République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 février 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 5e session - 6e séance
M 1180
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le groupe de travail "; projet 73 " sur la rénovation du bâtiment des lits a rendu son rapport en automne 96. Depuis lors, à notre connaissance, aucune décision n'a été prise, ni par la direction des HUG, ni par de Département de l'action sociale et de la santé (DASS) dans ce dossier.
Or, depuis plusieurs années, comme le confirme le rapport du Conseil d'Etat sur le rapport de la planification hospitalière, le nombre de lits à l'Hôpital cantonal est en diminution constante. Il est donc possible d'envisager rapidement la rénovation des chambres des malades en diminuant le nombre de lits par chambres. En effet, actuellement les chambres communes sont composées de 6 lits en moyenne, soit un nombre bien supérieur à celui des hôpitaux modernes en Suisse et en Europe. Il serait possible d'atteindre un nombre moyen de 2 lits par chambre pour l'ensemble de l'hôpital. Il nous paraît nécessaire également de tenir compte des réflexions de l'association Dialogai (Cahiers noirs de l'Hôpital cantonal, audition du 18 avril 96): "; Chaque service - nous pensons à environ 15 malades - devrait disposer d'une salle où les patients qui le souhaitent peuvent prendre leurs repas en commun, accompagnés de leurs proches s'ils le désirent. " ... "; La chambre devrait être considérée comme un lieu privé, où chacun, quand il le désire, conserve la possibilité de préserver son intimité. "
Cette amélioration aurait des répercussions bénéfiques sur la qualité des prestations et correspondrait à l'évolution que connaissent toutes les infrastructures hospitalières en Europe.
Enfin, un projet de rénovation du bâtiment des lits permettrait de relancer l'emploi dans un domaine particulièrement affecté par la crise prolongée que nous connaissons.
Afin de pouvoir rapidement préciser les choix dans ce dossier et d'éviter la répétition d'erreurs commises par le passé (en particulier dans le dossier Opéra!) nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion.
Débat
Mme Louiza Mottaz (Ve). Par définition, un service public, quel qu'il soit, n'a de sens que s'il est au service de l'usager.
En tant que tel, l'hôpital cantonal ne peut déroger à cette règle et se doit, dans les faits, de mettre réellement le patient au centre de ses préoccupations. En toute légitimité, le patient réclame des soins de qualité, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur ceux qui touchent au respect de sa dignité et à la préservation de son intimité.
Ainsi la direction de l'hôpital cantonal et le département de la santé ne peuvent prôner et définir seuls des soins de qualité. Car vouloir ces derniers impose une réponse optimale aux besoins du patient et nécessite donc son avis sur lesdits besoins.
La motion qui vous est soumise met en lumière, d'une part, la nécessité d'une démarche de partenariat incluant le patient, afin qu'il y ait adéquation de la réponse à ses besoins, et, d'autre part, le rôle fondamental de la volonté politique qui, seule, donnera les moyens nécessaires pour qu'effectivement le patient soit pris en soins de manière globale et pas seulement sur un plan technique.
Dès lors, nous ne pouvons faire porter aux seules équipes soignantes le mandat d'assurer des soins de qualité, avec ce que cela implique pour la satisfaction du patient, sans leur en donner les moyens.
Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de soutenir les soignants et d'être coresponsables avec eux dans leur désir de donner des soins de qualité.
La rénovation du bâtiment des lits est urgente. Nous nous devons de donner à ce lieu son essence même qui est celle d'accueillir la personne avec humanité au moment où elle souffre.
Pour ces raisons, nous vous demandons d'accepter cette motion.
M. Gilles Godinat (AdG). Le but de cette motion est extrêmement simple. Il s'agit d'éviter les erreurs du passé et d'anticiper les grands travaux dans cette République.
Comme le souligne le Conseil d'Etat à la page 78 de son rapport sur la politique de santé et la planification sanitaire, il y a un paradoxe, je cite, «à disposer des équipements parmi les plus perfectionnés en Suisse et en Europe, en particulier la partie Opéra, et avoir des chambres de sept lits, alors que la plupart des hôpitaux régionaux d'autres cantons ont des chambres à deux lits, rarement trois». Cela se passe de commentaire.
Dans le train d'investissements, et afin de prévoir les travaux nécessaires, il serait utile de connaître ce qui a déjà été étudié pour avancer rapidement dans la rénovation, que tout le monde souhaite, de ce bâtiment.
Mme Nelly Guichard (PDC). Pour tenir compte de la nécessité de réduire les coûts de la santé, une planification quantitative a conduit la direction des HUG à diminuer progressivement le nombre de lits à l'hôpital cantonal : de mille cinq cents en 1991, ils seront passés à mille en 2001.
