République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 46e séance
PL 7782-A
La Commission des travaux a étudié le projet de loi 7782 au cours de ses séances du 17 mars 1998 sous la présidence de M. Jean-Pierre Gardiol, 7 avril et 2 juin 1998 sous la présidence de M. Dominique Hausser. Elle a été assistée dans ses travaux par MM. D. Duffey, secrétaire général du DAEL, G. Girod, chef du service des opérations foncières, R. Chapel, directeur adjoint des bâtiments, B. Vuagniaux, chef de la division de la gérance et de la conciergerie, et B. Cordt-Moller, directeur général des finances de l'Etat.
Le présent projet de loi a pour but de mettre un point final à une série d'opérations tarabiscotées où certes, personne n'a été lésé, mais où on a pris quelques libertés avec l'art. 80A de la Constitution et avec la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat.
La succession des opérations est si compliquée qu'elle ne peut pas être résumée et le rapporteur a pensé qu'il était préférable pour que les députés tentent d'y comprendre quelque chose de reprendre ici in extenso l'exposé des motifs à l'appui du présent projet de loi :
EXPOSE DES MOTIFS
Le 16 janvier 1991, le Conseil d'Etat avait approuvé un échange foncier aux termes duquel la CEH cédait à l'Etat de Genève la parcelle 1055, fe 53 de Genève-Plainpalais, d'une surface de 898 m2 avec bâtiment, située au boulevard de la Cluse 16, en zone de développement 2, au prix de revient estimé à 33 millions de francs. En échange, l'Etat de Genève cédait à la CEH ses droits de copropriété dans la parcelle 2861, fe 37 de Genève/Plainpalais (appartements locatifs en PPE situés aux 6e, 7e, 8e et 9e étages du bâtiment construit sur cette parcelle, sise au boulevard de la Tour 10). Ces droits de copropriété ont été estimés à 10,3 millions de francs.
L'Etat de Genève était devenu propriétaire d'appartements locatifs en PPE au boulevard de la Tour 10, à l'issue des opérations foncières suivantes :
Opérations foncières
1. Achat
1971-76 :
Achat par l'Etat de Genève de 37 375 m2 en ZIPLO qui seront par la suite échangés avec les Laiteries Réunies :
10 496 m2 en 1971, à 80 F/m2, soit:
839 680 F
758 m2 en 1976, cession gratuite
26 121 m2, à 108 F/m2, soit:
2 806 440 F
Total
3 646 120 F
(pour un prix moyen de 97 F/m2).
2. Echange Etat - Laiterie Réunies
1978 :
Echange foncier entre l'Etat de Genève et les Laiteries Réunies :
L'Etat de Genève cède aux Laiteries Réunies 37 375 m2 en ZIPLO à raison de 115 F/m2, soit un total de 4 298 125 F (taxe d'équipement non comprise).
Les Laiteries Réunies cèdent à l'Etat de Genève 5 120 m2 à Carouge/Acacias en zone industrielle à raison de 598 F/m2, soit un total de 3 060 000 F.
La soulte de 1 238 125 F, en faveur de l'Etat, a été réglée par les Laiteries Réunies.
3. Echange Etat - Union de Banques Suisses
1988 :
Echange foncier entre l'Etat de Genève et l'Union de Banques Suisses (UBS) :
L'Etat de Genève cède à l'UBS la parcelle à Carouge/Acacias susmentionnée à raison de 2 000 F/m2, soit un total de 10 240 000 F.
L'UBS cède à l'Etat de Genève 61 appartements en PPE au boulevard de la Tour 10, situés en zone 2 et valant 10 240 000 F.
Les biens échangés sont d'égale valeur.
4. Echange Etat - CEH
1991 :
Echange foncier entre l'Etat de Genève et la CEH
L'Etat de Genève cède à la CEH ses parts de copropriété dans l'immeuble boulevard de la Tour 10, estimées à 10 300 000 F.
La CEH cède à l'Etat de Genève le terrain avec bâtiment situé au boulevard de la Cluse 16, valant 33 000 000 F.
