République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du mardi 22 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 62e séance -autres séances de la session
No 62/IX
SEANCE EXTRAORDINAIRE
Mardi 22 décembre 1998,
soir
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Jacques Béné, Dolorès Loly Bolay, Jacqueline Cogne, Jean-Pierre Gardiol, Yvonne Humbert et Olivier Vaucher, députés.
3. Déclarations du Conseil d'Etat.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les citoyens ont tranché, ce dimanche 20 décembre 1998. Ils ont très clairement refusé le projet de loi constitutionnelle visant à l'assainissement des finances publiques. Le gouvernement en prend acte. Il tient cependant à remercier celles et ceux qui se sont engagés dans le processus de réflexion et de concertation mené durant les mois d'été. Il tient à relever aussi combien précieux ont été les moments consacrés au dialogue avec les citoyens. Tous ces efforts n'auront pas suffi à convaincre de la nécessité d'accepter des mesures difficiles, mais équilibrées et mesurées. Tous les arrondissements ont refusé le projet, suivant en cela une tradition genevoise désormais bien établie où l'on s'oppose à toute augmentation des recettes fiscales mais où la conjonction des «non» s'allie pour refuser toute mesure d'économies ou de restructuration.
Notre histoire récente est jalonnée de votes où la population s'est très clairement exprimée en faveur d'un redressement des finances publiques : elle l'a démontré en février 1994 en adoptant massivement le projet de loi du Grand Conseil visant le rétablissement des finances ; elle l'a fait en juin 1995 en acceptant l'initiative exigeant l'audit de l'Etat. Elle l'a prouvé également en approuvant très clairement l'objectif de redressement et d'assainissement des finances fédérales en septembre 1998.
Tout aussi fermement, les citoyens ont rejeté les initiatives de mars 1996 visant à imposer davantage le capital et les grandes fortunes, tout comme en juin 1998 l'augmentation de l'impôt sur les gains immobiliers. Rejetées aussi la fermeture de la clinique de Montana et l'autonomisation du Service des automobiles et de la navigation en décembre 1994 ; ces échecs seront suivis en juin 1998 de celui du RHUSO. Aussi, le résultat du 20 décembre ne peut en aucun cas être interprété comme un encouragement à augmenter les impôts. Il nous montre en outre que les économies, dès lors qu'elles revêtent des formes concrètes, peinent à passer le cap du vote populaire.
Le vote passé, le déficit demeure ; 2,6 millions de francs auront été versés durant ces deux jours écoulés pour acquitter les intérêts d'une dette qui dépasse toujours 10 milliards de francs.
Soucieux d'assumer ses responsabilités, le Conseil d'Etat retire le projet de budget 1999. Il considère en effet qu'il lui revient de revenir devant votre Conseil avec un nouveau projet. Mais il convient de parler clair. Notre Conseil l'avait souligné durant la campagne qui a précédé le vote : les décisions à prendre seront sans doute plus douloureuses et personne n'aura gagné à jouer la montre.
Pour l'heure, ce sont les douzièmes provisionnels qui vous sont soumis. Limités à six mois, appliqués aussi bien aux investissements qu'au fonctionnement, excluant toute augmentation des prestations, des subventions ou des salaires, gelant certains projets d'investissement importants et stratégiques, les douzièmes impliquent que les dépenses soient ramenées à leur niveau 1998 et que les effectifs autorisés soient ceux limités par le budget 1998 aussi. Cette situation n'est pas satisfaisante pour toutes celles et ceux qui se soucient d'assumer une gestion rationnelle de l'Etat dans la durée. Mais elle a le mérite d'être claire et basée sur les principes légaux qui nous régissent.
A plusieurs reprises, les citoyens ont exprimé le sentiment de devoir subir aujourd'hui les effets de mesures qui auraient dû être prises en d'autres temps. Il est bon de rappeler ici que les dépenses générales ont été réduites de 75 millions - et donc de plus d'un quart - depuis le début des années 1990. Les effectifs de la fonction publique ont été réduits d'au moins 6,5%. Quant aux mécanismes salariaux bloqués ou diminués, ils ont conduit à des non-dépenses de l'ordre de 1,3 milliard de francs. Les subventions ont, elles aussi, été revues à la baisse. Tout cela ne nous permet pas aujourd'hui d'échapper à un déficit qui retrouve en l'état ses 800 millions initiaux. Les efforts consentis n'ont pourtant pas été vains. Sans eux, les chiffres articulés ici seraient beaucoup plus faramineux. Mais il faut bien constater qu'ils ne sauraient suffire.
Certains ont cru trouver dans la relecture des événements des années trente de quoi imposer des solutions qui échappent aux mesures d'économies et permettent d'espérer des ressources substantielles tirées de contribuables bien ciblés. Il convient ici de rappeler ce que fut l'histoire dans toute sa réalité d'alors.
Retenue de 10 à 30% durant un an sur les salaires et traitements du personnel dépendant directement ou indirectement de l'Etat - mesure prolongée de trois ans par la suite - telle fut l'une des décisions que fut amené à prendre le gouvernement majoritairement très à gauche qui eut à assumer le tournant décisif du redressement des finances publiques des années trente. Aujourd'hui, certains ne s'en souviennent que peu et préfèrent évoquer les tentatives d'augmentations d'impôts, rejetées dans les années trente en scrutin populaire par ceux-là mêmes qui avaient élu le gouvernement qui les leur proposait ! Sans doute avait-on oublié que les contribuables ne pouvaient être assignés à résidence. Les centaines de personnes qui quittèrent alors Genève l'ont démontré amplement.
Rien ne devrait manquer à cet historique, même pas le fait que, déjà, l'Etat s'engageait dans la voie de l'audit en confiant à la Société fiduciaire suisse le soin d'examiner l'organisation de l'administration cantonale et les améliorations à y apporter.
Mesdames et Messieurs les députés, l'Histoire ne se reproduit que lorsqu'il n'existe pas de volonté d'infléchir le destin. Elle s'écrit, dans notre pays, par le biais de décisions démocratiques prises par le peuple et ses représentants. Rien n'est inéluctable mais le fait de retarder les moments des décisions difficiles - les mêmes causes produisant les mêmes effets - conduit à prendre, lorsque l'on ne peut plus reculer, des dispositions plus lourdes encore.
Le Conseil d'Etat s'est d'ores et déjà engagé à mener à bien la réforme de l'Etat et vous a informés du calendrier prévu. Il reviendra devant vous avec un nouveau projet de budget. Les objectifs n'ont pas changé. Ce canton a besoin d'assainir ses finances non par dogme mais par simple respect pour les générations qui sont appelées à prendre le relais des responsabilités qui sont les nôtres aujourd'hui. Les moyens à disposition ne peuvent être indolores et sans doute la démocratie exige-t-elle beaucoup d'abnégation de la part des citoyens. Pourtant, la principale vertu, en politique, n'est pas l'aptitude à promettre mais la capacité à agir avec courage. (Applaudissements.)
Le président. Nous prenons acte de la décision du Conseil d'Etat de retirer les projets de lois relatifs au budget 1999. A la place, nous allons débattre du projet de loi 7983 qui vous a été distribué, relatif aux douzièmes provisionnels.
PL 7895-A, 7896-A, 7897-A, 7898-A, 7900-A, 7901-A, 7902-A, 7903-A, 7904-A, 7905-A, 7906-A, 7907-A, 7908-A.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de ces projets de lois.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet de loi constitutionnelle ayant été refusé par le peuple, le projet de budget 1999 ne peut être voté et est retiré. En conséquence, le Conseil d'Etat vous propose, conformément à la LGF, un projet de loi transitoire visant à permettre à l'Etat de Genève de fonctionner jusqu'à promulgation du budget administratif 1999.
Ce projet de loi est établi pour une durée de six mois. Durant cette période, l'Etat de Genève est autorisé à émettre des emprunts à concurrence de la moitié des emprunts autorisés en 1998. Quant aux emprunts venant à échéance ou remboursés par anticipation dans le premier semestre 1999, le Conseil d'Etat est autorisé à les renouveler.
Les modalités du présent projet de loi seront les suivantes :
Budget de fonctionnement: les départements sont autorisés à pourvoir aux charges et revenus dans les limites fixées par le budget 1998 et sur la base de 12e provisionnels.
Budget d'investissement: les départements sont autorisés à pourvoir aux dépenses et recettes dans les limites fixées par le budget 1998 et sur la base de 12e provisionnels. En ce qui concerne les grands travaux (GT), le train annuel de lois (TA) et la loi budgétaire annuelle (LBA) cette mesure exclut les projets de lois non votés, ainsi que ceux votés mais n'ayant pas donné lieu à une inscription en francs en 1998. Par conséquent, une double condition doit être remplie: un projet de loi doit avoir été approuvé par le Grand Conseil et un crédit de paiement y relatif doit avoir été inscrit dans le budget 1998.
1. Exemple d'investissement n'entrant pas dans les douzièmes (LBA):
Projet de budget 99 Budget 98
Remplacement de mobilier « réfection »à l'administration fiscale 120 750 0
2. Exemple d'investissement entrant dans les douzièmes (LBA):
Projet de budget 99 Budget 98
Rénovation des chaufferies (DAEL) 1 800 000 1 800 000
Au vu de ce qui précède, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
Préconsultation
M. Bernard Clerc (AdG). En dépit d'un accord politique de cinq partis sur six représentant 80% des députés de ce Grand Conseil, en dépit d'un engagement sans précédent du Conseil d'Etat dans cette campagne, en dépit du soutien des milieux économiques, en dépit du chantage aux prestations sociales, malgré des lettres adressées au personnel de la fonction publique et aux bénéficiaires de l'OCPA, malgré une dramatisation à outrance de l'endettement de notre canton - qui, semble-t-il, se poursuit encore à l'heure actuelle lorsqu'on écoute la déclaration du Conseil d'Etat - en dépit de tout cela, le peuple a refusé à 71% le projet de loi constitutionnelle qui lui était soumis. S'il l'a refusé, ce n'est pas parce que le peuple n'aurait pas le sens de l'intérêt général ; c'est parce que la notion d'intérêt général, telle que la nouvelle majorité l'avait elle-même présentée, était une notion vague et abstraite. La notion d'intérêt général nécessite de tenir compte des inégalités existantes dans la société.
