République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 mai 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 7e session - 23e séance
M 1272
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
les efforts importants que l'Etat consent pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes ;
les situations de maltraitance et de mauvaise gestion constatées dans certains établissements médico-sociaux ;
les carences de la structure d'encadrement, l'absence de formation de base pour certaines catégories de personnel et de politique de formation continue cohérente dont devrait bénéficier l'ensemble du personnel de ces établissements pour garantir la qualité des soins ;
que les carences citées ci-dessus ont pour conséquence, dans certains établissements médico-sociaux, que l'on traite de manière infantilisante les personnes âgées, alors que celles-ci doivent être reconnues comme personnes uniques et adultes, capables d'opérer des choix sur des objets ayant trait à leur personnalité ;
à faire en sorte que les établissements médico-sociaux soient, comme la loi le demande, non pas des établissements hospitaliers ou des hôtels, mais des lieux de vie qui devraient assurer non seulement des soins adéquats, mais également un cadre respectant la personnalité des personnes âgées en lien avec la communauté ;
à mettre en place, au même titre que pour les formations sociales, une véritable formation de directeur ou directrice qui intègre entre autres une éthique de l'accompagnement dans le cadre de la gestion de ces établissements ;
à mettre en place des moyens permettant l'accès, pour certaines catégories d'employés, à une formation de base ;
à favoriser l'élaboration d'une charte détaillée et concrète reconnue par l'ensemble des partenaires qui, dans ces lieux, garantirait le respect de l'individu et son appartenance à la société, assurerait les règles de déontologie du personnel, et valoriserait leur activité professionnelle ;
à mettre en place une instance pluridisciplinaire de médiation (comprenant la société civile) qui serait chargée de veiller au respect et à la mise en oeuvre de la charte, de promouvoir un projet d'accompagnement des personnes âgées, et de garantir la qualité de vie dans ces établissements ;
à exiger des établissements, en contrepartie de la subvention accordée, le respect de la charte et la mise en place :
de structures favorisant la formation continue du personnel et de la direction, afin de disposer d'un personnel qualifié et en nombre suffisant ;
de conditions permettant le dialogue entre la direction, le personnel et les pensionnaires, par exemple sous la forme d'un forum ;
d'une politique active de sensibilisation et de lutte contre la maltraitance.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ces dernières années, l'Etat a consenti des efforts importants pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes de notre société, d'une part en développant l'aide à domicile, d'autre part en subventionnant de manière plus adéquate les pensions pour personnes âgées. Mais est-ce suffisant ? On peut citer Christian Lalive d'Epinay: « Car voilà le défi : pour celles et ceux, aujourd'hui toujours plus nombreux, qui connaissent le grand âge et en vivent la fragilité, y a-t-il encore une place dans la communauté des vivants, dans cette cité qui, pour le vieillard, multiplie chaque jour davantage pièges, chausse-trappes et autres sources de danger et d'effroi ? Le choix n'est-il qu'entre le repli progressif dans le refuge familier - accueillant mais.... vide le plus souvent - du domicile ou le départ pour cette marge protégée qu'offre le foyer? »
En fait, les établissements médico-sociaux, souvent très bien équipés sur le plan matériel, donnent à voir régulièrement un spectacle infantilisant et débilitant de personnes âgées confinées dans un rôle passif.
Est-ce respecter les droits élémentaires de l'être humain que d'adapter l'horaire de la maison à l'organisation de l'institution et non à celui du pensionnaire, de sa famille et de ses amis susceptibles de lui rendre visite ? A titre d'exemple : pensionnaires déshabillés à 17 h, et même à 15 h 30 un dimanche après midi, avant le repas du soir à 17 h 45 afin que tout le monde soit couché à 19 h.
Est-ce respecter les droits de l'homme que de se comporter avec une personne âgée, dans le discours ou dans les gestes, de manière infantilisante, paternaliste ? Parler par-dessus la tête de la personne ou passer la main dans les cheveux sont des gestes et des attitudes habituelles qui peuvent même aller jusqu'au tutoiement. Où est le respect dû à nos parents ?
Et que dire des activités - quand elles existent - qui ne tiennent compte ni des aspirations, ni des goûts et des envies de chacun, imposées de manière uniforme dans la majorité des pensions et qui se résument le plus souvent à des pseudo-lotos ou à des bricolages dignes d'un jardin d'enfants ?
Est-ce à une garderie du 3e âge que, tous ici, nous aspirons pour nos propres vieux jours ?
La liste, dans l'état actuel des choses, pourrait être sans fin, mais nous terminerons par ces personnes habillées avec des vêtements non choisis, achetés sans tenir compte de leur goût et même sans leur consentement quand il ne s'agit pas tout simplement d'habits ayant appartenu à des pensionnaires décédés. Et que dire de l'attente d'un mois pour la réparation d'une prothèse dentaire ou de plusieurs semaines pour faire installer un téléphone ?
L'Etat qui subventionne largement ces établissements a le devoir, en contrepartie, d'exiger la mise en pratique d'une éthique respectant la personne âgée comme une personne à part entière.
Mais est-il possible, à l'heure actuelle, d'attendre réflexion et professionnalisme de la part de directeurs ou directrices lorsqu'on sait que la formation pour cette fonction est faite de 41 jours de cours et 10 jours de stage alors que les professions sociales, à titre d'exemple, demandent 3 ans d'études après maturité.
