République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 février 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 5e session - 6e séance -autres séances de la session
No 6/I
Jeudi 19 février 1998,
nuit
Présidence :
M. René Koechlin,président
La séance est ouverte à 20 h 40.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Guy-Olivier Segond, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Jacqueline Cogne, Jean-Claude Dessuet, Bénédict Fontanet, Barbara Polla, Jean-Pierre Restellini, Françoise Schenk-Gottret et Alain Vaissade, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Mme Martine Ruchat(AdG). Je viens d'apprendre que le projet de loi 7822, inscrit au point 37 de notre ordre du jour, a été renvoyé directement à la commission des travaux, sans débat de préconsultation, ce que je regrette. Je demande que ce projet soit également renvoyé à la commission des visiteurs de prison...
Une voix. Ça va la tête ?
Mme Martine Ruchat. J'informe la personne qui s'inquiète de ma tête que le projet de Champ-Dollon avait été étudié, à l'époque, par ces deux commissions.
Vu l'importance du dossier, je souhaite donc que ce projet soit aussi renvoyé à la commission des visiteurs officiels.
Le président. Madame la députée, il est possible de renvoyer ce projet à la commission des travaux avec préavis de la commission des visiteurs de prison. Aujourd'hui même, il en a été fait ainsi pour d'autres projets.
Mme Martine Ruchat. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Il en sera fait ainsi. Donc,
Le projet de loi 7822 est renvoyé sans débat de préconsultation à la commission des travaux avec préavis de la commission des visiteurs officiels.
4. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. Les demandes d'interpellations suivantes sont parvenues à la présidence :
Cosignataires : Salika Wenger, Christian Ferrazino, Dolores Loly Bolay, Anita Cuénod, Magdalena Filipowski.
Cosignataires : Salika Wenger, Christian Ferrazino, Dolores Loly Bolay, Magdalena Filipowski, Anita Cuénod.
Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
- les risques importants que représente pour la santé la consommation de produits génétiquement modifiés;
- que le génie génétique représente un danger réel pour l'environnement;
- qu'il faut veiller à la dignité et à l'intégrité des êtres vivants, à la préservation et à la mise en valeur de la diversité génétique, ainsi qu'à la sécurité de l'être humain, de l'animal, de l'environnement et des générations futures;
- que les brevets en matière de manipulations génétiques soulèvent des problèmes éthiques, sociaux et économiques de portée considérable;
- qu'il est un devoir de surveiller la qualité et la provenance des aliments que nous consommons;
- qu'un nombre important de personnes a manifesté ses craintes quant aux aliments transgéniques notamment par le biais d'une pétition;
invite le Conseil d'Etat
- à renoncer à la distribution d'aliments génétiquement modifiés dans les établissements appartenant au canton de Genève ou subventionnés (hôpitaux, cliniques, crèches, homes, services sociaux, restaurants scolaires, etc.);
- à promouvoir la consommation de nourriture saine (de culture biologique) dans ces mêmes établissements.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Actuellement, le génie génétique dans l'alimentation est un sujet d'une importance considérable pour la santé.
Les enjeux qu'il représente ont déjà commencé à être débattu sur leurs aspects financiers et éthiques. Dernièrement, le Parlement français a autorisé la culture de maïs transgénique et, en Suisse, Nestlé a mis sur le marché des toasts contenant du soja génétiquement modifié.
De nombreuses demandes d'autorisation de commercialisation sont en attente et nous interpellent.
Risques pour la santé humaine
Il n'est guère possible d'évaluer les répercussions du génie génétique sur les denrées alimentaires. En effet, une grande variété de plantes alimentaires (tomates, maïs, soja) est manipulée de façons les plus diverses et des faits indiquent que de redoutables effets négatifs sont à craindre à long et à court terme.
Les enzymes transgéniques représentent un important marché à conquérir (fromage, pain, bière, vin, etc.) qui génère beaucoup de convoitises et il est primordial de prendre des précautions face à l'aveuglement de certains milieux économiques sur ces risques méconnus.
Un réel danger d'allergie à ce type d'aliments existe
Le risque d'allergie aux aliments transgéniques est un des effets négatifs connus. Par exemple, lorsque des gènes de poisson sont transférés aux tomates, il est tout-à-fait plausible que des personnes allergiques au poisson tombent malades après les avoir ingérées.
Les gènes de résistance aux antibiotiques sont un danger potentiel pour l'homme
Pour des raisons techniques, on introduit des gènes induisant des résistances aux antibiotiques dans la culture d'organismes transgéniques. Les conséquences de l'utilisation de tels gènes de résistance peuvent être multiples, comme par exemple :
- la consommation d'aliments transgéniques crus pourrait avoir des effets négatifs sur le traitement de malades aux antibiotiques.
La propagation de ces gènes de résistance aux antibiotiques à des bactéries responsables de maladies humaines ou animales serait désastreux quant au traitement de celles-ci.
L'environnement, un laboratoire ?
Toute dissémination d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement comporte des risques et aura des conséquences que l'on peut, à l'heure actuelle, difficilement quantifier et qualifier. Il est en effet impossible de pronostiquer avec certitude le sort d'un organisme génétiquement manipulé et ses effets sur un écosystème complexe. Il existe une différence fondamentale entre les risques chimiques et biologiques ; le risque biologique est vivant : il peut se propager et se multiplier. Personne ne peut garantir que les organismes transgéniques modifiés puissent être retirés de l'environnement. Il sera trop tard lorsqu'on constatera que les organismes génétiquement manipulés sont nocifs ou qu'ils provoquent des catastrophes environnementales.
Ainsi, renoncer à la consommation d'aliments transgéniques permet de limiter les pressions sur notre environnement.
Au vu de ce qui précède, il est évident que c'est prendre des risques accrus que de produire et de consommer des aliments transgéniques. Dans ce sens, la présente motion demande au Conseil d'Etat de renoncer à la distribution d'aliments génétiquement modifiés dans les établissements appartenant au canton de Genève ou subventionnés (hôpitaux, cliniques crèches, homes, services sociaux, restaurants scolaires, etc.) et de promouvoir la consommation de nourriture saine (de culture biologique) dans ces mêmes établissements.
C'est dans cet esprit que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Régis de Battista (S). Cette motion constitue essentiellement un acte de prévention et de promotion de la qualité de vie. Elle invite le Conseil d'Etat à renoncer à la distribution d'aliments génétiquement modifiés dans tous les établissements appartenant au canton ou subventionnés.
Ces aliments présentent des risques réels d'allergie et de résistance aux antibiotiques. Ce sont des risques que nous ne pouvons pas ignorer.
En tant que politiciens, nous avons un rôle de garde-fou à tenir sur beaucoup de sujets, notamment sur celui-ci qui présente des dangers à éviter.
Par ailleurs, cette motion entend promouvoir la nourriture saine, dite biologique. Les produits naturels - qui flattent notre palais et maintiennent notre santé - ne sont malheureusement pas à la portée de toutes les bourses. En encourageant leur consommation, notre motion contribuera à la baisse de leur prix d'achat. Nous devons appuyer ce marché pour qu'il puisse élargir sa diffusion.
Cette motion, à son échelle fort modeste, s'inscrit aussi dans la lutte contre la mondialisation de la distribution des aliments par des sociétés bien connues - Novartis, Salto - qui veulent monopoliser les brevets des produits transgéniques pour s'emparer du marché des denrées, donc de notre avenir.
Cette motion, simple et précise, n'a aucun rapport avec l'initiative en cours. Elle requiert surtout un acte préventif de notre part.
Au nom du parti socialiste et en tant que motionnaire, je vous prie de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Pierre-François Unger (PDC). Nous pourrions souscrire sans réserve à cette motion si nous nous en tenions à son titre anodin : «pour une alimentation saine».
Mais cette motion recouvre une tout autre réalité ! Contrairement à ce que dit mon préopinant, elle apporte un soutien malvenu à l'initiative pour l'interdiction du génie génétique sur laquelle le peuple suisse devra se prononcer bientôt.
L'initiative et votre motion ne font pas la part entre les faits existants, les craintes légitimes et les fantasmes irrationnels. Il faut reconnaître que les déclarations d'un savant complètement cinglé - je mesure mes termes - qui entend cloner l'être humain, sont de nature à susciter toutes les peurs. Mais cela n'a rien à voir avec le génie génétique.
La concentration des technologies agroalimentaires dans les mains de quelques entreprises pose de vrais problèmes de concurrence, de marché et de survie pour notre agriculture. Mais cela non plus n'a rien à voir avec le génie génétique.
Il convient de ne pas tout mélanger. Le génie génétique n'est pas une invention humaine, c'est un phénomène naturel découvert par l'homme. Le génie génétique naturel est à l'origine de la diversité des êtres vivants, animaux et végétaux, entre des mêmes espèces ou des espèces différentes. Le génie génétique permet de sélectionner telle ou telle plante, telle ou telle céréale, qui n'auront plus besoin d'être aspergées de produits chimiques. Le génie génétique permet à certains individus de résister au paludisme et, dans son application ancestrale, il est illustré par la greffe des arbres fruitiers.
