République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7915
20. a) Projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. Janine Hagmann, Michel Halpérin, René Koechlin, Armand Lombard, Barbara Polla et Jacques Béné modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00). ( )PL7915
PL 7916
b) Projet de loi de Mmes et MM. Janine Hagmann, Michel Halpérin, René Koechlin, Armand Lombard, Barbara Polla et Jacques Béné modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05). ( )PL7916

(PL 7915)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1874 est modifiée comme suit :

Art. 59A  Objets d'intérêt cantonal (nouveau)

Lorsqu'un référendum municipal est demandé, le Conseil d'Etat peut, par arrêté, le décréter d'intérêt cantonal. Ce référendum sera alors soumis à une votation cantonale.

Article 2 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les récentes votations municipales en matière d'aménagement du territoire concernaient des objets affectant l'ensemble de la population cantonale, voire présentant, dans le cas particulier de la place des Nations, un intérêt dépassant les frontières de notre canton. A ces occasions, les efforts considérables de préparation et de concertation politique ont été réduits à néant par un vote populaire motivé principalement par les intérêts, certes louables, des quartiers concernés.

Ces résultats démontrent combien il est essentiel que l'ensemble de la population cantonale soit en mesure de s'exprimer sur des objets la concernant directement et permette ainsi à l'intérêt général de venir contrebalancer un intérêt local. En effet, à l'ère de la communication et de la mobilité, il ne se justifie plus de conserver comme critère d'exercice du droit de vote un critère purement territorial.

L'exemple de la place Neuve offre un cas d'école de la désuétude de ce critère : les électeurs intéressés en première ligne par ce projet étaient justement ceux des communes suburbaines qui se rendent en voiture en ville de Genève, pour des raisons professionnelles ou autres. Ces électeurs-là auraient été aussi à même de juger le projet proposé que ceux habitant en ville et pouvant de ce fait se déplacer plus aisément par d'autres moyens que l'automobile.

Les objets d'intérêt cantonal relevant, d'un point de vue territorial, des communes sont nombreux et, pour la plupart d'entre eux, identifiables seulement au moment où une question les concernant est soulevée. C'est la raison pour laquelle il convient que le Conseil d'Etat ait la faculté constitutionnelle de décréter de cas en cas quels référendums municipaux seront soumis à une votation cantonale.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver à ce projet de loi un bon accueil.

(PL 7916)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'exercice des droits politiques , du 15 octobre 1982 (A 5 05), est modifiée comme suit :

Art. 3, al. 1  En matière communale (nouvelle teneur)

Sont électeurs et électrices en matière communale les citoyens et citoyennes jouissant de leurs droits politiques qui sont domiciliés dans la commune depuis trois mois au moins ou qui sont astreints au paiement des impôts de ladite commune ; ce délai d'attente de trois mois ne s'applique pas aux ressortissants de la commune.

Art. 5, al. 1  Rôles électoraux (nouvelle teneur)

1 Les électeurs et électrices, à l'exception des Suisses et Suissesses de l'étranger, sont inscrits d'office sur les rôles électoraux tenus à jour par l'office en collaboration avec l'administration fiscale cantonale. Lorsqu'un électeur ou une électrice est autorisé à voter dans plusieurs communes au sens de l'article 3 alinéa 1 de la présente loi, le rôle électoral de son domicile politique en fait mention.

Article 2 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les récentes votations municipales en matière d'aménagement du territoire (place Neuve, place des Nations) ont démontré qu'il ne se justifie plus, à l'ère de la globalisation, de soumettre des objets affectant l'ensemble de la population cantonale et présentant ainsi un intérêt général au jugement des seuls quartiers concernés d'un point de vue territorial.

En effet, il apparaît inéquitable que ceux qui font Genève par leur travail et leurs apports financiers ne soient pas en mesure de s'exprimer sur des sujets les concernant en première ligne. Il est en particulier fait référence aux électeurs résidant dans une commune suburbaine, mais travaillant dans une autre commune, par exemple la ville de Genève. Ces électeurs paient les impôts de la ville de Genève et en reçoivent les prestations. Il semble donc logique qu'ils soient autorisés à voter sur des objets concernant leur lieu principal d'activité, de consommation et de contribution fiscale.

Accorder à ces électeurs des droits politiques dans le ou les territoires de leur assujettissement fiscal est un corollaire nécessaire de leur importante présence dans ces lieux. C'est la raison pour laquelle il vous est proposé de modifier le critère de définition de la qualité d'électeur communal en appliquant, cumulativement au seul critère de la résidence, celui du lieu de paiement d'impôts.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver à ce projet de loi un bon accueil.

Préconsultation

M. Rémy Pagani (AdG). Il y en a qui ont la défaite amère face aux sanctions du corps électoral sur la place des Nations, le parc Vermont et la place Neuve. Ils nous proposent ce soir d'avoir une sorte de démocratie taillée sur mesure, une sorte de do it yourself qui permettrait à ceux qui ont plus d'argent que d'autres de pouvoir, parce qu'ils y ont un intérêt financier, s'exprimer sur des questions qui touchent la Ville de Genève, alors qu'ils ne résident pas dans cette cité.

Nous trouvons ce type de proposition indigne de notre démocratie, d'autant plus que lorsque vous étiez majoritaires et que nous étions dans la minorité, subissant échec après échec concernant l'aménagement de la Ville, il n'a jamais été question de remettre en cause les règles du jeu de notre démocratie.

Aujourd'hui, sur quelques points et notamment des questions d'aménagement, la majorité du corps électoral nous suit. Référendum après référendum, nous remportons un certain nombre de victoires et il est question, comme par hasard, pour cette majorité devenue minorité de se soustraire à cette règle du jeu qu'elle a elle-même imposée pendant des années.

Nous estimons que ces deux projets de lois ne doivent pas être renvoyés en commission, parce que de toute manière ils finiront dans un tiroir. Je ne vois pas quel autre mode de faire devrait être appliqué à ces projets de lois. Durant cette législature, nous n'entrerons en tout cas pas en matière sur une quelconque proposition, amendée ou pas. Nous proposons purement et simplement de voter immédiatement contre ces projets de lois.

M. John Dupraz (R). Nous avons examiné avec attention ces projets de lois. Ils posent un problème délicat. Il est clair qu'après les votes négatifs sur l'aménagement de la place des Nations et le parking de la place Neuve on est en droit de se poser des questions car, à l'évidence, ces projets n'ont pas seulement un intérêt communal Ville de Genève mais également un intérêt cantonal. Je dirai même que ces projets dépassent les frontières politiques de notre canton.

Cela dit, concernant le projet de la place Neuve, il s'agissait pour la commune Ville de Genève de se prononcer sur un droit de superficie qui mettait une propriété de la Ville de Genève à disposition des promoteurs qui auraient construit ce parking. Là, je dois admettre que je ne comprends pas nos cousins politiques libéraux, qui sont habituellement si attentifs au droit de propriété et qui ne pourraient accepter que le propriétaire des terrains passe un accord avec le superficiaire. Cela me paraîtrait un peu curieux. En l'occurrence, la démarche était tout à fait normale.

Le premier projet de loi dit : le Conseil d'Etat décrète si le projet est d'importance cantonale. Mais où est la limite et quels sont les critères pour définir un projet d'intérêt cantonal par rapport à un projet d'intérêt communal ? Dans cette appréciation, il y a beaucoup de subjectivité. Nous considérons que le premier projet de loi soulève un vrai problème mais apporte une mauvaise réponse. Cependant, nous ne nous opposons pas à aller en commission.

Le second projet de loi nous paraît plus intéressant, à savoir : qui a la qualité d'électeur ? J'avais moi-même réfléchi pour tenter de faire participer les gens intéressés aux projets de la Ville de Genève, pour essayer d'élargir le cercle des décideurs, des citoyens et citoyennes qui peuvent se prononcer. J'avais imaginé un système qui me semble difficilement praticable du point de vue juridique, à savoir que la personne qui habite Genève aurait droit à deux suffrages et que celle qui travaille à Genève et y paye une partie de ses impôts aurait droit à un suffrage. Ainsi, toutes les personnes concernées s'exprimeraient.

