République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1271
9. Proposition de motion de Mmes et MM. Caroline Dallèves-Romaneschi, Jeannine de Haller, Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber-Pauli, Marie-Thérèse Engelberts, Véronique Pürro, Charles Beer et David Hiler sur le bilan de l'Académie internationale de l'environnement. ( )M1271

EXPOSÉ DES MOTIFS

Créée en 1991, l'Académie Internationale de l'Environnement (AIE) est une institution indépendante, de statut universitaire, consacrée à la recherche interdisciplinaire, à l'éducation et à la formation dans le domaine de l'environnement et du développement durable, dans une perspective Nord-Sud, Est-Ouest. Bénéficiant du soutien de la Confédération Suisse, de l'Etat de Genève, de l'Université de Genève et d'organisations internationales financières ainsi que de coopération, l'Académie a pour mandat de développer les capacités des pays, institutions ou individus à prendre des décisions compatibles avec le développement durable, en leur fournissant des principes de gestion ainsi que des concepts de base permettant de rapprocher le monde scientifique de celui de la décision.

Les principales étapes de la fondation de l'Académie sont les suivantes :

1989 : le gouvernement genevois achète le terrain de Conches pour 16 millions de francs à l'International Management Institute (IMI) et le consacre à l'environnement et au développement durable,

1989 : le gouvernement genevois invite le Secrétariat de la Conférence de Rio à s'installer sur une partie du site, et demande à l'Université de Genève de formuler un projet de création d'un institut de haut niveau dédié à la recherche, à l'éducation et à la formation dans la gestion environnementale,

1991 : l'Académie est officiellement fondée,

1992 : la Confédération, le Canton et l'Université garantissent leur soutien à l'Académie et allouent une partie des fonds nécessaires.

Les organes de l'Académie comprennent : un Conseil de Fondation et un Comité Scientifique. Le Conseil de Fondation est l'organe de contrôle. Les membres sont nommés par le Conseil fédéral sur proposition du Conseil d'Etat genevois. Le Comité Scientifique est chargé d'évaluer les programmes scientifiques de l'AIE et de donner des orientations aux programmes de recherche.

De 1991 à 1995 c'est Monsieur Bernard Giovannini, professeur de physique à l'Université de Genève, qui a pris la direction de l'Académie. Jusqu'en 1995, l'AIE a réalisé une série d'activités de formation et de recherche dans le cadre de quatre programmes prioritaires à savoir : politiques et outils pour le développement durable, biodiversité-biotechnologie, commerce et environnement, consommation et durabilité.

Un document important "; La Plate-forme Politique " a été élaboré et signé par le Département Fédéral de l'Intérieur, et le Département de l'Instruction Publique du Canton de Genève en 1994. Ce document confirme l'acceptation des recommandations formulées par le Conseil suisse de la Science et exprime la volonté des autorités fédérales et cantonales de maintenir leur soutien financier à l'institution.

Sur la base de ces recommandations, l'AIE a poursuivi ses activités en consolidant, dans un premier temps, les équipes de professionnels, en renforçant les synergies entre les quatre différents types d'activité (la recherche, la formation et l'éducation, les tables rondes stratégiques et les publications) et en développant plus de collaborations.

En remplacement du Professeur Bernard Giovannini, Monsieur Bohdan Hawrylyshyn a pris le relais à partir du premier octobre 1995 en qualité de Directeur ad interim. Monsieur Hawrylyshyn a passé une grande partie de sa carrière à l'IMI, comme enseignant, directeur d'études et enfin directeur de l'Institut de 1968 à 1986.

Sous la direction de Bohdan Hawrylyshyn, le personnel académique s'est agrandi et les équipes de plusieurs programmes ont été complétées. Le directeur a préféré alors engager du personnel à plein temps et de façon permanente plutôt que des personnes externes travaillant de manière occasionnelle. En 1996, l'Académie compte trois programmes : biodiversité-biotechnologie, changement climatique et processus pour le développement durable.

En 1996, le Conseil de Fondation de l'Académie a désigné, un nouveau directeur, Monsieur Francisco Szekely, de nationalité mexicaine, consultant chez McKinsey and Co. et ancien professeur à l'IMD (1990 à 1994). Celui-ci a pris ses fonctions le premier décembre 1996. Monsieur Szekely décide de partager en deux les activités de l'AIE à savoir, un programme de recherche financé par les autorités fédérales et cantonales et des projets financés par des institutions privées. Six mois après son entrée en fonction, il élimine le programme "; biodiversité/biotechnologie " ainsi que "; politiques et outils pour le développement durable " pour se concentrer sur deux programmes : "; changements climatiques ", ainsi qu'un nouveau programme : "; eaux douces internationales ".