L'homme est en train de découvrir le génie génétique et tout progrès porte en lui sa contre-finalité. En lui-même, le progrès n'est ni bon ni mauvais. Il n'est que ce qu'on en fait.
Des règles strictes doivent être établies, mais dans cette matière, comme dans beaucoup d'autres, c'est la maîtrise qui importe et non l'interdiction. Dieu merci, la Suisse est dotée d'une législation très prudente !
La maîtrise future du génome peut offrir des avantages exceptionnels pour autant qu'elle se fasse dans le respect total de l'être humain, c'est-à-dire en préservant sa dignité et sa liberté. Il ne s'agit plus, comme les scientifiques l'ont fait trop longtemps, de monopoliser les responsabilités. Au contraire, il faut fédérer les vigilances.
C'est pour cela que nous acceptons que cette motion soit étudiée en commission. Ses membres pourront découvrir la réalité des faits et, par là même, apaiser leurs craintes.
Mme Anne Briol (Ve). Je désire recentrer notre discussion sur la motion qui concerne l'alimentation transgénique et non sur le grand débat qui se déroule sur la place publique à propos de l'ensemble du génie génétique.
Cette motion traduit les préoccupations de la population. L'importation et la commercialisation du soja transgénique sont autorisées dans notre pays, celles du maïs transgénique le sont depuis peu. Nous sommes donc directement concernés par ce type d'aliments.
Certains qualifient de peurs irrationnelles les préoccupations suscitées par ces produits transgéniques. Pourtant des faits concrets prouvent que ces craintes ne sont pas infondées et qu'elles doivent être prises au sérieux.
Je voudrais vous donner quelques exemples dignes de réflexion, ainsi qu'une explication sommaire. Un organisme transgénique est un organisme dans lequel ont été introduits un ou deux éléments étrangers. On introduit donc des gènes de bactéries dans du soja ou des gènes de poisson dans des tomates. Où est le problème, direz-vous ? Il a été démontré que, suite à ce genre de modification, le risque d'allergie augmentait pour le consommateur. Aux Etats-Unis, des tests ont révélé que du soja, porteur d'un gène de noix, déclenchait d'importantes réactions allergiques. Ce soja a été retiré du marché.
L'environnement est également menacé par la culture des plantes transgéniques. Il a été démontré qu'un gène de résistance aux herbicides, greffé sur du soja cultivé, avait contaminé des plantes sauvages, de la même famille, et cela en plein champ. Cet événement laisse présupposer tous les risques de dissémination dans l'environnement de telles cultures.
Ces exemples prouvent indéniablement l'existence de risques réels. De plus, il est légitime de décider soi-même de consommer ou pas de tels aliments.
Depuis le 1er janvier 1998, l'étiquetage des aliments transgéniques est obligatoire. Le consommateur est donc en mesure, en principe, d'identifier ces aliments dans les magasins. En revanche, le consommateur ne peut pas opérer ce choix dans les lieux publics tels les hôpitaux, les homes, les restaurants scolaires.
Nous vous proposons donc d'accepter cette motion qui invite le Conseil d'Etat à renoncer à la distribution d'aliments transgéniques dans les établissements appartenant au canton ou subventionnés, et à promouvoir la nourriture saine.
Nous ne nous opposerons pas à un renvoi en commission.
M. John Dupraz (R). Bien que partant d'un bon sentiment, cette motion pose certains problèmes.
M. de Battista, vous voulez promouvoir les produits naturels. Personnellement, je ne connais aucun produit agricole qui ne le soit pas ! Vous me faites un peu sourire. Vous avez l'air de croire qu'il y a des produits naturels, d'une part, et des produits synthétiques épouvantables qui empoisonnent la population, d'autre part.
Les aliments génétiquement modifiés relèvent d'un problème de société. Ils nous sont imposés par un système économique de mondialisation, dominé par les Américains. Force est de le constater. La Suisse fait partie de ce système qu'elle ne peut refuser sous prétexte qu'elle serait meilleure que les autres. Ce faisant, elle se mettrait à l'écart.
Je fais remarquer à nos collègues socialistes et écologistes que, s'ils veulent adopter une attitude cohérente, ils ne doivent pas, au Parlement fédéral, développer, tous azimuts, des arguments pour la libéralisation à tout crin de la politique agraire. C'est aller dans le sens inverse du but recherché. Vous faites le contraire de ce que fait votre cher président du parti écologiste, Ruedi Baumann. De grâce, accordez vos violons !
A croire M. Baumann et les socialistes à Berne, on ne libéraliserait pas suffisamment. Pour atteindre l'objectif visé par la motion, il faudrait prendre des mesures spécifiques à la frontière, dans de petites entités, pour promouvoir l'économie régionale et ce type d'économie agraire.
Vous invitez le Conseil d'Etat à renoncer à la distribution d'aliments génétiquement modifiés dans les établissements appartenant au canton ou subventionnés. Mais si ces aliments sont nocifs, pourquoi en autorisez-vous la distribution dans les restaurants et les grandes surfaces ?
Certes, les étiquettes des produits mis en vente doivent indiquer clairement le mode de production et la composition. Mais quant à demander au Conseil d'Etat d'aller les lire pour déterminer ce qui est bon et ce qui ne l'est pas... Notre gouvernement a vraiment autre chose à faire !
Quand on rédige ce type de motion, il faut être cohérent à tous les niveaux, notamment au niveau national où les décisions se prennent. Il faut éviter de jouer les originaux dans un petit canton ville comme le nôtre. Vous avez beau hocher la tête, Monsieur de Battista, c'est comme ça ! Vous devez convaincre l'ensemble de vos collègues politiques en Suisse d'adopter une attitude cohérente, car vouloir ce que vous voulez, c'est s'isoler de la libéralisation et de la globalisation de l'économie. Cela a un coût que ni les socialistes ni les écologistes ne voudront payer au niveau suisse.
M. Gilles Godinat (AdG). J'interviens pour corriger le tir ! Le but de cette motion est des plus modestes. Nous proposons simplement une réflexion au Conseil d'Etat sur les risques éventuels des aliments transgéniques. Point à la ligne !
Certes, Monsieur Unger, cette motion s'inscrit dans le cadre général du débat sur le génie génétique. Il est vrai aussi, Monsieur Dupraz, que la motion relève un des aspects en jeu au niveau national et que nous n'avons guère de prise, au niveau local, sur l'avenir de l'agriculture suisse.
Il n'empêche qu'il est légitime de donner un signal positif pour favoriser l'agriculture biologique et de proposer, dans ce parlement, une réflexion sur un point sensible.
M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Dupraz, vous dites que les écolos, à Genève, sont en contradiction avec les écolos à Berne, parce que le président du parti écologiste, M. Baumann, serait un néolibéral. Ce n'est pas vrai. Il trouve simplement que l'agriculture est exagérément subventionnée, d'où les problèmes de surproduction. (M. John Dupraz interrompt l'orateur.)
Le président. Monsieur Dupraz, laissez parler l'orateur ! Il ne vous a pas interrompu tout à l'heure.
M. Chaïm Nissim. Il est vrai que certains propos de M. Baumann pourraient le faire passer pour un néolibéral, mais ce n'est pas le cas. Il entend remettre le cochon sur ses pattes, à cause du problème des subventions. Il a parfaitement raison et nous sommes d'accord avec lui.
M. Régis de Battista (S). Cette motion lance le débat, ce en quoi elle est honorable ! En faisant déjà des vagues, elle prouve sa raison d'être !
Monsieur Dupraz, vous ne devez pas très bien connaître le domaine des produits naturels. Je vous recommande de lire les informations qui en traitent.
Le parti socialiste a été cohérent au niveau national. Il a pris une position très claire par rapport à l'initiative - c'est un aparté ! - après avoir longuement étudié le sujet.
Le Conseil d'Etat peut opérer un minimum de contrôles sur la distribution dans les hôpitaux et les crèches. Différents labels existent qui pourraient concourir à l'amélioration des produits consommés par nos enfants et nos malades. C'est le rôle de l'Etat, et Genève, dans ce domaine, a un poids non négligeable par rapport à l'ensemble du pays !
Le parti socialiste ne s'opposera pas au renvoi en commission. Cette motion mérite une longue discussion et son sujet d'être approfondi.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de la santé.
La Commission d'aménagement du canton a traité le projet de loi 7615 sous la présidence de Mme Sylvie Châtelain, au cours des séances des 25 juin et 2 juillet 1997.
Etaient présents à ces séances: M. Georges Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, M. Jean-Charles Pauli, juriste au Département des travaux publics et énergie, M. Jacques Moglia, chef du ser-vice des études et plans d'affectations, M. Philippe Brun, chef de service de l'information du territoire, M. Didier Mottiez, secrétaire adjoint.
Présentation du projet
Le présent projet de loi concerne les parcelles Nos 764 et 1311, feuille 6 du cadastre de la commune d'Onex, au lieu-dit Belle-Cour. Situés entre les rives de l'Aire et la route du Grand-Lancy, ces terrains d'une surface de 81829 m2, encore cultivés dans leur majeure partie, se situent en 5e zone (villa).
