République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 44e séance -autres séances de la session
No 44/VI
Jeudi 5 novembre 1998,
aube
Présidence :
M. René Koechlin,président
puis
M. Roger Beer,deuxième vice-président
La séance est ouverte à 8 h.
Assistent à la séance : Mme et MM. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Guy-Olivier Segond, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Hommage.
Le président. Nous avons appris le décès de M. Maurice Aubert qui siégea sur les bancs du parti libéral de 1969 à 1980 et fut élu président du Grand Conseil en 1977.
Pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer un instant de silence.
3. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Carlo Lamprecht et Mme Micheline Calmy-Rey, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Thomas Büchi, Pierre-Alain Champod, Gilles Desplanches, Dominique Hausser, Danielle Oppliger et Jean Spielmann, députés.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le président. Le point 12 : E 947 et le point 13 : E 948 concernant l'élection de deux juges au Tribunal de première instance seront traités lors d'une prochaine séance.
Je vous rappelle que le point 17 : projet de loi 7661-A modifiant la loi sur la police sera traité à la séance de 10 h. En ce qui concerne ce point, vous trouverez sur vos places le nouveau texte du projet de loi tel qu'il a été amendé après le dépôt du rapport.
Je vous rappelle également que le point 28 : projet de loi 7620-A sur les transports sanitaires d'urgence sera traité à la prochaine séance.
Je vous rappelle encore que doivent être traités impérativement durant les séances d'aujourd'hui :
Le point 81 : initiative 110-B «Pour la suppression partielle du droit des pauvres».
Le point 89 : projet de loi 7870-A modifiant la loi sur les allocations familiales.
Ont été déposés sur vos places les textes des projets de lois suivants :
Point 50 : projet de loi 7846-I-A modifiant le régime des zones sur le territoire de la commune de Veyrier et point 51 : projet de loi 7847-A modifiant le régime des zones sur le territoire de la commune de Laconnex, tels qu'ils ont été amendés à l'issue du deuxième débat lors de la séance du Grand Conseil du 26 juin.
A également été déposé sur vos places le texte du projet de loi 7713-A, figurant au point 95 de notre ordre du jour, sur l'application de la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre, modifié selon note annexée de M. Martin, directeur des affaires juridiques de la chancellerie.
Ne faisant l'objet d'aucune autre remarque, je considère que notre ordre du jour est adopté moyennant les modifications que je viens de vous communiquer.
5. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat entend vous faire une déclaration sur les dispositions prises dans notre canton pour répondre à l'afflux de candidats à l'asile provoqué par la guerre au Kosovo.
Comme vous le savez les uns et les autres, depuis plusieurs semaines, l'augmentation sensible des arrivées des candidats à l'asile en Suisse a provoqué un dépassement des capacités d'accueil des centres d'enregistrement fédéraux. Ainsi, à Genève, le Centre d'enregistrement des requérants d'asile de la Praille (230 places) et le camp militaire de l'aéroport (120 places) n'ont plus été en mesure d'accepter de nouvelles entrées immédiates. Plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées à la rue.
Dès le 11 septembre 1998, ces candidats à l'asile ont été pris en charge par le service de protection civile de la Ville de Genève qui a mis à disposition, à Châtelaine, un abri permettant, en liaison avec les Eglises et des associations privées, d'accueillir jusqu'à 150 personnes.
Alerté par les Eglises et par les associations sur l'urgence de la situation, le Conseil d'Etat a interpellé le Conseil fédéral le 16 septembre 1998 en lui demandant de prendre rapidement des mesures permettant l'hébergement des candidats à l'asile en attendant leur enregistrement et leur attribution au canton de domicile.
Répondant à cette interpellation et à celles de plusieurs autres cantons, la Confédération a :
a) d'une part, annoncé la mise à disposition début novembre de 670 places supplémentaires dans des locaux situés dans les cantons de Saint-Gall (190 places), du Tessin (200 places) et de Berne (280 places). La Confédération a également envisagé l'affectation ultérieure de 900 places supplémentaires dans le canton du Valais;
b) d'autre part, la Confédération a annoncé qu'elle transférerait de Genève vers d'autres cantons, chaque semaine, par car, deux cents candidats à l'asile et qu'au cas où l'afflux dû à la guerre au Kosovo se poursuivrait les collaborateurs du CERA travailleraient en deux équipes de huit heures de manière à doubler la capacité de traitement des dossiers.
Par ailleurs le Conseil fédéral a annoncé trois autres mesures :
- d'abord, des troupes territoriales et des troupes sanitaires de l'armée effectuant leur cours de répétition seront engagées en uniforme, mais sans armes, pour assurer l'encadrement de deux mille requérants d'asile kosovars en attendant leur enregistrement;
- ensuite, une centaine d'observateurs suisses, non armés, seront mis à disposition de l'OSCE pour la mission de vérification au Kosovo qui porte notamment sur le respect du cessez-le-feu, le retrait des forces yougoslaves et le retour des personnes déplacées et des réfugiés;
- enfin, à la demande de la Suisse, la question des candidats à l'asile kosovars a été mise à l'ordre du jour de la conférence internationale qui s'ouvrira à Genève le 20 novembre 1998 sous l'égide du Haut-Commissariat aux réfugiés.
En attendant que ces dispositions prises par la Confédération déploient leurs effets, la délégation aux réfugiés du Conseil d'Etat a mis en place une structure d'accompagnement regroupant des représentants des services publics et des associations privées.
Fonctionnant au besoin jusqu'en janvier 1999, cette structure, qui s'est réunie pour la première fois le 4 novembre 1998, permettra d'assurer - aux frais de la Confédération - le logement et l'alimentation des candidats à l'asile par l'intermédiaire du service de la protection civile de la Ville et de l'Armée du Salut, ainsi que le contrôle sanitaire et la vaccination des requérants d'asile et des collaborateurs qui s'en occupent. C'est le travail de la protection civile de la Ville et des hôpitaux universitaires de Genève.
Enfin, par lettre du 21 octobre 1998, le Conseil d'Etat a remercié les Eglises, les associations privées et les services publics - en particulier les services de protection civile de la Ville et du canton - des initiatives prises et du travail considérable effectué pour faire face à cet afflux extraordinaire de candidats à l'asile provoqué par la guerre du Kosovo.
Par ailleurs, l'afflux de candidats à l'asile dans les centres d'enregistrements fédéraux - dont naturellement celui de Genève - s'accompagne d'une augmentation importante de requérants d'asile, dûment enregistrés par la Confédération, qui sont ensuite attribués au canton de Genève.
C'est ainsi que l'Association genevoise des centres d'accueil pour candidats à l'asile (AGECAS) - qui a pour mandat l'accueil des requérants d'asile attribués à Genève - a vu le nombre d'arrivées mensuelles dans ses foyers doubler par rapport aux chiffres du début de l'année.
En attendant la mise sur pied de solutions durables, le Conseil d'Etat a donc chargé le service cantonal de la protection civile d'apporter son appui à l'AGECAS pour l'hébergement et l'assistance aux requérants d'asile attribués au canton de Genève.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse accueille plus de réfugiés kosovars par habitant que n'importe quel autre Etat.
Contrairement à ce que l'on entend dire ici ou là, cette situation ne s'explique pas par une politique d'asile qui serait plus alléchante en Suisse qu'ailleurs. Cette situation s'explique par le fait que la Suisse, plus que tout autre Etat, a engagé en période de paix, par dizaines et dizaines de milliers, des travailleurs kosovars, souvent saisonniers, pour venir construire nos écoles, nos routes, nos ponts et nos tunnels.
Il est donc naturel et normal que la Suisse accueille, en temps de guerre, les familles et les proches de ceux qui, en temps de paix, sont venus travailler comme saisonniers chez nous. (Applaudissements.)
Le président. Au titre des communications, je vous informe que l'Association des médecins du canton de Genève nous fait part de sa satisfaction concernant la manifestation «Prévention de la grippe» organisée à la salle des Fiefs le jeudi 22 octobre et nous apprend que deux membres du Conseil d'Etat et soixante-cinq députés ont accepté de se faire vacciner.
6. Correspondance.
Le président. Vous trouverez sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil ainsi que l'acheminement qui lui est réservé. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Correspondance :
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte. Ce courrier est remis à la commission législative et à la commission ad hoc IN 109.
Il en est pris acte. Ce courrier concerne la résolution 384 figurant au point 90 de l'ordre du jour, traitée et adoptée le 23 octobre.
Le président. Madame de Haller, demandez-vous la lecture d'une lettre?
Mme Jeannine de Haller(AdG). Monsieur le président, j'aimerais connaître le sort qui a été réservé à la résolution 386, qui a été votée le 23 octobre et qui figure au point 118 de l'ordre du jour. J'aimerais savoir ce qu'il en est de la publication que nous avons demandée dans trois journaux importants.
Le président. Je peux vous répondre, Madame. Nous avons écrit d'une part au Conseil d'Etat concernant la publication de cette résolution. Nous avons également adressé un fax, hier, à la Chambre des lords en Grande-Bretagne. La publication dans les journaux est donc l'affaire du Conseil d'Etat maintenant, Madame la députée. Nous avons écrit hier au Conseil d'Etat dans ce sens.
M. Luc Gilly(AdG). J'interviens à propos du document qui a été remis par Me Lachat au sujet de «Genève, République de paix». J'imagine que c'est un document de plusieurs pages; il sera donc difficile d'en demander la lecture. Serait-il possible d'en avoir une copie ?
Le président. Nous pouvons le faire distribuer aux députés si c'est votre désir.
M. Luc Gilly. En tout cas aux membres de la commission ad hoc.
Le président. Ce document est en train d'être distribué, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani(AdG). Je reviens sur l'intervention de ma collègue, Jeannine de Haller. Vous avez partiellement répondu à sa demande. J'apprends par le journal, il n'y a pas cinq minutes, que le Conseil d'Etat a traîné les pieds quant à la publication de cette résolution votée quasiment à l'unanimité par ce Grand Conseil. Je trouve cela déplorable et je vous demande de préciser ou de demander au Conseil d'Etat quelle est la position qu'il a prise hier au sujet de la publication. Vous comprendrez que, si cette publication intervient plus tard qu'aujourd'hui, elle n'aura plus guère d'importance par rapport à la décision du tribunal en Angleterre.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat n'a reçu que le 28 un document qui devait être achevé pour le 30. C'est un problème de fonctionnement du Grand Conseil, cela ne concerne pas le Conseil d'Etat.
Deuxième point : il y avait deux invites essentielles dont une concernant des publications. J'observe que le Grand Conseil n'a pas dit où prendre l'argent de cette publication. Ce n'est pas trop important. Nous avons travaillé sur la publication immédiatement.
Par contre, il y avait une deuxième invite qui consistait à créer un tribunal. C'est du ressort exclusif de la Confédération. Donc, pour cette deuxième invite seulement, nous avons requis le point de vue du Département fédéral des affaires étrangères. La réponse ne nous est pas parvenue. Nous avons relancé hier soir le Conseil fédéral en disant : nous sommes saisis d'une résolution, vous avez le droit si vous le voulez de la mettre au panier, c'est votre problème, vous le Conseil fédéral, mais dites-nous comment nous répondons à l'invite concernant ce tribunal international.
Dans l'état actuel des choses, les publications sont en cours. Elles sont rédigées mais ont dû être traduites en espagnol, car il n'est guère possible de mettre une publication en langue française dans un journal espagnol ou dans un journal anglais; où en serait l'intérêt ? Cela perdrait toute signification. Cela a été fait. Ce qui est encore en suspens, c'est la réponse du Conseil fédéral sur cette invite concernant un tribunal arbitral.
Je ferai une dernière remarque, Monsieur le député. Je ne distingue pas pourquoi le Conseil d'Etat devait s'entremettre pour cette publication. Le Grand Conseil est parfaitement souverain. Il peut faire une publication. Il peut l'organiser avec son bureau, avec son personnel et le fait de vouloir transiter par le Conseil d'Etat est une perte de temps. Vous l'avez voulu ainsi, c'est la résolution que vous avez votée : inviter le Conseil d'Etat. Vous auriez parfaitement pu faire votre publication en tant que parlement genevois. Voilà ce que je voulais répondre afin que vous soyez vraiment informés de manière complète.
Le président. Nous n'allons pas lancer le débat sur le rôle respectivement du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. La résolution était adressée au Conseil d'Etat, nous pensons qu'il appartient au Conseil d'Etat d'y donner la suite qui convient. C'était en tout cas les conclusions du Bureau. Mesdames et Messieurs, l'incident est clos.
7. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
(M 1221)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le résultat négatif du scrutin populaire du 7 juin 1998 sur le réseau hospitalo-universitaire de Suisse occidentale ;
- l'analyse des causes de cet échec ;
- l'exigence légitime d'excellence en matière de qualité des soins, notamment dans la médecine de pointe et le traitement des maladies rares ;
- le coût de la santé dans notre canton, en lien avec l'offre publique essentiellement universitaire ;
- le bassin de recrutement genevois, très inférieur à la masse critique nécessaire au maintien d'une compétence universitaire ;
- les exemples de collaborations réussies entre Genève et Vaud ;
- la nécessité reconnue de procéder à des rapprochements entre les différents sites universitaires ;
- le risque d'isolement de Genève si ces collaborations se faisaient sans elle ;
invite le Conseil d'Etat
à reprendre immédiatement les négociations en vue d'une intensification de la collaboration entre les hôpitaux universitaires de Genève et de Vaud.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 7 juin 1998, le peuple genevois a rejeté le projet de réseau hospitalo-universitaire de Suisse occidentale (Rhuso), dans une proportion de 57,5 %.
Lorsque l'on se penche sur les raisons de cet échec, on se rend compte qu'il ne s'agit en aucun cas d'un rejet de principe d'une collaboration entre Genève et le canton de Vaud, mais que c'est avant tout la structure de cette organisation, souvent décrite comme "; mammouth ", qui a conduit à ce résultat. En dépit de ce vote négatif, la nécessité de procéder à des rapprochements entre l'Hôpital cantonal universitaire de Genève et le CHUV demeure donc bel et bien.
Ce point n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune divergence durant la campagne, partisans et adversaires du Rhuso s'accordant sur la nécessité de poursuivre et d'étendre les collaborations entreprises entre les deux cantons dans ce domaine.
Il est de plus incontestable que le canton de Genève moins encore que le canton de Vaud n'ont la masse critique et les moyens nécessaires à l'accomplissement d'une médecine universitaire de qualité. Celle-ci ne pourra donc se poursuivre que dans le cadre d'un rapprochement et d'une mise en commun des forces entre les deux sites. L'exemple de la neurochirurgie est frappant : après une période d'adaptation, rendue nécessaire par le côté pilote de l'expérience, la collaboration entre Genève et Vaud a permis aux équipes médicales de passer du 50e rang européen à une place parmi les 10 meilleurs, avec une amélioration très sensible de la qualité des soins apportés aux patients.
Cette nécessité est donc dictée par une exigence d'excellence. Compte tenu de l'augmentation des coûts de la santé et des défis que devront relever les collectivités publiques dans les prochaines années en matière sanitaire, cette exigence, légitime, ne pourra être satisfaite qu'au prix d'une indispensable mise en commun des moyens.
Genève ne peut prendre le risque de se marginaliser sur un domaine de cette importance. Car avec ou sans nous, la collaboration à l'échelle lémanique et régionale est inéluctable.
Nous invitons donc le Conseil d'Etat à remettre l'ouvrage "; Rhuso " le plus rapidement possible sur le métier, en maintenant l'objectif sanitaire qu'il poursuivait et en le libérant des "; défauts " qui ont conduit à son échec, dans un esprit de concertation entre les différents acteurs intéressés.
(M 1222)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le refus du concordat instaurant le RHUSO par le souverain genevois le 7 juin 1998 ;
- l'importance du renforcement de la collaboration hospitalière entre le CHUV et les HUG ;
- la nécessité d'insérer la collaboration hospitalière dans un projet de planification sanitaire VD-GE ;
- la nécessité de garantir la mission de service public des hôpitaux ;
- l'importance du maintien du statut du personnel de droit public ;
invite le Conseil d'Etat
à proposer, en collaboration avec le Conseil d'Etat du canton de Vaud, un concordat de portée limitée permettant :
- le regroupement des prestations de haute technologie pour lesquelles le nombre de patients qui en bénéficient est actuellement insuffisant sur chacun des deux sites ;
- le développement de pôles d'excellence, non seulement dans le domaine de la médecine de haute technologie mais aussi en ce qui concerne la médecine qui touche la qualité humaine des soins, le respect des droits des patients et la qualité de la communication
moyennant la mise en place :
1. d'un projet de planification sanitaire inercantonal VD-GE ;
2. d'une structure consultative lémanique ;
3. d'une structure permettant une participation des chefs de service aux activités de l'autre site ;
4. de commissions de structure hospitalo-universitaires d'un nombre équivalent de représentants du canton de VD et du canton de GE et avec une représentation identique des instances hospitalières, universitaires et gouvernementales ;
5. d'une commission interparlementaire VD-GE.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Le cadre de nos propositions :
a. garantir la mission de service public des hôpitaux
Compte tenu de l'importance que nous accordons à la primauté du politique, nos propositions de changement s'insèrent dans un cadre qui prévoit de garder les hôpitaux et les facultés à l'intérieur des services publics cantonaux respectifs et qui maintient les structures de décisions actuelles tant au niveau politique que facultaire et hospitalier.
b. maintenir un statut du personnel de droit public
Nous sommes d'avis que le rattachement à la fonction publique permet de garantir la cohérence de la mission de la santé publique et l'indépendance envers des groupes de pression. Rappelons aussi, et le refus massif du RHUSO par l'ensemble des groupes professionnels hospitaliers le prouvent une fois de plus, que les changements importants en matière de politique hospitalière ne peuvent se faire qu'avec la collaboration du personnel. Il est donc indispensable de donner à ce dernier la garantie que ces changements ne se feront pas à ses dépens. Par conséquent, nous proposons de maintenir le statut du personnel dans le cadre du droit public.
2. Les objectifs de la collaboration
L'objectif premier d'une collaboration renforcée entre les HUG et le CHUV est l'amélioration de la qualité des prestations.
Dans ce but, nous proposons le regroupement sur un seul site des prestations de haute technologie pour lesquelles le nombre de patients qui en bénéficient est actuellement insuffisant sur chacun des deux sites et ne permet pas aux équipes médico-techniques d'acquérir l'expérience nécessaire. Ce type de prestations représente moins de 5 % de l'ensemble des activités hospitalières. Un tel regroupement permet également de faire des économies.
En revanche, nous estimons que toute la médecine courante, y compris celle qui demande une infrastructure lourde et coûteuse, comme par exemple le service des prématurés ou la chirurgie cardiaque et qui est en relation avec le fait qu'il s'agit d'un hôpital universitaire, soit maintenue sur les deux sites.
En ce qui concerne les pôles d'excellence, nous proposons leur développement non seulement dans le domaine de la médecine de pointe, mais aussi en ce qui concerne la qualité humaine des soins, le respect des droits des patients ou la qualité de la communication. De tels pôles d'excellence, comme par exemple l'unité d'enseignement pour des malades chroniques, jouent un rôle particulièrement important dans le domaine de l'enseignement et de la recherche.
3. Un cadre politique commun en matière de politique de santé
Une telle collaboration doit s'insérer impérativement dans un projet de planification sanitaire intercantonale VD-GE qui définit les priorités en matière de politique hospitalière et ambulatoire, de médecine privée et publique, de soins curatifs et de prévention, d'enseignement et de recherche. Un tel projet de planification devrait être accepté par les Grands Conseils vaudois et genevois après avoir été discuté par une commission interparlementaire.
Une telle planification sanitaire intercantonale n'existe actuellement pas ; pire, aussi bien le canton de Vaud que le canton de Genève ont chacun présenté séparément leur projet de planification sanitaire.
4. La mise en place d'une réelle pratique de collaboration
- La mise en place d'une large structure consultative lémanique (VD ,GE et France voisine) avec la mission d'élaborer des propositions de collaboration en matière de politique sanitaire. Cette commission est composée de représentants des différents corps professionnels des hôpitaux et universités, de représentants des différents acteurs du système de santé public et privé et de représentants des partis représentés au Grand Conseil. Cette structure doit être dotée d'un budget permettant de financer son fonctionnement et d'organiser ses propres enquêtes. La présence de représentants de la France voisine est motivée par le fait que la politique sanitaire VD-GE doit s'insérer dans une réflexion qui dépasse le cadre de ces deux cantons. Les propositions en matière de collaboration sont adressées aux gouvernements des cantons de Vaud et de Genève avec une copie à la commission interparlementaire. Cette structure consultative lémanique implique évidemment la suppression de l'actuelle association VD-GE.
- Une participation des chefs de service aux activités sur l'autre site, aussi bien pour se familiariser avec la gestion hospitalière que pour participer à l'enseignement universitaire. A la place de déplacer les étudiants et les patients, nous préconisons davantage de mobilité pour le corps enseignant.
- La mise en place de commissions de structure hospitalo-universitaire composées d'un nombre équivalent de représentants du canton de VD et du canton de GE avec une représentation identique des instances hospitalières, universitaires et gouvernementales. Les propositions des commissions de structure doivent être ratifiées par les trois instances précitées des deux cantons.
Les commissions de structures sont mises en place avant la nomination d'un nouveau professeur afin d'évaluer la pertinence et l'adéquation de la structure du service en question. L'importance de ces commissions découle du fait qu'elles élaborent des propositions concernant les secteurs qu'il s'agit de développer, respectivement de supprimer et les activités à regrouper sur un seul site. Pour favoriser une telle collaboration, un rapprochement des organigrammes du CHUV et des HUG sera évidemment nécessaire.
5. Le contrôle parlementaire
Nous proposons la mise en place d'une commission interparlementaire VD-GE qui aurait comme tâche de préaviser les propositions de la commission consultative lémanique ainsi que les rapports des Conseils d'Etat vaudois et genevois concernant la planification sanitaire intercantonale dont une partie importante sera consacrée à la politique hospitalière et plus particulièrement à la collaboration hospitalo-universitaire VD-GE.
Au bénéfice de ces arguments, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir envoyer en commission cette proposition de motion.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC). Le peuple genevois avait refusé le 7 juin - de manière hélas assez claire - le projet de rapprochement des hôpitaux universitaires de Genève et de Lausanne. A une opposition purement politicienne s'étaient ajoutées des oppositions catégorielles parfois d'ailleurs assez saugrenues. C'est ainsi qu'on avait pu assister, non sans perplexité, à une alliance pour le moins singulière entre tel ou tel professeur - dont la conviction est qu'il faut privatiser l'ensemble du système de soins - et des représentants des syndicats de la fonction publique convaincus de l'exact contraire.
On a assisté également au «non» de certains étudiants, en raison de l'importance de leur représentation au sein du conseil de faculté, sans que ceux-ci ne se rendent compte qu'en prenant le risque de voir s'affaiblir l'hôpital universitaire, c'était l'existence même de la faculté qui, à terme, était en cause.
La menace qui plane sur la survie qualitative de notre complexe hospitalo-universitaire est bien réelle. L'expérience depuis le mois de juin montre à quel point l'hôpital universitaire est en train de se «formoliser». Il n'y a pratiquement plus aucune ambulance extra-cantonale qui arrive chez nous depuis trois mois. Les Genevois se sont-ils rendu compte que chaque hôpital universitaire de Suisse est au centre d'une population trois ou quatre fois supérieure à la nôtre ? Et pourtant, en écoutant les réactions de la population, je suis persuadé que c'est la structure proposée et non le principe même de la collaboration qui a inquiété les Genevois.
Les populations occidentales ont développé à l'égard de leurs hôpitaux un véritable sentiment de propriété et d'attachement. J'en veux pour preuve les luttes terribles menées par certaines populations en France pour maintenir à tout prix tel ou tel dispensaire dont tout démontre qu'il n'a pas la masse critique de patients suffisante pour maintenir ses compétences... (Brouhaha.) J'attends juste que vous «clochiez», mon cher Président ! Merci... J'en veux pour preuve aussi le refus de l'ensemble des Vaudois de fermer l'hôpital de la Vallée de Joux. Les Genevois ne sont, à cet égard, pas différents et beaucoup d'entre eux ont probablement eu l'impression que le projet qui leur était proposé les dépouillait de leur hôpital, de leur objet, de ce lieu auquel une masse d'éléments symboliques sont attachés. Et c'est de cela qu'il faudra tenir compte dans un nouveau projet, nouveau projet qui s'impose dans un délai court si l'on entend rester, pour paraphraser M. Segond, en ligue nationale A, ce à quoi toute la population est attachée.
Ce nouveau projet, il faudra le concevoir réellement en réseau, en synergie, en développement de compétences. Sans doute sera-t-il aussi important que ce réseau dépasse la simple collaboration des deux hôpitaux universitaires pour intégrer les hôpitaux de Fribourg, de Sion, le futur hôpital des Cadolles à Neuchâtel, pour ne citer que les plus importants. Ce réseau pourrait alors constituer le début d'une planification sanitaire romande, seule la Suisse romande ayant sans doute la taille suffisante pour qu'une réelle planification puisse avoir un sens. Et c'est pour notre gouvernement comme pour nous, Mesdames et Messieurs les députés, une chance à saisir de montrer à Berne les capacités d'une région à construire son avenir sanitaire en tenant compte de la sensibilité de ses habitants. Nous devons d'urgence nous y atteler avant que Berne n'impose en matière de planification sanitaire des diktats aussi irréalistes et inacceptables pour notre population que ceux que Paris a tenté d'imposer à la sienne.
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). En l'absence de mon collègue Pierre-Alain Champod, je me permets de vous présenter rapidement la motion 1222. Les opposants du projet RHUSO - en particulier les partis politiques et les syndicats regroupés au sein du Forum santé - ont toujours dit qu'ils étaient pour une certaine collaboration des hôpitaux des deux cantons, mais qu'ils ne pouvaient pas accepter la structure administrative et bureaucratique qui était liée au projet du RHUSO.
Pendant la campagne, nous avons développé des propositions de collaboration entre les deux cantons dans le domaine de la santé. Ces propositions ont fait l'objet d'une longue concertation des partis de l'Alternative et des syndicats. Elles figuraient sur le tout ménage distribué à la population lors de la campagne référendaire. Le RHUSO étant refusé, il est logique aujourd'hui que nous reprenions ces propositions sous la forme d'une motion. Les invites de cette motion ne sont pas nouvelles; elles sont en quelque sorte la synthèse des trois rapports de minorité que les partis de l'Alternative avaient rédigés en septembre 1997, lors du débat parlementaire sur le RHUSO.
Que proposent les motionnaires ? Nous souhaitons la rédaction d'un nouveau concordat ne portant que sur les mesures suivantes : le regroupement des prestations de haute technologie sur un seul site. Le fait de regrouper les interventions très pointues et peu fréquentes sur un seul site n'a jamais été contesté; cette mesure est dictée par le bon sens. Le développement de pôles d'excellence dans le domaine de la haute technologie, mais aussi dans celui qui concerne la qualité des soins, le droit des patients. De plus, pour réaliser ces objectifs, nous demandons des moyens et notamment une planification sanitaire Vaud-Genève, une structure de consultation lémanique avec la France voisine, la remise en activité de la commission parlementaire Vaud-Genève, la modification du rôle et de la composition des commissions de structures hospitalo-universitaires.
Cette motion propose d'améliorer notablement la collaboration entre les deux cantons tout en garantissant la mission de service public des hôpitaux et le statut de droit public du personnel. Logiquement, cette motion devrait aller directement au Conseil d'Etat. Compte tenu que la commission de la santé est déjà saisie sur cette question d'un projet de loi de l'AdG et d'une motion socialiste - ces deux objets ont été déposés avec les rapports de minorité sur le RHUSO - je vous propose de renvoyer à la commission de la santé cette motion pour qu'elle soit traitée avec les deux objets précités. Concernant la motion de l'Entente sur le même sujet, bien qu'elle ne propose rien de concret et compte tenu que la commission de la santé devra réétudier cette question, le groupe socialiste ne s'opposera pas à son renvoi en commission.
Le président. Votre demande de renvoi en commission est-elle formelle, Madame ?
Mme Mireille Gossauer-Zurcher. Oui !
Le président. Nous sommes en présence d'une demande de renvoi de ces deux motions à la commission de la santé.
Mises aux voix, ces deux propositions de motions sont renvoyées à la commission de la santé.