Le refus du peuple ce week-end est un refus de baisses des prestations sociales et de hausses d'impôts injustes, et non un refus de hausses d'impôts par principe. Ces hausses d'impôts touchaient principalement les petits et moyens revenus ; la grande majorité de nos concitoyens n'en a pas voulu. L'analyse des résultats par locaux de vote montre très bien cette tendance majoritaire. Si le projet de loi constitutionnelle a été accepté par plus de 40% à Cologny, il n'a rencontré l'accord que de 18% des électrices et des électeurs de Mail-Jonction, pour prendre ces deux exemples. C'est un résultat constant que l'on retrouve bureau de vote par bureau de vote.
Mesdames et Messieurs les députés, le consensus autour de ce projet de loi constitutionnelle s'est fait sur le thème bien connu, pour reprendre la chanson de Michel Bühler, de : «C'est toujours les petits qui se mouillent, les gros sont bien à l'abri...» Un projet de loi quel qu'il soit, visant à redresser les finances du canton, qui se baserait sur cette conception et cette vision du monde n'aurait jamais aucune chance d'aboutir.
Aujourd'hui, nous sommes placés devant la réalité des douzièmes. La responsabilité en incombe aux partis signataires de la table ronde et au Conseil d'Etat... (Exclamations et rires.) ...qui n'a pas prévu à l'évidence de solution de rechange en cas de refus le 20 décembre.
Pour l'avenir, le Conseil d'Etat prendrait une lourde responsabilité en présentant un budget 1999 avec des coupes importantes dans les dépenses. Pour notre part, nous estimons que les douzièmes provisionnels doivent être votés pour une courte période, trois mois, et qu'il faut aller vite dans l'élaboration d'un nouveau budget. Nous pensons également que le Conseil d'Etat doit, dès les tout premiers jours de janvier, entamer de véritables négociations avec la fonction publique, sans conditions, dans un esprit d'ouverture, et qu'il trouvera en face des partenaires prêts à discuter sérieusement.
Nous l'avons dit tout au long de cette campagne, le déficit de notre canton est d'abord lié à une insuffisance de recettes. Une initiative fiscale est actuellement lancée qui demande une imposition des grandes fortunes supérieures à un million et demi et une imposition des bénéfices des entreprises supérieurs à un million, en fonction de leur capacité contributive.
Mesdames et Messieurs les députés, vu l'urgence de la situation, nous vous informons que notre groupe déposera dès demain deux projets de lois concrétisant précisément le contenu de cette initiative. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je salue à la tribune la présence de nos anciens collègues, Mme Amélia Christinat et M. Jean Montessuit, ainsi que celle de notre ancien président, M. Hervé Burdet. (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). Nous avons conduit cette campagne sur le slogan : «un effort pour éviter le naufrage». Le peuple - pour diverses bonnes et mauvaises raisons, très différenciées, comme le démontre l'étude des résultats par bureau de vote - n'a pas estimé devoir faire l'effort proposé. Il y a été à vrai dire fortement encouragé, car nous savons bien que, pour une part de la population, ses motifs tenaient simplement au calcul de ce qu'il lui en coûterait en cas d'acceptation ou de refus. Le vernis mis par l'Alliance de gauche sur des refus beaucoup plus prosaïques avait l'avantage de lui servir d'idéologie.
Malheureusement, le naufrage est là. Il ne s'agit plus de l'éviter et cela a quelques conséquences : nous ne sommes plus maintenant dans une situation où nous avons une marge de manoeuvre considérable. Nous en sommes à essayer de colmater un certain nombre de fissures. Le bateau n'a pas encore coulé, mais cela pourrait arriver. Puisque chacun se pique d'Histoire, avec deux visions aussi discutables l'une que l'autre, j'aimerais tout de même vous rappeler ce sur quoi, en dernière analyse, le gouvernement Nicole a buté et ce qui a sauvé le gouvernement suivant : c'est l'accès au crédit, Mesdames et Messieurs.
M. Nicole n'a pas pu disposer du crédit nécessaire, après le refus par le peuple des mesures qu'il préconisait, pour continuer à couvrir le budget de fonctionnement. C'est le cas pour différents pays aujourd'hui ; nous sommes à l'abri pour quelques années, mais ce n'est pas un privilège qui nous est octroyé. En revanche, il est vrai que M. Perréard a immédiatement, comme par hasard, trouvé du crédit dès son arrivée au pouvoir auprès de la SBS - raison pour laquelle, j'imagine, les enseignants ont longuement été rétribués par le biais de la SBS, cela pour le côté anecdotique de l'histoire. Les mémoires de Perréard, de ce point de vue, sont tout à fait instructifs et je vous les recommande.
Cela étant dit, nous sommes dans une situation délicate. Nous estimons que ce que nous proposions dans notre programme - et ce que j'ai défendu lors du débat d'entrée en matière - reste la seule chose à faire : maîtriser les dépenses, augmenter les recettes. Avec un bémol : maîtriser les dépenses, c'est admettre qu'elles ne s'accroissent pas davantage que l'inflation. Aujourd'hui, les dépenses ne pourront s'accroître que de zéro, et ce aussi longtemps que de nouvelles recettes suffisant à couvrir le déficit ne seront pas apparues.
Dans le projet de loi constitutionnelle, nous avions un certain nombre de recettes ; nous avons subi une défaite écrasante. Quant à l'Alliance de gauche, elle aura gagné quand elle aura les recettes qu'elle a promises pour payer les salaires et les rentes des uns et des autres. Dans l'immédiat, elle n'a rien du tout. Nous avions prévu trente millions de recettes sur les fortunes. Le résultat pour 1999, c'est zéro, comme probablement pour 2000. Je tiens en effet à vous rappeler qu'entre le moment où une proposition est faite et le moment où les impôts sont perçus sur la base du nouveau tarif, il y a un certain décalage.
M. Clerc veut un budget ? Qu'il nous le présente, mais qu'il sache que dans ce budget 1999 il n'est pas question qu'il puisse y avoir des impôts sur les fortunes. Cela est totalement impossible. Pour l'heure, qu'il nous dise sincèrement et franchement qu'il entend entériner un déficit de 720 millions, puis qu'il nous donne des faits, qu'il nous dise dans quel sens il souhaite orienter ce budget.
La réalité, c'est que nous sommes arrivés là où l'Alliance de gauche a voulu nous mener : aux douzièmes provisionnels et il faudra un certain temps pour en sortir. On peut toujours rêver, s'arrêter à trois mois. Mais, pour avoir un budget, il faut adopter un certain nombre de projets de lois, compter avec le délai référendaire et probablement, selon la nature des projets présentés par le Conseil d'Etat, compter avec un certain nombre de votes populaires. La perspective d'avoir un budget en 1999 est donc l'une des possibilités, l'autre étant que nous n'en ayons pas. En l'état, il est certain que la répartition du sacrifice dans le système des douzièmes nous paraît nettement moins satisfaisante que celle que nous avions réussie dans le volet économie du paquet ficelé. Tant pis, chacun a fait son choix !
Les conséquences, vous les connaissez. 0% d'augmentation des dépenses tant qu'il n'y aura pas de nouvelles recettes, cela signifie que pour toute nouvelle dépense indispensable, dans le domaine social en particulierpour l'Hospice, pour les minima sociaux du type RMCAS, les plus bas - il faudra économiser ailleurs. Cela va être un exercice extrêmement difficile de la part du Conseil d'Etat. L'autre conséquence qui a été peu évoquée dans la campagne, c'est la paralysie des investissements avec à la clef, j'imagine, un certain nombre de suppressions de postes dans un secteur qui n'en avait vraiment pas besoin.
Mais cela va plus loin, Mesdames et Messieurs. J'ai discuté avec beaucoup de gens dans le cadre de cette campagne et je n'ai pas toujours entendu des propos très agréables, notamment : «Comment pouvez-vous dire que l'Etat n'a pas d'argent ? Voyez le Palais de justice !» J'ai beaucoup entendu parler du Palais de justice ; je ne l'avais jamais remarqué, mais il semble que ce soit le luxe dans son expression la plus totale. M. Segond, lui, a souvent entendu parler des giratoires. Evidemment, le bâtiment du Bachet-de-Pesay, on en a tous entendu parler. C'est dire que beaucoup de citoyens estiment aujourd'hui qu'un Etat fauché ne peut pas se permettre de construire des bâtiments tous azimuts, à longueur d'année et à des prix très coûteux.
Pour les investissements, le paquet ficelé préconisait 80% de couverture par les amortissements. Je crains que ce qui était prévu dans un délai de cinq ans ne doive être immédiatement appliqué, car il n'est pas possible de demander des sacrifices tous azimuts et de continuer à construire. Et, à notre humble avis, la victime très claire du refus du paquet ficelé - je dois dire que ce n'est pas ce qui nous tracasse le plus - c'est la fameuse halle de Palexpo. Car allez expliquer aux citoyens que nous allons dépenser 200 millions au moment où des restrictions de toutes sortes vont se faire sentir partout.
Il y a un certain nombre de gens qui, contrairement à ce qu'a dit M. Clerc, ne se sont pas engagés dans la campagne, pour des raisons financières. Je peux vous dire, Monsieur Clerc, que votre camp avait beaucoup plus d'argent pour mener sa campagne que d'autres... (Protestations.) Oui, très clairement, sans aucun doute...
M. Pierre Vanek. Arrête tes conneries !
M. David Hiler. Monsieur le président, je sais que M. Vanek est de votre parti, mais est-ce que la mode maintenant est d'injurier les gens pendant qu'ils parlent sans que le président ne dise quoi que ce soit ? Je vous écoute, Monsieur le président !
Le président. C'est nous qui vous écoutons, Monsieur Hiler !
M. David Hiler. Pouvez-vous me dire si je peux continuer sans être insulté par les gens de votre parti ?
Le président. Quand vous aurez terminé, je donnerai la parole à l'orateur suivant qui est déjà inscrit...
M. David Hiler. Vous trouvez normal ce qu'a fait M. Vanek ? Bien, nous continuerons sur ce ton ; nous savons aussi le faire. Pour l'heure, Mesdames et Messieurs, ceux qui ont voulu que nous en arrivions là en porteront la responsabilité devant ceux qui en sont les victimes.
Nous attendons plusieurs choses du Conseil d'Etat. La première est qu'en ce qui concerne les jetons... C'est un lapsus, je voulais parler des douzièmes ! Néanmoins en ce qui concerne les jetons de présence, que le Conseil d'Etat respecte le paquet ficelé et qu'il fasse de même pour son propre salaire, car ces mesures-là avaient un certain succès - je crois que c'étaient les seules !
