prélevée qui remplaçait largement le droit des pauvres. Et ce n'est pas la suppression de ce droit des pauvres qui va favoriser la culture : c'est tout autre chose... 

M. Gérard Ramseyer. Monsieur Rodrik, vous avez eu la gentillesse de signaler que je ne suis pas à la fête cet après-midi... Je ne pense pas avoir été particulièrement malmené, mais je me dis que mes nuits doivent être effectivement plus belles que vos jours ! Au théâtre, je constate souvent que le talent des meilleurs doit une part de son éclat à l'approximation des autres... Veuillez accepter cet hommage, Monsieur le député !

Il convient tout d'abord de rappeler que, dans son rapport au Grand Conseil du 23 avril 1998, sur la validité et la prise en considération de l'initiative 110, le Conseil d'Etat était arrivé à la conclusion que celle-ci était formellement et matériellement recevable. La commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 110 est arrivée à la même conclusion. Le dossier a ensuite été renvoyé à la commission ad hoc des jeux, qui a présenté, le 7 juin 99, un excellent rapport, dû à la non moins excellente plume de M. le député Lescaze... Cette commission arrive à la conclusion qu'il convient de rejeter l'initiative et de lui opposer un contreprojet dont les principaux points devraient faire l'objet d'un consensus.

Comme le Grand Conseil l'avait déjà fort bien compris en rejetant le projet de loi 7467 qui poursuivait, pour ainsi dire, le même but que l'initiative, il ne manquera pas, j'en suis persuadé, d'accepter la proposition de la commission ad hoc des jeux de rejeter l'initiative et de lui opposer un contreprojet.

Il ne faut pas oublier, Mesdames et Messieurs les députés, que l'idée des initiants - qui était d'ailleurs la même que celle des auteurs du projet de loi 7467 - de compenser la perte résultant de la suppression partielle du droit des pauvres par l'augmentation de la part revenant à l'Etat sur les produits des jeux d'argent est hélas devenue totalement irréaliste en raison de la loi fédérale sur les maisons de jeux, qui devrait normalement entrer en vigueur le 1er janvier 2000.

Il ne faut pas oublier non plus que l'acceptation de l'initiative 110 entraînerait un manque à gagner d'au moins 10 millions de francs, soit la moitié du produit de la taxe. Une telle conséquence n'est de toute évidence pas acceptable.

Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, il convient de saisir la chance, pour ainsi dire historique - vous l'avez dit les uns et les autres - qui se présente par le biais de cette initiative, pour lui opposer un contreprojet qui permettra, s'il est accepté, que le droit des pauvres ne soit plus ressenti comme une entrave et une institution poussiéreuse, mais, au contraire, comme une mesure équitable et moderne.

Il demeure que tous, je crois, nous partageons la volonté de faciliter l'industrie du spectacle à Genève, la gestion du sport, de la culture et du social en général. Monsieur le député Balestra, je dois une nouvelle fois m'inscrire en faux contre les allégations selon lesquelles des organisateurs de spectacles auraient quitté Genève en raison du seul droit des pauvres. Vous le savez, Monsieur le député, ce n'est pas vrai ! Ils reconnaissent volontiers payer plus à l'extérieur de Genève, mais par contre - et ce n'est pas l'objet de notre discussion - bénéficier d'installations beaucoup moins coûteuses et beaucoup plus performantes ailleurs... C'est en particulier le cas du canton de Bâle-Ville que vous avez évoqué.

Mesdames et Messieurs les députés, le contreprojet sera autant notre devoir que le vôtre. Tout est négociable en définitive, pour autant que les uns accordent respect et attention aux arguments des autres. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les propositions de la commission des jeux soient acceptées, poursuivant ainsi une volonté que ce département applique régulièrement depuis cent cinquante ans. 

M. Michel Balestra (L). Monsieur le conseiller d'Etat, vous dites que j'ai prétendu que des organisateurs de manifestations avaient quitté Genève en raison du droit des pauvres... Je le regrette, car je n'ai rien prétendu de tel ! Et le Mémorial en sera le témoin.

Mais puisque vous avez évoqué un exemple précis, je vous rappellerai tout de même que le problème principal du droit des pauvres est que c'est une taxe sur la recette brute. Aujourd'hui, si les organisateurs de manifestations veulent avoir du succès ils doivent consentir des investissements de plus en plus lourds. Or, cette mesure ne permet pas de taxer la recette nette, hors investissement payé à l'extérieur, mais il est possible de la supporter lorsque des salles subventionnées sont mises à la disposition des organisateurs, ce qui devient très difficile.

Je vous rends hommage de reconnaître que le droit des pauvres est vieillot, qu'il va falloir réfléchir à un contreprojet intelligent, mais, de grâce, tenez compte de ces éléments dans votre réflexion, parce que je reste convaincu que vous perdez beaucoup d'argent à cause de cela. 

Le président. La parole n'est plus demandée. Nous sommes appelés à nous prononcer. Etant donné qu'il s'agit d'une initiative et vu que le rapport propose de lui opposer un contreprojet, il faut d'abord voter sur le rejet de l'initiative et, ensuite, sur le principe d'un contreprojet, puis renvoyer le tout en commission, en la chargeant de rédiger le contreprojet. Je fais voter d'abord l'initiative. Si l'initiative est approuvée, elle deviendra donc une simple loi du Grand Conseil. Si elle est refusée, nous verrons à ce moment-là l'opportunité de lui opposer un contreprojet. Il y a deux cas de figure : avec et sans contreprojet.

Je soumets donc au vote l'initiative 110 «Pour la suppression partielle du droit des pauvres».

Mise aux voix, cette initiative est rejetée.

Le président. Je soumets maintenant au vote le principe d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est adopté.

L'initiative est renvoyée à la commission ad hoc des jeux pour l'élaboration d'un contreprojet.

Le président. Vous avez accepté le principe d'un contreprojet. La commission est chargée d'élaborer un contreprojet et de nous le présenter. 

M 1268-A
19. a) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Alberto Velasco, Christian Ferrazino, Antonio Hodgers, Jeannine de Haller, Françoise Schenk-Gottret, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Myriam Sormanni, Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Anne Briol, Régis de Battista, Luc Gilly, Pierre Vanek, Caroline Dallèves-Romaneschi et Dominique Hausser concernant le retrait des troupes armées engagées pour assurer la sécurité des organisations internationales. ( -) M1268
Mémorial 1999 : Développée, 1750. Adoptée, 1766.
P 1241-A
b) Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la pétition pour le retrait immédiat des troupes de Genève et pour une médiation internationale à Genève en faveur du peuple kurde. ( -) P1241
Rapport de M. Alberto Velasco (S), commission des affaires communales, régionales et internationales
M 1298
c) Proposition de motion de Mmes et MM. Françoise Schenk-Gottret, Laurence Fehlmann Rielle, Georges Krebs, Luc Gilly, Christian Brunier et Christian Grobet : Les barbelés militaires : ça suffit ! ( )M1298

M 1268-A

Le Grand Conseil a été saisi, le 26 mars 1999, de la motion 1268 au Conseil d'Etat.

Qui invite le Conseil d'Etat :

« à revenir sur sa décision et à intervenir auprès du Conseil fédéral pour que celui-ci rappelle ses troupes armées ;

à nouer un dialogue avec les représentants du peuple kurde comme le Grand Conseil le lui a demandé ;

à faciliter la tenue sur territoire genevois de toute conférence pouvant participer au règlement pacifique du conflit opposant la Turquie au peuple kurde. »

Le Conseil d'Etat répond comme suit aux invites de la motion :

1. Recours à l'armée pour assurer la sécurité des organisations internationales

En tant que carrefour important de la coopération internationale et de la diplomatie multilatérale, Genève constitue un instrument important au service de la politique étrangère de la Suisse. Conformément aux obligations du pays hôte, selon les conventions de Vienne, il appartient à la Confédération d'assurer la sécurité des biens et des personnes bénéficiant du statut diplomatique.

