République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1249
27. Proposition de motion urgente de Mme et MM. Rémy Pagani, Christian Brunier et Jeannine de Haller contre le licenciement injuste de M. Alberto Perez-Iriarte et pour une réorganisation du service du tuteur général. ( )M1249

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

que le licenciement de M. Alberto Perez-Iriarte, employé au service du tuteur général depuis quatre années, est uniquement motivé par le fait qu'il ne répercutait pas systématiquement à ses subordonnés les directives de sa hiérarchie, à l'inverse il faisait état régulièrement des difficultés que le personnel rencontrait dans l'application des mandats lui incombant;

que ce licenciement est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase dans un service qui, depuis plusieurs années, peine à résoudre l'ensemble des problèmes qui relèvent pourtant de ses obligations institutionnelles;

la pétition soutenant la nomination de M. Alberto Perez-Iriarte, signée par l'ensemble de ses collègues de travail;

que M. Alberto Perez-Iriarte fait les frais d'une gestion inefficace entretenue par une hiérarchie incompétente;

qu'en l'état des procédures légales M. Alberto Perez-Iriarte ne pourra être réintégré dans son service, tout au plus bénéficiera-t-il d'une indemnité pour licenciement abusif si les faits qu'il dénonce s'avèrent exacts;

qu'en règle générale il n'appartient pas au législatif d'interférer dans les procédures administratives engagées par le Conseil d'Etat à l'encontre d'un employé, mais que, dans le cas d'espèce et au vu de l'ensemble des dysfonctionnements du service du tuteur général, il exerce légitimement son droit de surveillance;

invite le Conseil d'Etat

à surseoir au licenciement de M. Alberto Perez-Iriarte et ce dans l'attente d'un réexamen de son dossier par une personne désignée par le Conseil d'Etat et extérieure au département de l'instruction publique;

à nommer un médiateur qui aura pour tâche de mettre en place une réelle réorganisation correspondant au mandat attribué au tuteur général dans un délai de six mois.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Annexe exposé des motifs

à filmer

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). C'est avec tristesse que nous avons déposé ce projet de motion car la mesure est comble. Depuis dix ans, c'est la gabegie et la désorganisation au service du tuteur général. Le manque de moyens techniques ne permet pas à l'ensemble du personnel, qui doit accomplir un mandat difficile, d'assurer sa tâche comme il devrait le faire. A tel point, Mesdames et Messieurs les députés, que cette semaine - fait rarissime dans le milieu social - une grève d'une demi-journée a été décidée au service du tuteur général pour protester contre cette situation.

Dans l'exposé des motifs, nous avons établi une liste exhaustive de l'ensemble des dysfonctionnements au niveau de la hiérarchie qui devrait en conclusion permettre à la cheffe du département de l'instruction publique de prendre les mesures qui s'imposent : changer radicalement la direction de ce service.

Nous sommes conscients, avec le personnel, des difficultés que rencontre la population du service du tuteur général, d'autant plus que cette population est attaquée quotidiennement par les effets de la globalisation, de la crise sociale et économique dans laquelle nous nous trouvons. Il ne s'agit pas des cas d'assistance de l'Hospice général, mais de personnes qui sont tombées encore plus bas dans les problèmes sociaux, qui ont de la difficulté à s'en sortir, qui doivent trouver le soutien de l'Etat, une main généreuse et compatissante qui leur permette de surmonter leurs difficultés, lesquelles bien souvent commencent par une situation d'orphelin et finissent parfois par une rupture avec la société.

Je vous demande de réserver bon accueil à cette proposition de motion, car il est urgent de mettre un terme à cette gabegie qui règne depuis passablement de temps dans ce service. Nos deux invites sont très claires, d'autant plus que l'un des chefs de groupe - j'ose le dire - a eu le malheur de résister à des pressions de sa hiérarchie, pour dire les choses telles qu'elles se passent : il n'y a pas suffisamment de photocopieuses, par exemple... (Commentaires.) Oui, Madame Brunschwig Graf ! Il y a une photocopieuse pour tout le personnel réparti sur cinq étages; il y a un téléphone pour quatre personnes ; des assistants sociaux ne disposent pas d'un téléphone personnel pour pouvoir mener à bien leurs activités; il y a un seul fax placé à côté du bureau de la directrice qui vise tous les fax qui partent de ce service. Telle est la situation au service du tuteur général. Ces conditions de travail ne sont plus acceptables; il faut y mettre un terme. C'est pourquoi je vous recommande de voter notre motion.

Mme Louiza Mottaz (Ve). Notre groupe n'entend pas s'ingérer ou dicter à un service de l'Etat ses modes de fonctionnement. Malgré notre inquiétude quant à l'avenir du service du tuteur général et à la qualité de ses prestations, nous estimons - comme le souligne M. Pagani dans sa motion - qu'il n'appartient pas au législatif d'interférer dans les procédures administratives engagées par un service à l'encontre d'un de ses employés. Par conséquent nous ne soutiendrons pas cette motion.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, depuis quelques jours la presse met en exergue les multiples dysfonctionnements du service du tuteur général. En effet, à la lecture du dossier, le licenciement inexplicable de M. Alberto Perez-Iriarte a été un révélateur de la situation grave que vit ce service. Le service du tuteur général souffre de plusieurs défaillances qui auraient notamment des incidences financières. Si ces problèmes sont vraisemblablement causés par une surcharge de travail endémique, il est certain que le manque d'encadrement financier et la gabegie régnant dans ce service n'arrangent rien.