Cette motion du groupe libéral, déposée le 10 juin 1997, a patienté une année avant d'être traitée par la Commission des affaires sociales, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny. Elle a été traitée en 5 séances, entre le 28 avril et le 2 juin 1998, avec la présence et la participation de M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond, président du DASS, de M. Michel Gönczy, directeur de l'action sociale et de M. Paul-Olivier Vallotton, directeur de cabinet.
Cette motion vise à uniformiser l'octroi des différentes prestations sociales dans le canton de Genève. Depuis les années 1930, différentes prestations sociales, en espèces et sous la forme d'appui ou de soutien, se sont développées dans notre canton et dans ses différentes communes. Les différentes prestations étant allouées par différents services, et sans concertation entre eux, il s'ensuit qu'un certain nombre de ces prestations peuvent être attribuées simultanément au même bénéficiaire - faisant alors double usage - alors qu'un autre, ne sachant où s'adresser, dans le dédale des différents offices sociaux, se retrouvera démuni et sans aide.
Les signataires de cette motion demandent au Conseil d'Etat de faire un inventaire exhaustif et une étude des différentes prestations sociales offertes sur le territoire cantonal, que ce soit par le canton, la Ville de Genève ou les communes, puis de les réorganiser et de les centraliser auprès de l'Hospice Général qui est, depuis 1996, responsable de coordonner la politique sociale du canton.
Le but serait de mieux répartir les tâches entre les différents services, ce qui devrait permettre d'utiliser de manière optimale les ressources du secteur social, public et privé, d'éviter les doublons injustes et d'allouer à nos concitoyens dans le besoin des allocations équitablement réparties entre eux.
Cette rationalisation devrait aussi permettre de faire des économies bienvenues en cette période difficile pour l'Etat de Genève et de faciliter l'accès et les démarches qui permettent d'obtenir des subsides ou des allocations d'aide sociale, ainsi que la circulation de l'information entre les bénéficiaires et les différents intervenants.
Auditions
M. .
Selon l'AVIVO, l'assistance des personnes en difficulté est un devoir de la société. M. Ecuyer taxe cette motion de touffue, confuse, manquant de réalisme et dépassée depuis les efforts considérables fournis à Genève pour regrouper les différents services d'aide aux personnes âgées. L'OCPA assure un minimum vital décent en octroyant un revenu annuel de 21 000 francs par an en plus des frais de maladie et de loyer qu'il prend entièrement à sa charge. M. Ecuyer considère que cette motion est dirigée contre les allocations municipales versées mensuellement par la Ville de Genève à ses habitants âgés et retraités, allocations qui se chiffrent à 155 francs par personne par mois et à 230 francs par couple et qui ne sont ni déclarées à l'administration fiscale, ni comprises dans le calcul du revenu minimum pour obtenir les prestations complémentaires.
Il reconnaît cependant qu'il peut y avoir des doublons avec les subsides LAMAL qui sont d'une part accordés par la Confédération pour les primes d'assurance-maladie et d'autre part inclus dans les prestations complémentaires offertes par l'OCPA. D'autres doublons sont possibles avec les allocations logement qui sont versées d'un côté par l'OCPA et de l'autre par le service d'aide sociale de la Ville de Genève, service qui fournit en plus des logements à loyers subventionnés aux nécessiteux.
MM. Michel Rossetti, conseiller administratif de la Ville de Genève et Philippe Aegerter, directeur du Département des affaires sociales
La Ville de Genève verse 4 prestations financières différentes à ses habitants nécessiteux : des allocations sociales municipales, régulières, complémentaires ou ponctuelles, et les prestations sociales municipales. Ces dernières sont versées automatiquement aux bénéficiaires de l'OCPA, sur simple demande, et sans même tenir compte du revenu ou de la fortune de ces personnes, ce qui représente environ 9 millions de francs par année. Cela crée des inégalités sociales car les personnes âgées sont bien mieux traitées et soutenues que les familles nombreuses, monoparentales ou pauvres.
M. Rossetti pense qu'il faudrait introduire des critères plus sélectifs à l'octroi de ces prestations, ce que font déjà d'autres communes dans le canton. Il cite comme exemple que si l'on appliquait en Ville de Genève les critères de la commune de Meyrin, seules 86 personnes bénéficieraient encore de ces prestations mensuelles régulières contre 5 000 actuellement. Il est prêt à supprimer cette allocation municipale et à confier l'assistance financière régulière à l'Hospice général.
Cependant, il tient à ce que les communes conservent des services sociaux, afin d'assurer l'indispensable travail de proximité, de prévention et de lutte contre l'isolement et l'exclusion socio-culturelle. Ce travail pourrait se faire en réseau et au sein des CASS.
MM. Pierre Hiltpold, président de l'Association des communes genevoises et Michel Hug, secrétaire général de l'ACG
Il faut bien distinguer les aides financières allouées régulièrement des aides ponctuelles qui sont des "; coups de pouce " que les communes offrent à leurs habitants, jeunes ou âgés, qui sont momentanément dans le besoin. Les communes tiennent aussi à assurer le travail de proximité et de prévention sur le terrain qu'elles connaissent bien et à accompagner leur collectivité.
La mise en place des CASS suscite beaucoup d'inquiétudes, de changements et de bouleversements, ainsi que de nombreux problèmes : les locaux doivent être mis à disposition par les communes et sont difficiles à trouver, il faut clarifier la formation et la mission de chaque acteur et maintenir la complémentarité entre l'action sociale des communes et celle de l'Hospice général. Les disparités régionales sont grandes et il faudra encore du temps pour mettre en réseau les différents collaborateurs qui seront pourtant bientôt sous les ordres d'un employeur unique.
M. .
L'Hospice général n'est pas habilité à assumer la coordination de l'aide sociale, mais il détient la forme et le mandat de l'assistance publique dans le canton de Genève. Il offre des prestations financières et de soutien social aux personnes dans le besoin, que ce soit pour des raisons sociales, parce qu'elles n'ont plus droit au chômage, ou encore à celles qui sont dans des situations conjugales ou familiales précaires, ainsi qu'aux toxicomanes et aux sans-abris.
Les communes offrent une aide plus ponctuelle et individualisée à leurs habitants (familles, étudiants, personnes âgées). Comme ce sont les clients eux-mêmes qui doivent informer les différents services qu'ils consultent des prestations dont ils bénéficient par ailleurs, il est possible que certains subsides soient octroyés à double si l'information ne circule pas. Les enquêtes - faites de façon aléatoire ou à la demande - permettent parfois de repérer ceux qui trichent.
Avec la mise en place des CASS, il y a des problèmes de redondance et de répartition des tâches entre les différents services. On note donc des doublons non seulement dans le versement de prestations financières, mais aussi en matière de frais de personnel et de fonctionnement.
Selon M. Cuenod, le système d'aide sociale devrait être à l'avenir plus simple d'accès, plus cohérent et plus équitable.
M. Bernard Gruson, président du Bureau de la Commission cantonale de l'aide à domicile
Les dysfonctionnements du système socio-sanitaire genevois sont dus à une organisation faite en fonction d'une logique administrative et bureaucratique des services, et non pas au service du client.
Il y a des initiatives privées en plus des services publics, sans communication ni concertation entre eux.
Il est donc impératif de réorganiser les centres sociaux, de sortir du clivage institutionnel et de dépasser les guerres de chapelle et de territoire, afin de pouvoir offrir une prise en charge pluridisciplinaire et coordonnée médico-sociale et non pas qu'une prestation financière la plus avantageuse pour l'usager.
Selon M. Gruson, il faudra du temps pour aboutir à des changements satisfaisants et pour surmonter les difficultés et les conflits actuels, mais l'organisation dans le domaine social et de la santé aura tout à gagner de la clarification des missions de chacun et de son harmonisation.
Travaux de la commission
M. Segond distingue 5 problèmes actuels dans l'attribution des prestations sociales. Il existe à peu près une quinzaine de prestations d'aide sociale financières dans notre canton, attribuées par autant de services distincts, ainsi que de systèmes informatiques, le tout coûtant environ 400 millions de francs par an.
Le premier problème est d'ordre technique et nécessite d'unifier la saisie des données sur un seul système informatique et de constituer un dossier unique par client, voire même une carte à puce que posséderait chaque consultant.
Le deuxième obstacle est juridique car il existe certaines lois qui sont cantonales et d'autres qui sont fédérales.
Le troisième est politique car les différents partis ne sont pas d'accord entre eux sur la politique sociale à appliquer dans notre canton.
Le quatrième problème est économique : l'octroi des prestations d'aide sociale se calcule à Genève sur le revenu imposable, c'est-à-dire une fois toutes les déductions fiscales effectuées, et non pas sur le revenu brut qui est beaucoup plus représentatif et qui est celui qui sert d'ailleurs de référence pour le calcul des prestations fédérales. Pour obtenir des informations fiables sur le revenu brut des contribuables genevois, il faudra attendre la mise en fonction du nouveau système informatique de l'Administration fiscale dont la réforme est en cours.
Le cinquième et dernier problème est celui des relations entre le canton et les communes. Le personnel communal est moins qualifié que le personnel social cantonal et il y a des problèmes de coordination et de circulation des informations, ainsi que des doublons entre les différents services, ce qui entraîne des inégalités de traitement.
M. Segond espère que la mise en place des CASS et du service d'aide à domicile unique permettra d'avoir à l'avenir une action coordonnée et intégrée.
Un commissaire demande à plusieurs reprises plus de transparence dans le calcul de l'attribution du droit aux différentes prestations sociales, ainsi que la définition de critères précis dans les communes et sur tout le territoire cantonal, ceci afin d'établir des règlements clairs et équitables. Il propose aussi de répartir l'assistance sociale en attribuant l'aide individuelle et financière à l'Hospice Général et l'action collective et sur le terrain aux communes. Il dépose les amendements suivants aux invites de la motion :
invite le Conseil d'Etat
2. à engager rapidement une véritable concertation avec les communes, l'HG, l'AGAD, le Sascom, l'OCPA et le personnel de ces services, afin de définir une répartition des tâches (aides psycho-sociales individuelles, aides financières, prévention, animation, soins, etc.) entre ces différents acteurs de l'action sociale. Cette nouvelle répartition des tâches devrait répondre aux critères suivants :
• être identique sur l'ensemble du territoire ;
• être facilement compréhensible par les usagers ;
• éviter que deux services offrent des prestations similaires aux mêmes usagers potentiels.
3. à étudier les transferts de charge induits par cette réorganisation et négocier une juste répartition entre Etat et communes de ces transferts.
Après discussion au sein de la Commission des affaires sociales sur l'impossibilité de l'Etat d'imposer aux communes une seule et même politique d'aide sociale, et sur les besoins différents d'une commune à l'autre, ainsi que leur volonté de préserver leur identité propre, on supprimera l'idée "; d'être identique sur l'ensemble du territoire ".
De même, les commissaires se mettront d'accord sur le fait de laisser les services sociaux privés à l'écart de la loi, ce d'autant plus que la plupart d'entre eux sont autonomes financièrement et donc libres de décider quelle politique d'aide sociale ils souhaitent pratiquer.
Finalement, M. Vallotton suggère aux députés de se mettre rapidement d'accord afin de pouvoir joindre cette motion 1145 au rapport du Conseil d'Etat sur l'application de la nouvelle loi sur l'aide à domicile qui doit nous parvenir en septembre prochain, afin de pouvoir les traiter ensemble.
Lors de la séance du 2 juin 1998, la présidente de la commission soumet un projet d'amendement aux invites de la motion qui tient compte des différentes remarques formulées au cours des travaux par les commissaires.
Vote et conclusion
Tous les groupes se rallient à cette proposition et les 3 invites du projet sont adoptées au vote par l'unanimité des membres présents.
Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons d'accueillir favorablement et de voter rapidement cette motion.
Débat
M. René Ecuyer (AdG). Nous nous sommes ralliés aux conclusions du rapport de la commission et vous invitons à le soutenir. Nous n'avions pas accueilli d'un très bon oeil cette motion libérale, en raison de ses motivations, à savoir que beaucoup de députés - et même certains auteurs de la motion - pensent qu'une foule de gens mangent à tous les râteliers, qu'ils profitent de toutes les aides communales, cantonales, qu'ils en abusent et qu'il y aurait passablement de doublons. Or, je vous rappellerai que M. Segond - qui a été interpellé plusieurs fois à ce sujet concernant des personnes qui auraient beaucoup profité - a en définitive signalé qu'il avait rencontré trois cas qui se sont révélés exacts. La motion qui vise à uniformiser les prestations sur le plan cantonal n'est pas un mal en soi, si ce n'est que je ne vois pas d'une manière très favorable une uniformisation par le bas.
Par exemple, la Ville de Genève octroie des prestations en argent et cela heurte passablement de députés qui pensent que la commune de Genève en fait trop et qu'il faudrait se limiter aux prestations financières du canton. Or, je pense que les communes ont également une petite contribution à apporter en faveur des aînés de leur commune. En fin de compte, nous vous invitons à voter le rapport de la commission et ses conclusions qui nous paraissent excellentes.
Mme Janine Berberat (L), rapporteuse ad interim. Je voudrais quand même rappeler à M. Ecuyer que l'idée de la proposition de motion des libéraux n'était pas d'accuser les gens d'être des profiteurs, mais de souligner quand même qu'il y avait des cas - disons des sortes d'automatismes - qui rendaient possible que la même somme soit distribuée trois fois. Je vous rappelle, par exemple, que pour les subsides on s'est aperçu que certaines personnes touchaient trois fois l'aide pour les assurances-maladie. Il y avait là quand même quelque chose à dénoncer. C'était le but de cette motion. L'idée n'est évidemment pas de culpabiliser ou de rendre les gens tous coupables mais d'être attentif à ce que les aides aillent finalement aux bonnes personnes et qu'elles ne soient pas cumulables pour les uns et inexistantes pour les autres.
M. Bernard Annen (L). Je ne veux pas répéter ce que Mme Berberat vient de vous dire, mais ajouter que les auteurs de cette motion ne sont pas totalement satisfaits de la réponse que la commission leur a apportée. Néanmoins, le groupe libéral s'abstiendra lors du vote dans la mesure où il y a un réel problème. Car, Monsieur Ecuyer, si je peux vous suivre dans votre raisonnement, je crois que vous devez vous souvenir que même si dans les cercles que vous défendez - ce pour quoi je vous félicite - il y a des abus, c'est au détriment de ceux que vous voulez défendre. C'est dire qu'à un moment donné il vous faut avoir la certitude la plus grande possible que tout ce qui est attribué est réellement juste.
Lorsqu'on vient nous dire, comme il n'y a pas si longtemps - je ne sais pas si M. Segond pourra nous le confirmer ou pas - qu'il y a des personnes qui touchent des loyers et subventions à double par la Ville de Genève d'une part et par l'Etat d'autre part, je crois qu'il y a là quelque chose qui n'est pas normal. C'est dire qu'il faudrait, de mon point de vue, répondre à cette motion pour centraliser les aides. Cela nous permettra, Monsieur Ecuyer, de faire un maximum pour les gens qui en ont réellement besoin; c'était cela le but.
Ce guichet unique, nous le souhaitons et nous espérons que, d'une manière ou d'une autre, l'Etat de Genève y parviendra.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1145)
pour des prestations sociales coordonnées et répondant aux besoinsde la population genevoise
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- qu'il est nécessaire, devant les difficultés que rencontre un nombre croissant de personnes démunies, qu'une aide sociale adaptée et active soit offerte pour l'ensemble du canton, et cela en coordination avec les communes ;
- que, depuis de nombreuses années, les prestations sociales sur le territoire de la Ville de Genève sont dispensées par les divers services communaux et cantonaux en parallèle, et de manière le plus souvent non concertée ;
- que, compte tenu des problèmes financiers que traversent nos collectivités publiques, il est indispensable d'utiliser les deniers publics de manière optimale ;
- qu'en 1996, une modification de l'article 14 de la loi cantonale sur l'assistance publique donne compétence à l'Hospice général "; d'appliquer la politique sociale définie par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat " et que, par conséquent, cette institution est désormais habilitée à assurer une coordination de l'aide au niveau cantonal,
invite le Conseil d'Etat
- à faire l'inventaire des différentes prestations sociales (aides financières, soutien social individuel, prévention, animation, soins, etc.) offertes par le canton et les communes ;
- à clarifier en conséquence, en concertation avec les partenaires concernés, la répartition des tâches respectives qui leur incombent, en vue d'améliorer la qualité et l'efficacité de l'action sociale et d'assurer à la population un système qui soit plus cohérent, compréhensible et soucieux de l'égalité de traitement ;
- à étudier, puis à négocier le cas échéant, la mise en oeuvre de cette réorganisation.
Le 20 mai 1997, le Groupement de patients de dentistes envoyait une pétition au Grand Conseil munie de 210 signatures.
Cette pétition, considérant que "; de nombreux patients ont eu de graves problèmes dus aux erreurs de dentistes, ainsi que la difficulté de dialogue entre patients et dentistes et les insuffisances des structures de l'AMGD (Association des médecins-dentistes de Genève), voire leur partialité ", demandait au Grand Conseil "; d'envisager la création d'une commission indépendante et paritaire pour régler les litiges entre patients et dentistes, d'expertises indépendantes, de la gratuité des frais de justice, d'un meilleur contrôle des dentistes par les autorités, de la création d'une procédure d'enquête identique à celle pratiquée dans le cadre de la FMH et de l'obligation morale pour les dentistes de réparer les dégâts causés par l'un de leurs confrères ".
Au cours de deux séances, la Commission de la santé a tout d'abord auditionné des représentants des pétitionnaires, puis de l'AMGD, avant de discuter des suites qu'elle proposait de donner à cette pétition.
La commission a donc entendu Mmes Nelly Droz, Nelly Yega et Jana Römer, représentant les pétitionnaires.
Ces dernières ont confirmé qu'elles ne souhaitaient pas condamner l'ensemble des dentistes, mais seulement ceux qui commettent des erreurs professionnelles ou de facturation.
Elles justifient la proposition de créer une commission de surveillance neutre par le fait que l'AMGD est à la fois juge et partie, ainsi que par le fait que certains ne sont pas membres de l'AMGD. Ainsi, pour ces derniers, il n'existe pas de tarif et par conséquent peu de possibilité de recours pour les surfacturations.
Les pétitionnaires ont remis aux membres de la commission la copie de divers dossiers litigieux entre patients et dentistes, litiges portant soit sur la qualité des soins, soit sur le montant des honoraires.
La commission a également entendu M. Michel Epars, médecin-dentiste membre de l'AMGD et M. Philippe Caruzzo, secrétaire permanent de l'AMGD.
Ceux-ci n'ont pas contesté que certains problèmes soulevés par les pétitionnaires existent et que l'AMGD reçoit annuellement 60 à 80 plaintes, ce qui est peu en regard du million d'interventions annuelles pratiquées par les dentistes genevois.
Selon les représentants de l'AMGD, les moyens de recours actuels sont suffisants, soit la Commission de surveillance des professions de la santé pour ce qui est des manquements aux règles de l'art, soit auprès de la Commission de vérification des honoraires et de conciliation de l'AMGD.
Par ailleurs, les tarifs des médecins-dentistes sont fixés par la Société suisse d'odonto-stomatologie, avec l'aval du préposé fédéral à la surveillance des prix.
Pour ce qui est des devis, l'AMGD recommande à ses membres d'en établir systématiquement et il est admis un dépassement de devis de 15 %.
Lors des discussions qui ont suivi ces auditions, si la majorité des commissaires ont admis que des structures de recours suffisantes existent pour les patients mécontents, plusieurs s'accordaient à penser que l'information sur ces structures était insuffisante.
D'autres commissaires partageaient l'avis des pétitionnaires selon lequel il n'existe pas actuellement de structure neutre de recours, en particulier en ce qui concerne les honoraires.
Certains commissaires se sont exprimés pour la gratuité des soins dentaires, au même titre que les soins médicaux.
Malgré ces réflexions, la commission a décidé, à l'unanimité des membres présents, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
PÉTITION(1157)
Groupement de patients de dentistes
Considérant :
- que de nombreux patients ont eu de graves problèmes dus aux erreurs de dentistes ;
- la difficulté et l'impossibilité d'avoir un vrai dialogue patients-dentistes ;
- les défaillances au niveau de l'information ;
- les insuffisances des structures de l'Association des médecins-dentistes du canton de Genève (AMDG) et leur partialité,
nous demandons que le Grand Conseil envisage :
- la création d'une commission indépendante et paritaire (patients-dentistes) pour régler les litiges ;
- de permettre des expertises indépendantes ;
- la gratuité des frais de justice dans ces affaires ;
- un meilleur contrôle des dentistes de la part des autorités compétentes, autant pour l'information que pour les litiges ;
- la création d'une procédure semblable à celle de la FMH pour les médecins ;
- l'obligation morale pour l'ensemble de la profession des dentistes d'accepter de soigner les patients et de réparer les dégâts causés par un dentiste.
Débat
M. Pierre-Pascal Visseur (R), rapporteur. J'aimerais ajouter ce qui suit à mon rapport : dans un des derniers paragraphes, j'ai précisé que plusieurs députés, au cours des travaux de la commission, s'accordaient à penser que l'information sur ces structures de recours des patients était insuffisante. Je n'ai peut-être pas assez insisté sur ce point en disant que c'était véritablement l'avis de la majorité de la commission et qu'il serait bon, à l'avenir, de réfléchir à des solutions permettant une meilleure information des patients et des médecins-dentistes.
Mme Louiza Mottaz (Ve). Nous demandons lecture de la lettre du 15 octobre de Mme Nelly Yega.
Le président. Madame la secrétaire, veuillez procéder à la lecture de cette lettre.
M. Gilles Godinat (AdG). Je pense que les préoccupations de l'Association des patients de dentistes sont légitimes. Néanmoins nous leur avons fait comprendre - peut-être que dans la réponse de la commission n'avons-nous pas été assez clairs sur ce point - que dans le cadre, d'une part, de la révision de la loi sur les professions de la santé et, d'autre part, d'une réflexion sur la commission de surveillance des professions de la santé, il y avait matière effectivement à développer l'information et peut-être à préciser certaines voies de recours. Néanmoins les structures pour les voies de recours existent. Il y aurait effectivement un bureau d'expertise indépendant à mettre sur pied. Nous ne pensons pas que c'est de notre assemblée que ce bureau doit émaner. Nous verrons dans le cadre de la révision de la loi sur les professions de la santé ce qui peut être fait et les recommandations que nous pourrions envoyer à l'Association des médecins-dentistes.
Le président. Je mets aux voix les conclusions de la commission.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
11. a) Rapport de la commission conjointe des affaires sociales et de la santé chargée d'étudier les objets suivants :
En date du 26 septembre 1997, le Grand Conseil a renvoyé aux Commissions des affaires sociales et de la santé le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de santé et sur la planification sanitaire ainsi qu'un projet de résolution sur le même objet pour la période 1998 à 2001. Le changement de législature et la mise en place d'une commission conjointe sociale et santé ont malgré tout permis de commencer rapidement l'étude des documents du Conseil d'Etat, considérés comme prioritaires par les deux commissions.
Cette commission conjointe, présidée par Mme Marie-Françoise de Tassigny, a effectué ses travaux en 13 commissions plénières de trente commissaires du 9 décembre 1997 au 21 avril 1998, et en 4 sous-commissions ad hoc de douze commissaires, du 10 mars au 31 mars 1998. Il faut d'emblée souligner ici que, dans une commission de cette grandeur et compte tenu de la matière à examiner, le travail parlementaire n'a pas toujours été très aisé et nous pouvons considérer que, dans un tel contexte, les travaux ont été menés avec diligence. MM. François Longchamp, secrétaire général du DASS, Michel Gönczy, directeur à la direction générale du DASS et Paul-Olivier Vallotton, directeur de cabinet au DASS, ont assisté aux travaux de la commission.
Introduction
Considérés comme de première importance, le rapport du Conseil d'Etat et la résolution ont été présentés à la commission par M. Guy-Olivier Segond, président du DASS et ses collaborateurs, à la première séance.
Pour les responsables du département, et particulièrement M. Segond, la planification sanitaire résulte de l'évolution des coûts de la santé qui touche toute l'Europe occidentale. En Suisse, les autorités fédérales et cantonales ont été conduites à introduire dans la législation l'exigence d'une planification sanitaire. Dans cet exercice politiquement délicat et techniquement difficile, le Conseil d'Etat a procédé par étapes. Un bilan de santé des Genevois a été demandé à l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive, lequel a publié l'étude en juin 1993. Ensuite, le Conseil d'Etat a chargé le professeur Gilliand d'établir un avant-projet de planification sanitaire, après une large consultation. Le rapport Gilliand sur le système de santé genevois a été rendu public en été 1994 et il a fait à nouveau l'objet d'une large consultation jusqu'en 1995. Parallèlement, une enquête suisse sur la santé a permis d'établir des comparaisons entre notre canton et le reste de la Suisse, sur la base de données 1992-1993.
Les bases légales de la planification sanitaire citées dans le rapport du Conseil d'Etat sont, sur le plan fédéral, l'art. 8 de l'arrêté fédéral urgent du 9 octobre 1992, puis les dispositions de la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie entrée en vigueur le 1er janvier 1996, après avoir été acceptée en votation populaire le 4 décembre 1995. Sur le plan cantonal, le Grand Conseil a voté le 30 mars 1995 la loi instituant un plan directeur des prestations sanitaires, entrée en vigueur le 1er juin 1995 (K 1 10) (cf. RD 281, p. 56).
Pour M. Segond, la planification sanitaire est à la politique de santé ce qu'un plan directeur est à l'aménagement du territoire. Cela n'implique ni le vote d'une loi ni le vote d'un plan. La résolution est la forme qui a force de poids politique mais pas d'effet juridique. Le Conseil d'Etat a envisagé la planification sanitaire sous deux angles : la planification sanitaire quantitative et qualitative. La première traite des postes, des crédits ou des subventions, alors que la deuxième complète pour les professionnels ce qui s'adresse à l'autorité politique.
Après un rappel des éléments de base de la politique de santé à Genève depuis 1990 (aide et soins à domicile, réforme hospitalière, loi sur les EMS, par exemple) et les projets en cours (RHUSO, selon la votation de juin 1998, transports sanitaires d'urgence, etc.), M. Segond souligne l'importance des 7 principes fondamentaux de la planification et des 5 instruments existant (RD 281, pp. 116-137), coeur du rapport du Conseil d'Etat. Il estime également important d'intégrer la planification sanitaire qualitative élaborée sous la conduite du professeur Rougemont.
Méthode de travail
Pour faciliter le travail de la commission, les deux séances suivantes ont été consacrées à l'étude du rapport lui-même avec une présentation des principaux axes et enjeux par MM. Lonchamp et Gönczy, suivie d'un premier échange général. Une programmation des auditions a été prévue en deux temps : d'abord l'audition de personnalités considérées comme des experts dans les différents domaines étudiés, ensuite l'audition des acteurs eux-mêmes, à savoir les prestataires de soins et une représentation d'association de patients.
Lors de la présentation du rapport, M. Longchamp a résumé les points suivants : la récente réforme des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) du 1er janvier 1995 selon le principe général de la "; centralisation au sommet " et de la "; décentralisation à la base ". L'orientation générale voulue par cette réforme devait mettre en valeur les réseaux de soins en modifiant les forteresses hospitalières. Du point de vue des journées d'hospitalisation, les HUG sont le plus grand hôpital universitaire de Suisse. Ils reçoivent 45 000 patients par année, avec 768 000 journées d'hospitalisation/an, pour 2 357 lits. Ils assurent en outre 500 000 consultations ambulatoires. La charge salariale s'élève à 809 millions pour 7 685 postes répartis entre 8 632 personnes, selon 165 professions. Outre les 81 % de dépenses totales pour la masse salariale, 7 % sont dévolus aux charges médicales, 7 % pour les charges d'intendance et administratives, et 5 % pour divers. Sur les 1 007 037 446 francs de recettes, 59 % proviennent de la subvention de l'Etat de Genève, 41 % des patients et des caisses-maladie. Les investissements entièrement à la charge du budget de l'Etat s'élèvent à 46 600 000 francs en 1997.
Les principaux projets en cours sont la zone sud (Opéra), la maternité et l'hôpital des enfants. La rénovation du bâtiment des lits doit également être envisagée. M. Longchamp a terminé par la présentation du RHUSO.