En plus de ce strict énoncé factuel partiel, plusieurs éléments récurrents jalonnent l'histoire de l'Académie Internationale de l'Environnement :

absence de concertation entre le Canton et la Confédération ;

absence de fonctionnement des structures internes de contrôle (financier et scientifique) ;

jalousie et campagnes de presse ;

absence de transparence des comptes ;

absence de clarification de la mission de l'Académie ;

absence du cahier de charge du directeur ;

multiples audits externes (Conseil suisse de la science, KPMG, Inspection cantonale des finances) ;

recherche de l'homme providentiel pour assurer la direction.

Le paroxysme semble ainsi atteint avec l'engagement du nouveau directeur chargé de transformer l'Académie en "; entreprise rentable ", dont la rémunération pour un 80% dépasse celle de recteur à 100 %, soit environ 245'000 francs contre 234'000 francs ! Les dérives, sans atteindre les sommets constitués par l'engagement avorté d'un directeur pour l'Institut universitaire de hautes études internationales pour un montant de 250'000 francs auxquels devaient s'ajouter 23'000 francs de frais forfaitaire et une rémunération de 30'000 pour une fonction honorifique, iront néanmoins jusqu'au point de cautionner sa villa sans que cela n'apparaisse dans les comptes et de délivrer directement un permis C... D'autres avantages ont-ils été consentis pour assurer l'arrivée de l'homme providentiel, les conditions ont-elles évoluer avec le temps ?

Les instances n'ont pratiquement pas fonctionné. Ainsi, depuis mai1998, la présidence était vacante jusqu'à la décision de liquidation. La lettre de démission de la présidence de la Fondation de M. Hervé Burdet, adressée à Mme Brunschwig Graf en date du 1er mai 1998, est à cet égard éloquente.

Finalement, à l'exception d'une plate-forme politique, signée en 1994, qui dura le temps de l'encre de sécher, le Canton et la Confédération se sont mis d'accord trois fois en neuf ans:

pour ouvrir,

pour payer,

pour fermer.

Ainsi, malgré 2 motions relatives à cette fermeture votées par le Grand Conseil en fin d'année 1998 , la même légèreté qui fut de mise durant neuf ans soit depuis la création de l'Académie demeure de mise malgré autant d'années de déficits publics. Pour sortir de la nasse, on ferme les yeux sur des dépenses considérables, dévolues à des conférences de presse, alors que la fermeture était déjà décidée, on mandate un recteur pour une refonte des pôles de compétences dans l'Université sans reprise des programmes ni des personnes, mais avec intégration des subventions ! Avec à l'appui un communiqué laconique de 20 lignes. Un tel gâchis, pour Genève, la Confédération, leurs finances, l'environnement, la Genève internationale, et les salariés qui se sont engagés sans compter avec compétence ne saurait se passer d'un bilan sans complaisance.

La présente motion appelle, au-delà de ce bilan, à sauver ce qui peut l'être, à dresser la liste des cas problématiques de ce type et à éviter que pareille liberté ne soit prise à l'avenir avec l'argent du contribuable.

Débat

Mme Martine Brunschwig Graf. Pour gagner du temps, je vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, même si elle n'est pas pertinente sur bon nombre de points. Mais comme, de toute façon, je dois vous rendre un rapport au sujet de l'Académie de l'environnement, cela permettra de tout simplifier, car vous recevrez les réponses détaillées à toutes les questions posées et à celles que vous n'avez pas posées.

Une voix. Formidable !

M. Charles Beer (S). Je comprends qu'il est tentant pour vous, Madame la présidente du Conseil d'Etat - de proposer le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. En effet, les conditions sont quelque peu discutables pour traiter d'un sujet aussi important. Néanmoins, certains points ont un caractère d'urgence qui méritent d'être mis en évidence.

