République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 47e séance
M 1223
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le résultat serré de la votation municipale du 7 juin 1998 ;
- l'enjeu qui dépasse largement le cercle des citoyens et citoyennes de la Ville de Genève ;
- le respect des engagements internationaux ;
- la situation conjoncturelle ;
invite le Conseil d'Etat
à prendre les initiatives nécessaires en étroite collaboration avec la Ville de Genève pour élaborer dans les plus brefs délais un plan localisé de quartier (PLQ), en vue de réaliser tout ou partie des bâtiments et aménagements prévus par les accords internationaux.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le vote sur la place des Nations est décevant à plus d'un titre. En particulier, il a déçu la Genève internationale compliquant singulièrement la tâche du canton et de la Confédération qui doivent faire face à la concurrence d'autres villes internationales.
Les autorités fédérales et cantonales ont pris des engagements précis à l'égard des organisations internationales. Ces engagements doivent être tenus. Tout doit être mis en oeuvre pour corriger au plus vite la décision négative tombée le 7 juin dernier.
Théoriquement, le Conseil d'Etat a la possibilité de passer outre à la manifestation de volonté populaire exprimée - de justesse - en Ville de Genève. Toutefois, une telle manifestation d'autorité du canton serait sans doute très mal acceptée par les électrices et les électeurs de la Ville de Genève. C'est la raison pour laquelle il est urgent que le Conseil d'Etat - interlocuteur prioritaire de la Confédération pour ce qui concerne les organisations internationales - reprenne de toute urgence contact avec le Conseil administratif de la Ville de Genève afin de procéder, conjointement, à un remaniement du PLQ de façon, d'une part à tenir compte des motifs principaux d'inquiétude et d'opposition exprimés avant le vote, et d'autre part de permettre à la Confédération de tenir ses engagements à l'égard de la communauté internationale.
Cette initiative - fondée sur la concertation entre l'Etat et la Ville et dans le respect de la volonté populaire - devrait aboutir rapidement puisque, peu avant le vote, une association importante avait finalement retiré son opposition en raison des modifications qui avaient déjà été proposées par le président du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL).
Un projet d'aménagement de la place des Nations doit aboutir et, pour ces motifs, nous espérons que l'ensemble des députés de notre Grand Conseil réservera un bon accueil à la présente motion.
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons été fort surpris de voir une fois de plus le genre de provocation dont était capable la droite... (Huées.) ...qui marche allègrement sur les droits populaires... (Remarques et rires.)
Avant la votation sur la place des Nations, nous avions déjà dit que nous n'étions pas opposés à la mise sur pied d'un véritable concours d'aménagement qui tienne compte de l'histoire de cette place, des besoins de la population et, surtout, des besoins des manifestants qui s'y rendent régulièrement... (Exclamations.)
Nous avons également précisé qu'on ne devait plus empiéter sur le parc Rigot pour y réaliser des constructions inutiles... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et qu'il était nécessaire de prévoir, sur les terrains existants, les implantations découlant des engagements de Genève et de la Confédération vis-à-vis des organisations internationales.
Nous avons été surpris non seulement par cette motion mais également par un nouveau projet que le président Moutinot a présenté par voie de presse, et cela quelques semaines - je n'ose pas dire quelques mois - après des votations qui avaient clairement indiqué le sens des besoins de la population.
Nous trouvons désagréable de voir les autorités, de manière générale, s'obstiner à vouloir construire dans des parcs, démolir et transformer de manière radicale des places publiques, sans parler d'un certain nombre d'autres opérations. Il y a lieu pour les autorités et les gens actuellement au gouvernement de revoir l'ensemble de la stratégie urbanistique de notre canton et non de tomber dans des pièges tels que la motion qui nous est présentée ce soir. Je vous propose de la rejeter dans les plus brefs délais.
M. Bernard Annen (L). L'intervention que nous venons d'entendre n'étonnera personne !
Nous avons déposé cette motion en raison de l'importance de ce site et de son aménagement qui dépasse les frontières d'une petite ville comme Genève. Ce n'est même pas au niveau du canton que nous devrions résoudre ce genre de problème mais au moins au niveau du pays.