Cela peut paraître un peu curieux, mais il faut se souvenir qu'il y a une cinquantaine d'années la personne qui habitait une commune avait son travail dans la même commune. Elle avait donc ses intérêts d'habitant, de travailleur, d'entrepreneur ou d'artisan dans l'endroit où elle habitait.

Maintenant, c'est un peu différent. Beaucoup de gens travaillent à Genève mais n'y habitent pas. Ils payent une partie de leurs impôts dans cette cité et n'ont rien à dire sur des projets d'une certaine importance qui les intéressent. A ce titre, ce projet de loi proposé par nos amis libéraux présente un certain intérêt. A travers un système de ce type, qui mérite une étude approfondie, on pourrait faire participer un plus grand nombre de personnes intéressées aux projets d'une grande commune comme la Ville de Genève.

Il est clair que ce principe devrait être valable pour toutes les communes. Nous demandons que ces deux projets soient renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil pour étude. Une fois encore, le premier nous apparaît difficilement acceptable mais, pour le second, il y a matière à discuter pour trouver une solution pratique, intelligente et acceptable qui règle le problème du premier projet de loi.

Mme Véronique Pürro (S). Permettez-moi en préambule de regretter le fait que ces deux projets soient traités sous le même point. Comme l'a très justement relevé M. Dupraz, même si l'origine de ces deux projets est bien évidemment la même, à savoir le coup de gueule politique des libéraux à la suite de l'échec en votation populaire du projet d'aménagement et de parking de la place Neuve, même si l'origine des deux projets est la même, il aurait convenu de faire la distinction entre les deux.

Par rapport au premier d'entre eux, c'est-à-dire le projet qui prévoit que le Conseil d'Etat puisse déclarer d'importance cantonale un référendum communal afin que l'ensemble du canton puisse se prononcer en votation populaire, il convient de relever la faiblesse de ce projet qui est de réduire une fois de plus les compétences de nos communes qui sont déjà bien restreintes.

Comme cela a déjà été dit, cette proposition vise en fait une seule et unique commune, celle de la Ville de Genève. Si le groupe socialiste partage l'avis exprimé par M. Dupraz qu'il est nécessaire de revoir l'ensemble des institutions et des structures politiques de notre canton, il ne peut en revanche souscrire à la méthode coup de poing et à l'approche sectorielle que nous proposent les libéraux.

Qui paye commande : telle pourrait être la philosophie sous-jacente à la deuxième proposition. En proposant que la qualité d'électeur soit reconnue à toute personne qui paye des impôts dans une commune, sans qu'il soit nécessaire qu'elle y ait son domicile, le groupe libéral nous propose ni plus ni moins un retour à l'Ancien Régime et au cens électoral.

Accepter cette absurde proposition reviendrait notamment à créer des inégalités que nous ne pouvons accepter. En effet, certaines personnes pourraient être électeur ou électrice de nombreuses communes selon qu'elles cumuleraient des temps partiels sur plusieurs communes. D'autres perdraient leurs droits politiques par le seul fait qu'elles perdraient volontairement ou non leur activité professionnelle.

Les personnes qui travailleraient bénévolement sur une commune et qui utiliseraient donc les infrastructures sur lesquelles elles seraient censées pouvoir se prononcer, ne pourraient, en tant que bénévoles, jouir des mêmes droits que celles qui y travaillent en étant rémunérées. Ce ne sont que des exemples pour montrer le non-sens de cette proposition.

Par ailleurs, bien que cette proposition vise essentiellement une fois de plus la commune de la Ville de Genève, nous devons être très attentifs parce qu'elle peut poser plusieurs problèmes à d'autres communes. Prenons par exemple la commune de Plan-les-Ouates qui a plus de travailleurs que d'habitants sur son territoire. Si nous acceptions cette proposition, cette commune pourrait se voir imposer des décisions par une majorité de personnes qui n'habitent pas sur son territoire, sans compter que, pour mettre en vigueur cette proposition, il faudrait développer toute une bureaucratie que le groupe libéral dénonce par ailleurs.

Je terminerai en disant qu'il y a de fortes chances que ce projet soit jugé anticonstitutionnel. En effet, l'article 43 de la Constitution fédérale, indique clairement le principe de la territorialité pour définir le droit de la citoyenneté. (L'oratrice est interpellée par M. Brunschwig.) Oui, j'allais y venir, Monsieur Brunschwig. Justement, je m'étonnais que M. Halpérin, qui a interpellé Mme Calmy-Rey sur l'aspect de la territorialité pour la fiscalité, ne reprenne pas la même logique qu'il a développée lors de son interpellation et nous propose finalement un projet qui va contre ses propos de tout à l'heure.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous proposons le renvoi de ces deux projets de lois en commission, bien qu'à titre tout à fait personnel je pense qu'il aurait mieux valu les rejeter immédiatement.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Ces deux projets sont visiblement une réaction de mauvais perdants, une réaction immature d'un parti qui tape du pied parce qu'il a perdu. (Brouhaha.)

Cependant, cette réaction irresponsable les amène à porter deux coups graves à la démocratie telle qu'elle existe en Suisse et à Genève. Le premier qui est porté par le premier projet, c'est tout simplement la suppression de la séparation des pouvoirs, la suppression du fédéralisme au niveau local. Le deuxième projet continue avec la suppression du suffrage universel.

La suppression de la séparation des pouvoirs est grave. Si l'exécutif peut choisir quels sont les électeurs aptes à se prononcer sur un sujet, ce régime s'appelle, Mesdames et Messieurs, une dictature. (Protestations.). Ceux-là mêmes qui nous proposent cette «intéressante» innovation sont les mêmes qui s'élèvent contre les méfaits de dictateurs au Chili ou ailleurs. Quelle cohérence, vraiment ! Cela s'appelle : «Ne faites pas ce que nous voudrions faire.»

En Suisse et à Genève, nous avons un peu mieux que la dictature, nous avons un système démocratique et fédéraliste. C'est l'un des avantages du fédéralisme que de permettre à la diversité de la population d'être prise en compte. Si l'on trouvait dans un canton la même composition sociale, la même configuration politique, la même configuration territoriale, ce canton serait alors homogène et il ne serait pas nécessaire d'avoir une division électorale en communes. Mais cette homogénéité n'existe pas.

Le fédéralisme au niveau local rapproche les citoyens du pouvoir et des décisions à prendre. Il permet à des minorités au plan cantonal qui seraient majoritaires dans leur commune d'exercer un certain pouvoir de décision. C'est là évidemment le but principal de ce projet de loi que de les en empêcher.

La conséquence du projet serait certes l'affaiblissement des prérogatives de la Ville car il est bien évident que c'est la Ville qui est visée et que c'est contre elle qu'est censé s'exercer le pouvoir discrétionnaire du Conseil d'Etat. Mais une fois que le pli serait pris, pourquoi s'arrêterait-on en si bon chemin ? Pourquoi l'exécutif ne s'immiscerait-il pas dans toutes les affaires communales en décidant par exemple que tous les citoyens du canton doivent se prononcer sur les déchets de Vandoeuvres ou même sur l'utilité de sa mairie ?

Les libéraux prétendent défendre l'intérêt général contre les intérêts des quartiers concernés. Cela est faux dans les deux cas qui nous occupent. En effet, ce n'est pas un quartier mais toute la Ville dans sa majorité qui s'est prononcée. On voit bien, Mesdames et Messieurs, ce que vous appelez l'intérêt général ! Dans le cas de la place Neuve, c'est tout simplement l'intérêt des automobilistes qui constitue aussi - et encore bien plus - un intérêt particulier. De plus cet intérêt particulier est nuisible à la population en général, car on connaît les nuisances qu'attirent les voitures qui viennent se parquer en ville, nuisances qui portent préjudice y compris aux visiteurs.

Non, Mesdames et Messieurs les fossoyeurs du fédéralisme, si vraiment vous vouliez chercher des solutions, vous réfléchiriez côté parkings d'échange ou transports publics. Au lieu de cela, il est évidemment beaucoup plus facile de ne rien remettre en question des modes de transports, de vouloir annuler deux votes et revenir avec le même projet, ou faire voter d'autres électeurs.