C'est d'ailleurs en vertu d'une telle analyse de conformité au droit supérieur que le Tribunal fédéral vient d'annuler, dans un arrêt rendu le 21 avril 1999, la disposition de l'initiative populaire 109 « Genève, République de paix » qui demandait que le canton de Genève garantisse la sécurité des conférences internationales qui se déroulent sur son sol par des moyens non militaires.

Se fondant notamment sur les articles 57 et 58 de la nouvelle Constitution fédérale adoptée en votation populaire le 18 avril 1999 par le peuple et les cantons, le Tribunal fédéral a en effet estimé que la responsabilité de la sécurité de la Genève internationale était bel et bien une responsabilité partagée entre le canton et la Confédération.

La décision du Conseil d'Etat de solliciter l'appui de la Confédération afin de renforcer la sécurité de la Genève internationale découle ainsi de cette obligation. Elle a été prise en raison des événements qui se sont déroulés en Suisse et à l'étranger dès le mois de février 1999, alors que la communauté kurde se mobilisait à Genève, Berne et Zurich, de même dans toutes les capitales européennes suite à l'arrestation du leader kurde Abdullah Öcalan.

Dans la nuit du lundi 15 février, des manifestants pénétraient illégalement dans l'enceinte du Palais des Nations. Le mardi 16 février vers 18h30, d'autres manifestants kurdes pénétraient dans les locaux du parti socialiste genevois. A Berne, l'ambassade de Grèce était occupée.

Après s'être livré à une appréciation de situation, le Conseil d'Etat a adressé une lettre aux gouvernements des cantons de Fribourg, Neuchâtel, Vaud et du Valais sollicitant un appui en vertu du Concordat réglant la coopération en matière de police afin de renforcer la sécurité du milieu diplomatique.

Alors que le Conseil fédéral condamnait l'occupation de l'ambassade de Grèce à Berne ainsi que les autres actes de violence commis en Suisse, d'autres manifestants kurdes pénétraient illégalement le mercredi 17 février 1999 dans le bâtiment du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Fort heureusement, dans l'après-midi, les occupants quittaient pacifiquement les locaux occupés tant à l'ONU qu'au HCR.

Par le biais d'un communiqué de presse, le Conseil d'Etat exprimait son soulagement à la suite de l'évacuation sans heurts, grâce à une négociation fructueuse, du Palais des Nations et du bâtiment du HCR à laquelle ont participé certains membres de votre Conseil. Le Conseil d'Etat tenait alors à souligner l'engagement personnel et la volonté d'apaisement qui ont caractérisé l'action des intervenants. Le gouvernement exprimait en outre sa reconnaissance aux représentants de l'ONU et de la Confédération, ainsi qu'aux forces de police (genevoises et confédérées), et aux services sanitaires et de secours. Tous, par leur action concertée et mesurée, ont apporté une contribution importante à une solution pacifique de ces occupations.

Le Conseil d'Etat rappelait que si le droit de manifester devait être assuré - et il tient à le souligner ici - il ne pouvait en revanche accepter que des actes illégaux soient commis à l'égard des habitants de ce canton et des membres de la communauté internationale que Genève accueille sur son territoire. Le Conseil d'Etat en appelait à une solution négociée pour ce qui concerne le problème kurde et assurait le Conseil fédéral de sa disponibilité à accueillir toute démarche qu'il jugerait bon de faire dans le cadre d'une mission de bons offices.

S'agissant de la sécurité de la Genève internationale, des résidences et des missions diplomatiques établies dans le canton, il devenait patent que le corps de la police cantonale engagé sans discontinuité depuis le début des événements ne pouvait, à lui seul, faire face dans la durée à une telle situation, sachant que la police doit également pouvoir accomplir ses autres missions au service de la population et des hôtes de notre canton.

C'est toujours le cas aujourd'hui. Actuellement, la police genevoise et en particulier la gendarmerie, affecte en permanence plus de 120 collaborateurs, dont 80 % de gendarmes, aux missions de protection du milieu diplomatique. A cet effet, de nombreuses prestations sont toujours supprimées, notamment dans le domaine de la circulation. En outre, dans les quartiers, de nombreuses réquisitions, enquêtes et actions de sécurité publique ne peuvent plus être assurées ou ne peuvent l'être qu'avec des délais très importants.

Tous les cours de perfectionnement professionnel ont dû être suspendus au sein de la gendarmerie et du corps des gardes de sécurité pour les organisations internationales et les missions diplomatiques (GSD) et le personnel n'est plus autorisé à prendre de congés pour résorber les 311'000 heures supplémentaires accumulées au sein des services.

Enfin, en matière de recours au renfort de policiers confédérés pour exécuter les missions, force est de constater que les polices cantonales romandes, en dehors d'une assistance ponctuelle, ne peuvent mettre à disposition de notre canton des renforts significatifs pour une durée indéterminée.

Ce constat a conduit le Conseil d'Etat a solliciter l'appui de Berne, afin que la Confédération mette des troupes à disposition du canton pour renforcer la sécurité des milieux diplomatiques à Genève. Le Gouvernement tenait d'emblée à préciser que cette décision ne constituait en aucun cas une mesure de défiance visant spécifiquement la communauté kurde qui a trouvé dans notre pays et notre canton une terre d'accueil à laquelle elle s'est intégrée.

Le 1er mars 1999, le Conseil fédéral décidait d'attribuer à notre canton les moyens militaires nécessaires. Ce service d'appui aux autorités civiles s'inscrit dans le cadre des engagements de sûreté subsidiaires prévus par la loi sur l'armée et l'administration militaire (LAAM) du 3 février 1995, aux articles 65 et suivants.

Une telle mesure n'est pas extraordinaire à Genève puisque depuis 1954, l'armée a renforcé à 7 reprises la police dans le cadre d'un service d'appui, pour garantir la sécurité de la Genève internationale. Ce fut le cas lors des événements suivants :

Le 1er mars 1999, le commandant de troupe en la personne du divisionnaire André Liaudat, commandant de la division territoriale 1, a reçu sa mission directement du Conseil d'Etat. Cette mission d'appui et d'assistance exclut sans ambiguïté le recours à la troupe pour des tâches de maintien de l'ordre. Il en découle que la troupe doit éviter toute confrontation avec des éléments civils, les missions de protection incombant strictement à la police. En revanche, l'armée fournit à la police un appui indispensable en exerçant des tâches d'observation, de garde d'objectifs et de surveillance.

A ce jour, les services du Ministère public de la Confédération fixent les objectifs à protéger. Plus de 48 objectifs ont été assignés à la police genevoise et l'armée assure la surveillance de 14 d'entre eux, dont le vaste périmètre de l'ONU, le solde étant à la charge de la police. 600 militaires au total sont actuellement engagés. La mise en place du dispositif de sécurité militaire se fait en concertation permanente avec la Mission permanente de la Suisse près les Organisations internationales et, pour ce qui est des organisations internationales du système onusien, en concertation avec les services de sécurité des Nations Unies.

A Berne, les parlementaires ont confirmé le bien-fondé des mesures prises, puisque simultanément, en date du 20 et du 21 avril 1999, le Conseil des Etats puis le Conseil national adoptaient un arrêté autorisant le Conseil fédéral à prolonger l'engagement de la troupe pour une durée illimitée afin d'assurer la protection des diplomates, des ambassades, des résidences et des biens appartenant aux organisations internationales en Suisse.

Par leur présence ponctuelle à Genève, leur motivation et l'engagement personnel dont ils font preuve, les militaires présents à Genève depuis le début du mois de mars 1999 renforcent à n'en pas douter, la crédibilité de la politique de sécurité de la Confédération et contribuent efficacement à renforcer notablement la sécurité du milieu diplomatique à Genève, de concert avec la police cantonale. Le Conseil d'Etat tient à leur exprimer à cet égard sa vive gratitude.

