République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 24e séance
PL 7839
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
Art. 1 Forme juridique (nouvelle teneur)
Art. 2 Siège et rayon d'activité (nouvelle teneur)
Art. 3, al. 1 et 3 (nouvelle teneur)
Art. 8 Emissions d'actions (nouvelle teneur)
Art. 11, lettre a, c , f et g (nouvelle teneur)
Art. 12, al. 1 (nouvelle teneur)
Art. 17A Commission de médiation (nouveau)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis la fin de la dernière guerre, les partis de gauche de notre canton ont oeuvré pour la création d'une véritable banque cantonale déployant toutes les activités bancaires et se substituant à la Caisse d'épargne et à la Caisse hypothécaire. Plusieurs projets de lois furent déposés, dont le dernier en date est celui de feu Alex Burtin (député socialiste), mais en vain. Les partis de l'Entente y étaient farouchement opposés.
Ce n'est qu'il y a dix ans environ, que les partis se sont finalement ralliés à cet objectif, ce qui a permis la création de la Banque cantonale de Genève avec l'adoption de la loi du 24 juin 1993 sur la Banque cantonale de Genève, née de la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire du canton de Genève.
Aujourd'hui, les grandes banques fusionnent et concentrent l'essentiel de leurs activités dans certains domaines, les plus lucratifs, elles ferment leurs agences de quartier, au détriment d'un service de proximité, réduisent leurs efforts dans le domaine du crédit hypothécaire, indispensable à la construction de logements, et limitent de manière drastique l'octroi de crédits aux petites et moyennes entreprises.
La politique menée par les grandes banques a démontré l'intérêt vital pour l'économie de notre canton de la présence d'une importante banque publique. Mais l'activité bancaire comporte de hauts risques, dont les milieux d'affaires ont banalisé l'existence durant la période de haute conjoncture, qui - même dans cette période - ont mené plusieurs banques de notre pays à la faillite et en ont mis d'autres en péril. Parmi celles-ci, figure une des plus grandes, la Banque Populaire Suisse, qui a dû être reprise par le Crédit Suisse. Plusieurs banques cantonales, dont celle du canton de Soleure, ont dû cesser leurs activités, d'autres, notamment celle du canton de Berne, ont été sauvées de justesse moyennant l'apport de fonds publics considérables se chiffrant en centaines de millions de francs.
C'est dire que la gestion de la Banque cantonale, comme celle de toute banque, doit être rigoureuse et respectueuse des règles de gestion usuelles des activités bancaires. Une banque cantonale, vu l'intérêt public qu'elle incarne et vu l'importante garantie financière dont elle bénéficie de la part de l'Etat, donc des contribuables, doit être particulièrement attentive au respect de ces règles et éviter de prendre des risques inconsidérés.
Force est de constater à ce sujet, même si certains n'aiment pas qu'on le rappelle, que nos anciennes Caisse d'épargne et Banque hypothécaire n'ont pas respecté ces règles et se sont engagées dans de nombreuses opérations qui coûtent aujourd'hui très cher à la BCG et qui auraient pu la mettre en péril en raison de l'importance des provisions qu'il a fallu constituer, ce qui est également une des raisons pour lesquelles la BCG pratique des taux d'intérêt plus élevés que d'autres banques qui ont su mener une politique de crédits prudente, tout en étant généreuse. Et ainsi, en cette période de crise, où notre économie aurait besoin de disposer de crédits bon marché pour favoriser la relance, la BCG ne peut hélas jouer le rôle qui devrait être le sien dans ce domaine.
Sans revenir sur un certain nombre d'affaires graves, que l'Alliance de Gauche a dénoncées pour que la BCG soit plus rigoureuse dans la gestion des crédits qu'elle octroie, on ne saurait toutefois faire abstraction des erreurs, qui souhaitons-le appartiennent au passé. Il convient, en tous les cas, d'en tirer les leçons et d'adopter des règles de conduite permettant, à l'avenir, d'éviter de commettre à nouveau ce genre de fautes. Les règles bancaires ont d'ailleurs été successivement renforcées, dans notre pays comme ailleurs, après certaines pratiques qui ont causé, au fil des décennies, des pertes énormes et même des catastrophes, en raison du rôle clé que joue le secteur bancaire dans notre système économique.