Enfin, oubli surprenant de la part de cette formation politique, c'est l'un des principes fondamentaux de la Constitution qu'est le droit à la propriété qu'attaque le parti libéral, même si ce droit n'est pas toujours affaire des privés mais aussi des collectivités publiques.

Quant au deuxième projet qui est encore plus choquant, il nous propose tout simplement le rétablissement du suffrage censitaire. En Suisse, le corps électoral constitue environ 60% de la population, beaucoup moins à Genève évidemment car c'est moins de la moitié des personnes qui vivent à Genève qui peuvent voter. Mais alors, pourquoi cette formation traîne-t-elle tant les pieds lorsqu'il s'agit de donner le droit de vote aux étrangers ? Ne travaillent-ils pas à Genève eux aussi ? Est-ce que le lieu principal de la consommation serait devenu le critère ? La consommation et les impôts sont-ils les deux critères qui vont fonder notre système démocratique ?

Ceux qui font Genève, dites-vous, par leurs apports financiers devraient nous diriger. Or ils ne sont pas seuls à faire Genève. Ils ne font d'ailleurs pas que payer, ils utilisent également les infrastructures de la Ville. Les affaires d'argent doivent se régler et c'est ainsi que cela fonctionne par le moyen de la péréquation financière et non par le moyen du droit de vote.

Nous préférons penser que ce projet n'est pas sérieux. Nous le traiterons donc comme il le mérite, comme une marque d'humeur ; et comme nous ne souhaitons pas vous traiter comme vous nous avez traités auparavant, nous accepterons de le renvoyer en commission.

M. Michel Halpérin (L). Je suis impressionné par la charge féroce que M. Pagani a dirigée contre ces deux textes. Je suis surpris de la charge non moins dédaigneuse de Mme Romaneschi-Dallèves qui, de tout ce parlement, est la mieux placée pour savoir que celui qui vous parle passe plus de temps à son lieu de travail que dans sa commune de domicile. Je suis surtout très peiné, Madame Pürro, que lorsque je fais l'effort que vous imaginez pour venir à votre rencontre vous me fuyiez avec tant d'insistance. (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, le premier projet n'est certainement pas parfait et certaines des critiques qui lui ont été adressées sont certainement bien fondées. C'est la raison pour laquelle il est probablement raisonnable de l'examiner comme beaucoup d'autres choses moins intéressantes l'ont été et le seront en commission.

Je voudrais toutefois vous rendre attentifs à quelques-unes des contradictions de l'argumentaire qui a été développé contre le premier texte. On m'a dit que je n'étais pas attentif au domaine privé et que je n'étais pas suffisamment bon gardien de la constitution et de la propriété privée. Rassurez-vous, je n'ai pas perdu mon credo sur ce sujet contrairement à Mme Romaneschi-Dallèves qui tout d'un coup s'est fendue d'une très belle lance en faveur de la propriété privée. Je ne lui savais pas ces turpitudes mais j'en prends note.

La Ville est parfaitement libre d'affecter son sol et son sous-sol à qui lui plaît, mais nous sommes un certain nombre de citoyens, en gros deux cent à deux cent cinquante mille, à considérer que la place Neuve est à beaucoup de monde, en tout cas quand il s'agit de savoir si on peut passer dessus ou à côté. Nous sommes au bas mot deux cent cinquante mille citoyens hors ceux de la Ville à considérer que la place des Nations par son nom déjà, par sa finalité, par sa vocation, nous appartient à nous plutôt qu'à la seule commune de Genève ou, pourquoi pas, Mesdames les députées préopinantes, à l'Association des amis de Sécheron réunis !

Nous pensons que la collectivité publique cantonale a, sur certains sujets, vocation à s'exprimer et pas seulement s'agissant de la Ville de Genève. Ne pensez-vous pas que des sujets concernant l'aéroport, situé sur une commune qui, je crois, n'est pas Genève, puissent intéresser le canton ? Ou que la Praille, qui n'est pas non plus, que je sache, sur le territoire de la commune de Genève, puisse représenter dans certains de ses projets un intérêt cantonal. ?

Par conséquent, il y a bien des sujets qui ne concernent pas la Ville de Genève et qui pourront être traités à l'occasion de cette disposition qui permettrait aux autorités cantonales, peut-être le Conseil d'Etat, de décréter cet intérêt général par opposition à l'intérêt particulier et segmentaire d'une commune. Ce n'est pas du mépris pour le fédéralisme, c'est une recherche de plus de démocratie et je ne suis pas très surpris de voir que sur les bancs d'en face on s'offense à ce point-là de cette idée. Vous n'avez jamais brillé jusqu'à maintenant par votre goût de la démocratie, donc votre opposition ne m'étonne pas !

Sur le deuxième projet, c'est encore bien plus simple et c'est sur ce point, Madame Pürro, que vous m'avez fait le plus de peine ! (Commentaires.) Voilà que Mme Calmy-Rey propose de taxer les citoyens domiciliés dans le canton de Vaud, que je m'en émeus et que vous me renvoyez mon émotion pour me dire de ne pas faire comme elle. Je pensais au contraire que vous m'accueilleriez enfin à bras ouverts en me disant : «Halpérin, tu nous as compris, nous t'aimons, nous te suivons.» Que faut-il faire pour vous séduire ? (Rires.)

Je dois vous dire aussi que vous m'avez surpris et chagriné lorsque vous n'avez pas compris que je vous emboîtais une fois de plus le pas. Il y a quinze jours, vous nous avez expliqué, larme à l'oeil et arguments à l'appui, pourquoi nous devions donner le droit de vote aux étrangers en expliquant que le droit de vote accompagne le droit de payer des impôts. Or, voilà que je dis la même chose que vous - d'ailleurs il y a quinze jours aussi, Madame Romaneschi-Dallèves, mais vous étiez inattentive comme cela vous arrive parfois ; quand vous me regardez, vous ne m'écoutez pas... (Rires.) Vous étiez inattentive, disais-je, et vous n'étiez pas en commission sinon vous auriez su que nous sommes très partisans des étrangers, et nous proposons que les Genevois soient traités comme les étrangers, pas plus mal et même aussi bien si c'est possible, et vous nous le reprochez !

Enfin vous nous expliquez qu'il faut rester terrien. Venant de M. Dupraz, j'aurais compris mais voilà que M. Dupraz est prêt à devenir aérien et que vous voulez vous enraciner, j'y perds mon latin. Mesdames et Messieurs, j'essaierai de l'apprendre en commission. (Applaudissements.)

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je ne sais si j'ose intervenir dans cette enceinte compte tenu des très doux échanges qui prévalent entre M. Halpérin et ses préopinantes. Je dois dire, Monsieur Halpérin, que je vous savais plus de force de conviction et la réticence qui est celle de Mme Pürro à votre égard me heurte beaucoup compte tenu du charme et du talent que l'on vous connaît. (Rires.) Cela étant, Mme Romaneschi m'a aussi attristé, parce que vous mettre sur le même plan que Pinochet... Je ne vous savais pas non plus ce talent.

Ce qui m'attriste le plus, ce sont malheureusement les deux textes, que je ne pense pas que vous ayez commis, faute de quoi ma déception serait incommensurable. Monsieur Halpérin, vous vous êtes égaré ; même sur vos bancs, quelques brebis peuvent se trouver égarées, quand bien même vous essayez de rassurer plutôt sur votre gauche aujourd'hui... (Commentaires.) Je vous voyais plutôt en Orphée qu'en gardien de chèvres, mais si vous souhaitez vous mettre sur le même plan que M. Dupraz et garder les chèvres, je n'y vois pas d'objection. Je tiens à dire que je n'ai rien contre les gardiens de chèvres ! (L'orateur est interpellé.) Non, M. Lombard est jaloux parce qu'il est incapable de faire preuve du moindre humour dans ce parlement. (Rires.)

