République et canton de Genève

Grand Conseil

R 396
17. a) Proposition de résolution de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Alberto Velasco, Christian Brunier, Jacqueline Cogne, Jean-François Courvoisier, Myriam Sormanni, Dominique Hausser, Fabienne Bugnon, Antonio Hodgers, Erica Deuber-Pauli, Dolorès Loly Bolay, Jeannine de Haller, Luc Gilly et Pierre Vanek dénonçant l'attitude du gouvernement genevois lors des événements survenus en lien avec la question kurde et demandant une meilleure intégration de la communauté kurde à Genève. ( )R396
R 397
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Christian Brunier, Alberto Velasco, Jacqueline Cogne, Jean-François Courvoisier, Myriam Sormanni, Dominique Hausser, Fabienne Bugnon, Antonio Hodgers, Erica Deuber-Pauli, Dolorès Loly Bolay, Luc Gilly, Jeannine de Haller et Pierre Vanek pour le soutien à la communauté kurde. ( )R397

(R 396)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Durant la semaine du 15 au 19 février dernier, Genève a été le théâtre d'actions survenues suite au rapt, commandité par la Turquie, du leader kurde Abdullah Öcalan.

Ces incidents (occupation de l'ONU par des grévistes de la faim, brève occupation des locaux du parti socialiste genevois, incursion dans les bâtiments du HCR et du COE) se sont achevés dans le calme et ont permis d'attirer l'attention de l'opinion publique sur la situation alarmante dans laquelle se trouve le peuple kurde. Ils sont la conséquence de la politique de mépris et d'agression systématique de l'Etat turc vis-à-vis du peuple kurde. Ils sont aussi hélas le résultat de l'indifférence, voire de la complicité des Etats européens y compris de la Suisse face à ce problème qui date du début du siècle.

Dans cette affaire, nous devons malheureusement déplorer la passivité du gouvernement genevois qui, une fois l'occupation de l'ONU terminée de façon pacifique, n'a pas jugé nécessaire de répondre positivement aux demandes de soutien logistique formulée par certains députés. Il s'agissait notamment de permettre aux manifestants venus pacifiquement soutenir leurs camarades grévistes de séjourner dans des conditions décentes sur le terrain situé devant l'ONU. Il convenait également d'organiser la visite quotidienne d'un médecin auprès des personnes poursuivant une grève de la faim.

Dans ces conditions, permettez-nous de nous indigner du fait que les membres du gouvernement qui insistent régulièrement sur l'importance de la présence des organisations internationales à Genève s'esquivent quand il s'agit de gérer des situations délicates dues précisément à la situation de la Genève internationale. Faut-il en conclure que ce qui intéresse la majorité du Conseil d'Etat relève essentiellement du prestige conféré à Genève par sa position de ville internationale et du pouvoir d'achat que représentent les fonctionnaires internationaux ?

Nous osons espérer qu'à l'avenir ceux qui nous gouvernent feront montre de plus d'empressement quand il s'agira de donner quelques signes de solidarité à l'égard des représentants d'un peuple sans terre.

En revanche, nous tenons à relever l'aide précieuse apportée à cette occasion par deux communes, à savoir la Ville de Genève et la Ville d'Onex.

Nous tenons également à souligner l'attitude exemplaire de la police, non seulement lors de la manifestation du samedi 19 février qui a rassemblé près de 10'000 personnes mais aussi pendant la semaine où des centaines de kurdes ont occupé pacifiquement la place des Nations. Cette dernière a su se montrer discrète et a collaboré avec les organisateurs et le service d'ordre afin que la manifestation se passe dans de bonnes conditions ce qui a été d'ailleurs le cas.

Au bénéfice de ces explications, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'envoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

(R 397)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Suite à l'arrestation, dans des circonstances choquantes, du leader kurde, Abdullah Öcalan, les Kurdes ont démontré une détermination impressionnante mais aussi désespérée.

Est-il nécessaire de rappeler que l'Etat turc qui les opprime depuis trois quarts de siècle n'a toujours pas reconnu le génocide des Arméniens tout en briguant une place au sein de la communauté européenne ?

Faut-il aussi rappeler que l'armée turque sème la terreur et la violence dans le Kurdistan turc ? Ces derniers jours, des milliers d'opposants à ce régime tant kurdes que turcs ont d'ailleurs fait l'objet d'arrestations.