Depuis près de cinq ans, il n'y a plus d'adjoint financier à la direction de ce service, à l'exception du bref passage d'une collaboratrice qui a rapidement quitté son poste. De plus, le département comptabilité n'a plus de chef de section depuis plusieurs mois. Le reste de l'équipe comptable est composée essentiellement de personnes ayant des statuts précaires, d'employés manquant de formation comptable et de collaborateurs sans grande expérience.

Dans de telles conditions, la rigueur financière, notamment, semble être insuffisante. Selon certains témoignages, ce manque de contrôle financier cumulé à des erreurs de gestion aurait coûté à ce service plusieurs dizaines ou centaines de milliers de francs ces dernières années. C'est pourquoi il nous semble judicieux que le Conseil d'Etat mandate rapidement l'inspection cantonale des finances pour effectuer un contrôle de ce service et pour publier ensuite un rapport.

A cela viennent s'ajouter de nombreuses maladresses de management qui ont sensiblement dégradé les conditions de travail et la qualité des prestations. Le personnel est déchiré, démotivé. Un tel capharnaüm ne doit pas se prolonger. Il est temps d'aller mettre un peu d'ordre et de réorganiser profondément ce service défaillant en utilisant tout le potentiel des collaboratrices et des collaborateurs. C'est pourquoi nous demandons une réorganisation profonde et rapide de ce service en impliquant grandement le personnel du service du tuteur général afin qu'il devienne l'acteur principal de cette réforme indispensable.

Nous venons d'entendre nos amis les Verts et nous savons que plusieurs députés pensent qu'il n'est pas judicieux de traiter au Grand Conseil d'un problème de licenciement. En conséquence, il nous paraît difficile de rallier une majorité, ce que nous regrettons amèrement. Néanmoins, nous pensons qu'il faut traiter le problème de fond qui est celui du dysfonctionnement de ce service. Le groupe socialiste vous propose un amendement qui remplacerait les deux invites de la motion. Je vous donne lecture de ces deux nouvelles invites :

«- à nommer un médiateur qui aura pour tâche, dans un délai de six mois, de mettre à jour l'ensemble des dysfonctionnements de ce service, d'en établir les causes et de mettre en place, en étroite collaboration avec le personnel du service une réelle réorganisation permettant au service du tuteur général d'assumer ses obligations sociales, légales et financières dans les mandats qui lui sont confiés ;

- à mandater rapidement l'inspection cantonale des finances pour effectuer un contrôle de ce service et à publier les résultats de cette inspection.»

Nous vous invitons à soutenir cette proposition d'amendement.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mme Mottaz vous l'a dit : nous ne souhaitons pas d'ingérence dans les conflits de travail au sein de la fonction publique; nous estimons qu'il y a d'autres lieux pour les régler. Par contre, nous sommes totalement conscients des dysfonctionnements qui règnent au service du tuteur général et plusieurs d'entre nous - ayant l'occasion de collaborer avec ce service - on pu faire la douloureuse expérience des carences qui y règnent.

Les amendements présentés par M. Brunier nous semblent aller dans le sens d'un meilleur fonctionnement, raison pour laquelle notre groupe les soutiendra.

Mme Martine Brunschwig Graf. Je suis reconnaissante aux députés de bien vouloir séparer les deux problèmes. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer, lors de la dernière séance du Grand Conseil sauf erreur, Madame Alder, la problématique du tuteur général. Je vous ai annoncé, à ce moment-là, qu'un certain nombre de mesures devaient être prises et que je recevrai les collaborateurs de ce service, ce qui sera fait mercredi prochain. Vous n'ignorez peut-être pas qu'il y a quelques années nous avions entamé un certain nombre de procédures. Il est vrai que l'augmentation des personnes à prendre en charge notamment et la dégradation de la situation économique ont fortement péjoré les conditions de travail du personnel employé dans ce service.

Les conditions matérielles évoquées par M. Pagani sont exactes; les lier avec le licenciement d'une personne dont le contrat ne serait pas maintenu pour ces raisons est totalement faux et c'est la raison de ma protestation de tout à l'heure. Je ne reviens pas sur cette problématique car les députés ont eu la sagesse de renoncer à la traiter. Ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque nous décidons de mettre un terme à la collaboration d'un employé, cela n'est en aucun cas parce qu'il a pu, à un certain moment, signaler des problèmes qui sont réels. Les difficultés que vous soulignez ont été identifiées. L'inspection cantonale des finances, dans ses contrôles habituels, examine actuellement la problématique du service sur ses aspects financiers et administratifs. Vous pouvez, par conséquent, entériner cette motion telle quelle; il n'y a pas besoin de mandater l'ICF puisqu'elle effectue déjà un contrôle de routine. Pour le reste, je crois qu'il est parfaitement possible de répondre à vos invites puisque les travaux sont déjà en cours.