En ce qui concerne les douzièmes, nous voudrions simplement la transparence. Nous voudrions comprendre. Quid des trente millions pour l'informatique An 2000 ? Quid de tous les projets qui n'étaient pas prévus ? Comment faire pour l'Hospice ? Nous avons des questions concrètes et nous aimerions des réponses avant de voter les six douzièmes provisionnels.
Nous attendons ces réponses dans le débat d'aujourd'hui. Nous devons savoir à quoi nous nous engageons et quelles en seront les conséquences. Nous avons compris pour l'indexation, compris pour les annuités. Nous n'avons pas très bien compris ce qu'il en est des prestations sociales prévues par la loi, sachant que le nombre des bénéficiaires augmente. Tout cela doit être clair, non seulement pour nous, mais pour la population dans son ensemble. Si des conséquences insupportables pour les plus démunis, à savoir ceux qui s'adressent à l'assistance, devaient suivre l'adoption de ces six douzièmes, il faudrait trouver rapidement - et nous souhaitons un engagement à cet égard de la part de certains partis - des solutions pour y faire face.
Ce que je l'ai lu dans la presse des propos de M. Segond - mais cela a été certainement mal retranscrit, car cela ne me paraît pas possible - à savoir dépenser les douze mois sur les six premiers, me paraît un peu délicat. Je pense que le journaliste n'a pas très bien compris vos propos, Monsieur. Vous comprendrez bien que ...
Le président. Monsieur Hiler, je me permets de vous interrompre : vous avez épuisé votre temps de parole. J'ai ajouté une minute car vous avez été interrompu. Je vous prie de conclure.
M. David Hiler. Vous êtes très aimable, d'autant plus que c'est la minute pendant laquelle votre collègue, M. Vanek...
Le président. Cette minute est déjà épuisée, vous avez eu onze minutes de temps de parole. Vous pourrez reprendre la parole tout à l'heure. Concluez s'il vous plaît !
M. David Hiler. J'apprécie l'absolue objectivité de M. Spielmann, président du Grand Conseil. Couvrez votre copain, c'est...
Le président. La parole est à M. Vaudroz.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). La décision du peuple est extrêmement claire. Il est bon que le peuple nous rappelle de temps à autre que l'on doit parfois faire mieux avec moins. Le travail de la table ronde était un exercice original, intéressant et pertinent qui nous a d'ailleurs obligés - malgré ce que certains, qui n'ont pas participé à ces discussions, en pensent aujourd'hui - à devoir composer avec l'ensemble des acteurs économiques et sociaux de notre canton. Il s'agissait également de trouver un certain nombre de pistes. En l'occurrence, nous sommes convaincus - et je le suis personnellement, comme je l'ai déjà dit en septembre - que le soufflé est malheureusement tombé quand nous avons eu entre les mains le budget 1999 proposé par le gouvernement.
Il est vrai qu'un certain nombre de mesures auraient mérité un débat dans le cadre de cette table ronde. Il est inutile aujourd'hui de trop se lamenter ; le peuple a très clairement dit non à toute forme d'impôts ou taxes supplémentaires. Là, Monsieur Clerc, je crois que vous rêvez à nouveau - ce n'est pas la première fois : vous pourrez toujours venir avec des propositions de nouvel impôt, vous verrez très clairement ce que le peuple vous répondra.
Ce vote est aussi révélateur de la très grande méfiance que le peuple manifeste vis-à-vis d'un Etat qui a démontré une mauvaise maîtrise d'un certain nombre de ses structures. Ces mauvais fonctionnements ont fait, cet automne encore, la Une de la presse.
Ce refus révèle également un certain décalage entre la volonté populaire et la classe politique, qui visiblement vit dans un vase clos. C'est pour cette raison que le parti démocrate-chrétien n'entend pas aujourd'hui ne rien faire, n'entend pas baisser les bras, sachant que ce n'est pas dans les extrêmes que nous pourrons véritablement trouver la solution.
Nous vous annonçons dès aujourd'hui le lancement d'une initiative populaire. Nous avons un certain nombre de buts, nous voulons mener une réflexion sur la mission de notre Etat, une réflexion sur son organisation et son fonctionnement. C'est une initiative populaire qui aspire à une réforme profonde et durable de l'Etat, en six points.
Tout d'abord, il s'agit d'appliquer une nouvelle gestion publique à toute l'administration, à toute la fonction publique. La qualité, l'efficacité des prestations, ainsi qu'une certaine transparence des coûts et un meilleur contrôle des dépenses sont les véritables objectifs de la nouvelle gestion publique.
Il faut ensuite parvenir à supprimer un certain nombre de doublons.
Il est nécessaire également de moderniser le statut de la fonction publique, statut qui n'a pas suivi l'évolution de l'Etat depuis une trentaine d'années.
Il s'agit encore de se pencher sur un certain nombre de nos institutions afin de les rendre autonomes. Nous avons eu des exemples très réussis, tels que les TPG ou l'aéroport.
Il faut également mettre sur pied un véritable contrôle des dépenses et éliminer un certain nombre d'abus. En l'occurrence, nous proposerons la création d'une cour des comptes, qui soumettra l'administration cantonale à un contrôle plus rigoureux afin d'éviter un certain nombre de gaspillages ; on parle ici de l'argent des contribuables.
Il faudra enfin étudier un certain nombre de pistes pour réduire la dette publique d'une manière drastique. Voilà ce que je tenais à dire dans ce premier débat.
M. Michel Halpérin (L). Ici même, il y a peu de temps, le groupe libéral avait accepté d'apporter son soutien au paquet ficelé - comme il est désormais convenu de l'appeler - et il l'avait fait en expliquant que son engagement serait fervent, sincère et qu'il serait complet, quand bien même nous avions été les plus hésitants à nous engager dans cette aventure, pour les raisons que vous connaissez.
C'est donc aujourd'hui avec tristesse que nous avons pris acte de la décision souveraine. Bien que nous ayons eu beaucoup de peine nous-mêmes à nous convaincre de la faisabilité de l'ensemble, nous nous étions laissé convaincre et nous avions essayé de faire partager cette conviction. Nous constatons qu'elle n'a pas passé : nous en prenons acte. Nous n'en sommes surpris que partiellement, du fait d'abord de notre propre hésitation - nous comprenons que d'autres aient pu l'avoir - du fait aussi que, depuis des années, nous avons répété sans jamais nous lasser, dans cette enceinte, à quel point l'orthodoxie financière, la rigueur, la cohérence, qui pouvaient apparaître à certains moments comme des manifestations d'esprit de boutique ou d'égoïsme, étaient des données essentielles si l'on voulait conduire l'Etat là où il doit aller, non dans l'intérêt des uns plutôt que des autres, mais dans l'intérêt de tous.
Ce que le vote massif d'avant-hier révèle, ce sont des éléments que nous connaissions déjà, mais qui nous sont maintenant renvoyés sous une lumière particulièrement crue. Premièrement, notre génération - et il faut avoir le courage de le dire ; c'était vrai au Grand Conseil, c'est désormais vrai dans la population - notre génération démissionne de ses responsabilités et les lègue à ceux qui viendront après elle. Je ne suis pas sûr que ce soit le choix du courage, mais c'est le choix auquel nous sommes confrontés.
Deuxièmement, notre crédibilité en tant que collectivité publique est gravement atteinte. Elle l'est d'abord - et je vous l'ai dit ici même il y a un mois et demi - dans le sens que la population n'accorde plus aucun crédit à ses autorités constituées. Ni le rassemblement de cinq partis politiques importants, ni le vote majoritaire à 80% du Grand Conseil, ni l'unanimité du Conseil d'Etat n'ont pu faire que le message soit entendu. Je veux bien que nos affiches aient été moins nombreuses que celles d'innombrables associations réelles ou créées pour la circonstance, mais ceci ne suffit pas à expliquer cela. Il y a effectivement un déficit de promesses non tenues, de rigueur non respectée dans le passé qui nous est aujourd'hui renvoyé par le souverain.
Troisième révélation : l'image intercantonale de Genève. Celle-ci n'était pas très brillante dans les années écoulées, elle est devenue franchement catastrophique. Genève est devenu le canton des Neinsager, ce qui - compte tenu de l'attitude que nous avons adoptée ces dernières années, non sans arrogance, à l'égard des Confédérés alémaniques - ne manque pas de sel.
Quatrième révélation : personne n'est disposé à accepter une hausse d'impôts, pas même ceux qui n'en paient pas. Au fond, chacun dans la République considère qu'il ne faut ni hausser les impôts, ni baisser les prestations. C'est le Paradise Now cher au Living Theater, mais avec trente ans de retard, car le Living Theater, Mesdames et Messieurs les députés, c'était il y a trente ans, et depuis nous avons fait faillite !
Enfin, Monsieur Clerc, la disparité des votes entre l'arrondissement de votre choix et la commune de Cologny s'explique peut-être par le fait qu'à Cologny on a eu davantage le sens de l'intérêt public... (Rires et exclamations.) ...qu'à la Jonction, que l'on a été prêt à accepter des sacrifices dans la commune où c'était le plus imprévisible. Je comprends que cela ne vous fasse pas plaisir, mais le civisme se situe cette fois-ci plutôt du côté des gens qui prennent leurs responsabilités que du côté des gens qui ne veulent pas les prendre.
Mesdames et Messieurs les députés, les conséquences du vote de dimanche, nous les connaissons. Elles ont été abondamment passées en revue par M. Hiler et par M. Vaudroz. Je pourrai donc être rapide sur ce sujet. Rappelons que l'addition des égoïsmes a pour effet que nous n'avons pas de budget, que les dépenses pour les six prochains mois de l'année seront calculées, non pas sur les dépenses effectives 1998, mais sur le budget 1998, ce qui signifie que les dépenses sociales seront sensiblement inférieures, que les dépenses de fonctionnement ne subiront pas d'augmentation, que les dépenses d'investissements seront sabotées. Je tiens à relever ici, comme l'a fait M. Hiler, qu'il n'y aura pas de dépenses d'investissements autres que celles qui figuraient déjà dans des rubriques du budget 1998. Il ne sera donc pas possible pour l'instant, et sans nouvelles décisions, de commencer à étudier la halle 6 de Palexpo, ni de remettre à niveau l'informatique cantonale - qui pourtant en aurait besoin - avant les échéances de l'an 2000. Cela fait aussi partie des conséquences du choix de la population. Puisque le peuple est souverain, eh bien nous allons accepter les conséquences de cette souveraineté.