A la fin novembre, le PKK et une plate-forme d'organisations kurdes ont pourtant avancé une série de propositions qui méritent d'être soutenues, à savoir :

l'arrêt des opérations militaires dans les régions kurdes

la garantie de retour des réfugiés kurdes en exil (intérieur et extérieur)

la suppression du système de gardiens de village ;

l'octroi d'une autonomie pour le Kurdistan turc, sans remise en cause des frontières actuelles de la Turquie ;

la reconnaissance officielle de l'identité, de la langue et de la culture kurdes;

l'instauration de la liberté religieuse et du pluralisme.

Il importe que les Etats européens, y compris la Suisse, prennent enfin leurs responsabilités dans la recherche d'une solution politique et pacifique au problème kurde.

Il est notamment urgent d'organiser une conférence internationale associant toutes les parties au conflit. Il s'agit enfin de faire pression sur les sociétés suisses investissant en Turquie afin qu'elles reconsidèrent leurs engagements dans un pays qui viole systématiquement les droits de l'homme.

Au vu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette résolution et à la renvoyer au Conseil fédéral.

Débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'interviendrai d'abord sur la proposition de résolution 396 et ensuite brièvement sur la suivante.

Ceux qui n'étaient pas en vacances la semaine dernière savent que Genève a été le théâtre d'un certain nombre d'actions de la part de représentants de la communauté kurde suite à l'arrestation coup de poing de leur leader, Abdullah Öcalan. Rappelons que ces événements, notamment l'occupation de l'ONU par des grévistes de la faim, la brève occupation des locaux du parti socialiste genevois, ainsi que l'incursion dans les locaux du HCR et du COE, se sont achevés dans le calme et qu'une manifestation pacifique de plus de 10 000 personnes a clôturé la semaine. Ces quelques coups d'éclat ont permis d'attirer l'attention de l'opinion publique genevoise et suisse sur la situation alarmante dans laquelle se trouve le peuple kurde.

Malheureusement, nous devons déplorer l'attitude laxiste du gouvernement genevois qui a refusé toute assistance aux manifestants pacifiques qui se trouvaient dans la boue pendant toute la semaine sur la place des Nations, sous prétexte qu'il ne fallait pas les encourager à y rester. De plus, il a fallu attendre le vendredi soir pour qu'enfin on consente à déléguer deux médecins pour rendre visite aux personnes faisant la grève de la faim. Pour mémoire, tout s'est terminé le samedi en fin d'après-midi. Plus que cela, certains conseillers d'Etat ont voulu entraver l'action des députés intervenant comme médiateurs sur le terrain, en dissuadant la police d'avoir des contacts avec eux. Malgré cela, il convient de saluer quand même l'attitude de cette même police qui a su collaborer, tant avec les organisateurs qu'avec les représentants de la communauté kurde, afin que la manifestation se déroule pour le mieux.

Nous sommes d'autant plus choqués par l'attitude du gouvernement que l'on nous rappelle constamment l'importance des organisations internationales pour Genève. Alors, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, en particulier ceux qui étaient concernés ce jour-là, il s'agit aussi d'assumer les responsabilités liées à la Genève internationale, même quand on est confronté à des situations délicates, et ne pas se contenter de fréquenter les salons de ces mêmes organisations lors de cocktails mondains.

En conclusion, je vous rappelle les invites de cette résolution qui consistent à demander au Conseil d'Etat de revoir sa position dans le cas où se reproduirait ce type d'événement ; à engager le dialogue avec les communautés kurde et turque de Genève; à soutenir les initiatives prises par ces communautés pour faire connaître la question kurde par le peuple genevois.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cette résolution et à la renvoyer au Conseil d'Etat.

Quant à la résolution 397, elle porte sur l'urgence de prendre des mesures pour qu'un règlement politique et pacifique de la question kurde soit trouvé, sur la base des propositions raisonnables qui ont été avancées par la plate-forme des organisations kurdes en novembre dernier. Il convient notamment qu'une conférence internationale soit organisée au plus vite, associant toutes les parties au conflit. La Suisse doit et peut jouer un rôle constructif dans ce domaine. De plus, les sociétés suisses investissant en Turquie doivent reconsidérer leurs engagements dans un pays qui viole systématiquement les droits de l'homme. Nous vous demandons de bien vouloir renvoyer cette résolution au Conseil fédéral.