N'est-ce pas le moment d'exiger, non seulement une formation adéquate, mais également une définition ou une redéfinition des établissements médico-sociaux qui ne sont ni des hôtels, ni des hôpitaux mais des lieux de vie qui devraient assurer un cadre respectant la personnalité en relation et en accord avec la communauté ?
Dans cet esprit, il serait souhaitable que ces établissements se dotent d'une charte qui garantisse aux personnes âgées le droit à l'affirmation de leur dignité inconditionnelle, inaliénable et irréductible ainsi que le droit de vivre leur vieillesse comme une période de vie qui leur appartient. Cette charte pourrait s'inspirer de l'excellent travail de Mme Dominique Ardellier, M. Dominique Froidevaux et l'équipe professionnelle du foyer de jour de Soubeyran renouvelée et dont les valeurs phares sont exposées ci-dessous.
Il y a aussi, les « Principes des Nations Unies destinés à permettre aux personnes âgées de mieux vivre les années gagnées », adoptés par l'Assemblée mondiale sur le vieillissement en date du 3 décembre 1982 sous forme de résolution 37/51.
Valeurs phares
Contre valeurs
Valeurs phares
Principes fondamentaux de la charte éthique
Dégradation sociale
Dignité et droits de la personne
Le foyer de jour doit défendre et promouvoir la dignité inconditionnelle de la personne et son droit de vivre sa vieillesse comme une période de vie qui lui appartient.
Exclusion
Infantilisation
Intégration
Reconnaissance sociale
Chaque personne doit être respectée en tant qu'être adulte, être social, citoyen à part entière.
Expropriation
Enfermement dans la
dépendance
Ré-appropriation
Autonomie
Maîtrise des dépendances
Chaque personne doit être respectée dans sa dynamique psycho-affective propre et dans sa dimension historique personnelle, avec ses difficultés et fragilité tout autant qu'avec ses forces, ses compétences, son savoir et ses responsabilités.
Gardiennage
Dynamique interprofessionnelle
L'équipe du foyer de jour est attachée à la promotion de valeurs professionnelles : tolérance et ouverture, valorisation du rôle de médiation, réciprocité, créativité et remise en question permanente, action en faveur d'un renouvellement de la société.
Pour finir nous citerons cette phrase de Georges Haldas : « L'important pour les personnes âgées est moins d'être assistées que sollicitées pour apporter leur concours, faire et surtout donner quelque chose, ne serait-ce que par leur présence. Tant il est vrai que donner et se donner est ce qu'il y a de meilleur chez les êtres. De plus fertile. Pour eux-mêmes et pour les autres. Pour le coeur également et pour l'esprit. »
Les nombreux échos qui nous sont parvenus et qui motivent cette motion montrent qu'il y a urgence de s'atteler à ce problème. L'Etat ne peut pas éluder sa responsabilité.
C'est dans cet esprit que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion en Commission des affaires sociales.
Débat
M. Alberto Velasco (S). Ce n'est pas parce que nos établissements médico-sociaux sont bien équipés sur le plan matériel que l'essentiel est assuré, c'est-à-dire le respect des droits élémentaires de l'être humain : à savoir, la prise en compte des êtres en tant que personnes à part entière, ayant un vécu et disposées, si on les sollicite, à apporter leur concours dans une relation tout simplement citoyenne. Car, comme le dit Georges Haldas, «donner et se donner est ce qu'il y a de meilleur chez les êtres. Pour eux-mêmes et pour les autres. Pour le coeur et l'esprit.»
Seulement voilà ! Il faut pour cela qu'au niveau de la gestion de ces établissements soient pris en compte les divers aspects qui configurent la vie de ces établissements. Si l'on veut exiger une qualité de prestations ayant comme base le respect des valeurs éthiques, il faut qu'à tous les niveaux - gestion de l'établissement, qualification du personnel, conditions dans lesquelles s'exerce l'activité du personnel employé, cadre social des personnes âgées, respect de la personne humaine - ces conditions soient réunies.
Aujourd'hui, malgré la loi qui a été adoptée par ce Grand Conseil et dont on ne peut que se féliciter, ces conditions ne sont toujours pas réunies. En effet, dans le dernier numéro de «Balise», info officielle du DASS, on peut lire que 35 plaintes concernant 17 EMS - sur 57 - ont été traitées par le DASS, certains EMS ayant donc été concernés à plusieurs reprises. 57% de ces plaintes provenaient des familles des pensionnaires, 23% d'employés, 14% de tiers, 5% des pensionnaires. On apprend que 26% des plaintes portaient sur les conditions de travail et le mobbing, 14% sur la maltraitance, 11% sur les prix pratiqués et la facturation, 8% sur les soins ainsi que sur l'attitude de la direction du personnel.
Par conséquent, les carences mentionnées et constatées dans la motion sont une réalité. Monsieur le président du DASS, vous allez me dire qu'il existe déjà une charte produite par la FEGEMS, la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux. Tout en saluant sa création, il faut la perfectionner, en faisant participer à son élaboration l'ensemble des acteurs, à savoir les personnes âgées, la direction des EMS, l'Etat, le personnel et la société civile. Il faut que cette charte, tel que demandé dans la motion, garantisse le respect de l'individu et son appartenance à notre société, assure les règles de déontologie de la part du personnel et valorise leur activité. Pour veiller à son respect, la mise en place d'une instance pluridisciplinaire de médiation, incluant tous les acteurs ainsi que la société civile, sera nécessaire. Enfin, j'aimerais émettre le souhait qu'il soit tenu compte des principes des Nations Unies qui sont destinés à permettre aux personnes âgées de mieux vivre les années gagnées, ainsi que de l'expérience enrichissante entreprise au sein du foyer de jour de Soubeyran.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est dans l'esprit des passages que je viens de développer que je demande le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales.