Il n'y aura donc pas d'impôts supplémentaires. Il y aura diminution d'un certain nombre de prestations sociales - il faut que les bénéficiaires de ces prestations sachent qu'elles diminueront d'à peu près 75 millions par rapport à ce que le budget 1999 prévoyait. Il y aura également suppression d'un certain nombre de postes nouveaux. Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, vous nous direz ce que vous ferez des deux cent postes nouveaux créés au budget 1999 : si les départs naturels suffiront à les compenser ou si ces deux cents personnes recevront leur lettre de congédiement ce soir ou demain. Nous allons ainsi, Mesdames et Messieurs, vers de nouvelles réductions de postes dans la fonction publique, vers des réductions des prestations sociales.
Nous savons qu'à Fribourg la fonction publique a accepté sans discuter une baisse de son salaire. Nous allons, nous aussi, vers la révision difficile de la grille des salaires de la fonction publique, vers la révision du fonctionnement en général de la fonction publique. Nous allons vers la suppression des doublons et la remise en question des activités qui sont communes à l'Etat et à la Ville ainsi qu'à d'autres communes. Nous allons vers la nécessaire et inévitable lutte pour le renforcement de l'économie privée, parce que c'est d'elle seule que viendront des ressources nouvelles pour l'Etat. Et tout ce que le programme libéral a réclamé depuis des années et qu'il avait consenti à mettre en sourdine pour donner du temps au Conseil d'Etat va se faire, par la volonté de ceux qui ont dit non. C'est ainsi que nous arriverons inéluctablement à la baisse de la fiscalité prévue par notre initiative.
C'est à ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, en essayant de ne pas nous occuper des prochaines échéances électorales, mais uniquement de ce qui est bon pour l'avenir de la République - c'est-à-dire d'agir avec courage plutôt qu'avec démagogie - que nous aurons une chance de restaurer un peu de notre crédibilité sans laquelle, comme le disait le député Hiler tout à l'heure, il n'y a pas de crédits. Cela signifie que nous devrons - et c'est la dernière des conséquences à laquelle nous veillerons avec un soin particulier - nous occuper tout de suite et en urgence de réduire l'insupportable fardeau de la dette cantonale. A ce propos, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, nous vous demanderons, non pas dans un, deux ou quatre ans, mais dans les semaines qui viennent, le programme des ventes de biens de la communauté pour commencer à réduire cet endettement. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, plus des deux tiers du corps électoral genevois a dit clairement non aux mesures d'assainissement des finances publiques. Le verdict est clair ; nous en prenons acte. Chaque docteur ès sciences électorales émet aujourd'hui son analyse, mais celle-ci n'est pas simple. Une chose est sûre : dans cette période où beaucoup de gens voient leur pouvoir d'achat diminuer sensiblement, la majorité des Genevoises et des Genevois ne veulent tout simplement pas payer de nouveaux impôts, ni subir des baisses de prestations, considérant qu'ils ne sont pas responsables des erreurs qui ont été commises et qui nous ont poussés dans ce bourbier financier.
Dimanche, la population a tout simplement répudié l'héritage. Or, le monde politique, lui, n'a pas ce choix. Le monde politique ne peut malheureusement pas répudier cet héritage très lourd : nous ne pouvons que l'assumer. Mais voilà, le monde politique a appris à gérer la facilité car, durant des années, les partis se sont battus pour savoir comment partager le gâteau. Aujourd'hui, le gâteau a bien rétréci, du moins pour la majorité de la population.
Même ces dernières années, alors que les difficultés étaient bien présentes, les politiques ont préféré se masquer les yeux et présenter la situation à la population de manière très cosmétique. Nous le payons très cher aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les représentants des partis politiques, nous devons apprendre un nouveau métier : savoir gérer, savoir affronter les difficultés. Ce métier n'est électoralement pas très «sexy». Il serait plus facile et plus agréable pour nous de nous contenter de hurler de beaux slogans, de serrer les mains et de réciter notre petit manuel du parfait idéologue. Mais Genève a aujourd'hui besoin de gens qui savent mettre la main à l'ouvrage pour se taper le sale boulot. C'est pourquoi le vote de dimanche doit nous pousser à la réflexion et aussi à la rénovation du monde politique ; il ne doit pas nous faire baisser les bras. La détermination des socialistes reste intacte pour tenter de trouver un savant mélange afin de redresser les finances cantonales, tout en défendant un Etat solidaire, car un Etat endetté est un Etat faible, incapable de jouer son rôle éminemment important qui est celui de la redistribution. Nous ne voulons pas d'un Etat faible, même si la marge de manoeuvre est très étroite aujourd'hui.
La démocratie n'a pas pour but de ne présenter des propositions que lorsque nous sommes sûrs d'être plébiscités. Elle existe avant tout pour demander son avis à la population, pour sonder les électrices et les électeurs sur leurs désirs. En ce sens, nous pensons que la procédure démocratique choisie par les partis signataires de cet accord, mais aussi par le gouvernement, a été la bonne. Nous soulignons aussi que le processus que nous avons appelé processus de la table ronde a enfin permis - malgré tous ses défauts - de faire la lumière sur la situation financière de notre canton et a provoqué l'appropriation d'une partie du débat par la population. La prise de conscience est réelle, même si le remède n'est malheureusement pas passé.
Le non au plan d'assainissement entraîne immédiatement la non-application du budget 1999 de l'Etat. C'est problématique car ce non, comme certains l'ont répété, empêche, du moins à court terme, la progression budgétaire de plusieurs institutions sociales. La solidarité, Mesdames et Messieurs, reçoit en conséquence un coup bas qui risque d'être douloureux pour les plus défavorisés de notre société. C'est en effet une centaine de millions destinés à la solidarité qui a passé dimanche à la trappe. En tant qu'élus de gauche, nous ne pouvons qu'être frustrés, car cela va à l'encontre de nos valeurs. Par la même occasion disparaissent quelques créations d'emplois, la progression des plus petits salaires de la fonction publique et une partie de nos investissements. C'est un vrai gâchis. Désormais, les partis politiques vont être tentés de tirer dans tous les sens et de déposer une avalanche de projets qui sentiront davantage la démagogie que la volonté de sortir Genève de la spirale des déficits. M. Vaudroz vient d'illustrer cela, car l'initiative qu'il a présentée, excusez-moi, mais c'est du pipeau ! Même si en décembre on crie «vive le vent», je ne crois pas que c'est comme cela que le canton s'en sortira.
Les socialistes tenteront - cela ne va pas être facile - de ne pas entrer dans ce jeu stérile. Nous marquerons donc une courte pause consacrée à la réflexion, pour arriver dans quelques semaines avec des propositions de réforme de fond, car Genève ne relèvera la tête, Mesdames et Messieurs, que si elle procède à une réforme profonde de son secteur public et de sa fiscalité. Ce court temps de réflexion, indispensable pour tous les partis politiques représentés ici, ne nous empêchera pas de lutter farouchement avec nos partenaires contre celles et ceux qui veulent profiter de la faiblesse de notre Etat pour le démanteler, contre celles et ceux qui ont déjà commencé tout à l'heure par la voix de M. Halpérin et qui fantasment dangereusement en croyant que la relance viendra en baissant les impôts et en vidant les caisses publiques. Ces théories archéo-libérales sont nocives et dévastatrices. Beaucoup de pays en ont fait la triste expérience. Nous les combattrons sans merci.
Sous réserve des réponses que doit apporter le gouvernement ce soir sur les douzièmes, les socialistes voteront vraisemblablement les six douzièmes proposés par le gouvernement. Trois douzièmes entraîneraient l'élaboration d'un budget bâclé, puisqu'un tel délai obligerait le gouvernement à rendre sa copie début janvier ; il serait irresponsable de vouloir tenir un calendrier si serré. Inversement, aller au-delà des six douzièmes pour nous consacrer directement à l'élaboration du budget de l'an 2000 serait un acte de démission politique que nous ne pouvons pas admettre en tant que socialistes.
M. Bernard Lescaze (R). Il est difficile de faire des prévisions, surtout quand elles concernent l'avenir... (Rires.) Nous n'en ferons donc pas. Après tant de semaines de travail, de négociations, nous avions envie de dire : tout ça pour ça ! Nous tenons toutefois à remercier le Conseil d'Etat qui a su - ce qui ne s'était pas vu depuis de longues années - adopter une position commune, une position forte, a su défendre son budget. Je dis bien son budget, parce qu'il est vrai que sur tous les bancs de cette assemblée, à gauche, à droite, comme au centre, il y avait face à ce budget des états d'âme. Aujourd'hui, les citoyennes et les citoyens ont tranché. Nous ne nous étalerons pas sur ce vote - c'est ce vote qui nous a étalés ! - refus clair et évident de nouveaux impôts, refus également de voir l'Etat grossir encore.
Que faut-il donc faire ? D'abord, et c'est pour cela que nous sommes réunis ce soir, voter bien entendu des douzièmes - nous reviendrons sur leur nombre - afin que le 4 janvier l'Etat puisse continuer à fonctionner. Ensuite, nous demandons instamment au gouvernement de faire sa propre analyse de ce scrutin. Nous lui demandons très clairement de prendre des mesures qui soient visibles. Il y a maintenant, vis-à-vis de toute la population, un effort de visibilité, un effort de lisibilité à faire. Les Genevois croient encore trop souvent que l'on peut avoir le beurre, l'argent du beurre et la laitière par-dessus. Vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, vous savez bien que ce n'est pas possible, mais trop de nos concitoyens se l'imaginent encore.
Dans cet effort de visibilité, le parti radical aimerait indiquer quelques pistes possibles. Une piste possible, c'est par exemple la «desétatisation». Je ne veux pas employer le terme de privatisation, ni parler immédiatement de vente des biens immobiliers de l'Etat, mais nous pourrions nous demander très sérieusement si nous devons encore maintenir notre participation dans le capital de la Banque cantonale de Genève, plutôt que de la vendre, ce qui nous ramènerait quelques dizaines, voire quelques centaines de millions. Nous pourrions également envisager de céder notre participation dans les Energies de Genève, cette grande régie publique qui de toute façon, un jour où l'autre, devra s'ouvrir au secteur privé.