Historique
Le plan directeur communal d'Onex, édité en 1988, prévoyait le maintien du périmètre de Belle-Cour, en 5e zone.
En 1990, un groupe de promoteurs et propriétaires déposent une demande préalable en autorisation de construire pour réaliser des villas avec un indice d'utilisation du sol de 0.3.
Etant donné l'importance des surfaces concernées, la délégation du logement du Conseil d'Etat propose d'envisager une densification plus importante de ce secteur, suivant en cela le concept adopté en septembre 1988 par le Grand Conseil.
En juin 1992, le bureau d'architectes-urbanistes mandaté dès 1991 par l'Etat et la commune d'Onex, présente ses travaux au Conseil municipal. Il propose un schéma directeur avec une densification des terrains sous forme de bâtiment de bas gabarits (3 étages sur rez), la réalisation de quelques surfaces commerciales et la réservation d'un petit périmètre de 3500 m2 pour la réalisation d'un bâtiment public.
En mars 1993, une majorité du Conseil municipal d'Onex vote une résolution afin que l'indice d'utilisation du sol de 0.3, prévu dans le plan directeur communal, ne soit pas dépassé.
En juin 1993, la pétition 1001 "; Contre une urbanisation excessive du versant sud d'Onex " lancée par les propriétaires riverains est déposée au Grand Conseil. Après examen, ce dernier ne l'a pas retenue.
En revanche, en mars 1994, le Grand Conseil vote la motion 909 qui in-vite le conseil d'Etat à poursuivre, en collaboration avec les autorités de la commune d'Onex, l'ouverture de procédure de changement de zone, pour permettre une meilleure utilisation du site de Belle-Cour, tout en prenant les mesures afin de préserver le site naturel de l'Aire.
Du 7 novembre au 7 décembre 1994, un plan localisé de quartier (N° 28688-527) est mis à l'enquête publique. Ce plan concrétise les directives d'aménagement du schéma directeur tout en abaissant l'indice du sol à environ 0.5 sur la totalité du périmètre initial.
Suite à cette enquête, les autorités communales et cantonales entament de longues négociations avec les riverains, ainsi qu'avec le groupement d'habitants du versant sud d'Onex et diverses associations, pour régler et trouver des consensus sur les problèmes liés essentiellement sur la densité du projet, ainsi qu'à l'aménagement de la route du Grand-Lancy.
Le 24 septembre 1996, le Conseil municipal de la commune d'Onex émet sur ces projets un préavis positif reflétant ce consensus et recommandant au DTPE de modifier les projets précités en tenant compte de ce qui précède.
Le DTPE, par conséquent, modifie le projet de plan localisé de quartier, dont l'indice d'utilisation du sol est abaissé à 0.4 et propose, d'une part la construction de villas à l'ouest et à l'est du périmètre et, d'autre part, la cons-truction de petits bâtiments dont le gabarit est limité à 2 niveaux sur rez-de-chaussée.
Dans le but d'améliorer la circulation ainsi que la sécurité des piétons et des cyclistes sur la route du Grand-Lancy, une étude (déjà en cours au DTPE) fera prochainement l'objet d'une requête en autorisation de construire (LER).
Pour permettre la réalisation de ce nouveau quartier, il est donc proposé de créer une zone de développement 4B, d'une superficie de 79 000 m2, ainsi qu'une zone des bois et forêts de 2829 m2. Il est également proposé, en conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur les protections contre le bruit, d'attribuer le degré de sensibilité II aux bien-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4B créée par le présent projet.
Travaux et vote de la commission
Les travaux de la commission ont été simplifiés par les très bonnes et très complètes informations données par les services du Département des travaux publics et de l'énergie, ainsi que, comme vous avez pu vous en rendre compte en lisant l'historique de ce déclassement, par le gros travail et les nombreux compromis qui ont permis de déposer, après tant d'années, ce projet de loi.
Avant de passer au vote, la commission a pu entendre de la part des DTPE que les TPG créeront, au moment venu, une ligne de bus qui va résoudre du même coup tous les problèmes de transport de la route du Grand-Lancy.
La commission a également amendé le PL 7615 en ajoutant un article (art. 4 du projet amendé) qui traite de l'opposition de M. David S. Grobet. (Voir annexe ci-jointe).
Au vu des considérations qui figurent dans ce rapport, la majorité de la commission accepte l'entrée en matière du projet de loi 7615 par 10 oui (4 lib, 1 rad, 2 pdc, 2 soc, 1 adg) et 3 abstentions (1 lib, 1 rad, 1 vert).
Au vote final, la projet de loi 7615 est accepté avec son nouvel article rejetant l'opposition de M. David S. Grobet par 10 oui (4 lib, 1 rad, 2 pdc, 1 adg) et 3 abstentions (1 lib, 1 rad, 1 vert).
En conséquence, la majorité de la commission de l'aménagement du canton vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
Premier débat
M. Henri Duvillard (PDC), rapporteur. Ce projet de loi est l'aboutissement d'un gros et très long travail fourni tant par les services du DAEL que par l'administration de la commune d'Onex. Ce travail a duré pendant six ou sept ans, un consensus a été trouvé, et il est urgent d'accepter le projet de loi 7615.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
(7615)
modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune d'Onex (création d'une zone de développement 4B et d'une zone des bois et forêts)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article 1
1 Le plan n° 28707-527, dressé par le Département des travaux publics et de l'énergie le 3 août 1994, modifié le 15 janvier 1997 (A), modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune d'Onex (création d'une zone de développement 4B et d'une zone des bois et forêts, à Belle-Cour), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
La surface brute de plancher des constructions à édifier dans la zone de développement 4B ne doit pas excéder 32 860 m2.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4B créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 4
L'opposition à la modification des limites de zones formées par M. David S. Grobet est rejetée pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.
Art. 5
Un exemplaire du plan N° 28707A-527 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
plan page 6
Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
par ces motifs,
invite le Conseil d'Etat
- à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Troinex annexé à la présente motion.
ExposÉ des motifs
L'exposé du projet de loi en cause donne toutes indications utiles sur les motifs de la proposition en cause.
ANNEXE
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1
1 Le plan annexé au présent projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Troinex (création d'une zone de verdure inconstructible) est approuvé.
2 Les plans des zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
Aucune construction ne peut être érigée dans la zone de verdure créée en vertu de la présente loi.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux bien-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article premier.
Art. 4
Un exemplaire du plan susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
ExposÉ des motifs
Le hameau de la Grand'Cour à Troinex constitue un ensemble d'origine médiévale, très rare, sinon unique dans le canton de Genève, qui comprend un certain nombre de bâtiments de grand qualité, classés monuments historiques. Vu la qualité exceptionnelle de cet ensemble bâti et son grand intérêt au niveau de notre patrimoine bâti, le Conseil d'Etat a été saisi d'une demande de classement, fondée sur un rapport historique annexé au présent exposé des motifs, portant sur la totalité du périmètre historique, y compris une parcelle non bâtie propriété de la commune de Troinex. Cette demande avait pour but de prévenir toute construction nouvelle à l'intérieur de ce périmètre et plus particulièrement sur la parcelle précitée qui fait l'objet d'un projet de construction d'un bâtiment destiné notamment à une poste, lequel serait de nature à altérer ce site remarquable.
Le Conseil d'Etat, dans une décision de novembre dernier, n'a malheureusement donné qu'une suite très partielle à la demande de classement dont il a été saisi en se limitant à ordonner le classement de deux bâtiments supplémentaires. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi reprend l'objectif principal poursuivi par la demande de classement, à savoir de rendre inconstructible la parcelle propriété de la commune de Troinex en l'affectant à une zone de verdure au sens de l'article 24 LaLAT.
Les effets de cette mesure d'aménagement du territoire est largement compensée par le fait que la commune de Troinex a reçu gratuitement d'importantes surfaces de terrain dans le cadre de la modification du régime des zones portant sur le périmètre des Saussac adoptée par le Grand Conseil dans sa séance du 5 octobre 1989, lesquelles représentent une surface totale de 17200 m2 de terrain affectée à une zone d'équipements publics offrant un potentiel constructif de 3700 m2 de surface brute de plancher, de quoi permettre largement de réaliser le projet de la commune envisagé dans le périmètre de la Grand'Cour et cela dans une zone créée spécialement à cet effet.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.
page 4
5
6
7
8
9
10
11
Débat
Mme Janine Berberat (L). Je sais qu'il n'est pas d'usage de s'exprimer avant les motionnaires. Je n'interviens donc pas sur la motion. Je demande simplement la lecture du courrier, que vous avez reçu de la commune de Troinex. Je reprendrai la parole plus tard.
Le président. La lecture de la lettre adressée au Grand Conseil par la commune de Troinex est demandée. Je pris Monsieur le secrétaire de bien vouloir la lire.
Annexe : lettre lue
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Cette motion a été déposée sur la base de l'article 15A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire qui institue au Grand Conseil un droit d'initiative en matière d'adoption de plans de zones.
