République et canton de Genève

Grand Conseil

R 365
11. Proposition de résolution de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Elisabeth Reusse-Decrey, Marie-Françoise de Tassigny, Christian Ferrazino et Pierre Marti pour le soutien au processus d'application du plan de Paix au Sahara occidental. ( )R365

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis 1975, soit 23 ans, le peuple sahraoui a été chassé par le Maroc et vit dans des conditions de précarité extrême dans des camps, dans des pays voisins.

Depuis plusieurs années, un processus de paix est engagé et devrait aboutir à un référendum d'autodétermination permettant l'indépendance du peuple sahraoui. Les dates sont constamment remises et M. Kofi Annan, le Secrétaire général de l'ONU, a fixé la dernière date au 7 décembre 1998. Ce délai risque encore de ne pas pouvoir être tenu car l'identification dans les camps est rendue très difficile par de constantes interventions marocaines. On évalue actuellement qu'environ 120 000 soldats marocains sont en permanence dans les territoires occupés.

Le Maroc possède tous les canaux d'information modernes et un budget de propagande énorme.

Le peuple sahraoui n'a pas de moyens pour se faire entendre, il compte sur les réactions de la communauté internationale.

Il faut donc que nous profitions du déplacement des autorités exécutives communales et cantonales au Maroc pour faire entendre cette voix, d'autant plus que plusieurs communes genevoises soutiennent de longue date la cause du peuple sahraoui, notamment Genève, Meyrin, Lancy, Plan-les-Ouates, Vernier, Chêne-Bourg.

Nous vous remercions donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir envoyer cette résolution en urgence au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous parler de M. Amada Mustapha Mohammed, mon filleul, mystérieusement disparu depuis 1981. Il avait 20 ans, était paysan et souhaitait que son peuple, le peuple sahraoui puisse vivre libre.

M. Amada Mustapha fait partie des centaines de disparus, soit des geôles du Maroc, soit lors de manifestations. Nous sommes des centaines également à avoir décidé d'adopter ces disparus et de ne cesser d'interpeller les gouvernements jusqu'à ce qu'on les retrouve.

Chaque mois, j'écris à quatre hauts responsables, soit des droits de l'homme, soit du monde diplomatique, pour les informer de la disparition de M. Amada Mustapha et leur demander de tout mettre en oeuvre afin d'intervenir auprès du roi Hassan II.

Aujourd'hui, j'apprends que des autorités qui me sont très proches s'apprêtent à aller dans ce pays. C'est donc à vous, Mesdames et Messieurs, que je demande de profiter de votre voyage pour qu'au-delà du plaisir culturel et de la détente, que je ne vous dénie pas, vous ayez également la satisfaction de pouvoir prendre part au mouvement de désapprobation internationale condamnant l'attitude des autorités marocaines envers le peuple sahraoui.

Depuis 1975, soit vingt-trois ans, le peuple sahraoui a été chassé par le Maroc et vit dans des conditions d'extrême précarité dans des camps, dans des pays voisins.

Depuis plusieurs années, un processus de paix est engagé et devrait aboutir à un référendum d'autodétermination permettant l'indépendance du peuple sahraoui. Les dates sont constamment remises et M. Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU, a fixé la dernière date au 7 décembre 1998.

Ce délai ne pourra malheureusement pas être tenu, car l'identification dans les camps est rendue très difficile par de constantes interventions marocaines. On évalue actuellement qu'environ cent vingt mille soldats marocains sont en permanence dans les territoires occupés.

Le Maroc possède tous les canaux d'information modernes et un budget de propagande énorme.

Le peuple sahraoui n'a pas de moyens pour se faire entendre. Il compte sur les réactions de la communauté internationale.