Aujourd'hui, il nous paraît nécessaire de renforcer les conditions cadres de la loi sur la Banque cantonale, d'une part, en affirmant dans la loi son rôle de banque de proximité avec une activité prioritaire dans l'octroi de crédits pour la construction de logements et en faveur des petites et moyennes entreprises et, d'autre part, en soumettant à l'approbation du Grand Conseil les décisions relatives à une modification de son statut et à une extension de son activité, notamment quant à la création éventuelle de filiales ou sa fusion avec d'autres banques (à une époque où les fusions sont de plus en plus d'actualité) ou encore la reprise d'autres banques pouvant entraîner des risques importants pour la BCG.
A ce sujet, nous estimons qu'il n'est pas normal que la BCG ait créé, sans que le Grand Conseil n'ait eu à se prononcer, une filiale à Lyon et racheté une part importante (mais semble-t-il minoritaire) d'une banque privée (l'ancienne Banque Cantrade de Lausanne) dans le but de la transformer, avec ses actionnaires privés majoritaires, en une nouvelle banque privée, la Compagnie Bancaire de Genève (CBG) qui aurait des succursales dans divers pays et qui aurait racheté une filiale ayant son siège à la rue de Candolle. Il semble qu'une autre banque privée (la Banque Anker) ait encore été achetée par la BCG, mais l'absence d'informations à ce sujet ne nous laisse pas savoir ce qu'il en est réellement
L'existence de la BCG, banque publique, résulte d'une loi adoptée, après de longues discussions, par le Grand Conseil, c'est à ce dernier de décider si le statut de la BCG doit évoluer et si elle doit éventuellement fusionner avec d'autres banques. L'autonomie de gestion accordée à la BCG et le manque de précision de la loi actuelle, auquel il faut remédier, ne devraient pas lui permettre d'utiliser certains moyens pour éluder son statut de banque publique, ni de se dispenser de soumettre à l'approbation de l'autorité qui l'a créée et dont elle dépend les modifications structurelles qu'impliquent des fusions ou des reprises d'autres banques.
Tel est le but du présent projet de loi, qui prévoit également d'adopter des directives précises en matière d'octroi de crédits de construction ou de crédits hypothécaires, la création d'un fonds pour l'octroi de petits crédits à risques au profit de petites entreprises, qui devraient être limités à Fr. 50 000.-, la création d'une structure d'appui à cette fin (à l'instar de ce qui s'est fait à Lyon) et la mise en place d'une commission de médiation, du type de l'ombudsman des assurances, qui pourrait se prononcer sur les plaintes de clients à l'égard de la banque, ce qui serait une nouveauté dans le secteur bancaire et pourrait servir d'exemple aux banques privées.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.
Préconsultation
Le président. Nous sommes en préconsultation. Seul un intervenant par groupe peut s'exprimer. Son temps de parole est de cinq minutes au maximum.
M. Christian Grobet (AdG). Lors de l'adoption par ce Grand Conseil, en juin 1993, de la loi qui a enfin permis de créer la Banque cantonale de Genève demandée par la gauche depuis la dernière guerre mondiale, un consensus assez large a fait que la BCG jouit d'une grande autonomie confirmée par la loi. Cette dernière, en revanche, n'accorde aucune compétence au Grand Conseil. Les compétences du Conseil d'Etat, elles, sont extrêmement limitées.
Le Conseil d'Etat se borne à constater, par arrêté, que les statuts et leurs modifications sont conformes à la loi. Il ne peut donc pas se prononcer en opportunité. Il désigne six membres et le président du conseil d'administration. A part cela, le Conseil d'Etat ne s'occupe absolument pas de la Banque cantonale.
Force est de constater que cette autonomie accordée à la Banque cantonale n'a pas toujours été utilisée à bon escient par son conseil d'administration.
Par voie de conséquence, nous avons fait certaines propositions dans ce projet de loi tendant à donner des compétences au Grand Conseil en ce qui concerne la surveillance de la Banque cantonale qui ne peut, à l'instar d'une banque privée, agir à sa guise. C'est une émanation de l'Etat et, à ce titre, une autorité doit savoir comment l'établissement se développe et respecte les règles qui lui sont applicables.