M. Gönczy a présenté l'activité de l'aide et des soins à domicile développée par la loi adoptée en 1992. En décembre 1996, le Grand Conseil a voté le 2e crédit quadriennal 1997-2000 d'un montant de 289 500 000 francs. Une nouvelle définition des centre d'action sociale et de santé (CASS) a été retenue avec la responsabilité d'un coordinateur par centre et d'autres mesures devant assurer une meilleure unité d'action. Le nombre total de clients a augmenté de 32 % entre 1992 et 1996. Les différentes associations (AGAD, SASCOM, APADO, CSI) gèrent 1 004 postes de travail occupés par 1 449 personnes, dont 85 % en postes de soins, et 15 % en postes administratifs, le tout ayant augmenté de 41 % entre 1992 et 1996. Pour financer les 95 745 292 francs de charge, 80 % des produits sont des subventions cantonales et fédérales.
Pour les établissements médico-sociaux (EMS), la nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er janvier 1998, avec le nouveau système basé sur le subventionnement, avec suppression de l'intervention de l'assistance publique. Suite au moratoire pour contrôler le nombre de lits EMS en 1992, une prolongation a été décidée jusqu'en l'an 2000.
Les EMS ont accueilli 3 283 clients au 31.12.96, avec un taux d'occupation de 95 %. Un déplacement s'est effectué vers un nombre croissant de personnes très dépendantes. La durée moyenne de séjour est de 32 mois. Il faut rappeler que 94 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivent à domicile. Sur les 57 EMS en activité, 52 sont agréés sur la liste au sens de la LAMal par le Conseil d'Etat, pouvant ainsi bénéficier des subventions cantonales.
Pour l'ensemble de la planification, le Conseil d'Etat n'entend pas modifier la répartition entre le secteur public et le secteur privé à Genève. D'ailleurs, il ne dispose pas d'outil juridique lui permettant de modifier l'offre de lits privés. Enfin, il n'envisage pas de sous-traitance ni de privatisation.
Un premier tour de table des différents groupes montre que pour l'essentiel la plus grande partie du RD 281 constitue un ensemble de documents ou de rapports expliquant ou légitimant la politique menée par le Conseil d'Etat à ce jour, et que par conséquent la commission ne peut qu'en prendre acte. Sur les principes de la politique sanitaire, les instruments actuels et nouveaux, ainsi que sur la planification sanitaire quantitative, la commission a souhaité se prononcer après les auditions afin de mieux se déterminer politiquement sur le rapport lui-même et la R 344.
Auditions des experts
Audition du professeur Pierre Gilliand
Avec ses 26 systèmes cantonaux différents, autonomie cantonale voulue par la Confédération en matière de santé, deux cantons romands ont mis en place les premières planifications sanitaires dès les années 60, Valais et Vaud. Avec sa planification sanitaire actuelle, Zurich envisage de fermer huit hôpitaux d'ici l'an 2000, et d'en créer un nouveau. Dans un rapide tour d'horizon, M. Gilliand. évoque la nouvelle répartition hospitalière jurassienne, l'esquisse neuchâteloise, la problématique des hôpitaux de district fribourgeois, des nouvelles orientations vaudoises (NOPS) avec la fermeture de petits hôpitaux envisagée ou leur transformation, et la réussite valaisanne en matière de maîtrise des dépenses hospitalières, avec le système multisite. Connaisseur du système de santé genevois, M. Gilliand juge utile la collaboration avec le canton voisin.
Le niveau de santé genevois est élevé, avec une offre de prestations de haut niveau, une durée moyenne de vie plus élevée que la moyenne suisse, mais le coût du système de soins le plus élevé de Suisse. Grâce au développement de l'aide à domicile, 50 000 journées d'hospitalisation ont été évitées entre 1992 et 1995.
Pour l'avenir, l'évolution démographique reste déterminante. Le nombre de personnes âgées et très âgées va augmenter. Nous entrons dans une phase de mutation du système de santé en Suisse, avec d'une part un nombre de médecins estimé à 16 000 pour 2010, une espérance de vie croissante impliquant le choix du maintien à domicile. La maîtrise des coûts reste indispensable, le nombre de lits hospitaliers doit diminuer dans ce canton, en tenant compte des cliniques privées. L'évolution des EMS vers une plus grande médicalisation est prévisible.
Une étude a montré que les deux derniers mois de vie d'une personne représentent 25 % du coût total des soins offerts à celle-ci. Il faut également se souvenir que 4/5 des lits sont occupés par des personnes de plus de 65 ans.
Il reste un nombre considérable de journées d'hospitalisation inappropriées (40 % en Valais, 20 % dans le canton de Vaud, selon diverses études).
Concernant les nouveaux instruments de la planification, M. Gilliand est opposé au numerus clausus, mode de sélection qui risque de favoriser des critères financiers.
Audition du professeur Antoine Bailly
Représentant de l'approche médicométrique, il souhaite une approche globale à l'échelle suisse, et une réflexion sur les bassins de population pour estimer la place des hospitalisations extérieures aux cantons. Il faut penser à l'échelle régionale. Actuellement, nous avons une surcapacité des lits à l'échelle régionale. Nous devons apprendre à accepter les déplacements et assurer la réciprocité. Il faut réfléchir en termes de "; Genève, capitale de la santé " comme pôle d'attraction, avec toutes ses retombées économiques. Certains analystes prévoient une augmentation de la part des dépenses de santé dans le PNB, par exemple aux USA où elle atteindra 18 % du PNB d'ici 2005-2010. Il faut donc anticiper les allocations budgétaires, en faisant du secteur santé un secteur économique fort. Il est nécessaire d'adapter les structures aux pathologies, par exemple en créant de petites unités bon marché, sur le modèle du Havre, et développer le modèle du réseau, en évitant "; le trop gros et le trop cher ". Les assureurs ont pris beaucoup de poids en disposant de statistiques précises, alors que d'autres partenaires sociaux se désengagent. Les dépenses de santé doivent être considérées comme des investissements.
Audition de MM. Michel Valterio, directeur suppléant de l'OFAS, et Claude Voegeli, adjoint de direction à l'OFAS ( Office fédéral des assurances sociales)
En l'absence de M. Otto Piller, les deux responsables de l'OFAS insistent sur l'importante réforme introduite par la LAMal : extension du catalogue de prestations, amélioration des soins à domicile, ou rétrocessions aux cantons, pour allégement de primes, par exemple. L'introduction de la planification hospitalière est liée à l'analyse d'une surcapacité des lits hospitaliers avec un excédent de 25 %. En comparaison avec la Suède, pour la même espérance de vie, la Suisse dépense 9,8 % de son PIB pour la santé, contre 7,2 % en Suède, avec 3,1 lits pour mille habitants contre 6,1 en Suisse. Dans notre pays, nous devons rationaliser les procédures, améliorer les prestations et la formation.
En 1996, les coûts de la santé ont augmenté de 12,1 %, et se réduiront à 4,9 % d'augmentation en 1998. Ce qui devrait entraîner une diminution du montant des primes. Berne relève en outre d'autres mesures comme la baisse des prix des médicaments, la limitation du tarif dans les EMS, la suppression du remboursement de 50 analyses de laboratoires, l'augmentation de la franchise de base qui a passé de 150 francs à 230 francs. Dans le domaine des primes, la collaboration entre cantons doit augmenter. Du point de vue juridique, la LAMal oblige les cantons à élaborer une planification sanitaire uniquement pour les hôpitaux et les EMS. Mais il vaut mieux tenir compte de l'ensemble et penser en réseau. La clause du besoin doit tenir compte effectivement des besoins de la population par différentes comparaisons, mais nous sommes dans une phase de récolte d'informations, au début d'un processus. Il est important d'améliorer l'instrument statistique en Suisse. Il faut savoir que la Suisse ne dispose d'aucun moyen pour limiter le nombre de lits par habitant. Il y a des propositions au niveau national pour bloquer les prestations et les tarifs ( proposition Riefen). A cause de nombreux recours, la Confédération devra établir un tarif cadre pour que les prix des soins à la charge de l'assurance-maladie soient considérés comme raisonnables, pour les homes et pour les soins à domicile. Il faut améliorer la coordination, y compris au niveau des assurances sociales. La comptabilité analytique permettra d'effectuer des comparaisons entre cantons. Les planifications sanitaires doivent être intercantonales. En Suisse, où le libéralisme et le fédéralisme prédominent, la voie pragmatique a servi à ce jour de guide. Peu de comparaisons ont été faites avec les pays d'Europe car le système de prime par tête est unique en Europe. En partant de ce qui existait, la LAMal a choisi de stimuler la concurrence pour diminuer les primes. La question du financement sera probablement l'objet de prochains débats nationaux.
Audition de M. Gianfranco Domenighetti, chef de la section sanitaire tessinoise
En Suisse, 54 % des cotisations aux assurances-maladie servent à payer la médecine ambulatoire, ratio qui s'élève à 64 % à Genève. Il y a une grande variabilité entre canton, ce qui pose problème. La LAMal prévoit un contrôle de la partie hospitalière de la dépense et laisse au marché la partie ambulatoire. Or les citoyens sont touchés en priorité par les coûts de la médecine ambulatoire. Au Tessin, le principe du 2e avis médical a été présenté à la population dans une brochure élaborée avec la société médicale du Tessin. Il faut développer les informations pour donner aux gens une meilleure position face à l'asymétrie des connaissances entre les professionnels et la population. Une clause du besoin a été introduite au Tessin avant l'introduction de la LAMal, interdisant l'établissement de nouvelles structures cliniques. Au niveau national, M. Domenighetti est favorable à un gentleman agreement en matière de revenu médical, avec une réduction d'un tiers des prescriptions médicales. La Suisse est le seul état où il y a un système inflationniste d'incitations sans aucun type de correction. Il est par exemple possible de corriger les effets pervers de l'actologie (médecine payée à l'acte), d'autre part, il est possible de définir une enveloppe budgétaire par spécialité comme au Canada. Il peut également exister des systèmes mixtes entre la médecine à l'acte et la capitation. Au niveau national, le système GRAT ( révision générale des tarifs médicaux) ne change rien du tout.
Sur le problème du numerus clausus, son introduction n'aurait d'effet que dans 20 ans. Il faut explorer d'autres pistes comme la distinction entre le droit de pratique et l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance, ou les systèmes HMO. Il faudrait également envisager des mesures incitatives pour que les jeunes médecins acceptent de s'installer dans d'autres cantons que ceux où ils ont effectué leurs études, vers des cantons où les incitatifs financiers peuvent par exemple jouer un rôle. A Appenzell Rhodes-Intérieures, le chiffre d'affaire moyen est de 400 000 francs, alors qu'il est de 314 000 à Genève et de 227 000 à Bâle-Ville.
Audition des professeurs Suter, doyen de la Faculté de médecine, et A. Junod, directeur médical des HUG
Pour M. Junod, indépendamment de la planification sanitaire, la question de la qualité des soins doit être examinée car le problème est aigu. Dans leurs programmes de santé les Etats-Unis ont été les premiers à introduire des critères de qualité dans le contrôle de ces programmes. Des soins de qualité doivent être conformes aux meilleurs standards et à ce que les patients peuvent attendre de l'institution hospitalière. Cela concerne les structures, les processus dans les unités et les résultats. L'évaluation doit être globale, et s'intéresser aux répercussions sur la société. A Genève, une cellule de qualité a été mise sur pied depuis plus de 3 ans, dans un partenariat médico-infirmier. Tous les départements médicaux ont été concernés par les 27 projets mis en route. Actuellement, l'ensemble des HUG connaissent une structure de la qualité des soins, liée à une structure budgétaire d'évaluation, s'élevant à 1,5 pour mille du budget total des HUG, soit 1,5 millions sur 1 milliard. Ce nouveau regard critique sur nos institutions de soins permettra d'améliorer le système. Il faut se rappeler qu'un service médical ne répond pas aux mêmes critères qu'un service du domaine privé, du type ISO 9000. Par exemple, il y a succès à l'hôpital lorsqu'il y a une diminution du nombre de clients ! Un audit tel que celui effectué par Arthur Andersen n'a qu'un contact superficiel avec la vie hospitalière. Il ne semble pas pertinent par exemple de rechercher le meilleur rapport qualité/prix mais bien plutôt le rapport coût/efficacité. Sur la question du numerus clausus, M. Junod pense que la limitation du nombre de postes pour les Suisses nécessiterait un recours aux étrangers, pratique adoptée aux U.S.A.
L'exposé du professeur Suter concernant le problème du numerus clausus est annexé au présent rapport. Il tient à souligner que la Suisse est le pays qui accueille le plus de médecins étrangers en formation, avec un taux de 29 % alors qu'il n'atteint que 22 % aux Etats-Unis. La densité médicale en Suisse est tout à fait comparable aux pays qui l'entourent.
Audition du professeur André Rougemont, directeur de l'Institut de médecine sociale et préventive
La planification sanitaire qualitative a nécessité une année de travail. Elle devait répondre au mandat suivant :
1. identifier les problèmes prioritaires de santé, en terme de mortalité, de morbidité et de coûts sociaux et économiques ;
2. identifier les objectifs à atteindre en terme d'amélioration de l'état de santé, des modes de vie, de l'environnement, des structures, du fonctionnement et de la gestion du système sanitaire ;
3. présenter des propositions quant aux actions nécessaires pour diminuer l'importance des problèmes identifiés ;
4. présenter des propositions en vue d'éventuelles réorientations des structures et des modes de fonctionnement existants ;
5. définir un système d'information pertinent qui permettra le pilotage du système de santé, sur la base d'un nombre réduit d'indicateurs dûment validés ;
6. établir des propositions pour l'évaluation des actions entreprises et pour la recherche.
L'élaboration du document émane de la collaboration de nombreux milieux professionnels. Il s'agissait d'établir un document stratégique qui détermine, à partir d'une analyse de la situation actuelle et du système de soins à Genève, une douzaine de problèmes de santé prioritaires et des actions à mettre en oeuvre pour y faire face. Il n'y a pas de relation linéaire entre les structures du système et le niveau de santé. Il faut partir des problèmes de santé et réfléchir ensuite sur les structures. C'est le contenu essentiel du premier rapport. Le deuxième est un document détaillé à partir des 38 buts de l'OMS pour l'Europe, sur la base de dossiers spécifiques. Il donne un aperçu plus détaillé des problèmes liés à certains groupes de population, de maladies spécifiques, de comportements à risque, des problèmes liés aux services et structures du système de santé à Genève, avec une mise en perspective au niveau suisse et européen.
Après avoir présenté la méthodologie (indicateurs de mortalité entre 30 et 65 ans, enquêtes des professionnels et de la population, années potentielles de vie perdue, modèle DALY de la Banque mondiale, à savoir unité de mesure sur la base de l'année de vie ajustée à un handicap dans une approche de quantification), le professeur Rougemont présente les résultats concernant les problèmes de santé les plus importants :
1. les maladies cardio-vasculaires ;
2. les cancers des voies respiratoires ;
3. le cancer du sein ;
4. les traumatismes dus aux accidents de la circulation ;
5. les suicides ;
6. le SIDA.
Dans l'ensemble, il faut aider à modifier le comportement des gens, lutter contre l'Etat-providence et contre le tourisme médical, dans une perspective à long terme. Il faut savoir qu'à Genève les coûts ambulatoires sont 2 fois plus élevés que partout ailleurs en Suisse. Le carnet de santé et la clause du besoin seront utiles, ainsi que le numerus clausus.
En ce qui concerne la dépression à Genève, il y aurait une étude à faire en lien avec la crise actuelle et le rôle des généralistes et des psychiatres. Il faut mieux définir le rôle du généraliste en revalorisant son activité de premier acteur du système de santé et sa fonction d'orienteur dans ce système. En conclusion, le système de santé devrait moins être concentré autour de la structure hospitalière.
Débat sur l'entrée en matière
Un tour de table permet de situer les tendances dans la commission conjointe. Le groupe libéral n'est pas contre une planification sanitaire mais la LAMal n'exige qu'une planification hospitalière. Une évaluation financière du RD 281 lui paraît indispensable. Une motion sera déposée dans ce sens. Il y a un manque d'information sur les implications financières et les libéraux craignent de se laisser entraîner dans une spirale, raison pour laquelle ils ne voteront pas l'entrée en matière.
Le groupe PDC considère également que l'entrée en matière est difficile à accepter car le rapport manque de données dans le domaine financier. En votant la R 344, la commission donnerait un blanc-seing au Conseil d'Etat.
De nombreux amendements paraissent nécessaires au groupe PDC.
Le parti radical n'a pas de position commune à ce stade. Depuis l'introduction de la LAMal, les données chiffrées font défaut. Même dans le rapport NOPS (nouvelles orientations de la politique sanitaire) du Conseil d'Etat vaudois, les données les plus récentes remontent à 1991. Globalement, il est difficile de savoir ce que coûte le système de santé dans son ensemble, raison pour laquelle le parti radical se prononcera ultérieurement sur l'entrée en matière.
Au parti socialiste, les avis sont également partagés, car le RD 281 ne contient rien sur la collaboration entre les cantons de Vaud et de Genève. Le Conseil d'Etat doit élaborer une autre politique sanitaire, raison pour laquelle le groupe socialiste ne souhaite pas entrer en matière pour le moment.
Les Verts éprouvent un malaise face à ce rapport. Ils souhaitent prendre acte de la R 344, mais ne pas entrer en matière.
L'Alliance de Gauche fait également le constat que le RD 281 est basé sur une série de documents dont il faut prendre acte. Les données fournies par le professeur Rougemont devraient être intégrées à la discussion. L'AdG souhaite entrer en matière sur la R 344, tout en l'amendant.
La situation est débloquée par la proposition de repousser le vote sur l'entrée en matière après avoir auditionné les représentants des acteurs dans le système de soins, et constitué une sous-commission qui examinerait les propositions des différents groupes pour trouver une base d'accord sur les amendements, méthode acceptée par la commission.
Deuxième série d'auditions
Audition de MM. Claude Aubert et Jean-Marc Guinchard, respectivement président et secrétaire de l'Association des médecins de Genève ( AMG)
Un texte est remis à la commission (cf. annexe) et il est rapidement commenté par M. Guinchard. Selon l'AMG, nous avons davantage assisté à une augmentation progressive des coûts qu'à une réelle explosion. De 1985 à 1995, alors que l'indice suisse des prix à la consommation progressait de 32,2 %, celui des systèmes de santé atteignait 39,3 %. Or, depuis 1993, les coûts ambulatoires se sont stabilisés, les coûts hospitaliers ont continué à progresser et les primes d'assurance ont suivi le mouvement puisque la LAMal a étendu ses prestations de base. Les primes vont probablement se stabiliser.
En ce qui concerne les nouveaux instruments de la planification sanitaire, pour M. Aubert, l'image des cascades et des flux permet de visualiser le fonctionnement du système. Sur les 1000 médecins en formation à Genève, 10 % s'installent par année, soit 100 médecins. Avec ses 1000 postes de formation dans ses hôpitaux publics, la proportion de médecins venant d'ailleurs que du canton va croître si le système est rétréci en amont. Il faut envisager un contrôle en aval, avec un numerus clausus interne aux spécialités, en fonction des débouchés.
Pour la clause du besoin, les règles du jeu doivent être égales pour tous, secteur public et secteur privé. Par exemple, en matière d'imagerie médicale (type IRM) les deux secteurs doivent être également concernés par une régulation. Enfin, le carnet de santé doit être apprécié de façon nuancée. Efficace pour les enfants et les personnes âgées, il est aléatoire entre les deux classes d'âge. Le médecin de premier recours ou de famille peut jouer le rôle de mémoire et remplacer le carnet de santé. L'AMG est favorable à un système de carte à puce possédant une mémoire sélective qui permettrait d'avoir accès à des informations ciblées. De plus, la population ne peut être considérée de façon homogène.
Audition de Mme Véronique Maye et de MM. Jean-Claude Eggimann et Bernard Rueff de la Fédération genevoise des assurances maladies (FGAM).
La planification hospitalière joue dans la planification sanitaire un rôle éminent, car elle est un des outils les plus efficaces pour la maîtrise des coûts. Selon la loi, les décisions sur la planification sanitaire auraient dû être prises par les députés avant décembre 1997. Publier la liste des hôpitaux avant l'adoption de la planification hospitalière est une aberration. Or le canton connaît une surcapacité en matière d'offre de lits. Il n'y a pas d'étude ni d'indicateur valable pour justifier telle ou telle diminution. Le mandat confié à l'OCSTAT l'a été trop tardivement. Nous manquons de données pour une planification hospitalière qui se respecte. Il faut également tenir compte du secteur privé. Une évaluation des besoins est possible, en tenant compte des transferts de patients dans une planification sanitaire intercantonale. Les missions hospitalières doivent être définies.
Pour les autres outils de maîtrise des coûts de la santé, l'introduction du numerus clausus devrait être envisagée au niveau suisse, avec des critères de sélection pertinents. D'autres mesures de répartition des médecins doivent être prévues. Pour la clause du besoin, il faut distinguer les cabinets médicaux d'une part et les appareils médicaux d'autre part. La garantie de liberté de commerce pose problème pour les cabinets médicaux. Par contre, la clause du besoin pour les appareils médicaux est souhaitable, car il y a un suréquipement à Genève. Par exemple, le canton dispose d'au moins 10 IRM, alors que l'OMS prévoit 1 IRM pour 500 000 habitants ! Il doit être possible d'agir par le biais des tarifs. Enfin le carnet de santé est une bonne chose car il permet de contrôler la surconsommation et l'adéquation du traitement, s'il est couplé avec une présentation obligatoire du carnet.
En matière d'assurances complémentaires, il semble que près de la moitié de la population dispose d'une telle assurance. Les complémentaires dépendent depuis 1996 des assurances privées , lesquelles fixent librement les couvertures et les primes. La loi interdit des compensations entre les différents secteurs, par exemple entre les primes des enfants pour une couverture des coûts de santé des adultes. Il faut savoir que les assurances maladies sont favorables au principe du coût par pathologie.
Pour les cliniques privées qui figurent sur la liste du Conseil d'Etat, la nouvelle LAMal demande une division générale. La question qui va se poser est de savoir comment une telle clinique pourra soigner ses patients en privé lorsque l'on sait que seule la moitié du coût total par patient sera assurée par les caisses-maladie et que l'autre moitié, assurée dans le public par les subventions de l'Etat sera prise également en charge par les assurances maladie ; dans ce cas, les primes d'assurance complémentaire privée risquent d'exploser, et plus personne ne prendra de telles assurances. En ce qui concerne les franchises, le problème est réglé par l'ordonnance fédérale sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS). D'une manière générale, le principe de la concurrence entre les caisses-maladie doit être maintenu.
Audition de MM. Philippe Glatz, Nicolas Froelicher, James Bissel et Philippe Caruzzo de l'Association des cliniques privées du canton de Genève (ACPG)
L'ACPG comprend neuf établissements hospitaliers de soins aigus, dans un réseau de type complémentaire. Ils représentent 26 % des lits de soins aigus du canton et traitent 30 % des patients dans ce domaine avec 26 % des journées hospitalières en soins aigus, pour 1600 emplois. La complémentarité entre le secteur public et le secteur privé est insuffisamment développée dans le RD 281. Si les hôpitaux privés n'assumaient pas leurs 125 000 journées d'hospitalisation, cela représenterait 200 millions à la charge de l'Etat. Les quatre plus grands établissements privés (Les Grangettes, La Colline, La Tour et La Générale-Beaulieu) ont un taux d'occupation de 85 % en moyenne annuelle, avec une durée moyenne de séjour de 5 jours et demi par patient.
L'ACPG regrette de n'avoir pu pleinement être associée à l'établissement de la liste des hôpitaux. L'ACPG souhaite une réflexion sur le rôle de l'Etat garant ou gérant. Des accords existent entre le public et le privé dans le domaine des soins intensifs et des urgences pédiatriques (HUG et La Tour). De plus, l'hôpital de La Tour assure depuis de nombreuses années la formation d'une vingtaine de médecins assistants par année, sans subvention de l'Etat. Une meilleure collaboration est souhaitée. Dans le domaine des soins à domicile, certaines cliniques privées ont développé des structures pour les premiers jours consécutifs à la sortie de l'hôpital.
Audition de MM. Andréas Saurer et Alain Riesen (Forum Santé)
Pour les représentants du Forum Santé, l'absence d'un rapport Vaud-Genève en matière de politique sanitaire est regrettable. Le RD 281 donne peu d'indications sur l'articulation entre les besoins et les fournisseurs de soins. Par exemple, le moratoire sur le EMS est mentionné sans être justifié. Il manque une réflexion d'ensemble et sectorielle de l'offre de lits pour une véritable planification. Sur les nouveaux instruments de la planification, la question du numerus clausus est un faux problème. De fait, le nombre de places détermine les taux d'échecs entre la première et la deuxième année d'étude. Par contre, la clause du besoin est une notion centrale. Elle doit concerner le secteur public comme le privé. L'exemple des consultations ambulatoires des HUG (500 000 par année) représente le travail de 200 médecins en ville. Il faut une réflexion d'ensemble également dans le domaine ambulatoire, surtout si l'on sait que 2/3 des dépenses dans le système de santé dépendent de la décision du médecin de ville lors d'hospitalisations. La densité médicale est également en lien direct avec les coûts de la médecine ambulatoire selon M. Domenighetti (cf. annexe), une clause du besoin est nécessaire au contrôle des coûts. Le carnet de santé, enfin, est un moyen de lutte contre la surconsommation médicale. Le Forum Santé préfère l'attitude pédagogique au principe du carnet obligatoire dans une logique de simple contrôle. L'adhésion volontaire doit être liée au consentement libre et éclairé, avec le droit du patient de préserver le caractère confidentiel et de contrôler voire retirer des éléments du carnet. En fait, c'est le processus de relation entre les patients et les professionnels de la santé qui est en jeu. Il faut donc inscrire le projet de carnet de santé dans une série de mesures d'éducation à la santé en visant la responsabilisation du patient et non le contrôle social. L'exemple des malades du SIDA montre que dans une relation de confiance, beaucoup de choses peuvent évoluer entre les soignants et les patients. Si au contraire, un aspect répressif apparaît, alors une partie de la population cherchera à s'y soustraire. De toute façon, il faut favoriser le débat sur les nouveaux instruments.
Travaux de la sous-commission
Réunie à quatre reprises entre le 10 mars et le 31 mars 1998, avec deux représentants par groupe, un intense travail a été entrepris pour dégager des options et des priorités en vue d'une résolution et de motions et de les dissocier de l'acceptation ou non du RD 281.
Un tour de table a mis en évidence les principes suivants :
Les Verts sont les plus critiques sur le fait que la commission doit plancher sur une planification sanitaire que n'exige pas la LAMal alors que les décisions concernant la planification hospitalière et en particulier la liste des hôpitaux reconnus par le canton ont déjà été prises par le Conseil d'Etat. Il faut prendre acte du rapport et adopter une position minimaliste, à savoir une demi-douzaine d'objectifs.
Le PDC insiste sur le manque de données chiffrées pour évaluer les coûts futurs. Dans les hôpitaux, la planification est une réalité. Les députés peuvent donner dans une résolution ou une motion des principes prioritaires pour une politique de santé par exemple dans la complémentarité entre le secteur public et le privé. Le PDC regrette que les députés ne connaissent pas les critères ayant présidé au choix des hôpitaux sur la liste.
Pour les libéraux, l'évaluation financière est déterminante. Ils ne peuvent souscrire à la R 344 actuelle. Ils souhaitent une procédure de consultation sur les nouveaux instruments de la planification. Une tendance libérale souhaite une planification sanitaire intégrée au niveau suisse, et une prise en compte prioritaire des aspects qualitatifs plutôt que quantitatifs.
L'AdG défend le principe d'une résolution en prenant acte du rapport. Il faut distinguer les objectifs et moyens généraux d'objectifs et moyens plus ciblés. Des éléments de la planification qualitative doivent apparaître dans la résolution. Par ailleurs, l'AdG ne peut accepter la planification quantitative telle que résumée dans le rapport RD 281, en particulier la baisse linéaire du nombre de lits hospitaliers sans une réflexion plus approfondie. Il faudrait par exemple définir des critères sur les taux d'occupation minima acceptables, en-deçà desquels une diminution du nombre de lits est envisageable.
Pour les radicaux, le RD 281 est un document utile mais les données chiffrées manquent pour définir un plan d'action précis. Une motion permettrait de mieux cerner les orientations. Le principe d'amender la résolution est accepté par ce groupe.
Les socialistes ne peuvent que prendre acte de ce qui existe déjà. La résolution doit être amendée. Demander par une motion une modification fondamentale pour les années 1998-2001 est inutile. Il vaut mieux cerner les critères pour élaborer la planification sanitaire 2001-2005 dans de meilleures conditions. Une politique sanitaire devrait être basée sur une planification par objectifs de santé en indiquant les moyens.