C'est donc une forte diminution et le moment est particulièrement opportun pour entamer la phase de transformation du bâtiment des lits. En effet, nous proposons d'ajouter à cette planification quantitative la planification qualitative que représente le passage des chambres à six lits en moyenne aux chambres à deux lits.
Il ne s'agit pas d'un projet démesuré comme ceux que nous avons déjà vus pour l'hôpital. Il s'agit d'une évolution logique, d'une adaptation normale, qui vont dans le sens du respect des malades, avec le souci de préserver leur intimité. Ce dernier sujet a déjà été évoqué dans l'enceinte de notre Grand Conseil.
Pour se prononcer en toute connaissance de cause, nous souhaitons la publication du rapport du groupe de travail «Projet 73».
C'est dans cette optique que notre groupe soutiendra le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Bernard Lescaze (R). C'est avec une certaine réticence que le groupe radical a pris connaissance de cette proposition de motion pavée de bonnes intentions. Qui ne souscrirait pas aux arguments du docteur Godinat ?
Malheureusement, nous sommes obligés de considérer globalement la situation sanitaire, et plus particulièrement la situation hospitalière, dans ce canton. Force est de constater que, malgré les chiffres avancés par ma préopinante, nous ne saurons pas combien de lits seront nécessaires dans ce bâtiment tant que les processus de planification sanitaire et, notamment, de planification hospitalière n'auront pas été adoptés.
Puisque nous en sommes à la planification, je tiens à rappeler à ce Grand Conseil qu'il a lui-même décidé d'un ordre de priorités. En matière de planification hospitalière, les priorités sont, dans l'ordre, la construction bientôt achevée de la maternité et la construction de l'hôpital des enfants. Ce n'est qu'une fois ces projets réalisés que nous pourrons envisager la réfection, la rénovation, la restauration ou la construction du bâtiment des lits.
Il faut savoir que le chantier de l'hôpital cantonal est ouvert depuis 1942, qu'à ce jour il n'est pas terminé, qu'on a dépensé, voici peu, trois cents millions pour la zone sud, c'est-à-dire le fameux bâtiment Opéra, et que la simple réfection du bâtiment des lits devrait, d'après mes informations, coûter environ deux cents millions.
La question est de savoir si, dans l'urgence et l'état actuel des finances publiques, nous pouvons mettre la priorité absolue - en oubliant celle de l'hôpital des enfants - sur ce bâtiment des lits. La réponse est claire : c'est non !
Nous pouvons, bien entendu, demander à connaître le rapport du groupe de travail «Projet 73». D'ailleurs, on ne me fera pas croire que certains signataires de cette proposition de motion l'ignorent. On peut aussi demander au département de l'action sociale et de la santé de présenter des rapports, mais cela ne fera guère avancer les choses.
Aujourd'hui, nous devons assumer nos responsabilités. Donnez-nous d'abord les instruments de planification nécessaires ! Que la commission de la santé et la commission des affaires sociales, qui procèdent à de très nombreuses auditions, accouchent enfin de la résolution qui leur est demandée, positivement ou négativement ! Mais que l'on voie enfin quelque chose ! Nous pourrons ensuite songer à une étape ultérieure, tout en sachant que nous n'avons pas les moyens financiers - à moins que vous ne vouliez une augmentation d'impôts - de parvenir à ce que vous souhaitez pour le bâtiment des lits.
Gouverner c'est prévoir. C'est s'en tenir aux priorités nécessaires et reconnues. Si les motionnaires entendent, par cette proposition, donner la priorité à la réfection du bâtiment des lits plutôt qu'à l'hôpital des enfants, qu'ils le disent clairement ! Si tel n'est pas le cas, qu'ils oublient leur motion pour l'instant ou qu'ils la renvoient à la commission de la santé.
Je tiens à déclarer, au nom de mon groupe, qu'elle n'est pas opportune en ce moment.
M. Dominique Hausser (S). C'est avec un vif intérêt que je viens d'entendre l'intervention de M. Guy-Olivier Segond... pardon, de M. Lescaze...
Des voix. Ah ! ah !
M. Dominique Hausser. Cette confusion est due au fait que M. Segond vient de tenir le même discours à la buvette !
Je comprends que l'on veuille procéder à une planification sanitaire pour déterminer les besoins. Il n'empêche que le concept de l'hôpital existant date des années 45, 48 et 50. Quand il a été élaboré, nous étions, bel et bien, dans une logique de chambres à sept, huit, dix ou douze lits. En fait, nous étions révolutionnaires puisque nous partions de dortoirs à vingt lits !