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). J'interviendrai plus particulièrement sur la résolution 397. Mesdames et Messieurs les députés, les Kurdes forment aujourd'hui la plus grande nation du monde sans Etat. Entre 20 et 30 millions de Kurdes sont écartelés entre la Turquie, l'Irak, l'Iran, la Syrie et dans les nombreux pays en Europe où ils sont en exil. Mais c'est bien en Turquie où la répression des Kurdes est la plus féroce. Dès 1992, tous les gouvernements turcs ont mené une sale guerre contre ce peuple : 30 000 morts, 3 600 villages vidés, leurs habitants torturés, exécutés.

Le peuple kurde mérite notre solidarité et notre estime. L'arrestation d'Öcalan, plus particulièrement le fait que celui-ci risque la peine de mort en Turquie mérite que le Grand Conseil vote cette résolution afin que le Conseil fédéral intervienne auprès des autorités de Turquie. L'Histoire avance de manière imprévisible. Notre solidarité à l'égard du peuple kurde opprimé est fondée sur un principe d'éthique qui fait partie de notre conception, de notre engagement politique.

Mme Jacqueline Cogne (S). J'aimerais simplement rappeler à Mme la présidente du Conseil d'Etat deux questions très précises que j'avais posées hier dans mon interpellation urgente à propos de l'armée. Si la troupe était conviée à venir à Genève, serait-elle armée et quelles seraient ses tâches exactes ?

M. Jean-François Courvoisier (S). Mesdames et Messieurs, je vais surtout attirer votre attention sur la résolution 396. Ce qui m'écoeure dans cette affaire, c'est le refus d'envoyer une aide sanitaire aux manifestants qui faisaient la grève de la faim et à ceux qui cherchaient la mort en faisant la grève de la soif.

Je me rappelle qu'il y a quelques années, en commission de la santé, nous avions parlé de l'euthanasie et de la nécessité de sauver les gens qui voulaient mourir ou qui mettaient leur vie en danger. Ainsi que l'avait dit Mme Barbara Polla, le manque d'action dans ce domaine est un refus d'assistance à personne en danger. C'est ce qu'a fait le Conseil d'Etat avec les Kurdes qui poursuivaient la grève de la faim. J'admire notre procureur général qui applique la loi, mais il pourrait également l'appliquer en inculpant les membres du Conseil d'Etat qui ont refusé d'apporter cette aide sanitaire aux personnes en danger !

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Pour répondre à l'intervention de M. Courvoisier, il n'est pas vrai, Monsieur le député, que le Conseil d'Etat n'a rien fait du point de vue sanitaire pour les grévistes de la faim. Cela est d'autant moins vrai que des ordres ont été donnés pour que le service de santé communautaire de l'hôpital cantonal - plus particulièrement le service des migrants - se tienne à disposition de la protection civile de Châtelaine, où les grévistes de la faim étaient hébergés depuis le lundi, et intervienne sur appel en cas de nécessité.

Monsieur le député, au vu de vos allégations et après m'être renseignée plus en détail sur l'absence de médecin, je tiens à vous préciser que le magistrat responsable de la protection civile de la Ville avait donné - hormis la clé des locaux de la PC - des ordres très stricts précisant qu'aucun secours sanitaire ne devait intervenir de la part du médecin chargé de la protection civile de la Ville. J'ai la preuve écrite de ce que j'avance. De ma propre initiative, après avoir vérifié ce point, j'ai outrepassé mes compétences et le vendredi - bien que je n'aie pas d'ordres à lui donner - j'ai prié le directeur de la protection civile de la Ville de s'adresser au service compétent de l'hôpital cantonal pour assurer - durant le week-end - l'assistance sanitaire aux personnes installées à la PC de la Ville depuis le mardi. J'ai pris soin d'en informer le président du parti socialiste par lettre le vendredi soir.

Il est avéré, Mesdames et Messieurs les députés, que le conseiller d'Etat en charge de la PC du canton avait bel bien et bien donné les instructions nécessaires, en collaboration avec le secrétaire général du département des affaires sociales et de la santé. Voilà ce qu'il en est concernant le prétendu refus d'accorder une aide sanitaire aux grévistes de la faim hébergés à la protection civile de Châtelaine.