Cela étant, notre pays a signé des accords internationaux. Comment ne pas les respecter ? Ce serait faire preuve de peu de sens des responsabilités que de vouloir les ignorer.
Dès le moment où nous avons déposé cette motion, le département de l'aménagement a fait un certain nombre de propositions qui, de mon point de vue, méritent au moins d'être étudiées, afin de pouvoir évoquer la question - du moins sur les principes - et d'en débattre.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous conseille de ne pas suivre la proposition de M. Pagani. Par respect pour les accords internationaux, je vous demande de renvoyer cette motion en commission où nous pourrons l'évoquer de manière détaillée.
M. Hervé Dessimoz (R). Puisque mon nom figure en deuxième place sur la liste des signataires de cette motion, je peux rappeler à M. Pagani qu'elle a été déposée le 12 juin, c'est-à-dire avant que le président du département n'eut pris l'initiative de proposer un nouveau projet dans ce périmètre.
En deuxième lieu, je serai plus précis que M. Annen : il ne s'agit pas d'accords internationaux, mais d'engagements que Genève a pris pour garder le siège de l'OMC.
Troisième point, Monsieur Pagani, vous ne devriez pas tenir un double discours : lorsque cela vous arrange, vous dites que vous ne voulez pas de construction sur la place des Nations, afin d'y faire des manifestations, et pas de construction non plus dans les parcs ; alors que dans d'autres circonstances, comme ce fut le cas récemment au sujet d'un périmètre d'aménagement de logements sociaux, vous dites qu'il ne faut pas construire parce que le projet n'est pas de bonne qualité.
Ici, il n'y a pas de dessins, mais simplement des engagements que nous avons pris, et la demande formulée à l'égard du président du département d'imaginer un nouveau projet, dont le libellé est assez clair, est acceptable pour tous.
Si vous êtes contre un projet acceptable pour tous, j'ai de la peine à vous suivre. Pour ma part, je demande au parlement de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat sans délai.
M. Christian Brunier (S). Les socialistes ont soutenu le projet d'aménagement de la place des Nations que le peuple n'a malheureusement pas voulu.
Aujourd'hui, nous pensons qu'un projet redimensionné et bien négocié a de bonnes chances d'aboutir. Cela sera un bon point pour la Genève internationale et, comme certains l'ont indiqué, le gouvernement a déjà entrepris un certain nombre d'actions allant dans ce sens.
Même si cette action gouvernementale n'était pas encore publique, vous la connaissiez néanmoins, Mesdames et Messieurs les auteurs de la motion, au moment de l'élaboration de votre projet. D'ailleurs, lorsque vous avez sollicité la signature des socialistes pour soutenir cette motion, nous vous avons dit clairement que votre proposition ne servait à rien, puisque le gouvernement était déjà en mouvement sur ce dossier ; il était inutile de surcharger l'activité du Grand Conseil... (Exclamations.) avec des projets sans valeur ajoutée.
Nous avons donc refusé de signer cette motion. Bien que restant favorables, bien entendu, à un aménagement de la place des Nations qui serait raisonnable et négocié, nous pensons qu'il ne faut pas cautionner une motion ayant pour seul objectif des préoccupations électoralistes. (Exclamations.)
Le groupe socialiste ne votera donc pas cette motion.
M. Christian Grobet (AdG). M. Dessimoz a bien fait de rappeler que le texte de la motion contient une allégation totalement fausse, à savoir une référence laissant croire que les bâtiments prévus en vertu du plan localisé de quartier l'étaient par des accords internationaux. Il a évoqué les engagements pris par Genève ; à ce propos, j'aimerais rappeler ceci aux auteurs de la motion.