Il faut le dire, l'Académie de l'environnement est un des plus grands ratages de l'histoire de Genève des années 90. Tout d'abord, sa mauvaise gestion a provoqué le licenciement des dizaines de salariés; l'avenir d'une quinzaine de personnes est plus qu'incertain, car le pôle d'excellence de l'environnement est en train de disparaître de Genève. En outre, plus d'une dizaine de millions de francs ont été engloutis, à titre de subvention, dans la gestion de cette académie. Parti sur un coup de foudre, ce projet - ô combien important - était basé sur une grande idée qui méritait d'être soutenue. Malheureusement, la gestion de cette académie se résume à trois étapes...

M. Olivier Vaucher. Arrête !

M. Charles Beer. On n'a pas tous les mêmes motivations pour s'exprimer !

En huit ans d'histoire, on ne retient que les trois éléments suivants :

- une ouverture euphorique ;

- le conflit entre le canton et la Confédération sur la gestion de cette académie ;

- son enterrement.

Les pouvoirs publics ont toujours recherché l'homme providentiel, capable de pouvoir doter l'académie d'un véritable projet. Tout au long de la gestion de cette académie - si on ose encore employer ce terme - des différences de points de vue extrêmement graves ont surgi entre la Confédération et le canton. Pour marquer... (Brouhaha.)

Le président. Vous avez terminé, Monsieur Beer ?

M. Charles Beer. Non, Monsieur le président, je n'ai pas terminé !

Le président. Mais il me semble que le silence règne à nouveau. Vous pouvez parler !

M. Charles Beer. Pour marquer la fin de cette académie, il y avait eu pas moins de deux motions déjà renvoyées au Conseil d'Etat, qui demandaient plusieurs choses importantes, comme, par exemple, d'assurer le devenir du pôle de l'environnement et de recherche de l'environnement à Genève - à caractère international - et l'avenir des salariés de cette académie.

Un rapport était prévu et confié à l'ex-recteur Fulpius. Ce rapport a fait l'objet d'un communiqué de presse il y a un mois environ, mais il n'est toujours connu ni du public ni des députés, ce qui nécessite certaines explications. L'Académie de l'environnement fermera ses portes le 30 juin et nous ne savons toujours pas quel sera son sort ni celui des salariés.

Outre tout ce gâchis, il peut sembler particulièrement choquant qu'un nouveau directeur ait été engagé récemment - en 1996 - pour gérer l'Académie de l'environnement au salaire modique... de 245 000 F par année, dans une période pourtant marquée par les déficits publics et par les sacrifices salariaux demandés, notamment, à la fonction publique... (Exclamations.) ...plus 15 000 F de frais, ce qui représente la bagatelle de 260 000 F ! Certes, ce montant n'atteint pas la rémunération globale proposée au directeur des Hautes études internationales, puisque celui-ci devait gagner 250 000 F de salaire annuel, 23 000 F de frais annexes et 30 000 F pour la présidence d'une fondation à caractère honorifique, ce qui faisait 300 000 F au total.

Quand on sait que le salaire du directeur pour les années 1992 et 1993 était - au moment du vote du projet de loi sur l'Académie de l'environnement - fixé à 200 000 F y compris les charges sociales, à la condition expresse que le directeur soit professeur d'université, ce montant a de quoi étonner, ce d'autant plus que le Conseil d'Etat a lui-même édicté un arrêté - en 1977, certes - mais qui conditionne le versement de subventions au respect des salaires de la fonction publique.

Sachant que la rémunération du recteur de l'université n'atteint pas le montant de celle du directeur de l'Académie de l'environnement, on peut vraiment se poser des questions ; questions d'autant plus graves qu'on ne s'est pas arrêté à fixer un salaire mirobolant : on a également demandé à l'Académie de l'environnement - fermée aujourd'hui pour surendettement, je le signale au passage - de cautionner la villa du directeur pour un seul montant de 18 000 F ! Voilà à quoi nous utilisons une partie de l'argent des subventions.

Je peux ajouter également un certain nombre de faits gênants.

- Par exemple, l'ancien directeur utilise encore les locaux pour d'autres gestions de fondations, qui n'ont pas de caractère officiel comme c'est le cas de l'Académie de l'environnement; c'est-à-dire sans base légale, notamment, au niveau fédéral.

- Des dizaines de milliers de francs ont été engagés récemment dans des conférences de presse internationales pour faire valoir cette académie, alors même qu'elle était déjà condamnée, les autorités en ayant décidé la fermeture. On peut vraiment se demander à quoi est utilisé l'argent public !