Il est vrai - et sur le fond je vous rejoins en tout cas sur la préoccupation qui est la vôtre - qu'avec 45 communes sur un territoire particulièrement exigu, Genève se singularise un peu par rapport à la structure des différents cantons suisses. Nous avons eu en commission fiscale un intéressant débat sur la péréquation. Mais il est vrai aussi que les référendums qui dérangent la plupart des citoyens sont ceux faits en Ville de Genève. Le grand combat entre la Ville de Genève et le reste du canton est une litanie que nous connaissons bien dans cette enceinte.

C'est la problématique de l'autonomie communale. A Genève, les communes ont déjà très peu d'autonomie par rapport à ce qui existe dans d'autres cantons. Donner ces pouvoirs au Conseil d'Etat reviendrait indubitablement à réduire en peau de chagrin le peu d'autonomie communale que nous connaissons dans ce canton, même s'il y a des projets qui dépassent indubitablement le cadre de la Ville.

Quant au second projet, c'est fantastique ! Nous qui nous plaignons de ne pas avoir suffisamment de participation à l'occasion des élections, nous pourrions avoir des contribuables particulièrement zélés et vicieux - zélés pour vouloir voter dans 45 communes et vicieux parce qu'il faut être vicieux pour vouloir payer des impôts dans 45 communes - qui pourraient voter 45 fois dans notre beau canton. Je ne crois pas que ce soit tout à fait praticable ni réaliste et malgré les talents qui sont les vôtres en matière juridique, Monsieur Halpérin, puisque vous avez été un de mes maîtres, je suis pas tout à fait certain que ce projet tienne la rampe du point de vue de la compatibilité avec l'ordre juridique.

Nous examinerons avec beaucoup d'intérêt ces deux projets en commission mais, sur un plan pratique, ils semblent difficiles à appliquer.

Le président. Nous arrivons au terme de ce débat de préconsultation. Deux propositions ont été faites : l'une par M. Pagani, de discussion immédiate ; l'autre par les autres groupes, de renvoi en commission. Le renvoi en commission prime sur la discussion immédiate. Je vous propose donc de voter d'abord sur le renvoi en commission.

M. Claude Blanc (PDC). Monsieur le président, je crois que vous commettez une erreur : quand il s'agit d'un projet de loi, il est automatiquement renvoyé en commission et la proposition que l'on peut faire est la discussion immédiate. Vous devez donc faire voter sur la discussion immédiate !

M. Rémy Pagani (AdG). Emporté par la fougue que j'ai à certains moments dans ce parlement pour dénigrer un certain nombre de propositions qui me semblent utopiques et assez dangereuses pour notre démocratie, quoi qu'en dise M. Halpérin, je me suis laissé aller à enfreindre une de nos règles du jeu, c'est-à-dire de ne pas nous opposer au renvoi en commission. Je retire donc ma proposition et je propose le renvoi en commission.

Ces projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.

21. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la police (F 1 05). ( -)

C'est lors de la séance du 4 décembre 1997 que le Grand Conseil a renvoyé à la Commission judiciaire le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la police (PL 7714). Cette commission a étudié ce projet de loi le jeudi 18 juin 1998, sous la présidence de M. Pierre-François Unger, député.

Assistaient à la séance MM. Jean-Jacques Rasca, secrétaire général du Département de justice, police et transports (DJPT), Bernard Duport, secrétaire adjoint du même département, ainsi que M. Laurent Walpen, chef de la police. D'ores et déjà, je remercie ces collaborateurs du DJPT pour leur disponibilité et leur efficace participation à la bonne marche des travaux de la commission.

Objet du projet de loi

Le but de ce projet de loi est de formaliser, au sein du corps de police, l'existence d'un service de coordination et de gestion des systèmes d'information de la police. La mission d'un tel service sera, dans le cadre de la restructuration issue de la réforme Symphonie, de jouer le rôle de service d'assistance à la maîtrise d'ouvrage au niveau opérationnel.

En fait, le projet de loi ne fait que régulariser une situation qui existe déjà. En l'état, ce projet de loi n'implique ni coût, ni personnel supplémentaire. Simplement, la loi sur la police est réglementée jusque dans les moindres détails, de sorte que toute création de nouvelle fonction implique l'inscription dans la loi et donc l'approbation de cette modification par le Grand Conseil.

La création de ce nouveau service, qui met en valeur les systèmes d'information, rend la police plus efficace et permet de développer de nouvelles prestations liées aux technologies du traitement et de la diffusion de l'information. Cette modification tend enfin à créer un poste d'officier chargé de la sécurité des systèmes d'information. Ses tâches seront liées au respect de la confidentialité des données et de leur traitement.

Travaux de la commission

Vu la relative simplicité de ce projet de loi, la discussion a été très brève. Les députés se sont notamment inquiétés des fichiers existants et de leur confidentialité. Dans ce domaine, l'informatique s'est bien développée et aujourd'hui, il s'avère indispensable d'instaurer un contrôle de ces fichiers.

De là l'idée qu'une personne soit responsable de ce contrôle informatique, notamment pour éviter les violations du secret de fonction ainsi que le "; bricolage " des fichiers personnels. Enfin, le grade d'officier - qui est attribué à ce nouveau poste - s'insère dans le système hiérarchique de la police. De plus, ce grade d'officier confère à ce poste l'autorité nécessaire à l'exercice de sa tâche.

Finalement, après une brève discussion au sujet de la position de la police sur la sécurité des fichiers, les commissaires acceptent à l'unanimité l'entrée en matière sur le projet de loi 7714.

Discussion article par article

Article 6, alinéas 1, lettres m et n (nouvelle teneur, les lettres m et n anciennes devenant les lettres o et p)

m) le service de coordination et de gestion des systèmes d'information de la police ;

n) un officier chargé de la sécurité des systèmes d'information ;

L'introduction de ce nouveau service, de même que la création de la fonction d'officier chargé de la sécurité des systèmes d'information nécessitent une modification de l'article 6 qui définit les divers services qui composent le corps de police ainsi que les fonctions qu'il comporte.

L'obligation de séparer le service de coordination et de gestion des systèmes d'information de la police de la fonction d'officier chargé de la sécurité des systèmes d'information justifie l'introduction des deux lettres m et n. En effet, l'officier chargé de la sécurité ne peut être à la fois juge et partie.

Vote : cet article est adopté à l'unanimité.

Article 36, alinéa 1  Peines disciplinaires (nouvelle teneur)

Les peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux fonctionnaires mentionnés à l'article 6, alinéa 1, lettres a à o, sont, suivant la gravité du cas :

a) l'avertissement ;

b) le blâme ;

c) les services hors tour ;

d) la suspension pour une durée déterminée, sans traitement ;

e) la rétrogradation au rôle matricule ;

f) la dégradation ;

g) la révocation.

Cet article définit les sanctions disciplinaires décrites dans la loi sur la police, sanctions dont sont passibles les fonctionnaires de police. Ainsi, les fonctionnaires rattachés au service de coordination et de gestion des systèmes d'information de même que l'officier chargé de la sécurité des systèmes d'information sont passibles des mêmes sanctions que tout autre fonctionnaire de police en cas de manquement à leurs devoirs.

Vote : cet article est adopté à l'unanimité.

Article 45, lettres a et e Traitements (nouvelle teneur)

Les traitements sont fixés comme suit :

a) chef de la police, chef d'état-major, chef de la sûreté, commandant de la gendarmerie et commissaire :

 le traitement est fixé par le Conseil d'Etat, en application des article 4, alinéa 2, 11 et 12 de la loi citée à l'article 44, alinéa 1;

e) officier de presse {cl. 20 (dès pos. 6)

 officier psychologue {

 officier chargé de la sécurité {

 des systèmes d'information {cl. 22 (pos. 7 à 11)

 officier de prévention  cl. 18 (pos. 9 à 11)

Les modifications proposées corrigent des erreurs antérieures et introduisent la fonction d'officier chargé de la sécurité. La fonction de chef d'état-major est rajoutée. Son traitement a été également fixé par le Conseil d'Etat. Enfin, le renvoi à l'article 44, alinéa 1, qui a remplacé l'article 30 b, alinéa 1, est une correction qui avait échappé à la révision de la loi du 26 avril 1996.

Vu ses responsabilités et ses tâches importantes, l'officier chargé de la sécurité des systèmes d'information se voit attribuer la même classe de traitement que l'officier de presse et l'officier psychologue.