L'idée qu'avant de voter la résolution la commission fasse part d'une motion adressée au Conseil d'Etat pour obtenir d'avantage d'informations est refusée par une majorité, plusieurs groupes étant divisés. La sous-commission élabore un projet de résolution soutenu par 10 députés avec deux abstentions ; la dernière invite est acceptée à l'unanimité. Le principe d'une motion plus détaillée est accepté et un projet est élaboré.
Fin des travaux
La résolution R 344-A proposée par la sous-commission est soumise au vote. La proposition d'ajouter un considérant sur "; la nécessité de maîtriser les coûts de la santé " est refusée par une majorité car cette notion figure dans les considérants de la motion et qu'il faut conserver la cohérence de la démarche entre les deux textes. La proposition de modifier la troisième invite de la résolution par le texte "; les principes de la planification sanitaire qualitative sont approuvés sous réserve d'une évaluation financière des objectifs engagés " est refusée par 11 non (4 AdG, 5 S, 1 Ve, 1 L), 8 oui (3 DC, 2 R, 3 L) et une abstention radicale. Au vote final, la R 344-A relative à la planification sanitaire (1998-2001) est approuvée telle qu'elle ressort des travaux de la sous-commission par 14 oui (4 AdG, 5 S, 1 Ve, 3 R, 1 L), un non (DC) et 5 abstentions (2 DC, 3 L).
Une majorité de la commission a souhaité garder comme base de travail pour une motion le texte émanant de la sous-commission. Celui-ci a été modifié dans sa forme, mais la structure en quatre parties a été conservée. Les amendements de fond ayant fait l'objet d'un débat et qui ont été acceptés ont été intégrés à la motion dans sa rédaction définitive en commission. Les amendements refusés sont les suivants :
-A. 1a "; dont le génie génétique "
5 "; en ayant soin de maîtriser les coûts ".
Un vote séparé sur chacune des parties a été refusé. Au vote final, la motion sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001) est adoptée par 19 oui (5 AdG, 6 S, 2 Ve, 3 DC, 2 R, 1 L), 1 non (L) et 3 abstentions (1 Ve, 2 L).
Une partie du groupe libéral a souhaité joindre au présent rapport la motion M 1145 "; Pour des prestations sociales coordonnées et répondant aux besoins de la population genevoise ", renonçant ainsi à un rapport de minorité.
Ainsi, la majorité de la commission conjointe sociale et santé vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la résolution 344-A et la motion 1229 telles qu'issues des travaux stimulants, parfois tortueux mais surtout animés de la commission.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mmes et MM. Micheline Spoerri, Janine Berberat, Claude Howald, Geneviève Mottet-Durand, Bernard Annen et Olivier Vaucher
Dépôt: 10 juin 1997
M 1145
proposition de motion
pour des prestations sociales coordonnées et répondant aux besoinsde la population genevoise
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- qu'il est nécessaire, devant les difficultés que rencontre un nombre croissant de personnes démunies, qu'une aide sociale adaptée et active soit offerte pour l'ensemble du canton, et cela en coordination avec les communes;
- que, depuis de nombreuses années, les prestations sociales sur le territoire de la Ville de Genève sont dispensées par divers services communaux et cantonaux en parallèle, et de manière le plus souvent non concertée;
- que, compte tenu des problèmes financiers que traversent nos collectivités publiques, il est indispensable d'utiliser les deniers publics de manière optimale;
- qu'en 1996, une modification de l'article 14 de la loi cantonale sur l'assistance publique donne compétence à l'Hospice général ";d'appliquer la politique sociale définie par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat" et que, par conséquent, cette institution est désormais habilitée à assurer une coordination de l'aide au niveau cantonal,
demande au Conseil d'Etat
- de faire l'inventaire des prestations sociales offertes sur le territoire cantonal;
- de faire une étude particulière sur les prestations financières supplémentaires offertes sur le territoire des communes et, en particulier, de la Ville de Genève; de faire des propositions concrètes de répartition des tâches entre les services sociaux communaux et l'Hospice général;
- d'assurer la coordination entre les diverses prestations sociales financières offertes plus généralement sur le territoire cantonal, de tenir compte, dans ce cadre, des initiatives privées et de les encourager.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames etMessieurs les députés,
Dans les années 1920-1930, la Ville de Genève a mis en place des prestations sociales pour ses habitants.
Celles-ci étaient de deux natures: en espèces et sous forme d'appui social essentiellement, puis infirmier.
En espèces, existaient alors non seulement des prestations financières mais également des apports matériels par des ";magasins ou établissements" de la Ville.
Sur le plan social, des aides étaient apportées soit directement par un service social de la Ville, soit par des offices proches de la Ville tels que le Bureau d'aide sociale, pour ne citer qu'une institution.
Aux environs de 1935, le canton a développé, à son tour, des prestations sociales, notamment par l'adoption de la loi cantonale sur les prestations complémentaires et sociales qui ont été intégrées en 1987-1988 aux prestations complémentaires à l'AVS-AI, et cela pour deux raisons: d'une part, la Confédération prenait en charge le 30% (actuellement 10%) de ces prestations; d'autre part, par simplification et pour éviter d'avoir deux législations parallèles.
Durant toutes ces années, la Ville de Genève a, elle aussi, développé ses prestations sociales, notamment par un réseau de services sociaux de quartier, des immeubles avec encadrement infirmier et d'autres prestations annexes attribuées directement à ses bénéficiaires, soit à des institutions semi-privées ou privées travaillant sur le territoire de la Ville.
Toutes ces démarches parallèles, et par ailleurs fort louables, ont abouti à ce que nombre de prestations peuvent être allouées simultanément aux bénéficiaires potentiels et sans aucune concertation. Il en résulte que les bénéficiaires les plus habiles obtiennent des prestations faisant double usage et les autres - la majorité - ne savent pas où s'adresser dans le dédale des offices sociaux.
Depuis la modification de la loi cantonale sur l'assistance intervenue en 1996, l'Hospice général est responsable de mettre en place la politique sociale du canton. Dès lors, il apparaît logique qu'il coordonne l'ensemble des activités sociales du canton et des communes de manière à avoir une utilisation cohérente et rationnelle des ressources affectées à cet effet.
Vu ce qui précède, il est indispensable d'uniformiser la répartition de ces prestations sociales, et cela pour les raisons suivantes:
- les bénéficiaires auront un interlocuteur central, à savoir l'Hospice général, où ils pourront s'adresser en cas de besoin, charge à celui-ci de leur indiquer leur service social de proximité;
- une réallocation de toutes ces ressources doit être effectuée de manière à éviter les ";doublons" et à utiliser de manière optimale les ressources du secteur social.
272829303132333435363738394041424344454647484950515253545556575859606162636465666768697071Débat
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. Avant d'ouvrir les débats sur la planification sanitaire, il est important de rappeler que c'est un acte qui est demandé au Grand Conseil, un acte politique qui se caractérise par peu de portée législative, qui est avant tout exprimé dans une résolution générale, et la commission a souhaité donner plus de poids à la résolution en l'appuyant d'une motion. C'est donc le fond du rapport.
En ce qui concerne les grandes lignes de la planification, ce que nous pouvons relever c'est qu'à la fin de ce siècle, pour la première fois en Suisse, le débat sur les planifications hospitalières implique également dans certains cantons le débat sur la planification sanitaire. Celle-ci est un des éléments de la politique de santé, mais les structures de soins et la politique en la matière ne sont évidemment pas superposables à la politique de santé puisque les déterminants de la santé - et je pense que nous aurons peut-être à en débattre aujourd'hui - sont bien plus larges que ceux liés aux structures de soins elles-mêmes. C'est le constat que l'on a pu faire ces vingt dernières années, à savoir que les conditions de vie, les conditions de travail, la pollution, certains facteurs externes environnementaux jouent un rôle en tant que déterminants de la santé, déterminants environnementaux et déterminants sociaux, ceci juste pour situer l'ensemble de la réflexion.
Sur le travail de la commission, j'ai souligné la difficulté de travailler à trente dans une commission conjointe sur un tel sujet. Je ne veux pas y revenir, je trouve que nous avons pu mener les travaux avec une relative diligence. Pour l'essentiel, je reviendrai plus tard sur le contenu de la motion qui me paraît amener au débat un certain nombre de propositions intéressantes.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Avec cette planification sanitaire, les députés des commissions sociale et de la santé ont dû reconnaître - je crois - qu'ils avaient atteint leurs limites. Plus de mille pages à ingurgiter puis à essayer de digérer, mission quasi impossible. Quant à la planification des travaux, elle non plus n'a pas été très simple.
Vu la complexité des domaines traités, vu l'ampleur du sujet, il est extrêmement difficile d'intervenir aujourd'hui et je n'entends pas entrer dans les détails, ce dont - pour certains secteurs - je serais bien incapable. J'aimerais au nom du groupe socialiste préciser quelques points, d'abord sur l'évolution du travail en commission : le Conseil d'Etat nous avait proposé une résolution qui ne nous offrait guère qu'une photographie de la politique de la santé. Un simple relevé de situation, un constat dont le contenu nous convenait plus ou moins bien mais sur lequel nous n'avions plus grand-chose à dire. Il s'agissait d'un état de fait. C'est pour cette raison que le parti socialiste a très rapidement proposé de modifier la résolution en approuvant simplement les principes cités et, parallèlement, que la commission travaille sur une nouvelle motion.
Cette motion reprend trois grandes préoccupations. Premièrement : améliorer la santé de la population en général et en particulier par la prévention. Nous aurons l'occasion d'ailleurs de revenir sur cet aspect lors du projet de crédit concernant la planification qualitative et les grandes priorités. Deuxièmement : oeuvrer à une meilleure collaboration tant entre partenaires qu'entre structures. Troisièmement : réformer le système de santé, imaginer de nouvelles approches, sortir d'un simple copier-coller d'une année à l'autre avec, au passage, soit quelques améliorations, soit quelques économies. Voilà pour le contenu qui a réussi à réunir la presque totalité des commissaires, et que nous soutiendrons donc aujourd'hui.
Permettez encore deux remarques. La première, c'est que pour tout ce qui touche à l'amélioration de la santé de la population en général et à la réforme du système de santé, il faudra aussi intégrer de nouveaux défis qui naîtront tant de l'évolution de la recherche que de celle de notre société et du type de vie qu'elle offre aux individus. Enfin notre groupe réaffirme son attente d'un système qui permette la meilleure égalité possible d'accès à des soins de qualité. Sur ce plan-là, l'obsession d'économies de certains et le manque total de responsabilité et d'éthique de la part des assurances nous laissent un peu inquiets. Par le vote de cette motion, nous demandons au Conseil d'Etat d'être particulièrement attentif à ce problème.
M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Je dois vous avouer, Mesdames et Messieurs les députés, que cet exercice genevois de planification sanitaire m'a laissé songeur. J'ai du reste quelques regrets à exprimer à l'égard d'à peu près tout le monde, y compris à l'égard de moi-même. A l'encontre du Conseil d'Etat tout d'abord et je vais dire pourquoi. A l'encontre de la commission de la santé et de la commission sociale - puisqu'elle étaient réunies à cet effet - et je vais dire pourquoi. A l'encontre du Grand Conseil tout entier et je vais dire pourquoi. Vous voyez que le député Restellini n'a pas froid aux yeux ! Et enfin à l'encontre de moi-même...
M. Pierre-François Unger. Et tu diras pourquoi ?
M. Jean-Pierre Restellini. Et je dirai pourquoi aussi; donc tout le monde est servi !
Conseil d'Etat tout d'abord : quelle a été la chronologie des événements, Mesdames et Messieurs les députés ? Décembre 1997, élaboration définitive de la planification hospitalière genevoise par le Conseil d'Etat. Novembre 1998, c'est-à-dire maintenant, élaboration définitive de la planification sanitaire genevoise. A l'évidence, la chronologie la plus élémentaire des réflexions et décisions en matière de planification n'a pas été respectée. Pratiquement le Conseil d'Etat a arrêté la planification hospitalière, conformément aux compétences qui lui ont été dévolues par le Grand Conseil, une année avant que le Grand Conseil ne se penche sur la question de la planification sanitaire tout entière.
Qu'est-ce que la planification hospitalière ? C'est tout simplement un sous-ensemble de la planification sanitaire qui se compose de l'hospitalier et de l'ambulatoire. En d'autres termes, il eût fallu - à mon sens - que le parlement se penche d'abord sur le problème général de la planification sanitaire pour qu'ensuite seulement le Conseil d'Etat - en s'inspirant de ces lignes directrices dégagées, ma foi, par le souverain - arrête la planification hospitalière qui - faut-il le rappeler ?- constitue à elle seule environ la moitié des coûts de la santé et qui bien entendu a une incidence directe sur toute la problématique de la santé publique.
Commission de la santé et commission sociale réunies ensuite : de l'avis de la quasi-totalité des commissaires - deux commissions, trente députés, excusez du peu ! - il s'agissait avant tout d'élaborer une réflexion visant, il faut le dire, à cadrer l'exécutif en lui désignant clairement les objectifs prioritaires. Ceci d'autant plus que le très volumineux rapport du Conseil d'Etat sur la question comprenait à peu près tout, c'est-à-dire toute la médecine, tous les soins passés, présents et futurs... Monsieur Segond, vous aviez fait très fort !
Résultat des opérations : après de longues discussions, portant parfois dans la même séance sur le secret médical, les HMO, les soins aux prématurés, j'en passe et non des moindres, la commission s'est fendue d'une motion supplémentaire comprenant pas moins de dix-neuf invites, donc dix-neuf priorités supplémentaires venant s'ajouter à la quinzaine de priorités déjà dégagées par le DASS dans sa résolution. Priorités parlementaires qui cette fois vont de la lutte contre la maltraitance jusqu'à la promotion de la collaboration entre les cantons de Vaud et Genève, en passant par une action ciblée contre le mal de dos.
Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'avoir l'outrecuidance de vous dire, malgré ma jeunesse parlementaire, que tout cela n'est pas très sérieux. Planifier, c'est faire des choix. Quand on choisit tout, bien entendu on ne choisit rien. Dans ces conditions, concrètement, il est évident que c'est l'exécutif qui va faire ce choix à notre place.
Grand Conseil maintenant : je m'empresse de dire qu'il est très aisé de faire de la critique a posteriori. Je n'étais pas député à l'époque, lorsque la loi d'application de la LAMal a été adoptée, mais je crois qu'avant de confier au parlement cette haute mission de ratification de la planification sanitaire il eût été préférable de réfléchir un peu plus à la traduction politique concrète que pouvait revêtir un tel mandat. Facile de dire que l'on va planifier, encore faut-il savoir comment !
Contre moi-même enfin - on y vient, Monsieur le député Unger - enfin et surtout parce qu'il s'agissait d'un tout premier exercice, politiquement délicat et techniquement difficile et là je suis tout à fait M. Segond. Je ne sais plus qui a dit que la planification consistait à remplacer le hasard par l'erreur. Je ne partage pas ce point de vue, mais je pense qu'il illustre bien toute la difficulté du travail qui ne peut, à l'évidence, être parfait du premier coup.
Alors, je terminerai avec une proposition positive cette fois, sans savoir tout à fait quelle forme je lui donnerai : je pense qu'il serait intéressant d'envisager la création d'une sorte de comité de suivi de cette planification sanitaire, qui serait par exemple composé d'un membre par parti et qui aurait pour mission de travailler en continu avec le DASS sur cette question. Une telle mesure aurait à mon sens l'avantage d'éviter de devoir, tous les quatre ans seulement, accomplir cette mission impossible de ratification de la planification envisagée par le Conseil d'Etat, et surtout et enfin de tenir compte des évolutions de la LAMal qui vient par exemple tout récemment d'octroyer aux cantons - dans un article 51A nouveau, et c'est un véritable pétard, Mesdames et Messieurs les députés - le pouvoir de fixer des budgets enveloppes y compris concernant les prestations ambulatoires, qu'elles soient publiques ou privées. Merci de votre attention.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La planification sanitaire, quel vaste programme ! En effet, malgré un regard critique du conseiller d'Etat en charge du dossier, la commission que j'ai présidée a travaillé avec célérité et je l'en remercie. Ce sujet est une véritable auberge espagnole. Cette résolution avait pour objectif de définir la politique de la santé à Genève, tout simplement ! De plus, les anciens comme les nouveaux députés se sont trouvés confrontés à un rapport fleuve qui va de l'égalité des soins à l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées, en passant par les maladies chroniques, le vieillissement, le sida, le cancer, la prévention, la promotion de la santé, etc. J'arrête là ma liste, tant l'énumération serait fastidieuse quoique bien entendu capitale pour la santé des Genevois.
La résolution est une réponse élargie à une exigence de la LAMal qui demandait une planification hospitalière. Malgré la nécessité d'une vision à long terme de la santé pour le XXIe siècle, la nécessité de mieux définir les priorités, la nécessité de cadrer les implications financières des soins, c'était une véritable gageure pour les députés de cautionner les grands principes d'une politique de santé sans les approfondir. Après moult auditions d'autorités en la matière, les commissaires ont décidé de vous soumettre une résolution modifiée, plus minimaliste mais décrétant les principes généraux d'une politique de santé, approuvant la planification sanitaire qualitative et demandant des instruments financiers indispensables à l'encadrement des coûts de la santé. Parallèlement, croyant au mandat plus contraignant de la motion, les commissaires vous soumettent une motion qui précise les axes principaux d'une politique de la santé pour Genève et qui demande au Conseil d'Etat de fixer des objectifs pour une impérative maîtrise des coûts. C'est dans ces conditions que le parti radical vous demande donc de voter successivement la résolution 344-A et la motion 1229.
Mme Barbara Polla (L). La majorité du groupe libéral, même s'il n'y paraît pas au premier regard, aimerait ce matin faire entendre une opinion plus radicale que celle de la majorité d'entre vous. En effet, s'il est vrai que la LAMal exige la mise en place de systèmes cantonaux de planification hospitalière et que les coûts de la santé justifient une telle exigence, il n'en reste pas moins qu'il y a planification sanitaire et étatisation sanitaire. La première paraît raisonnable, la seconde ne peut être que délétère et conduire à des situations surréalistes et absurdes où ce sont les politiciens qui décident des priorités de soins, comme nous le voyons apparaître dans la motion 1229 et dans la planification sanitaire qualitative.
Est-ce que vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, il vous paraît adéquat que ce soient les politiciens qui décident qu'il faut cibler, selon la motion 1229, les maladies cardio-vasculaires, le cancer du sein, le sida, les traumatismes non intentionnels, les douleurs du dos, la dépression et le suicide? J'espère que personne ici n'a mal au ventre, n'a de maladies infectieuses, n'a de cancer qui ne soit pas du sein, de maladies neuro-dégénératives dans sa famille ou de psychoses maniaco-dépressives !
Non, le politicien ne peut se faire le prescripteur de ce que l'on doit soigner ou non. Il est tout simplement certains domaines qui ne sont pas du ressort du politique et le domaine de la santé, celui dont nous traitons aujourd'hui, pour le bien de la santé de la population genevoise, devrait être laissé aux médecins, aux professionnels de la santé, ceux qui suivent au quotidien, étudient et soignent les maladies et les malades tels qu'ils se présentent dans leur cabinet ou leur service d'urgence.
Nous ne pouvons donc adhérer ni à la motion 1229 ni à la résolution 344 puisque celle-ci propose notamment d'approuver les principes de la planification sanitaire qualitative, c'est-à-dire en l'occurrence des priorités de santé définies par des politiques. Nous vous invitons - si vous ne voulez pas vous trouver, non pas face à une médecine à deux vitesses mais à de multiples vitesses, différentes selon les maladies dont vous seriez susceptibles de souffrir - à en faire de même.
Qu'en est-il des instruments de planification sanitaire quantitative proposés ? Je ne reprendrai pas le débat sur chacun des points mais je me concentrerai sur le numerus clausus, le carnet de santé et la clause du besoin. Le numerus clausus est un instrument largement discuté au niveau suisse et ailleurs aussi. Mais jusqu'à ce jour nous n'avons vu aucune proposition raisonnable quant à l'instrument de sélection capable de déterminer qui sera un bon médecin. Probablement tout simplement parce qu'il n'existe pas un tel instrument à l'heure actuelle. Car nous sommes bien d'accord sur ce que veut le numerus clausus : c'est une réduction de quantité; il ne s'agit pas d'une réduction de qualité des étudiants futurs médecins. Pour être un bon médecin, il faut notamment être motivé, travailleur et patient; il faut de l'endurance. Le système actuel permet à tous ceux qui garderaient ce magnifique idéal de soigner les autres, de tester leur endurance, leur motivation au cours d'une première année d'étude. Perte de temps ? Pas forcément ! Et ce n'est que le jour où un système de sélection meilleur nous aura été proposé que nous pourrons considérer le numerus clausus.
En ce qui concerne le carnet de santé, il pourrait quant à lui être un instrument intéressant, s'il est conçu comme un outil d'amélioration de la qualité des soins, un outil au bénéfice premier du patient, utilisé dans la plus absolue des confidentialités et non comme un instrument de contrôle. Qualité des soins oui, contrôle jusque dans le plus privé de notre vie, non.
Venons-en finalement à la clause du besoin. Nous ne voulons pas de surveillance de l'Etat sur la médecine privée dans la mesure où, à Genève, l'Association des médecins privés planifie elle-même raisonnablement ses activités. Nous ne voulons pas d'une médecine d'Etat. Nous voulons que la médecine reste un art, nous voulons que chacun puisse choisir son type de médecin ou plus largement son type de thérapeute, son type de traitement tel que négocié, choisi, décidé dans une relation thérapeutique positive, tout en assumant sa part de responsabilité, notamment financière, qui en découle. A trop vouloir surveiller, Monsieur Segond, à trop vouloir contrôler, superviser, taxer, planifier, maîtriser, on finit par tuer la qualité; et cela, nous ne le voulons pas.
Je sais, Monsieur le président, vous avez des chiffres, des comparaisons intercantonales, mais dans ces chiffres n'oublions pas non plus qu'en Suisse un emploi sur six est issu des domaines liés à la santé. A Genève en particulier, la médecine participe activement tant à l'économie qu'à l'emploi. Et surtout, n'oublions pas que les professionnels de la santé, comme dans tous les autres domaines, pourraient être des partenaires et qu'ils le seraient bien volontiers, des partenaires solides d'une planification sanitaire à laquelle ils participeraient pleinement. Plutôt que des contrôles et des surveillances, nous proposons de mieux intégrer les praticiens dans les systèmes de santé, d'associer concrètement la pratique ambulatoire privée aux réseaux de soins existants ou à développer, avec pour objectif une meilleure orientation des patients, la mise en place de filières de soins et l'expérimentation de nouveaux modes de collaboration.
La planification sanitaire ne peut se faire qu'avec les médecins et non contre eux, sinon, au bout du compte, elle sera contre les patients aussi.
J'aimerais terminer par les questions de prévention. Il est aujourd'hui fort à la mode de préférer la prévention aux soins, de détourner les efforts des soins curatifs, qui seraient bien trop techniques, pour les réorienter vers les soins palliatifs ou préventifs, sauf bien sûr lorsqu'on est vraiment malade ! J'aimerais souligner une fois de plus le rôle central, en termes de prévention, de promotion de la santé, du professionnel de la santé proche du patient. A peu de frais et depuis longtemps, les médecins traitants dans leur cabinet font de la médecine environnementale et préventive et de la promotion de la santé, tout comme le font les infirmières dans le cadre notamment des soins à domicile. Il y a donc lieu de valoriser le travail des professionnels privés en termes de prévention et de médecine environnementale.
Je conclurai avec ce message, Mesdames et Messieurs les députés : nous avons encore la chance d'avoir à Genève une médecine de qualité, hospitalière et privée, pas encore complètement «formolisée», malgré une volonté incompréhensible d'affaiblir les professions médicales. Plutôt que de multiplier contrôles et surveillance d'Etat, travaillons avec les professionnels de la santé, en partenaires, pour le mieux de la santé et des finances. Permettez-moi ce mot, Monsieur le conseiller d'Etat : rendons à Segond ce qui est à Segond, mais pas davantage ! Vous l'avez compris, je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte du rapport de M. Godinat mais de refuser la résolution 344-A et la motion 1229. Je vous remercie.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (PDC). Il aura fallu, il est vrai, pas moins de treize séances plénières aux trente commissaires des commissions sociale et de la santé et quatre sous-commissions ad hoc pour venir à bout des analyse et prise de position concernant le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de santé et la planification sanitaire ainsi que le projet de résolution relative à celles-ci. Si cela démontre l'intérêt du sujet, cela en marque surtout la complexité. La complexité dans le domaine de la santé tient effectivement aux questions de politique de santé qui sont intimement liées aux options économiques, politiques et sociales mais plus fondamentalement - et c'est probablement cela qui nous a amenés à travailler autant - à la tradition et à la culture de notre pays et canton dans les considérations et les choix à porter dans le domaine de la santé.
Tout comme pour l'éducation, tout le monde est concerné, chacun a quelque chose à dire et se sent même expert de son expérience. Parallèlement, le jeu des lobbies - ciel qu'ils sont nombreux ! - ne rend pas la tâche du législateur facile, confronté qu'il est aux pressions diverses. Le Conseil d'Etat dit dans son introduction, je le cite, que «planifier, c'est essentiellement restructurer le réseau sanitaire et réorienter les ressources». Si ce n'était que cela ! Mais en considérant ce point de vue, on assiste en fait à une sorte de révolution. Une révolution des conceptions de la santé et des priorités et le débat est bien celui-là. A travers les auditions des multiples acteurs du système de santé, tout a été dit et son contraire.
Finalement, c'est à travers des conceptions personnelles fortes, des expériences vécues et les orientations clefs des différents partis politiques que nous sommes parvenus, très modestement, à proposer une conception plus communautaire de la santé ayant pour conséquence, par exemple, de donner une orientation aux choix politiques telle que : plus de prévention et d'éducation, développement des soins ambulatoires et à domicile, prise en compte des déterminants qualitatifs agissant sur la santé, tel l'environnement, le stress, etc.
Les changements à prévoir et à réaliser sont considérables surtout par le changement de mentalité que cela implique, à travers la conception également du citoyen-client qui devient responsable et informé, ce qui apparaît à certains extrêmement dérangeant. Reste encore à débattre des moyens et ressources pour y parvenir. Les instruments actuels sont en fait en voie de développement dans notre pays : statistiques sanitaires, comptabilité analytique, etc. ne nous permettent pas une bonne identification des mesures nécessaires à toute planification, qu'elle soit cantonale ou fédérale.
Cela cependant ne reste pas suffisant. Il y a les méthodes et les outils nouveaux qui nous sont proposés, tels que le numerus clausus, la clause du besoin et le carnet de santé. A ce niveau, les outils choisis ne sont pas seulement techniques, mais ils sont essentiellement politiques et c'est là le deuxième débat.
Nous sommes donc aujourd'hui dans un processus de changement assez radical - c'est le cas de le dire ! - où les mesures quantitatives dominent largement l'approche qualitative. Il nous faudra donc un certain temps pour que progressivement un rééquilibrage se réalise, pour atteindre l'objectif de la maîtrise des coûts de la santé et répondre en même temps aux trente-huit objectifs de l'OMS. Cette manière de faire est diversement appréciée par les citoyens utilisateurs du système de santé, qui peuvent se sentir aujourd'hui otages du système plus que bénéficiaires. Par conséquent, le PDC souhaite également qu'une évaluation financière soit réalisée sur les nouvelles orientations du système de santé, tels les soins à domicile, les EMS.
La réalité des faits sociaux et économiques nous contraint à poursuivre la réforme entamée, renforcée par une approche plus globale intégrant le quantitatif et le qualitatif, le public et le privé, à travers une mise en réseau des ressources cantonales, régionales et nationales pour le bien de la communauté. Le PDC vous prie d'accepter la résolution 344-A et la motion 1229.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. J'aimerais réagir à quelques interventions, en premier lieu à celle de M. Restellini. Monsieur Restellini, je vous rejoins effectivement sur le fait que la politique sanitaire devrait logiquement précéder une planification hospitalière. Néanmoins nous avons eu, dans le délai parlementaire, des limites objectives puisque la LAMal exigeait une planification hospitalière à la fin 1997; raison pour laquelle la commission n'a pas revu la planification sanitaire quantitative en tant que telle. Nous avons estimé - je vais y revenir - que, d'une part, nous n'avions pas tous les éléments nous permettant d'approuver, sans commentaires, la planification sanitaire quantitative telle qu'elle figure dans le rapport du Conseil d'Etat. D'autre part, la décision prise par le même Conseil d'Etat en matière de reconnaissance de la liste des établissements hospitaliers étant déjà prise, la commission n'avait plus à se prononcer sur cet aspect particulier.