Le projet de plan localisé de quartier refusé par le peuple comportait plusieurs bâtiments. Un premier bâtiment était destiné à l'Institut des hautes études internationales, mais il ne s'agissait pas du bâtiment destiné au déplacement de la bibliothèque HEI. Là, effectivement, un engagement avait été pris, mais la bibliothèque ne devait pas s'installer dans le bâtiment prévu sur la place des Nations pour l'Institut des hautes études internationales. En l'occurrence, dans la situation financière actuelle, je me demande du reste comment on aurait pu offrir à l'Institut des hautes études internationales, qui se trouve aussi dans une situation financière précaire, un bâtiment de prestige comme celui qui était prévu.
Le deuxième bâtiment était un bâtiment administratif prévu pour les besoins d'un organisme dit de sécurité qui n'a rien à voir avec les accords concernant le GATT. L'Etat de Genève ne s'est donc jamais engagé à construire ce bâtiment pour une organisation dite de sécurité, ayant, semble-t-il, des liens avec l'OTAN et dont la présence paraît paradoxale sur une place dédiée en principe à la paix.
Le troisième bâtiment était un lieu de recueillement ou de culte. J'ai beaucoup de respect pour ces lieux, mais il n'y a pas eu d'engagement international pour une telle réalisation.
Enfin, en ce qui concerne le bâtiment destiné aux missions diplomatiques, je ne sais pas s'il y a eu un engagement ou une promesse. D'après ce qu'on m'a dit à Berne, le seul véritable engagement qui ait été pris concerne le déplacement de la bibliothèque HEI qui n'est donc pas du tout concernée par ce projet. Quoi qu'il en soit il semble qu'il y ait eu promesse du Conseil d'Etat - il faudrait savoir sous quelle forme ; à mon avis, il ne s'agissait pas d'un engagement au sens d'un accord - pour la réalisation d'un bâtiment pour les missions diplomatiques de pays défavorisés. Or, ce bâtiment peut facilement être réalisé sur un certain nombre d'autres terrains dont l'Etat est propriétaire.
J'aimerais souligner que, s'il y a eu un engagement de la part de l'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, cet engagement n'impliquait pas de le réaliser sur la place des Nations ! C'est un abus que d'invoquer un éventuel engagement de la part de l'Etat pour tenter d'imposer un bâtiment à un endroit spécifique, alors qu'il peut se faire n'importe où ! Je vous défie de démontrer que le Conseil d'Etat a pris l'engagement de construire ce bâtiment à cet emplacement-là !
Mesdames et Messieurs sur les bancs d'en face, c'est vous qui créez des ennuis aux organisations internationales en vous obstinant... (Exclamations.) Mais oui ! En vous obstinant à vouloir faire passer un projet refusé par le peuple. Dans une telle affaire, on avancera beaucoup plus vite si on cherche une solution ailleurs ; cela peut se faire sans difficulté. Pendant les douze années passées au département des travaux publics, j'ai appris que c'est en cherchant des solutions alternatives qu'on avance, et non en s'entêtant sur des projets refusés par le peuple.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Sur le principe, les Verts ne sont pas contre un réaménagement de la place des Nations, mais pour autant que quelques points soient respectés.
Premièrement, un aménagement de cette place ne doit pas se faire sous le signe du gigantisme ; il n'est pas utile d'engager des moyens aussi énormes lorsque l'on veut aménager une place.
Deuxièmement, il faut que l'on cesse de nous faire le chantage aux organisations internationales. Comme l'a dit mon préopinant, il existe d'autres sites en Ville de Genève pour accueillir ces mêmes organisations internationales ; d'autant plus que l'engagement pris ne mentionnait pas la place des Nations.
Il y aura quelques points importants à respecter lors de l'élaboration d'un nouveau projet ; il faudra notamment entreprendre des négociations sérieuses avant de présenter quoi que ce soit, non seulement avec les partis politiques mais également avec des personnes qui ont été oubliées dans la phase précédente : les habitants du quartier. Ils ont également leur mot à dire dans cette affaire.