Ensuite, nous devons nous demander si nous pouvons aujourd'hui encore - même si nous votons ce soir des douzièmes - maintenir les dépenses de l'Etat au niveau qu'elles ont atteint. Je suis frappé d'entendre sur tous les bancs des gens regretter, à juste titre, que la solidarité accrue prévue au budget 1999 ne puisse plus être tenue désormais. C'est vrai, la solidarité n'a pas de prix, mais elle a un coût. C'est une question qui devrait nous interpeller, elle est gênante, mais si nos concitoyennes et nos concitoyens tiennent vraiment à assumer le coût de cette solidarité, des résultats aussi stupéfiants que ceux que nous avons connus dimanche doivent nous interroger.
Il s'agit, pour les générations futures, non seulement de réduire le déficit de l'Etat, mais de réduire la dette parce que, sinon, nous continuerons d'être dans cette spirale de l'endettement qu'a si bien décrite la responsable des finances il y a quelques semaines.
Enfin et surtout, nous devons, mais cela prendra effectivement un peu de temps, entamer une véritable réflexion de fond sur la réforme de l'Etat et - sans proposer des mesures relevant plus du Café du Commerce que d'une véritable réflexion - voir quelles sont les pistes réalistes et réalisables de l'audit que nous avons payé à grands frais récemment, pistes qui ne sont pas toutes forcément valables. Nous devons aussi réfléchir au rôle que nous assignons aujourd'hui à l'Etat. Quel rôle voulons-nous pour l'Etat ? Quelles prestations prioritaires voulons-nous maintenir ? Quelles prestations moins prioritaires, d'une manière générale - il ne s'agit pas forcément du domaine social - voulons-nous accepter de diminuer, voire supprimer ?
Je rappelle ici que le verbe amincir n'est pas le synonyme, loin de là, du verbe amoindrir. Mais enfin, pour prendre deux cantons urbains comparables, riches et prospères - car nous sommes encore prospères et pour un certain nombre d'années, je l'espère - nous constatons que le poids de l'Etat et des collectivités publiques est sensiblement plus lourd à Genève qu'à Zurich.
Il faut donc parler clairement. Nous avons, nous députés, la responsabilité - elle est ambitieuse - de tenir l'Etat, mais nous avons aussi celle de contenir le déficit et, pour la plupart d'entre nous - sauf peut-être sur mon extrême gauche - celle de soutenir le gouvernement.
En conséquence, le parti radical votera les douzièmes provisionnels. Il est prêt à accepter six douzièmes, parce qu'un budget raisonnable, tenant compte des enseignements de cette fin de semaine, ne peut pas être établi à la hâte en quelques semaines.
Cela dit, les questions qui viennent d'être posées par certains et qui devront encore être élucidées sont importantes. Quelles sont les conséquences, non seulement pour les dépenses sociales en faveur des plus démunis - là, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas toujours d'accord sur qui sont réellement les plus démunis - mais aussi pour les investissements ? Une fois que ces réponses auront été apportées, que ces questions auront été élucidées, nous pourrons non seulement voter ces douzièmes, mais surtout nous atteler tous ensemble à la réflexion que nous ne pourrons plus éviter, à savoir : quel Etat voulons-nous vraiment et pour quel Etat sommes-nous décidés à lutter ? (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a pris acte avec sérénité de la décision du peuple genevois. L'exercice d'un gouvernement responsable ne consiste pas simplement, dans une démocratie comme la nôtre, à déposer des projets complaisants. Nous avons voulu demander l'avis du peuple, nous l'avons aujourd'hui et nous en tiendrons compte.
Cela dit, dans les réactions à la suite du vote du 20 décembre, plusieurs choses m'étonnent. Je suis admirative devant un certain nombre de certitudes ; les certitudes d'abord de ceux qui prétendent aujourd'hui que l'on peut rééquilibrer les finances publiques simplement avec 200 millions de nouvelles recettes, ou que l'on peut les rééquilibrer en procédant uniquement à des coupes budgétaires. Les choses sont plus complexes que cela et, après le vote du 20 décembre, elles seront plus difficiles qu'elles ne l'étaient parce qu'un certain nombre de voies nous sont aujourd'hui fermées. Par exemple, l'impôt auto, sur lequel nous ne pourrons pas revenir dans des délais très rapides.
Autres certitudes qui me surprennent, celles de ceux qui se permettent de donner des leçons de finances publiques au canton de Genève. Je dis expressément que le chef des finances du canton de Schwytz et que le responsable financier du canton du Valais ont un sacré culot, dans la mesure où ce sont des cantons subventionnés par le canton de Genève ! Le canton de Genève donne en effet environ 400 millions de francs nets par année à la Confédération et au fonds de péréquation intercantonal. Ces personnes-là feraient mieux de nous dire comment elles agiraient dans une telle situation, plutôt que de nous donner aujourd'hui des leçons et de déclarer qu'elles ne nous défendront plus dans les instances de la Confédération, alors qu'en réalité ces cantons ne nous ont jamais défendus. (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs, afin d'assurer la pérennité des activités de l'Etat, le Conseil d'Etat - puisqu'il n'a pas pu finaliser le budget 1999 - sollicite aujourd'hui du Grand Conseil des douzièmes provisoires. Cette pratique trouve son origine dans l'article 45 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat. Les douzièmes provisoires gèlent l'ensemble des dépenses de fonctionnement de l'Etat au montant figurant au budget de l'année précédente. L'article 45 constitue une loi spéciale par rapport aux différentes lois cantonales qui instituent des mécanismes salariaux et des augmentations annuelles des traitements. Découlant du texte clair de la loi, cette interprétation est corroborée par la pratique constante des autorités de l'Etat en matière de douzièmes.
Quant aux dépenses d'investissement instituées par la loi sur la gestion administrative et financière, le système peut être résumé comme suit : tout crédit d'investissement nécessite, avant d'être inscrit au budget, une base légale. Elle lui est en général conférée par une loi spécifique ou par une loi plus générale. Le crédit d'investissement se subdivise ensuite en un crédit de paiement qui figure au budget - en l'occurrence, pour ce qui concerne les douzièmes, la référence est le budget 1998 - et ces crédits sont libérés par le vote budgétaire.
La réflexion du Conseil d'Etat a donc été la suivante : les crédits d'investissement libérés seront ceux qui ont fait l'objet à la fois d'un crédit d'engagement, c'est-à-dire d'une base légale, et d'un crédit de paiement, c'est-à-dire d'une inscription sous une rubrique budgétaire en 1998. Les premières listes que nous avons aujourd'hui sont de 42 millions inférieures au minimum et les travaux de vérifications ne sont pas encore totalement terminés. Par rapport à la question posée par M. Hiler concernant l'informatique «An 2000», ces investissements seront intégrés aux investissements à réaliser dans la mesure où ils ont été acceptés par crédit extraordinaire. Ces crédits extraordinaires permettent de répondre à la condition de la double «détente» en matière d'investissement que je viens d'évoquer.
En ce qui concerne l'Hospice général, il est évident que les dotations qui étaient prévues en 1998 ne suffiront pas pour suivre l'augmentation des besoins. Nous l'avons dit dans la campagne : si l'Hospice général est soumis au régime des douzièmes, son déficit sera de l'ordre de 1,4 million par mois. Le régime de cette institution sera le suivant : un système d'avances, entériné par le Conseil d'Etat, sera mis en place pour lui permettre de financer mois par mois ses besoins. Les crédits des douzièmes étant précisément libérés par douzième, le système d'avances est indispensable dans ce cas-là. Il sera nécessairement assorti d'une demande de crédit supplémentaire jusqu'à l'obtention d'un budget 1999 qui, lui, corrigera alors les dotations.
Voilà les réponses que vous attendiez. Mesdames et Messieurs, nous restons aujourd'hui avec une dette de près de 11 milliards de francs sur les bras, un déficit qui, depuis le vote du 20 décembre, a retrouvé sa vigueur du 8 juin, et le travail reste à faire.
Nous avons besoin aujourd'hui de ces douzièmes pour faire face au fonctionnement normal de l'Etat et pour faire face à la nécessité d'emprunter. Les besoins d'emprunts pour le premier semestre 1999 sont d'un milliard de francs. Je vous demande, par conséquent, de bien vouloir nous donner les moyens de fonctionner pendant les six prochains mois.
M. David Hiler (Ve). Monsieur le président du parti du Travail, Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Monsieur David Hiler, je comprends votre amertume, mais je vous prie d'observer un peu de sérénité dans les débats. Je les conduis le mieux possible, essayez d'en faire de même !
M. David Hiler. Nous nous estimons satisfaits des réponses, même courtes, qui nous ont été données. Nous comprenons l'intention qui consiste à couvrir du mieux possible - avec la même enveloppe que celle de 1998 - les dépenses indispensables pendant les six premiers mois. Je salue la volonté affichée en ce qui concerne le maintien des prestations de l'Hospice. J'imagine qu'il en est de même pour les nouveaux bénéficiaires OCPA, c'est-à-dire les nouvelles demandes de prestations qui viennent s'ajouter aux bénéficiaires existants. De ce point de vue là, nous ne voyons pas de raison particulière pour refuser d'accorder les six douzièmes provisionnels demandés.
Au nom des Verts, je tiens à vous dire, Madame la présidente du département des finances, que vous avez fait preuve depuis une année d'un courage politique sans précédent dans cette République. Vous avez pris un risque connu : «le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté», pour citer une chanson de Guy Béart. Vous avez joué la transparence, même si cela vous compliquait singulièrement la tâche. Vous vous êtes retrouvée dans une situation difficile, vous avez essayé de faire partager vos convictions tout en sachant que les missiles de tous bords allaient s'abattre. En dépit de cette situation, tant au sein de l'opinion qu'au sein du parti que nous représentons ici, nous avons apprécié ces efforts ; nous vous en remercions et, si vous continuez avec autant de constance, de courage à dire la vérité et à défendre des solutions praticables, vous pouvez compter sur nous. Nous serons derrière vous et avec vous, Madame la présidente. (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs, j'aimerais réfléchir avec vous à cette question : A qui est cet Etat ? A qui est ce budget ? A qui est cet argent ? Cette question m'a beaucoup troublé plusieurs jours avant la votation, et aujourd'hui encore. Une chose m'a fasciné, depuis vingt ans que j'habite en Suisse, c'est d'entendre les gens dire «ils», dans des phrases telles que : quand «ils» ont construit le Bachet-de-Pesay, quand «ils» ont construit l'Hôtel de police, quand «ils» ont construit les tours de Carouge... (Commentaires.) Non, «ils», ce n'est personne en particulier, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, c'est le monde politique, les politiciens en général. Et chaque fois que je rentre en Israël, ce qui me frappe, c'est d'entendre les gens dire «nous». Ils disent : quand «nous» avons construit le nouveau métro, quand «nous» avons construit ce nouveau quartier. Ils ont l'impression que l'Etat, c'est leur Etat. C'est une différence culturelle assez importante.