D'une manière globale, nous sommes tous sensibles au problème des Kurdes qui dure depuis tant d'années. Nous sommes solidaires de cette communauté qui exerce son droit de manifester et pour laquelle nous avons de la compassion. Depuis de nombreuses années, nous acceptons d'héberger ses ressortissants auxquels nous assurons diverses prestations, comme à n'importe quel citoyen de notre canton. En revanche, la raison pour laquelle nous n'avons pas accepté de mettre à la disposition des manifestants de la place des Nations des tentes, des réchauds, de la nourriture chaude ainsi que des boissons, c'est que nous estimons que le droit de manifester s'accompagne aussi d'une certaine responsabilité de la part de ceux qui manifestent et de ceux qui les soutiennent, et que ce n'est pas le rôle de l'Etat de choisir les bons manifestants. Que diriez-vous si l'on offrait le gîte et le couvert à d'autres manifestants dont la cause vous serait beaucoup moins chère?

J'ai ainsi informé ceux qui m'avaient contactée qu'ils avaient bien entendu - sur une base privée - la possibilité de satisfaire les besoins qu'ils avaient identifiés. A ma connaissance, certains en ont pris l'initiative. De façon tout à fait solidaire avec mes collègues, je crois pouvoir dire - et j'insiste sur ce point - que ce n'est pas parce qu'une cause vous est particulièrement sympathique que l'Etat doit outrepasser son rôle dans ce genre de situation.

Nous tenons à maintenir une certaine tolérance à Genève. La place des Nations a été reconnue de longue date comme étant un terrain propre à ce genre de manifestations. Mais ne nous leurrons pas ! Pour respecter ce droit, certaines règles doivent également être respectées. Celles-ci impliquent de ne pas choisir entre bonnes et mauvaises causes, de ne pas créer un précédent en apportant notre contribution dans certaines situations et en la refusant dans d'autres. C'est dans ce sens que j'ai parlé au président du parti socialiste, en lui disant qu'en tant que militant il avait le loisir de prendre des initiatives. En ma qualité de responsable de l'Etat, il y a certaines choses que je ne peux pas faire, si je veux garantir à tous et sur la durée le droit de manifester.

Mesdames et Messieurs les députés, certains d'entre vous se sont intéressés à la position du Conseil d'Etat par rapport à la communauté kurde. J'ai rappelé ce que nous faisons tout au long de l'année pour cette communauté, comme pour l'ensemble de nos concitoyens. Dans ce contexte, le jour même de l'évacuation de l'ONU, nous avons rédigé un communiqué dans lequel nous remercions l'ensemble des personnes ayant participé à cette conclusion pacifique et affirmions notre soutien au Conseil fédéral dans sa volonté de demander la présence de représentants internationaux pour assurer un procès équitable à celui qui est retenu dans les geôles turques. Nous affirmions aussi que nous étions prêts à accueillir à Genève toute initiative prise dans le cadre des bons offices entamés par le Conseil fédéral.

Ce communiqué n'a pas été reproduit par la presse, mais peu importe, telle est la réalité ; là aussi nous avons pris nos responsabilités.

Pour le reste, je ne crois pas, Mesdames et Messieurs les députés, que le Conseil d'Etat ait à avoir honte. Il a agi d'une manière discrète en veillant à ce que les forces de l'ordre restent dans le cadre qui leur était imparti. Il n'est pas exact que des conseillers d'Etat aient pu donner des ordres contradictoires; je sais pertinemment que les manifestants et les organisateurs de la manifestation étaient en contact permanent et c'est grâce aussi à cette bonne collaboration que tout s'est bien déroulé durant cette semaine. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a manifesté son soulagement et exprimé sa volonté de soutenir toute discussion internationale sur le sujet. Cependant, le Conseil d'Etat ne peut et ne doit pas choisir certaines causes auxquelles il apporterait un soutien de nature organisationnelle ou structurelle. Ce n'est pas son rôle et vous pourriez nous le reprocher dans d'autres cas, où la cause vous plairait moins. (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Un certain nombre de députés ont vécu une semaine passionnante, pleine de chaleur humaine, consacrée à la médiation et à la discussion avec le peuple kurde bien sûr, mais aussi avec l'ONU et le Conseil fédéral. Suite à la détention de certaines personnes dans les locaux du parti socialiste, quelques députés ont essayé de trouver une solution avec le soutien de la police. Ces négociations ont été rapidement couronnées de succès puisque, grâce à une très grande solidarité de part et d'autre, ces personnes ont pu être libérées le soir même.