Vote : cet article est adopté à l'unanimité.

Vote final

Au vote final, ce projet de loi 7714 est adopté à l'unanimité. En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre l'avis des commissaires et à adopter ce projet de loi sur la police.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7714)

modifiant la loi sur la police (F 1 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur la police, du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit :

Art. 6, al. 1, lettres m et n (nouvelles, les lettres m et n anciennes    devenant les lettres o et p)

Art. 36, al. 1 Peines disciplinaires (nouvelle teneur)

1 Les peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux fonctionnaires mentionnés à l'article 6, alinéa 1, lettres a à o, sont, suivant la gravité du cas :

Art. 45, lettres a et e Traitements (nouvelle teneur)

Les traitements sont fixés comme suit :

a) chef de la police, chef d'état-major, chef de la sûreté, commandant de la gendarmerie et commissaire :

 le traitement est fixé par le Conseil d'Etat, en application des articles 4, alinéa 2, 11 et 12 de la loi citée à l'article 44, alinéa 1 ;

e) officier de presse  cl. 20 (dès pos. 6)

 officier psychologue  

 officier chargé de la sécurité   des systèmes d'information  cl. 22 (pos. 7 à 11)

 officier de prévention   cl. 18 (pos. 9 à 11) 

22. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :

 a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale (mise en oeuvre des modifications du 4 octobre 1996 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, EIMP, et de la loi fédérale relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (LTEJUS) (E 4 10). ( -)

 b) Projet de loi de Mmes et M. Vesca Olsommer, Chaïm Nissim et Fabienne Bugnon modifiant le code de procédure pénale (en matière d'entraide internationale) (accélération de la phase de recours contre les décisions du juge d'instruction) (E 4 20). ( -)

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Le projet de loi 7726 a été étudié conjointement avec le projet de loi 7593 par la Commission judiciaire lors de ses séances du 7 mai et du 4 juin 1998. M. le député P.-F. Unger, présidait les séances, assisté de M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT.

La commission a pu bénéficier lors de ses travaux de l'aide du juge d'instruction Laurent Kasper-Ansermet.

En outre, les députés ont reçu la loi fédérale sur l'entraide internationale et matière pénale 351.1.

Préambule

Le projet de loi 7593 a été déposé le 4 mars 1997 par le groupe des Verts, alors que le projet de loi 7726 est une proposition du Conseil d'Etat déposée devant le Grand Conseil le 17 septembre 1997. Ces deux projets visant le même objectif, à savoir l'accélération des procédures en matière d'entraide internationale, il a été décidé de les traiter en même temps.

Le projet de loi 7593

La proposition du groupe des Verts vise à atteindre une efficacité supplémentaire sur le plan cantonal dans l'exécution de l'entraide internationale dans le même esprit que les récentes modifications de la loi fédérale sur l'entraide pénale.

Ainsi, il est proposé de supprimer l'ultime phase de recours en modifiant l'art. 195, al. 4 du code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 :

Art 195, al. 4 (nouveau)

Toutefois, le présent article n'est pas applicable aux recours déposés dans le cadre de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1991

Selon les auteurs, les droits des parties ne seraient pas affaiblis, si la procédure de recours (art. 190 et suivants du code de procédure pénale E 4 20) devant la Chambre d'accusation était exclusivement écrite dans le domaine de l'aide internationale.

Etant bien précisé qu'il ne s'agit que de l'entraide internationale, sachant que d'aucuns pourraient craindre le précédent amené par une telle modification.

Cette faculté actuelle de plaider après l'échange d'écritures, ajoutent les auteurs est utilisée dans presque tous les cas par des recourants qui n'ont pourtant rien à ajouter à celles-ci. Il s'ensuit un retard de plusieurs semaines dans le traitement des dossiers, sans compter les heures innombrables que les juges de la Chambre d'accusation doivent consacrer à entendre répéter ce qu'ils sont capables de lire. La proposition vise donc à supprimer les plaidoiries de l'article 195, de sorte que la cause soit gardée à juger, aussitôt après l'échange d'écritures prévues à l'art. 194.

Le projet de loi 7726

La proposition de Conseil d'Etat beaucoup plus complète et détaillée vise le même objectif. Comme le rappelle l'exposé des motifs, les modifications apportées par le Conseil fédéral aux deux lois concernant l'entraide internationale impliquent une adaptation des titres IV et V de la loi cantonale d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, qui traitent respectivement de l'application de la loi sur l'entraide internationale en matière pénale (ci-après EIMP) et de la loi sur l'entraide judiciaire en matière pénale (ci-après LTEJUS).

Dans leur teneur actuelle, ces dispositions introduites par la loi du 16 décembre 1982 (projet du Conseil d'Etat : voir Mémorial 1982, pages 1884 et suivantes) répètent souvent le droit fédéral. Le présent projet adopte la même démarche, mais de manière moins systématique. Le respect d'une technique législative rigoureuse aurait conduit le Conseil d'Etat a rédiger un texte plus court.

La matière étant réglée de manière détaillée à l'échelon fédéral, les cantons n'ont qu'une marge étroite pour légiférer, en raison de la force dérogatoire du droit fédéral. Pour l'essentiel, le rôle du législateur cantonal consiste à désigner les autorités d'applications compétentes (juge d'instruction, procureur général, police, Chambre d'accusation, Cour de justice, Cour de cassation).

Les modifications proposées ainsi que le commentaire article par article se retrouvent après les travaux de la commission afin de ne détailler que ceux qui ont été retenus par celle-ci. Le commentaire général initial article par article se trouve dans le projet de loi 7726 (Mémorial du 2 oct. 1997, page 8209 et suivantes).

Travaux de la commission

Présentation du projet de loi 7726 par M. le juge Kasper-Ansermet, présentation du projet de loi 7593 par Fabienne Bugnon au nom du groupe des Verts.

Avant d'entreprendre ses travaux, la commission a décidé de procéder aux auditions suivantes, sur les deux projets de lois :

1. M. le procureur général Bernard Bertossa.

2. M. le bâtonnier de l'Ordre des avocats Me Benoît Chappuis.

3. L'Association des juristes progressistes.

Audition de M. le Procureur général Bernard Bertossa (jeudi 7 mai à 17h15)

M. Bertossa affirme que le Ministère public approuve les 2 projets de lois soumis à la commission.

S'exprimant d'abord sur le projet de loi 7726, il le résume en 3 points :

1. La mise en oeuvre d'une compétence nouvelle prévue par le droit fédéral :

L'autorité de poursuite pénale suisse a désormais la compétence de transmettre spontanément à une autorité pénale étrangère des informations ou des moyens de preuve. Le projet de loi prévoit que le juge d'instruction ou le Parquet seront compétents. Dans l'hypothèse où les commissaires souhaiteraient que seuls un des deux soit compétent, il serait préférable que ce soit le Ministère public.

2. Avance des frais :

La faculté a été prévue pour la Chambre d'accusation d'exiger une avance des frais. Le Ministère public est favorable à cette nouvelle faculté pour des raisons d'équité.

En effet, 95 % des recours en matière d'entraide émanent de "; tricheurs ", c'est-à-dire de gens qui ont quelque chose à cacher. Le but de ces recours est de retarder la transmission des informations vers l'étranger. Or, la moitié des recourants sont des sociétés offshore, qui n'ont de domicile ni réel, ni fiscal en Suisse. Le but est de camoufler des opérations financières.

Il serait par conséquent équitable de rendre onéreux l'utilisation par ces entités étrangères de la justice cantonale. Il ne s'agit en général pas de gens qui ont recours à l'Assistance juridique.

3. Procédure de recours :

Le problème principal de l'entraide est la lenteur. La Suisse s'est distinguée par le fait qu'elle a institutionnalisé cette lenteur. Actuellement, le délai de recours est de 30 jours, alors qu'il n'était autrefois que de 10 jours. Or, la possibilité de recours par écrit est suffisante. Les plaidoiries constituent un report du moment où la Chambre d'accusation rend ses arrêts.

La jurisprudence constante de la Chambre d'accusation dispose que les arguments non soulevés dans les écritures ne peuvent être plaidés oralement.

