République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7860
8. Projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Anita Cuénod, Christian Grobet, Pierre Vanek, Christian Ferrazino, Dolores Loly Bolay, Jeannine de Haller et René Ecuyer modifiant la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (B 6 05). ( )PL7860

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'administration de communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :

Art. 30, al. 2 (nouveau)

2 Le Conseil municipal est également compétent pour adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés régissant les domaines relevant de la compétence des communes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les communes genevoises ont peu de compétences par rapport aux communes des autres cantons suisses. En plus, notre système institutionnel accorde peu de pouvoirs aux Conseils municipaux par rapport aux Conseils administratifs et aux maires. Les attributions des Conseils municipaux sont énumérées de manière exhaustive à l'article 30 de la loi sur l'administration des communes. Contrairement au Grand Conseil, qui est l'autorité législative dans tous les domaines qui relèvent de la compétence cantonale, les Conseils municipaux ne peuvent "; légiférer " que dans des domaines spécifiques, le droit de réglementer les autres domaines communaux étant attribué au pouvoir exécutif, ce qui ne correspond pas au principe traditionnel de la séparation des pouvoirs entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif.

Le présent projet de loi vise à corriger cette anomalie et à attribuer aux Conseils municipaux la plénitude des compétences de délibération qui devraient être les leurs.

Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.

Préconsultation

Mme Yvonne Humbert (L). J'aimerais signaler que les décisions importantes d'une commune se prennent à l'échelon du Conseil municipal qui délibère sur le budget annuel, le nombre de centimes additionnels communaux, la taxe professionnelle communale, les crédits budgétaires supplémentaires, les crédits extraordinaires, les comptes budgétaires et financiers annuels, les emprunts et les cautionnements, les comptes annuels des institutions, les achats et les ventes d'immeubles et je m'arrêterai là car la liste compte deux pages.

Les prérogatives de l'exécutif sont quant à elles peu nombreuses. Il doit essentiellement gérer, conserver, présenter, étudier, exécuter, accomplir, fournir à l'intention du Conseil municipal ou du Conseil d'Etat, toutes les questions relatives à la commune. L'exécutif peut engager, nommer, contrôler et révoquer, selon le statut du personnel, les employés communaux et édicter quelques règlements municipaux portant souvent sur l'utilisation des locaux ou des parcs municipaux et ses pouvoirs s'arrêtent là.

Le Conseil municipal représente le pouvoir municipal sous la surveillance de l'Etat. J'ai la très nette impression que certains faits qui se produisent au niveau de la Ville de Genève, qui ne sont pas du goût de tous et touchent finalement toutes les communes, fournissent un prétexte pour ce genre de proposition. D'un simple fait, nous faisons une généralité, ce que je trouve très déplaisant face aux magistrats qui s'engagent en offrant leur temps et en s'impliquant avec beaucoup de conscience et de sérieux dans les affaires communales. Cette méfiance et ce manque de confiance me gênent. Renvoyons ce petit papier en commission même si, au vu de son contenu, je serais d'avis de le rejeter purement et simplement.

M. Walter Spinucci (R). L'exposé des motifs accompagnant le projet de loi 7860 indique qu'il s'agit de corriger une anomalie de la loi sur l'administration des communes. Il nous dit aussi que les conseillers municipaux du canton de Genève ont peu de compétences par rapport à leurs collègues des autres cantons suisses. Je ne le contredirai pas sur ce point mais je dirai, en m'adressant aux auteurs de ce projet de loi, qu'il faut commencer par donner davantage de compétences aux communes et surtout cesser de leur retirer celles dont elles disposent en ignorant constamment et systématiquement les préavis qu'elles délivrent.

L'exposé des motifs précise en outre que la loi actuelle ne correspond pas au principe traditionnel de la séparation des pouvoirs. Je ne vois vraiment pas comment ce principe sacro-saint ne serait pas respecté par l'exécutif lorsque celui-ci établit et fait respecter, par exemple, le règlement relatif au ramassage des ordures, à la location des salles communales, à l'attribution des logements communaux, à l'utilisation de la piscine, à la gestion du cimetière, et j'en passe. Vouloir laisser aux conseillers municipaux la possibilité de légiférer dans de tels domaines - avec les risques de référendums qui pourraient s'ensuivre - n'est pas admissible; cela provoquerait très rapidement des blocages et des conflits, notamment dans les situations d'urgence.

Mesdames et Messieurs les députés, n'oubliez pas qu'un Conseil municipal a, d'après la loi actuelle, pleins pouvoirs concernant la rédaction et l'acceptation de son propre règlement et du statut du personnel. Il dispose également des pleins pouvoirs pour ce qui est du budget communal et des comptes correspondants. Il vote aussi le nombre de centimes additionnels communaux. Il s'agit là de domaines clés qui me permettent de dire que, d'une part, les risques de dérive n'existent pas et que, d'autre part, les conseillers municipaux disposent de compétences importantes qu'il ne faut pas minimiser. C'est pourquoi le groupe radical est en principe opposé à ce projet de loi mais il ne s'opposera pas au renvoi en commission des affaires communales et régionales.