Mme Louiza Mottaz (Ve). Bien que nous soutenions le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales, j'aimerais faire quelques observations quant à son contenu.
Premièrement, à propos de l'invite qui demande au Conseil d'Etat de «favoriser l'élaboration d'une charte détaillée et concrète reconnue par l'ensemble des partenaires qui, dans ces lieux, garantirait le respect de l'individu et son appartenance à la société, assurerait les règles de déontologie du personnel et valoriserait leur activité professionnelle» : outre le fait qu'à mon sens un tel document ne peut à lui seul garantir quoi que ce soit, mais devrait plutôt être un repère, ce vers quoi nous devrions tendre, ce document existe déjà et vous l'avez relevé, Monsieur Velasco. La Charte éthique de la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux a été adoptée en mars 1998 par tous les EMS du canton. Les signataires de cette charte s'engagent, entre autres, «à considérer que les droits et libertés d'une personne âgée ne diminuent pas quand elle entre en institution, que les EMS sont des lieux de vie aptes à favoriser une qualité de relation et de soins capable de satisfaire les besoins des personnes qu'ils accueillent. Ce qui implique notamment qu'ils s'efforcent de préserver l'autonomie de la personne âgée, de favoriser l'expression de son libre arbitre, de respecter ses choix ; qu'ils s'attachent à développer le bien-être, le confort et la sécurité de la personne âgée, à les améliorer en permanence et à réduire les inévitables contraintes d'une vie en collectivité ; qu'ils estiment que la prise en charge d'une personne âgée est une démarche globale et individualisée. Dans ce sens, ils planifient pour leur personnel une formation permanente et un perfectionnement professionnel.»
Ces quelques points que j'ai extraits de la charte répondent aux invites de la motion et nous les retrouvons dans la loi sur les EMS, au chapitre II, article 9, lettres h, i, j, et article 4, alinéa 2, lettre c. Par contre, et c'est un point auquel il faudra remédier lors de l'examen de cette motion en commission, la charte éthique doit figurer dans la loi et être, à l'article 40, un des paramètres, au même titre que d'autres, à évaluer. D'ailleurs l'évaluation des effets de la loi doit être faite tous les ans et nous devrions, en septembre, recevoir le premier rapport.
Deuxièmement, les motionnaires parlent de maltraitance et évoquent comme telle le fait de passer la main dans les cheveux d'une personne âgée. Mais, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas là, dans ce geste, maltraitance ! Pour la plupart des soignants qui travaillent avec des personnes âgées et même très âgées, c'est un geste de soin. Voyez-vous, quand les maux, tant au niveau physique que psychique, ne peuvent plus s'exprimer verbalement, et que les mots ne peuvent plus être entendus, compris par celui qui souffre, alors il reste les gestes ! Les gestes deviennent paroles et c'est un corps à corps soignant-soigné qui dit à la personne qu'elle existe, même si elle ne sait plus qui elle est et qu'elle a perdu la maîtrise d'elle-même et de son environnement. Mais je m'arrêterai là et laisse le soin aux motionnaires de m'expliquer, le moment voulu, la différence, sûrement essentielle, qu'ils voient entre un loto thérapeutique et un pseudo-loto à dénoncer à l'autorité !
Mesdames et Messieurs, croyez-le, je ne nie pas la maltraitance, je sais qu'elle existe mais elle n'est pas pratique courante, et j'y suis particulièrement attentive en tant qu'infirmière responsable dans un EMS. Les personnes qui prennent en soin les personnes fragilisées par le temps et la maladie sont en majorité admirables et je crois que, le plus souvent, c'est le silence des mots et des gestes qui est maltraitance ! (Applaudissements.)
M. Christian de Saussure (L). San Antonio a écrit que certaines personnes, lorsqu'elles sont face à un miroir, pensent qu'elles réfléchissent... alors que c'est exactement le contraire qui se produit ! Et c'est le sentiment que j'ai eu à la lecture de ce texte insipide, grotesque et parfois même insultant pour les personnes qui travaillent en EMS, voire les personnes qui vivent dans ces EMS.
Madame et Messieurs les motionnaires, votre texte est blâmable à plus d'un titre. Blâmable tout d'abord parce que les exemples que vous donnez sont éculés et font plus souvent penser à des ragots qu'à une réalité objective.
Blâmable ensuite parce que, si vous avez observé les faits cités - et j'en doute - je me demande pourquoi vous ne les avez pas dénoncés à l'autorité. Lorsque vous dites, Monsieur Velasco, qu'il y a 14% de plaintes pour maltraitance dans les EMS, vous oubliez que c'est sur un ensemble de 34 plaintes, c'est-à-dire à peine 4 ou 5 dénonciations sur l'année, pour 3500 personnes vivant dans 55 EMS. Il faut donc parfois relativiser les chiffres !
Blâmable encore parce que vous vous attaquez à un seul groupe professionnel, celui des directeurs d'établissements. Or, être un directeur est une fonction et pas un métier. Tous ont acquis au préalable un métier, beaucoup d'entre eux ont une formation d'infirmier, voire de cadre d'institutions universitaires. Je vous rappelle que dans le règlement actuel des EMS - que vous semblez mal connaître, Madame et Messieurs - il est précisé que la responsabilité de ces établissements revient au directeur, mais aussi aux médecins. Or ces derniers sont étrangement absents de votre texte, alors que vous pourriez vous poser des questions sur leur formation et leurs compétences. Mais peut-être est-ce parce qu'un médecin figure parmi les motionnaires que, solidarité confraternelle obligeant, vous n'en parlez pas !