Les plaidoiries ne sont utiles que si le plaideur est d'ici ; dans cette hypothèse, le but ne saurait être d'empêcher la transmission de moyens de preuve à l'étranger.

Sur l'aspect financier, M. Bertossa ajoute qu'il considère que la Suisse a, en tant que place financière, une responsabilité particulière en matière de répression de la criminalité, car elle est utilisée comme telle par des organisations criminelles. La Suisse n'a aucun intérêt à freiner ses efforts d'assistance en matière pénale. La vulnérabilité de la Suisse est particulière, car elle est davantage isolée sur le plan international que bien d'autres pays.

Il rapporte qu'actuellement, les moyens de preuve demandés ne sont souvent pas transmis avant 18 mois, voire 4 ans. C'est intolérable.

Il s'oppose à toute vision nationaliste de la justice.

Répondant à un commissaire, M. Bertossa estime que la plaidoirie dont il est question fait perdre à elle seule environ 1 mois. Il confirme également qu'il est très rare que des faits nouveaux soient produits au moment de l'ultime plaidoirie. Il rappelle enfin que le canton de Genève est le seul canton de Suisse à prévoir des plaidoiries en matière d'entraide.

Audition de l'Ordre des avocats(ci-après OdA) Me Benoît Chappuis, bâtonnier (jeudi 7 mai à 18h.)

Me Chappuis rappelle que l'avant-projet du projet de loi 7726 avait été soumis à l'OdA et que celui-ci avait à cette époque pu faire part de ses commentaires.

Me Chappuis s'exprime préalablement sur le problème de l'avance des frais estimant qu'il n'est pas réalisable de vouloir renoncer complètement à celle-ci. En effet, on a affaire à des étrangers ; il est donc juste d'affirmer qu'il existe des difficultés à recouvrer les sommes.

Me Chappuis relève qu'autrefois, la procédure d'entraide était gratuite. Me Chappuis souligne que le tarif appliqué est très élevé. Ainsi, les tarifs de la Chambre d'accusation pour les affaires nationales vont de Fr. 50.- à Fr. 1 000.- alors que, pour l'entraide internationale, ils vont de Fr. 100.- à Fr. 15 000.- en comparaison, une Cour d'assises coûte Fr. 20 000.-.

Il affirme qu'il y a beaucoup d'affaires d'entraide qui concernent des gens qui ne sont pas aisés. Il y a en effet une foule d'affaires d'entraide ordinaires, en marge des affaires à scandale, comme l'affaire Marcos, par exemple.

S'agissant du projet de loi 7593, Me Chappuis affirme que, même s'il n'a pas fait de statistiques, les plaidoiries ne jouent pas un rôle fondamental à ce sujet. La Chambre d'accusation a elle-même mis en place un système qui n'est exigé par aucune loi et selon lequel on est appelé une première fois pour savoir si l'on veut plaider. Ce système a pour conséquence que l'on perd du temps.

Il ajoute que l'interdiction de plaider constitue une atteinte fondamentale à un droit du justiciable, soit au client de l'avocat. Il faut noter que les audiences se passent à huis clos; la presse n'y est pas présente. Ainsi la volonté de l'Ordre des avocats de maintenir les plaidoiries n'a pas pour mobile de vouloir flatter le plaideur. Les plaidoiries sont d'ailleurs souvent très techniques et peu agréables à mener.

Le débat oral constitue un moment d'échange qui est autre chose que l'expression écrite. Il appartient aux tribunaux de sanctionner les plaideurs qui dépassent les limites.

Me Chappuis porte à la connaissance des commissaires qu'il ne plaide pas souvent en entraide, car c'est souvent inutile. C'est cependant aussi parfois utile. Or, si le projet de loi était adopté, il ne serait plus du tout possible de faire usage de cette faculté.

En matière d'entraide, il n'y a pas que l'affaire Marcos et la mafia russe. Il ne faut pas faire un projet de loi façonné par quelques affaires à scandale.

Me Chappuis estime que le système mis en place par la nouvelle loi fédérale permettra à davantage de recours d'aboutir; en effet, les recours seront plus ciblés. La plaidoirie est surtout nécessaire en cas d'évolution du dossier dans l'intervalle. Le but est avant tout de pouvoir affiner ce que l'on a écrit.

Il ne pense pas pour autant que l'adoption du projet de loi 7683 affaiblirait les droits de la défense. En effet le fait d'admettre que certaines infractions soient jugées par des juges professionnels n'est pas en soi constitutif d'une atteinte aux droits de la défense.

Audition de l'Association des juristes progressistes (ci-après AJP)

L'AJP par courrier du 30 avril 1998 signé par son président Me Yves Aeschlimann a informé la Commission judiciaire qu'elle appuie les 2 projets de loi tels qu'ils lui ont été soumis et n'a pas d'observations particulières à formuler (cf. courrier de l'AJP, Annexe II).

M. le juge Kasper-Ansermet ayant assisté aux auditions n'a que quelques commentaires à ajouter, mais reste à disposition de la commission pour le travail article par article.

M. Kasper-Ansermet est conscient que l'on reproche au projet de loi de museler les avocats, mais il ne faut pas perdre de vue que le principe de base est qu'on ne peut ajouter des éléments lors de la plaidoirie.

Il explique que la procédure d'entraide est une procédure administrative, très technique. En cela, elle se différencie du droit pénal, qui traite de problèmes humains.

M. Kasper-Ansermet dit que, souvent, les plaidoiries posent des problèmes de conscience aux juges, qui se demandent ce qui se passe à l'étranger. Il est vrai qu'un gain de temps d'un mois sur 18 voire sur 4 ans, c'est proportionnellement peu. Mais, parfois, un mois, ça peut faire capoter une enquête.

M. Kasper-Ansermet en vient à l'avance des frais. La proposition de calcul des frais en fonction de la capacité financière de la personne serait difficile. En effet, il s'agit souvent de sociétés offshore, dont l'ayant droit économique apparaît rarement. Un maximum a été fixé à Fr. 15 000.- or, en réalité, il y a rarement des émoluments qui dépassent les milliers de francs. C'est vrai qu'une Cour d'assises coûte Fr. 20 000.-.

S'agissant des autres cantons, on s'aperçoit à l'occasion des groupes de travail intercantonaux que c'est Genève qui fait le plus d'entraide. Les autres cantons ne connaissent pas de plaidoiries, même si celles-ci sont autorisées à Zurich.

M. Kasper-Ansermet conclut que gagner un mois ou un mois et demi, ça peut être important.

Discussion

Les députés étant généralement d'accord sur l'aspect financier du projet de loi, la discussion se focalise rapidement sur les droits de la défense. L'adoption du projet de loi 7593 constituerait-elle une atteinte aux droits de la défense ? La majorité considère que non, puisqu'il s'agit de ne les diminuer que dans une matière où la multiplicité des recours n'a pour seul but la prolongation des procédures et donc une volonté de faire traîner les affaires et d'en empêcher leur règlement. Une minorité emmenée par le député et avocat Michel Halpérin pense au contraire que l'adoption de telles mesures serait le premier pas dans le sens d'une diminution des plaidoiries donc des droits de la défense et que le risque de voir cette mesure appliquée dans d'autres domaines que celui de l'entraide pénale existe.

D'où son opposition au projet de loi issu des travaux de la commission. M. Halpérin ayant manifesté le souhait de déposer un rapport de minorité, le présent rapport se développera donc par les arguments des opposants que vous retrouverez dans le rapport de minorité. La majorité a en effet opté pour une position intermédiaire, défendue notamment par le président de la commission, qui consiste à permettre à l'avocat du recourant de s'exprimer non plus par oral, mais par écrit et à bref délai, sur les observations du magistrat qui a rendu la décision attaquée.

Cette procédure permettra de supprimer la perte de temps inhérente à l'audience de plaidoirie, tout en prenant en considération les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après CEDH) en matière de droit à un procès équitable. Les articles 33 et 45 du projet de loi 7726 ont été amendés dans ce sens, sur la base de propositions demandées à M. Duport. Le projet de loi du Conseil d'Etat se prêtait mieux à l'introduction de ces modalités que celui des Verts. Ces derniers pourront retirer leur projet, puisque le but qu'ils visaient - une meilleure efficacité en matière pénale - est atteint au travers des amendements apportés au projet de loi 7726.