A terme, il s'agit à l'évidence de mettre en oeuvre d'autres mesures pour assurer durablement la sécurité de la Genève internationale de façon à ce que le recours à la troupe n'intervienne que de façon exceptionnelle. Le Conseil d'Etat prône notamment le renforcement du corps des gardes de sécurité pour les organisations internationales et les missions diplomatiques (GSD), dont le financement est assuré par la Confédération à concurrence de 30 postes alors que l'objectif visé est de 120 gardes. Des contacts ont d'ores et déjà été pris avec les organes compétents de la Confédération afin d'examiner comment mettre en oeuvre ce projet.

2. Initiatives visant à favoriser le dialogue avec les représentants du peuple kurde

A la suite des événements du mois de février 1999, le Conseil d'Etat a décidé de constituer une structure de dialogue permettant d'être à l'écoute des préoccupations de la communauté kurde de Genève.

Ce groupe s'est déjà réuni à deux reprises, une troisième rencontre étant d'ores et déjà agendée. L'Etat est représenté par M. Claude Bonard, (chancellerie d'Etat), qui assure la présidence de la délégation constituée de MM. Christian Aguet (DIP), Bernard Gut (DJPT) et Paul-Olivier Vallotton (DASS). Pour sa part, la communauté kurde est représentée par une délégation constituée de représentants du Comité du Kurdistan à Genève, de la Fédération des associations kurdes de Suisse, du Mouvement des femmes libres du Kurdistan et du Croissant-Rouge du Kurdistan. Mme Fabienne Bugnon, députée, participe aux rencontres en qualité d'observatrice, assurant pour le surplus la liaison avec les représentants kurdes.

Outre la question des bons offices de la Suisse, divers autres sujets ont été évoqués, dont celui de la mise à disposition d'un local permettant à la communauté kurde d'organiser des activités culturelles et des cours de langue kurde aux enfants kurdes domiciliés à Genève.

3. Solution pacifique et négociée du conflit au Kurdistan

Le Conseil d'Etat a tenu à assurer le Conseil fédéral de sa disponibilité dans le cadre d'une initiative en matière de bons offices. Il l'a fait une première fois le 17 février 1999 puis une seconde fois, par le biais d'un courrier adressé au Conseil fédéral le 28 avril 1999. Le Conseil d'Etat réaffirmait alors sa disponibilité pour accueillir toute initiative que la Suisse jugerait utile de prendre dans le cadre d'une mission de bons offices liée à la résolution de la question kurde.

Se fondant sur sa tradition de lieu de dialogue et de médiation, le gouvernement rappelait qu'une telle contribution de Genève serait conforme à la tradition d'engagement humanitaire en faveur du respect des droits de l'homme qui caractérise notre canton. Elle traduit en outre la volonté des autorités genevoises de soutenir activement les efforts déployés par la Confédération dans la recherche d'une solution pacifique et négociée qui permette d'éviter de nouveaux déchirements au Kurdistan et de nouvelles tensions sur la scène internationale.

Enfin, au moment où l'inquiétude grandit au sein de la communauté kurde de Suisse en raison du prochain procès de M. Abdullah Öcalan, le Conseil d'Etat, soucieux de voir les droits les plus fondamentaux de la personne humaine respectés, a tenu à réaffirmer son soutien aux autorités fédérales dans le cadre des démarches entreprises par Berne, demandant que ce procès respecte les principes de l'Etat de droit et que des observateurs internationaux soient admis à en suivre le déroulement.

Au vu des explications données et des initiatives prises pour répondre aux attentes de la motion, le Conseil d'Etat vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte du présent rapport.

P 1241-A

La Commission des affaires communales, régionales et internationales, sous la présidence de M. Alain Etienne, s'est réunie le 11 mai 1999, pour examiner la pétition 1241 déposée par M. Tobias Schnebli au nom du GSsA, le 26 mars 1999, auprès du Grand Conseil qui l'a transmise à la Commission des droits politiques, cette dernière s'étant dessaisie pour la renvoyer à notre commission. Le procès-verbal a été tenu par Mme Seyfried.

Introduction

La pétition, qui a recueilli 1285 signatures, tout en approuvant les différentes résolutions adoptées par le Grand Conseil sur le même thème, demande aux autorités genevoises le retrait immédiat des troupes et l'organisation, avec l'appui des autorités fédérales, d'une conférence internationale pour la recherche d'une solution pacifique du problème du Kurdistan.

Considérant que la mise en place de troupes équipées de munitions de guerre sous prétexte d'assurer la surveillance des bâtiments diplomatiques :

crée un climat d'état de siège dans notre canton, et comporte des risques majeurs de dérapages du fait que la troupe n'est pas formée à de telles tâches ;

tend à criminaliser tout le peuple kurde, accusé qu'il est, sans aucune forme de procès, de menacer la sécurité des organisations internationales ;

remplace la nécessaire logique de médiation pour résoudre la question kurde dans le sens du droit des peuples à l'autodétermination par une logique purement militaire ;

conforte la propagande du régime turc qui exploite le déploiement de troupes à Genève pour légitimer sa politique de répression du peuple kurde ;

crée un précédent dangereux en matière de sauvegarde de l'ordre public et s'inscrit directement dans l'offensive du Conseil d'Etat contre l'initiative « Genève république de paix » qui devra être prochainement soumise au peuple ;

Les soussigné/e/s :

approuvent les résolutions du Grand Conseil genevois demandant le retrait immédiat des troupes et appelant au dialogue pour favoriser une solution pacifique au problème kurde ;

appellent dans le même sens le Conseil d'Etat à revenir sur sa décision et à intervenir auprès du Conseil fédéral pour que celui-ci rappelle les troupes dans les plus brefs délais ;

invitent le Conseil d'Etat à affirmer publiquement la disponibilité de notre république à organiser une conférence internationale avec l'appui des autorités fédérales pour trouver une solution pacifique au problème du Kurdistan dans le respect des droits définis par la Charte des Nations Unies.

N.B. : 1285 signatures

GSsA, M. Tobias Schnebli, case postale 151, 1211 Genève 8

Travaux de la commission

Audition

Audition des pétitionnaires : M. Tobias Schnebli, membre du GSsA

M. Schnebli explique que la pétition contient deux volets, soit le retrait immédiat des troupes et une médiation internationale en faveur du peuple kurde.

S'agissant de cette présence armée à Genève et malgré son aménagement, on ne peut ni minimiser, ni banaliser cette présence, comme le font les autorités cantonales.

Concernant le dysfonctionnement des institutions politiques, le Tribunal fédéral (TF), se référant à l'initiative « Genève, République de paix » (Initiative 109), a déclaré que l'appel des troupes ne devait constituer que l'ultime moyen, après que tous les autres aient été épuisés. D'autre part, le Conseil d'Etat (CE) a décidé de passer outre la motion approuvée par le Grand Conseil (GC) demandant le retrait immédiat des troupes et ceci contrairement aux assurances données par Mme Brunschwig Graf quant à la durée de ce déploiement, ce dernier, excédant la limite des 4 mois prévus à l'origine. Parallèlement, les chambres fédérales ont décidé de prolonger sans limite la durée d'engagement de l'armée, et même d'augmenter, si cela était nécessaire, les effectifs.

Au sujet des témoignages recueillis lors de la récolte des signatures, selon M. Schnebli, il ressort que la présence de l'armée est perçue comme malsaine par une bonne partie de la population. Le GSsA a même reçu des appels et des témoignages provenants de parents d'élèves. C'est ainsi que la présence militaire à Bernex, liée aux images de guerre véhiculées par la télévision, pose un certain nombre de problèmes qui se manifestent chez les enfants par des réflexes de peur et des réactions malsaines. Autre cas signalé : l'école du Bon Secours où les gardes du bâtiment de la délégation yougoslave se rendent, ou du moins se rendaient, aux toilettes de l'école, avec leur arme chargée. M. Schnebli ne sait pas si un compromis a pu être trouvé entre-temps.