A la suite de l'échange foncier, il se dégage une soulte de22,7 millions de francs au profit de la CEH, à régler comme suit :
-
9 500 000 F
0ont été versés en 1991 à la CEH;
-
13 200 000 F
0à verser à la CEH au plus tard le 31 décembre 01998.
Conclusion
En conclusion, ce projet de loi permettra de régulariser cette opération et d'emprunter le solde nécessaire, soit 12 630 597 F (valeur au 31 décembre 1997), qui sera versé à la CEH et permettra à l'Etat d'être définitivement propriétaire du 16, boulevard de la Cluse, comme suit :
Le montant net dû au 31 décembre 1997 par l'Etat à la CEH est de:
Solde ";16 Cluse" en faveur de la CEH 13 200 000 F
Solde des opérations en faveur de l'Etat (31.12.1997) 569 403 F
Solde de tout compte envers la CEH 12 630 597 F
ANNEXE(article 1, alinéa 2)
La présente annexe détaille les montants globaux figurant à l'article 1,alinéa 2.
1989 vente
-
Vente par l'Etat de Genève à la CEH d'un terrain de3 914 m2 à la route de Chêne 46 et 50:
Prix de vente :
2 395 700 F
Intérêts composés de 5% prévus dans la convention de fiducie entre le département des travaux publics et la CEH du 4.02.1992 (de 1989 à 1993 compris) en faveur de l'Etat de Genève
661 887,70 F
Total de l'opération en faveur de l'Etat de Genève :
3 057 587,70 F
Créance de l'Etat de Genève envers la CEH:
3 057 587,70 F
-
Vente par l'Etat de Genève à la CEH d'un terrain de1 993 m2 au 3, chemin Edouard-Tavan :
820 000 F
Construction par la CEH pour l'Etat de Genève d'un parking au 5, chemin Edouard-Tavan:
733 352,50 F
Intérêts composés de 5 % prévus dans la convention de fiducie entre le département des travaux publics et la CEH du 4.02.1992 (de 1989 à 1993 compris) en faveur de l'Etat de Genève :
23 939,15 F
Solde de l'opération en faveur de l'Etat de Genève
110 586,65 F
Créance de l'Etat de Genève envers la CEH:
3 057 587,70 F
+
110 586,65 F
3 168 174,35 F
1991 cession
-
Cession par la CEH à l'Etat de Genève du terrain et du bâtiment du 16, boulevard de la Cluse :
33 000 000 F
Cession par l'Etat de Genève à la CEH des parts de copropriété dans l'immeuble du 10, bd de la Tour :
10 300 000 F
Versement en espèces (en 1991) :
9 500 000 F
Dette contractuelle envers la CEH (soulte) :
13 200 000 F
Dette reportée envers la CEH :
13 200 000 F
-
3 168 174 F
10 031 825,65 F
1992 vente
-
Vente par l'Etat de Genève à la CEH d'un terrain de2 771 m2 aux Epinettes/Noirettes :
3 286 400 F
Intérêts composés à 5 % prévus dans la convention de fiducie entre le département des travaux publics et la CEH du 4.02.1992 (de 1990 à 1993 compris) en faveur de l'Etat de Genève :
621 055,15 F
Total de l'opération en faveur de l'Etat de Genève :
3 907 455,15 F
Dette reportée envers la CEH:
10 031 825,65 F
-
3 907 455,15 F
6 124 370,50 F
1993 construction
-
Construction du Centre de thérapie brève aux Epinettes/Noirettes par la CEH pour l'Etat de Genève:
Prix d'achat
4 683 347,85 F
Intérêts cumulés à 5 % prévus dans la convention de fiducie entre le département des travaux publics et la CEH du 4.02.1992 (de 1988 à 1993 compris):
316 652,15 F
Total de l'opération en faveur de la CEH :
5 000 000 F
Dette reportée envers la CEH:
6 124 370,50 F
+
5 000 000,00 F
11 124 370,50 F
Intérêts divers
-
Intérêts du 1.07.1994 au 31.12.1997 dus par la CEH à l'Etat (Centre de thérapie brève):
414 129 F
-
Intérêts du 1.4.1995 au 31.12.1997, dus par l'Etat à la CEH (Bâtiment boulevard de la Cluse 16):
1 920 356 F
Total des intérêts en faveur de la CEH:
1 920 356 F
-
414 129 F
1 506 227 F
Dette reportée envers la CEH:
11 124 370,50 F
+
1 506 227,00 F
12 630 597,50 F
arrondi à
12 630 597 F,00
Bilan final de l'opération (voir. article 1, alinéa 1).