Blâmable enfin car, à vous lire, j'ai la certitude que vous n'avez jamais passé plus de quelques minutes dans un EMS, sinon vous sauriez qu'il y a déjà d'énormes efforts qui sont faits pour assurer une formation continue - je ne dis pas une formation de base, celle-ci devrait précéder - et je suis bien placé pour vous le dire puisque je participe régulièrement à des cycles d'enseignement non seulement aux aides soignants, mais aussi aux aides hôteliers comme aux directeurs et médecins répondants de ces EMS. Je regrette que vous soyez aussi superficiels et mal informés.
Je n'insisterai pas sur d'autres affirmations consternantes de votre texte, ni sur certaines propositions, mais je soulignerai qu'il existe déjà une charte éthique éditée par la FEGEMS, qui répond à bon nombre de vos questions, et qu'il est inutile de vouloir créer encore d'autres textes, voire des organes de surveillance qui sont tout à fait déplacés. Utilisons déjà ce qui existe, c'est bien suffisant. Les nombreux échos dont vous vous targuez me font penser qu'il s'agit là d'une bataille qui retarde d'au moins une guerre. Bien évidemment, aucune formation quelle qu'elle soit ne permettra jamais d'éviter quelques dérapages, alors ne perdons pas de temps en commission ! Je crois que nous avons déjà fait bien assez de travail dans ce sens et, au nom du groupe libéral, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette motion.
M. Gilles Godinat (AdG). Après les propos de M. de Saussure, il est évidemment difficile de défendre mot à mot la motion. Je reconnais pour ma part qu'il y a un risque de généraliser et de penser que l'ensemble des EMS connaissent des problèmes de maltraitance. Loin de moi cette pensée : je considère qu'effectivement de très importants efforts ont été faits dans les EMS et je tiens à le souligner ici. Il y a cependant, hélas, encore quelques carences et c'est ce problème-là que nous avons voulu viser dans la motion.
En l'état, il y a sans doute quelques maladresses dans le texte, que nous pourrons corriger en commission - ce que je m'empresserai de faire pour ma part - mais je tiens à ce qu'on donne toute la force qu'il est possible de donner à cette charte, qui est un guide de conduite extrêmement utile et précieux, et c'est le souci qui m'animait lorsque j'ai signé cette motion. Il est en effet de notre devoir de veiller à ce que la dignité humaine soit respectée dans toutes les situations.
M. Pierre Marti (PDC). Je remercie Mme Mottaz des propos qu'elle a tenus tout à l'heure, nous démontrant que, lorsqu'on vit dans un EMS, on n'a pas tout à fait la même vision des choses que les auteurs de cette motion, qui semblent méconnaître totalement la problématique et la vie des EMS. J'espère en tout cas qu'il s'agit de méconnaissance, car sinon cette motion ne transcrirait alors que mauvaise foi, voire grossièreté à l'encontre des directions, mais surtout à l'encontre de l'ensemble du personnel de ces établissements.
Une telle généralisation est inadmissible, elle démontre même un mépris des familles des personnes âgées, qui délaisseraient leurs parents jusqu'à ne plus s'inquiéter de leur habillement... Il est quand même invraisemblable de lire de telles choses dans l'exposé des motifs ! Je suis d'ailleurs étonné que de telles caricatures soient le fait de députés responsables dans le domaine social, qui devraient connaître tant les EMS que la qualité du personnel employé dans ces établissements. Comme il a été dit, parmi les plaintes déposées en 1998, il n'y a eu que cinq plaintes pour maltraitance. Alors, comment oser généraliser ainsi ? Les propos outranciers de cette motion provoquent en moi dégoût et écoeurement. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cette motion.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Si j'ai signé cette motion, c'est précisément parce que j'ai fréquenté des EMS. L'expérience douloureuse, je dirais même blessante, vécue par un certain nombre de personnes dans les EMS de notre canton m'a motivée à la signer.
Il y a loin, Monsieur de Saussure, des textes à la pratique ! Je sais que tout a été mis en oeuvre, dans les textes que nous avons adoptés, dans les chartes existantes, pour que le respect de la personne humaine soit au coeur des pratiques dans les EMS et pourtant ce n'est pas le cas. La blessure ne s'arrête pas à l'arrachement des premiers jours, lorsque la personne internée quitte son environnement familier, ses souvenirs, pour s'apercevoir qu'elle est destinée à vivre, non pas en hôpital, qui revêt toujours un aspect passager, mais dans un nouveau lieu de vie, où va se dérouler son quotidien, sans chambre individuelle très souvent, sans ses habits et affaires personnelles, ou avec quelques affaires seulement, sans occupations intelligentes la plupart du temps - une occupation intelligente, pour une personne âgée, se déroule dans son cadre familier, là où sont enracinées ses dernières capacités de compréhension et de communication - et surtout sans identité. En effet, en entrant dans un EMS, en dehors des relations avec les enfants, les visiteurs, les amis qui, même s'ils viennent souvent, ne viennent que quelques heures, ces occupations et cette identité perdent tout sens.