Le lendemain, l'ONU, le Conseil fédéral et les Kurdes ont demandé à quatre députés d'intervenir en tant que médiateurs, ce que nous avons fait avec grand plaisir. Cette médiation était utile non seulement pour les Kurdes, mais aussi pour l'ONU, le Conseil fédéral et le canton de Genève. En effet, à la suite de cette médiation, les grévistes kurdes occupant l'ONU sont sortis pacifiquement. En dépit de grandes promesses, le communiqué de l'ONU et du Conseil fédéral était excessivement décevant et ne correspondait pas du tout à la négociation. A partir du moment où les Kurdes avaient été roulés dans la farine, il y avait un important risque potentiel de violence. La présence des députés sur le terrain a permis de calmer le jeu et le Conseil d'Etat aurait eu intérêt à rester en liaison avec ces députés et à nous appuyer dans ces négociations.

Il n'en a rien été et durant toute la semaine, Madame Brunschwig Graf, le gouvernement nous a mis des bâtons dans les roues en nous reprochant de négocier seuls, sans que vous, en tant que chef du gouvernement, soyez tenue au courant. Nous vous avons pourtant téléphoné tous les jours, mais vous n'avez jamais manifesté aucun soutien - en tout cas par téléphone - aux négociateurs.

Deuxième chose : les gens qui résidaient jour et nuit sur la place des Nations avaient relativement peu de moyens : ils n'avaient ni couvertures, ni tentes et souffraient du froid et de la faim. Le mardi matin, nous avons contacté le gouvernement pour obtenir un minimum vital, en dehors de toute considération politique, mais simplement dans un esprit humanitaire. Le Conseil d'Etat a refusé que la protection civile mette à disposition deux tentes et un médecin pour les grévistes de la faim. Il est vrai, Madame la présidente du gouvernement, qu'un médecin est arrivé sur le terrain le vendredi matin, mais le premier téléphone à un des conseillers d'Etat avait eu lieu mardi matin : en termes d'efficacité, ce n'est franchement pas terrible !

M. Segond m'a montré un rapport dans lequel figuraient certaines des dispositions prises : l'hôpital était en état d'alerte, la protection civile avait été requise et devait se tenir prête à intervenir; vous avez même contacté la protection civile du canton de Vaud. Je vous ai cependant dit, chaque jour, que ces mesures étaient disproportionnées et qu'elles ne correspondaient pas du tout aux besoins des Kurdes sur le terrain. Je vous ai même invitée à venir à leur rencontre, mais vous ne l'avez malheureusement pas fait.

Mesdames et Messieurs, la Genève internationale est importante pour nous tous; elle nous apporte un certain nombre d'avantages, mais aussi un certain nombre de désagréments, comme le disait aux médias M. Walpen, chef de la police. Mme Fehlmann-Rielle le relevait tout à l'heure, la Genève internationale, ce n'est pas seulement se rendre aux cocktails avec les ambassadeurs ! Il est important de participer à ces réceptions, de déplier le tapis rouge pour les officiels de la diplomatie internationale, mais il ne faut pas pour autant négliger d'accorder un minimum vital aux gens qui viennent manifester sur la place des Nations Unies et exprimer leur position devant l'ONU et l'opinion internationale. Défendre la Genève internationale, c'est peut-être un slogan pour certains; pour nous c'est un véritable combat politique.

Une voix. Bravo !

M. Antonio Hodgers (Ve). Antonio Hodgers (Ve). J'ai accueilli avec beaucoup d'intérêt les explications de Mme Brunschwig Graf sur les événements qui se sont déroulés et surtout sur le fond du problème du peuple kurde.

Pour éviter tout malentendu, je rappelle qu'il ne s'agit pas pour nous de dire que certaines causes sont bonnes à défendre et d'autres non, et de demander, pour celles qui seraient jugées bonnes, un appui matériel au gouvernement genevois. Si c'est ce que vous pensez, Madame, vous vous trompez sur nos intentions.

Le problème du peuple kurde est très particulier et personne ici ne peut comprendre ce que peut ressentir cette communauté, pourquoi certains Kurdes ont fait la grève de la faim, pourquoi certains se sont immolés, pourquoi des hommes et des femmes kurdes qui vivent confortablement en Europe passent des jours et des nuits entières sur la place des Nations... Madame Brunschwig Graf, est-ce que ce que je dis vous intéresse ?

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je vous écoute Monsieur !