Solde de tout compte envers la CEH:
12 630 597 F
Régularisation des écritures comptables :
369 403 F
Montant total du crédit extraordinaire d'investissement:
33 000 000 F
***
On remarquera qu'en 1988, l'Etat vend à l'UBS un terrain qu'il avait acquis en 1978, les Laiteries Réunies aux Acacias.
Prix d'acquisition en 1978: 3 060 000 F
Prix de vente en 1988: 10 240 000 F
Différence 7 180 000 F soit 235 %
M. Grobet aurait dû soumettre cette opération au Grand Conseil en vertu de l'art. 80 A de la Constitution dont il était lui-même l'auteur. Mais il était évident que le grand pourfendeur de la spéculation foncière aurait eu de la peine à justifier l'Etat bénéficiaire d'une telle opération immobilière. Il fallait dont trouver un moyen d'éluder le Grand Conseil. Rien de plus simple. L'UBS était propriétaire d'un lot de 61 appartements en PPE au 10, boulevard de la Tour. Elle cède à l'Etat les 61 appartements en question pour la somme de 10 240 000 F. Il ne s'agit donc plus d'une vente mais d'un échange. Et voilà, le tour est joué !
Mais que voulez-vous que l'Etat fasse de 61 appartements en PPE. On passe donc à l'étape suivante en 1991.
L'Etat revend ses 61 appartements à la CEH (organisme de droit public) pour le prix de 10 300 000 F (bénéfice misérable de 60 000 F). En contrepartie, la CEH cède à l'Etat le bâtiment 16, bd de la Cluse pour le prix de 33 000 000 F La soulte en faveur de la CEH est donc de 22 700 000 F. Comment payer sans passer par le Grand Conseil ? On utilise un solde d'emprunt destiné à des acquisitions pour le patrimoine financier (9 500 000 F) et on convient avec la CEH de lui verser le solde (13 200 000 F) plus un intérêt de 6 % au plus tard le 31 décembre 1998.
On remarquera que l'on n'avait pas le droit de recourir à un emprunt destiné au patrimoine financier puisque le bâtiment en question est de toute évidence incorporé au patrimoine administratif et qu'il aurait fallu à ce moment-là demander au Grand Conseil un crédit d'investissement et lui donner toutes les explications nécessaires.
Venons-en aux annexes qui détaillent les montants globaux figurant à l'art. 1, al. 2.
On voit par exemple qu'en 1989, l'Etat vend à la CEH un petit terrain au 3, chemin Edouard Tavan. En contrepartie, la CEH construit pour le compte de l'Etat un parking au 5, ch. Edouard Tavan. Donc pour construire un parking dont il avait dû demander le crédit au Grand Conseil, l'Etat paie en nature avec un bout de terrain. Petite affaire : environ 800 000 F.
Plus loin, en 1992, on répète l'opération, mais sur une plus grande échelle, on vend un terrain situé aux Epinettes-Noirettes à la CEH pour le prix d'environ 4 000 000 F. En contrepartie, on se fait construire par le CEH le Centre de thérapie brève (environ 5 000 000 F). Le Grand Conseil devait être en vacances !
En résumé, le centre d'enseignement des professions de la santé et de la petite enfance (CRPSPE) existe. Le bâtiment est inscrit au Registre foncier au nom de l'Etat de Genève depuis 1991. Il fait partie du patrimoine administratif de l'Etat. Il s'agit de payer le solde dû à la CEH et de régulariser la situation comptable.
Vous trouverez en annexe le nouveau décompte d'intérêts dus au 31 décembre 1998, sur la base duquel la commission a modifié la répartition des montants prévus à l'art. 1, al. 2, lettres a et b.