Nous souhaitons que le Conseil d'Etat dépose un projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Troinex, afin de créer une zone de verdure inconstructible.
Comme relevé dans l'exposé des motifs, le hameau de la Grand'Cour, à Troinex, constitue un ensemble d'origine médiévale unique à Genève que nous entendons protéger de toute atteinte. Une demande de classement, fondée sur un rapport historique, a été soumise au Conseil d'Etat qui n'a répondu que partiellement puisqu'il s'est limité à ordonner le classement de deux bâtiments supplémentaires.
Notre motion reprend cet objectif, à savoir rendre inconstructible la parcelle propriété de la commune de Troinex en l'affectant à une zone de verdure au sens de l'article 24 de la LaLAT.
Le Conseil municipal de la commune de Troinex a vivement réagi à cette proposition en adressant au Grand Conseil la lettre qui vient d'être lue et une résolution urgente qui stipule : «Le Conseil municipal de Troinex s'étonne qu'un projet de loi demandant une modification de zone sur le territoire d'une commune soit proposé au Grand Conseil sans que les autorités communales n'aient été ni informées ni consultées; invite le Grand Conseil à tenir compte, lors de l'examen de ladite motion, de décisions clairement exprimées à de multiples reprises par les autorités communales concernant l'aménagement du centre du village de Troinex et du quartier de la Grand'Cour en particulier; demande expressément, si cette motion est renvoyée en commission, à ce que la mairie de Troinex soit auditionnée dans les plus brefs délais.»
La résolution du Conseil municipal, aussi légitime soit-elle, appelle les réponses suivantes de la part des motionnaires :
Point 1. Les représentants de «Troinex autrement» ont largement informé le Conseil municipal de leur désir de porter plus loin leur demande. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner.
Points 2 et 3. Toute proposition de déclassement donnant lieu à une enquête publique, la commune de Troinex aura tout loisir de faire part de ses observations. Par ailleurs, dès que le projet de loi sera déposé au Grand Conseil par le Conseil d'Etat, il sera renvoyé à la commission d'aménagement qui auditionnera, comme elle le fait toujours dans pareil cas, les autorités de la commune concernée.
Que la commune de Troinex se rassure ! Toutes les procédures en vigueur lors d'un projet de déclassement seront totalement respectées. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer cette motion en commission. Il faut la renvoyer directement au Conseil d'Etat afin qu'il en concrétise les invites.
Mme Janine Berberat (L). Cette motion, au titre bucolique, ne demande pas seulement d'étendre une zone de verdure dans la commune la plus verdoyante du canton, mais elle constitue une procédure d'opposition supplémentaire à la construction de deux petits immeubles campagnards intégrant la poste. Cette construction permettrait de conserver, dans le même périmètre, les bâtiments administratifs, la poste, une banque, une épicerie, et ce à deux pas de l'école.
Les Troinésiens attachent une grande importance à la création d'un lieu commun regroupant toutes leurs activités. Troinex ne dispose pas d'un village resserré et bien défini. Un centre est donc nécessaire.
Mesdames et Monsieur les motionnaires, vous manifestez un mépris total de l'autonomie communale. Vous refusez d'accepter des décisions votées démocratiquement. Vous n'avez même pas pris la peine de contacter les autorités et de les questionner. Cette démarche aurait évité les erreurs contenues dans l'exposé des motifs.
Je ne ferai pas l'historique de la saga de la poste qui dure depuis fort longtemps. Vous devez néanmoins savoir que, suite à un déclassement voté par le Grand Conseil en 1989 et autorisant la construction d'immeubles pour accueillir six cents nouveaux habitants, la commune n'a reçu que 4 714 m2 au lieu des 17 200 m2 promis. Vous devez savoir aussi ce que la motion ne précise pas : en trente ans, la population troinésienne a pratiquement doublé, alors que les locaux administratifs n'ont pas changé.
Je rappelle que deux autorisations de construire sur le terrain en question ont été délivrées, respectivement en 1993 et 1995, par MM. les conseillers d'Etat Grobet et Joye. Les projets respectent les maisons d'alentour et aucun bâtiment existant ne sera touché.
A ce jour, les opposants ont été déboutés devant toutes les instances juridiques. Ils avaient la possibilité de lancer un référendum communal après le vote du crédit de construction. Ils ne l'ont pas fait. Pourquoi ? Sans doute parce que leurs appuis étaient à l'extérieur.
Le Conseil d'Etat a refusé le classement du site de la Grand'Cour. Il a donc tenu compte de l'opposition de la commune de Troinex et de la majorité des propriétaires des parcelles du domaine, une mesure de classement pouvant empêcher la commune de mettre en oeuvre son projet d'urbanisation.
Votre proposition lèse gravement les intérêts et les droits patrimoniaux de la commune de Troinex. Ce terrain représente une valeur de plus d'un million de francs et vous demandez que les Troinésiens y renoncent au profit d'une verdure qu'ils ont déjà en abondance !
Les Troinésiens aimeraient qu'on leur fiche la paix, qu'on leur lâche les baskets avec cette poste ! Ils en ont plus qu'assez des donneurs de leçons, assez qu'on leur dise comment regarder et aimer leur commune ! Ils sont absolument conscients de la valeur esthétique et historique de la Grand'Cour, mais ils «vivent» leur commune et n'entendent pas en faire un Ballenberg !
Qu'en est-il de la problématique de la poste ? Les choses ont évolué. Les PTT ont restructuré leurs services de tri et leur besoin en surfaces n'est plus le même. Néanmoins, ils tiennent à conserver un bureau dans le périmètre des activités de la commune. Ils souhaitent donc rester à la Grand'Cour. Le problème demeure entier pour la mairie. Elle doit impérativement s'agrandir et récupérer les locaux qu'elle loue.
Mesdames et Monsieur les motionnaires, vous n'avez pas souhaité entendre les autorités communales. J'espère que vous allez changer d'avis. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux. Vous ne pouvez mépriser les décisions des autorités municipales sans porter atteinte aux droits démocratiques des communiers. Vous ne pouvez pas, au nom d'une majorité parlementaire, faire la sourde oreille et imposer votre vision des choses.
Le groupe libéral propose de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement qui pourra auditionner les autorités communales et vous donner, par la même occasion, des informations et des chiffres actualisés.
Mme Christine Sayegh (S). Cette proposition de motion est motivée par l'intérêt prépondérant de la sauvegarde d'un patrimoine historique de notre canton, témoin de nos coutumes et de nos traditions.
Cet intérêt est d'autant plus défendable que d'autres solutions existent qui, sans être plus coûteuses, ne sacrifieront pas ce site exceptionnel qu'est le hameau de Grand'Cour.
Il est regrettable que le Conseil d'Etat n'ait procédé qu'à un classement partiel. C'est une erreur qui peut être corrigée. Pour ce faire, il y a lieu de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il nous propose un projet de loi pour classer la Grand'Cour en zone de verdure.
Le Conseil d'Etat pourrait élaborer un projet de loi et proposer, en contrepartie, le déclassement de la parcelle Duvernay. La situation de cette parcelle est adéquate. Son déclassement est souhaité par la commune en vue de la construction d'une nouvelle salle communale.
Le Conseil municipal de Troinex a pris une résolution urgente demandant le renvoi de cette motion en commission. Cette résolution est prématurée car, par économie de procédure, c'est bien lors de l'étude du projet de loi, et non de la motion, qu'il y aura lieu d'auditionner la mairie de Troinex.
Il faudra surtout prendre en considération le fait nouveau, très important, évoqué par Mme Berberat : la poste a décidé de renoncer à son projet d'extension et ne tient pas spécialement à demeurer dans les mêmes lieux.
Conclure qu'il n'y a aucun obstacle au déclassement de la Grand'Cour en zone de verdure n'est pas illusoire.
Le groupe socialiste vous invite à renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jean-Marc Odier (R). La Grand'Cour de Troinex a toute une histoire. Ce hameau constitue un ensemble d'origine médiévale qui a traversé les âges pour nous livrer, aujourd'hui, un riche enseignement qui témoigne de ce que fut la vie à Troinex.
Les motionnaires nous donnent une multitude d'informations intéressantes qui retracent les étapes successives de ce hameau. Pourquoi vouloir bloquer son évolution ? Faites-le, et on ne parlera plus de la Grand'Cour, mais du musée en plein air de Troinex !
Si l'on veut conserver ce patrimoine vivant, il faut lui permettre d'évoluer comme le prévoit la commune qui a élaboré un projet de construction. Il y a plus de six ans, M. Grobet accordait une autorisation de construire sur la base du projet voté, à l'unanimité, par le Conseil municipal. Ces faits ne vous donnent-ils pas à penser que ce projet est bon ?
Les riverains mécontents se sont exprimés devant les tribunaux. Ils ont constamment été déboutés, et ce jusqu'au Tribunal fédéral. Aujourd'hui, les oppositions ont changé de forme, et le Grand Conseil est appelé à se déterminer sur le futur périmètre.