Il faudra que la place soit réaménagée dans l'intérêt de la collectivité de la Ville de Genève, afin que nous ayons enfin une place digne de ce nom, comme en ont toutes les villes européennes. Une belle place n'a pas besoin de remplissage comme cela a été prévu ; elle a besoin d'espace.
Nous allons voter contre cette proposition de motion, car l'exposé des motifs nous laisse à penser qu'il s'agit de faire en vitesse quelques arrangements cosmétiques au projet précédent. Il faut, dites-vous, corriger au plus vite la décision négative tombée le 7 juin dernier. Cela me paraît une formule assez fâcheuse : on ne corrige pas une décision populaire, au contraire, on s'y adapte. Vous dites également que la volonté populaire exprimée l'a été de justesse et que les électeurs de la Ville de Genève ne seraient pas tout à fait habilités à se prononcer sur le sujet - cela annonce une motion libérale que nous examinerons plus tard. Je trouve cela inadmissible.
Enfin, d'une manière générale, tout l'exposé des motifs laisse entendre qu'il va falloir faire les choses rapidement et que des négociations ne sont pas du tout prévues. Nous ne pouvons pas accepter ce genre de procédure ; c'est la raison pour laquelle nous voterons contre cette motion.
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai été fortement pris à partie tout à l'heure et je tiens simplement à dire que du point de vue de la démocratie, après le vote, un certain nombre de choses ont été relativement mal engagées.
Après cette sanction populaire, nous avons imaginé que le département prendrait contact avec l'ensemble des organisations - comme ma préopinante le réclame encore aujourd'hui - qui se préoccupent de l'aménagement de manière générale et de celui de cette place en particulier, afin d'envisager un programme de mise en travaux pour reconstruire ou en tout cas réaménager cette place qui est actuellement un no man's land.
Or, quelle n'a pas été notre surprise de voir apparaître cet été un nouveau projet avec un certain nombre de constructions complètement anachroniques sur cette place ! Suite à la demande très courtoise de la part du département et de M. Moutinot, nous avons exprimé notre refus face à ce nouveau projet en le motivant.
J'ai expliqué dans un premier temps notre opposition ; la raison de cette deuxième intervention est de dire que nous avons des contre-propositions à faire. Nous avons écrit le 30 août à M. Moutinot, notre lettre est restée sans réponse, mais j'espère bien recevoir une convocation de sa part pour mettre réellement en place un programme et un concours. Je vous lis donc une partie de cette lettre.
A propos des bâtiments des missions diplomatiques, nous disions : «Ces bâtiments peuvent être réalisés sans problème sur les terrains acquis par l'Etat de Genève aux alentours du BIT pour les besoins des organisations internationales : anciens terrains du Conseil oecuménique des églises, campagne Moreillon, ex-parcelles Martin du Pan, ex-terrains Roche, etc.» Vous le voyez, il y a un certain nombre de terrains à disposition de la collectivité.
«Quant à la bibliothèque de l'Institut universitaire HEI, elle pourrait être réalisée, moyennant une très modeste extension de la zone créée pour de futurs bâtiments de l'OMM, dans le périmètre de Sécheron où l'Etat est propriétaire d'une importante surface. On pourrait même procéder, le cas échéant, à un échange foncier avec la Banque cantonale, devenue propriétaire du reste des anciens terrains ABB/Sécheron, ce qui permettrait de localiser la bibliothèque dans le secteur du chemin des Mines, le plus près possible de la villa Barton où se trouve l'Institut HEI. Cette localisation serait beaucoup plus favorable pour les étudiants que celle envisagée initialement à la campagne Rigot.»
Je m'arrêterai là, mais voilà le genre de propositions que nous avons à faire. Connaissant bien la ville, nous sommes capables de faire des propositions non pas folkloriques mais concrètes. Cela étant, si le département, comme d'ailleurs la Ville de Genève - qui a ouvert, après les votations, un chantier au parc Geisendorf - persistent, nous nous réjouissons de lancer une fois de plus un référendum. (Brouhaha.) J'espère que le corps électoral de la Ville de Genève, voire du canton - la majorité n'était pas aussi étroite que cela - nous suivra. Vous ne l'avez peut-être pas compris, mais nous, nous l'avons compris : la majorité de la population a d'autres idées sur l'urbanisme ; des idées qui vont dans le sens contraire de celles des années 60 et 70 !