Le rapporteur espère, Mesdames et Messieurs les députés, que les explications qu'il a tenté de vous donner vous suffiront à défaut de vous satisfaire, et qu'avec la majorité de la commission (1 L, 3 S, 2 DC. 1 AdG) contre 1 (Ve) et 3 abstentions (2 R, 1 Ve) vous voterez le projet de loi 7782 tel que modifié par la commission.
11
Premier débat
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Une rectification doit être apportée à la deuxième ligne de la page 7. Il s'agit de l'article 80A de la constitution et non de l'article 80B. Les intéressés auront rectifié d'eux-mêmes.
En examinant ce projet, la commission des travaux s'est crue à l'école de cavalerie ! Il lui a fallu beaucoup de temps pour se retrouver dans ce salmigondis d'opérations successives, dont quelques-unes à la limite de la régularité parce que violant manifestement l'article 80A de la constitution. Un certain nombre de députés n'y ont rien compris si bien qu'ils se sont abstenus. Seul M. Nissim a essayé de comprendre. Etant encore plus scandalisé que moi, il s'est prononcé contre.
Quant à moi, j'ai voté pour, puisque je conclus dans mon rapport que, l'immeuble en question étant inscrit au Registre foncier depuis longtemps au nom de l'Etat, il serait grand temps d'acquitter le solde du prix convenu. Par conséquent, nous sommes obligés d'adopter ce projet de loi pour régulariser la situation.
Cela dit, présenter ce projet au terme d'années de cavalerie, c'est se moquer des députés et dénote l'état d'esprit qui a prévalu à l'époque, à savoir que l'on pensait pouvoir berner le Grand Conseil tant et plus. Mais arrive toujours le moment où il faut régulariser la situation... En l'occurrence, c'est vraiment un exemple type d'école de cavalerie, je ne puis dire autrement.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi - bien que je ne l'approuve aucunement - car c'est la seule chose à faire pour prouver notre honnêteté vis-à-vis des gens qui ont traité.
M. Christian Grobet (AdG). En s'asseyant à la table des rapporteurs, M. Blanc s'est bien douté que j'allais prendre la parole. Il s'est gardé de mentionner mon nom qu'il cite d'abondance dans son rapport.
Ces opérations, qui au niveau des chiffres présentent une certaine complexité, se résument facilement. D'ailleurs, Monsieur Blanc, vous avez fort bien fait de reprendre l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, car cela me permettra de rappeler les responsabilités que vous relevez dans votre rapport.
La première opération porte sur un terrain des Laiteries Réunies acquis par l'Etat. Elle avait, en son temps, passablement défrayé la chronique dans vos milieux, proches de ceux de l'agriculture. Sans doute étais-je déjà le Saint-Esprit inspirant le Conseil d'Etat, puisque l'opération remonte à 1971 ! (Remarque de M. Claude Blanc.)
En l'occurrence, je ne faisais pas allusion au Saint-Esprit d'origine biblique, mais comme vous me voyez partout, Monsieur Blanc, je me suis permis d'utiliser cette expression, sans intention de vous choquer, rassurez-vous ! Sauf erreur de ma part, l'opération de 1971 a été conduite par un ancien responsable des finances. Vous voyez sans doute de qui je parle. Les Laiteries Réunies s'étant plaintes d'avoir été spoliées, il fallait essayer de rectifier la situation. En effet, elles avaient envoyé plusieurs lettres au Conseil d'Etat pour demander réparation de la spoliation dont elles avaient fait l'objet.
La deuxième opération concernait le besoin de l'UBS de réaliser son projet grandiose de siège administratif pour lequel il n'y avait quasiment pas de terrain assez vaste à Genève. Ce projet intéressait, cela va de soi, un département au plus haut degré. Lequel ? Je vous le demande ! Celui de l'économie publique, bien évidemment ! Il a fallu trouver un terrain pour l'UBS dont vous savez, au demeurant, qu'il n'a pas été utilisé en totalité. Dès lors, un échange foncier a été envisagé.
Vous connaissez bien mes options politiques et cela ne m'aurait pas dérangé, Monsieur Blanc, que cet échange foncier entre l'UBS, une des plus grandes banques suisses, et l'Etat de Genève soit soumis à l'approbation du Grand Conseil. Certains de mes collègues, dont je tairai les noms parce que respectueux de la confidentialité des débats du Conseil d'Etat, ont trouvé la démarche inopportune. Finalement, plusieurs juristes ont estimé que cet échange foncier entrait dans le cadre des opérations relevant de la compétence du Conseil d'Etat.