D'où provient cette coupure que l'on constate à Genève entre la population qui dit «ils» et le monde politique ? J'ai un début d'explication, qui n'est certainement pas satisfaisante car elle est de nature psychologique et dans ce domaine les choses sont souvent compliquées. Il me semble que dans les années quatre-vingt, quand l'argent coulait à flots, cet argent venait en partie de diverses spéculations immobilières - on en a beaucoup parlé - mais surtout financières, par le biais de ceux qui plaçaient leur argent dans les banques suisses. Les gens ont considéré que cet argent leur venait du ciel ; ils étaient bien conscients que ce n'était pas de l'argent qu'ils avaient eux-mêmes gagné, mais ils étaient contents des prestations qui leur étaient offertes, des investissements que nous appelons aujourd'hui pharaoniques. Ils étaient contents, telle la grenouille qui veut se faire plus grosse que le boeuf, d'avoir un Hôtel de police assez grand, une usine des Cheneviers assez grande. Mais aujourd'hui, et c'est une des causes, nous devons, bien que nous soyons en situation de récession, continuer à payer les amortissements et les intérêts de ces investissements pharaoniques.
Ce n'est pas tout. Il y a également cette notion de démission - ce n'est pas notre argent, puisque l'argent pleuvait à l'époque - d'où à mon avis des remises en question : d'où vient notre argent ? Est-ce bien notre argent ? Sommes-nous bien ensemble pour gérer cet argent ? Toute l'attitude de l'Alliance de gauche pendant cette campagne, qui disait : ce n'est pas notre budget, ce n'est pas notre gouvernement, ce n'est pas notre Etat, va dans le même sens. C'est important, Mesdames et Messieurs mes collègues de l'Alliance de gauche, car avec cette attitude-là vous avez contribué à accréditer l'idée que l'argent pleuvait. Vous avez continué à dire qu'il n'y avait qu'à prendre l'argent là où il se trouvait.
Or, aujourd'hui, une grande partie de l'argent est parti dans le monde des transactions financières internationales qui échappent aux Etats nationaux. C'est là que se trouve aujourd'hui l'essentiel des échanges financiers, dans ce monde sur lequel les Etats n'ont plus prise. Pour récupérer cet argent-là, il faudrait une taxe Tobin, il faudrait des taxes décidées au niveau international. C'est cet argent-là qui manque aujourd'hui et qui fait que les Etats sont appauvris. Réfléchissez-y !
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais intervenir sur la procédure. Ce n'est peut-être pas le jour de faire du formalisme, mais je pense que, si nous ne voulons pas y passer la nuit, il faut commencer à sérier les questions. Les projets de lois relatifs au budget ont été retirés par le Conseil d'Etat qui leur a substitué le projet de loi 7983. Si tous les députés veulent intervenir dans ce débat de préconsultation, nous n'avancerons pas. Je propose donc de voter la discussion immédiate, puis l'entrée en matière sur ce projet de loi, et de passer ensuite à l'examen article par article, ce qui permettra à l'Alliance de gauche de développer ses amendements.
Le président. Nous sommes en présence d'une demande de discussion immédiate. Je la soumets à vos suffrages.
Mise aux voix, la discussion immédiate du projet de loi est adoptée.
Premier débat
M. Michel Halpérin (L). Ma première intention en demandant la parole était de donner acte à M. Nissim de ce qu'il s'est mis à réfléchir il y a quelques minutes sur ce qui nous taraudait depuis dix ou vingt ans ! Ma deuxième intention était de le féliciter d'avoir enfin pris conscience que Genève a bénéficié pendant longtemps de l'apport d'un certain nombre de gens qui ont cru bon de travailler et de faire exploser l'économie privée au bénéfice de l'ensemble de la collectivité publique. Il était temps qu'il s'en aperçoive. Peut-être que ce complément de sagesse viendra à l'ensemble de ce parlement. L'autre objectif de mon intervention était d'adhérer à la proposition de M. Claude Blanc : la chose est votée, ce n'est plus la peine.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1
Le président. Nous sommes en présence d'un amendement de M. Christian Ferrazino qui propose de remplacer la date du 30 juin 1999 par celle du 30 mars 1999.
M. Christian Ferrazino (AdG). Ainsi que l'a rappelé Bernard Clerc, nous formulons cet amendement parce qu'il nous paraît plus que jamais nécessaire que ce parlement marque sa volonté d'adopter le plus rapidement possible un budget 1999. Nous avons remarqué, à l'écoute des différents intervenants, que certains ont la défaite très amère. En lisant les journaux aujourd'hui, nous avions fait le même constat. Je ne sais pas, Monsieur Segond, si, comme le pensait M. Hiler, les journalistes ont de la peine à comprendre les propos que vous leur tenez ou si ceux que nous avons lus sont vraiment les propos que vous avez tenus. Mais, dans le deuxième cas, nous serions très inquiets de voir que vous n'hésitez pas à dire à l'opinion publique : il n'y aura pas d'indexation des rentes complémentaires pour les personnes âgées, l'Hospice général ne pourra pas faire face à ses obligations, alors que vous savez - ou tout au moins vous devriez le savoir - que, s'agissant de l'Hospice général, il y a une obligation constitutionnelle.
Monsieur Segond, ce ne sont pas les états d'âme d'un conseiller d'Etat, ou du Conseil d'Etat en l'occurrence, qui devraient vous importer, mais davantage votre obligation, en tant que magistrat, de respecter la constitution. Celle-ci nous dit que nous devons couvrir le déficit de l'Hospice général. D'ailleurs, vous savez pertinemment que l'Hospice général a déjà emprunté, puisque les versements qui sont faits par l'Etat, sauf erreur, le sont à la fin du premier trimestre. L'Hospice procède de la même manière chaque année. Vous le savez pertinemment, et c'est pour cela sans doute que vous avez dit que l'Hospice général allait peut-être épuiser en six mois ce qu'il a provisionné en douze mois, comme vous savez qu'en fin de compte l'Etat devra - qu'il le veuille ou non - couvrir le déficit par obligation constitutionnelle. (L'orateur est interpellé.) Monsieur Rodrik, on entendra tout à l'heure si vous êtes du même avis que M. Segond ; il semble que ce soit parfois le cas...
S'agissant des rentes complémentaires pour les personnes âgées, vous devriez savoir, Monsieur Segond, que la loi genevoise sur les prestations complémentaires nous fait l'obligation de calquer les indexations sur celles prévues par la Confédération. Par conséquent, si vous avez décidé - en mauvais perdant - de pénaliser la population pour le bon sens qu'elle a manifesté en rejetant votre projet antisocial, si vous voulez aujourd'hui la pénaliser en laissant croire que les rentes complémentaires ne seront pas indexées, vous avez alors l'obligation de saisir ce parlement d'un projet de loi modifiant la disposition actuelle qui prévoit que nous devons calquer l'indexation des rentes complémentaires cantonales sur celles de la Confédération. En l'état, la Confédération indexe les rentes complémentaires pour 1999 ; par conséquent, nous avons l'obligation d'en faire de même au niveau genevois.
Cela dit, nous sommes étonnés aujourd'hui que le Conseil d'Etat - qui réfléchit depuis le mois de juin de cette année sur ce projet constitutionnel - n'ait pu imaginer que celui-ci soit refusé. Nous n'avons entendu aucun message de la part de Mme Brunschwig Graf ou de Mme Calmy-Rey sur l'état du nouveau projet de budget 1999. Nous n'osons pas imaginer que vous allez vous mettre au travail la semaine prochaine ; nous pensons quand même que vous avez pris les devants et que vous n'avez pas écarté la possibilité que ce projet de loi soit refusé. Par conséquent, il nous semble normal que le Conseil d'Etat saisisse le Grand Conseil dès janvier prochain d'un projet de budget 1999, qui sera renvoyé en commission et examiné par les commissaires de la commission des finances. Nous estimons que la moindre des choses - et ce d'autant plus après avoir entendu les propos du Conseil d'Etat, repris par certains lors des interventions préliminaires - serait de nous fixer ce délai de trois mois pour parvenir à adopter un projet 1999 qui soit véritablement un projet de budget social. Raison pour laquelle nous proposons cet amendement.(Applaudissements.)
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'ai lu dans la presse que le «non» de dimanche aurait été une victoire de la gauche solidaire. J'espère aujourd'hui que, dans cette enceinte, personne n'ose parler de victoire, même et surtout pas l'AdG qui appelait à voter non. Ce refus, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est la victoire de personne et ce n'est en tout cas pas, comme le dit M. Clerc, le signe que les Genevois veulent davantage de solidarité. C'est peut-être vrai pour certains, mais je doute fort que 70% des Genevois soient à ce point solidaires des plus faibles de notre société, ou alors notre canton serait vraiment l'hôte d'une population idyllique et exemplaire et je ne pourrais que m'en réjouir !
Ce refus, vous le savez fort bien, c'est le cumul des mécontents, qui va de celui qui refuse que l'effort demandé à un invalide soit plus important que celui demandé à l'UBS, au représentant de Halte aux déficits qui veut casser l'Etat, en passant par certains jeunes qui n'ont qu'une chose dans leur vie, leur Golf GTI, et qui ne veulent en aucun cas payer plus d'impôts pour l'objet de leurs rêves.
C'est la réalité d'aujourd'hui et je souhaite bien du plaisir à celles et ceux qui veulent essayer de trouver les raisons du non de dimanche. Elles sont multiples, elles sont diverses, elles seront difficilement analysables.