J'avais été frappée à cet égard par une première expérience, qui m'était pourtant lointaine. J'avais dû rendre visite à Alice Rivaz, alors qu'elle vivait dans un EMS et approchait de ses 100 ans. Je devais lui annoncer qu'elle allait recevoir la médaille de la Ville de Genève «Genève Reconnaissante». On m'avait dit qu'elle avait la malade d'Alzheimer, qu'elle ne communiquait plus ; j'avais cependant désiré la rencontrer pour la préparer à cet événement. Dans l'EMS où Alice Rivaz vivait, on la connaissait non pas sous son nom d'écrivain - c'est l'une des principales écrivains de Suisse romande du XXe siècle - mais sous son nom civile, Alice Golay. On ignorait dans cette maison qu'elle était un écrivain, on ignorait tout de sa carrière et on pensait qu'elle n'avait plus aucune capacité de communication. Une animatrice qui, par chance, faisait une heure d'animation cet après-midi là, m'a dit que je pourrais peut-être l'intéresser en lui montrant un livre avec des photos. Je suis donc allée chercher un ouvrage sur Alice Rivaz et pendant deux heures, alors que je ne l'avais jamais rencontrée, nous avons parlé de Jean Starobinski, de Ramuz, de Marcel Reymond, d'Albert Thomas, son directeur au BIT où elle avait travaillé toute sa vie. Alice Rivaz avait cessé d'exister là où elle vivait, car son entourage quotidien ne le lui permettait pas, et pourtant elle était encore toute habitée par son destin.
J'ai pris à dessein cet exemple, car imaginez ce qui arrive aux gens plus faibles, moins dotés, lorsque tout se passe comme s'ils n'avaient plus droit à l'existence, plus droit à l'existence psychologique, culturelle, individuelle, qui, chez les personnes âgées, se traduit par un ressassement de sa propre vie, de ses propres souvenirs. C'est en cela que la dignité des personnes âgées est atteinte dans les EMS.
Je n'ai pas voulu, en signant cette motion, dire que le personnel et les directions n'étaient ni sensibles à la personne humaine, ni prêts à affronter les difficultés. Ces maisons sont généralement bien tenues, l'hygiène y est impeccable, la diététique est bonne, mais les personnes qui y vivent ont droit à un encadrement socio-professionnel beaucoup plus attentif à ce qu'elles sont réellement. Lorsqu'en rendant visite à ma vieille mère, hospitalisée dans un EMS, je l'ai entendue crier parce qu'un jeune Mexicain de 19 ans lui enlevait ses collants et ses sous-vêtements, crier qu'elle lui interdisait de la toucher, je me suis dit qu'il y avait là réellement matière à protester !
J'en resterai là. Cette année est l'Année internationale des personnes âgées et je crois qu'il y va de notre intérêt d'accepter cette motion dont le sens est : les personnes âgées ne sont pas seulement destinées à être la clientèle de nos EMS, elles ne sont pas destinées à être ce que vous-même, Monsieur de Saussure, appelez des «vieillards tirelire». Les personnes âgées sont certainement appelées, dans un avenir plus lointain, à vivre davantage dans la convivialité, dans une collectivité qui ait un autre visage que nos EMS actuels, fruit d'un moment de transition entre une période ancienne et cette période où tout à coup le nombre de personnes âgées augmente. Il y aura une évolution et notre motion demande que cette évolution s'appuie sur une meilleure considération de la dignité de la personne. Cette dignité qui se réfugie dans la culture d'une personne, dans ses habitudes, ses attentes eu égard à l'existence qu'elle a eue, sa mémoire qu'elle cultive et qui souvent est la seule richesse, la seule activité qui lui reste.
Je suis profondément choquée de l'accueil que vous avez fait à cette motion. Cela prouve, Mesdames et Messieurs, que vous ne l'avez pas comprise. Vous nous avez accusés de ne rien comprendre aux EMS, de n'y avoir jamais mis les pieds : je ne vous souhaite pas d'y passer le reste de votre vie ! J'aimerais enfin dire une dernière chose : 75% des personnes qui vivent dans les EMS sont des personnes qui n'ont pas eu une existence très reluisante, sur le plan financier et culturel. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accorder un peu plus d'intérêt à cette question ! (Applaudissements.)
Mme Madeleine Bernasconi (R). Je dois dire qu'en entendant de telles choses je me demande dans quel siècle je suis tombée ! Je n'ai vraiment pas l'impression que la majorité des EMS de ce canton sont ce que vous mentionnez.
Bien entendu, quand on parle «d'interner» une personne dans un EMS, on parle déjà mal : en fait, on accompagne une personne dans un EMS. Que ce soit par le biais d'un professionnel, d'un membre de la famille, d'un ami, on accompagne cette personne ; auparavant, on lui a fait visiter l'établissement, elle a rencontré l'infirmier chef, elle sait quelles seront ses journées. C'est ce que je connais des EMS, c'est ce que je vis dans celui que je préside et où réside quelqu'un de ma famille.
J'admire le personnel, à tous les niveaux, que ce soient les infirmières, les aides, le personnel qui s'occupe de la maintenance, de l'entretien des chambres... Je suis vraiment émerveillée des gestes qu'ils ont, chaleureux, amicaux. J'admire aussi ces jeunes animateurs, qui s'occupent justement de l'animation des EMS, qui toute la journée font la lecture des journaux aux résidants, s'emploient à les intéresser au monde que nous vivons, à les intéresser à des activités culturelles, à organiser des concerts, des rencontres... A cet égard, je dois dire que je suis très fière : une classe du jardin d'enfants de Meyrin va régulièrement, une fois par semaine, rencontrer les résidants de l'EMS de Meyrin et ceux-ci se rendent aussi dans l'institution, où il y a de très jeunes enfants. Il me semble que c'est cela la vie et le respect que l'on doit à nos aînés.