M. Antonio Hodgers. Oui, en rigolant avec M. Moutinot ! C'est une bonne façon d'écouter...

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Vous n'êtes pas là pour faire la police dans ce Gand Conseil, je crois !

M. Antonio Hodgers. Je vous demande juste un peu de politesse... (Exclamations.) ...et de m'écouter ! Il n'est pas question de faire la police !

Le problème de la communauté kurde est très particulier. Si vous n'arrivez pas à concevoir que ces gens sont dans une telle détresse qu'ils portent atteinte à leur condition physique et sanitaire, qu'ils mettent en cause leur intégrité personnelle, vous n'arriverez pas à comprendre la particularité de ce qui s'est passé la semaine dernière à Genève. Notre demande concerne le cas précis de personnes qui, de leur propre choix, mettent en danger leur santé physique, certaines de manière vraiment grave, en faisant la grève de la faim ou de la soif ou en restant des jours entiers dans la boue. C'est là que nous vous demandons d'intervenir, car c'est un problème humanitaire, et non politique, qui concerne le Conseil d'Etat dont le rôle consiste aussi à veiller à l'intégrité physique de tous les gens qui se trouvent sur son territoire.

Il n'est pas question ici de bonne ou de mauvaise cause, mais d'un problème humanitaire à l'égard duquel le Conseil d'Etat pouvait faire plus. Je ne me prononcerai pas sur la mise à disposition du médecin car j'ignore les détails dont vous avez parlé, mais je répète que certains des manifestants avaient des problèmes physiques vraiment importants.

Probablement qu'en raison des vacances les conseillers d'Etat n'étaient pas tous présents et qu'il manquait du monde pour prendre une décision; ce qui explique que tout a été concentré sur la présidente. L'attitude du Conseil d'Etat est cependant regrettable.

A la prochaine occasion, que ce soit des Kurdes ou des Albanais, lorsqu'il y a vraiment mise en danger de l'intégrité physique de manifestants, je souhaite que le Conseil d'Etat mette à disposition des moyens.

Le président. Nous passons au vote sur ces résolutions.

(R 396)

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(R 396)

dénonçant l'attitude du gouvernement genevois lors des événements survenus en lien avec la question kurde et demandant une meilleure intégration de la communauté kurde à Genève

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

l'attitude laxiste du gouvernement genevois lors des événements survenus dans la semaine du 15 au 19 février qui s'est traduite par le refus d'accorder une assistance matérielle et sanitaire tant aux manifestants établis pacifiquement sur la place des Nations qu'aux grévistes de la faim;

le refus d'engager un quelconque dialogue avec les représentants de la communauté kurde pendant ces événements;

la possibilité que de telles mobilisations se reproduisent en raison de la violence du gouvernement turc envers le peuple kurde ;

la légitimité des revendications du peuple kurde du droit à disposer de lui-même, principe garanti par la Charte des Nations Unies ;

l'importance de nouer des relations avec les communautés kurde et turque afin que la population genevoise perçoive mieux la détresse de ces peuples ;

revoir sa position dans le cas où se reproduiraient des incidents tels que ceux survenus durant la semaine du 15 au 19 février 1999 ;

engager le dialogue avec les communautés kurde et turque de Genève ;

soutenir des actions entreprises par ces communautés en vue de faire connaître la cause kurde au peuple genevois.

(R 397)

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(R 397)

pour le soutien à la communauté kurde

Le GRAND CONSEIL de la république et canton de Genèveconsidérant:

l'urgence de prendre des mesures pour un règlement politique et pacifique de la question kurde;

le procédé scandaleux utilisé pour arrêter le leader kurde, Abdullah Öcalan;

le fait que ce dernier risque la peine de mort à la suite d'un procès expéditif et partial;

invite le Conseil d'Etat

à intervenir fermement auprès du Conseil fédéral afin que celui-ci use de toute son influence pour que le procès intenté par la Turquie à Abdullah Öcalan soit mené selon les règles reconnues en droit international et qu'il exige que la Turquie accepte des observateurs internationaux ;

à faire pression sur le Conseil fédéral pour qu'une conférence internationale de paix soit convoquée, associant toutes les parties au conflit ;

à faire pression sur le Conseil fédéral pour que celui-ci convoque sans tarder les dirigeants des principales sociétés investissant en Turquie afin de discuter du lien entre les intérêts économiques suisses et le respect des droits de l'homme. 

La séance est levée à 23 h 35.