Nous le regrettons, car nous trouvons que les communes doivent avoir plus d'autonomie pour aménager leur territoire et qu'il n'est pas du devoir du Grand Conseil d'entraver les déclassements qu'elles adoptent.
Pour ces différentes raisons, le groupe radical s'opposera à cette motion.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'ai écouté, tout comme vous, les vibratos de Mme Berberat. Ils sont émouvants mais guère raisonnables.
Madame, vous qui nous reprochez de ne pas nous être renseignés auprès de la commune, vous auriez été bien inspirée d'aller écouter la déclaration du Conseil municipal de Troinex, voici un mois. Vous auriez appris que la poste, comme l'a rappelé Mme Sayegh, avait renoncé à s'intégrer dans le projet de construction caressé depuis si longtemps par votre commune. Vous auriez ainsi évité de nous faire verser des larmes inutilement !
En vous référant à la lettre de Mme Luscher au Grand Conseil, vous avez parlé d'une imprécision figurant dans l'exposé des motifs de la motion. Je la reconnais et la rectifie tout de suite dans la mesure où les 17 200 m2 n'ont pas été cédés en totalité gratuitement à la commune puisque celle-ci possède les terrains de tout le secteur.
La commune a bénéficié de certaines cessions dans le secteur de Saussac. Les terrains ont été cédés par l'Etat après l'avoir été par les anciens propriétaires fonciers dans le cadre du déclassement de la zone villas en quatrième zone.
Nous avons tout simplement repris les chiffres qui figuraient dans un projet de loi du précédent Conseil d'Etat, lequel englobait la totalité de cette parcelle, c'est-à-dire les 17 200 m2 appartenant à la commune, sans en distinguer l'origine de propriété.
Mme Luscher a raison : 4 000 m2, constituant des parcelles préalablement déclassées, ont été cédés gratuitement par l'Etat en contrepartie de ce déclassement. Cette cession a été faite à la demande de la commune en vue, précisément, de la construction du projet envisagé.
Dès lors que la commune dispose gratuitement de ces 4 000 m2, elle peut construire. Or, elle entend que son projet soit réalisé sur une autre parcelle.
Avec les trémolos qui vous caractérisent, vous nous demandez de respecter l'autonomie communale... (Brouhaha. Remarque de M. Olivier Lorenzini.) Monsieur Lorenzini, vous me posez une question et me donnez l'occasion d'y répondre. En matière...
Le président. Ne dialoguez pas avec les députés, Monsieur Ferrazino. Adressez-vous au président et à l'ensemble des députés.
M. Christian Ferrazino. Je voulais passer par votre intermédiaire, Monsieur le président... (Rires.) Je suis sûr qu'avec vos talents pédagogiques vous réussirez à convaincre M. Lorenzini et ses amis que l'aménagement du territoire se conçoit au niveau du canton et non en fonction de l'intérêt de telle ou telle commune. Nous y reviendrons quand nous débattrons du projet Pfister. M. Vaucher réagit déjà, et cela ne m'étonne pas !
La fiscalité inspire à certaines communes des idées en matière d'aménagement du territoire. Au niveau cantonal, ce type de raisonnement n'a pas cours. Pour ceux qui connaissent ce joyau médiéval qu'est la Grand'Cour... (Des députés sourient ironiquement.) Cela vous fait sourire... Voyez, Monsieur Lorenzini, comme vos amis s'intéressent à l'aménagement du territoire et à la protection du patrimoine ! A chacun ses préoccupations, personne n'est obligé de partager les miennes !
Pour répondre à votre question sur l'autonomie communale, je crois pouvoir vous dire, chère Madame, qu'en matière d'aménagement du territoire il est capital que la décision définitive appartienne au canton et non aux communes, même s'il est indispensable de les consulter pour tout projet à développer sur leur territoire. Si les communes étaient libres de développer tel ou tel plan localisé de quartier, il n'y aurait plus de concept général, au niveau du canton, en matière d'aménagement du territoire. Nous ne pouvons évidemment pas souscrire à cet objectif.
En l'espèce, Madame Berberat, l'intérêt du canton est de préserver un site d'une qualité exceptionnelle. Cet intérêt-là prime l'intérêt de la commune, ce d'autant plus que celle-ci a la possibilité de développer son projet sur les 4 000 m2 qui, je le rappelle, lui ont été cédés gratuitement à cet effet. D'ailleurs, cette surface permet la réalisation d'un projet plus vaste. C'est dire qu'il n'y a aucune entrave. On doit simplement construire ailleurs, afin que le site de la Grand'Cour soit préservé.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion et du projet de loi qui l'accompagne.
Mme Madeleine Bernasconi (R). Si notre groupe n'a pas soutenu cette proposition de motion, il soutiendra son renvoi à la commission d'aménagement.
Il importe d'entendre la commune de Troinex puisque l'un des partenaires entend modifier maintenant ses intentions.
Je sais, Monsieur Ferrazino, que l'aménagement du territoire est du ressort du canton, mais il faut que les communes aient leur mot à dire et puissent exprimer rapidement leurs besoins. Sinon, la situation sera ingérable.
Les préoccupations du Grand Conseil ne sont pas forcément les mêmes que celles des conseils communaux qui doivent, à des moments donnés, répondre à des impératifs spécifiques, ce qui fait qu'une commune comme celle de Vernier - nous en parlerons tout à l'heure à l'occasion du projet Pfister - peut considérer un tel projet essentiel rien que pour elle.
Le projet de Troinex n'est pas le même, et la motion est un moyen pour le réaliser le plus rapidement possible. Il faut donc la renvoyer à la commission d'aménagement qui entendra les autorités de la commune de Troinex.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. La Grand'Cour de Troinex fait partie de ces périmètres dont l'aménagement s'avère particulièrement difficile.
Dès le début de mon mandat, j'ai multiplié les contacts aussi bien avec la mairie de Troinex qu'avec les auteurs de la motion. Mme Luscher m'a régulièrement informé du point de vue de la commune et de l'évolution du dossier. Les défenseurs du site de la Grand'Cour ont fait de même. Je remercie les uns et les autres de s'être adressés au département et je peux leur assurer que je suis cette affaire avec beaucoup d'attention.
Le conflit intense qui règne à Troinex justifie, à mon sens, l'intervention de l'Etat. J'observe que Mme Bernasconi et d'autres députés de l'Entente souhaitent renvoyer la motion à la commission d'aménagement pour qu'un tour de table complet puisse avoir lieu au niveau cantonal.
La commune a un intérêt évident à construire un centre, puisqu'elle en est dépourvue. C'est une situation que je connais bien, ma commune de domicile étant composée de différents lieux, sans véritable centre de village. Je comprends donc fort bien le souci de la commune troinésienne d'en construire un.
En revanche, la localisation de ce centre crée un problème. J'ai dit à Mme Luscher que la construction d'un centre de village ne pourrait être que mal faite dans un tel climat d'affrontements.
C'est pourquoi il convient que l'Etat s'occupe de ce dossier sans porter atteinte à l'autonomie de la commune.
Il m'est égal que vous renvoyiez maintenant cette motion à la commission d'aménagement ou que vous attendiez le projet de loi que devra déposer le Conseil d'Etat en vertu de l'article 15A de la LALAT. L'important, me semble-t-il, est que l'Etat joue le rôle qui est le sien, à savoir préserver les intérêts communaux tout en ayant une vision globale de l'aménagement sur le plan cantonal.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Si j'interviens après M. Moutinot, c'est pour dire que les motionnaires ont été sensibles à son intervention et à celle de Mme Bernasconi.
Nous n'avons aucune objection à laisser s'exprimer la commune, mais nous pensions qu'elle l'aurait fait lors de l'enquête publique. Aussi sommes-nous d'accord finalement avec le renvoi de la motion à la commission d'aménagement.
M. Christian Ferrazino (AdG). Dans le même esprit, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission d'aménagement.
Je dirais à ceux des bancs d'en face qu'il est bon, de temps en temps, de leur inculquer les bonnes manières... (Protestations.) Pas plus tard que mercredi, à la commission d'aménagement, en la présence de M. Vaucher et de certains de mes préopinants, j'ai demandé à ce que l'on auditionne la représentante du WWF qui en avait fait la demande par écrit. Je la cite : «Je souhaite pouvoir m'exprimer sur un nouveau plan qui a été modifié par ce Grand Conseil, alors que lors de la mise à l'enquête publique ce plan était différent.» Vous étiez présent, Monsieur Dessimoz, et je vous ai expliqué qu'en règle générale nous ne refusions jamais l'audition d'une personne ou d'une association demandant à être entendue devant ce Grand Conseil.
Je n'ai pas vu un seul député des bancs d'en face relever que nous avions une règle à suivre en la matière. Ce débat me donne l'occasion de la leur rappeler.
Quant à nous, nous respectons cette règle et acceptons d'entendre la commune en commission.
A l'avenir, ayez, je vous prie, un peu plus de mémoire que vous en avez eu jusqu'à présent.