Quand je lis cette motion, je me dis que, si les choses décrites existent, il faut fermer ces maisons, il n'est pas possible de les garder ouvertes... Mais, en l'occurrence, ne faisons pas d'amalgame ! Un très gros travail a été fait à Genève et j'en rends grâce à M. le président du département, qui sait bien, qui comprend bien ce que c'est que d'entourer les personnes, même à la fin de leur vie. De grâce, par respect pour le personnel de ces EMS, ne dites pas qu'ils peuvent être aussi mauvais. Si vous avez connaissance de certains problèmes, vous devez les dénoncer. On fermera telle ou telle maison mais, s'il vous plaît, ne mettez pas tous les EMS dans le même panier !
J'ai également lu, dans «Balise», le nombre d'EMS concernés par des plaintes et, là, il y a vraiment quelque chose à faire. Mais il ne faut pas faire une généralité de cas extrêmement particuliers. Ce soir, il faut simplement souhaiter que, si nous devons finir notre vie dans un tel établissement, nous rencontrions encore la qualité d'encadrement et d'accompagnement qui existe aujourd'hui ! En tout cas, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à rejeter cette motion. (Applaudissements.)
M. Pierre-Alain Champod (S). Je ferai, très brièvement, quelques remarques. Il est toujours délicat d'aborder la question des EMS. En effet, si on devait attribuer des étoiles aux 50 ou 60 EMS du canton de Genève, comme on en attribue aux hôtels ou comme on en trouve dans certains guides, on irait des cinq étoiles jusqu'aux une étoile. Un certain nombre d'EMS sont effectivement de très bonne qualité, les gens y sont très bien traités, le personnel est en nombre suffisant et a les compétences requises. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas de la totalité des 52 établissements du canton.
Si on lit attentivement les invites - et l'important, ce sont les invites d'une motion, plus que l'exposé des motifs - on voit que le but de cette motion est double. Il s'agit premièrement d'ouvrir un débat au sein de la commission des affaires sociales sur ce thème, raison pour laquelle nous ne demandons pas le renvoi de la motion telle quelle au Conseil d'Etat, mais son renvoi à la commission des affaires sociales. Celle-ci devrait d'ailleurs prochainement être saisie du rapport de Mme Herrismann et pourrait examiner cette motion en même temps que ledit rapport, qui fournira de la matière pour le débat.
Le deuxième but est en relation avec l'objectif souhaitable en matière de politique des EMS, à savoir que la totalité des EMS atteignent la qualité de ceux qui sont aujourd'hui au top niveau. A cet égard, les moyens que nous proposons dans cette motion sont essentiellement basés sur la formation. Nous pensons effectivement que, pour améliorer la qualité des EMS, il faut améliorer la formation, depuis la direction jusqu'au personnel occupé aux tâches les moins qualifiées. C'est dans cet esprit que la motion a été rédigée, raison pour laquelle je vous invite à la renvoyer à la commission des affaires sociales, qui pourra reformuler en partie les invites.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes au terme de ce débat. Il a été proposé de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales. Je mets aux voix cette proposition de renvoi.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
L'adjoint du sautier compte les suffrages.
Le renvoi de la proposition de motion à la commission des affaires sociales est rejeté par 39 non contre 33 oui.
M. Pierre-Alain Champod (S). Le refus de renvoyer cette motion en commission montre que notre intention, qui était de lancer un débat sur ce problème, a été extrêmement mal comprise. Dans ces conditions, nous retirons la proposition de motion. (Applaudissements.)
Le président. Il est pris acte de ce retrait. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour... Monsieur Clerc, vous avez la parole.
M. Bernard Clerc (AdG). Monsieur le président, je ne sais pas si l'initiative de M. Champod résulte d'une consultation de tous les signataires de cette motion. En l'état, j'annonce que je la reprends à mon nom et je demande qu'on vote sur le fond, en vous rendant attentifs, Mesdames et Messieurs les députés, au fait que, lorsque les prochaines affaires concernant des EMS sortiront, vous vous souviendrez d'avoir refusé cette motion !
Le président. Bien. Nous allons donc voter sur la motion elle-même, puisque son retrait n'a été proposé que par un des auteurs et qu'il faut effectivement l'accord de tous les signataires. Je mets aux voix cette motion... (Commentaires et brouhaha.) Non, nous étions en procédure de vote, nous ne reprenons pas le débat...
L'appel nominal est demandé, il est appuyé ; nous voterons donc à l'appel nominal. Je vous remercie de regagner vos places et de faire silence. Celles et ceux qui acceptent cette motion... (Brouhaha et protestations.) Madame Mottaz, vous avez la parole...
Mme Louiza Mottaz (Ve). Je demande le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat...
Le président. Madame Mottaz, je me permets de vous faire observer qu'une fois le renvoi en commission refusé il reste une seule solution, c'est de refuser ou d'accepter la motion. Et l'accepter, c'est la renvoyer au Conseil d'Etat...
Une voix. Elle n'a pas terminé, laissez-la terminer !
Mme Louiza Mottaz. Je demande donc le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, à charge pour lui d'introduire dans la loi la charte éthique existante. Il peut le faire dans son rapport. (Exclamations et brouhaha.)