Certains considèrent que ce projet de loi va trop loin. C'est pourquoi nous avons voulu procéder, comme je l'ai dit à M. Brunier lors de notre dernière séance, à un examen des lois appliquées dans d'autres cantons aux banques cantonales.
De cet examen il ressort que notre projet de loi est extrêmement modeste par rapport aux règles en vigueur dans les autres cantons. Je citerai l'exemple de Zurich, le plus grand canton suisse. Son Grand Conseil ne se prononce pas seulement sur le capital de dotation et sur les participations, mais aussi sur l'acceptation des règlements, sur les comptes annuels et les rapports des organes de contrôle de la banque. Le Grand Conseil zurichois va jusqu'à élire les membres du conseil d'administration et le président de la banque. Outre ces compétences accordées au Grand Conseil zurichois et à sa commission spéciale, il en est dévolu d'autres au Conseil d'Etat.
Le système d'une commission du Grand Conseil, habilitée à surveiller la bonne gestion de la banque, n'est pas exclusif au canton de Zurich. On le retrouve dans la législation valaisanne...
M. Claude Blanc. On a vu les résultats !
M. Christian Grobet. Oui, on les a vus, et c'est précisément cette commission qui a permis de mettre le doigt sur l'affaire Dorsaz et ses graves irrégularités ! Je comprends que le PDC ricane, parce que vaguement gêné par ce qui s'est passé, sous l'ère PDC, à la Banque cantonale du Valais ! En effet, c'est grâce à la commission parlementaire et à certains radicaux que des affaires relativement graves ont été découvertes.
Je cite encore, à titre d'exemples, la loi sur la Banque cantonale de Bâle qui confère d'importantes compétences au Grand Conseil en ce qui concerne l'examen des comptes et la surveillance; la loi de Fribourg qui comporte une disposition particulièrement intéressante, je cite : «La banque s'abstient de toute opération à caractère purement spéculatif.» Il ne serait peut-être pas inutile de faire figurer cette règle dans notre législation. J'avoue que nous n'y avons pas pensé dans notre projet de loi. Le canton de Fribourg prévoit également la soumission au Grand Conseil, pour approbation, du bilan et des comptes annuels accompagnés des rapports du conseil d'administration et de l'organe de révision.
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. Le canton de Berne possède le strict contrôle de sa banque cantonale à travers le Grand Conseil et le Conseil exécutif.
Monsieur Blanc, ce contrôle a sans doute évité la disparition de la Banque cantonale bernoise du réseau des banques cantonales, comme cela a été le cas de la Banque cantonale d'Appenzell.
Le président. Encore une fois, veuillez conclure, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. Je conclus, Monsieur le président. Les problèmes que nous posons, Mesdames et Messieurs les députés, sont importants. Nous souhaitons pouvoir en discuter sereinement en commission. D'autres solutions de surveillance et de contrôle que les nôtres peuvent être envisagées. Nous pouvons imaginer donner plus de pouvoirs au Conseil d'Etat qui, à l'époque, ne voulait pas les assumer...
Le président. Concluez, vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Christian Grobet. En vue d'un examen serein, je demande le renvoi de ce projet de loi en commission.
M. John Dupraz (R). Si, tout à l'heure, j'ai reconnu l'excellence de M. Grobet en matière d'aménagement du territoire, j'avoue le trouver moins bon, voire franchement mauvais, en ce qui concerne la Banque cantonale ! (Rires.)
A la fin de l'an passé, plusieurs projets de lois ont été déposés sur l'initiative de l'Alliance de gauche. Tous postulaient une meilleure représentation des partis politiques dans différentes commissions administratives et extra-parlementaires, dans certains conseils d'administration, y compris celui de la Banque cantonale.
Les partis de l'Entente ont émis plus que des réserves à propos de ce projet de loi. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, qui s'est occupée de ce dossier, a fait un gros effort - les partis de l'Entente, eux, ont fourni un effort circonstancié... - pour trouver une solution acceptable par l'Alliance de gauche. Nous avons joué le jeu et certains, dans nos milieux, nous l'ont reproché. Personnellement, il m'a été reproché de vouloir politiser la banque.