Proposition d'articles remaniés et votes

L'entrée en matière du projet de loi 7593 a été acceptée par 6 voix (2 AdG, 3 S, 1 Ve) et 4 abstentions (2 R, 2 DC), le groupe libéral étant absent.

Article 1

Article 25 (nouvelle teneur)

L'article 25 (nouvelle teneur) de la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est adopté par 9 oui (2 AdG, 1 S, 2 Ve, 2 R, 2 DC) 0 non et 2 abstentions (2 L).

Article 29, al. 2, et note marginale (nouvelle teneur)

L'article 29, al. 2 et note marginale (nouvelle teneur) de la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est adopté à l'unanimité des commissaires présents.

Article 31 (nouvelle teneur)

L'article 31 (nouvelle teneur) et note marginale (nouvelle teneur) de la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975 est adopté à l'unanimité des commissaires présents.

Article 33, al. 2 (nouvelle teneur)

Sauf disposition contraire de la loi fédérale, le recours est instruit et jugé conformément aux articles 192 à 194A et 196 du code de procédure pénale, sans plaidoiries. Si des observations ont été présentées en application de l'article 194, copie en est transmise au recourant qui dispose d'un délai de 10 jours dès réception, pour répondre par écrit.

Le nouvel alinéa 2 amendé est adopté par 8 oui (2 AdG, 1 S, 2 Ve, 2 R, 1 DC), 3 non (1 DC, 2 L) et 0 abstention.

L'ancien alinéa 2 devient l'alinéa 3 et l'ancien alinéa 3 devient l'alinéa 4.

L'article 33 amendé est adopté par 6 oui (2 AdG, 1 S, 2 Ve, 1 DC), 3 non (1 DC, 2 L) et 0 abstention.

Article 34 (nouvelle teneur)

L'article 34 (nouvelle teneur) est adopté à l'unanimité des commissaires présents.

Article 34A (nouveau)

L'article 34A (nouveau) est adopté à l'unanimité des commissaires présents.

Article 34B (nouveau)

L'article 34B est adopté par 9 oui (2 AdG, 1 S, 2 Ve, 2 DC, 2 R) 0 non et 2 abstentions (2 L).

TITRE IV

Chapitre IV

Article 43, al. 1 (nouvelle teneur)

L'article 43, al. 1 (nouvelle teneur) est adopté par 10 oui (2 AdG, 1 S, 1 Ve, 2 DC, 2 R, 2 L), 0 non et 1 abstention (1 AdG).

Article 45, al. 2 et 3 (nouveau)

Sauf disposition contraire de la loi fédérale, le recours est instruit et jugé conformément aux articles 192 à 194 A et 196 du code de procédure pénale, sans plaidoiries. Si des observations ont été présentées en application de l'article 194, copie en est transmise au recourant qui dispose d'un délai de 10 jours, dès réception, pour répondre par écrit.

Le nouvel alinéa 3 amendé est adopté par 8 oui (2 AdG, 1 S, 2 Ve, 1 DC, 2 R), 3 non (1 DC, 2 L) et 1 abstention (1 AdG).

L'ancien alinéa devient l'alinéa 4 (nouveau).

L'article 45, al. 2 et 3 (nouvelle teneur) et alinéa 4 (nouveau) est adopté par 9 oui (3 AdG, 1 S, 2 Ve, 1 DC, 2 R), 3 non (1 DC, 2 L) et 0 abstention.

Article 46 (nouvelle teneur)

L'article 46 (nouvelle teneur) est adopté à l'unanimité des commissaires présents.

Article 48 (abrogé)

Dans le droit fédéral, la commission consultative n'existe plus, d'où l'abrogation de l'art. 48. Celle-ci est adoptée à l'unanimité.

Le projet de loi 7726 amendé est adopté par 9 oui (3 AdG, 1 S, 2 Ve, 1 DC, 2 R), 3 non (1 DC, 2 L) et 0 abstention.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés de bien vouloir suivre la majorité de la commission et voté le projet de loi, tel qu'il ressort de ses travaux.

A l'issue du vote positif du Grand Conseil sur le projet de loi 7726, ainsi modifié, le groupe des Verts annoncera le retrait du projet de loi 7593.

p. 15

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes et M. Vesca Olsommer, Chaïm Nissim et Fabienne Bugnon

Dépôt: 4 mars 1997

PL 7593

PROJET DE LOI

modifiant le code de procédure pénale(en matière d'entraide internationale)(accélération de la phase de recours contre les décisionsdu juge d'instruction)

(E 4 20)

LE GRAND CONSEIL,

vu la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981,

Décrète ce qui suit:

Article unique

le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit:

Art. 195, al. 4 (nouveau)

4 Toutefois, le présent article n'est pas applicable aux recours déposés dans le cadre de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition du Conseil d'Etat

Dépôt: 17 septembre 1997

PL 7726

PROJET DE LOI

modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédéralesen matière pénale (mise en oeuvre des modifications du 4 octobre 1996 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, EIMP,et de la loi fédérale relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale, LTEJUS)

(E 4 10)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit:

Art. 25 (nouvelle teneur)

Les autorités genevoises appliquent les dispositions cantonales relatives à la procédure pénale, sauf disposition contraire de la loi fédérale imposant des règles de droit fédéral ou l'application du droit étranger (art. 9, 65, 65A et 80B, E, I, K, L, M, EIMP).

Art. 29, al. 2, et note marginale (nouvelle teneur)

2 Il est compétent pour dresser le procès-verbal d'extradition simplifiée (art. 54, al. 1, EIMP). Dans ce cas, le juge d'instruction informe préalablement la personne poursuivie des conditions d'extradition simplifiée, ainsi que de ses droits de recours, d'obtenir l'assistance judiciaire et de se faire assister d'un mandataire

Art. 31 (nouvelle teneur)

1 Le juge d'instruction est compétent en particulier pour:

recevoir la demande d'entraide (art. 29, al. 2, 77 et 78 EIMP);

procéder à l'examen préliminaire de la demande d'entraide et rendre la décision d'entrée en matière (art. 80 et 80A EIMP);

statuer sur l'application du droit étranger, la participation à la procédure de personnes qui y participent à l'étranger et la consultation du dossier (art. 65, 65A et 80B EIMP);

pourvoir à la désignation d'un avocat d'office à la personne poursuivie (art. 21, al. 1, EIMP);

procéder à l'exécution simplifiée (art. 80C EIMP);

exécuter les actes d'entraide, à l'exception de la notification de documents (art. 63, al. 1 et 2, et 80A, al. 2, EIMP).

2 Lorsqu'une perquisition, un ordre de production, la saisie d'objets ou documents concernant le domaine secret sont contestés, le juge d'instruction place l'objet ou le document en lieu sûr et en interdit l'accès. La Chambre d'accusation statue à bref délai sur l'admissibilité de ces mesures (art. 9 EIMP).

3 Le chef de la police et les officiers de police sont compétents pour assurer les relations directes de police à police (art. 75A EIMP).

Art. 32, al. 1 (nouvelle teneur)et note marginale (nouvelle teneur)

1 Après exécution de la demande d'entraide, le juge d'instruction rend une décision motivée sur l'octroi et l'étendue de l'entraide (art. 80D EIMP).

Art. 33 (nouvelle teneur)

1 Les décisions du juge d'instruction sont motivées et comportent l'indication du délai, de la forme et de la voie de recours (art. 22, 80E et 80K EIMP). Le recours est formé devant la Chambre d'accusation, qui statue comme autorité cantonale de dernière instance (art. 23, 80F EIMP).

2 La décision de clôture ou toute autre décision autorisant, soit la transmission à l'étranger de renseignements concernant le domaine secret, soit le transfert d'objets ou de valeurs, n'est exécutoire qu'à l'échéance du délai de recours; ce recours a un effet suspensif (art. 80L, al. 1, EIMP).

3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat. S'il n'est pas domicilié en Suisse ou si son domicile est inconnu, le recourant peut être tenu, à peine d'irrecevabilité, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés.