M. Albert Rodrik (S). Avant de parler strictement de ce projet de loi, je m'étonne d'entendre Mme le maire d'une commune genevoise donner - si j'ose dire - une vision aussi rose ou aussi étriquée des pouvoirs des maires et conseillers administratifs de notre canton. Je pense que nous devons revenir à ce qu'est la réalité de ce projet de loi. La loi sur l'administration des communes fait l'objet, sous l'article 30, d'une longue énumération pour le conseil municipal. Il en existe une deuxième très longue à son article 48 pour le conseil administratif, maire et adjoints. Il est simplement précisé qu'à défaut d'être située dans l'une ou l'autre de ces listes l'attribution va aux exécutifs. C'est cela que visent nos collègues de l'Alliance de gauche.

Effectivement, c'est un petit projet de loi, très succinctement motivé qui n'est pas aussi anodin qu'il en a l'air comme ça, petit bijou amené dans son écrin. Il pose d'énormes problèmes politiques. Si nous ne voulons pas faire le débat de commission en plénum, nous devons nous dépêcher de l'envoyer mais il ne faudrait pas que l'on dise au Grand Conseil que les exécutifs communaux n'ont pas de pouvoir ou que le problème posé n'est pas judicieux. Il n'est peut-être pas judicieusement résolu dans le projet de loi mais il nous pose d'importantes questions que nous devons, les uns et les autres au préalable, nous engager peut-être à ne pas résoudre sans l'accord des intéressés.

Je ne crois pas que nous devons faire le bonheur des communes sans elles. Je suggère de renvoyer ce projet en commission, peut-être pas celle que nous avons évoquée. Il s'agit d'un problème de droit politique et nous pensons qu'il serait plus judicieusement traité à la commission des droits politiques qui commence à acquérir une certaine expérience en la matière.

M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Rodrik, vous êtes un vrai poète ! Je suis d'accord avec vous, c'est peut-être un bijou dans un écrin. Pour ma part, je serai plus historique et moins poétique que vous tout en relevant, au préalable, qu'il est assez cocasse que les partis d'en face se soient fait représenter par des membres d'exécutifs communaux pour intervenir sur ce projet. Je pense que vous auriez pu éviter cela parce que nous savons que chacun est très proche de ses prérogatives et quand il en a, oh là là !... (Brouhaha.) Il est difficile, oui, oui, cher Monsieur Halpérin, effectivement d'accepter que l'on puisse les remettre en cause.

Je vous disais tout à l'heure que je serai plus historique que poétique parce que... (Remarque.) Non, ce n'est pas incroyable, Madame Mottet ! Je sais que vous brûliez d'envie d'intervenir pour dire la même chose que votre collègue et que votre discours aurait été le même étant donné que vous défendez la même prérogative. Il est parfaitement normal par conséquent que vous vous retrouviez en tant que maire de votre commune sur la même position que celle de Mme Humbert.

Je voulais dire que notre système politique en Suisse est un système parlementaire qui, par définition, confère au législatif la compétence d'édicter des lois. Notre Grand Conseil est l'illustration vivante de ce que je viens de dire au niveau cantonal. Par contre, au niveau des différentes communes, c'est totalement le monde à l'envers. Pour une raison bien simple, c'est que nous vivons toujours sous les influences napoléoniennes. Je vous rappelle que Genève a été annexée à la France pendant une courte période mais suffisamment marquante pour qu'aujourd'hui nous subissions les conséquences des invasions napoléoniennes avec un système dans nos différentes communes qui a transféré le pouvoir aux exécutifs, comme sous Napoléon, Madame Humbert, Madame Mottet, mais oui, bien sûr ! Je comprends que vous ayez chacun vos images mais ce ne sont pas les nôtres et nous avons des images démocratiques qui nous font penser qu'il est peut-être plus sain... (Commentaires.) Oui, M. Blanc, lorsque l'on parle de démocratie, se demande ce que c'est et se gratte la tête ! Mais simplement notre modèle, Monsieur Blanc, est différent de celui de Napoléon. Nous pensons que le pouvoir d'édicter des normes, ce pouvoir normatif doit être attribué aux conseils municipaux... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et non pas aux différents exécutifs des communes.

Alors, comme M. Rodrik, on nous rétorquera que l'article 30 de la loi sur l'administration des communes énumère un certain nombre de compétences à ces conseils municipaux. C'est vrai, nous ne le contestons pas. Quelles sont ces compétences ? Ce sont des compétences notamment d'édicter et de voter des motions et vous savez parfaitement que lorsqu'un conseil municipal vote une motion, laquelle n'est pas contraignante, il est très content mais le conseil administratif peut s'asseoir dessus et il sait très bien le faire.