S'agissant du médiateur, j'aimerais vous rendre attentifs au fait que des analyses et un certain nombre de démarches ont déjà été effectuées dans ce service. Je crois que ce qui est nécessaire, c'est moins un médiateur qu'une prise de décision sur un certain nombre de plans et une véritable mise en application.

Renvoyez cette motion au Conseil d'Etat; vous aurez les informations nécessaires et les décisions qui doivent être prises seront contenues dans son rapport.

M. Rémy Pagani (AdG). Ainsi que nous l'avons mentionné dans cette motion, il est un peu difficile de justifier d'un point de vue général le soutien du parlement à un employé de la fonction publique qui a été licencié. En l'occurrence, nous l'avons soutenu et nous continuerons à le faire car il nous semble important de relever que pour une fois l'ensemble du service - et nous avons affaire ici à un cadre de l'administration - l'ensemble de ses collègues de travail, sa hiérarchie ainsi que le personnel dont il était responsable se sont mobilisés et mis en grève une demi-journée, par solidarité avec cet employé, lequel - quoi qu'en dise Mme Brunschwig Graf - fait les frais de la gabegie qui règne au sein de ce service.

En fonction des réalités parlementaires actuelles et des prises de position des Verts, notre groupe se ralliera à la proposition d'amendement présentée par M. Brunier, représentant du parti socialiste, en précisant que, lorsque nous parlons de médiateur, il ne s'agit pas d'une xième personne qui viendrait faire un audit. Je vous rappelle que déjà trois personnes se sont fait les dents - si j'ose dire - sur des audits dans ce service et on a vu quel en a été le résultat : nul ! Nous parlons ici d'un nouveau directeur qui sera capable de remettre ce service sur pied et de protéger l'ensemble de ses collaborateurs, notamment contre les agressions qu'ils subissent.

M. Albert Rodrik (S). Le groupe socialiste tient à préciser que l'amendement présenté par M. Brunier afin de rallier une majorité, n'enlève rien à sa solidarité avec le licenciement du collaborateur dont le nom est mentionné dans le texte initial de la motion. Notre solidarité avec lui demeure entière, tant en ce qui concerne sa personne que par rapport à la méthode avec laquelle il a été licencié. Nous vous demandons de voter l'amendement, puis la motion amendée.

Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Brunier consistant à remplacer les invites actuelles par les deux invites suivantes :

«- à nommer un médiateur qui aura pour tâche, dans un délai de six mois, de mettre à jour l'ensemble des dysfonctionnements de ce service, d'en établir les causes et de mettre en place, en étroite collaboration avec le personnel du service, une réelle réorganisation permettant au service du tuteur général d'assumer ses obligations sociales, légales et financières dans les mandats qui lui sont confiés ;

- à mandater rapidement l'inspection cantonale des finances pour effectuer un contrôle de ce service et à publier les résultats de cette inspection. »

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1249)

contre le licenciement injuste de M. Alberto Perez-Iriarte et pour une réorganisation du service du tuteur général

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

que le licenciement de M. Alberto Perez-Iriarte, employé au service du tuteur général depuis quatre années, est uniquement motivé par le fait qu'il ne répercutait pas systématiquement à ses subordonnés les directives de sa hiérarchie, à l'inverse il faisait état régulièrement des difficultés que le personnel rencontrait dans l'application des mandats lui incombant;

que ce licenciement est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase dans un service qui, depuis plusieurs années, peine à résoudre l'ensemble des problèmes qui relèvent pourtant de ses obligations institutionnelles;

la pétition soutenant la nomination de M. Alberto Perez-Iriarte, signée par l'ensemble de ses collègues de travail;

que M. Alberto Perez-Iriarte fait les frais d'une gestion inefficace entretenue par une hiérarchie incompétente;

qu'en l'état des procédures légales, M. Alberto Perez-Iriarte ne pourra être réintégré dans son service, tout au plus bénéficiera-t-il d'une indemnité pour licenciement abusif si les faits qu'il dénonce s'avèrent exacts;

qu'en règle générale, il n'appartient pas au législatif d'interférer dans les procédures administratives engagées par le Conseil d'Etat à l'encontre d'un employé, mais que dans le cas d'espèce et au vu de l'ensemble des dysfonctionnements du service du tuteur général, il exerce légitimement son droit de surveillance;

invite le Conseil d'Etat

- à nommer un médiateur qui aura pour tâche, dans un délai de six mois, de mettre à jour l'ensemble des dysfonctionnements de ce service, d'en établir les causes et de mettre en place, en étroite collaboration avec le personnel du service, une réelle réorganisation permettant au service du tuteur général d'assumer ses obligations sociales, légales et financières dans les mandats qui lui sont confiés ;

- à mandater rapidement l'inspection cantonale des finances pour effectuer un contrôle de ce service et à publier les résultats de cette inspection. 

La séance est levée à 23 h.