La troisième opération a consisté en la récupération de l'immeuble sis à côté de l'hôpital cantonal, en échange du terrain de l'UBS. Le magistrat responsable de l'hôpital cantonal a trouvé que cet immeuble pourrait abriter des logements pour les infirmières.
Enfin, un autre magistrat, pour qui j'ai la plus haute estime, a exprimé le désir légitime de regrouper dans un bâtiment du boulevard de la Cluse, à côté de l'hôpital cantonal - encore fallait-il le trouver ! - toutes les écoles de formation des professions paramédicales. Voilà pour les départements concernés.
Monsieur Blanc, vous écrivez à la page 2 de votre rapport : «Le 16 janvier 1991, le Conseil d'Etat avait approuvé un échange foncier...» - un échange multipack, si on peut dire - et comme vous trouvez tout cela bien compliqué, vous poursuivez avec la présentation des opérations telles que décrites et approuvées par le Conseil d'Etat, puis vous reprenez votre rédaction en ces termes : «M. Grobet aurait dû soumettre cette opération au Grand Conseil...»
Alors là, attention, je vais violer le secret des délibérations du Conseil d'Etat pour vous dire comment cela s'est passé ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cela vous intéressera ! Nous étions tous réunis. Après le départ de mes collègues, je suis revenu en catimini dans la salle du Conseil d'Etat et j'ai sorti de mon dossier un extrait du procès-verbal. Je l'ai muni du tampon «approuvé» que j'avais trouvé sur la place du chancelier. J'ai assumé ainsi la responsabilité de prendre cette décision en l'absence de mes collègues, qui étaient, je crois, en train de se restaurer au rez-de-chaussée. Une semaine plus tard, le procès-verbal leur ayant été communiqué, mes collègues ont évidemment constaté que l'opération avait été approuvée. Alors je leur ai dit : «C'est une erreur, ne vous faites pas de souci, le chancelier va arracher la page...» Voilà comment M. Grobet a réussi à manipuler ses six collègues... (Rires et applaudissements.) Monsieur Moutinot, prenez-en de la graine ! Avec ce procédé, vous réussirez à tromper tout le monde, à rendre service à des collègues lors d'opérations qui ne vous concernent absolument pas !
Bravo, Monsieur Blanc ! Avec votre rapport, vous avez mis le doigt sur le véritable coupable et je vous ai transmis sous forme de plaisanterie une bonne recette !
M. Chaïm Nissim (Ve). J'ai adoré ce sketch dans lequel Grobet revient nuitamment et subrepticement dans la salle du Conseil d'Etat pour changer la décision de ses collègues...
M. Christian Grobet. C'était un rêve !
Le président. Monsieur Grobet, vous donnerez vos explications à M. Nissim à la buvette...
M. Chaïm Nissim. Pour ceux qui ne l'auraient pas entendu, je précise que M. Grobet a dit : «C'était un rêve !». C'était une allégorie, une façon de parler de mon excellent collègue Grobet, qui n'est évidemment pas revenu nuitamment changer les décisions du Conseil d'Etat.
Il n'empêche que plusieurs échanges, avec ou sans soulte, auraient dû être soumis au Grand Conseil. En l'occurrence, le Conseil d'Etat n'a pas respecté la loi, pas plus que ne l'ont fait plusieurs exécutifs et plusieurs conseillers d'Etat antérieurs à M. Grobet. En définitive, cela importe peu à la commission des travaux, mais reconnaissons que la constitution a été bafouée une fois de plus. Les cas de tricherie ne manquent pas. Les derniers ont été constatés par la commission des finances. Pierre Ducrest et moi-même avons observé que, sous la présidence de M. Joye, l'ancien DTP a triché durant quatre ans. Sciemment, il a exercé des pressions sur ses fonctionnaires pour que l'entretien des bâtiments soit systématiquement sous-évalué au budget. Le département savait que des contrats avaient été signés avec des entreprises qui entretenaient des ascenseurs, avec d'autres qui louaient des bureaux. Systématiquement, les fonctionnaires devaient sous-évaluer les frais de 10, de 15, de 20% pour mieux les faire passer dans le budget, tout en sachant que les comptes devraient être rectifiés en fin d'année. Et ce n'était pas du temps de M. Grobet. Cela a été candidement avoué par des fonctionnaires qui...