Mme Christine Sayegh (S). Nous ne nous opposons pas au renvoi de cette motion en commission d'aménagement. Néanmoins, nous souhaitons, vu le contexte, qu'elle y soit traitée prioritairement et rapidement.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.
Lors de sa séance du 17 décembre 1997, la commission des finances a examiné le présent projet de loi visant à allouer une somme de Fr. 250 000.- à la Croix-Rouge suisse qui a lancé un programme d'action sanitaire et alimentaire d'urgence, soutenu par la Confédération, certains cantons et des milieux privés en faveur de minorités indiennes menacées d'extinction.
M. Michel Baettig, directeur des affaires régionales, qui suit ces projets pour l'Etat de Genève, a présenté les projets concernés, conformément à l'ex-posé des motifs du projet de loi du Conseil d'Etat. La participation de l'Etat de Genève s'élève à 15% du budget total du projet bolivien (Fr. 637 328.-) et du projet colombien (Fr. 337 575.-) tandis qu'elle se monte à 31% du projet équatorien (Fr. 387 000.-).
Les trois projets ont pour but de développer les soins de santé de base, notamment par la prévention et des traitements curatifs de maladies courantes ainsi que par l'encouragement de la médecine traditionnelle. La formation de promoteurs de santé villageois, de sages-femmes et de guérisseurs traditionnels sont une autre composante de ces programmes.
La commission s'est étonnée de l'inscription, dans le projet de loi, d'une clause d'urgence, qui permet de soustraire un tel projet au référendum, ce qui paraît peu approprié dans le cas présent. Certes, ces projets sont urgents, au sens ordinaire du terme, mais les quarante jours de délai référendaire n'empêcheront nullement la réalisation de ces programmes d'aide, qui sont déjà en cours, puisque la contribution de l'Etat de Genève à chacun d'eux n'est qu'une participation et que leur financement est assuré d'une manière indépendante pour chacun d'eux.
La commission a donc décidé de supprimer la clause d'urgence de l'article 2 par 6 oui (1 L, 2 R, 2 DC, 1 V) contre 4 non (2 AdG, 2 S) et une abstention (L).
En revanche, c'est à l'unanimité des onze membres présents qu'elle vous recommande chaleureusement, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi si utile.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
(7684)
allouant une subvention à la Croix-Rouge suisse
pour son action humanitaire en Bolivie, Colombie et Equateur
au profit des minorités indiennes menacées d'extinction
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article unique
1 Une subvention de 250 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour son action en Bolivie, Colombie et Equateur au profit des minorités indiennes menacées d'extinction.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Débat
M. Régis de Battista (S). Je suis heureux de vous présenter cette résolution qui propose une action concrète pour un peuple continuellement opprimé.
Cette résolution n'émane pas seulement de ses signataires. Elle est aussi le fait d'associations défendant la cause du Tibet et celle des droits de l'homme.
Elle appelle à l'aide de tous les Tibétains, qu'ils soient exilés à Genève, ailleurs en Suisse, ou qu'ils vivent sous l'occupation chinoise.
Le Tibet se trouve dans une impasse qui ne permet d'autre alternative que le génocide linguistique et religieux. Les arrestations sont arbitraires, les condamnations sans jugement et la torture pratiquée. Le mot «génocide» peut paraître trop fort, mais il sonne juste à l'oreille des spécialistes de la religion et de la culture tibétaines.
La Commission internationale des juristes, qui a son siège à Genève, a publié un rapport extrêmement alarmant en décembre 1997. Je ne commenterai pas ses considérants, mais j'attire votre attention sur deux invites de la résolution :
La première invite ne se résume pas à demander un simple geste d'accueil. Il est important que le gouvernement tibétain en exil, avec le Dalaï-lama, soit reconnu officiellement par la Suisse comme étant celui d'un pays opprimé. C'est pour cette raison que nous demandons au Conseil d'Etat de le recevoir officiellement. Ce serait une première dans notre pays. Il n'a jamais été possible de franchir ce pas, au niveau national, et je crois que Genève a l'opportunité, actuellement, de faire ce geste, puisque c'est un canton international par excellence, ouvert à la paix, au dialogue et à la prévention des conflits.
La quatrième invite concerne la mise en place de la représentation tibétaine à Genève. En l'occurrence, c'est au Conseil d'Etat de voir ce qu'il peut faire directement avec les personnes concernées. Nous souhaiterions vraiment que l'appui soit concret et n'apparaisse pas seulement dans une résolution destinée à être classée.
Je vous demande de soutenir cette résolution. Ce serait bien de lui donner suite en 1998, année du jubilé de la Déclaration des droits de l'homme.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Je voudrais souligner l'occasion offerte à Genève de démontrer son engagement en faveur des droits de l'homme. Nous en avons souvent parlé, de même que de la sauvegarde de divers droits individuels, mais aujourd'hui il est possible de donner un signe symbolique fort par le biais de cette résolution en faveur du Tibet.
Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que la Suisse a toujours entretenu des liens très particuliers avec le Tibet. Ce pays est géographiquement beaucoup plus grand que le nôtre, mais voisin en nombre d'habitants. C'est également un pays des neiges. Environ deux mille de ses ressortissants vivent en Suisse, notamment dans ce refuge qu'est le Mont-Pélerin, et l'un des bureaux européens des Tibétains en exil se trouve à Genève.
A titre anecdotique, je vous signale que Kalimpong, en Inde, autre lieu de refuge des Tibétains en exil, a longtemps abrité un couvent des pères de Saint-Maurice.
Voilà bien des raisons pour lesquelles la Suisse entretient des liens privilégiés avec le Tibet !
Ce haut personnage qu'est le Dalaï-lama doit être considéré non seulement comme un chef spirituel déjà mondialement reconnu, mais aussi comme un chef temporel. Le Dalaï-lama était le roi de son pays avant d'en être honteusement chassé par les forces d'occupation chinoises. Les Tibétains l'ont choisi pour les représenter et c'est cette légitimité que nous devons reconnaître. Rappelons que le Dalaï-lama a reçu, en 1989, le prix Nobel de la paix, ce qui a amplifié encore son aura.
Le Tibet est un pays occupé. Il n'y existe plus aucune liberté individuelle et religieuse. Quiconque a passé par ce pays a pu se rendre compte des horreurs et des terribles exactions qui y sont commises par l'armée et l'administration chinoises. C'est également le cas pour les autres provinces annexées par la Chine. Par exemple, on procède à des exécutions sur la place publique au Turkestan chinois.
Toutefois, non seulement la Suisse entretient des liens économiques avec cette grande puissance qu'est la Chine, mais elle lui prête main-forte pour construire un barrage mégalomaniaque, participant de la sorte à la programmation de futures catastrophes écologiques et sociales.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion extraordinaire de montrer l'exemple au reste de la Suisse et au monde. Nous, canton de Genève, qui nous voulons capitale des droits de l'homme, serons l'une des premières collectivités au monde à reconnaître le Dalaï-lama comme un chef temporel et à soutenir la mise en place de son statut diplomatique.
Cette décision, si nous la prenons, aura une résonance certaine en faveur des Tibétains dont nous devons soutenir le dur combat.
M. Alain-Dominique Mauris (L). C'est en décembre 1997 que la Commission internationale des juristes rendait son rapport intitulé «Tibet, droits de l'homme et primauté du droit».
Ce rapport recommande la tenue d'un référendum au Tibet pour que les Tibétains se déterminent sur leur statut, le tout sous la supervision des Nations Unies. Nous nous étonnons que cette consultation n'ait pas encore eu lieu.
Ce rapport recommande à la communauté internationale, à laquelle nous appartenons, de se rallier à la volonté du peuple tibétain que nous estimons être valablement représenté par son gouvernement en exil. La reconnaissance de ce gouvernement fera que nous nous abstiendrons d'encourager l'installation d'autorités étrangères sur le territoire du Tibet.
Si notre mandat de parlementaire ne nous permet pas de nous immiscer dans les relations diplomatiques, nous pouvons néanmoins intervenir pour promouvoir la communication et les échanges qui favorisent la coexistence pacifique des peuples.
Dans son discours devant le parlement européen, le Dalaï-lama a rappelé son attachement aux négociations avec la Chine pour trouver une solution acceptable par les deux parties.
La terreur qui s'abat à nouveau sur ce peuple pacifique ne peut nous laisser indifférents. Par conséquent, je vous demande de soutenir cette résolution qui veut donner au gouvernement tibétain en exil la reconnaissance qui lui permettra de mener à bien ces négociations.
Pour conclure, je cite une lettre d'un Tibétain, directement expédiée du Tibet et parvenue miraculeusement jusqu'à nous : «Quels que soient son pays, son parti politique, que l'on soit simple particulier ou homme politique, on doit essayer d'aider et de sauver le Tibet.»
M. Rémy Pagani (AdG). Notre groupe soutiendra cette résolution. Nous présenterons cependant une proposition d'amendement. Qu'il soit bien clair que nous sommes contre l'occupation chinoise et pour l'autodétermination du peuple tibétain. En ce sens, il est juste que ce peuple considère le Dalaï-lama comme son représentant.