Pour M. Schnebli, c'est la banalisation qui est faite de cette présence armée qui est à dénoncer, car même si pour beaucoup de gens celle-ci est imperceptible, le climat a néanmoins changé. Ainsi, il se dit particulièrement interpellé par la normalisation d'un état d'exception, qui, paradoxalement se produit dans le climat de para-guerre qui semble s'installer en Europe.

Le volet de cette motion s'inspire de l'opinion d'un certain nombre de citoyens, qui considèrent qu'une médiation est le meilleur moyen de participer à une désescalade des conflits, d'une part, et de concrétiser l'image de la Genève internationale, d'autre part. Pour. M. Schnebli, il n'y a pas de similitude entre la situation des Kurdes, dont les manifestations ont entraîné la présence militaire, et celle de la communauté kosovare et albanaise. Les Kosovars avaient l'espoir d'une médiation internationale, tandis que les Kurdes, après 15 ans de guerre et des situations parfois pires que celles des Kosovars, ont vu leur espoir d'appui international s'évanouir. C'est ainsi qu'avec l'arrestation de leur chef, les Kurdes se retrouvent complètement isolés et n'ont d'autre choix que des manifestations dites « violentes » pour se faire entendre. Et c'est dans ce cadre que la Genève internationale peut et doit jouer un rôle.

A cela s'ajoute un argument supplémentaire, à savoir que le Parlement genevois a désormais les compétences et la légitimité pour intervenir auprès des institutions nationales et internationales dans le but de favoriser une désescalade du conflit kurde. En effet, la décision du TF à propos de l'initiative 109, dans ses considérants, reconnaît la compétence du canton pour intervenir dans le sens d'une solution civile pour la négociation du désarmement. Cette ouverture est donc légitimée et affirmée par les plus hautes instances juridiques. C'est donc là qu'il faudrait agir, plutôt que de construire une illusion de sécurité avec les risques qu'elle comporte en matière de provocation. Il s'agit d'une chance à saisir pour la sécurité du canton.

Certains commissaires ont de la peine à comprendre le lien qui est fait entre le dispositif de sécurité demandé par des organismes internationaux et le problème kurde. De même pour la description de l'état de siège qu'ils estiment sévère, s'agissant là d'une mission intéressante pour l'armée, et alors que les contacts entre celle-ci et la population semblent prouver le contraire ?

M. Schnebli pense que, politiquement, il y a un consensus assez large pour affirmer que c'est à des spécialistes formés que devrait revenir la prévention d'actes violents et que même les militaires reconnaissent que ce type d'intervention n'est pas de leur compétence. S'il reconnaît que des contacts puissent exister entre l'armée et les habitants, et que jusqu'alors il n'y a pas eu de problème ni d'incident, il est convaincu qu'à mesure que le temps passe, il est de plus en plus probable qu'un accident se produise. Ainsi, la question n'est pas de savoir si les militaires trouvent ce genre de cours de répétition sympathique, mais s'ils sont capables d'assumer des situations pour lesquelles ils n'ont pas été formés.

Selon M. Schnebli, les raisons pour lesquelles ce ne sont pas les gardes de sécurité de l'ONU - alors qu'ils sont entraînés pour - qui sont chargés de surveiller les ambassades, semblent être d'ordre économique.

S'agissant de la deuxième partie de la motion (l'organisation de pourparlers), et en réponse à la question d'un commissaire, M. Schnebli explique qu'en l'occurrence, cette démarche a déjà été réalisée. Par rapport à la décision du Tribunal fédéral, le canton a la légitimité et les compétences pour aller plus loin dans cette démarche. Il indique qu'il ne s'agit pas de faire de la politique étrangère à la place de la Confédération, mais d'utiliser la possibilité d'intervenir auprès des institutions internationales compétentes, y compris les ONG, pour favoriser la tenue de conférences. Le canton dispose désormais d'une marge supplémentaire.

La question du risque d'accident ne convainc pas certains commissaires qui affirment que les fusils ne sont pas chargés, même s'ils disposent de magasins, du moins pour ce qui concerne les écoles. M. Schnebli reste persuadé que les fusils sont chargés.

Discussion et vote

Lors de la discussion, il apparaît que la majorité des commissaires présents sont d'accord pour rappeler que, malgré leur formation express, les soldats ne seraient pas suffisamment préparés à intervenir en cas de nécessité. Le problème de savoir s'il y a des balles ou pas n'est pas une question que la commission doit trancher. Pour ce qui est de la réflexion quant à déléguer ce genre de tâche de sécurité à un groupe spécial de la police, cela semble être la meilleure solution, tant au niveau du risque de dérapages qu'au niveau de l'acceptation par la population. Concernant l'organisation d'une conférence, le Conseil d'Etat a déjà commencé une démarche dans ce sens. De ce fait, il serait bien que le Parlement soutienne cette démarche.

Etant donné l'importance de cette pétition, et considérant le GSsA comme n'étant pas l'organisme le plus objectif, ni le plus représentatif, certains commissaires proposent d'auditionner un représentant de l'armée afin que l'on soit informé sur le rôle des troupes, leurs directives et leur formation. Face à cette proposition, une partie de la commission est d'accord pour estimer qu'il n'est pas nécessaire d'entendre des représentants du département militaire, et suggère le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, afin de donner un signe politique clair.

Le président soumet au vote la proposition d'audition :

L'audition du DAM est refusée par : 3 NON (1 AdG, 2 S)

 3 OUI (2 DC, 1 L)

 1 abstention (Ve)

Finalement, la Commission des affaires communales, régionales et internationales accepte le renvoi de la pétition 1241 au Conseil d'Etat par :

4 OUI (1 AdG, 2 S, 1 Ve)

3 NON (2 DC, 1 L)

Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les mêmes conclusions.

M 1298

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les auteurs de la présente motion vous invitent à vous référer, quant aux motifs à l'appui de la présente motion, aux considérants qui l'accompagnent.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que celle-ci rencontrera un accueil favorable de votre part.

Débat

M. Luc Gilly (AdG). A lire le rapport du Conseil d'Etat, j'aurais facilement pu y souscrire. Mais, en fait, la réalité est autre, Madame Brunschwig Graf.

L'armée est effectivement bien en place à Genève. Elle assure la sécurité des organisations internationales avec un rare bonheur !

Une structure active de dialogue s'est instaurée à l'écoute des Kurdes de Genève. Bravo !

Deux messages ont été adressés à Berne pour annoncer que Genève est disponible pour accueillir une conférence internationale sur la question kurde. Tout cela est très bien.

Je pourrais m'arrêter là et accepter ce rapport. Pourtant, depuis le 4 mars 1999, date de l'arrivée des troupes à Genève pour la surveillance d'environ cinquante sites dits «sensibles», rien n'a changé. Il s'agissait d'abord de se protéger des Kurdes, ensuite de se protéger des Albanais du Kosove et des Serbes. Aujourd'hui, après plus de quatre mois et demi de siège de l'armée à Genève, aucun incident ne s'est produit. Par contre, au lieu de quatre mois de présence de l'armée, comme initialement prévu, c'est maintenant sans limite de temps et sans limite du nombre de soldats que Genève doit envisager l'avenir.

Genève anticipe ainsi les réactions possibles à l'issue de la condamnation à mort de M. Öcalan. Faut-il pour autant donner à Genève cette triste image d'une Genève menacée et militarisée à l'absurde ? Voir le dispositif du consulat de France derrière les Bastions me donne la nausée... Beaucoup de Genevois et de touristes partagent cet avis. Seule la détermination des Kurdes est à l'image de leur désespoir, et c'est manifestement compréhensible.

Le procès d'Öcalan touche à sa fin, et le Conseil d'Etat ainsi que sa police craignent le pire. Une certaine presse ne peut s'empêcher de bien montrer du doigt le danger kurde sans rappeler la réalité évidente. Mais le pire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours la situation catastrophique que vit le peuple kurde. Quelle que soit la sentence que le tribunal turc infligera à Öcalan, le problème kurde ne sera pas, et de loin, en phase de trouver une issue pacifiste, malgré les propositions et les engagements des diverses parties de la communauté kurde au niveau international.