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je vous ferai d'abord remarquer qu'après le refus du renvoi en commission nous avons quand même le droit de nous exprimer sur la motion. Je vous félicite de la rapidité avec laquelle vous menez les débats, mais nous n'avons pas eu le temps de lever la main... (Protestations.) J'aimerais simplement savoir si Mme Mottaz dépose un amendement à la motion.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons fait le débat. Puis, nous avons voté et vous avez refusé le renvoi en commission. A partir de là, il convient de voter sur la motion elle-même et, si elle est acceptée, elle est renvoyée au Conseil d'Etat. Nous sommes en procédure de vote, je vous remercie de regagner vos places pour l'appel nominal... Monsieur Nissim, vous avez la parole.
M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur le président, comme M. Grobet, je vous signale qu'on entre en matière sur une motion. Ensuite, des députés peuvent proposer des amendements ; c'est le cas de ma collègue Louiza Mottaz qui va vous proposer un amendement par écrit, qui tient en une seule phrase. Vous allez nous lire cet amendement et nous nous prononcerons. S'il est accepté, nous voterons sur la motion amendée. Nous avons toujours fait ainsi, depuis des décennies...
Le président. Je me permets de vous rappeler ceci, Monsieur Nissim. D'abord, il n'y a pas de premier débat sur une motion. Ensuite, le débat a bien eu lieu. Enfin, les amendements sont à présenter par écrit et nous n'avons pas reçu d'amendement. Si un amendement avait été déposé, je l'aurais soumis au vote, bien sûr, mais cela n'a pas été le cas. Tout à l'heure, lorsque nous avons voté sur le renvoi en commission, il n'y avait pas d'autres propositions.
Si vous avez un amendement à présenter, je vous remercie de le déposer sur le bureau et on le votera. Mais, à l'avenir, essayez d'être un peu plus efficaces !
Bien. On me remet le texte d'un amendement à la motion 1272, signé par Mme Mottaz pour les Verts. Je vous le lis :
«Cette motion est renvoyée au Conseil d'Etat avec charge pour lui d'introduire dans la loi la charte éthique existante.»
S'agit-il d'une invite, d'un considérant ? Je vous remercie de bien vouloir donner une explication pour que le Grand Conseil puisse voter en connaissance de cause.
M. Chaïm Nissim (Ve). Cet amendement concerne bien entendu l'invite de la motion : le texte proposé remplace les invites existantes.
Le président. Bien, il s'agit donc de remplacer l'ensemble des invites par le texte de Mme Mottaz.
M. Christian Grobet (AdG). Nous serions d'accord que cette invite soit ajoutée à la motion, mais non qu'elle remplace toutes les invites existantes. J'aimerais que les écologistes soient plus précis, car Mme Mottaz, tout à l'heure, a simplement demandé d'ajouter cette condition... (Protestations et brouhaha.)
M. Alberto Velasco (S). Mme Mottaz a raison de demander le respect de cette charte, car évidemment elle a participé à sa rédaction, en tant que cheffe d'un service d'un EMS et elle est donc directement impliquée... (Chahut.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de faire silence !
M. Alberto Velasco. Je constate que les personnes qui donnent des leçons de morale sont les premières à ne pas laisser parler les autres !
Le président. Monsieur Velasco, veuillez poursuivre votre intervention et laissez-moi faire régner l'ordre dans la salle ! Mesdames et Messieurs, je vous demande de faire silence, sinon je lève la séance ici ! (Exclamations, protestations.)
M. Alberto Velasco. Cette charte a été élaborée avec des personnes qui travaillent dans des EMS. Mme Mottaz, au même titre que M. de Saussure et d'autres personnes qui se sont exprimées, a droit à notre respect. Cela dit, dans cette motion, nous avons simplement repris les critiques de certains de nos concitoyens. On nous reproche de critiquer l'ensemble des EMS, mais ce n'est pas vrai : dans les considérants, nous parlons bien de «certains établissements», et donc certains des préopinants ont menti.
La charte que nous proposons est une charte qui doit être élaborée avec l'ensemble des acteurs des EMS, et pas seulement avec les directions ou une partie des acteurs. Et c'est en ce sens que ce texte aurait un intérêt pour nous. A notre sens, il n'est pas du tout intéressant de reprendre et d'intégrer simplement la charte existante, qui a été élaborée de manière unilatérale.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je crois que tout ne peut pas être dit. Monsieur Velasco, nous n'admettons pas ce que vous venez de dire : Mme Mottaz ne travaillait pas dans un EMS au moment où la charte a été rédigée, elle travaillait à l'hôpital de Belle-Idée. Aussi, vous feriez mieux de vous renseigner avant de porter des attaques qui sont proches de la diffamation ! (Exclamations.)
Mme Mottaz a fait tout à l'heure un discours plein de sensibilité, pour vous expliquer qu'elle est une infirmière qui travaille auprès des malades, auprès des personnes âgées. Elle a tenté de vous dire, dans son intervention, quels sont les gestes qu'elle effectue elle-même auprès des personnes âgées. Elle a ensuite reconnu, si vous l'avez écoutée jusqu'à la fin, qu'il y avait effectivement, dans certains établissements, des pratiques qui ne devaient pas être admises. Et, parce que ces lieux existent, elle a dit qu'il fallait absolument une charte et que celle-ci fasse partie de la loi, afin que ces établissements ne puissent plus faire ce qu'ils veulent et qu'on y respecte les personnes âgées. C'est cette charte que Mme Mottaz veut faire entrer dans la loi et c'est le sens de son amendement ! (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Halpérin, vous avez la parole... Excusez-moi, j'ai oublié M. Blanc, qui avait demandé la parole avant vous !