Mais le plus grave est ailleurs. C'est que personne ne sait ce qu'a voulu dire le peuple genevois, ni ce qu'il attend aujourd'hui de notre gouvernement et de notre parlement. Si nous avons passé des mois difficiles depuis l'été, nous ne sommes de loin pas au bout de nos peines. L'objet qui nécessite la session d'aujourd'hui suffit à le prouver. Nous sommes appelés à voter des douzièmes ; il ne s'agit pas de peindre le diable sur la muraille, mais force est de constater que le tableau est quand même bien sombre : les investissements ont passé pour une part à la moulinette ; l'augmentation des postes dans le primaire a pour l'instant disparu ; la vie associative pour certaines organisations est totalement sinistrée ; pas d'indexation pour une partie des bénéficiaires de l'AVS ; pas de reprise des mécanismes salariaux dans la fonction publique
Dans ce contexte, je comprends que l'AdG - qui a milité pour cette situation et qui se rend compte aujourd'hui des dégâts provoqués - veuille raccourcir au maximum le temps des douzièmes. Le parti socialiste, soucieux lui aussi de toutes les situations que je viens d'énumérer - et qui avait expliqué largement qu'entre autres c'était justement pour les préserver qu'il soutenait le paquet ficelé - n'acceptera pas de faire n'importe quoi aujourd'hui, dans la précipitation.
Le budget 1999, si tant est qu'il y en aura, devra certainement faire l'objet de coupes drastiques. M. Hiler l'a dit : les recettes nouvelles, ce n'est pas pour demain, ni pour après-demain, le calendrier nous le prouve. Il donnera le ton aussi du budget de l'an 2000. Il est donc hors de question de pousser le Conseil d'Etat à l'élaborer en quelques jours, d'ici au 5 janvier, puis de l'étudier en commission en trois ou quatre séances seulement. Les mesures doivent être bien évaluées, leurs conséquences à long terme bien pesées. Quant à regretter ou critiquer le Conseil d'Etat qui n'a pas de projet de budget aujourd'hui à nous proposer, je crois que c'est heureux, car les mesures seraient encore plus drastiques que les douzièmes que l'on nous propose de voter.
Il sera aussi nécessaire de réfléchir aux augmentations de recettes tel que déjà proposé par l'AdG. Il sera indispensable de convaincre qu'elles sont nécessaires pour sortir de la spirale de l'endettement. Mais, là aussi, il est hors de question de se précipiter aujourd'hui, de prendre le risque d'un nouvel échec devant le peuple, car ce dernier aurait pour seule et grave conséquence de donner des ailes à celles et ceux dont les velléités consistent à vouloir en finir avec l'Etat social.
Le parti socialiste entend agir aujourd'hui avec responsabilité, mais sans précipitation. Il vous invite à soutenir une période de fonctionnement de six mois avec des douzièmes et à rejeter l'amendement de l'Alliance de gauche.
M. Claude Blanc (PDC). J'aimerais dire à M. Ferrazino, en réponse à ses propos, que je ne suis pas de ceux qui ont la défaite amère. D'ailleurs, je disais la semaine dernière à M. Clerc que j'étais convaincu du résultat - un résultat avec un score moindre, mais lorsqu'on a marqué trois buts on peut bien en marquer six autres ! Je prévoyais que nous allions au-devant d'un échec à la lumière des nombreuses discussions que j'avais eues avec des personnes de divers milieux. Chaque fois, le même leitmotiv revenait : «Nous ne vous consentirons pas de nouvelles ressources tant que vous n'aurez pas prouvé votre véritable volonté de réformer l'Etat.» C'était très clair et ce quelles que soient ces ressources. Même si nous présentions un projet de loi proposant que seul Rothschild paye, les électeurs le refuseraient, parce qu'il ne veulent pas nous donner des ressources dont ils ne savent pas comment nous allons les gérer.
Quant à l'Hospice général, que dit la constitution ? A son article 170 A, elle dit ceci : «Le déficit des organismes chargés de l'assistance publique est couvert par un crédit porté chaque année au budget de l'Etat.» Encore faut-il, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y ait un budget ! Or le budget a été explicitement refusé par le peuple dimanche. Il faut donc que le Conseil d'Etat en concocte un autre. La responsabilité constitutionnelle du Conseil d'Etat est de présenter un budget au Grand Conseil. La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat ajoute même qu'il doit être équilibré... (Rires.) ...on passera là-dessus pour le moment ! Compte tenu de tout ce que nous avons entendu sur les motivations des gens qui ont dit non, je ne pense pas que le Conseil d'Etat puisse, dans le délai que vous voulez lui impartir, nous concocter un projet de budget qui soit acceptable en termes de déficit et qui ne comporte pas de nouvelles recettes inacceptables par le peuple.
Voilà l'équation devant laquelle le Conseil d'Etat se trouve. N'ayons pas la naïveté de croire qu'il pourra, d'un coup de baguette magique, résoudre ce qui n'a pas pu l'être au cours des six mois pendant lesquels nous avons discuté.
Il est facile maintenant de dire que nous avons gagné et que le Conseil d'Etat a perdu. Comme dans les milieux sportifs, il faut un perdant : dans le cas présent, c'est le Conseil d'Etat mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Les propositions du Conseil d'Etat étaient originales, l'idée était bonne. Mme Calmy-Rey m'en avait parlé au préalable... (Rires et exclamations.) Oui, j'avoue, Mesdames et Messieurs les députés, que j'avais eu la faiblesse d'encourager Mme Calmy-Rey dans cette voie. Malheureusement cette voie s'est révélée sans issue, pour le moment du moins et je voudrais m'excuser auprès d'elle d'avoir contribué à la fourvoyer ! (Rires.)
En résumé, nous ne pouvons pas imposer au Conseil d'Etat un délai de trois mois pour venir avec un budget acceptable, et par nous et par les contribuables. C'est pour cette raison qu'il faut refuser l'amendement de l'Alliance de gauche et donner au Conseil d'Etat le temps nécessaire. Je crains même que six mois, ce ne soit pas suffisant.
M. Michel Halpérin (L). M. Ferrazino disait tout à l'heure : il y a des défaites amères. Moi, je trouve qu'il y a des victoires qui sont tristes !
Cela dit, la défaite est effectivement amère. Ainsi que je le disais encore tout à l'heure, sur les bancs du groupe que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, nous sommes entrés dans cette concertation avec le sentiment qu'une espèce de transcendance de la culture politique propre à chaque groupe nous l'imposait. Il fallait voir Genève dans son ensemble ; il fallait défendre une certaine idée de Genève, y compris dans ses solidarités, et il fallait résister aux égoïsmes dont chacun d'entre nous est le porteur naturel et légitime au sein de cette enceinte. Nous avons fait cet effort ; nous avons cru qu'il pourrait produire ses effets et nous ressentons effectivement, aujourd'hui, un peu d'amertume à l'échec. Non pas parce que nous nous serions fourvoyés, comme le disait à l'instant M. Blanc - je pense que nous avons eu raison de faire cet effort - mais parce que, la concertation se révélant impossible, nous allons devoir reprendre nos bagages idéologiques habituels et redescendre, de ces hauteurs où nous avons voulu conduire la République, à un niveau plus modeste, plus concret, plus terre à terre, il faut bien le dire.
Monsieur Ferrazino, vous proposiez tout à l'heure que l'on applique de façon contraire à la constitution ces douzièmes provisionnels. Naturellement nous ne le ferons pas. M. Blanc a eu raison de relire l'article 170 A de la constitution : c'est seulement lorsqu'il y a un budget que les déficits de l'assistance publique sont couverts. Et quand il n'y a pas de budget, il n'y a pas de couverture du déficit. Et s'il n'y a pas de couverture du déficit, il faudra - je pense que le message devrait être transmis clairement à l'Hospice général - il faudra que cette institution et les autres organismes d'assistance appliquent strictement, eux-mêmes, la règle du douzième. Et si la malchance et le malheur voulaient que le nombre des personnes au bénéfice de prestations croisse, dans la période d'indétermination où nous sommes, il faudra alors que la prestation destinée à chacun diminue, sans quoi nous sortirions du cadre des douzièmes, ce que la constitution nous interdit.
Je comprends bien que vous soyez un peu tristes dans votre victoire, parce qu'en réalité, à force de vouloir constamment jouer les agitateurs et de vouloir à tout prix créer une impossibilité de gérer et de gouverner dans cette République, le succès que vous pensez avoir remporté dimanche vous revient en pleine figure. Il nous faudra longtemps, Mesdames et Messieurs, pour prendre la mesure exacte du mal que l'Alliance de gauche aura fait à Genève dans ces dernières années ! (Applaudissements.)
Mme Myriam Sormanni (S). C'est la première fois que je prends la parole, je suis un peu intimidée...
Où va nous conduire par exemple l'impôt sur les grandes fortunes, si tant est qu'il soit voté ? De toute façon, il sera refusé par le peuple. La baisse des salaires des fonctionnaires de 0,5% qui était prévue représente, pour un salaire de 60 000 F, une diminution mensuelle de 150 F par mois. Je pense que cela aurait pu être acceptable, par solidarité avec les personnes qui sont dans le besoin.
Les plus démunis ne sont par forcément les personnes âgées, les agences de voyages l'ont d'ailleurs bien compris. Que dire des salaires à plein temps pour 3 000 F par mois ? Est-il logique qu'une personne ne puisse pas vivre de son travail et doive faire appel à l'assistance publique ? Ces personnes qui se trouvent dans une situation précaire, qui risquent d'être licenciées, ont beaucoup de peine à comprendre le statut du fonctionnaire. Je pourrais vous citer le cas d'un employé qui s'est fait licencier à 55 ans, après vingt-cinq ans de travail. Il ne va pas retrouver d'emploi ; il va gonfler les rangs de l'Hospice général.
Privatiser, comme le souhaitent certains députés sur les rangs de droite, ce n'est pas, à mon avis, une solution. En privatisant, l'Etat ne pourra plus remplir son rôle social, quitte à faire parfois des déficits. Les privés voudront gagner leur vie, ce qui renchérira les prestations.
En conclusion, j'aimerais ajouter ceci : l'AdG qui prétend défendre ceux qui sont dans le besoin s'est parjurée puisqu'elle va à l'encontre de ce qu'elle prétend. A propos des intérêts débiteurs, il y aurait une piste à creuser pour de nouvelles recettes. Il semble un peu facile de s'endetter pour faire baisser sa fiscalité. Il faudrait peut-être changer la loi afin de récupérer de nouvelles recettes.