Alors, va-t-on supporter la présence de l'armée ad vitam aeternam à Genève, pour se protéger des Kurdes et bientôt des Indiens, Pakistanais et autres peuplades en guerre ? Non ! Non, Madame ! Non, Messieurs ! Le Conseil d'Etat doit demander immédiatement la levée des troupes, d'abord là où elles n'ont jamais eu leur raison d'être, et nettoyer la ville le plus vite possible des barbelés qui défigurent Genève et sa vocation de paix.

Depuis fin avril, date à laquelle le Conseil d'Etat a fait sa dernière demande au Conseil fédéral pour lui proposer d'organiser une conférence sur le problème kurde, que s'est-il passé, Madame la conseillère d'Etat ?

Le Conseil fédéral a-t-il répondu ?

Le Conseil d'Etat a-t-il été actif devant l'urgence de mettre sur pied cette conférence, ou bien va-t-on encore attendre, comme dans les Balkans, que l'incendie soit suffisamment conséquent et que les horreurs d'un nouveau conflit s'abattent contre les populations pour intervenir ?

Comment l'Europe, et la Suisse comprise, peut-elle encore avoir l'image d'une Turquie laïque et moderne, ignorer la répression permanente sur les Kurdes et continuer à livrer des armes à ce régime militariste ?

Je rappelle que de nombreux députés et députées, issus des droits de l'homme, légalement élus, sont encore en prison en Turquie et que, depuis 1984, les morts ne se comptent plus. Des millions de personnes sont toujours déplacées, ou ont été déplacées, et des milliers de villages sont détruits, avec l'appui et le soutien discret des USA et de l'OTAN. Bizarre, si on se réfère à l'actualité récente : deux guerres, deux attitudes différentes, deux politiques contradictoires contre l'oppresseur...

Mesdames et Messieurs les députés, l'Alliance de gauche refuse ce rapport pour deux raisons majeures :

D'abord, il ne comporte aucun signe d'un quelconque éventuel retrait des troupes, même partiel. Cette attitude contribue et continue à banaliser cette mesure d'exception et renforce l'idée que l'agresseur est bien le peuple kurde et non la Turquie.

Ensuite, ignorer dans ce rapport l'urgence - je dis bien «l'urgence» - de tout mettre en oeuvre pour que Genève organise une véritable conférence de niveau international avec l'aide de la Confédération nous laisse perplexes et inquiets...

Vous l'aurez compris, nous ne pouvons accepter ce rapport peu courageux et d'autosatisfaction. Je me vois donc dans l'obligation, Madame la conseillère d'Etat, de vous renvoyer ce rapport. 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Nous demandions, par notre motion, deux choses totalement distinctes : d'une part, le retrait des troupes armées engagées pour assurer la sécurité des organisations internationales et, d'autre part, que le Conseil d'Etat entreprenne un dialogue avec la communauté kurde. Le rapport, comme il se doit, répond très distinctement à ces deux points. Je vais donc les séparer aussi.

Un point nous donne satisfaction, l'autre non. Je vais commencer par la partie qui nous a déplu.

Nous vous avions dit, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, que vous preniez un risque très grand de criminaliser le mouvement kurde et que nous ne pouvions pas l'accepter. La lecture de votre rapport révèle une incohérence assez importante pour expliquer la décision du Conseil d'Etat de solliciter l'appui de la Confédération. En effet, en page 2, il est dit : «La décision du Conseil d'Etat de solliciter l'appui de la Confédération, afin de renforcer la sécurité de la Genève internationale, découle ainsi de cette obligation. Elle a été prise en raison des événements qui se sont déroulés en Suisse et à l'étranger dès le mois de février 1999, alors que la communauté kurde se mobilisait à Genève, Berne et Zurich, de même que dans toutes les capitales européennes, suite à l'arrestation du leader kurde Abdullah Öcalan.» Puis, en page 4, il est écrit : «Le gouvernement tenait d'emblée à préciser que cette décision ne constitue en aucun cas une mesure de défiance visant spécifiquement la communauté kurde qui a trouvé dans notre pays et notre canton une terre d'accueil à laquelle elle s'est intégrée.»

Alors, il faudrait savoir, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat : soit on fait venir l'armée parce qu'on craint les réactions de la communauté kurde, soit on ne la fait pas venir car ce n'est pas la peine. Ce n'est pas clair, et cette partie du rapport ne nous satisfait absolument pas.

Vous faites ensuite une comparaison avec d'autres événements en sept points. Il s'agit, sur chacun de ces points, de protection de personnalités et non pas de prévention. Cela relevait du domaine de la sécurité de personnes invitées sur notre territoire. Ces cas diffèrent donc énormément de ce qui est en train de se passer.

Vous parlez ensuite du renforcement de la crédibilité de la police de sécurité grâce à la présence de ces six cents militaires. Nous pensons plutôt que cela renforce le sentiment d'une ville assiégée à grand renfort de barbelés et de présence militaire visible et fortement armée. Vous nous avez toujours dit que les militaires se montreraient discrets, mais on les voit aux abords de toutes les routes, et très lourdement armés.

Je passe maintenant à la deuxième partie du rapport, qui concerne les initiatives visant à créer un dialogue avec la communauté kurde. A cet égard, je tiens à féliciter le Conseil d'Etat pour la rapidité avec laquelle il a nommé une délégation de hauts fonctionnaires qui se réunissent très régulièrement avec les représentants de la communauté kurde, en ma présence. Ces réunions - nous le devons sans doute à la présidence pleine d'humanité de M. Bonard - sont empreintes d'une grande ouverture d'esprit et d'une grande écoute. La plupart des demandes qui ont été initiées par les Kurdes ont trouvé une réponse, à part celles qui concernaient des demandes de financement ; les représentants du Conseil d'Etat ont accepté d'entrer en matière sur la majeure partie de ces demandes. Pour cela, en mon nom et au nom du groupe des Verts, je tiens à remercier le Conseil d'Etat.

Pour terminer, les Verts réitèrent leur demande et souhaitent, cette fois, être entendus pour que l'armée soit relevée de ses fonctions de sécurité préventive; que le Conseil d'Etat entende ce Grand Conseil; qu'il entende également la population et que, par ailleurs, il poursuive ses efforts dans le cadre des discussions avec la communauté kurde, pour arriver à la comprendre, la respecter et l'intégrer.

Pour revenir sur votre intervention, Monsieur Gilly, je tiens à préciser que le Conseil d'Etat a écrit au Conseil fédéral pour dire que Genève était tout à fait prête à recevoir la conférence. De ce côté-là, les démarches ont bien été effectuées. Le Conseil d'Etat a également accepté que le parlement en exil du Kurdistan puisse tenir ses assises ici à Genève, non pas dans la salle du Grand Conseil, mais dans la salle de Varembé. C'est le parlement en exil du Kurdistan qui n'a pas pu venir pour une raison de date, mais ces assises auront lieu en septembre.

Un effort a bel et bien été fait, il faut le relever. Mais nous demandons vraiment au Conseil d'Etat d'entendre nos autres demandes. 

M. Pierre Froidevaux (R). Mes collègues radicaux et moi-même avons lu avec grand intérêt la réponse du Conseil d'Etat donnée aux motionnaires. L'exercice était délicat mais rendu nécessaire par les défis à relever, imposés par une certaine population qui ne se sentait pas vraiment soumise à toutes nos lois. Ces personnes ont ainsi contraint notre gouvernement, au niveau fédéral et cantonal, à prendre des décisions à caractère ultime. Mais c'était assumer ses responsabilités.

Le groupe radical reconnaît ainsi l'adéquation des mesures prises en répondant aux besoins sécuritaires tant de la Genève internationale que de l'ensemble de nos citoyens. Le discours de la majorité est connu : il associe l'armée aux troubles; il inverse malicieusement la cause et l'effet. Cette contradiction volontaire, ce non-sens sémantique travestit la raison pour nous cacher quelque chose de plus grave encore... En dénonçant les faits, il refuse de voir la raison ! La gauche veut rester aveugle aux problèmes de notre temps. Pourtant, il n'y a pas pire situation pour nos citoyens qu'une politique amblyope.