M. Michel Halpérin. Monsieur le président, il est inoubliable !
M. Claude Blanc (PDC). Je sais bien, Monsieur le président, que vous m'oubliez souvent, mais je vous pardonne !
J'aimerais simplement que le Conseil d'Etat nous dise s'il est disposé à recevoir la motion telle qu'amendée par Mme Mottaz.
M. Michel Halpérin (L). Je ferai observer que le drame que vit cette enceinte ce soir, à propos de cette motion, résulte une fois de plus de la manière abusive avec laquelle elle a été rédigée, puis de la manière hâtive avec laquelle on propose de l'amender.
En ce qui concerne le groupe libéral, il estime ne pas savoir en quoi consiste la charte. Quand bien même le Conseil d'Etat jugerait cet amendement acceptable, notre groupe ne peut pas voter un texte qu'il ne connaît pas, que ce soit en plus, ou à la place des invites qui nous sont proposées, même si ces dernières sont mal fichues ! Il faudra apprendre à rédiger avant de nous solliciter !
M. Christian Ferrazino (AdG). Je dirai à M. Halpérin et au groupe libéral qu'il ne s'agit que d'une motion. Si vous n'avez pas pris soin d'étudier cette charte et de retenir les observations qui ont été faites par les divers intervenants, vous aurez tout loisir, Monsieur Halpérin, de le faire quand le Conseil d'Etat saisira ce Grand Conseil du projet de loi qui devrait précisément intégrer cette charte. Ces propos s'adressent aussi à vous, Monsieur Velasco : si vous mettez en doute certaines dispositions contenues dans la charte, vous aurez la possibilité de vous exprimer quand le Conseil d'Etat aura saisi le Grand Conseil dudit projet de loi. Je ne vois donc pas pourquoi vous auriez des réticences.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, d'accepter l'amendement de Mme Mottaz, en plus évidemment des invites de cette motion. Une fois que le Conseil d'Etat, sur la base du vote positif du Grand Conseil, nous saisira du projet de loi intégrant cette charte, nous aurons tout loisir d'en débattre à nouveau.
Mme Danielle Oppliger (AdG). Il serait en effet nécessaire de renvoyer cette motion amendée au Conseil d'Etat, parce que bon nombre de nos EMS, pas tous mais quelques-uns, méritent d'être mis sous contrôle de l'Etat !
Le président. Nous passons au vote... Monsieur Segond, vous avez la parole.
M. Guy-Olivier Segond. M. Blanc m'ayant posé une question, il faut que j'y réponde, Monsieur le président...
Je rappellerai que la charte dont il est question est un texte qui a été adopté, il y a un peu plus d'une année, par la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux, par ses présidents et ses directeurs. Elle est en vigueur depuis douze mois. Son application a suscité, en douze mois, cinq plaintes, qui ont été adressées aux instances compétentes. Cinq plaintes - c'est donc l'écume, et pas la vague - sur une population totale de 3500 pensionnaires.
Si vous demandez au Conseil d'Etat de présenter un projet de loi, celui-ci reprendra - M. Ferrazino a raison - le texte de cette charte, voté pour l'instant par un organisme privé. Vous aurez, à ce moment-là, l'occasion de voir si ce texte est satisfaisant et s'il peut être adopté tel quel ; s'il doit être amendé ; ou si, finalement, il n'est pas de niveau légal parce que trop détaillé.
Le président. Je lis le nouvel amendement qui vient d'être déposé, qui consiste à remplacer les invites de la motion par le texte suivant :
«Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à introduire dans la loi sur les EMS la charte éthique de la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux.»
M. Christian Ferrazino (AdG). Nous nous sommes rejoints, avec M. Segond, sur les explications données tout à l'heure, mais nous n'aimons pas nous faire rouler dans la farine. Si cet amendement devait remplacer toutes les invites, il est clair que mon groupe le refusera. Il est possible de trouver un compromis sur la base de ce qui vient d'être dit, à savoir que cet amendement s'ajoute aux autres invites de la motion, mais si les Verts persistent à vouloir que l'amendement les remplace, nous ne pourrons que le rejeter et refuser par conséquent la motion
Mme Louiza Mottaz (Ve). Je ne comprends pas très bien : les invites de cette motion sont déjà comprises dans la charte. Aussi, je ne vois pas pourquoi vous ne pouvez pas accepter tout simplement cet amendement et que la charte soit introduite.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je constate qu'en ce moment nous faisons typiquement un débat de commission. Puisqu'on peut le faire en tout temps, je propose le renvoi de la motion en commission... (Brouhaha.) Mme Mottaz aura l'occasion de développer son amendement et la commission des affaires sociales aura l'occasion de recevoir la charte et de l'étudier attentivement. Depuis vingt minutes, nous faisons un travail qui devrait se faire en commission et pas en plénière ! Je demande donc qu'on vote à nouveau sur le renvoi en commission. (Applaudissements.)
Le président. Conformément au règlement, les propositions de renvoi en commission ont priorité sur toutes les autres et peuvent être formulées en tout temps. Je mets aux voix la proposition de M. Champod.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
L'adjoint du sautier compte les suffrages.
La proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires sociales recueille 42 oui et 42 non.
Le président. Il m'appartient de trancher : cette proposition de motion est renvoyée en commission.