Enfin, et je terminerai par là, pour la SWA, comme pour l'AIE - deux fois trois lettres - on peut se poser un certain nombre de questions sur la responsabilité de l'Etat et du Conseil d'Etat quant aux moyens dont il se dote pour surveiller l'argent qu'il investit. En effet, dans le cas de la SWA, nous utilisons 5 millions, sur une période extrêmement courte ; dans celui de l'AIE, un peu plus de 10 millions, sans parler d'un certain nombre d'autres entreprises ou projets d'intérêt public, sans la moindre garantie et sans se soucier de voir les projets se réaliser.

Nous demandons de faire la lumière sur la gestion de l'Académie de l'environnement, car c'est un ratage et un gâchis des autorités de surveillance - pas seulement genevoises mais également fédérales - du Conseil de fondation qui s'est toujours montré défaillant et de la direction. Je le répète, on peut se poser des questions sur l'usage qui a été fait de l'argent public. Aujourd'hui, c'est Genève qui paye : les salariés, la collectivité publique, notamment en perte de savoir-faire et de dizaines de millions de francs.

Nous voulons également connaître le rapport sur le devenir du pôle d'excellence de l'environnement à Genève, le sort des salariés - et ceci le plus rapidement possible - sans oublier, bien évidemment, les autres «lapins» - si j'ose dire - que l'on risque de trouver dans d'autres gestions. En outre, nous demandons la publication du rapport de l'ICF - Inspection cantonale des finances - dans la mesure où le public a le droit de savoir comment un certain nombre de choses ont été faites dans la plus totale impunité.

Enfin, les citoyens de cette République doivent avoir l'assurance totale que les autorités de notre canton ont la capacité de gérer correctement l'Etat, non seulement en tant qu'appareil mais dans les sommes qu'il investit, pour comprendre un certain nombre de sacrifices qui leur sont régulièrement demandés. C'est important pour Genève, car il en va non seulement de ses finances publiques et de la confiance de la population en ses autorités mais, également, dans la capacité de notre ville à innover dans des projets nouveaux et rassembleurs. (Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf. Si j'ai souhaité le renvoi de cette motion pour rendre un rapport écrit, ce n'est pas pour justifier les activités du canton de Genève.

Monsieur le député, en tant que mandataire pour la défense des employés de l'académie, vous avez assisté à des séances d'information et vous possédez le rapport que nous avons demandé d'établir pour la fiduciaire et ce sont, notamment, les informations contenues dans ce rapport que vous divulguez ici... Vous êtes donc particulièrement bien placé pour connaître les quelques éléments que je vais rappeler.

Monsieur le député, je ne suis pas à l'origine de la création de cette académie, mais, dès le début de mon mandat, soit trois mois après mon entrée en fonctions, j'ai eu quelques préoccupations à ce sujet. J'ai dû mandater une fiduciaire pour commencer à mettre de l'ordre dans les comptes qui nous paraissaient des plus douteux, y compris par le biais d'un rapport reçu de l'Inspection fédérale des finances.

A cette époque, l'académie en question n'avait même pas de fiduciaire. C'était l'Inspection cantonale des finances qui était chargée de contrôler ses comptes et qui n'avait présenté aucun rapport, à l'époque. Comme il s'agit d'une académie internationale, elle n'est pas sous l'autorité de surveillance cantonale, mais fédérale.

Ce fait a son importance, Monsieur le député. Du reste, dans mon rapport, je produirai les nombreux courriers et lettres que j'ai adressés, tant à l'académie qu'à la Confédération. D'ailleurs un de mes anciens collègues, ici présent, pourra en témoigner, puisque le Conseil d'Etat de l'époque avait refusé à deux reprises la proposition de Berne de rajouter des millions dans la subvention de l'académie.

Je n'ai cessé de réduire les subventions de cette académie. J'ai écrit au président du conseil de fondation, lorsqu'il a nommé son dernier directeur, 1) pour relever que la procédure n'avait pas été respectée et 2) pour demander à ce monsieur de s'engager à assainir les comptes de l'académie avant son entrée en fonctions. J'ai demandé de façon expresse qu'on lui communique les montants déjà engagés et l'état des finances, pour qu'il sache pertinemment ce que l'on attendait de lui, s'agissant de la gestion de l'académie.