Effectivement, on pourrait se laisser bercer par le constat qui caractérise tous les pays occidentaux, dans lesquels on remarque une diminution globale et constante de la violence collective depuis des siècles. Cette situation est-elle définitive ? Je voudrais le souhaiter avec vous...

Aujourd'hui, l'Etat moderne est devenu le détenteur monopolistique de la violence physique légitime. Ce monopole d'Etat habitue les citoyens à refouler leurs pulsions; à adopter un comportement rationnel et à contrôler leurs émotions. Il joue en fait le rôle du surmoi individuel à un niveau collectif. Certains historiens contemporains, en particulier certains polémologues, s'inquiètent cependant d'une remontée de la violence collective, telle que révélée aujourd'hui par la délinquance et la criminalité.

Ces statistiques, qui restent orientées à la baisse jusque vers le milieu des années 60, sont continuellement à la hausse dans toute l'Europe. Seule exception : la Suisse, mais jusqu'à la fin des années 80 seulement, moment auquel elles prennent l'ascenseur avec des taux d'accroissement comparables, voire supérieurs à ceux de nos voisins. Comme la Suisse a accumulé les bonnes notes, elle passe encore aujourd'hui pour relativement préservée, malgré une dégradation sensible, surtout dans les grandes villes alémaniques.

Comment expliquer cette évolution inquiétante ? Les Etats se voient reconnus depuis la reconnaissance du droit du monopole de la violence physique légitime. Sur ce principe s'est édifié l'ensemble de nos conceptions politiques. Les lois émises sur des principes démocratiques ont permis à l'ensemble de la population d'y adhérer librement. Aujourd'hui, les lois d'un pays peuvent être remises en cause par une partie de la communauté internationale. La souveraineté d'un Etat n'est ainsi plus garantie.

Les idéologies successives de nature religieuse ou liées à une compréhension particulière des droits de l'homme, comme récemment le communisme ou le national-socialisme, ont été la source d'innombrables conflits. Au nom de ces idéologies, les peuples aux traditions contraires ou à la culture simplement différente se sont affrontés. Aujourd'hui, la grande idéologie qui doit nous unir tous est l'ordre nouveau qui impose son bon droit avec le même mépris des minorités que toutes les idéologies dites révolues. Au nom de cet ordre nouveau, les Kurdes dont il est question dans cette motion auront raison ou bien tort. Pour cela, il suffira de décider à un niveau transnational si eux sont conformes aux droits de l'homme ou si, au contraire, ce sont les Turcs. Mais je crains que la communauté internationale ne prenne soin de leurs problèmes spécifiques respectifs, ce qui entraînera son lot de souffrances. Il sera sans doute plus aisé de choisir la souffrance de l'un et d'occulter médiatiquement la souffrance de l'autre, afin d'être conforme à un bon droit préalablement décidé...

Notre groupe n'a aucun goût pour une idéologie quelconque. Nous ne croyons que dans un parlement démocratique et souverain, et nous soutenons ainsi notre gouvernement qui ne tient pas à ce que notre pays puisse être l'enjeu d'affrontements d'une troupe étrangère à nos lois, telle que représentée par la menace du PKK. 

M. Pierre-Pascal Visseur (R). D'après ce que j'ai compris, la motion et la pétition sont traitées en même temps, Monsieur le président ?

Le président. Deux motions, même, Monsieur Visseur ! Nous traitons la motion 1268, la pétition 1241 et la motion 1298 qui a été ajoutée. Vous avez donc le choix... Madame Sormanni, vous avez la parole.

Mme Myriam Sormanni (S). Le Grand Conseil a demandé en date du 26 mars 1999 que la troupe se retire de Genève. Même s'il apparaît clairement que la police cantonale, dont les heures supplémentaires se comptent par milliers, est dépassée, est-il vraiment judicieux de maintenir un contingent de l'armée, afin de garder des missions diplomatiques et les organisations internationales ? Même s'il y a eu une occupation illégale dans l'enceinte du Palais des Nations, le 15 février 1999, ainsi qu'une occupation des locaux du parti socialiste le 16 février 1999, avec des personnes retenues malgré elles, la suite des événements nous a montré que les occupants ont quitté les lieux de leur plein gré et sans atteinte dommageable aux personnes. Dire que quatre-vingt-cinq gendarmes sont occupés quotidiennement à protéger des missions diplomatiques, ce qui les empêche de conduire certaines enquêtes ou simplement de vaquer à leurs tâches de police de proximité, n'est point ici le propos.

Mardi 9 juin 1999 a eu lieu la manifestation des quatre cents paysans indiens à l'OMC. Environ mille personnes avaient fait le déplacement. Cette manifestation s'est déroulée sans incident. De l'avis d'un policier avec lequel j'ai parlé, la façon dont cette manifestation s'est passée fut «agréable» pour eux. Je crois donc qu'il n'est pas nécessaire de brandir le spectre d'un risque - semble-t-il peu probable - pour maintenir l'armée et des barbelés autour de nos organisations internationales et de nos missions diplomatiques.

L'été approche... Genève doit-elle donner l'image d'une ville apeurée, «bunkerisée», inaccessible et «barbelisée» ? La majorité du Grand Conseil s'est prononcée, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, pour le retrait de l'armée en date du 26 mars 1999. Sommes-nous susceptibles d'être écoutés ? Peu nous importe qu'il y ait eu des précédents entre 1954 et 1984, à plusieurs reprises... Le groupe socialiste ne votera pas ce rapport ! 

M. Pierre-Pascal Visseur (R). Je m'exprimerai sur la pétition «Pour le retrait immédiat des troupes de Genève».

La manière avec laquelle cette pétition a été traitée est inacceptable, tout comme l'est la pétition elle-même. Qu'un millier de citoyens allergiques à toute couleur gris/vert s'expriment et expriment leur mécontentement est parfaitement légitime et digne de notre démocratie. Mais c'est précisément pour défendre notre démocratie, exemple mondial en la matière, qu'il faut défendre notre armée dans sa mission ! Car aujourd'hui à Genève, la présence de l'armée permet précisément que toutes les parties en présence puissent cohabiter, voire discuter si elles le souhaitent, en toute sécurité.

Les soldats postés devant la quinzaine d'objectifs sensibles n'ont pas de mission combattante, vous le savez très bien. Leur seule mission est d'observer et d'alerter les postes de police si cela est nécessaire, dans un dispositif dissuasif et non violent, selon l'adage qu'il vaut toujours mieux montrer sa force que devoir l'utiliser, et les barbelés font partie de cette démonstration... S'ils portent une arme, c'est pour se défendre légitimement, si cela devait être nécessaire. Et aucun défenseur de cette pétition, citoyen soldat potentiel, n'accepterait d'ailleurs une telle mission sans défense personnelle.

Dire que ces soldats ne sont pas formés à cette mission est tout simplement une insulte à leur égard et à celui des cadres qui les ont formés et entraînés durant au moins quatre mois, puis plusieurs semaines par année de service.

La protection d'installations fait partie des missions et de l'instruction des soldats d'infanterie. On pourrait même dire que le travail qu'ils exécutent aujourd'hui est largement au-dessous de leurs qualifications, étant également formés aux contrôles d'identité, aux patrouilles et aux interpellations, tâches que nos autorités n'ont pas souhaité leur confier, afin de ne pas heurter l'opinion publique.

La façon dont a été traitée cette pétition est inacceptable, car, après avoir entendu les représentants d'une Suisse sans armée, les commissaires n'ont même pas jugé utile d'entendre les représentants de l'armée... Non seulement la moitié de la commission ne comprend rien en matière de formation militaire mais elle refuse, fort démocratiquement, d'essayer d'y comprendre quelque chose... Finalement - cela a été évoqué lors des différents rapports, notamment le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1268 - tant les pétitionnaires que la commission ne proposent aucune alternative, à part celle de ne rien faire...