M. Hervé Dessimoz (R). Cette motion a une raison d'être et, contrairement à ce que pense M. Brunier, n'est pas aussi électoraliste que cela, ni opportuniste. Elle pose un vrai problème, à savoir le débat d'opinions sur l'avenir de la place des Nations.
Il n'y a aucune raison, Monsieur Pagani, que vous ayez le privilège d'en discuter en tête-à-tête avec M. le président Moutinot. Il est tout à fait légitime que la commission de l'aménagement ainsi que les députés représentant les divers partis puissent connaître vos propositions et clarifier la situation évoquée par M. Grobet au sujet des engagements qu'auraient pris Genève et la Confédération à l'égard des organisations internationales.
En second lieu, il est justifié d'imaginer que les constructions nécessaires aux organisations internationales se construisent dans le quartier des Nations ; cela me paraît la moindre des choses.
Enfin, Madame Dallèves-Romaneschi, contrairement à l'interprétation que vous en faites, l'exposé des motifs est respectueux de la décision populaire en Ville de Genève. Je vous invite à lire la fin de l'alinéa 3 : «... de procéder conjointement à un remaniement du PLQ de façon d'une part à tenir compte des motifs principaux d'inquiétude et d'opposition exprimés avant le vote...».
Il est donc utile que vous acceptiez de renvoyer cette motion à la commission de l'aménagement ; cela nous permettra également de connaître les très bonnes propositions de M. Pagani.
M. Pierre Marti (PDC). Pour une fois, je suis heureux d'entendre M. Pagani nous promettre de faire un certain nombre de propositions, au lieu de s'opposer à des constructions, à des projets auxquels nous pourrions travailler !
Ce qui me semble extrêmement important, Mme Romaneschi l'a dit, c'est l'intérêt de la collectivité de la Ville de Genève et l'on doit tenir compte de tous les partenaires : autant des habitants que des collectivités publiques et des organisations internationales. Il s'agit également d'avoir une place adaptée ; c'est ce que nous demandons dans cette proposition de motion.
Nous n'exigeons pas telle ou telle chose ; nous demandons que soit élaboré un nouveau plan localisé de quartier, tel qu'il sortira d'une discussion élargie avec toutes les personnes concernées. Il est très important d'aller dans ce sens-là.
Ce qui m'étonne, c'est cette façon de vouloir, sur les bancs d'en face, bloquer absolument tout. Quelle image donnons-nous ce soir aux organisations internationales avec nos débats ? Ceux que nous avons eus concernant le CERN, il y a quelques heures, démontrent une vision rétrécie de Genève. Est-ce vraiment cela que nous désirons ? Dans notre canton, on essaie chaque fois d'éplucher toute chose ; on ne sait pas avoir une vision suffisamment large de Genève. Il y a là quelque chose que nous devons absolument revoir.
Jusqu'à présent, notre politique et nos votes ont démontré l'existence d'un certain blocage. Agir comme cela, est-ce véritablement dans l'intérêt de la collectivité de Genève ? N'allons-nous pas faire fuir les organisations internationales ? D'autres villes sont prêtes à les recevoir... Continuons à travailler dans ce sens-là et, dans quelques années, nous pourrons nous lamenter !
Démontrons donc maintenant notre volonté d'accueil et d'action ! Démontrons que nous savons aller de l'avant ! Quant à moi, je ne veux absolument pas, pour Genève, d'un désert tel que M. Pagani nous le propose beaucoup trop souvent.
M. Michel Balestra (L). Dans sa deuxième intervention, mon collègue le député Pagani a été beaucoup plus raisonnable que dans sa première intervention où il a été presque pathétique. Il a commencé en invoquant les «forces de droite». Manquait encore : «réactionnaires et défenderesses du grand capital» !