Je n'ai jamais été amenée à approuver, ni son contrat ni son salaire. Il s'agi d'une erreur pendable du président du conseil de fondation de l'époque qui n'avait même pas informé son conseil. Mes courriers et mes interventions ont été mal acceptés à Berne : on m'a fait comprendre que je n'étais pas l'autorité de surveillance et que, par conséquent, je n'étais pas habilitée à intervenir.

Si je le dis ce soir, c'est parce que j'en ai eu assez de constater que mes demandes réitérées, mes interventions écrites, les contrôles, ne servaient à rien et que c'est pour cela que nous nous trouvons, hélas, dans une situation difficile - vous avez raison sur ce point.

Mais, Monsieur le député, vous savez par ailleurs que l'université fait un certain nombre de démarches et que nous nous sommes engagés à rechercher des solutions pour le personnel ; nous ferons le point de la situation en temps voulu. Il n'y a pas de rapport complet pour l'instant; mais nous en avons communiqué les premiers principes, et vous obtiendrez - comme je m'y suis engagée - toutes les informations nécessaires.

Toutefois, je réfute le jugement selon lequel l'Etat de Genève - qui n'était pas l'autorité responsable de cette académie - se serait montré laxiste. Monsieur le député, je ne me trouve pas dans une situation plaisante, car il est vrai qu'aujourd'hui je n'accepterai pas de gérer une institution alors que je ne suis pas maître de prendre les décisions importantes, comme une éventuelle fermeture, le renoncement de la subvention, etc. L'an dernier encore l'autorité fédérale m'a demandé de verser des montants supplémentaires pour combler les déficits, et, une fois de plus, j'ai refusé.

Monsieur le député, je le répète, cette situation est désagréable, et ce n'est pas fair-play d'utiliser le Grand Conseil et de proposer une motion urgente en fin de séance pour faire des déballages, alors que certaines explications ne peuvent se faire qu'oralement. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de la renvoyer au Conseil d'Etat, puisque de toute façon, je dois faire un rapport qui comprendra, entre autres, ce que nous faisons en matière d'environnement à Genève. Ce n'est pas la fin des études sur l'environnement, bien au contraire. Cette académie n'aurait pas dû voir le jour... Mais elle a été créée pour des raisons qui n'ont pas à être données ici et le Grand Conseil l'a votée à l'unanimité, tous bancs confondus.

Pendant des années, cette académie a été soutenue. L'année dernière, on m'a même sommée de rétablir une subvention... Et c'est vous, Monsieur le député, qui avez approché le Conseil d'Etat à la commission des finances pour essayer de rajouter un montant à cette subvention, que ma collègue m'a demandé de bien vouloir insérer dans le budget que vous avez voté en première lecture.

Voilà la vérité, Monsieur le député, alors que j'avais, une fois de plus, diminué la subvention pour pouvoir fermer cette académie !

M. Bernard Lescaze (R). Je ne connaissais qu'une partie des précisions très intéressantes que la conseillère d'Etat vient de donner. Ce sujet est important et je suis d'accord que le Conseil d'Etat nous fasse un rapport, mais je souhaite qu'il ne porte pas seulement sur de mesquines questions de salaires, car de toute façon l'argent a été encaissé et il n'est pas récupérable en ce qui concerne la direction.

Je souhaite que ce rapport fasse la lumière sur les responsabilités du Département fédéral de l'intérieur, qui n'a cessé, ces dernières années, contre l'avis même des autorités académiques et gouvernementales genevoises, de soutenir cette académie. Il faut que l'on sache qui nous réclamait sans cesse d'augmenter la subvention. Contrairement à ce qu'a dit la présidente du département de l'instruction publique, je pense qu'on doit aussi savoir pourquoi, à la fin du rectorat de M. Jean-Claude Favez, M. Bernard Giovannini a été nommé directeur de l'Académie de l'environnement.

Il faut que la vérité soit faite. Si vous voulez la vérité, Monsieur le mandataire des salariés actuels, il faut qu'elle soit pleine et entière. Nous pourrons ainsi nous demander dans quelle mesure il est possible de contrôler un tel contrat de prestations, car, à l'époque, c'est bien une sorte de contrat de prestations que nous avions passé avec l'Académie de l'environnement.

Alors qu'aujourd'hui on veut généraliser ces contrats de prestations à l'ensemble de l'université, il convient d'abord de savoir quel est le contrôle parlementaire que l'on peut encore exercer sur un tel contrat. Là des questions intéressantes peuvent être posées.