Le considérant «- que le peuple tibétain fut gouverné de manière indépendante durant de nombreux siècles» dément la réalité historique : ce peuple a été gouverné par un régime féodal.
Notre amendement consiste à supprimer ce considérant qui amalgame indépendance et féodalité. Il ferait tache dans le paysage !
Nous vous remercions d'accepter cette proposition d'amendement.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Le beau film «Sept ans au Tibet» brosse une fresque réaliste du joug chinois subi par les Tibétains. Les images de ce film, si vous l'avez vu, sont sans doute encore dans vos mémoires. Elles vous inciteront à soutenir cette proposition de résolution.
Je suis sûre que le Conseil d'Etat entendra nos voix et recevra le représentant temporel et spirituel du peuple tibétain. Grâce à son accueil, le Conseil d'Etat transmettra au Dalaï-lama le soutien du peuple genevois à ce peuple qui souffre de l'exil. En retour, il bénéficiera de la sagesse et de la philosophie de ce personnage venu des hauts sommets.
Nous vous remercions de soutenir cette résolution au nom des droits de l'homme.
Le président. Nous avons reçu un amendement, déposé par Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts, qui consiste à remplacer, dans la première invite, les termes «...représentant le gouvernement tibétain en exil» par :
«...vu sa qualité de chef spirituel du peuple tibétain».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Monsieur Pagani, je ne peux pas mettre aux voix votre amendement parce qu'il se rapporte à un considérant et que l'on ne vote pas sur les considérants. Votre demande figurera cependant dans le Mémorial.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
- la situation dramatique que vit le Tibet depuis son occupation en 1951 par la République Populaire de Chine ;
- que la population tibétaine (six millions), suite aux répressions subies, compte plus d'un million de morts ;
- que plusieurs centaines de milliers de tibétains sont partis en exil à Dharamsala (Inde), et qu'ils continuent de le faire encore régulièrement ;
- que les droits fondamentaux du peuple tibétain ont été violés par la privation de l'exercice des libertés de religion et d'expression, la pratique des arrestations arbitraires et des condamnations sans jugement, la destruction des monuments religieux et culturels, la pratique de la torture ;
- que les transferts de population originaires de la République Populaire de Chine dans le territoire du Tibet s'efforcent de rompre l'homogénéité ethnique du pays ce qui représente un véritable génocide, linguistique, religieux et culturel ;
- que le Panchem Lama, Gedhun Choekyi Nyima, détient le triste record du plus jeune prisonnier politique car il est séquestré par les autorités chinoises ;
- que le peuple tibétain fut gouverné de manière indépendante durant de nombreux siècles ;
- qu'il s'est doté d'une structure étatique spécifique à partir de 1911, et que les institutions tibétaines sont aujourd'hui gérées par le gouvernement tibétain en exil dont le siège est à Dharamsala ;
Le Grand Conseil demande au Conseil d'Etat :
1. de recevoir officiellement, lors de son prochain passage à Genève, la délégation et le Dalaï-lama, représentant le gouvernement tibétain en exil ;
2. de recommander aux autorités fédérales la mise en place de son statut diplomatique à Genève ;
3. de recommander l'ouverture d'échanges économiques et culturels avec le gouvernement tibétain en exil ;
4. d'accorder un appui à la représentation du gouvernement tibétain en exil.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le député, je réponds à l'interpellation que vous avez développée le 23 janvier dernier.
Une procédure disciplinaire a été engagée le 2 mai 1995 à l'encontre d'un inspecteur de sûreté, M. F. R. Elle a abouti à la révocation des fonctions de l'intéressé prononcée par arrêté du 16 avril 1997 du Conseil d'Etat.
Par décision du 15 août 1997, la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison a rejeté le recours de cet inspecteur qui contestait sa révocation.
Ce dossier a été porté au niveau du Tribunal fédéral qui a rejeté ce recours le 10 février dernier.
Par ailleurs, dans un jugement rendu à fin novembre 1997, le Tribunal de police a reconnu cet inspecteur coupable d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, d'entrave à l'action pénale et de violation du secret de fonction. Il l'a condamné à une peine de douze mois de prison avec sursis pendant trois ans. Appel a été interjeté contre cette décision auprès de la Chambre pénale de la Cour de justice.
Votre interpellation, Monsieur le député, porte plus sur les accusations portées par cet inspecteur à l'égard de ses collègues que sur son propre cas.
Suite à ces accusations, j'ai ordonné une enquête administrative. J'ai choisi un enquêteur externe, de toute confiance et d'excellente renommée : Me David Lachat, avocat et ancien député. En date du 19 juin 1997, je l'ai chargé de déterminer quel crédit pouvait être accordé aux accusations de l'inspecteur révoqué; d'apprécier si certains comportements étaient répréhensibles et, par conséquent, susceptibles d'être sanctionnés.
Le 31 octobre 1997, Me David Lachat a rendu un rapport très complet à mon département. Il a relevé que les faits dénoncés n'étaient soit pas répréhensibles, soit trop anciens et par conséquent prescrits, soit déjà sanctionnés, soit demeurés improuvés ou insuffisamment prouvés.
En conséquence, j'ai décidé de clore cette enquête administrative par arrêté du 23 décembre 1997.
Monsieur le député, j'ai ainsi répondu à vos trois questions.
Il n'y a pas eu inégalité de traitement. Les faits dénoncés par l'inspecteur révoqué, et pour autant qu'ils aient été avérés, sont sans commune mesure avec ses propres fautes, lesquelles lui ont déjà valu, je le rappelle, un jugement du Tribunal de police, un arrêté du Conseil d'Etat, un arrêté, dans le même sens, de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison et un arrêt du Tribunal fédéral sur son recours de droit public.
Il n'est d'autre part pas juste de prétendre que nous ne nous sommes pas donné des moyens suffisants d'investigation et d'intervention.
La procédure disciplinaire concernant cet inspecteur a fait l'objet d'un rapport extrêmement détaillé, ne laissant planer aucun doute sur sa culpabilité.
Pour ce qui est des accusations de l'intéressé à l'encontre de ses collègues, nous avons pris la peine de nommer un enquêteur externe à la police, décision qui fonde déjà notre bonne foi. Me David Lachat a fourni un travail à la hauteur de sa réputation. C'est sur la base de son rapport que nous avons, en toute conscience et indépendance d'esprit, arrêté la décision que je vous ai indiquée.
Ce rapport a eu une suite : la décision prise le 23 décembre 1997 de clore l'enquête administrative confiée à Me David Lachat. Le cas de l'inspecteur révoqué est, comme je l'ai déjà indiqué, pendant en appel suite au jugement du Tribunal de police.
J'estime, Monsieur le député, avoir répondu à votre interpellation dont je vous remercie.
Cette interpellation est close.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le groupe de travail "; projet 73 " sur la rénovation du bâtiment des lits a rendu son rapport en automne 96. Depuis lors, à notre connaissance, aucune décision n'a été prise, ni par la direction des HUG, ni par de Département de l'action sociale et de la santé (DASS) dans ce dossier.
Or, depuis plusieurs années, comme le confirme le rapport du Conseil d'Etat sur le rapport de la planification hospitalière, le nombre de lits à l'Hôpital cantonal est en diminution constante. Il est donc possible d'envisager rapidement la rénovation des chambres des malades en diminuant le nombre de lits par chambres. En effet, actuellement les chambres communes sont composées de 6 lits en moyenne, soit un nombre bien supérieur à celui des hôpitaux modernes en Suisse et en Europe. Il serait possible d'atteindre un nombre moyen de 2 lits par chambre pour l'ensemble de l'hôpital. Il nous paraît nécessaire également de tenir compte des réflexions de l'association Dialogai (Cahiers noirs de l'Hôpital cantonal, audition du 18 avril 96): "; Chaque service - nous pensons à environ 15 malades - devrait disposer d'une salle où les patients qui le souhaitent peuvent prendre leurs repas en commun, accompagnés de leurs proches s'ils le désirent. " ... "; La chambre devrait être considérée comme un lieu privé, où chacun, quand il le désire, conserve la possibilité de préserver son intimité. "
Cette amélioration aurait des répercussions bénéfiques sur la qualité des prestations et correspondrait à l'évolution que connaissent toutes les infrastructures hospitalières en Europe.
Enfin, un projet de rénovation du bâtiment des lits permettrait de relancer l'emploi dans un domaine particulièrement affecté par la crise prolongée que nous connaissons.
Afin de pouvoir rapidement préciser les choix dans ce dossier et d'éviter la répétition d'erreurs commises par le passé (en particulier dans le dossier Opéra!) nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion.
Débat
Mme Louiza Mottaz (Ve). Par définition, un service public, quel qu'il soit, n'a de sens que s'il est au service de l'usager.
En tant que tel, l'hôpital cantonal ne peut déroger à cette règle et se doit, dans les faits, de mettre réellement le patient au centre de ses préoccupations. En toute légitimité, le patient réclame des soins de qualité, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur ceux qui touchent au respect de sa dignité et à la préservation de son intimité.