Il nous proposait de faire de la place des Nations «une place répondant aux besoins des manifestants». Alors, j'imagine les petits tas de pavés répartis harmonieusement... (Remarques et rires.) ...les bouteilles pet avec la consigne... le distributeur d'essence pour les cocktails Molotov... et, pourquoi pas, une consigne pour les cagoules si toutefois la télévision arrivait ! Avec des jetons pour les rendre et toucher la consigne en échange !
Nous, Monsieur Pagani, ce que nous proposons, ce n'est rien d'autre que de tirer parti de l'échec du projet devant le peuple et de soutenir le président du département dans sa volonté de tenir compte du scrutin populaire tout en assurant à Genève les infrastructures nécessaires à son ouverture sur le monde par le développement de son secteur international.
Mesdames et Messieurs les députés, cette motion n'est rien d'autre que le soutien de ce Grand Conseil à la politique du Conseil d'Etat en général et du responsable du DAEL, M. Laurent Moutinot, en particulier.
Nous soutenons cette proposition de renvoi en commission, parce que ce renvoi sera l'occasion d'accorder les violons et de trouver une large majorité autour d'un projet raisonnable qui, une fois cette large majorité obtenue, trouvera la majorité devant le peuple.
Pour que vous ne puissiez pas accuser les auteurs de la motion, dont je ne suis pas, d'avoir fait de l'électoralisme, je propose l'appel nominal. Ainsi, tous ceux qui soutiendront le développement et l'ouverture de Genève auront leur nom cité au Mémorial et auront récupéré les retombées de cette motion. (Exclamations.)
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Si M. Moutinot doit nous informer d'un projet, il n'a pas besoin d'une motion pour le faire. Je lui fais confiance : il mettra en oeuvre toute la transparence voulue.
Par ailleurs, c'est la Ville de Genève qui doit être informée en premier lieu de tout projet concernant la place des Nations, et non le Grand Conseil. Vous voulez passer par-dessus les institutions du fédéralisme au niveau local comme cela va être confirmé dans les motions que nous examinerons dans la suite de l'ordre du jour.
Ainsi, lorsque nous ferons l'appel nominal, nous verrons surtout les ennemis des institutions démocratiques et les autres. (Exclamations.)
M. Hervé Dessimoz (R). Je réfute tout à fait les propos de Mme Dallèves-Romaneschi. Je le lui ai déjà dit, j'attends qu'elle lise la motion. A la première ligne, il est dit dans l'invite : «à prendre les initiatives nécessaires en étroite collaboration avec la Ville de Genève pour élaborer un plan localisé de quartier...»
Est-ce anticonstitutionnel de dire «en étroite collaboration» ?
Une voix. Elle ne sait pas lire !
M. Laurent Moutinot. Il y a environ quatre-vingts ans que différents projets d'aménagement de la place des Nations sont discutés autant au niveau de la Ville que du canton. A ce jour, aucun n'a été en définitive couronné de succès. J'espère qu'il ne nous faudra pas quatre-vingts ans supplémentaires, mais je doute que nous mettions ce soir un terme à ce dossier.
Première remarque, il faut, comme l'a rappelé M. Pagani, prendre acte très clairement du vote populaire. Il est dit dans l'exposé des motifs de la motion que le Conseil d'Etat aurait théoriquement la possibilité de passer outre l'avis exprimé par la Ville. C'est juste, en tant qu'il s'agit d'un préavis pour un plan localisé de quartier ; c'est faux, en tant qu'il s'agit de la mise à disposition du domaine public municipal. Or, comme ce projet implique une telle mise à disposition, on ne peut pas, en toute hypothèse, passer outre.
Cela dit, il ne faut jamais passer outre une votation populaire. Si les autorités ont ce genre d'attitude, le durcissement de la population en retour est évident et normal. La première chose à faire est d'assurer la population de ce canton que nous respectons ses orientations.
Dès lors, sur le périmètre de la place des Nations et le périmètre un peu plus large de Rigot et de Sécheron, il convient de voir que les problèmes sont assez différents les uns des autres.