M. Claude Blanc, rapporteur. Tu dédouanes !
M. Chaïm Nissim. Je ne dédouane rien. Plutôt que candidement, je dirais machiavéliquement, Monsieur Blanc. Peu importe, les fonctionnaires ont reconnu les faits. La constitution a donc été bafouée à maintes reprises. Par conséquent, je considère qu'il est de notre devoir de voter non quand de tels cas se présentent. Ce n'est pas la faute de M. Grobet. Des conseillers avant lui et même avec lui ont fait de telles choses. (Brouhaha.) J'affirme donc que le Grand Conseil doit voter non dans ces cas-là, sinon nous continuerons à être roulés dans la farine. Nous devons refuser ce type de transactions anticonstitutionnelles.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Ce soir, nous avons touché le sommet ! M. Grobet s'est proclamé le Saint-Esprit et moi, figurez-vous, je suis assis en face de la Vierge Marie ! (Rires.) A partir de là, nous pouvons tout nous permettre.
J'en viens au fait. Non seulement la loi mais la constitution ont été bafouées de manière scandaleuse par rapport au Grand Conseil considéré comme un paillasson par le Conseil d'Etat de l'époque.
Je n'ai pas mentionné dans le rapport ce qui m'est arrivé au sortir de la commission. Un haut fonctionnaire m'a abordé en me disant : «Cher Monsieur Blanc, qui croyez-vous qui soit plus à même de tourner une loi que celui qui l'a faite ?»
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je n'entends pas refaire l'histoire et relever les responsabilités des uns et des autres. J'ai compris que vous attendiez de ma part et de celle du Conseil d'Etat que certaines libertés ne soient plus prises avec les lois cantonales en vigueur. Je puis vous assurer que nous ferons en sorte de respecter systématiquement les règles constitutionnelles et légales.
Monsieur Nissim, vous ne lésez pas grand monde en votant non à un crédit de bouclement qui vous semble extraordinaire. En revanche, si vous votez non dans cette affaire, vous créerez une situation absurde où la principale lésée sera la CEH. A juste titre, elle entendra être dédommagée et nous entamerons une histoire sans fin et sans fondement, parce que notre contrat avec la CEH doit être honoré jusqu'au bout.
Par conséquent, le rapporteur a raison de recommander l'adoption de ce projet de loi.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7782)
ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement pour l'acquisition d'un bâtiment administratif sis au 16, boulevard de la Cluse
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement
1 Un crédit extraordinaire de 33 000 000 F est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition de la parcelle 1055, fe 53 de Genève/Plainpalais, avec bâtiment sis au 16, boulevard de la Cluse, appartenant à la Caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (ci-après : CEH) en vue d'y installer le centre d'enseignement des professions de la santé et de la petite enfance (CEPSPE).
2 Ce crédit se décompose de la manière suivante :
- 13 191 076 F (valeur 31 décembre 1998) à verser à la CEH pour solde de tout compte résultant des différentes opérations foncières entre 1991 et 1996 ;
- 19 808 924 F (valeur 31 décembre 1998) créances de l'Etat de Genève envers la CEH résultant des opérations immobilières entre 1989 et 1996 ;
conformément au décompte présenté par le Conseil d'Etat à l'appui de la présente loi.
Art. 2 Budget d'investissement
Le présent crédit ne figure pas au budget d'investissement 1998. Il est inscrit au compte d'investissement 1998, sous la rubrique 54.04.00.503.02.
Art. 3 Inscription au patrimoine administratif
Cet immeuble sera inscrit dans le bilan de l'Etat de Genève au patrimoine administratif.
Art. 4 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit extraordinaire est assuré par le recours à l'emprunt, dans le cadre du volume d'investissement "; nets-nets " fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 5 Amortissement
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financièrede l'Etat de Genève
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.