Notre objectif premier était de maintenir l'équilibre entre les communes et l'Etat de Genève, de sauvegarder le droit de l'Etat de nommer ses représentants au sein du conseil d'administration. Nous avions trouvé une solution raisonnable. Elle permettait le bon fonctionnement de la banque sans la «politiser».
Après tous ces efforts, il est décevant que M. Grobet, qui a l'Alliance de gauche à sa botte... (M. Christian Grobet sourit.) Vous avez beau sourire, Monsieur Grobet, vous avez quand même réussi à squatter le parti du Travail, ce bon monsieur Spielmann étant en train de disparaître... Vous êtes pareil au coucou qui fait sa place dans le nid des autres oiseaux... (Rires.) ...et qui profite de la situation à leurs dépens. C'est ce que vous avez fait et que vous continuez à faire !
Votre projet de loi est une provocation, car c'est l'ingérence, pure et simple, du Grand Conseil dans la gestion de la Banque cantonale. Je regrette que vous cherchiez, par l'intermédiaire de ce projet, à régler des comptes personnels avec certaines personnes qui gèrent ou dirigent la banque. Vous êtes d'ailleurs coutumier du fait.
Il est bon de rappeler qu'un ancien député socialiste a joué un rôle prépondérant dans l'élaboration de cette loi sur la Banque cantonale qu'il a été si difficile de mettre sur pied. Je veux parler de M. David Lachat qui, je crois le savoir, était un proche de M. Grobet à l'époque.
Les instances politiques se sont distancées volontairement de la gestion de la Banque cantonale précisément à cause de ce qui s'était passé dans d'autres cantons. En créant cette société anonyme, elles ont voulu respecter les revendications et les droits légitimes des communes propriétaires de la Banque hypothécaire du canton de Genève. En donnant la possibilité aux privés de participer au capital et de faire fonctionner la BCG, ces mêmes instances politiques ont voulu trouver un juste équilibre entre l'ancienne Caisse d'épargne, l'Etat, la Banque hypothécaire et les communes.
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député.
M. John Dupraz. Ce projet de loi est mauvais et, si nous avions la majorité, nous demanderions la discussion immédiate. Comme nous ne le pouvons pas, nous irons en commission.
Nous rejetterons ce projet de loi parce qu'il est contre l'intérêt de Genève, contre l'intérêt de la Banque cantonale et contre l'intérêt de l'économie. C'est une entreprise de sabotage contre Genève menée par M. Grobet !
M. Claude Blanc (PDC). Mai touche à sa fin et juin pointe son nez : c'est la saison du rhume des foins ! Les médecins présents ne me démentiront pas : le rhume des foins est proche parent de l'eczéma. Et M. Grobet nous fait une crise d'eczéma chaque fois que nous parlons de la Banque cantonale ! Il attrape la Banque cantonale comme d'autres attrapent le rhume des foins ! (Rires.)
Une voix. Au berceau, il avait déjà la rougeole !
M. Claude Blanc. Il est facile, à chaque session du Grand Conseil, de s'acharner sur la Banque cantonale. Vous lui avez intenté toute une série de procès. Certes, notre Banque cantonale n'est pas à l'abri de toute critique, mais vous en avez cité plusieurs autres que vous prôniez comme modèles, Monsieur Grobet. Pour autant que je sache, la nôtre ne s'est jamais trouvée aussi bas que celles de Fribourg, de Soleure et d'autres citées par vous ! Elle n'a jamais fait appel aux capitaux de l'Etat pour se renflouer. Par conséquent, elle est encore en bon état.
Malgré ses imperfections et les défauts inhérents à tout établissement humain, la Banque cantonale mérite que nous continuions à lui accorder notre confiance.
Enfin, cette banque ne nous appartient pas totalement. Nous l'appelons «Banque cantonale» mais nous ne possédons que le tiers de son capital. Si notre Grand Conseil s'arrogeait les droits que vous voulez lui voir octroyés, il pourrait, en tant que détenteur du tiers de son capital, contrôler la banque à 100%.