J'aimerais donc, Messieurs les conseillers d'Etat, et avec vous les autorités exécutives communales - plusieurs communes soutiennent le peuple sahraoui depuis de nombreuses années : Meyrin, Vernier, la Ville de Genève, Plan-les-Ouates, Lancy, Chêne-Bourg - que vous réaffirmiez la solidarité du peuple suisse avec le peuple sahraoui dans sa lutte pour l'indépendance et l'autodétermination, comme l'a déjà fait le Conseil national. Que vous profitiez de votre visite pour transmettre aux autorités marocaines le souhait que le processus d'application du plan de paix sous les auspices de l'ONU se déroule dans les délais les plus rapides, dans la transparence et l'équité. Je vous en remercie.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je suis persuadée que, malgré l'objectif de détente, méritée, de nos magistrats locaux, le déplacement d'une centaine d'élus sera remarqué dans le royaume de Nord-Afrique.

Il n'est pas inutile - c'est même indispensable - de signaler que nous sommes solidaires du peuple sahraoui et qu'à l'instar de Kofi Annan nous souhaitons que ce peuple se détermine.

Nous sommes persuadés que les représentants de notre Conseil d'Etat et nos élus communaux seront d'excellents ambassadeurs pour transmettre ce message de conciliation malgré le charme envoûtant de Marrakech !

M. Albert Rodrik (S). Il y a quelques années, dans des circonstances pareilles, au Conseil municipal de la Ville de Genève, nous avons débattu d'un voyage de l'Association des communes genevoises en Turquie, en plein moment de répression et de gros problèmes concernant les droits de la personne humaine.

Y a-t-il un problème de connaissance de la géographie politique à l'Association de communes genevoises ? Il existe encore sur cette planète, parmi les quelque cent quatre-vingts membres des Nations Unies, un certain nombre de pays où le problème du respect des droits de l'humain ne se pose pas.

Est-ce que ces destinations de voyage ne sont pas possibles à l'Association des communes genevoises ?

Ceci dit, je réitère notre solidarité et avec le peuple sahraoui et avec les opposants marocains qui, depuis des décennies, croupissent dans un certain nombre de prisons que nous ne voulons plus connaître que dans les livres d'histoire.

M. Claude Blanc (PDC). Je souscris entièrement aux termes de cette résolution, mais j'aimerais y apporter l'amendement suivant, concernant le début de l'invite : «invite le conseiller d'Etat chargé des communes et le conseiller administratif Vaissade à demander une audience au roi du Maroc pour lui remettre en mains propres la résolution du Grand Conseil au sujet du peuple sahraoui...»

Le président. Je ne crois pas que vous puissiez inviter un conseiller administratif...

M. Claude Blanc. On se contentera du conseiller d'Etat !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'ai une immense pitié pour M. Blanc qui se ridiculise sur un sujet tel que celui-là...

Le président. Nous supprimons le conseiller administratif, Monsieur Blanc ? (Exclamations.) Nous le supprimons du texte, bien entendu ! (Rires.) M. Vaissade est bien vivant parmi nous, et j'espère pour longtemps encore !

Je vous relis la proposition d'amendement de M. Blanc :

«invite le conseiller d'Etat chargé des communes à demander une audience au roi du Maroc pour lui remettre en mains propres la résolution du Grand Conseil au sujet du peuple sahraoui...»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution

(R 365)

de soutien au processus d'application du plan de paixau Sahara occidental

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

considérant:

- la situation dramatique dans laquelle vit le peuple sahraoui depuis 23 ans;

- le référendum d'autodétermination de ce peuple qui devrait avoir lieu cette année encore, en principe le 7 décembre 1998;

- que de nombreux observateurs internationaux dont certainement une délégation suisse se rendront sur place;

- le voyage de l'Association de communes genevoises, accompagnée d'une délégation du Conseil d'Etat ce week-end au Maroc;

invite le Conseil d'Etat

à profiter de ce voyage pour transmettre aux autorités marocaines l'inquiétude du Grand Conseil genevois au sujet du peuple sahraoui, et le souhait que le processus d'application du plan de paix sous les auspices de l'ONU se déroule dans les meilleurs délais et dans la transparence et l'équité.

 

La séance est levée à 23 h 25.