Les choses ont évolué. Aujourd'hui, il est normal de considérer une chambre d'hôpital comme un lieu privé et de procéder à l'aménagement de lieux de convivialité en dehors des espaces où les malades se reposent, dorment ou dialoguent, en toute intimité, avec leurs proches : je pense aux cas difficiles et aux patients en fin de vie.
Si nous voulons prendre certaines décisions - il ne s'agit pas de la pseudo-différence que fait M. Segond en termes de planifications quantitative ou qualitative - concernant une approche qualitative du patient, centrée sur les soins à lui dispenser, celle-ci doit primer sur la technologie ou l'économie. Certes, les deniers publics sont importants, mais ce sera la volonté d'assurer une qualité de vie optimale, même en situation hospitalière, qui pourra inspirer une telle politique, et non l'économie.
Pour en décider, il est indispensable que les rapports produits - même ceux, internes, de l'hôpital - soient rendus publics. Le parlement et l'ensemble de la population ont le droit d'accéder à l'ensemble des documents requis par les collectivités publiques, à part, peut-être, de rares exceptions où la vie privée de tel ou tel individu serait en cause.
M. Gilles Godinat (AdG). Je suis obligé de réagir aux propos de M. Lescaze. Il n'a jamais été question, pour les motionnaires, de remettre en cause les programmes d'investissement et de planification.
Notre seul souci est que le projet de rénovation du bâtiment des lits ne reste pas dans un tiroir et finisse aux oubliettes.
Lier la planification hospitalière et sanitaire à la rénovation du bâtiment des lits n'est pas notre but principal. Je vous assure que Mme de Tassigny et moi-même faisons notre possible pour que soient menés, dans des délais tout à fait raisonnables, les travaux d'une commission conjointe réunissant trente députés qui tiennent chacun à s'exprimer et à souhaiter que leur représentant soit auditionné. Ce n'est pas chose facile et nous sommes heureux d'y être parvenus.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte volontiers le renvoi de cette motion à son autorité.
Monsieur Hausser, je reprendrai - ne vous en déplaise - une partie des propos de M. Lescaze qui agit, comme chacun le sait, sous l'influence télépathique du Conseil d'Etat !
La construction et la rénovation des bâtiments hospitaliers font l'objet d'une planification, connue du Grand Conseil, en raison de leur coût : je vous rappelle que 350 millions ont été dépensés pour la zone sud; que le premier projet de rénovation du bâtiment des lits s'élevait à 200 millions; que les projets de l'hôpital des enfants et de la maternité reviendront respectivement à 40 millions et à 100 millions de francs environ.
Cette planification des bâtiments hospitaliers obéit aussi à d'autres critères qui sont, d'une part, la satisfaction des besoins hospitaliers et, d'autre part, la capacité d'investissement de l'Etat de Genève.
Vous avez accepté cette planification qui fixe, dans l'ordre des priorités, la maternité - c'est en cours - l'hôpital des enfants - les travaux vont démarrer - et le bâtiment des lits.
Dans cette perspective, selon le calendrier prévu, le comité de direction des hôpitaux universitaires de Genève a donné, en novembre 1995, mandat à un groupe d'étude, présidé par l'honorable docteur Pierre-François Unger, dit «groupe 73» parce qu'il s'agit du septante-troisième groupe de travail mis en place dans les hôpitaux universitaires durant l'année 1995 !
Sur la base des conclusions de ce groupe de travail, le Conseil d'Etat et le conseil d'administration des hôpitaux universitaires attendent, pour déposer un premier crédit d'étude, que les projets de services soient terminés et adoptés - ce qui sera probablement fait vers Pâques - et que le nombre de lits soit défini par la commission, qui étudie la planification sanitaire.
L'autorité politique devra alors choisir la solution la plus adéquate sur tous les plans : qualité des soins, confort hôtelier et coût des travaux. Elle devra donc opter pour la solution la plus satisfaisante et la plus économique, et, notamment, trancher entre l'option de la rénovation, avec toutes les perturbations qu'elle entraînera dans les services de soins, et l'option de la démolition/reconstruction, qui ne sera pas nécessairement la plus coûteuse.
Je vous communiquerais volontiers le rapport du groupe 73, mais il n'y a pas lieu de le privilégier plus qu'un autre : vous pourriez demander à connaître les rapports 1 à 72 produits par l'hôpital cantonal durant l'année 1995, aussi importants quant à la qualité des soins et le confort des patients !
Par conséquent, je vous propose de suivre une procédure plus orthodoxe, d'agir avec ordre et méthode, de demander au Conseil d'Etat de vous faire rapport sur ce document, de vous faire connaître la suite de la procédure et de vous communiquer le calendrier qui appellera les décisions de ce Grand Conseil à la fin de ce siècle ou au début du prochain.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
invite le Conseil d'Etat