Ces méthodes avaient cours dans les régimes que vous admiriez en cachette en étant socialiste et que vous admirez ouvertement, aujourd'hui, pour avoir rejoint une autre formation politique, nostalgique du centralisme démocratique tel que le définissait M. Marchais. En tant que détenteur du tiers du capital, vous entendez vous arroger le droit de régenter totalement la banque. Alors merci pour les communes, merci pour la Ville de Genève, merci pour les actionnaires privés qui ont fait confiance à cet établissement de droit public ! Vous les passez complètement par-dessous la jambe ! Ils n'auront plus rien à dire.
Quelle est donc votre notion de la démocratie ?
Nous irons en commission pour ce machin, mais j'espère qu'il en ressortira en lambeaux. C'est ce qu'il mérite !
M. Michel Balestra (L). La Banque cantonale de Genève est un instrument capital de la politique économique de notre canton.
Lors de sa création, la commission ad hoc a voulu lui donner une autonomie qui lui permette de devenir une entreprise libre et efficace, au service de nos PME.
Le Conseil d'Etat d'alors s'est volontairement distancé de la surveillance directe de cette entreprise en la soumettant au contrôle de la Commission fédérale des banques.
L'objectif était d'éviter les confusions entre le politique et l'économique, lesquelles sont à la base des affaires regrettables qui ont affaibli les banques cantonales des cantons voisins.
Revenir en arrière serait une faute politique grave. Elle aurait des répercussions sur l'efficacité de la Banque cantonale, lesquelles entraîneraient des répercussions sur l'économie de notre canton. Et des répercussions sur l'économie de notre canton sont des répercussions sur l'emploi.
Cessez ces combats d'arrière-garde ! Agissez pour Genève ! Renoncez à ce projet ! Nous essaierons de vous en convaincre en commission.
M. Christian Brunier (S). La Banque cantonale est loin d'être parfaite. A plusieurs reprises, mon parti est intervenu pour qu'elle montre plus d'éthique et de proximité vis-à-vis de la population genevoise.
Les socialistes pensent que le parlement doit être attentif à ce qui se passe dans cette banque. Il doit veiller à éviter toute dérive à l'intérieur de la BCG. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille la placer dans un carcan.
Le projet de loi de nos amis de l'Alliance de gauche pose, en partie, un problème réel et important, mais les remèdes qu'ils proposent ne sont pas satisfaisants.
D'un point de vue démocratique, nous ne comprenons pas comment le canton, qui ne représente que le tiers de l'actionnariat, pourrait revendiquer des pouvoirs si étendus. L'approbation de ce projet de loi serait une provocation de notre part, tant par rapport aux communes que par rapport à l'actionnariat privé composé, je vous le rappelle, de plusieurs caisses de retraite et pension de travailleuses et travailleurs de ce canton.
En outre, le dépôt du projet à ce moment précis fournit des armes aux milieux qui ont lancé un référendum éminemment populiste contre la loi que nous avons votée, en mars dernier, sur la composition du conseil d'administration de la BCG. Ces gens crient à sa soi-disant politisation. Cette loi a pourtant trouvé un large soutien dans cette enceinte, comme M. Dupraz vient de le rappeler. Cette loi propose non pas d'accroître le poids de la politique, mais de garantir un meilleur équilibre politique tenant compte de la pluralité de pensée du peuple genevois et du résultat des dernières élections.
Ces milieux dénient la représentation des Verts et de l'Alliance de gauche dans le conseil d'administration. Ce faisant, ils dénient les éléments de base de la démocratie.
Dans ce contexte et bien qu'opposés aux mesures préconisées par ce projet de loi, les socialistes pensent que son renvoi en commission permettra un large débat sur la Banque cantonale que nous espérons - on peut rêver - serein !
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Les Verts sont favorables au renvoi de ce projet de loi en commission. Plusieurs de ses articles nous paraissent indispensables, notamment ceux touchant à l'éthique.
En effet, lors de la création de la BCG, des députés représentant notre parti, dont M. André November, avaient été très fermes à propos de l'éthique. Comme leur point de vue n'avait pas été retenu, nous sommes assez satisfaits que l'Alliance de gauche revienne avec ce type de proposition.