Il y a le problème de la campagne Rigot qui, je vous le rappelle, était très controversé. Grâce à un certain nombre de mesures prises au début de l'année 1998, nous sommes, sur ce périmètre, dans une situation d'accords ou pratiquement d'accords.
En deuxième lieu, il y a la question des différents bâtiments prévus sur la place des Nations. Certains bâtiments, c'est le cas de toute évidence de la bibliothèque HEI, doivent impérativement être construits et, de surcroît, dans un certain délai. Pour d'autres bâtiments, comme le lieu de recueillement, aucune obligation ne nous est faite de les construire. Le programme des bâtiments est donc une chose ; certains sont indispensables - et dans un court délai - d'autres souhaitables, d'autres peuvent être pour le moins discutés.
En troisième lieu, il y a la problématique de l'aménagement de la place des Nations. Il serait évidemment plus pratique et probablement souhaitable de pouvoir résoudre l'ensemble des problèmes dans le même périmètre, c'est-à-dire immédiatement aux abords de la place. Il est peu vraisemblable, compte tenu des délais, que cela soit possible. Il est au contraire vraisemblable, et mon département travaille dans ce sens, qu'il faudra construire ailleurs l'un ou l'autre, ou plusieurs, voire tous les bâtiments.
En ce qui concerne la manière dont le département a réagi au vote populaire, j'ai effectivement fait faire une esquisse, une avant-esquisse, de ce que pourrait être la place des Nations réaménagée en suivant exactement le catalogue des revendications du comité référendaire.
Lorsque j'ai présenté ce document aux associations qui en faisaient partie, l'accueil a été positif. Ensuite, il est vrai, Monsieur Pagani, que j'ai reçu une lettre de deux pages pour m'expliquer ce que je devais faire, mais je vous mets en garde contre toute surenchère par rapport à vos arguments de l'époque pour combattre le projet de la place des Nations ! La population vous donne raison, mais ce n'est pas une raison suffisante pour ajouter aujourd'hui d'autres exigences sur ce périmètre que celles qui ont fait précisément l'objet du débat.
Cela dit, ce que j'ai proposé n'était qu'un avant-projet, une esquisse d'idée qui reste ouverte à la discussion. J'aurais souhaité aller beaucoup plus vite dans le traitement de cette idée. Malheureusement, Madame Dallèves-Romaneschi, la Ville de Genève, qui est évidemment un partenaire obligatoire dans ce périmètre puisqu'elle maîtrise une partie des terrains, souhaite - si j'ai bien compris et tout à fait entre nous ! - ne pas se lancer dans ce dossier en période électorale. (Brouhaha.) Il est donc peu vraisemblable, dans l'immédiat, que la Ville soit très enthousiaste à l'idée de relancer ce dossier à grande vitesse. Je le dis très franchement et sans aucune acrimonie à l'égard de qui que ce soit. Ce sont des choses qui font partie de la vie politique.
En résumé, ce dossier passionne tout le monde. C'est probablement celui pour lequel j'ai reçu le plus de conseils, les plus avisés possible, de tous les milieux possibles. Je vous assure de ma détermination à construire ce qui doit l'être pour respecter les engagements internationaux de Genève. Je vous assure également de ma détermination à mettre sur pied un aménagement de la place des Nations dans le respect de la volonté populaire et en y associant largement la Ville et tous ceux qui, à un titre ou à un autre, doivent pouvoir se prononcer. (Applaudissements.)
Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi à la commission de l'aménagement...
M. Michel Balestra. Je demande l'appel nominal (Appuyé.).
Le président. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent le renvoi de la motion à la commission de l'aménagement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton est rejetée par 46 non contre 41 oui.
Ont voté non (46) :
Ont voté oui (41) :
Personne ne s'est abstenu
Etaient excusés à la séance (4) :
Etaient absents au moment du vote (8) :
Présidence :
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.
Présidence de M. René Koechlin, président