Je ne dis pas que M. Beer a fait, aujourd'hui, un auto-goal, mais il en est très proche... En effet, il faut savoir que beaucoup de gens s'intéressent à la gestion de l'Académie de l'environnement et à celle de certains instituts académiques ou para-académiques dans lesquels on trouve souvent beaucoup d'amis politiques et scientifiques de M. Beer. Alors, puisque vous voulez un déballage, je me réjouis d'avoir des informations à ce sujet...

Monsieur Beer, vous auriez dû souligner davantage que nous souhaitons bien garder un centre d'excellence de l'environnement à Genève, mais que celui-ci ne se trouve pas à l'Académie internationale de l'environnement. C'est ce qui important, et beaucoup de gens l'ont dit dans cette enceinte. Mais ce soir, nous assistons à un demi-déballage. Alors, renvoyons cette motion au Conseil d'Etat et rediscutons-en sur la base des éléments du dossier, lorsque tous les députés les auront à disposition, et non sur la base d'informations que certains députés détiennent et utilisent en les déformant !

M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, tout au long de cette soirée, vous nous avez, à maintes reprises, manifesté votre souhait de terminer cette séance à 23 h ou 23 h 15. La pendule va bientôt sonner minuit. Je vous demande de passer au vote sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat et de mettre un terme à cette séance. Monsieur le président, je vous prie de tenir vos engagements.

Le président. Est-ce une motion d'ordre, Monsieur Vaucher ?

M. Olivier Vaucher. Oui, Monsieur le président !

Le président. Bien, je mets aux voix cette proposition.

Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée.

M. Charles Beer (S). Nous souhaitons que la lumière sur la gestion de l'Académie de l'environnement - je le dis également au candidat radical au Conseil administratif de la Ville de Genève...

M. Bernard Lescaze. Ça n'a rien à voir !

M. Charles Beer. Excusez-moi, Monsieur le candidat !

...soit totale et faite par une autorité indépendante, ceci pour des raisons évidentes. En effet, les responsabilités - jusqu'à preuve du contraire, je ne les ai pas imputées à Mme Brunschwig Graf...

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je ne le prends pas personnellement !

M. Charles Beer. ...doivent également engager le Conseil d'Etat, pour ce qui est de la création et de la gestion de cette académie. En effet, les statuts indiquent très clairement que les membres sont nommés par le Conseil fédéral, mais qu'ils sont tous proposés par le Conseil d'Etat genevois... Le cordon ombilical est donc plus que puissant entre l'Etat de Genève et l'Académie de l'environnement !

Deuxième élément important : le cahier des charges de l'Académie de l'environnement, comme celui du directeur, font toujours défaut aujourd'hui, Monsieur Lescaze. Cet élément doit également être pris en considération. Au bout de huit ans il n'y a pas de cahier des charges, ni pour le directeur, ni pour l'institution, alors que des dizaines de millions de francs, puisés dans les deniers publics de la Confédération et du canton, ont été engagés !

Le but n'est pas de faire un déballage mesquin. Monsieur Annen, vous qui valorisez les conventions collectives de travail et l'esprit des partenaires sociaux, vous devriez prendre note - à l'époque, c'est pour cela que j'ai demandé que l'on maintienne la subvention - que les salariés de l'académie ont été licenciés en catimini, pour assurer un retour à l'équilibre et faire face à la diminution des subventions. Mais le salaire de la direction, lui, n'a pas été touché.

Et demain ? M. le directeur de l'Académie de l'environnement - vous le savez - est protégé par un contrat à durée déterminée, soit jusqu'au 30 novembre 2000, tandis que les salariés ordinaires de l'académie se voient remerciés, sans aucun avenir assuré, au 30 juin de cette année. Il y a là un certain déséquilibre qui mérite d'être relevé.

Enfin, et je m'adresse à vous, Madame la présidente du Conseil d'Etat. (L'orateur est interpellé par Mme Brunschwig Graf.) J'ai la parole, Madame la présidente ! Vous me répondrez ensuite... Vous ne pouvez pas dire que j'ai utilisé des informations recueillies dans le cadre de mes fonctions...

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Si !

M. Charles Beer. ...pour la bonne et simple raison que nous n'avons eu qu'une seule séance officielle dite de «partenariat social» et que, au cours de cette séance, aucun papier n'a été donné. Et je suis bien placé pour savoir que toutes les personnes, y compris moi-même, respectent le secret de fonction. (Remarques et rires.)