D'autres articles nous semblant plus difficilement acceptables, nous aimerions en discuter en commission. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi du projet.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la banque garde aujourd'hui une double dimension de familiarité et de mystère. Familiarité, dans la mesure où elle cherche à rendre ses services accessibles et où, pour atteindre ce but, il s'agit de démythifier l'univers de l'argent et de donner une image banalisée des rapports entre établissements de crédit et usagers.
L'exercice se révèle dans la réalité difficile, car chacun d'entre nous entretient des rapports complexes avec l'argent: l'argent en effet est craint autant qu'il est convoité, désiré pour la domination qu'il procure et rejeté à cause précisément de la puissance qu'il donne. Dans cette dialectique, la banque se dévoile comme l'alibi de tous, l'argent est chez elle à la fois matière première et moyen de pouvoir. Le mot banque et ce qu'il représente suscite donc des sentiments d'appréhension et tout un cortège de mystères et il n'est dès lors pas étonnant que la banque et en particulier la Banque cantonale entretienne avec le pouvoir politique des rapports qui alternent entre la confiance, parce que la BCG est perçue comme étant un rouage essentiel de l'économie genevoise, et la volonté de contrôle afin de permettre à l'Etat de maîtriser en elle un instrument de sa politique.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir illustre bien l'expression d'une crainte diffuse devant la puissance de l'argent et un besoin concomitant de surveillance publique. Ce qui à mon sens divise les uns et les autres n'est pas tellement ce constat mais bien plutôt le degré de surveillance nécessaire.
Le présent projet de loi confie au Grand Conseil les décisions stratégiques concernant la banque. La Banque cantonale ne pourrait plus augmenter son capital, créer des filiales, s'associer à d'autres banques ou modifier ses statuts sans devoir trouver une majorité au Grand Conseil. Outre le fait que la banque dispose de structures particulières de contrôle, un organe de révision et la Commission fédérale des banques, il n'y a pas, Mesdames et Messieurs, de banques ou d'entreprises qui puissent résister à ce genre de traitement.
Il a fallu plus de soixante ans pour que la fusion entre les deux banques, Caisse d'épargne et Banque hypothécaire, se réalise. Le projet fut porté par des politiciens de tous bords, mais il s'est surtout heurté à des concurrents inquiets de voir se constituer une banque publique forte qui à coup sûr manquerait d'indépendance et ne pourrait être qu'une annexe du fisc et de l'administration.
Les auteurs du projet de loi semblent donner raison a posteriori à ces détracteurs du fait de l'économie de leur projet mais de manière plus précise avec la proposition de mettre sur pied une commission de médiation élue par le Grand Conseil et qui aurait pour mission d'instruire les plaintes des clients et serait dotée pour ce faire, je cite, «d'un pouvoir d'investigation total à l'intérieur de la banque». Cela pourrait bien être compris comme la volonté d'abandonner le secret bancaire à la Banque cantonale et inquiéter les clients.
Je ne souhaite pas, dans le cadre de ce débat, porter de jugement sur la nécessité de poser des limites accrues à l'activité de la banque dans le but d'avoir en elle un instrument au service de l'intérêt général. Reste que la méthode ne convient pas et que laisser croire aujourd'hui qu'une banque publique fonctionne selon d'autres règles que les règles usuelles au domaine de la banque touche à la crédibilité et à la confiance des usagers dans la banque.
Enfin, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat et les partis politiques se sont tout récemment engagés à élargir la palette des sensibilités politiques présentes au conseil d'administration de la banque et à y désigner des personnes qui aient toutes les qualités requises. On peut se demander pourquoi s'être donné la peine de trois mois de bagarres et de discussions pour composer un conseil d'administration équilibré et apte à décider des options d'avenir de la banque, si ce n'est pour témoigner aussi peu de confiance à l'égard de ce même conseil qui voit ses compétences se rétrécir sérieusement.
Voyez-vous, ce qui me chagrine, c'est le fait que ce type de démarche a encouragé le lancement d'un référendum contre la loi concernant la composition du conseil d'administration et qu'elle a alimenté et alimentera l'argumentaire de la soi-disant neutralité politique de l'actuel conseil d'administration alors que la nouvelle composition prévue, parce que plus équilibrée, serait elle affreusement politisée.
Vous aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet de loi ne rencontre pas l'agrément du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.