En ce qui concerne votre critique sur les priorités que la commission se seraient permis de définir, non, Monsieur Restellini ! La commission a travaillé en essayant d'avoir une méthode : d'une part définir des principes auxquels on pouvait s'attacher, tels qu'ils figurent dans la résolution et la première partie de celle-ci rassemble un certain nombre de principes généraux dans lesquels nous pensons nous reconnaître. D'autre part, nous avons mis l'accent - et là je rejoins Mme Engelberts - sur la planification sanitaire qualitative; j'y reviendrai parce qu'elle nous paraît très importante.
Enfin les instruments. Là j'aimerais quand même relever un certain nombre de choses : actuellement nous manquons des outils les plus rudimentaires et élémentaires pour nous permettre de définir une planification sanitaire. J'aimerais citer à ce propos ce que souligne M. Gilliand dans son rapport 1996 à la page 47 : «Une stricte comparaison de capacité réceptive en lits médico-hospitaliers Vaud-Genève n'est guère possible en Suisse car les différences entre les vingt-six systèmes de santé sont considérables. De plus, les carences de la statistique sanitaire et des dénominations typologiques variant d'un canton à l'autre compliquent toute comparaison, même entre cantons qui disposent d'éléments chiffrés.» Voilà ce qu'il en est.
Nous sommes à l'aube d'une planification sanitaire en Suisse et, cependant, tout le monde reconnaît la carence des statistiques sanitaires. Nous avons mis l'accent sur la nécessité impérieuse de développer les instruments actuels et d'avoir des instruments nouveaux. Je vais revenir sur ces instruments nouveaux qui me paraissent indispensables pour une politique sanitaire. Quant à votre proposition de commission de suivi, elle me paraît excellente. Il faudra en tout cas en discuter mais je pense que c'est une proposition à retenir.
Quant à Mme Polla, là je suis obligé de lui répondre. Il n'a jamais été question, Madame Polla, d'étatiser la médecine, d'étatiser les structures de soins en général. Notre groupe n'a jamais affirmé une telle chose ! Nous avons défendu le principe d'une complémentarité; nous nous sommes battus et nous nous battrons chaque fois qu'il y aura une privatisation en vue dans le domaine de la santé. Nous tenons à maintenir l'équilibre actuel. C'est la position de fond que nous défendons.
Quand vous dites que la politique de santé, il faut la confier aux seuls médecins, Madame Polla, j'aurais envie de vous conseiller la lecture d'un livre qui m'a paru très utile, écrit par des gens du Canada qui, suite au rapport Lalonde, ont passablement réfléchi sur les problèmes de planification sanitaire. Un excellent ouvrage : «Etre ou ne pas être en bonne santé, biologie et déterminants sociaux de la maladie». C'est un bouquin qui fait la synthèse des travaux scientifiques permettant une réflexion en matière de politique de santé. La conclusion est la suivante : pendant cinquante ans, nous avons bénéficié d'une croissance et d'une expansion des structures de soins liées principalement à la confiance que les politiques faisaient aux acteurs dans ce domaine. Effectivement, on a vu une croissance nécessaire, légitime, liée à la sécurité sociale et liée à la demande de soins. Mais qu'est-il apparu lors de la crise économique des années septante ? Au niveau suisse, on l'a vu : le politique intervient pour réguler un système où l'on observe une augmentation des coûts sans contrôle. Il y a donc nécessité d'intervention du politique comme cela a toujours été le cas en matière de santé publique.
Nous avons besoin de donner aux professionnels des orientations et un cadre pour fixer effectivement des règles. Si nous ne le faisons pas, nous aurons une expansion croissante des coûts. Vous voulez confier aux médecins toutes les tâches sanitaires ? Mais on court à la catastrophe avec une telle proposition, Madame Polla ! Je suis désolé de vous le dire. Nous avons besoin aujourd'hui justement de définir ensemble - y compris avec les différents groupes professionnels - des règles et des priorités en matière de santé publique, c'est ma conviction. Une fois admis que l'on veut maîtriser les coûts, que l'on veut une politique de santé avec des priorités, comment faut-il faire ? Je trouve que la commission, avec toutes les limites d'une commission parlementaire, a travaillé de manière raisonnable. Quand elle a eu connaissance du rapport sur la planification sanitaire qualitative, elle a pensé utile de l'intégrer à ses réflexions. Pourquoi ?
Dans ce document sur la santé des Genevois, on voit que l'OMS a défini trente-huit buts pour la santé de l'an 2000, qui visent à améliorer l'état de santé de la population, à promouvoir des modes de vie favorables à la santé. Or on sait que les comportements, les croyances par rapport à la santé sont des déterminants extrêmement importants qui échappent effectivement à bien des interventions médicales. Il y a nécessité d'intervention au-delà de ce cadre. L'hygiène de l'environnement, les soins appropriés et enfin les stratégies de réalisation : nous nous sommes inspirés effectivement de ces grands objectifs de l'OMS, comme l'ont fait les rapporteurs sur la planification sanitaire qualitative. Nous nous en sommes inspirés et nous avons voulu dire au Conseil d'Etat : sur la base des trente-huit objectifs de l'OMS, regardons ce qui peut être le plus pertinent ! Un travail de synthèse avait déjà été fait dans le rapport de planification sanitaire qualitative et nous en avons retenu l'essentiel dans la motion. A partir de là, le Conseil d'Etat a décidé de procéder à une large consultation pour définir cinq priorités. Nous avons actuellement à la commission des finances un projet de loi qui va dans ce sens. Nous soutenons cette démarche; nous pensons qu'elle est indispensable.
Pour finir sur les instruments nouveaux de la planification sanitaire, j'aimerais ajouter ce qui suit : la clause du besoin, ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas ce qui va nous permettre de résoudre tous les problèmes, mais c'est un instrument indispensable qui nous permettra d'avoir des règles concernant la politique d'achat, par exemple dans le domaine hospitalier, mais aussi dans le domaine ambulatoire. Je pense qu'il serait raisonnable que les médecins se regroupent pour l'achat d'instruments coûteux. Pourquoi faut-il que chaque médecin ait dans son cabinet l'ensemble des instruments qui sont, s'agissant de leur amortissement, une charge pour la collectivité. Il serait extrêmement utile d'inciter les gens à se regrouper pour acheter les instruments indispensables à leur activité et de ne pas leur permettre de faire des investissements individuellement, sans politique sanitaire cohérente dans ce canton. Il existe un suréquipement dans les instruments, par exemple dans l'imagerie, tout le monde le reconnaît.
Il faut établir des règles claires pour qu'à l'avenir chacun, dans un consensus largement partagé, admette que pour les prochains IRM et les prochaines technologies il y aura par exemple trois cabinets médicaux regroupés de spécialistes qui pourront le faire, mais pas tous les groupes. Il faudra répartir les tâches, on sera obligé de procéder ainsi. La clause du besoin me paraît impérative, raison pour laquelle l'Alliance de gauche a déposé un projet de loi sur la clause du besoin.
M. Pierre-François Unger (PDC). Après avoir entendu les différents intervenants, je trouve chez les uns et les autres des raisons valables de suivre leur position. Néanmoins, au vu de la difficulté qu'il y a à prendre une position claire et unique, je me demande si les questions qui ont été posées l'ont été de la manière la plus pertinente.
En effet, la planification a été approchée sous l'angle de ses aspects techniques, voire technocratiques, de ses aspects politiques aussi bien sûr, mais en réalité et à mes yeux, la planification sanitaire est un problème d'abord éthique. Je ne doute pas - connaissant la qualité des députés qui ont travaillé dans les deux commissions réunies - que cette problématique ait été abordée et qu'une conscience éthique ait sous-tendu vos travaux. Néanmoins, je vous rappelle que les fondements de l'éthique médicale se basent sur des principes assez simples. Le premier, c'est le principe de l'autonomie. Toutes les réflexions de la commission ont-elle été axées sur plus d'autonomie pour les patients, pour la population et pour les gens en bonne santé qui doivent pouvoir garder cette autonomie ?
Le deuxième principe de l'éthique médicale, c'est le principe de la bienfaisance. Avons-nous réellement réfléchi - dans le cadre des travaux de cette commission - sur ce qui était bienfaisant pour les gens pour lesquels on est censé établir une planification ? Et puis, il y a deux valeurs que je qualifierais de positives-négatives parce qu'elles sont peut-être trop réalistes par rapport à notre goût de l'utopie dans l'éthique médicale. Il y a celle de la justice distributive. Cette justice distributive, vous l'avez évoquée. Ce peut être la clause du besoin, ce peut être le numerus clausus, mais il y a une justice distributive. Enfin, le problème de la futilité.
Mais ces problèmes éthiques tiennent compte bien sûr des besoins et des moyens dont on entend parler depuis très longtemps, puisqu'à la logique des besoins se substitue la logique des moyens. Il me semble avoir entendu ça quelque part. Je n'ai jamais entendu, en revanche, qu'à ces deux logiques-là se rajoute la logique du savoir. La logique du savoir nous montre des choses tout à fait impressionnantes au virage du troisième millénaire. Les enjeux scientifiques de cette fin de siècle et du début du siècle prochain sont au nombre de deux : la maîtrise du génome humain et la maîtrise du système nerveux central, qu'on le veuille ou non. Que cela nous arrange ou non, ces deux maîtrises arrivent tranquillement à la vue des uns et des autres. Et ces deux maîtrises montrent très fortement à quel point elles s'articulent entre l'individu et son milieu social, environnemental et professionnel. La science nous confronte, à l'évidence, à des enjeux de nature différente qu'une simple planification technocratique.
Quant à moi, je m'abstiendrai sur ces différentes propositions, tant il est vrai que je n'ai pas ressenti suffisamment fortement - dans les rapports des uns et des autres - que la conscience fondamentale était une conscience éthique à l'issue de laquelle les décisions politiques et technocratiques pouvaient être prises.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. Pour revenir aux remarques de M. Unger, je pense qu'effectivement les principes éthiques sont des principes supérieurs. Vous avez tout à fait raison, Monsieur Unger. Certains de ces principes étaient implicites. Au premier paragraphe de la proposition de résolution qui dit, par exemple : «Les principes généraux d'une politique de santé visant à promouvoir l'égalité d'accès aux soins et la qualité des soins...», il est vrai qu'on aurait pu préciser : «dans le cadre de l'indépendance et de l'autonomie», mais n'importe quel professionnel pourvu de conscience applique ce principe éthique. Cela dit, nous pourrions effectivement le rajouter, vous avez tout à fait raison.
En ce qui concerne les deux grandes percées du savoir scientifique à l'aube du XXIe siècle, je peux partager avec vous l'idée qu'il y aura effectivement d'importants progrès dans le domaine génétique, qu'il y aura d'importants progrès dans les neurosciences, mais ne pensez pas que l'on va résoudre par ces percées l'ensemble des problèmes de politique sanitaire. On va progresser dans des champs de savoir extrêmement importants, mais je vous assure, en tant que psychiatre, qu'il va rester une dose d'inconnu. Nous aurons affaire aux croyances des patients et aux mythes que les patients ont comme guide dans leur existence et qui leur posent parfois des problèmes. Nous aurons encore du pain sur la planche. Je pense que nous avons à garder une certaine modestie en la matière. Je suis vraiment partisan du développement des neurosciences et du génie génétique. Je trouve que ces percées sont intéressantes, mais gardons les pieds sur terre, la politique sanitaire doit répondre à d'autres principes que le développement de ces deux secteurs.
M. Albert Rodrik (S). Je n'interviens pas, en principe, dans les débats touchant la santé et le social, mais des souvenirs sont venus à mon esprit tout à l'heure en entendant une certaine intervention. J'ai rejoint ce qui est maintenant le département de l'action sociale et de la santé, le 1er décembre 1977. La «guerre civile» faisait rage et le reproche adressé à feu Willy Donzé était : «Vous voulez étatiser la médecine.» Vingt et une années sont passées, quatre conseillers d'Etat ont défilé; j'ai l'impression que c'est l'objectif politique le plus loupé de la République parce que si vraiment il avait existé, on l'aurait véritablement totalement, mais totalement raté. Je voudrais simplement dire une petite chose ici : mon Dieu, cessons de débiter ce genre de choses.
Le député libéral qui était assis pendant très longtemps à la place de Mme Polla - et qui m'honorait de son amitié - avait reçu de ma part cette interrogation : avec quels moyens légaux et quels moyens financiers l'Etat de Genève pourrait-il bien étatiser la médecine ? Ces questions n'ont toujours pas reçu de réponse, par conséquent la médecine genevoise n'est pas, Dieu merci, étatisée ! Merci pour elle.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les débats de votre assemblée plénière qui reflètent ceux qui ont eu lieu dans le cadre de la commission. En guise de conclusion à ce débat sur la planification sanitaire, il faut rappeler - aussi paradoxal que cela puisse paraître - qu'à la veille de l'an 2000 la vision de la santé dans le monde occidental repose sur deux constatations qui sont complètement contradictoires.
D'une part, jamais dans l'histoire du monde une population n'a été en meilleure santé en termes d'espérance de vie à la naissance, de mortalité infantile et d'accès aux soins. D'autre part, jamais non plus la distribution des soins médicaux, la densité des infrastructures sanitaires lourdes, de manière générale l'organisation du système de santé et son fonctionnement n'ont suscité autant de critiques relatives à son coût.
Ces critiques sont souvent ressenties comme injustes par les professionnels de la santé. La médecine a fait des progrès spectaculaires - et M. Unger vient de dessiner encore quelques lignes d'avenir - ces cinquante dernières années. Après des millénaires d'impuissance, elle nous a donné le pouvoir de triompher de toute une série de maladies qui étaient fatales à nos ancêtres, mais aussi à nos grands-parents, telles que la tuberculose, la syphilis, la variole. Aujourd'hui des transplantations d'organes sont possibles. Et les lois qui président à la formation de la vie et à l'attribution du patrimoine génétique commencent à être connues et sont prometteuses de succès futurs.
Il faut résoudre cette contradiction entre un formidable succès du système de santé et une grande discussion sur son fonctionnement et ses coûts. Les autorités suisses et les autorités genevoises ont donc pensé concilier ces deux contradictions par l'idée de planification sanitaire et en particulier de planification hospitalière. Cette idée de planification sanitaire, cette idée de planification hospitalière est un exercice techniquement difficile et politiquement délicat : non seulement vous avez eu de la difficulté à maîtriser cette matière mais, en même temps, vous avez eu de la difficulté à arrêter des choix : nous nous retrouvons au terme du débat avec trente priorités, c'est-à-dire aucune.
Quelle démarche le Conseil d'Etat, face à cet exercice techniquement difficile et politiquement délicat qu'est la planification sanitaire, a-t-il suivie ? Il s'agit d'une longue démarche. Elle a commencé, il y a maintenant près de huit ans, par la décision du Conseil d'Etat de choisir d'abord une méthode, de choisir une grille de lecture du système de santé. C'est ce que le Conseil d'Etat a fait il y a maintenant huit ans, en 1990, en retenant les trente-huit objectifs de santé définis par l'OMS pour l'Europe occidentale comme grille de lecture de la situation genevoise. Après avoir choisi la méthode, le Conseil d'Etat a fait procéder à deux bilans par des institutions universitaires qui, comme vous le savez, ont pour charge d'établir les faits de façon à ce que l'échange des opinions se fasse sur une base factuelle, scientifiquement établie par des instances académiques.
Ces deux bilans, vous les connaissez : c'est, d'une part, le bilan de santé des Genevois publié par l'Institut de médecine sociale et préventive et c'est, d'autre part, le bilan de santé du système de santé de notre canton, qui a été établi par le professeur Gilliand.
On nous dit : ce sont des décisions autoritaires qui sont proposées par l'autorité cantonale. C'est oublier, Mesdames et Messieurs - parce que les êtres humains et notamment les députés n'ont pas beaucoup de mémoire - que tous ces documents ont été mis en consultation, il y a maintenant deux ans, auprès de plus de trois cents partenaires du secteur public comme du secteur privé, qu'ils ont été mis à jour en tenant compte de toutes les observations recueillies et qu'ils ont été publiés.
Une fois ce travail accompli, le Conseil d'Etat a décidé de procéder par trois démarches simultanées : premièrement, établir les principes de la politique de santé; ensuite définir la planification quantitative qui définit des crédits, des lits, des journées d'hospitalisation, qui est essentiellement destinée à des gestionnaires; enfin, le Conseil d'Etat a élaboré une planification qualitative qui, à l'intérieur des moyens donnés par la planification quantitative, définit des objectifs de santé et propose cinq priorités choisies au terme d'une procédure de consultation des professionnels de la santé.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous sommes dans le débat politique. Et les députés de ce Grand Conseil, je l'espère, vont donner leur agrément - vu les conclusions des commissions des affaires sociales et de la santé - aux principes qui gouvernent le système de santé et à la planification sanitaire quantitative. En outre, vous allez nous demander l'étude de nouveaux instruments de planification que nous allons conduire. Enfin, vous aurez, à la fin de l'année, à voter dans le cadre du projet de budget 1999 la planification qualitative, celle qui donne du sens à toute l'opération : elle définit cinq priorités de santé pour tous les acteurs publics et privés du système de santé de notre canton pour les quatre prochaines années à venir.
J'aimerais remercier les membres des deux commissions qui, sous la houlette - je n'ose pas parler de férule - de Mme de Tassigny, ont conduit de nombreux travaux dans des circonstances souvent difficiles. J'aimerais remercier en particulier le rapporteur pour un rapport excellent, compte tenu de la difficulté de faire une bonne synthèse sur cette matière. J'aimerais donc vous inviter à voter les textes qui vous sont proposés par les deux commissions des affaires sociales et de la santé.
RD 281-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
R 344-A
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(344)
relative à la planification sanitaire (1998-2001)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,vu :
- la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal), en particulier l'art.39,
- la loi cantonale d'application de la LAMal (J 3 05),art.3, al.1,
- la loi cantonale instituant un plan directeur des prestations sanitaires (K 1 10),
- le rapport Gilliand sur le système de santé genevois publié en décembre 1996,
- le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001),
- les rapports sur la planification sanitaire qualitative publiés en janvier 1998,
- les décisions prises par le Conseil d'Etat sur la liste des établissements hospitaliers en 1997,
- la loi sur l'aide à domicile (K 1 05),
- la loi sur les établissements médico-sociaux (J 7 20),
décrète
1. Les principes généraux d'une politique de santé visant à promouvoir l'égalité d'accès aux soins et la qualité des soins sont approuvés.
2. Les principes généraux d'une planification sanitaire visant notamment à promouvoir la santé et la prévention des maladies et des accidents, à développer les réseaux de soins ambulatoires, à domicile et hospitaliers sont approuvés.
3. Les principes de la planification sanitaire qualitative sont approuvés.
4. La mise en oeuvre des instruments existants de la planification, notamment les statistiques sanitaires, la comptabilité analytique, les indicateurs de qualité, la liste des fournisseurs de prestations, les mandats de prestations, est approuvée.
5. Le Conseil d'Etat est chargé de fournir un rapport sur les nouveaux instruments de la planification sanitaire tels que la clause du besoin, le carnet de santé, la limitation du nombre d'étudiants en médecine et la limitation du nombre de places de stages hospitaliers après une large consultation des milieux concernés.
M 1229
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1229)sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le rapport de la planification sanitaire ;
- la résolution 344-A ;
- la nécessité de définir des objectifs et des moyens dans la planification sanitaire ;
- la nécessité de maîtriser les coûts de la santé ;
invite le Conseil d'Etat
A
Pour maintenir et, si possible, améliorer l'état de santé de la population genevoise à poursuivre de façon générale les buts suivants :
1. réduire les décès prématurés et maladies évitables, grâce aux connaissances scientifiques actuelles par une action ciblée notamment sur les maladies cardio-vasculaires, le cancer du sein, le SIDA, les traumatismes non intentionnels, les douleurs du dos, la dépression et le suicide ;
2. diminuer ou éliminer certains déterminants comportementaux et environnementaux ayant un impact négatif sur la santé par une action ciblée notamment sur le tabagisme, l'alcoolisme, la toxicomanie, le stress et la maltraitance ;
3. prévenir les effets de la précarisation sur la santé par une action visant à réduire les effets néfastes du chômage et de l'isolement ;
4. réduire les conséquences des maladies sur la qualité de vie, en particulier avec les soins palliatifs ;
5. préserver les acquis du système de santé tout en améliorant sa qualité, son accessibilité et son efficience ;
6. développer la recherche scientifique fondamentale et clinique ;
B
1. promouvoir une planification sanitaire intercantonale notamment entre les cantons de Vaud et de Genève, voire régionale ;
2. encourager une meilleure collaboration entre les secteurs privé et public sous le principe de la complémentarité dans tous les domaines, y compris la formation et renforcer la concertation nécessaire entre les partenaires, acteurs du système de soins ;
3. évaluer les besoins de soins hospitaliers afin de déterminer le nombre de lits nécessaires en tenant compte de manière adéquate du secteur privé tout en garantissant l'accès pour tous ;
4. développer un tableau de bord statistique détaillé et opérationnel pour faciliter des comparaisons fiables entre public et privé ;
5. mettre en place un système d'information adéquat et performant, et renforcer la concertation nécessaire entre les partenaires, acteurs du système de soins, afin de guider le système de santé et évaluer son impact en termes d'efficacité et son efficience ;
C
Envisager une réforme du système de santé selon les axes prioritaires suivants:
1. une augmentation importante et coordonnée des activités de prévention et de promotion de la santé au niveau de la population générale par des actions tout public à travers les médias et dans des lieux spécifiques (centre d'action sociale et de santé, centres de quartier, pharmacies, écoles) et par des actions ciblées pour des personnes à haut risque ;
2. un changement des pratiques médicales mettant l'accent sur une approche préventive, intégrant les divers aspects de la santé, soutenu par des incitatifs financiers et une formation pré-, postgraduée et continue appropriée ;
3. un déplacement des activités de l'hospitalier vers l'ambulatoire, essentiellement dans le but d'augmenter la qualité de vie des malades, le seul but de la réduction des coûts ne correspondant pas aux résultats de cette analyse, ni aux expériences faites ailleurs ;
4. une maîtrise des coûts qui, tout en conservant le niveau actuel des dépenses, vise à augmenter l'efficience du système des soins (ceci concerne autant les soins hospitaliers qu'ambulatoires), et à attribuer les ressources ainsi dégagées aux activités de prévention et de promotion de la santé, de la recherche et de la formation continue ;
5. une meilleure information par un rappel régulier à chacun de sa responsabilité personnelle dans l'augmentation des coûts de la santé ;
6. la désignation d'une instance coordinatrice responsable de veiller à la mise en oeuvre de l'ensemble du plan d'action défini dans la politique de santé, chaque institution, organisation ou association concernée assumant ses responsabilités telles que précisées au préalable.
D
1. à présenter un rapport détaillé et chiffré et financier sur les effets de la planification sanitaire (1998-2001) ;
2. à fixer les objectifs pour maîtriser les dépenses et orienter les ressources, et fournir au Grand Conseil une évaluation financière qui recouvre tous les principes d'application et les instruments prévus dans le rapport du Conseil d'Etat relative à la planification sanitaire (1998-2001).
Le président. A la demande du Conseil d'Etat, le Bureau à l'unanimité vous propose de traiter maintenant le point 89 qui est intimement lié à celui que nous venons de traiter. Pour traiter cet objet, je cède la présidence à notre deuxième vice-président. Je suis appelé à des tâches officielles et ne reviendrai que dans une heure ou deux.
Présidence de M. Roger Beer, deuxième vice-président
Sous la présidence de Mme M.-F. de Tassigny et avec la collaboration de M. P.-O. Vallotton, directeur de cabinet, la Commission des affaires sociales a consacré quatre séances à l'examen du projet de loi 7870. Les commissaires remercient Mme N. Seyfried ainsi que MM. L. Ricou et J.-L. Constant qui ont assuré les procès-verbaux de ces séances.
La séance du 1er septembre a été réservée à l'audition de MM. M. Barde, président de la Conférence des caisses d'allocations familiales genevoise (CCAFG), J. Pellet et L. Abbé-Décarroux, respectivement chef de service des allocations familiales et gérant-adjoint de la CIAM-AVS, celle du 8 septembre à l'audition, en présence de M. G.-O. Segond, président du Département de l'action sociale et de la santé, de Mme D. Siebold et M. J.-Cl. Risse, respectivement directrice et juriste de la Caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC), celle du 15 septembre à l'audition de MM. J. Robert et J.-M. Varcher représentants de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et enfin la séance du 22 septembre a été consacrée à la fin de la discussion et aux conclusions des commissaires.
Rappel
Suite au jugement du Tribunal fédéral du 30 octobre 1997, lequel conclut, au nom du principe de la légalité, à l'annulation des termes "; au moins " figurant dans les art 27 al. et 28 al. 1 de la loi du 1er mars 1996 sur les allocations familiales, le Conseil d'Etat proposa la modification des dispositions concernées. Pour mémoire, la situation actuelle retient un taux de contribution de 1,3 % "; au moins " de la masse salariale, respectivement du revenu. Cette disposition fixe donc un taux plancher sans prévoir de plafonnement. Selon le Tribunal fédéral, "; cette situation ouvre la porte aux abus et ne permet pas de protéger les personnes tenues de s'affilier à une caisse d'allocation familiale face à une caisse qui fixerait le taux de contribution à un niveau exagérément élevé ". Le Conseil d'Etat examina ainsi les deux solutions retenues par le Tribunal fédéral, soit celle d'un taux unique de contribution et celle d'un taux plancher et d'un taux plafond, pour retenir la deuxième d'entre elles. Par ailleurs, afin d'éliminer des dysfonctionnements constatés à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi dès son entrée en vigueur le 1er janvier 1997, le Conseil d'Etat profita de l'occasion pour soumettre au Grand Conseil la modification des articles suivants : l'art. 12, al. 3, l'art. 45, al. 4 et l'art. 50, al.1 et al. 2.
Travaux de la Commission des affaires sociales
La discussion s'est essentiellement axée sur la disposition sujette à controverse, soit celle concernant le taux de contribution. Dans cette perspective, la commission a passé en revue les avantages et les inconvénients des deux solutions largement présentées et commentées par le Conseil d'Etat dans l'exposé des motifs relatif au projet de loi 7870. La commission a également brièvement examiné les autres modifications suggérées par le Conseil d'Etat. Enfin, elle a étudié les propositions d'amendements présentés par la CGAS au cours de son audition.
1. Le taux de contribution
Plusieurs éléments militent en faveur du taux unique de contribution. En premier lieu, son adoption impliquerait nécessairement la création d'un fonds de compensation des allocations du type de celui de l'AVS destiné à remettre à chaque caisse les sommes dont elle a besoin pour payer les allocations et ainsi à coordonner les mouvements financiers entre les caisses d'allocations familiales. Cette solution, retenue dans le projet de loi fédérale sur les allocations familiales, permettrait notamment, comme nous l'avons souligné précédemment, d'introduire une meilleure régulation des flux financiers ainsi que de dégager des ressources supplémentaires par la suppression de la complexité administrative du système actuel de compensation.
En deuxième lieu, avec ce système s'ouvrirait la possibilité de renforcer financièrement le dispositif de l'allocation d'encouragement aux études ou de prolonger le versement de l'allocation familiale. Il permettrait également de supprimer le système actuel de compensation partielle des charges.
Enfin, dans la mesure où des projections financières ont permis d'établir qu'un taux unique de contribution fixé à 1,7 % permettrait de couvrir les charges de l'ensemble des caisses privées et publiques, ce système aurait pour conséquence un allégement sensible des charges des affiliés-ées à certaines caisses privées ayant actuellement un taux élevé de contribution.
En revanche, ce système nécessiterait une refonte complète de la loi, ce qui prendra inévitablement du temps. Dans l'immédiat, en raison de l'urgence qu'il y a à corriger les imperfections de la loi actuelle (elles coûtent de 100 000 F à 150 000 F par mois à la caisse de l'Etat), le Conseil d'Etat accorde sa préférence à la variante d'un taux plancher et d'un taux plafond.
Les auditions nous ont permis de prendre connaissance des différents points de vue, tant au niveau des employeurs, qu'à celui des employés-ées.
Ainsi, pour la CCAFG, la variante du taux unique est à rejeter pour plusieurs raisons, dont voici les principales :
- la variante du taux unique amènerait à terme la mise en place d'une caisse unique. Elle conduirait donc à la fin des caisses familiales par métier et ainsi à la suppression des relations privilégiées entre caisses familiales et bénéficiaires ;
- elle nécessiterait une refonte profonde du système, car seule la solution d'un taux plancher et d'un taux plafond respecterait notamment le dispositif actuel de financement des allocations d'encouragement aux études ;
- elle aurait un impact négatif pour certains-es employées-ées, dans la mesure où certaines conventions collectives de travail prévoient de donner davantage que le minimum fixé par la loi.