La police est déjà lourdement surchargée. Faut-il rappeler qu'actuellement, par manque d'effectif et en raison de missions spéciales, seuls deux gendarmes sont présents la nuit dans les postes, quand ils ne sont pas en patrouille ? Il ne saurait donc être question de leur confier, en plus, ces missions d'observation et d'alerte qui sont celles dévolues aux soldats.

C'est pour toutes ces bonnes raisons que nous vous suggérons de classer cette pétition.  

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur Visseur, la pétition a été traitée démocratiquement et a fait l'objet d'un vote démocratique... (L'orateur est interpellé.) Eh bien oui, il y a une majorité et une minorité ! Si ça ne vous plaît pas, il y a l'ordre nouveau, comme l'a proposé M. Froidevaux tout à l'heure... Peut-être qu'avec ce foutu «ordre nouveau», les choses seront différentes... Cette notion a d'ailleurs été utilisée par des démocrates plutôt louches...

Cela dit, Monsieur Visseur, il y a une alternative : c'est que l'armée quitte Genève et que la police reprenne sa place !

Je tiens ici à revenir sur deux faits que les pétitionnaires nous ont fait remarquer : d'abord, la banalisation de la présence de l'armée à Genève, ce qui est grave, et, ensuite, le fait que cette armée, qui utilisait les services de l'Ecole de Beauséjour, avait les armes chargées. Je ne sais pas ce qu'il en est de ce deuxième fait, mais il faudrait tout de même le savoir. D'après les pétitionnaires, il semblerait que c'est vrai... (Remarques.)

Une voix. C'est faux ! 

M. Luc Gilly (AdG). J'aimerais simplement apporter deux brèves réponses, à deux capitaines, je crois...

Monsieur le docteur Froidevaux, j'avais posé une question dont je n'ai pas trouvé la réponse dans le rapport du Conseil d'Etat. Je demandais si l'armée allait s'installer définitivement à Genève. Le problème kurde sera certainement suivi par d'autres, alors on peut imaginer que la Confédération installera définitivement l'armée à Genève. Je pense que vous êtes en train de jouer sur les mots et que vous nous faites une démonstration intellectuelle. Je me demande où vous avez été piquer cette théorie d'ordre nouveau, peut-être sur Internet, hier soir... En tout cas, ça ne vaut pas tripette ! Monsieur Froidevaux, le problème est de savoir ce que le Conseil d'Etat va décider par rapport au retrait progressif de l'armée avant qu'elle n'envahisse davantage Genève, car, comme tout le monde le sait, les effectifs peuvent être augmentés et la durée prolongée.

Monsieur Visseur, l'alternative est très claire, dans notre initiative «Genève, République de paix», dans la motion et aussi dans la pétition. Le Conseil d'Etat a commencé à y répondre, puisque des réunions ont lieu entre le représentant du Conseil d'Etat, la communauté kurde et vous, Madame Bugnon. C'est une démarche tout à fait intéressante. Mais la démarche essentielle est la mise sur pied d'une conférence internationale sur la question kurde, à Genève ou ailleurs - bien que Genève me semble l'endroit le plus approprié - dont le but est d'éviter qu'un nouveau drame ne surgisse au Kurdistan. Laisser aller les choses - vous le savez très bien, Monsieur Visseur et Monsieur Froidevaux - c'est courir le risque que des événements semblables à ceux qui se sont déroulés entre Serbes et Kosovars ne se répètent, même si les implications politiques sont différentes. Cela fait quinze ans qu'une guerre ravage une partie de ce pays et la répression est installée depuis très longtemps. Le but et l'alternative, pour nous, c'est d'éviter ce massacre et le mécontentement, évidemment, qui s'est exprimé à Genève.

Je le répète, l'alternative existe bel et bien, Monsieur Visseur... Il faut relire les papiers que vous avez sous les yeux ! 

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur Visseur, vous venez de confirmer que les armes des militaires sont bien chargées. Si c'est vrai, il faut en conclure que les pétitionnaires avaient raison : il y a bien un danger qu'un accident se produise...

Alors, Madame la présidente, peut-être avez-vous des informations plus pertinentes ?  

M. Pierre-Pascal Visseur (R). Monsieur Velasco, je vous ai confirmé que les armes étaient chargées, mais, si vous m'aviez correctement écouté, vous auriez entendu que ces armes ne devaient servir qu'en cas de légitime défense. Imaginez que votre fils ou vous-même, en tant que soldat, vous vous trouviez avec une arme non chargée et que vous ne puissiez même pas vous défendre en cas d'agression... C'est parfaitement absurde ! Ces armes sont chargées, bien évidemment, et c'est tout à fait normal ! Les soldats qui utilisent ces fusils sont formés pour se défendre. 

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je suis toujours intéressée lorsque les députés interpellent le Conseil d'Etat, particulièrement sa présidente, pour obtenir des informations... Toutefois, vous auriez pu obtenir certaines des informations que vous réclamez ce soir, vous les membres de la commission des pétitions, si une majorité d'entre vous n'avait pas manifestement refusé d'auditionner, à l'exception du Groupement pour une Suisse sans armée, la représentante du département des affaires militaires !

Tout d'abord, il n'est pas d'usage, quelles que soient les opinions des uns et des autres, de refuser d'auditionner les personnes qui demandent à l'être, encore moins s'il s'agit d'un conseiller d'Etat.

Cela étant dit, je vais essayer de répondre à un certain nombre de vos préoccupations. Je vous rappelle un fait qui figure dans le rapport, car il est déterminant pour comprendre la situation d'aujourd'hui. Nous ne sommes ni maîtres ni décideurs des objets qui doivent être surveillés, que ce soient des organisations internationales ou des missions diplomatiques. La décision, en l'occurrence, est de la seule compétence du Ministère public fédéral, sur la base des informations dont il dispose, décision qui est transmise aux cantons qui doivent en assurer la protection, selon des instructions bien précises. Ensuite, le canton est tenu de mettre en oeuvre ou de demander les moyens nécessaires pour remplir cette mission.

Vous connaissez les moyens du canton de Genève : nous avons une police performante, mais elle compte - cela figure dans le rapport - un grand nombre d'heures supplémentaires non reprises jusqu'à aujourd'hui - trois cent onze mille heures à la date du rapport. La police a été mise à très forte contribution et certains policiers ont dû accepter de supprimer leurs congés à plusieurs reprises. A juste titre, la police a montré des signes de fatigue et il n'était pas sain de l'ignorer, dans la mesure où vous désirez que ses missions - qu'elle remplit d'ailleurs à la satisfaction des citoyens lorsqu'on lui en donne les moyens - soient effectuées au quotidien.

Le Conseil d'Etat a donc estimé que l'instrument qu'est la police n'était pas suffisant pour pouvoir assurer la mission que nous a confiée le Ministère public fédéral. C'est la raison pour laquelle - j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire - nous avons dû prendre des dispositions et faire appel aux troupes en cours de répétition. Le Conseil d'Etat l'a dit et le répète encore aujourd'hui : la solution telle qu'elle avait été envisagée parce qu'elle était urgente, nécessaire, et qu'il n'y en avait pas d'autre, n'est pas souhaitable dans la durée. C'est l'avis de la Confédération comme du canton.

Le Conseil d'Etat a donc d'ores et déjà fait une proposition en commission des finances d'augmenter durablement les effectifs de la police. Il a déjà procédé à l'engagement de gardes de sécurité diplomatiques, trente postes étant financés par la Confédération. Ce nombre devra augmenter progressivement et nous avons du reste discuté de cette question il y a à peine deux jours avec le secrétaire d'Etat, M. Kellenberger.

C'est vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le Conseil d'Etat est parfaitement conscient que le provisoire ne doit pas durer mais que, pour pouvoir assumer la mission dans l'instant, certaines solutions sont nécessaires, même si personne n'avait voulu les imaginer. Des efforts ont été fournis, même s'ils ne sont pas tous visibles, pour alléger le dispositif et nous continuons à prendre des mesures dans ce sens, autant que faire se peut à chaque fois que cela est possible.