Je ne vous accuse pas de fuites ; je ne vous accuse pas d'utiliser un certain nombre d'informations qui trahissent le secret de vos tâches, mais vous n'avez pas à le faire à mon encontre. Je vous prie simplement de remarquer que si un certain nombre de choses sortent aujourd'hui sur la place publique, c'est qu'un certain nombre de personnes, en dehors de l'académie, sont écoeurées...

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Moi, aussi !

M. Charles Beer. ...de cette affaire et de la gestion des affaires publiques.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1271)sur le bilan de l'Académie Internationale de l'Environnement

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

l'ouverture de l'Académie Internationale de l'Environnement en 1991, la loi ouvrant un crédit pour la participation du canton de Genève à la Fondation (pour les années 1992 et 1993) votée le 7 février 1991, et sa fermeture décidée pour la fin du mois de juin 1999 ;

les désaccords constants entre la Confédération et le Canton, organes de surveillance et membres du Conseil de Fondation, sur la gestion de l'Académie et l'absence de clarification sur sa mission de cette dernière ;

le contrôle de l'inspection cantonale des finances de l'automne 1998 ;

la dizaine de millions de francs alloués à titre de subvention par l'Etat de Genève depuis la création de l'Académie ;

la mise à disposition de locaux par l'Etat de Genève dont une partie est encore occupée par un ancien directeur qui utilise également d'autres types d'infrastructures (informatiques, téléphoniques) avec l'autorisation du département concerné ;

certaines subventions cantonales pour l'informatique apparaissant comme telles dans les comptes de l'Académie mais pas dans ceux de l'Etat de Genève ;

la dette de cette fondation s'élevant à plus de 332'590 francs au 31 décembre 1997 ;

l'engagement d'un directeur en 1996 par un contrat de durée déterminée jusqu'au à fin novembre 2000, alors que la Fondation était déjà endettée, pour un salaire de plus de 245'000 francs par an, en plus de 15'000 francs de frais forfaitaires environ, cela sans que le moindre cahier de charge ne soit élaboré et alors que le plan financier servant de base à la Loi du 7 février 1992 prévoyait un poste de 200'000 francs de masse salariale au total pour le directeur pour autant que celui-ci soit professeur à l'Université;

le règlement interne permettant à ce directeur l'utilisation de 20 % de son temps de travail pour des activités personnelles donnant droit à rémunération ;

les primes conséquentes versées en 1998 à certains employés et employées sans base contractuelle, réglementaire ni statutaire ;

les usages et l'arrêté du Conseil d'Etat du 22 décembre 1997 conditionnant le versement de subvention aux établissement qui paient des salaires supérieurs à ceux accordés dans la fonction publique cantonale ;

la caution de 18'000 francs de la villa du directeur payée par l'Académie sans que cela n'apparaisse dans les comptes (remboursés depuis suite au rapport de l'Inspection des finances) ;

l'absence de toute règle d'adjudication lors de l'acquisition du matériel informatique de l'Académie pour un montant de 450'000 francs ;

le jonglage des contrats de travail dans cette académie au cours des trois dernières années (mandats, licenciements, consultants etc.) ;

le mandat donné à l'ex-recteur M. Fulpius avec échéance au 31 décembre 1998, d'assurer l'intégration du pôle de recherche environnemental et international incarné par l'Académie au sein de l'Université et l'absence de tout suivi laissant craindre la disparition du savoir-faire ;

l'absence de toute offre de travail aux salariées restant de l'Académie ;

à faire toute la lumière sur les graves problèmes de gestion de l'Académie depuis sa création mettant en cause le Conseil, la direction et les Autorités de tutelles ;

à nommer une autorité d'enquête indépendante qui rendra ses conclusions publiques ;

à publier sans délai les conclusions du rapport de l'Inspection cantonale des finances ;

à publier sans délai le projet confié à M Fulpius d'intégration de la mission de l'Académie au sein de l'Université et à tout mettre en oeuvre pour maintenir les compétences acquises par l'Académie au sein de nouvelles structures ;

à assurer une place de travail aux employés et employées restant ;

à procéder à l'inventaire des situations problématiques de ce type (problèmes financiers et salariaux) et à en informer le Grand Conseil;

à instituer de nouvelles règles de transparence dans la gestion des engagements de collaborateurs et collaboratrices pour des fondations et autres partenaires subventionnés et à les respecter.