Contrairement à la CCAG, la CGAS privilégie la solution du taux unique, ceci pour le motif principal suivant :
- le système actuel qui autorise, comme la variante d'un taux plancher et d'un taux plafond, des taux différents de contribution poussent certaines entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment, à quitter leur caisse d'allocation familiale pour rejoindre une caisse moins chère. A terme, les représentants syndicaux craignent une dérégulation et un démantèlement de tout le système d'institution sociale dans les secteurs concernés. En effet, les entreprises qui quittent les caisses d'allocations familiales à leurs yeux trop chères le font pour économiser les primes. Ce faisant, elles tendent à provoquer une augmentation des primes dans les caisses actuellement considérées comme "; bon marché ", ce qui amènera tôt ou tard, mais au prix du démantèlement des institutions sociales de ces secteurs, au taux unique.
Par ailleurs, la CGAS relève que la variante du taux unique ne signifie pas nécessairement une caisse unique comme le montre l'exemple des nombreuses caisses gérant l'assurance-chômage, ceci malgré un taux unique de cotisation. S'agissant des conventions collectives de travail, la CGAS relève que rares sont celles qui prévoient des allocations supérieures au minimum fixé par la loi.
2. Les autres modifications suggérées par le Conseil d'Etat
Les modifications des articles 12, al. 3, 45, al. 4 et 50, al. 1 et al. 2 ne nécessitent pas de commentaires particuliers autres que ceux figurant dans l'exposé des motifs relatifs au projet de loi 7870, dans la mesure où il ne s'agit, comme le relève le Conseil d'Etat à l'appui de son projet de loi, que de l'élimination des dysfonctionnements constatés à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi.
3. Les propositions d'amendements présentées par la CGAS
Lors de son audition, la CGAS forte de sa pratique en la matière, profite de l'occasion qui lui est donnée pour nous transmettre des suggestions de modification de la loi sur les allocations familiales. Il s'agit plus particulièrement :
a) à l'art. 12, al. 1, d'étendre le délai de cinq ans non seulement au droit de demander la restitution comme déjà proposé dans le projet de loi, mais également au droit de percevoir des allocations arriérées. Cette proposition vise à reprendre la symétrie inscrite dans la loi actuellement en vigueur entre le délai de restitution des allocations familiales versées à tort et le délai pour faire valoir ce droit. Il s'agit ainsi de fournir une meilleure protection aux salariés-ées dont l'employeur aurait négligé de demander des allocations familiales, en étendant à 5 ans le délai pendant lequel 2 ans d'allocations familiales arriérées peuvent encore être demandées ;
b) à l'art. 3 al. 2 de supprimer les mots "; prépondérant et ". Cela signifierait qu'une personne qui contribuerait de manière durable à l'entretien d'un enfant a droit à une allocation familiale. Il s'agirait ici de supprimer une condition qui pose, selon la CGAS, outre un problème d'inégalité de traitement, des difficultés quant à son application, notamment lorsqu'il convient de tenir compte du coût de la vie à l'étranger, ou encore lorsqu'il faut déterminer laquelle des deux personnes ayant un salaire plus ou moins égal contribue à l'entretien d'un enfant de manière prépondérante ;
c) à l'art. 4 al. 1 de supprimer le mot "; partiellement ". Par la sorte, il s'agit d'effacer un pléonasme, mais aussi de supprimer, en insistant sur l'aspect partiel de la participation, des discriminations non souhaitées, selon la CGAS, par le législateur.
4. Les conclusions de la Commission
La commission, sensible à l'urgence de la situation, décide à l'unanimité de suivre la proposition du Conseil d'Etat en retenant la variante d'un taux plancher et d'un taux plafond. Cependant, une majorité des commissaires (représentants-es de l'Alliance de gauche, du parti socialiste et des Verts), estimant qu'à terme, pour les diverses raisons exprimées dans ce rapport, la solution du taux unique s'impose, se réserve le droit de revenir avec un projet de loi pour l'introduire. En attendant, elle demande au Conseil d'Etat de reprendre au plus vite avec les partenaires concernés les discussions sur la variante du taux unique.
S'agissant des suggestions faites par la CGAS, la commission décide de n'entrer en matière que sur celle (art. 12 al. 1) portant sur les articles visés par le projet de révision présenté par le Conseil d'Etat. Les propositions concernant l'art. 3 al. 2 et l'art. 4 al. 1 seront reprises en considération dans le cadre de la future révision de la loi souhaitée par la majorité de la commission pour introduire le taux unique de contribution.
Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs les députés, la Commission des affaires sociales, unanime, vous prie de suivre ses conclusions et de voter le projet de loi 7870 tel qu'il ressort de ses travaux.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7870)
modifiant la loi sur les allocations familiales (J 5 10)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur les allocations familiales, du 1er mars 1996, est modifiée comme suit :
Art. 12, al. 1 et 3 (nouvelles teneurs)
1 Le droit aux allocations familiales arriérées se prescrit par 2 ans à compter du moment où le bénéficiaire a eu connaissance de son droit à percevoir des allocations familiales, mais au plus tard 5 ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues.
3 Le droit de demander la restitution se prescrit par 2 ans à compter du moment où la caisse d'allocations familiales a eu connaissance des faits, mais au plus tard 5 ans après le paiement indu. Si ce droit naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est alors déterminant.
Art. 27, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le taux de contribution correspond au moins à 1,3 % et au plus à 2,5 % de la masse des salaires mentionnée à l'alinéa 1.
Art. 28, al. 1 (nouvelle teneur, sans modification de la note marginale)
1 Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution correspondant au moins à 1,3 %, et au plus à 2,5 % des revenus soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants, mais au minimum 120 F par année.
Art. 45, al. 4 Statut des requérants d'asile (nouvelle teneur)
4 Les requérants d'asile au bénéfice de subsides de l'assistance publique fédérale n'ont pas droit aux allocations familiales prévues par la présente loi. Pour les requérants d'asile qui ne perçoivent pas ou plus de subsides de l'assistance publique fédérale, le droit aux allocations familiales pour leurs enfants vivant à l'étranger est régi par l'article 21b de la loi fédérale sur l'asile, du 5 octobre 1979, et de ses dispositions d'exécution.
Art. 50 Entrée en vigueur (nouvelle teneur)
1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1997, sauf les articles 2, alinéa 1, lettre b, et 28, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2000. Les conjoints sans activité lucrative des personnes qui exercent une activité indépendante ou des personnes qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur exempté des cotisations AVS ne peuvent pas, dans l'intervalle, se prévaloir d'un droit aux allocations familiales pour personnes sans activité lucrative.
2 Est abrogée, dès le 1er janvier 2000, la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955 ; dans l'intervalle, les agriculteurs indépendants percevront les prestations dues en vertu de la présente loi, applicable par analogie.
Article 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
13. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :
A. Préambule
1. Introduction
Le programme d'action CIM
Suite à la publication, par le groupe d'experts Cimex, d'un rapport qui mettait en évidence le retard que l'industrie suisse accusait dans le domaine de la production intégrée, le Conseil fédéral a émis, le 28 juin 1989, un message portant sur le lancement d'un programme d'impulsion destiné à aider les entreprises à combler ce décalage (programme d'action CIM). Ce message prévoyait notamment la création de six centres régionaux de formation CIM (Computer Integrated Manufacturing) devant assurer :
- la formation et le perfectionnement, principalement en cours d'emploi ;
- la recherche et le développement axés sur la pratique ;
- le transfert de technologie.
Il est important de noter que ces objectifs sont très proches des tâches assignées aux hautes écoles spécialisées dans la loi fédérale du 6 octobre 1995, en complément à un enseignement axé sur la pratique :
- proposer des mesures de perfectionnement professionnel ;
- se charger de travaux de recherche et développement ;
- fournir des prestations à des tiers.
La redéfinition des objectifs du centre CIM tiendra compte de ces nouvelles missions de l'école.
La première convention relative au CCSO (1991-1996)
En réponse au message du Conseil fédéral du 28 juin 1989, les cantons romands ont déposé un dossier de candidature commun qui prévoyait la création d'un centre directeur à Givisiez et de six antennes cantonales réparties dans les cantons (CCSO).
Sur le plan genevois, l'exposé des motifs accompagnant la loi genevoise du 28 novembre 1991 pour la mise en place des techniques d'intégration CIM prévoyait la création d'un centre de promotion (CIM-Genève), dont les activités portaient sur :
- le conseil en entreprises ;
- la formation ;
- la recherche et le développement.
Une première convention, couvrant la période 1991-1996, a été signée par l'ensemble des cantons romands. Elle précisait la structure et le rôle des différents partenaires du CCSO et reposait sur l'hypothèse d'un financement du réseau par la Confédération pour un montant de 20 millions de francs, par les cantons pour un montant de 16 millions et par d'autres sources, dont la Commission pour l'encouragement à la recherche scientifique (CERS) devenue, entre-temps, la Commission pour la technique et l'innovation (CTI).
2. Relations entre CIM-Genève et le CCSO en termes de projets, budgets et responsabilités
2.1 En terme de projets
Le dossier de candidature du CCSO prévoyait une large participation des antennes cantonales à la mise en oeuvre des projets.
En ce qui concerne Genève, cette participation a été faible en raison, essentiellement, du fait que le Centre CIM-Genève n'a pas été en mesure de développer les activités de son centre d'appui.
Le tableau qui suit illustre ce déséquilibre : les lignes indiquent le nombre d'interventions dont chaque canton a bénéficié de la part des autres centres, les colonnes indiquent, pour chaque centre, le nombre d'interventions dont il a fait bénéficier les autres cantons.
Nombre d'interventions du CCSO dans les cantons
(période janvier 1993 - mars 1998)
Centre
CIM-Fr
CIM-Vd
CIM-Vs
CIM-Ne
CIM-Ge
CIM-Ju
CAPPS & CA-EI
Site industriel
Total
FR
64
1
36
3
0
1
30
135
VD
28
37
21
9
9
5
28
137
VS
14
2
107
3
3
7
19
155
NE
9
1
13
26
0
5
19
73
GE
4
3
2
4
29
4
11
57
JU
5
0
2
2
1
29
4
43
Autres
13
1
14
9
3
11
23
74
Total
137
45
195
56
45
62
134
674
(Chiffres mis à jour en mars 1998)
2.2 En terme de budgets
Sur la base de la première convention, le coût pour Genève de sa participation au CCSO a été le suivant :
Versement au CCSO selon convention
Participation du CCSO au salaire du directeur
Participation du CCSO au centre d'appui
Coût net du CCSO
1991
514 594
-120 000
-100 000
294 594
1992
540 499
-120 000
-200 000
220 499
1993
567 454
-120 000
-200 000
247 454
1994
595 809
-120 000
-200 000
275 809
1995
625 564
-120 000
-50 000
455 564
1996
656 720
-120 000
-50 000
486 720
Total
3 500 640
-720 000
-800 000
1 980 640
2.3 En terme de responsabilités
Selon la première convention, le centre directeur émettait des directives générales qui fixaient les grandes lignes d'action du CCSO. Les centres cantonaux jouissaient d'une large autonomie qui leur permettait, notamment, de développer les activités et centres de compétences qu'ils souhaitaient, en bénéficiant d'un financement partiel de la part du CCSO.
L'expérience des cinq années passées et la suppression des subventions de la Confédération ont conduit le CCSO à revoir son organisation.
3. Le bilan du projet CIM
3.1 Bilan du centre CIM-Genève
Depuis sa création, le centre CIM-Genève a poursuivi trois types d'activités :
- le conseil aux entreprises ;
- la formation ;
- la recherche et le développement.
3.1.1 Le conseil aux entreprises
Les activités de conseil portent sur la mise en oeuvre de nouvelles méthodes de gestion de la production et les réorganisations opérées dans les perspectives d'intégration de la production et d'application de normes de qualité.
Ainsi, de 1993 à 1997, 27 actions de conseil ont été entreprises par CIM-Genève. Voir annexe 1
3.1.2 La formation
En matière de formation, le centre offre trois types de prestations :
- la formation sur catalogue, assurée en fonction des besoins exprimés par les entreprises, des tendances nouvelles, d'intérêts spécifiques, etc. ;
- la formation à la carte, organisée en fonction des besoins spécifiques d'une ou plusieurs entreprises ;
- les ateliers pratiques, formations très pragmatiques, qui reposent sur la résolution, in situ, de problèmes rencontrés dans une entreprise.
De 1993 à 1997, 210 cours ou séminaires ont été organisés, 2000 personnes issues de 370 entreprises y ont participé. Les charges liées à l'organisation des cours et séminaires sont pratiquement couvertes par les produits.
3.1.3 La recherche et le développement
En matière de recherche appliquée, le centre CIM-Genève a créé successivement deux centres d'appui, dont la conception et le développement impliquaient une collaboration étroite avec l'Ecole d'ingénieurs.
- Le centre d'appui en télécommunications (CAT)
Créé en 1992, le CAT devait assurer la formation et le conseil en télécommunications. Très vite, il s'est trouvé en concurrence avec le centre d'appui "; informatique " réalisé par le CCSO qui, avec des moyens très supérieurs, était actif dans le même domaine.
Après une année d'un fonctionnement principalement orienté vers la formation, des difficultés d'organisation sont apparues. En mai 1994, le conseil d'administration a décidé l'abandon de cette activité.
- L'atelier flexible (ATF)
Le projet de l'atelier flexible :
Un atelier flexible est conçu comme un système de production capable de s'adapter, dans un délai court, à de nouvelles contraintes imposées. Situé dans les locaux de l'Ecole d'ingénieurs, l'atelier flexible devait permettre la démonstration, en conditions industrielles, des modalités d'adaptation de la production.
Le bilan de l'atelier flexible :
Un projet détaillé a été établi en collaboration avec un groupe d'experts issus de l'industrie. Il prévoyait divers dispositifs fortement intégrés autour d'un système informatique gérant les stocks, le fonctionnement des installations et le contrôle des pièces.
L'acquisition des premières machines s'est déroulée tout à fait normalement. Cependant, en raison du temps qui s'est écoulé entre la décision de création de l'ATF et son équipement, le développement de l'atelier a été suspendu en 1994. Dans ce type de projet, il est difficile de maintenir un rythme d'investissement qui soit en parfaite adéquation avec l'évolution des besoins.
Les machines servent actuellement à l'usinage de pièces complexes pour l'industrie et surtout de site de démonstration et d'expérimentation des actions menées dans le cadre de i-tech (développement de systèmes de production intelligents) dans la perspective de la mise en place de la haute école spécialisée (HES).
3.2 Bilan du CCSO
Dans le cadre de la première convention, il a fallu deux ans pour mettre en place une organisation efficace. Aujourd'hui, avec son réseau intercantonal décentralisé, le CCSO représente un soutien important pour les petites et moyennes entreprises du pays. Il est une des portes d'entrée pour les PMI/PME vers la collaboration régionale, nationale et internationale en matière de projets de R & D.
Au cours des cinq dernières années, 3000 projets ont été menés avec les entreprises. Aujourd'hui, bien qu'il n'ait pas changé de nom, le CCSO a abandonné la référence aux seules techniques CIM. Il est en mesure de fournir aux entreprises, de larges prestations orientées TOP (Technologie-Organisation-Personnes). Elles ont été développées en fonction des besoins définis par les entreprises et portent sur l'analyse d'entreprise, la définition des stratégies, la conception et le développement des produits, les questions d'équipements et d'organisation de production et la gestion des ressources humaines.
Complémentarité intercantonale
On compte en moyenne l'intervention de deux antennes cantonales par projet. Un résultat qui démontre, d'une part le succès du support pluridisciplinaire du CCSO et, d'autre part, l'importance de l'organisation en réseau.
Coopération au niveau international
Depuis 1992, le CCSO a lancé quelque 30 projets internationaux (en grande partie dans le cadre Eureka).
Financement par les projets
La Confédération et le CCSO sont convaincus que le financement des centres doit être assuré essentiellement au travers de mandats confiés par les entreprises, complété par une subvention publique. Les mandats assurent la nécessaire liaison entre les centres et le terrain industriel.
Collaboration avec la Commission pour la technique et l'innovation (CTI)
Une analyse menée par la CTI a montré que le CCSO entretient un réseau très dense de relations avec l'économie et a obtenu, dans le cadre de la plupart de ses interventions, des résultats qui ont été mis en oeuvre à l'échelle industrielle.
4. Les nouveaux objectifs du CCSO et de CIM-Genève
4.1 La nouvelle convention
La Communauté d'action CIM de Suisse occidentale a chargé une commission d'établir une convention intercantonale. Après avoir dressé un bilan critique de l'activité du CCSO pour les cinq années écoulées, la commission a proposé la prolongation de cette collaboration pour cinq ans.
La nouvelle convention porte principalement sur :
- la professionnalisation du réseau dans le cadre de la mission vis-à-vis des PMI/PME ;
- le renforcement du centre directeur dans le sens d'une meilleure coordination ;
- un financement par des mandats ;
- le soutien aux entreprises par les centres de promotion cantonaux et par le développement de centres de compétences spécifiques.
Le projet ainsi établi a été accepté par la Communauté d'action CIM de Suisse occidentale lors de sa séance du 26 janvier 1996.
4.2 Perspectives de CIM-Genève
La responsabilité du centre a été transférée, en 1995, du Département de l'économie publique à celui de l'instruction publique. Le centre a été réorganisé et ses objectifs ont été redéfinis.
Dans la perspective du renforcement de la participation genevoise au réseau du CCSO, les statuts de l'association pour le centre de promotion CIM-Genève ont été modifiés afin que les industriels genevois soient mieux associés au projet.
Les activités de formation au bénéfice des entreprises ont été très favorablement accueillies. Cependant, l'organisation de formation devra être envisagée dans la perspective de la mise en place du système de formation des HES, CIM-Genève continuant de jouer un rôle d'initiateur dans ce domaine.
En ce qui concerne l'atelier flexible, l'intérêt du prototypage rapide est de pouvoir disposer, dans un délai très court et à moindre coût, d'un prototype industrialisé et apte à être commercialisé. Cet atelier sera transformé pour devenir, également dans la perspective de la mise en place de la HES, un centre de compétences en prototypage rapide et développement de systèmes intelligents.
4.2.1 Le conseil aux entreprises
Les résultats obtenus dans le domaine du conseil aux entreprises montrent que le centre doit être confirmé dans cette mission. La prospection doit être amplifiée et adaptée au tissu industriel en mutation permanente, en mettant l'accent sur les PMI/PME récemment créées.
Il est prévu d'y ajouter des activités dans le domaine financier en intégrant le centre de compétences "; EI-Finances " actuellement rattaché au centre directeur du CCSO.
Son objectif est l'introduction, au sein des entreprises, voire des administrations, des techniques suivantes :
- La comptabilité analytique, permet de mieux cerner les prix de revient, le rendement par atelier, par produit, etc.
- La comptabilité par processus, détermine le rendement et les coûts des processus indirects,
- Le business plan est un dossier synthétisant tous les aspects d'un projet ou d'une entreprise,
- Le target costing consiste à confronter le prix de vente imposé par le marché avec le prix de fabrication.
5. Les avantages pour Genève et les entreprises locales d'une participation au CCSO
Priorité aux PMI/PME
Le tissu industriel genevois comprend une large proportion de PMI/PME et la principale mission du CCSO est de les soutenir dans leurs projets d'innovation. La participation active du centre CIM aux côtés des entreprises, dans le cadre de nombreux projets, a démontré que ce centre répond à un besoin des entreprises.
Pour coller aux nouvelles exigences du marché, les entrepreneurs devraient avoir des compétences de niveau élevé à la fois dans les domaines de l'économie, des finances, de la technique, de l'organisation et de la gestion des ressources humaines. Grâce à ses 40 spécialistes et à sa collaboration étroite avec de nombreux instituts de recherche en Suisse et à l'étranger, le CCSO dispose d'un réseau de compétences pluridisciplinaires qui est une opportunité unique pour les entreprises.
Proximité des entreprises locales
Grâce à son organisation en réseau, le CCSO est à même de répondre aux besoins des entreprises locales. Du fait qu'ils visitent systématiquement les entreprises, les responsables des antennes cantonales du CCSO connaissent parfaitement le tissu industriel où ils opèrent. En terme de communication et de proximité, le centre CIM est un atout considérable pour les PMI/PME.
La Suisse romande aux avant-postes de l'innovation
La plate-forme internationale que représente le CCSO a permis à l'industrie romande de participer à plus de la moitié des projets d'innovation Eureka lancés par la Suisse dans le domaine de la productique. Le CCSO a également permis l'accès de 55 entreprises à des projets d'innovation cofinancés par la CTI.
Le retour sur investissement
Les expériences passées montrent que le retour sur investissement pour les cantons, par le biais notamment des projets CTI et Eureka, dépasse largement l'apport financier cantonal au CCSO. De plus, les connaissances acquises au travers de projets industriels, menés en collaboration avec d'autres partenaires, permettent une notable amélioration de la compétitivité des entreprises et, par-là, la sauvegarde de nombreux emplois.
Projets d'innovation et répercussion sur l'emploi
Les projets industriels menés par le CCSO permettent d'améliorer la réactivité des entreprises face à leur marché. Ces actions concernent trois phases distinctes du cycle d'innovation, dont chacune détermine une action positive sur l'emploi :
- l'amélioration et le renouvellement des produits créent de nouvelles possibilités d'emploi ;
- l'industrialisation des nouveaux produits concrétise ces possibilités ;
- l'amélioration des processus de production et de gestion participe à la capacité concurrentielle des entreprises, donc de l'emploi.
Dans les trois phases de l'innovation, il est indéniable que les projets du CCSO, et par conséquent de CIM-Genève, contribuent au renforcement de l'économie genevoise. Ceci est d'autant plus vrai que les structures de CIM-Genève sont très modestes (2 à 3 personnes).
B. Discussions au sein de la commission et auditions
Les discussions relatives à l'octroi de la subvention en faveur de CIM-Genève ont rapidement montré une bipolarisation des positions :
- Une partie des commissaires estime que, bien que tout n'ait pas parfaitement fonctionné jusqu'ici, CIM-Genève a apporté, et continuera d'apporter, un soutien efficace aux petites PMI/PME qui n'ont pas les ressources nécessaires pour étudier une amélioration de leur outil de production. Il est nécessaire de dissocier l'efficacité du centre CIM-Genève de celle de l'atelier flexible.
D'autre part, du fait de son appartenance au réseau du CCSO, CIM-Genève met à portée des entreprises genevoises un ensemble de compétences qui n'a vraisemblablement pas son équivalent.
Par conséquent, bien que des mesures doivent être prises pour corriger les problèmes rencontrés, et tout particulièrement en ce qui concerne l'atelier flexible, il est primordial de maintenir la subvention octroyée à CIM-Genève.
- D'autres commissaires pensent que la réalité consiste à avoir dépensé des millions pour l'atelier flexible qui n'a jamais fonctionné, parce que non terminé. Les résultats extrêmement faibles sont dus au fait que CIM-Genève n'a pas été en mesure de développer les activités de son propre centre d'appui, pour des raisons d'organisation interne et d'inadaptation aux besoins du réseau.
On a le sentiment qu'on sort d'une expérience mal conduite. On pourrait imaginer de lancer un autre type de projet, pour autant qu'il offre plus de garantie que le précédent.
Ces commissaires sont prêts à discuter, étant favorables à un soutien aux PMI/PME.
Lorsque le dossier a été entièrement repris par le DIP et à l'arrivée de M. Jacques Thiébaut, directeur général de l'OOFP, il a été constaté que l'antenne genevoise avait quelques problèmes : la collaboration prévue entre CIM et l'Ecole d'ingénieurs n'a jamais véritablement fonctionné; la spécificité du centre genevois, à savoir un centre d'appui en télécommunications, ne s'est jamais mise en place. Enfin, le vrai problème a été lié à l'atelier flexible qui a présenté, à l'époque, une mauvaise décision.
Par contre, d'autres activités ont donné de bons résultats au niveau de la collaboration en matière cantonale et de nombreuses entreprises ont bénéficié de cet élément en réseau.
Auditions de MM. Meier, directeur du CCSO, Kunz directeur de CIM-Genève et Perraudin directeur administratif de CIM-Genève
M. Meier, directeur du CCSO, indique que les activités du CCSO ont commencé par une phase de préparation de programmes et de promotion, encouragée par la Confédération, ceci en collaboration avec les industriels, des syndicats et différentes associations. De cette préparation, est sorti un cahier des charges définissant sept centres régionaux répartis dans toute la Suisse. La Suisse romande s'est proposée de s'organiser en réseau.
Par la suite, il y a eu un bouleversement total des marchés, notamment au niveau du cycle de vie des produits qui s'est considérablement réduit. La vision de CIM, d'automatisation totale, s'est rapidement avérée être un piège dans la mesure où ce n'est plus la machine qui pourrait apporter la flexibilité voulue. Tout devait reposer sur l'homme et le changement dans l'organisation. Cette évolution dans la vision est précisément apparue pendant la phrase de lancement du programme CIM et de l'atelier flexible. Le CCSO, dans les années 1992 à 1995, a assimilé les nouveaux concepts et les a adaptés aux PMI/PME. La vision actuelle est donc bien plus large que celle qui était uniquement basée sur la technologie.
M. Meier souligne que la mission du CCSO est clairement définie : soutien de la compétitivité du tissu économique et création d'emploi à valeur ajoutée. Le public cible du CCSO sont les petites et moyennes entreprises (start-up, restructuration, entreprise établie, etc.). Une caractéristique de ces dernières est liée à leurs contraintes financières. D'où une contribution financière par les cantons, d'au minimum un tiers, modeste si on la compare avec celle perçue par d'autres organisations.
De 1993 à 1997, le CCSO a réalisé 333 projets industriels pour 263 sociétés de l'ensemble de la Suisse romande. Entre 40 et 50 % de ces sociétés ont réalisé ensuite un deuxième ou troisième projet. C'est donc un indicateur précieux de l'appréciation de la qualité des prestations fournies.
Depuis 1992, CIM-Genève a participé à vingt-sept projets. Neuf sont actuellement en cours, sept se poursuivent par des projets CTI. L'approche est toujours sensiblement la même : de l'analyse de la situation organisationnelle de l'entreprise à l'analyse au niveau de la production du produit. A ce stade, on peut orienter l'entreprise et, le cas échéant, s'adresser aux spécialistes des différents centres du réseau.
CIM-Genève a plus reçu de prestations du réseau du CCSO, qu'il n'en a fournies. Pour remédier à cette situation, un centre d'appui en finances a déjà démarré à Genève ce qui devrait permettre aux PMI/PME de disposer des compétences voulues dans la mise en place de moyens de gestion.
Remarque : si l'accent a beaucoup été mis sur le volet qui n'a pas donné satisfaction, il ne faut oublier les deux autres qui ont bien fonctionné, soit le conseil en entreprises et la formation. Le conseil en entreprises devrait, progressivement, s'autofinancer. Quant à la formation, à titre d'exemple, en 1997, 70 séminaires ont été organisés et ils ont concerné un millier de personnes. Cela représente un chiffre d'affaires annuel supérieur à 400 000 francs.
Audition de l'UIG
M. Pasche, secrétaire général de l'UIG, précise que la position de l'UIG s'éloigne quelque peu de celle de l'UAPG. Toutefois, les divergences ne sont pas fondamentales.
Puis, citant le bulletin de l'UIG, il souligne que la création de i-tech a été considérée par les milieux patronaux comme une bonne idée. Par contre, il s'agit de ne pas dissocier le présent projet de loi du projet de loi 7724 relatif à l'enseignement professionnel supérieur, dans la mesure où ils ont, l'un et l'autre, des effets importants sur la formation continue et le transfert de technologie.
M. Pasche signale que l'UIG a estimé qu'il pourrait être intéressant de soutenir ce dispositif, comme d'autres cantons le font, en une antenne rattachée à la promotion économique, soit au niveau du Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, soit au niveau de l'OPI. D'autre part, l'UIG pense qu'une partie des tâches effectuées par CIM-Genève devrait être rattachée à l'Ecole d'ingénieurs.
S'agissant de la formation, l'UIG préconise que tout ce qui a trait à une formation à caractère supérieur soit attaché, soit à la future Haute école de gestion, soit à l'EIG. Le reste de la formation pourrait être, sans trop de difficulté, confié à la future institution IFAGE. Pour ce qui est de la partie "; conseil aux entreprises ", l'UIG est d'avis que la future Haute école de gestion devrait en assurer la quasi-totalité, ce qui renforcerait le dispositif de la HES genevoise.