Le président. La parole est à M. Grobet... (Commentaires.)
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Annen, nous resterons impassibles devant vos flots d'injures qui ne sont... (Protestations). Je viens d'entendre la dernière, j'ai l'oreille fine, rassurez-vous ! Ou alors, il y a quelqu'un qui a la même voix que vous et les mêmes pensées en tout cas ! De toute façon, les invectives n'ont pas manqué tout à l'heure sur divers bancs. Il est vrai que la défaite remonte à 48 heures seulement et que la digestion a été un peu plus longue que prévu. Je précise que nous n'avons quant à nous pas parlé de victoire : nous avons effectivement parlé de la défaite de celles et ceux qui ont voulu imposer certaines mesures que le peuple a rejetées.
Depuis l'automne dernier, au cours de tous ces débats, nous sommes intervenus, nous avons fait des propositions. Elles ont été accueillies sur vos bancs avec des sourires, quand ce n'était pas du mépris. Vous qui nous donnez aujourd'hui des leçons, sachez que la première à retenir, c'est le respect du verdict populaire. Ce verdict est là, que vous le vouliez ou non, il faudra en tirer les conséquences. Il est parfaitement inutile de vouloir, par mauvaise humeur, prendre des mesures pour punir le peuple, parce qu'il ne vous a pas donné raison. A cet égard, je crois que les interventions maladroites du Conseil d'Etat à la veille de la votation ont effectivement contribué à ce que les nombreux indécis face à ce scrutin décident finalement de voter non.
Aujourd'hui, nous sommes certes confrontés à une situation difficile, à laquelle il convient de remédier le plus rapidement possible. Tout à l'heure, M. Halpérin a accusé notre collègue M. Ferrazino de vouloir violer la loi : il n'en est rien. Notre amendement visant à raccourcir la durée des douzièmes provisionnels et à voter un budget dans les plus brefs délais tend précisément à donner rapidement les moyens financiers permettant de faire face à un certain nombre de demandes, comme celle de l'Hospice général. N'essayez pas de nous faire dire le contraire de ce que nous avons dit. Nous avons très clairement expliqué qu'en limitant les douzièmes provisoires à trois mois, notre objectif était de faire voter le plus rapidement possible un nouveau budget pour l'Etat de Genève.
J'aimerais me rallier aux propos tenus par M. Hiler sur un point en particulier, celui des investissements. Au sein de l'Alliance de gauche, nous considérons que la politique des investissements devrait être plus mesurée. Il est clair qu'un projet de l'ampleur de celui de la halle 6 de Palexpo n'est plus à la mesure de nos moyens financiers. Nous n'avons effectivement plus les moyens de nous offrir aujourd'hui l'équipement que nous avons pu nous payer durant les années 80. Nous avons la chance d'avoir à Genève un équipement de très grande qualité, il faudra à l'avenir être plus modestes dans les projets qui sont envisagés. La plus grande partie de la dette, dont nous devons aujourd'hui supporter la charge financière, a été précisément causée par la politique d'investissements et c'est bien la démonstration qu'il faudra se montrer plus mesuré dans ce domaine à l'avenir.
Pour le surplus, Monsieur Halpérin, nous n'acceptons pas d'être qualifiés d'agitateurs. Nous constatons que nos prises de position politiques ont un certain écho auprès de la population, c'est le propre du débat démocratique. Vous rêvez peut-être d'une société sans opposition, puisque là où elle existe vous passez votre temps à la décrier. Il faudra cependant vous habituer au fait qu'il existe dans ce canton une force politique qui veut mener une autre politique que celle que vous voulez nous imposer, une force politique qui veut mettre en place une meilleure solidarité, face à ceux qui, aujourd'hui, dans une situation économique difficile, sont en train de réaliser de très gros bénéfices et accroissent leur fortune de manière non négligeable, à un degré que, personnellement, je n'imaginais même pas.
Un quotidien du dimanche a parlé des familles genevoises, non pas multimillionnaires, mais milliardaires qui vivent dans notre canton. Nous pensons à ces contribuables-là qui, dans cette période de crise, sont en train de réaliser de gros bénéfices, qui accroissent leur fortune de manière importante, puisque les fortunes à Genève ont augmenté de 40% en huit ans. Nous pensons que ces personnes-là peuvent effectivement apporter une contribution plus importante que celle que vous avez proposée au peuple dimanche dernier.
Le président. Pour ceux qui l'auraient oublié, je vous rappelle que nous discutons d'un amendement.
M. Albert Rodrik (S). Afin d'apporter un peu de clarté à travers les invectives, je tiens à préciser que le groupe socialiste attend du Conseil d'Etat qu'il applique la constitution, le droit fédéral en vigueur et les normes agréées de la comptabilité publique. En dehors de cela, il n'y a que des procès d'intention. C'est cet engagement que nous demandons au Conseil d'Etat et nul autre. Nous voterons donc non pas l'amendement mais le texte proposé par le Conseil d'Etat.
M. Guy-Olivier Segond. J'ai écouté avec attention M. Ferrazino, qui tout à l'heure avait l'air honnêtement surpris et sincèrement navré de découvrir que les prestations sociales 1999 seraient identiques aux prestations sociales 1998 !
Vous savez parfaitement que ce qui arrive ce soir était prévisible : le Conseil d'Etat l'a dit, le Conseil d'Etat l'a écrit, le Conseil d'Etat l'a publié, le Conseil d'Etat a même tenu deux conférences de presse, que vous lui avez reprochées, au mois de novembre et au mois de décembre, pour indiquer clairement que, si le vote populaire était négatif et que l'on devait entrer dans le système des douzièmes provisoires, les salaires 1999 seraient les mêmes que ceux de 1998 ; qu'il n'y aurait ni déclassement, ni annuité, ni augmentation annuelle de la prime de fidélité, ni indexation.
Nous avons dit et répété que les prestations sociales 1999, dans un système de douzièmes provisoires, seraient identiques aux prestations sociales 1998, à l'Hospice général, au RMCAS ou à l'OCPA, et qu'elles ne seraient pas indexées. Nous avons indiqué que les dotations sociales 1999 seraient identiques aux dotations sociales 1998 et qu'il manquerait les fameux 84 millions, qui avaient d'ailleurs provoqué la mobilisation, tant critiquée, des responsables des institutions sociales. Nous avons dit, à toutes ces occasions, que les subventions aux associations privées comme aux établissements publics seraient en 1999 identiques aux subventions 1998.
Ce n'est pas une volonté personnelle, ce n'est même pas la volonté du Conseil d'Etat : c'est le résultat d'un système, celui des douzièmes provisoires. Tant et aussi longtemps que nous aurons un système de douzièmes provisoires, que cela vous plaise ou non, que vous le découvriez ce soir ou que vous le sachiez depuis plusieurs mois, les salaires 1999 seront identiques aux salaires 1998, les prestations sociales 1999 seront identiques aux prestations sociales 1998, les dotations sociales 1999 seront identiques aux dotations sociales 1988. Nous l'avons dit et répété avant le vote ; nous vous le disons et nous vous le répétons après le vote.
Mme Micheline Calmy-Rey. Il est évident que le Conseil d'Etat s'engage à respecter la constitution, les lois fédérales et les règles de la comptabilité publique. En vertu de ces dernières, il appartient au Conseil d'Etat de présenter un nouveau projet de budget et nous le ferons bien entendu, en prenant nos responsabilités et dans les délais les plus courts.
Permettez-moi de vous dire tout de même que je trouve étonnant que vous puissiez proposer au Conseil d'Etat de présenter si rapidement un nouveau projet de budget. Trois douzièmes signifient, pour nous, devoir déposer un projet de budget au mois de janvier, ce qui exclut techniquement toute possibilité d'y intégrer de nouvelles recettes ; c'est tout simplement impossible en raison des délais. Pour que des recettes puissent être intégrées dans un projet de budget 1999, les projets de nouvelles recettes - compte tenu des délais référendaires - doivent être présentés à la première séance du mois de janvier. Comme il n'y a pas de possibilité de clause d'urgence sur les recettes, nous devons impérativement tenir ce délai-là pour que le délai référendaire soit échu à fin mars-début avril ; sinon l'administration fiscale cantonale ne pourra pas prendre en compte, dans les taxations 1999, les recettes proposées.
Par conséquent, si vous souhaitez un projet de budget intégrant de nouvelles recettes, il faut au minimum accepter la proposition du Conseil d'Etat, à savoir six douzièmes.
En revanche, il est tout à fait possible, pour ceux qui le souhaitent, de présenter très rapidement au Grand Conseil des projets de recettes dans les délais !
Le président. Nous allons voter sur l'amendement proposé par M. Ferrazino qui vise à modifier la troisième ligne de l'article 1 comme suit :
«...mais au plus tard jusqu'au 31 mars 1999...».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Cet amendement étant rejeté, les amendements de M. Ferrazino à l'article 2 n'ont plus lieu d'être et sont donc retirés.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 et 4.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Le CONSEIL D'ETAT de la République et canton de Genève fait savoir quele GRAND CONSEIL décrète ce qui suit:
Article 1 Charges et revenus, dépenses et recettes
Le Conseil d'Etat est autorisé, jusqu'à promulgation du budget administratif de l'Etat de Genève 1999 mais au plus tard jusqu'au 30 juin 1999, à pourvoir aux charges et revenus du budget de fonctionnement, dans les limites fixées par la loi établissant le budget administratif 1998 de l'Etat de Genève, du 19 décembre 1997, ainsi qu'aux dépenses et recettes du budget d'investissement dans les limites des crédits d'investissements en vigueur et des crédits de paiements y afférents inscrits au budget 1998.
Article 2 Emprunt
1 Pour assurer l'exécution du budget administratif dans les limites fixées à l'article 1, le Conseil d'Etat est autorisé à émettre, pendant le premier semestre de 1999, des emprunts à concurrence de la moitié des emprunts autorisés en 1998.
2 Le Conseil d'Etat peut renouveler les emprunts qui viendront à échéance durant le premier semestre de 1999 ou remboursés par anticipation.
Article 3 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1999.
Article 4 Clause d'urgence
L'urgence est déclarée.
Le président. Nous avons épuisé ainsi notre ordre du jour. Je vous donne rendez-vous au début de l'année prochaine et vous souhaite à tous, ainsi qu'à vos familles, de bonnes fêtes de fin d'année.
La séance est levée à 18 h 45.