République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 8e session - 17e séance
IU 492
M. Dominique Hausser (S). Ma deuxième interpellation concerne l'aéroport et les zones NNI. La récente décision du Conseil d'Etat de soulever la prescription des indemnités réclamées par les propriétaires riverains de l'aéroport de Cointrin a donné lieu à de vives réactions dont la presse s'est fait largement écho. D'aucuns n'ont pas manqué de parler d'une gestion irresponsable de ce dossier, accusant le Conseil d'Etat d'agir sans foi ni loi, en venant invoquer aujourd'hui la prescription des droits des propriétaires de terrains situés dans le voisinage de l'aéroport. Ainsi que l'a déclaré le chef du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement dans une interview relatée dans la presse, il est pourtant légitime que l'Etat invoque cette règle qui fait partie de l'ordre juridique suisse dont les conditions sont susceptibles d'être réalisées. Cela est d'autant plus vrai au vu de la situation des finances publiques. Néanmoins, pourquoi l'Etat soulève-t-il cette prescription seulement aujourd'hui ?
Dans le cadre des travaux de la commission des finances, il est apparu sur la base d'un avis de droit établi par le professeur Knapp... (Brouhaha. Le président agite la cloche) ...que les prétentions des riverains devaient être considérées comme prescrites depuis le 1er janvier 1991 au plus tard. Il ressort de cet avis que l'Etat de Genève n'a pas soulevé la prescription lors du dépôt des demandes en indemnités formulées par les riverains en 1987 et 1992. Alors même que dans un arrêt du TF du 3 octobre 1984, rendu précisément dans le cadre d'un contentieux entre l'Etat de Genève et un riverain de l'aéroport, cette instance a déclaré : «La jurisprudence a admis que l'ouverture d'une procédure d'expropriation peut être refusée lorsque se révèle fondée l'exception de prescription des prétentions pécuniaires qui doivent faire l'objet de la procédure.» Cela amène M. Knapp à souligner que «le refus d'ouvrir la procédure d'expropriation demandée suppose que l'exception de prescription soit soulevée».
En d'autres termes, le TF a admis dès 1984 que la question de la prescription des indemnités pour expropriation se posait expressément dans le cadre de l'aéroport. Encore faut-il que ce moyen soit soulevé, puisque, toujours selon l'avis de droit cité, cette question ne peut être examinée «que si l'autorité entend s'en prévaloir et la soulève»; il n'appartient pas au juge de le faire d'office.
Or, selon M. Knapp, ce moyen n'a pas été soulevé lors des procédures ayant abouti à l'arrêt du TF du 12 juillet 1995 condamnant l'Etat à verser des indemnités. Bien plus, il apparaît qu'après cet arrêt ce moyen n'a pas non plus été soulevé pour les procédures restantes. Au contraire, des dispositions pourraient même avoir été prises pour dédommager les riverains qui ont notamment abouti au dépôt du projet de loi 7610. Il semblerait qu'avant même que le Grand Conseil n'ait pris connaissance de ce PL, formellement déposé 16 avril, le secrétariat général du département des travaux publics et de l'énergie se soit engagé à faire des propositions d'indemnisation aux riverains. Je suis donc amené à poser les questions suivantes :
Premièrement, sachant qu'en 1984, déjà, la question de la prescription éventuelle des indemnités pour expropriation avaient été clairement posée par le Tribunal fédéral, pourquoi l'Etat de Genève n'a-t-il pas soulevé ce moyen lors de l'examen des premières demandes d'indemnisation ?
Deuxièmement : sachant qu'en 1995 le TF a souligné que l'Etat de Genève n'avait jusqu'alors pas soulevé ce moyen, pourquoi l'Etat de Genève n'a-t-il pas corrigé le tir en invoquant la prescription pour les procédures restantes et en évitant surtout de prendre des mesures concrètes qui ont abouti notamment au dépôt du PL susmentionné ?
Troisièmement : sachant que le Grand Conseil n'était même pas entré en matière sur ce projet de loi dont le Conseil d'Etat ne pouvait préjuger du sort qui lui serait réservé, pourquoi le secrétariat général du département des travaux publics et de l'énergie s'est-il engagé à formuler des propositions d'indemnisation aux riverains ?
Enfin, le Conseil d'Etat envisage-t-il d'ouvrir une enquête pour éclaircir ces questions ?