Je prends un exemple assez récent : le Conseil municipal de la ville de Genève, en matière de logement social, particulièrement préoccupé par l'évolution que prenait ce dossier sous l'égide de votre collègue M. Muller, Madame Mottet-Durand - et Dieu sait s'il y a lieu de se préoccuper quand M. Muller est aux finances et qu'il s'occupe du logement social - le Conseil municipal dans sa grande sagesse lui a dit de revoir sa copie et d'édicter un règlement qui tienne compte des intérêts des locataires, ce dont il ne s'est pas beaucoup soucié apparemment. Le municipal dans sa grande majorité a adopté cette motion sur laquelle M. Muller s'assied depuis environ une année. (Remarque.)

On peut se satisfaire, Monsieur Unger, de ces compétences qui n'en sont pas ou faire le raisonnement qui est le nôtre et se dire : Napoléon, c'était le début du XIXe, nous sommes à l'aube du XXIe; il serait peut-être temps, indépendamment du petit bijou qui se trouve dans cet écrin - selon la formule de M. Rodrik - de donner réellement aux conseils municipaux les compétences que tout parlement doit avoir, non seulement au niveau de la fixation des loyers des logements sociaux mais également en matière de gestion du domaine public. Vous, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous êtes les premiers à reprocher par exemple la politique menée par le Conseil administratif de la ville de Genève en matière de gestion du domaine public. Vous pourriez peut-être vous interpeller au-delà de votre prérogative personnelle.

Je conclus en disant qu'il est temps d'abandonner un système qui remonte au début du XIXe siècle et d'adopter - comme tous les Etats modernes - un système beaucoup plus adapté au respect des droits démocratiques et qui s'inscrit dans le cadre du système parlementaire qui est le nôtre. Voilà le but de ce projet de loi.

Le président. Bien, la parole n'est plus demandée... Monsieur Blanc, avez-vous demandé la parole ? Je vous la donne.

M. Claude Blanc (PDC). Au passage, Monsieur le président, il semble que vous ayez une dent contre moi car à chaque séance je suis obligé de vous rappeler que j'avais demandé la parole !

Le président. Monsieur le député, ce n'est pas moi qui observe les personnes qui demandent la parole; c'est mon voisin ou ma voisine de gauche.

M. Claude Blanc. C'est donc vos deux complices !

Le président. Si j'avais une dent contre vous, elle serait bien tendre, Monsieur !

M. Claude Blanc. Je n'en demande pas tant, Monsieur le président !

Je voudrais simplement faire remarquer à M. Ferrazino que, lorsqu'il parle de parlement, il devrait oublier le conseil municipal. Tout le monde sait, et M. Ferrazino qui est un fin juriste le sait mieux qu'un autre mais il essaie de vous endormir, qu'un conseil municipal n'a jamais été un parlement mais un organe délibératif. Il n'y a que le parlement qui vote des lois. Le conseil municipal n'en vote pas. Vouloir mettre sur pied d'égalité notre parlement avec un conseil municipal, c'est vouloir induire ce parlement en erreur. M. Ferrazino le sait mieux qu'un autre, mais il essaie ! Lorsqu'il dit que le système genevois date de Napoléon, c'est possible, mais je voudrais quand même lui rappeler que depuis cette époque il y a eu, sur ce vieux continent, un certain nombre d'autres événements et que, depuis Napoléon, lui et ses amis ont adoré d'autres régimes qui étaient pires que celui de l'Empereur ! (Protestations.)

Oui, parce qu'il faut bien y revenir de temps à autre. Il faut que l'on sache d'où vous venez et qui vous avez adoré, Monsieur Ferrazino ! Il faut bien qu'on le sache, car lorsque vous venez nous dire aujourd'hui que vous êtes des partisans de la démocratie, c'est quand cela vous arrange, mais dans le cas contraire, c'est la même chose ! (Rires.) D'ailleurs, chaque fois que vous avez la majorité, vous en usez et en abusez.

En vérité vous espérez, grâce à la proportionnelle, avoir une influence de plus en plus grande dans les conseils municipaux mais vous savez aussi - et vous en avez fait la cruelle expérience à l'occasion de l'élection du Conseil d'Etat - que, même si vous êtes majoritaires dans l'organe législatif, vous avez beaucoup de peine à obtenir des sièges à l'organe exécutif en raison de ce blocage qui fait que les gens vous rejettent car ils savent que vous n'êtes pas démocratiques. Ils connaissent votre ascendance politique qui est essentiellement totalitaire; vous voulez l'imposer par tous les moyens. Vous espérez, dans les communes, avoir de plus en plus d'influence dans les conseils municipaux; vous voudriez émasculer les conseils administratifs... (Protestations.) ...pour pouvoir conduire votre politique.

Mesdames et Messieurs les députés, nous ne nous prêterons pas à cette opération chirurgicale perverse et nous vous renverrons à vos chères études. (Applaudissements.)

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.