Les commissaires expriment leur volonté de savoir si i-tech va bien dans la bonne direction et si les propos du secrétaire général de l'UIG reflètent bien l'avis des membres du comité.
Audition de l'AGEEIT (Association des enseignants des écoles d'ingénieurs et techniques)
Si elle reconnaît être intervenue dans la rédaction de l'exposé des motifs relatifs à la précédente loi CIM, l'AGEEIT relève qu'à son sens le fonctionnement du Conseil du Centre de promotion n'a pas été satisfaisant. Par ailleurs, elle a appris, entre-temps, que les statuts avaient été modifiés et que l'atelier flexible allait être reconverti en atelier de prototypage rapide.
D'autre part, l'AGEEIT s'interroge sur le contrôle que peut avoir le Grand Conseil sur l'affectation des fonds par rapport à la concrétisation des objectifs définis dans l'exposé des motifs. Elle émet la suggestion que, si des éléments liés à des activités de formation, de recherche et de développement doivent véritablement être mis en place, alors il faut que ce soit dans le cadre de la HES.
L'AGEEIT constate que i-tech a été présenté comme une structure souple et légère. Si elle abonde dans ce sens, elle pense néanmoins que les activités de i-tech devront être élargies à l'ensemble des domaines. Il faudrait également rattacher cette structure à la HES.
En conclusion, les députés soulignent la modicité de la somme en jeu en regard de l'enveloppe examinée par les parlementaires et s'étonnent de la lourdeur des propositions de l'AGEEIT.
Auditions des sociétés Sixtech, Infomed et Hartek
Ce sont trois entreprises, parmi d'autres, dans lesquelles CIM-Genève est intervenue, seule ou en collaboration avec d'autres membres du réseau.
D'entrée, les sociétés auditionnées signalent que, outre les activités de conseil offertes par CIM-Genève, elles apprécient beaucoup la formation offerte par cette dernière. La collaboration avec CIM-Genève représente une porte d'entrée sur son réseau, par exemple pour la recherche de nouvelles technologies ou de capitaux. Par ailleurs, aux dires du directeur technique de Sixtech, sans l'intervention de CIM-Genève, la société n'existerait vraisemblablement plus.
Hartek, qui a beaucoup souffert de la crise, cherchait un "; coaching " pour se remettre sur les rails. Selon son expérience, les approches faites par CIM-Genève sont particulièrement bien adaptées à une structure de PMI/PME, dans les sens où elle est pragmatique, peu coûteuse et proche du terrain. L'aide apportée a consisté en une analyse profonde de l'entreprise. Elle a impliqué l'ensemble du personnel dans la définition d'une stratégie et la recherche d'un fil conducteur. Ce mandat a débouché sur un projet CTI, financé par Hartek et la Confédération. Il porte sur une étude des marchés autant clients que fournisseurs. Il s'agit notamment d'établir un processus, avec une organisation bien précise. Hartek reconnaît qu'il aurait été difficile, pour elle, d'en gérer tous les aspects et les priorités. Dans tout ce travail, CIM-Genève a représenté une structure bien adaptée à une petite entreprise, qui lui a facilité les contacts et surtout permis de préserver le capital humain.
Le représentant de Hartek précise que la relation genevoise est primordiale parce que CIM-Genève connaît les besoins de l'industrie locale.
Sixtech a travaillé sur un projet "; spot light " qui vise à analyser la performance et le retour sur investissement de nouvelles technologies. Sur ce point, CIM lui a apporté un conseil performant, en s'appuyant largement sur le réseau du CCSO. Ce type d'accompagnement est particulièrement utile à une jeune société qui n'aurait ni le temps, ni les moyens, de prendre en charge à elle seule tout le processus de remise en question.
Quant à Infomed, son représentant précise qu'il s'agit d'une société relativement jeune, centrée actuellement sur la production d'une machine d'hémofiltration. Pour conquérir le marché en pleine croissance, il faut des moyens financiers importants et une certification répondant à de nombreuses exigences. Au travers de CIM, la société s'est vite trouvée en contact avec le réseau du CCSO, dont les collaborateurs, très efficaces, ont su poser, très rapidement, une série de jalons. Ces démarches ont abouti à la création d'un capital au travers d'investisseurs qui vont probablement explorer le marché américain. Le rôle de CIM n'est pas terminé, puisque Infomed doit obtenir une certification ISO 9000 dans le domaine médical. Elle a donc plus que jamais besoin d'experts.
Précisons que toutes ces prestations ont été facturées aux entreprises et il ressort clairement de l'audition des entreprises que la disparition du Centre CIM ou la rupture avec le CCSO leur serait dommageable.
Discussions de la commission
Malgré une divergence d'opinion quant au poids relatif que représenteront les centres CIM et les HES dans l'attribution des subventions de la CTI, il s'avère que ce n'est pas au moment où la Confédération décide de s'appuyer sur les centres CIM, et en particulier sur le CCSO, que Genève doit se retirer du réseau CIM.
D'autre part, l'audition des trois entreprises laisse apparaître un clivage entre l'UIG, représentant les grandes entreprises bien établies à Genève, et le type de PMI/PME auditionnées, qui n'en sont d'ailleurs pas membres et n'ont pas forcément le même intérêt.
Plus généralement, pour éviter de se retrouver dans la solution actuelle, il pourrait apparaître souhaitable de n'allouer la subvention que pour une période probatoire. A la fin de cette période, une évaluation serait menée. Sur cette base, un nouveau vote permettrait de débloquer, ou non, la subvention pour les années suivantes.
Par ailleurs, la question est posée, eu égard à ce qui se passe dans d'autres cantons, de faire figurer le budget de CIM-Genève au Département de l'économie publique afin de rassembler, dans ce dernier, tout ce qui concerne l'aide aux PMI/PME.
Il semble cependant préférable de rapprocher le centre CIM de la HES, donc de le laisser dans le Département de l'instruction publique. En effet, s'il s'avérait impossible de maintenir une association indépendante, on pourrait imaginer que CIM soit rattaché, d'une manière ou d'une autre, à la nouvelle direction cantonale de la HES. Rappelons qu'une des missions essentielles de cette dernière est précisément d'assurer les relations entre les écoles et les entreprises. Il est donc important de permettre au centre CIM d'avoir des relations privilégiées avec les écoles et de pouvoir confier des mandats aux différentes composantes de la Haute école spécialisée. Il y a cohérence entre le rattachement des HES et de CIM au DIP.
Supprimer purement et simplement la subvention CIM, ceci même sur une courte période, équivaudrait à casser une dynamique existant entre le centre, adapté aux besoins de la petite entreprise, et les PMI/PME elles-mêmes. La grande entreprise a montré qu'elle n'avait pas forcément les mêmes besoins. Enfin, s'agissant de projets Interreg en particulier, le CCSO a montré, qu'en raison de sa vision globale et régionale, il est à même d'apporter et de mettre en synergie les compétences présentes dans les différents cantons.
Vote :
Entrée en matière: oui à l'unanimité,
Amendements :
demandant l'inscription au budget de la promotion économique de cette subvention cantonale: refusé par 7 non et 6 oui,
que la subvention prenne fin en 1999 et que celle couvrant les années 2000 et 2001 pourra être votée sur la base d'un rapport présenté par le Conseil d'Etat au Grand Conseil: accepté par 7 oui, 4 non et une abstention,
Vote d'ensemble: oui à l'unanimité.
C. Conclusion
Votre Commission des finances a répondu favorablement et à l'unanimité au projet de loi 7690 ainsi qu'au rapport répondant à la motion 1089-A. Ce projet de loi avait pour objet deux crédits de fonctionnement au titre de subventions cantonales annuelles pour d'une part participer financièrement au centre CIM de Suisse occidentale et d'autre part à son antenne genevoise.
Les travaux de la commission répondent également à cette volonté très momentanée qu'ont eu quelques députés de purement et simplement supprimer cette subvention au budget 1998 sans avoir une parfaite connaissance des tenants et des aboutissants d'une telle décision.
Il est certain que votre Commission des finances a pu réaliser une véritable évaluation de cette ligne budgétaire et éviter toute confusion quant au fait d'une réelle activité de formation, de perfectionnement et d'accompagnement de PME et PMI.
Cependant, à l'avenir et pour tenir compte des expériences passées et assurer une certaine cohérence, les activités de CIM-Genève se restreindront au conseil aux entreprises (gestion de production et financière, qualité, etc.). Les activités de formation, ainsi que celles de i-tech, seront transférées dans le cadre des écoles genevoises de la HES.
La subvention cantonale quant à elle a été définie en deux parties : l'une finançant les années 1998 / 1999 et l'autre couvrant les années 2000 / 2001 sur la base d'un rapport du Conseil d'Etat et d'un vote de votre Grand Conseil d'ici à septembre 1999 de manière à ce qu'elle puisse être inscrite au budget de l'année 2000.
Par cette décision, votre Grand Conseil a évité des conséquences bien négatives pour nos PME/PMI. Outre le licenciement des trois collaborateurs du centre CIM-Genève et la rupture des engagements pris auprès des entreprises partenaires, la renonciation à la participation du canton de Genève au CCSO pour le perfectionnement professionnel et la promotion des techniques CIM aurait deux conséquences particulièrement fâcheuses :
- priver les PME/PMI genevoises d'une possibilité d'accès à cette collaboration régionale, nationale du réseau des centres CIM, et à limiter à ces entreprises le bénéfice des financements disponibles dans le cadre de projets CTI, Eureka, Interreg,
- compromettre l'accès des écoles genevoises de la HES-SO au financement de mesures visant à créer les compétences nécessaires en matière de recherche appliquée et développement. (Le CCSO est, depuis plusieurs années, un interlocuteur privilégié de la CTI). Il est aujourd'hui évident que la CTI s'appuiera sur l'expertise du CCSO pour apprécier les projets de la HES-SO en matière de recherche appliquée.
En conséquence, nous vous proposons Mesdames et Messieurs les députés, de suivre le préavis positif et unanime de votre Commission des finances et d'accepter ce projet de loi ainsi que la réponse du Conseil d'Etat à cette motion.
Annexes :
1. Résumé des activités 93/97 de CIM-Genève auprès des entreprises
2. Nombre d'organisations (entreprises et institutions) impliquées dans les projets du CCSO (97 /98)
3. Message sur le financement de mesures de la Commission pour la technologie et l'innovation visant à créer, dans les hautes écoles spécialisées, les compétences nécessaires en matière de recherche appliquée et de développement durant les années 1998 et 1999.
4. CIM - Gestion de production intégrée - Productique.
proposition de motion(1189)
concernant le centre CIM
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le projet centre CIM (Computer integrated manufacturing) de Suisse occidentale (CCSO) et le projet CIM-Genève ;
- les crédits importants votés par le Grand Conseil en novembre 1991 pour la mise en place de ce projet (près de 9 millions de francs) ;
- l'intérêt que ce projet CIM pourrait avoir pour les PME, les PMI ainsi que pour l'enseignement technique appliqué ;
invite le Conseil d'Etat
à faire rapport au Grand Conseil sur :
- la relation CIM-Genève et CCSO en termes de projets, de budgets et de responsabilités ;
- le bilan du projet CIM et sa situation actuelle ;
- le bilan de l'atelier flexible ;
- les nouveaux objectifs envisagés, leur opportunité et les risques encourus ;
- les moyens financiers à disposition ;
- les rapports entre le CIM-Genève, l'Ecole d'ingénieurs et l'industrie.
ANNEXE 1
2324ANNEXE 2ANNEXE 3272829303132333435363738394041424344454647484950515253ANNEXE 455565758596061
Premier débat
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. Les discussions que nous avons eues en décembre dernier sur cette subvention ont au moins le mérite d'avoir permis à notre commission des finances d'examiner avec beaucoup de précision l'origine et finalement les difficultés que CIM Genève en particulier a vécues, de comprendre un certain nombre de réformes de CIM Genève et des structures du CCSO, mais surtout de constater que CIM (Computer integrated manufacturing) est d'un intérêt majeur et constitue une véritable condition-cadre pour nos PME et PMI. Je vous invite par conséquent à lire les témoignages figurant dans ce rapport en page 14 puisque cette condition-cadre, CIM-Genève et CCSO, est un véritable accompagnement pour nos entreprises, soit pour la création d'entreprises, soit pour des entreprises en restructuration ou tout simplement pour des entreprises qui veulent remettre en question tout ou partie de leur fonctionnement.
Nous avons également pu constater que ce réseau CIM de Suisse occidentale avait un certain nombre de compétences. Compte tenu de son historique, la commission des finances a proposé entre autres, à l'article 4 - c'est indiqué en page 17 - que notre subvention cantonale puisse être libérée en deux parties : d'une part une subvention qui se terminera à fin 1999 et, d'autre part, une deuxième tranche pour les années 2000 et 2001 qui sera votée suite à un rapport du Conseil d'Etat.
Je vous propose de suivre la commission des finances qui, à l'unanimité, a voté ce projet de loi 7690 qui fait également office de réponse à la motion 1089-B. Je vous remercie.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'aimerais tout d'abord remercier les députés de la commission des finances, qui ont accompli un travail important, et répondre à un engagement pris à leur égard, puisque l'autre jour je me suis engagée à leur donner des renseignements sur l'état actuel et notamment la collaboration avec les hautes écoles spécialisées.
Tout d'abord une très bonne nouvelle : dans le domaine industriel, il y a à l'heure actuelle des mandats en cours avec quatorze entreprises, dont dix sont genevoises. Pour l'ensemble de ces entreprises, il s'agit de montants très importants auxquels les entreprises participent elles-mêmes pour plus d'un million de francs, ce qui en soi est une marque d'intérêt importante par rapport au projet.
S'agissant des hautes écoles spécialisées, une deuxième bonne nouvelle : nous avons regroupé le centre CIM à la direction genevoise des hautes écoles spécialisées HES-SO et, par ce biais, nous sommes en mesure de dire qu'il y a à l'heure actuelle de beaux projets qui sont déjà en cours de mise en forme. L'un concerne le domaine de la chimie appliquée aux bâtiments et le développement des produits écologiques sans solvants - ce qui intéressera certains députés dans cette salle, je l'espère - et l'autre le domaine de la construction métallique pour la conception d'un système de parcage modulaire, ce qui intéressera d'autres députés dans cette salle, pas nécessairement les mêmes.
Tout cela pour vous dire que la réforme porte ses fruits, que la collaboration sur le plan genevois est devenue beaucoup plus intensive et que les contacts avec les entreprises sont de très bonne qualité. Par ailleurs, la collaboration intercantonale avec le centre romand se passe très bien. Le bénéfice pour le territoire genevois est un bénéfice de qualité aussi. Je crois que vous avez voté la confiance, vous voterez aussi la sécurité en recevant le rapport intermédiaire. C'était une bonne décision de la commission des finances et je vous remercie de la voter en plénière.
PL 7690-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7690)
ouvrant deux crédits de fonctionnement au titre de subventions cantonales annuelles pour couvrir :
a) la participation financière du canton de Genève à la Communauté d'action de Suisse occidentale pour le perfectionnement professionnel et la promotion des techniques CIM (Computer integrated manufacturing);
b) le financement de l'antenne genevoise du Centre CIM de Suisse occidentale (CCSO) et des centres de compétences qui lui sont rattachés.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Crédits de fonctionnement
1 Une subvention annuelle de 519 660 F est accordée à la Communauté d'action de Suisse occidentale pour le perfectionnement professionnel et la promotion des techniques CIM.
2 Une subvention annuelle de 300 000 F est accordée à l'antenne genevoise du Centre CIM de Suisse occidentale (CCSO).
Article 2 Budget de fonctionnement
Ces subventions sont inscrites au budget de fonctionnement sous la rubrique 390000.365 (39.02.01/365.63).
Article 3 Buts
Ces subventions doivent permettre de couvrir la participation financière du canton de Genève à la Communauté d'action de Suisse occidentale pour le perfectionnement professionnel et la promotion des techniques CIM (Computer integrated manufacturing) et le financement partiel de l'antenne genevoise du Centre CIM de Suisse occidentale (CCSO) et des centres de compétences qui lui sont rattachés.
Article 4 Durée
La subvention prend fin en 1999 et celles couvrant les années 2000 et 2001 pourront être votées sur la base d'un rapport présenté par le Conseil d'Etat au Grand Conseil.
Article 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
M 1089-B
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le rôle important de Genève dans la défense des droits de l'homme ;
- le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme célébré cette année ;
- les violations de plus en plus fréquentes et graves de cet accord international nécessitant la mise en place de nouvelles mesures et structures ;
invite le Conseil d'Etat
à créer un «bureau des droits de la personne».
EXPOSÉ DES MOTIFS
Préambule : de plus en plus souvent les "; droits de l'homme " sont appelés désormais "; droits de la personne ", même si pour l'heure l'appellation officielle reste "; droits de l'homme ". D'où dans ce texte la double utilisation, selon que sont cités titres ou traités officiels ou principes.
Le 10 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies proclamait la Déclaration universelle des droits de l'homme comme "; l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction. "
1998 marque donc le 50e anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme. Et pourtant l'heure n'est ni à la fête ni aux célébrations pompeuses. 50 ans après avoir été proclamée, la Déclaration des droits de l'homme n'a jamais été autant bafouée. "; Un échec accablant " s'exclamait récemment Mme Mary Robinson, haut-commissaire aux droits de l'homme.
Ce texte voté au lendemain de la seconde guerre mondiale est presque parfait. Ce n'est pas son contenu, qui est un échec, c'est son application et son respect. De plus en plus il faut se rendre à l'évidence. De beaux textes ne suffisent pas et ne suffiront jamais. Seule l'éducation, la formation, la connaissance des droits et des responsabilités de chacun, l'imprégnation de certaines valeurs pourront avoir des effets sur le comportement de la population et de nos dirigeants.
Au cours des années passées, la Suisse a adhéré à différents traités relatifs aux droits de la personne l'engageant notamment à multiplier ses efforts en matière d'éducation à ces droits. Malheureusement les initiatives sont restées très locales et occasionnelles. Contrairement à d'autres Etats européens, la Suisse ne s'est pas dotée d'une institution indépendante, d'envergure nationale, ayant pour mission de s'occuper des droits humains sous tous leurs aspects.
Et pourtant les droits de la personne, leur respect, la formation à leur connaissance devient une préoccupation internationale. Après la conférence de Vienne, en 1993, l'ONU a décidé de créer le haut-commissariat aux droits de l'homme. Puis, ce sont nos autorités fédérales qui ont suivi cet exemple et créé en 1994 une division ad hoc (la division de politique IV) au sein du DFAE, marquant ainsi la volonté affichée du Conseil fédéral de créer une division indépendante pour toutes les questions touchant aux enjeux politiques émanant des droits de la personne.
Et à Genève
Notre canton vient d'avoir l'honneur d'inaugurer au Palais Wilson le haut-commissariat aux droits de l'homme. De nombreuses ONG s'occupant de la défense de droits humains bafoués ont leur siège à Genève. Aujourd'hui, l'Etat devrait suivre cette impulsion donnée par l'ONU et la Confédération et s'inscrire dans la dynamique locale du haut-commissariat et du monde des ONG. L'Etat de Genève devrait se doter de sa propre structure.
Il y a quelques années notre canton a fait oeuvre de pionnier en créant le bureau de l'égalité. Poursuivons sur cette voie dans le domaine des droits de la personne. Bureau des droits de la personne ? Monsieur ou Madame droits de la personne ? Qu'importe son nom. Il aura pour tâche essentielle d'assurer des projets de formation, d'éducation et de sensibilisation au sein du DIP, voire aussi dans d'autres secteurs publics ou privés (police, employeurs, syndicats, etc.). Il serait aussi chargé de créer des liens étroits avec la vie associative oeuvrant dans ce domaine, afin de pouvoir bénéficier de ses connaissances et compétences très riches.
Certes, il serait faux de laisser croire que le DIP est resté, jusqu'à aujourd'hui, inactif dans ce domaine. Déjà sous l'impulsion de M. le conseiller d'Etat Dominique Föllmi, une telle "; cellule " existait, mais celle-ci a rapidement disparu. A l'heure actuelle quelques enseignants disposent d'heures de décharge pour traiter de certains sujets ayant trait aux droits de la personne, mais aucun lien n'existe entre les différents degrés et aucune stratégie globale n'est proposée. Et cela est regrettable, car un tel fonctionnement nuit non seulement à l'efficacité des projets, mais démultiplie le travail qui est inévitablement mené de manière identique dans divers secteurs sans synergie commune.
Financement
Un tel projet engendrera bien évidemment des coûts ! Un salaire (à plein temps ou à temps partiel) et des charges de fonctionnement. Pour en assurer le financement, et afin de ne pas alourdir le budget de l'Etat ni priver le secteur de l'enseignement d'un poste, nous proposons de couvrir ces frais par le biais du "; fonds jeunesse " (réf. 36.04.01 - 233.26) créé pour venir en aide aux enfants touchés par la tuberculose. Cette maladie ayant quasi disparu sous nos latitudes, le Conseil d'Etat a alors pris la décision, le 4 juillet 1990 de modifier l'affectation de ce fonds qui est désormais destiné à favoriser l'instruction, la scolarisation ou l'intégration scolaire d'enfants et d'adolescents.
Malgré cette modification d'affectation, ce fonds est relativement peu sollicité. Ces dernières années il n'a que peu été utilisé et il pourrait donc être attribué à ce projet. Il est aussi à noter que les heures de décharge dégagées pour certains enseignants dans le domaine des droits de la personne tomberont, engendrant ainsi des économies. Et il sera temps dans 3 ou 4 ans de procéder à une évaluation de cette nouvelle structure.
Conclusion
Genève connaîtra une année 1998 riche en événements concernant le 50e anniversaire de la Déclaration universelle.
A la fin août, et grâce à un appui très important de la Confédération, une rencontre mondiale de défenseurs des droits de l'homme a eu lieu dans notre canton, dont la cérémonie de clôture s'est déroulée dans la salle même du Grand Conseil.
Plus de trente projets d'expositions, manifestations, conférences, débats, etc., émailleront tout l'automne à Genève, avec le soutien du Conseil d'Etat, et le 10 décembre, date anniversaire de la Convention, un prix des droits de l'homme sera attribué dans notre ville à un défenseur particulièrement méritant.
Cette motion demandant au Conseil d'Etat d'instaurer un "; bureau des droits de la personne " nous permet d'associer notre canton à cet événement important et de participer à la construction d'un monde plus respectueux de l'être humain.
Le renvoi de cette proposition en Commission des finances permettra de mieux découvrir encore les enjeux importants qu'un tel projet pourrait faire naître et ses auteurs vous remercient d'avance, Mesdames et Messieurs les députés, de lui faire bon accueil.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de citer une phrase pour commencer : «Ce qui est important, c'est la mise en oeuvre des droits de l'homme.» Cette phrase, c'est M. Halpérin qui l'a exprimée lors de la dernière séance de notre Grand Conseil. Et, pour que nous puissions vivre cette mise en oeuvre des droits de l'homme, il faut de l'information, il faut de la formation, de la sensibilisation et de l'expérience. Il faut que tous ces paramètres soient assurés, et c'est ce que propose cette motion.
On peut faire aujourd'hui deux constats : le premier, c'est que rarement les droits de l'homme, cinquante après avoir été prononcés, n'ont été autant bafoués. Le deuxième constat, c'est que le rôle de la société civile dans la mise en oeuvre des droits humains est de plus en plus important, est de plus en plus reconnu. Les besoins concernent aussi bien l'analyse des actions possibles que la transmission de connaissances et de perspectives. Mobiliser la société civile, c'est lui offrir la chance de voir chaque individu prendre en compte les droits humains, tant au plan éthique qu'au plan politique. Quand je dis société civile, je ne dis pas seulement un ensemble d'individus, mais un large éventail de groupements, d'organisations et aussi de structures d'Etat.
Mesdames et Messieurs les députés, la société civile est responsable de la mise en oeuvre des droits de l'homme et on doit lui donner les moyens d'assurer cette mise en oeuvre. Je propose que cette motion soit renvoyée en commission des finances pour que celles et ceux qui douteraient éventuellement du bien-fondé de cette motion puissent entendre un certain nombre de personnes qui travaillent déjà dans ce secteur de manière admirable, et que ces personnes puissent venir faire valoir leurs arguments.
Mme Janine Berberat (L). Le groupe libéral soutient le renvoi en commission de cette motion et plus précisément en commission des finances, compte tenu des coûts à prévoir et de la proposition de financement qui est faite. Toutefois, Madame la députée Reusse-Decrey, si personne ne conteste la nécessité de promouvoir la défense des droits de l'homme, on peut se demander si la multiplication de bureaux, associations ou autres ne va pas plutôt dans le sens d'une division des énergies apportées et des moyens.
Genève doit-elle vraiment, à l'instar de l'ONU et de la Confédération, créer son propre bureau de la personne ? Ne pourrions-nous pas, dans un esprit d'ouverture et de collaboration, participer à ce qui se fait déjà ? Les structures existantes seraient-elles imperméables les unes aux autres ? L'idée est de créer au sein du DIP des projets de formation, d'éducation et de sensibilisation. Selon les motionnaires, les bonnes volontés existent déjà et des heures de décharge pour traiter de certains sujets ayant trait aux droits de l'homme sont accordées. On peut imaginer qu'un très grand nombre, pour ne pas dire tous les enseignants, sont concernés pas ce message et le transmettent tout au long de leurs cours. La difficulté pour eux ne réside pas forcément dans l'absence d'un bureau de la personne, mais peut-être dans la difficulté de trouver encore de la place dans la grille horaire des élèves, grille qui n'est pas extensible à toutes les nombreuses demandes émanant de notre Grand Conseil.
On peut aussi se poser la question sur la problématique des fonds. On nous propose d'utiliser un fonds qui ne sert à rien ou presque. Initialement, il était destiné à venir en aide aux enfants touchés par la tuberculose. Cette maladie ayant heureusement disparu, on a affecté ce fonds à favoriser l'instruction, la scolarisation et l'intégration d'enfants et d'adolescents. Nous apprenons que, malgré cette nouvelle affectation qui répond pourtant à une préoccupation très actuelle des enseignants, ce fonds n'est pas vraiment sollicité. Pourquoi et combien y a-t-il de fonds dormants, oubliés ou convertis à d'autres buts que ceux initialement prévus ?
Certes, vouloir participer à la création d'un monde meilleur en sensibilisant et en formant les jeunes comme les moins jeunes au respect et aux droits de l'autre doit être une de nos préoccupations majeures. Mais faut-il pour cela créer une vitrine supplémentaire, même si elle était cent pour cent genevoise ? Notre souci de rétablir des finances saines pour les générations futures ne fait-il pas aussi partie du respect des droits de la personne ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est sage effectivement que vous renvoyiez cette motion à la commission des finances. A cet égard, j'aimerais dire deux choses : tout d'abord la motion est relativement ambiguë parce qu'elle fait allusion à l'activité toute particulière de cette année qui fête le 50e anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme. Si la préoccupation des motionnaires est de savoir comment l'école y est associée, quelles sont ses activités, et de s'assurer qu'on y a mis quelques forces, relevons que la commission des finances a appris effectivement l'autre jour qu'un enseignant avait été délégué tout particulièrement pour assurer un certain nombre d'événements dont on a vu par ailleurs les effets, notamment à l'inauguration du Palais Wilson et dans d'autres activités menées par les écoles.
Nous avons donc bel et bien, par le biais d'un coordinateur dont les tâches sont d'ailleurs prolongées sur ces prochaines années, la possibilité de mener un certain nombre d'actions. Mais je peux déjà dire ce que je dirai à la commission des finances : il est hors de question d'assurer une activité permanente - si c'est cela que vous souhaitez - par le biais d'un fonds qui a justement pour définition de soutenir des activités ponctuelles mais en aucun cas de financer une activité permanente pour laquelle, un jour ou l'autre, les moyens seront épuisés. Vous auriez ensuite à me demander d'intégrer de nouveaux postes dans le budget.
Madame la députée, cela n'est pas raisonnable. Je crois que la commission des finances sera à même de le comprendre lorsque nous en discuterons.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des finances.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- la volonté de diminuer les inégalités entre femmes et hommes au niveau de la formation professionnelle,
- le faible accès des jeunes filles à certaines formations professionnelles tant en système dual qu'à plein temps à l'école,
- le nombre restreint de diplômes obtenus par des jeunes filles suivant une formation professionnelle tant en système dual qu'à plein temps à l'école,
invite le Conseil d'Etat
- à faire rapport au Grand Conseil sur :
• les causes du très faible accès des jeunes filles à certaines formations professionnelles tant en système dual qu'à plein temps à l'école ;
• les causes du nombre restreint de diplômes obtenus par des jeunes filles suivant une formation professionnelle tant en système dual qu'à plein temps à l'école.