Art. 34 (nouvelle teneur)

Ont qualité pour recourir:

l'office fédéral de la police (art. 80H, lettre a, EIMP);

quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et justifie d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 80H, lettre b, EIMP).

Art. 34A (nouveau)

Le procureur général est l'autorité compétente pour procéder à la notification de documents (art. 63, al. 2, lettre a, EIMP).

Art. 34B (nouveau)

Le procureur général et le juge d'instruction sont compétents pour procéder à la transmission spontanée de moyens de preuve et d'informations (art. 67A EIMP).

TITRE IV

Chapitre IV (nouvelle teneur)

Délégation d'une poursuite pénale

Art. 43, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Le juge d'instruction traite la demande, procède aux opérations nécessaires et transmet le dossier à l'office fédéral (art. 13 et 15A LTEJUS).

Art. 45, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Les décisions du juge d'instruction sont immédiatement exécutoires. Le recours n'a pas d'effet suspensif, sauf si l'ayant droit rend vraisemblable que la décision lui cause un préjudice immédiat et irréparable ou si la décision ordonne la transmission à l'étranger de renseignements qui concernent le domaine secret ou le transfert d'objets ou de valeurs (art. 19A LTEJUS).

3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat. S'il n'est pas domicilié en Suisse ou si son domicile est inconnu, le recourant peut être tenu, à peine d'irrecevabilité, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés.

Art. 46 (nouvelle teneur)

Ont qualité pour recourir:

l'office fédéral de la police;

quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et justifie d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Art. 48 (abrogé)

Art. 2

La chancellerie d'Etat est habilitée à remplacer l'abréviation LEEU par LTEJUS dans la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975.

 Certifié conforme Le chancelier d'Etat: Robert HENSLER

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Le Conseil d'Etat, par ce projet, avait proposé d'adapter la loi d'application du code pénal en raison de changements intervenus dans le droit fédéral de l'entraide internationale en matière pénale. Ses propositions telles qu'adoptées par le Grand Conseil ne prêtent pas le flanc à la critique.

Mais ce texte a été enrichi par la proposition centrale d'un projet de loi 7593 de Mmes et M. Vesca Olsommer, Chaïm Nissim et Fabienne Bugnon.

Laquelle n'avait d'autre ambition que de supprimer la plaidoirie des avocats dans les recours présentés à la Chambre d'accusation contre les décisions des juges d'instruction en matière d'entraide internationale.

A l'appui, les proposants (voir leur exposé des motifs) ont réitéré leur souci devant le développement "; de la grande criminalité ... du blanchiment ... de la corruption ... du commerce de matériel pornographique ... ".

Selon eux, la loi fédérale sur l'entraide offrirait d'excessives possibilités de recours et les recours seraient abusifs dans 95 % des cas.

En définitive, pour gagner du temps dans l'accomplissement des actes de collaboration internationale, la suppression de la plaidoirie éviterait "; un retard de plusieurs semaines dans le traitement des dossiers, sans compter les heures innombrables que les trois juges de la Chambre d'accusation doivent consacrer à entendre répéter ce qu'ils sont capables de lire. ".

Au cours de leurs auditions, M. le Procureur général Bernard Bertossa d'une part, M. le Juge d'instruction Laurent Kasper-Ansermet (expert de la commission) de l'autre, ont admis que le temps gagné par la suppression de la plaidoirie serait très modeste, de l'ordre d'un mois, alors que les procédures d'entraide durent en moyenne, selon eux, de nombreux mois, sinon des années.

Malgré la modestie de l'enjeu, malgré le fait que 5 % des recours sont admis, malgré la reconnaissance par le Procureur général de ce que la Suisse collabore désormais très efficacement avec la plupart des pays du monde, et sans être toujours payée de retour, la commission, à la majorité, a admis cette proposition et donc introduit dans le projet de loi 7726 du Conseil d'Etat l'essentiel du projet des Verts.

Pour ne pas priver complètement les justiciables du droit à la réplique, la commission a cependant aménagé la faculté pour le recourant de répondre par écrit, dans un délai de dix jours, aux observations qui auraient été adressées à la Chambre par le juge d'instruction et/ou le Ministère public contre son recours. Ainsi, le droit d'être entendu et les principes généralement reconnus découlant de la convention européenne des droits de l'homme seraient formellement respectés et ... le temps gagné ramené de trente à vingt jours !

Techniquement, même pour les recourants, le dommage n'est pas bien grand.

Ce rapport de minorité est cependant nécessaire :

1.  Les Verts se sont généralement distingués par leur recherche constante d'amélioration des droits et libertés en matière de justice. Leur nouveau projet marque une rupture avec cette tradition qu'il faut souligner pour éviter que l'appellation d'origine engendre des méprises.

2. La plaidoirie est toujours, à Genève, un moyen d'expression reconnu, de rigueur dans les affaires pénales. Cet usage, qui a de profondes racines, doit-il être remis en question pour des motifs finalement superficiels ?

3. Les mêmes sempiternels arguments sur la grande criminalité et le rôle de la Suisse comme place financière sont régulièrement développés pour limiter les droits des justiciables. Il serait peut-être utile de prendre conscience que, de tout temps, tous les pouvoirs ont recouru à ce type de moyens pour renforcer la puissance publique au détriment des libertés individuelles. La mode change : à certaines époques, on fustige davantage les crimes de sang, à d'autres les crimes d'argent, à d'autres encore la sorcellerie ou les atteintes aux bonnes moeurs, mais le propos est toujours le même : réprimer plus sévèrement et diminuer les droits des prévenus dont les crimes sont réputés d'une gravité telle que le seul fait qu'on leur permette de se défendre en devient presque choquant.

A cet égard, l'exposé des motifs du projet de loi 7593, comme la présentation par le Procureur général du profil des recourants ("; des tricheurs ... ") sont une bonne illustration de cette méthode, hélas classique.

4. C'est aussi l'occasion de dire que, contrairement à la réputation qui continue à lui être faite, la Suisse est devenue, en matière de criminalité économique, l'un des pays les plus énergiquement répressifs d'Europe, et, s'agissant d'entraide internationale, le plus collaborant. Le moment semble venu de lui en donner acte, plutôt que de soutenir artificiellement l'impression contraire à l'occasion d'un projet légèrement démagogique.

5. Lorsqu'une affaire d'entraide souffre d'un retard, il peut s'agir de celui qu'engendre l'exercice de leurs droits par ceux à qui la loi a permis d'intervenir dans ce type de procédure. Il n'est pas rare cependant qu'il soit directement dû aux juridictions compétentes. C'est au point que la Chambre d'accusation de Genève s'est récemment fait tancer par le Tribunal fédéral pour avoir mis huit mois à statuer sur un recours qui lui était soumis. Est-il besoin de préciser que ce retard a été pris postérieurement à la plaidoirie, non dans l'attente qu'elle soit prononcée ?

6.  Une société qui cherche à bâillonner ses avocats, même dans des cas prétendument "; exceptionnels ", est guettée par la tentation totalitaire.

Ce n'est pas un hasard si la parole des avocats s'élevait libre dans la Rome républicaine, mais qu'elle fut confisquée sous les régimes impériaux ou dans les tourmentes révolutionnaires. Personne ne s'est jamais illusionné sur la liberté de parole des avocats en Union soviétique, en Pologne avant Solidarnosc, dans le Chili de Pinochet, en Afrique du Sud pendant l'apartheid ou sous le régime de Vichy.

Napoléon 1er, qui fut un grand législateur mais un modeste démocrate, voulait "; couper la langue aux avocats ", comme le Henry VI de Shakespeare, qui, sitôt accédé au trône, se laissait proposer "; The first thing we do: let's kill all the lawyers. ".

Parce que les auteurs de ce projet se sont drapés dans une position de principe pour justifier une atteinte aux droits de la défense, ce rapport de minorité, au nom d'un principe supérieur à la justice expéditive, celui de la liberté de parole, vous propose d'amender le texte qui vous est soumis en rejetant les articles 33, alinéa 2 et 45, alinéa 2 du projet issu des travaux de la majorité.

Premier débat