J'ajoute enfin que pour compléter les mesures déjà prises un dialogue s'est instauré avec la communauté internationale, afin que les mesures de sécurité soient réparties et prises en charge par ces organisations - mesures qui mériteront d'être renforcées dans le temps. Ce n'est donc pas de bon coeur qu'il a fallu se décider à faire appel à la troupe; ce n'était pas facile. Mais vous conviendrez qu'on ne peut pas à la fois se voir confier une mission sans pouvoir la remplir et renoncer aux seules solutions possibles, même si ces solutions peuvent paraître déplaisantes à beaucoup d'entre vous et à la population.

Par ailleurs, comme cela a été dit dans le rapport, et quoique peut-être interprété autrement, il ne s'agit pas de se braquer ni contre la communauté kurde ni contre les communautés que nous accueillons.

Je précise encore, Mesdames et Messieurs les députés, que si l'on veut assurer la sécurité dans la durée, les élus doivent aussi montrer l'exemple par rapport au respect de l'Etat de droit. Je profite de l'occasion pour lancer un appel aux députés que vous êtes : n'encouragez pas les citoyens à ne pas respecter le droit, en vous permettant, vous les élus, de le violer, même si vous avez des raisons que vous estimez légitimes pour défendre une cause ! Cela n'est pas acceptable par rapport au serment que vous avez prêté dans cette enceinte.

S'agissant du problème des armes qui seraient chargées, comme je vous l'ai déjà dit, elles sont chargées, certes, mais le cran de sécurité est engagé. C'est le moyen qui est utilisé pour effectuer la garde à la sortie des casernes. Il n'y a rien de changé par rapport à la formation qui est donnée. Je me suis du reste rendue sur le terrain pour constater quelle formation était prodiguée et quelle était la maîtrise des soldats chargés de la protection de ces missions. Je peux vous confirmer que la formation est bonne et la maîtrise des soldats aussi. Et en outre, si un soldat se sent incommodé, mal à l'aise ou opposé à cette mission spécifique, il en est dispensé : j'ai pu le constater moi-même !

Nous souhaitons vivement trouver une solution durable le plus rapidement possible, d'autant plus que la disponibilité des troupes n'est pas éternelle, une bonne partie des cours de répétition étant terminée. Il n'y aura donc pas, Monsieur Gilly, de plus en plus de soldats... Certainement pas ! Nous avons déjà de la peine à obtenir ceux qui sont là... Il n'est donc pas question de renforcer le dispositif. Nous voulons, au contraire - nous le souhaitons tous de tout coeur - l'alléger, puis le supprimer pour revenir à une situation normale.

Pour conclure, nous devons tout de même rester modestes en ce qui concerne la conférence internationale. La Suisse, pas plus qu'un autre pays et encore moins le canton de Genève, ne peut prétendre être celui qui convoque une conférence internationale. Notre canton doit répéter en tout temps qu'il est disponible, et il l'a fait immédiatement. Il peut aussi intervenir dans le cadre des dialogues bilatéraux avec le Conseil fédéral, pour que ce dernier prenne ses responsabilités. Mais je dois tout de même vous dire - et vous en conviendrez avec moi - que la communauté internationale s'est fortement mobilisée ces derniers temps sur les problèmes liés au Kosovo, qui nous préoccupaient en l'occurrence tous. Il me semble qu'il aurait été très prétentieux de notre part de vouloir mobiliser les forces internationales, quand bien même nous aurions été en mesure de le faire - mais nous ne l'étions pas - pour jouer le rôle de «grand organisateur» d'une conférence internationale.

Mesdames et Messieurs les députés, nous allons poursuivre le dialogue avec les Kurdes; nous allons continuer à prendre des mesures de sécurité durables, les normaliser en évitant de faire appel à l'armée dans le futur. Mais comprenez bien que le canton de Genève, pas plus qu'un autre canton, ne peut se permettre de se soustraire aux missions qui lui sont confiées, ni de surmener sa police au point qu'elle ne puisse plus remplir ses tâches sereinement. 

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. J'en conviens, Madame la présidente, il serait tout à fait judicieux que toutes les personnes qui le désirent soient auditionnées en commission. Mais on m'a parfois refusé une audition pour des raisons économiques... C'est un des arguments qui a été avancé, en l'occurrence... (Remarques et rires. Le président agite la cloche.)

Le président. Nous allons passer au vote, Mesdames et Messieurs les députés... Monsieur Brunier, vous avez la parole ! (Brouhaha.) Pardon, Monsieur Brunier, M. le rapporteur n'avait pas terminé. Vous avez la parole, Monsieur le rapporteur !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Par ailleurs, Madame la présidente, je vous fais remarquer qu'une sortie de caserne n'est pas comparable à la sortie d'un bâtiment public. Mais, puisque les événements du Kosove semblent s'apaiser, je vous suggère, Mesdames et Messieurs, de renvoyer la motion 1268-A et la pétition 1241-A au Conseil d'Etat et d'accepter la motion 1298.

M. Christian Brunier (S). Nous avons entendu un long et beau discours de la présidente du gouvernement, qui nous a dit, en substance, que la présence militaire ne devrait, à son sens, pas durer - nous sommes d'accord sur ce point - mais que l'armée partirait seulement quand les effectifs de la police seront suffisants... (Contestation.) C'est ce que vous avez dit tout à l'heure ! (Exclamations et remarques. Le président agite la cloche.) Nous attendions davantage, entre autres un planning très précis de l'évacuation de l'armée de Genève. La présence de l'armée devient intolérable... (Huées et exclamations. Le président agite la cloche.)

Cette présence n'est du reste pas adéquate dans bien des lieux. Par exemple, le beau Palais Wilson est gardé comme une caserne de CRS... C'est très décevant pour la Maison des droits de l'homme. Si vous pensez que les moyens de la police ne sont pas suffisants, peut-être faudrait-il mieux organiser l'emploi du temps de la police. Ceux qui fréquentent les manifestations peuvent dire que les moyens policiers utilisés sont toujours disproportionnés. Lorsque nous étions côte à côte avec les Kurdes qui étaient pacifiquement assis sur la place des Nations, un cordon de police est resté vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour rien, puisqu'il ne se passait rien... Alors, quand les heures de la police seront mieux gérées, il ne sera peut-être plus nécessaire de recourir à l'armée pour assurer la sécurité ! (Exclamations.) 

Le président. Nous allons donc procéder aux trois votes. Le premier concerne le rapport sur la motion 1268 que M. Gilly a proposé de renvoyer au Conseil d'Etat.

M 1268-A

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est adoptée.

M 1298

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1298)

Les barbelés militaires: ça suffit!

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

les dispositifs dits de sécurité mis sur la voie publique par l'armée devant certaines missions diplomatiques, notamment les consulats d'Italie et de France, dans certains parcs ou barrant des voies publiques comme le chemin de l'Impératrice ne se justifient plus du tout depuis l'accord de paix sur le Kosovo, si tant est qu'ils servaient à autre chose que de permettre à l'armée de marquer ostensiblement sa présence à Genève ;

ces dispositifs d'utilité très contestable sont non seulement mal perçus par de très nombreux citoyennes et citoyens, mais encore donnent une triste image de notre cité, avec l'impression d'une ville assiégée, au lieu de celle de ville de paix qu'elle incarne ;

invite le Conseil d'Etat

à intervenir auprès du Conseil fédéral pour que les dispositifs mis en place par l'armée en des lieux publics soient enlevés et que la troupe soit retirée de Genève.

P 1241-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires communales, régionales et internationales (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées. 

Le président. Nous arrêtons nos travaux, qui reprendront à 20 h 30, avec les comptes 1998.

Je vous invite à participer à la verrée qui a lieu immédiatement dans la cour en l'honneur de Mme Hutter.

La séance est levée à 18 h 45.