- à faire des propositions visant à faciliter l'intégration des jeunes filles dans toutes les filières professionnelles et à les placer dans de meilleures conditions de réussite scolaire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Dans le domaine de la formation professionnelle, les inégalités entre femmes et hommes subsistent plus que jamais. En consultant les statistiques de l'enseignement public et privé à Genève, on constate en effet que la proportion de jeunes filles dans certaines formations professionnelles reste à un niveau très bas.
Elèves masculins et féminins en 1997
Ecole
Sexe (nb abs)
Sexe (%)
Masc.
Fém.
Total
Masc.
Fém.
CEPTA (CFC à plein temps à l'école)
650
20
670
97,0%
3,0%
Mécanique-automobile
260
2
262
99,2%
0,8%
Horlogerie-électricité
225
15
240
93,7%
6,3%
Bâtiment
165
3
168
98,2%
1,8%
CEPTA (diplôme à plein temps à l'école)
122
6
128
95,3%
4,7%
Ecole d'ingénieurs (jour)
856
62
918
93,2%
6,8%
Arch.-Génie civil
251
33
284
88,4%
11,6%
Mécan.-élec.-horlogerie
524
24
548
96,3%
3,7%
CEPTA dual (CFC école + emploi)
1869
296
2165
86,3%
13,7%
Mécanique-automobile
465
3
468
99,4%
0,6%
Horlogerie-électricité
208
8
216
96,3%
3,7%
Bâtiment
856
37
893
95,9%
4,1%
Alim.-Chimie-Artisanat
340
248
588
57,8%
42,2%
Ecole d'horiculture
105
23
128
82,0%
18,0%
Ecole d'ingénieurs ETS (hort.)
75
30
105
71,4%
28,6%
Ecole Supérieure de Commerce
1256
1308
2564
49,0%
51,0%
Collège de Genève
2396
3275
5671
42,3%
57,7%
Ecole de Culture Générale
554
870
1424
38,9%
61,1%
Source: Annuaire statistique de l'enseignement public et privé à Genève, 1997, pp. 41 à 47.
Comme on peut l'observer dans le tableau ci-dessus, la répartition des élèves selon le sexe dans les différents établissements scolaires fait apparaître des disparités très importantes selon les formations suivies. Alors que l'on constate une représentation quasi équivalente des garçons et filles dans les filières gymnasiales, la présence masculine est beaucoup plus forte au niveau de la formation professionnelle. Ainsi, dans le cadre des CFC obtenus à plein temps au CEPTA, la proportion de garçons atteint 97,0 %, tandis que pour les autres formations proposées, le taux reste très élevé (86,3 % de garçons pour le CEPTA dual et 95,3 % pour les diplômes délivrés au CEPTA). On peut enfin noter que l'école d'ingénieurs se distingue également par une proportion de filles très faible, avec un taux de moins de 7 %.
Le cas de l'Ecole d'ingénieurs est d'ailleurs très intéressant. En effet, dans le cadre de sa formation en architecture et en génie civil, cette école n'a attiré que 11,6 % de jeunes filles en 1997. Or, pour la même année, le taux de présence féminine s'élevait à 37,6 % à l'Ecole d'architecture de l'Université de Genève. Il semble donc indéniable que d'autres facteurs, que physiologiques ou liés à la motivation personnelle, entravent l'accès à certaines formations pour les jeunes filles. Sinon, comment expliquer que la proportion féminine passe du simple au triple, entre le niveau post obligatoire et universitaire, pour une formation quasi équivalente ? De la tradition masculine de certains établissements au manque de mesures d'intégration pour les jeunes filles, les pistes à explorer sont nombreuses.
Si le déséquilibre entre les deux sexes dans les filières de formation professionnelle est un problème en soi, les conséquences qu'il entraîne sont encore plus graves. En effet, la faible présence féminine dans certaines formations, a semble-t-il une influence certaine sur l'obtention d'un diplôme ou d'un certificat fédéral de capacité selon le sexe. Si les statistiques sont lacunaires dans ce domaine, on observe en effet que les différences au niveau des certifications délivrées selon le sexe sont encore plus importantes qu'au niveau des effectifs.
Diplômes délivrés en 1997
Ecole
Sexe (nb abs.)
Sexe (%)
Masc.
Fém.
Total
Masc.
Fém.
Ecoles de métiers (plein temps)
60
0
60
100.0%
0.0%
Ecoles de métiers (dual)
111
5
116
95.7%
4.3%
Bâtiment
5
0
5
100.0%
0.0%
Mécanique machines
49
2
51
96.1%
3.9%
Mécanique véhicules
16
0
16
100.0%
0.0%
Electronique
14
0
14
100.0%
0.0%
Horlogerie
27
3
30
90.0%
10.0%
Ecole d'ingénieurs (jour)
164
14
178
92.1%
7.9%
Dipl. Architecte
40
9
49
81.6%
18.4%
Dipl. Ingénieur
124
5
129
96.1%
3.9%
Source: Annuaire statistique de l'enseignement public et privé à Genève, 1997, p. 118.
Ainsi en 1997, la proportion de jeunes filles diplômées dans les écoles professionnelles était très faible. Certes, ce nombre de diplômes devrait être mis en relation avec le nombre de personnes ayant entrepris cette même formation, mais les statisticiens et statisticiennes de l'enseignement ont préféré renoncer à construire des taux de réussite pour les formations professionnelles. En effet, compte tenu des réorientations en cours d'étude et des différences dans la durée des différentes formations, il n'est pas possible de déterminer aisément un taux de réussite à l'intérieur d'un établissement.
Reste l'observation des chiffres. En 1997, on constate donc que le nombre de diplômes obtenus par des jeunes filles est ridiculement bas. Il est d'ailleurs frappant d'observer qu'aucune fille n'a obtenu un CFC dans les écoles de métiers dans la formation à plein temps, et que dans les domaines du bâtiment, de la mécanique sur véhicule et de l'électronique, la proportion de jeunes filles diplômées a également été nulle. Nous référant aux expériences de professionnels de l'éducation, ces chiffres semblent confirmer le fait que les jeunes filles qui s'engagent dans des formations où elles sont largement minoritaires, parviennent plus difficilement au terme de leurs études que leurs camarades masculins.
Cette motion souhaite donc que le Conseil d'Etat analyse les causes d'une part du faible accès des jeunes filles à certaines formations professionnelles, et d'autre part des difficultés rencontrées par les élèves de sexe féminin à achever leur formation. En plus d'un état des lieux de la situation actuelle, il s'agirait bien entendu de faire des propositions concrètes visant à corriger rapidement les inégalités entre hommes et femmes au niveau de la formation professionnelle. C'est dans cet esprit que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion.
Débat
M. Christian Brunier (S). Durant ce siècle, l'égalité des sexes a progressé. Néanmoins, dans ce domaine-là, il y a encore un sérieux travail à entreprendre pour arriver à une réelle égalité. L'accès limité à certaines formations, à certaines professions est une source importante de discrimination. Le fait de prétendre que certaines professions n'attirent pas les femmes n'est pas crédible à la lecture de certains chiffres, n'en déplaise à certains défenseurs du machisme primaire.
Prenons l'école d'ingénieurs qui est un cas assez représentatif. Dans le cadre de sa formation en architecture et en génie civil, l'école d'ingénieurs n'a attiré que 11,6% de jeunes filles en 1997. Parallèlement, à l'école d'architecture de l'université de Genève, dans un domaine comparable, le taux de présence féminine s'élevait à 37,6%. On voit que la différence est importante. Il est certain que l'image masculine de certains établissements ou le manque d'ouverture de certaines structures aux femmes sont des causes contre lesquelles nous devons lutter. En analysant de plus près les conditions d'obtention de certains types de diplômes, nous pouvons prendre conscience de l'ampleur du mal. Il est particulièrement étonnant, voire choquant de constater qu'en 1997 aucune femme n'a obtenu de diplômes dans les secteurs de l'électronique ou du bâtiment, que ce soit dans les écoles à plein temps ou dans les écoles duales. Dans ces conditions, nous demandons au Conseil d'Etat d'élaborer un rapport sur les causes de ces discriminations et de proposer des solutions pour y remédier.
Mme Janine Hagmann (L). Le groupe libéral vous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement. En effet, suite aux propos de mon collègue Brunier, nous trouvons que le sujet est intéressant; nous savons aussi qu'il est à la mode, qu'il vous tient spécialement à coeur. J'avais dit déjà une fois que ce sujet était un peu votre jument de bataille. Nous sommes néanmoins d'accord de la renvoyer en commission, ne serait-ce que pour prouver que beaucoup de choses ont déjà été faites. Peut-être nous sera-t-il démontré que la motion est un peu superfétatoire. Hier, en prenant par hasard une brochure sur les métiers, j'ai trouvé une réclame très intéressante. L'Union industrielle genevoise, l'office d'orientation et de formation professionnelle et le bureau de l'égalité ont réalisé une grande affiche disant : «Les filles partent à la découverte des métiers techniques». Les filles parlent elles-mêmes des métiers techniques et des conférences ont lieu à ce sujet pour que des filles deviennent poly-mécaniciennes, laborantines en physique, automaticiennes, électroniciennes, etc.
Aujourd'hui heureusement les temps changent; aucun métier, aucun secteur économique n'est fermé aux femmes. Personnellement, j'aimerais ajouter que, pour moi, le sexe n'a jamais été une priorité... (Rires et exclamations.) ...mais que la priorité ce sont les compétences... Et alors, je peux le dire à mon âge ! Si certains sont déçus, tant pis !
Laissons aux femmes la sensibilité de choisir encore leur profession et étudions tout cela en commission.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (PDC). Force nous est de constater que le monde est organisé de manière dichotomique : le bien le mal, les hommes les femmes, la droite la gauche. En fait, on peut déduire que le principe d'égalité devrait être compris comme la mise en oeuvre de tout ce qui facilitera la réalisation des uns et des autres. Je trouve la manière dont la motion est proposée un peu factice. On peut réaliser effectivement qu'il y a des tendances plutôt féminines, ou des professions plutôt féminines et d'autres plutôt masculines. Dans le domaine de la santé, on constate, par exemple, une augmentation de la représentation masculine. En moins de vingt ans, on est passé dans notre canton de 4% d'étudiants garçons à 14% aujourd'hui dans le domaine des soins infirmiers. Ce qui est une progression assez considérable. Par contre, d'un point de vue politique et plus spécifiquement en ce qui concerne l'attitude du département de l'instruction publique dans le domaine de la formation, il est vrai que l'on est en droit de connaître et de renforcer les stratégies qui sont mises en place pour aller dans le sens d'un principe d'égalité. Ceci dans le but de permettre l'ouverture des formations, quoique je pense que celle-ci est assurée. Ce qui nous semble manquer, c'est plutôt un état d'esprit respectueux des spécificités de chacun et de chacune. Dans ce sens-là, le PDC recommande de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- la mise en place d'une HES santé sociale romande ;
- que la formation d'éducateurs du jeune enfant se situe à Genève dans le secteur des professions de la santé ;
- l'importance d'une formation de haut niveau pour une profession dont la mission s'est complexifiée ces dernières années ;
invite le Conseil d'Etat
EXPOSÉ DES MOTIFS
A l'heure où différentes instances, telles que le comité stratégie, les Conseils d'Etat de chaque canton en charge du domaine de la santé et du social et le groupe de pilotage (les hauts fonctionnaires ayant compétence dans le domaine de la santé et du social) se réunissent pour étudier la réalisation d'une HES santé sociale romande, il paraît important que le Grand Conseil fasse part de sa position sur la prise en compte de la formation destinée aux professionnels de la petite enfance.
Pour rappel, à Genève, la formation d'éducateur du jeune enfant se situe dans le secteur des professions de la santé, contrairement aux autres cantons où cette formation dépend du social.
Le profil des HES santé offre des filières d'études en santé dans des domaines et des champs d'activités caractérisées par une grande complexité.
Pour analogie, le profil des HES spécialisées de travail social couvre les secteurs d'activités du domaine social dont les exigences relatives aux compétences professionnelles et qualités personnelles sont élevées.
Il paraît très important de souligner la mission de plus en plus complexe des éducateurs du jeune enfant. En effet, cette profession a beaucoup évolué ces dernières années suite aux découvertes scientifiques récentes du développement du bébé et de l'importance des premières années de la vie de l'enfant. De plus, sous la pression socio-économique, les professionnels de la petite enfance ont dû faire face non seulement à la prise en charge du jeune enfant mais aussi à l'accompagnement de leur famille. Il est donc indispensable de former des professionnels hautement qualifiés et compétents dans les domaines de la pédagogie et de la psychologie du jeune enfant, de la relation d'aide et de soutien aux familles en difficultés et du travail en réseau.
Il faut souligner qu'actuellement, au niveau romand, les formations des éducateurs du jeune enfant sont alignées sur les formations d'assistants sociaux et d'éducateurs spécialisés. A signaler qu'à Genève même, une formation "; passerelle " existe entre les éducateurs spécialisés et les éducateurs du jeune enfant.
De plus, toujours à Genève, la formation continue des professionnels de la petite enfance est faite en partenariat avec le centre de formation continue de l'Institut d'Etudes Sociales (IES) qui a des chances de passer en HES.
D'où l'inquiétude du secteur de la petite enfance au cas où cette formation devrait être reléguée au niveau secondaire. La plupart des cycles de formation continue deviendraient inaccessibles aux éducateurs du jeune enfant qui n'auraient pas les pré-requis nécessaires.
Dans le rapport Meyer, Hodel, Ludi (rapport à l'attention de la Conférence suisse des directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) : formation de travail social du degré secondaire II et du degré tertiaire non universitaire), il est dit, à juste titre, que les formations du domaine social et santé concernent le bien-être psychique, physique et social de l'individu. Il est reconnu que de telles interactions par analogie sont indissociables : c'est le même département qui gère le social et la santé (voir le Département action sociale et santé de Genève). Le Département de l'instruction publique de Genève (DIP) quant à lui, a en charge l'Ecole d'éducateurs et d'éducatrices du jeune enfant où une excellente formation est dispensée et d'où sortent des professionnels du jeune enfant de haut niveau.
Il est donc incompréhensible, contradictoire, voire paradoxal de dire dans la phrase suivante "; les infirmiers, les sages-femmes, les éducateurs spécialisés, les éducateurs du jeune enfant et les maîtres socioprofessionnels travaillent des secteurs à cent lieues les uns des autres ". D'autant plus que le travail s'effectue en réseau avec des psychologues et des médecins qui, dans les collaborations entretenues, apprécient la qualité du professionnalisme des éducateurs du jeune enfant.
A part le secteur médico-technique de radiologie, toutes ces professions ont en commun la nécessité de développer des méthodes d'écoute active, de psychologie, de psychopédagogie, de soutien à l'environnement familial, de méthodologie et de grandes capacités introspectives et systémiques sur la base de savoirs et connaissances qui nécessitent une maturité personnelle élevée.
Nous sommes persuadés que les auteurs de ce rapport n'ont pas eu l'opportunité de suivre sur le terrain les pratiques en cours en matière de petite enfance, les questions que se posent les professionnels et les réponses le plus souvent complexes qu'ils doivent y apporter.
Nous insistons donc sur le maintien du niveau qualitatif de la formation des éducateurs du jeune enfant à Genève et n'entendons pas que cette profession soit dévalorisée. Il en va de l'avenir du jeune enfant et par empirisme de l'avenir de la société.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous soutiendrez notre démarche en acceptant d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Sic F. Dolto
"; Les professionnels de la petite enfance doivent être mieux considérés que les professeurs d'Université, car ils ont l'avenir de l'enfant entre leurs mains. "
Débat
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Il est bien évident que je me devais de défendre cette profession, éducatrice du jeune enfant, car elle représente le secteur auquel j'ai consacré et je consacre ma vie professionnelle. A l'heure où serait définie la politique de la formation professionnelle, il nous paraît important de ne pas laisser pour compte la profession des éducateurs de la petite enfance. En effet, il y a danger pour cette profession d'être disqualifiée lors de la redistribution des professions de la santé et du social dans l'accès au HES.
Alors que l'OCDE, dans ses dernières recherches, affirme l'importance du secteur de la petite enfance pour l'avenir de la société, il est capital de donner aux professionnels entourant les très jeunes enfants des formations extrêmement solides et élevées. Le maintien du niveau qualitatif est indispensable et ne doit pas être minimisé sous le prétexte digne d'Epinal : une jolie profession pour de futures bonnes mères.
Toutes les professions de la santé et du social ont en commun la nécessité de développer des méthodes d'écoute active, de psychologie, de psychopédagogie, de soutien à l'environnement familial et de grande capacité d'introspective et systémique sur la base de savoirs et connaissances qui nécessitent une maturité élevée. C'est pour approfondir toutes ces questions que nous souhaitons que cette motion soit renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (PDC). En complément de ce qui vient d'être dit par Mme de Tassigny, mon intervention portera à la fois sur le fond et la forme de cette motion. Le fond : regardons la typologie actuelle d'une crèche située, par exemple, dans le quartier de Champel, qui accueille entre septante et quatre-vingts enfants âgés de quatre mois à quatre ans. Le nombre de familles est de soixante-quatre. Un tiers des familles est atypique. Nombre de parents étudiants : six; nombre de parents au chômage : six également; nombre de familles parentales : neuf; nombre de familles séparées ou divorcées : trois. Il n'y a de fait aucun divorce qui n'ait lieu sans difficulté. Les problématiques rencontrées par les enfants sont extrêmement intéressantes à analyser. On s'aperçoit finalement qu'un tiers des enfants est touché par différentes problématiques. Celles-ci peuvent être d'ordre physique, tel le sommeil, l'adaptation à la crèche, l'alimentation, etc. Il y a aussi des suspicions de maltraitance et de négligence. Dans la crèche précitée, trois enfants seraient concernés. Ces problématiques peuvent être de type culturel : des enfants émigrés ou réfugiés. Il y a aussi des difficultés liées à l'environnement familial des familles en crise. Ou des problématiques affectives, de deuil ou d'adaptation par exemple.
Ce qui est intéressant à cet égard, c'est que cela nous permet de cerner le profil des compétences requises pour les éducatrices ou éducateurs de la petite enfance. Plutôt que de faire un discours sur les profils en général, il est bon de regarder l'évolution des familles. La crèche dont je vous parle est située dans le quartier de Champel dont on ne peut pas dire qu'il est le plus défavorisé de ce canton. Alors que faut-il faire ? Faut-il dispenser aux éducatrices de la petite enfance une formation très large de généralistes ou faut-il développer un système d'experts et rattacher à chaque crèche de quartier un psychologue, un sociologue, un ethnologue, etc. ?
Pour notre part, il nous semble beaucoup plus intéressant de donner une formation de base généraliste aux éducatrices de la petite enfance, comme dans le cas d'une HES, telle que définie par les critères des HES, qui permette à celles-ci de rencontrer les familles, de répondre aux problématiques posées par celles-ci aux enfants, et les deux ensemble, plutôt que de faire appel constamment à un spécialiste.
Venons-en à la forme. Aujourd'hui à Genève, il y a cent candidats par année à l'école de la petite enfance pour vingt-cinq places. 90% des candidats ont terminé la scolarité secondaire supérieure, soit avec un diplôme de maturité, soit avec un diplôme de l'Ecole de culture générale. Ce profil correspond exactement à celui exigé pour entrer dans le cadre d'une HES. La réforme du système de formation actuellement en Suisse soutient et renforce la filière professionnelle. A l'heure actuelle, des instances et des structures ont été mises en place pour que nous étudiions quelles filières seraient potentiellement susceptibles d'entrer dans les HES et d'être reconnues comme telles.
Ce qui nous a étonnés - et c'est la raison profonde de cette motion - c'est que tout à coup il a été question d'exclure l'une des formations alors que le travail sur l'analyse des critères et le choix ne sont pas faits. On se retrouve devant, non pas un blocage de la situation, mais un processus qui est ralenti puisque aujourd'hui, dans le domaine du social et de la santé, une étude va être faite sur l'analyse des besoins et des coûts.
C'est un peu paradoxal, car s'agissant du social et de la santé je ne peux pas croire que c'est un domaine moins complexe et moins difficile que celui de la technique ou de l'économie. On se rend compte finalement que, dans une crèche la plus classique qui soit, très bien équipée, un tiers des familles et, par conséquent, un tiers des enfants a des problèmes, et pas des moindres. Nous soulignons et nous soutenons que les éducatrices de la petite enfance doivent être formées au mieux pour que l'on ne reproduise pas des modèles de prise en charge qui ne soient pas satisfaisants. Nous soutenons cette démarche et nous voulons que cette motion soit déposée à la commission de l'enseignement supérieur.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Suite aux déclarations relativement complètes de Mmes de Tassigny et Engelberts sur la situation actuelle des éducatrices, j'aimerais apporter un témoignage du terrain, puisque je dirige une institution accueillant des enfants d'âge préscolaire. Je puis vous assurer que l'évolution de la profession est très importante depuis quelques années. Ainsi que l'a dit Mme Engelberts, la population qui fréquente les crèches a beaucoup changé. Le temps est bien loin où c'étaient uniquement les pauvres enfants dont les parents ne pouvaient pas s'occuper qui allaient à la crèche, où on ne parlait que de conditions d'hygiène.
Aujourd'hui beaucoup d'enfants fréquentent ces institutions. On parle de projet pédagogique, on parle de partenariat avec les parents, on parle d'éveil culturel, on parle de dépistage sous toutes ses formes. A ce titre et en parallèle, la formation des éducateurs et des éducatrices doit suivre cette évolution. C'est bien aujourd'hui que cette formation doit être une formation de pointe et qu'elle ne doit en aucun cas régresser. C'est pour cette raison que je soutiens à titre professionnel et que mon groupe soutient au niveau politique cette motion, en demandant qu'elle soit renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur. Je vous remercie.
M. Luc Gilly (AdG). J'aimerais, au nom de l'égalité dont il a été question précédemment, apporter mon soutien inconditionnel à cette motion ainsi que le soutien de l'Alliance de gauche. Beaucoup l'ignorent peut-être, mais j'ai travaillé pratiquement pendant huit ans dans le secteur de la petite enfance, avec les tout-petits, en crèche et en jardin d'enfants. Je pense qu'il est temps effectivement de reconnaître le travail difficile qui est effectué par les éducateurs et les éducatrices de la petite enfance; que ce travail puisse prendre un nouveau démarrage et une nouvelle reconnaissance au niveau genevois et romand. J'ajouterai qu'il ne faut pas oublier dans cette motion l'aspect pratique. Je ne souhaiterais pas non plus que cette profession soit uniquement de niveau universitaire, même si la citation de Mme Dolto exagère un petit peu la conclusion de cette motion. Je pense qu'un travail pratique et de terrain reste indispensable. Cette profession doit faire appel à des stages bien soutenus dans le cadre des institutions existant à Genève.
M. Bernard Lescaze (R). On hésite presque à prendre la parole devant tant de personnes qui travaillent sur le terrain. Afin de rassurer ceux qui pourraient être inquiets en me voyant me lever sur ce sujet, je tiens à dire que - sur le fond - je suis parfaitement d'accord non seulement sur l'idée d'étudier cette motion à la commission de l'enseignement supérieur mais sur l'idée de base, à savoir d'offrir l'ouverture des HES à la profession d'éducatrice ou d'éducateur de la petite enfance. Il faudra évidemment - comme on le fait pour tout - laisser à ceux qui n'auraient pas accès à une HES la possibilité d'avoir également un salaire décent en pratiquant cette profession. Nous avons ouvert l'université à des gens qui n'ont pas de certificat de maturité. J'espère que, sur le plan professionnel également, cette formation continuera d'être accessible même à des gens qui ne pourraient pas être admis en HES. En revanche, je reconnais que cet enseignement sera un plus pour ceux qui le suivront.
Mon intervention a simplement pour but de relever que, deux ans seulement après qu'une partie importante de ce Grand Conseil a refusé la HES de Suisse occidentale, je vois avec un plaisir non dissimulé, parmi les gens qui nous recommandent d'ouvrir une seconde HES, de santé sociale, des gens qui étaient contre la première HES. Les choses ont donc avancé. Désormais les hautes écoles spécialisées sont acceptées par tout le monde. Cela confirme que ceux qui étaient favorables à la première HES de Suisse occidentale et qui avaient dit que, dans une étape ultérieure, on pourrait ouvrir, pour les professions para-médicales, pour les professions sociales, une seconde HES, ceux-là avaient bel et bien raison.
Alors, comme maintenant tout le monde a l'air de considérer que toutes les choses sont acquises, je tenais à le dire; parfois, il est bon de rappeler que ceux qui aujourd'hui sont favorables à un projet le combattaient, combien durement et avec quelle âpreté, il y a quelques mois.
Mme Alexandra Gobet (S). Les socialistes ont porté pendant des années la prise de conscience indispensable sur la valeur des professions de la petite enfance, que ce soit à la Ville de Genève ou au niveau de l'Etat. Aujourd'hui, on pourrait se dire que cette motion est superflue, que la valeur de ces professions est admise, que l'adaptation salariale indispensable s'est installée. Si nous devons aujourd'hui déposer cette motion, c'est que les verrous psychologiques qui demeurent néanmoins chez une partie des responsables politiques et dans la population doivent être levés.
En effet, la reconnaissance de la profession passe aussi par la reconnaissance de la filière qui aboutit à cette profession. Je ne veux pas m'étendre sur les raisons exposées brillamment par les préopinantes, mais il faut aller jusqu'au bout de la reconnaissance. C'est également la reconnaissance dans une filière complète, adaptée qui ne constitue pas un carcan pour les élèves mais qui sanctionne leur valeur. C'est la raison pour laquelle les socialistes apportent leur soutien à cette motion.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'aimerais ajouter ce qui suit au sujet de la première partie de l'intervention de M. Lescaze concernant le personnel employé dans les crèches : que M. Lescaze se rassure. Il est juste et important de relever le fait qu'il ne faut pas fermer cette profession ou l'encadrement des enfants à un certain nombre de personnes. Le travail en institution se fait en équipe. Dans ces équipes, il y a du personnel éducatif formé et c'est pour ce personnel-là que nous souhaitons une formation de qualité et de haut niveau. Mais, à côté de ce personnel, il y a également tout un personnel auxiliaire qui a une tout autre formation et qui effectue aussi un travail considérable auprès des enfants. Ce personnel n'est pas du tout remis en cause aujourd'hui par cette motion.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je pense que les débats en commission de l'enseignement supérieur - puisque c'est ainsi que s'appelle dorénavant la commission de l'université - seront importants. J'aimerais attirer l'attention des députés présents dans cette salle sur deux éléments : le premier élément est qu'il ne s'agit pas de remettre en cause aujourd'hui et plus tard la qualité de la formation telle qu'elle est donnée aux éducateurs de la petite enfance dans notre centre d'enseignement pour ces professions. Nous le savons, à Genève particulièrement, la formation est de très bonne qualité, elle est reconnue; il n'est donc pas question de l'amoindrir.
Mesdames et Messieurs les députés, j'espère qu'en commission vous voudrez bien accepter l'idée que nous sommes dans un enjeu de nature nationale et intercantonale, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de trouver dans le domaine social et de la santé le système de reconnaissance des diplômes et des filières concernés qui soient reconnus dans l'ensemble de la Suisse, comme l'ont été dans le premier train, par le biais d'un diktat fédéral cette fois, les professions du domaine technique-économique. C'est cela notre problème. En outre, il s'agit de trouver une clef qui reconnaisse le niveau du diplôme sans porter atteinte du tout au niveau de formation. Il faudra déterminer le niveau d'expertise dans chaque profession concernée qui peut ou ne peut pas conduire à une reconnaissance HES.
Je n'aimerais pas - et c'est là le but de mon intervention - que l'on parvienne dans cette République à l'idée que dorénavant tout ce qui n'aura pas le label HES sera une profession de deuxième niveau. Cela est aussi dangereux que le contraire et j'aimerais que les travaux qui seront menés en commission, pour cette filière comme pour les autres, ne détournent pas l'objet, à savoir de vraiment définir ce qu'est un diplôme HES et ce qu'il n'est pas. Cela me semble très important au début des travaux et non seulement en fin des travaux lorsqu'il s'agira de voter.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur.
La séance est levée à 10 h 10.