Ainsi la direction de l'hôpital cantonal et le département de la santé ne peuvent prôner et définir seuls des soins de qualité. Car vouloir ces derniers impose une réponse optimale aux besoins du patient et nécessite donc son avis sur lesdits besoins.
La motion qui vous est soumise met en lumière, d'une part, la nécessité d'une démarche de partenariat incluant le patient, afin qu'il y ait adéquation de la réponse à ses besoins, et, d'autre part, le rôle fondamental de la volonté politique qui, seule, donnera les moyens nécessaires pour qu'effectivement le patient soit pris en soins de manière globale et pas seulement sur un plan technique.
Dès lors, nous ne pouvons faire porter aux seules équipes soignantes le mandat d'assurer des soins de qualité, avec ce que cela implique pour la satisfaction du patient, sans leur en donner les moyens.
Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de soutenir les soignants et d'être coresponsables avec eux dans leur désir de donner des soins de qualité.
La rénovation du bâtiment des lits est urgente. Nous nous devons de donner à ce lieu son essence même qui est celle d'accueillir la personne avec humanité au moment où elle souffre.
Pour ces raisons, nous vous demandons d'accepter cette motion.
M. Gilles Godinat (AdG). Le but de cette motion est extrêmement simple. Il s'agit d'éviter les erreurs du passé et d'anticiper les grands travaux dans cette République.
Comme le souligne le Conseil d'Etat à la page 78 de son rapport sur la politique de santé et la planification sanitaire, il y a un paradoxe, je cite, «à disposer des équipements parmi les plus perfectionnés en Suisse et en Europe, en particulier la partie Opéra, et avoir des chambres de sept lits, alors que la plupart des hôpitaux régionaux d'autres cantons ont des chambres à deux lits, rarement trois». Cela se passe de commentaire.
Dans le train d'investissements, et afin de prévoir les travaux nécessaires, il serait utile de connaître ce qui a déjà été étudié pour avancer rapidement dans la rénovation, que tout le monde souhaite, de ce bâtiment.
Mme Nelly Guichard (PDC). Pour tenir compte de la nécessité de réduire les coûts de la santé, une planification quantitative a conduit la direction des HUG à diminuer progressivement le nombre de lits à l'hôpital cantonal : de mille cinq cents en 1991, ils seront passés à mille en 2001.
C'est donc une forte diminution et le moment est particulièrement opportun pour entamer la phase de transformation du bâtiment des lits. En effet, nous proposons d'ajouter à cette planification quantitative la planification qualitative que représente le passage des chambres à six lits en moyenne aux chambres à deux lits.
Il ne s'agit pas d'un projet démesuré comme ceux que nous avons déjà vus pour l'hôpital. Il s'agit d'une évolution logique, d'une adaptation normale, qui vont dans le sens du respect des malades, avec le souci de préserver leur intimité. Ce dernier sujet a déjà été évoqué dans l'enceinte de notre Grand Conseil.
Pour se prononcer en toute connaissance de cause, nous souhaitons la publication du rapport du groupe de travail «Projet 73».
C'est dans cette optique que notre groupe soutiendra le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Bernard Lescaze (R). C'est avec une certaine réticence que le groupe radical a pris connaissance de cette proposition de motion pavée de bonnes intentions. Qui ne souscrirait pas aux arguments du docteur Godinat ?
Malheureusement, nous sommes obligés de considérer globalement la situation sanitaire, et plus particulièrement la situation hospitalière, dans ce canton. Force est de constater que, malgré les chiffres avancés par ma préopinante, nous ne saurons pas combien de lits seront nécessaires dans ce bâtiment tant que les processus de planification sanitaire et, notamment, de planification hospitalière n'auront pas été adoptés.
Puisque nous en sommes à la planification, je tiens à rappeler à ce Grand Conseil qu'il a lui-même décidé d'un ordre de priorités. En matière de planification hospitalière, les priorités sont, dans l'ordre, la construction bientôt achevée de la maternité et la construction de l'hôpital des enfants. Ce n'est qu'une fois ces projets réalisés que nous pourrons envisager la réfection, la rénovation, la restauration ou la construction du bâtiment des lits.
Il faut savoir que le chantier de l'hôpital cantonal est ouvert depuis 1942, qu'à ce jour il n'est pas terminé, qu'on a dépensé, voici peu, trois cents millions pour la zone sud, c'est-à-dire le fameux bâtiment Opéra, et que la simple réfection du bâtiment des lits devrait, d'après mes informations, coûter environ deux cents millions.
La question est de savoir si, dans l'urgence et l'état actuel des finances publiques, nous pouvons mettre la priorité absolue - en oubliant celle de l'hôpital des enfants - sur ce bâtiment des lits. La réponse est claire : c'est non !
Nous pouvons, bien entendu, demander à connaître le rapport du groupe de travail «Projet 73». D'ailleurs, on ne me fera pas croire que certains signataires de cette proposition de motion l'ignorent. On peut aussi demander au département de l'action sociale et de la santé de présenter des rapports, mais cela ne fera guère avancer les choses.
Aujourd'hui, nous devons assumer nos responsabilités. Donnez-nous d'abord les instruments de planification nécessaires ! Que la commission de la santé et la commission des affaires sociales, qui procèdent à de très nombreuses auditions, accouchent enfin de la résolution qui leur est demandée, positivement ou négativement ! Mais que l'on voie enfin quelque chose ! Nous pourrons ensuite songer à une étape ultérieure, tout en sachant que nous n'avons pas les moyens financiers - à moins que vous ne vouliez une augmentation d'impôts - de parvenir à ce que vous souhaitez pour le bâtiment des lits.
Gouverner c'est prévoir. C'est s'en tenir aux priorités nécessaires et reconnues. Si les motionnaires entendent, par cette proposition, donner la priorité à la réfection du bâtiment des lits plutôt qu'à l'hôpital des enfants, qu'ils le disent clairement ! Si tel n'est pas le cas, qu'ils oublient leur motion pour l'instant ou qu'ils la renvoient à la commission de la santé.
Je tiens à déclarer, au nom de mon groupe, qu'elle n'est pas opportune en ce moment.
M. Dominique Hausser (S). C'est avec un vif intérêt que je viens d'entendre l'intervention de M. Guy-Olivier Segond... pardon, de M. Lescaze...
Des voix. Ah ! ah !
M. Dominique Hausser. Cette confusion est due au fait que M. Segond vient de tenir le même discours à la buvette !
Je comprends que l'on veuille procéder à une planification sanitaire pour déterminer les besoins. Il n'empêche que le concept de l'hôpital existant date des années 45, 48 et 50. Quand il a été élaboré, nous étions, bel et bien, dans une logique de chambres à sept, huit, dix ou douze lits. En fait, nous étions révolutionnaires puisque nous partions de dortoirs à vingt lits !
Les choses ont évolué. Aujourd'hui, il est normal de considérer une chambre d'hôpital comme un lieu privé et de procéder à l'aménagement de lieux de convivialité en dehors des espaces où les malades se reposent, dorment ou dialoguent, en toute intimité, avec leurs proches : je pense aux cas difficiles et aux patients en fin de vie.
Si nous voulons prendre certaines décisions - il ne s'agit pas de la pseudo-différence que fait M. Segond en termes de planifications quantitative ou qualitative - concernant une approche qualitative du patient, centrée sur les soins à lui dispenser, celle-ci doit primer sur la technologie ou l'économie. Certes, les deniers publics sont importants, mais ce sera la volonté d'assurer une qualité de vie optimale, même en situation hospitalière, qui pourra inspirer une telle politique, et non l'économie.
Pour en décider, il est indispensable que les rapports produits - même ceux, internes, de l'hôpital - soient rendus publics. Le parlement et l'ensemble de la population ont le droit d'accéder à l'ensemble des documents requis par les collectivités publiques, à part, peut-être, de rares exceptions où la vie privée de tel ou tel individu serait en cause.
M. Gilles Godinat (AdG). Je suis obligé de réagir aux propos de M. Lescaze. Il n'a jamais été question, pour les motionnaires, de remettre en cause les programmes d'investissement et de planification.
Notre seul souci est que le projet de rénovation du bâtiment des lits ne reste pas dans un tiroir et finisse aux oubliettes.
Lier la planification hospitalière et sanitaire à la rénovation du bâtiment des lits n'est pas notre but principal. Je vous assure que Mme de Tassigny et moi-même faisons notre possible pour que soient menés, dans des délais tout à fait raisonnables, les travaux d'une commission conjointe réunissant trente députés qui tiennent chacun à s'exprimer et à souhaiter que leur représentant soit auditionné. Ce n'est pas chose facile et nous sommes heureux d'y être parvenus.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte volontiers le renvoi de cette motion à son autorité.
Monsieur Hausser, je reprendrai - ne vous en déplaise - une partie des propos de M. Lescaze qui agit, comme chacun le sait, sous l'influence télépathique du Conseil d'Etat !
La construction et la rénovation des bâtiments hospitaliers font l'objet d'une planification, connue du Grand Conseil, en raison de leur coût : je vous rappelle que 350 millions ont été dépensés pour la zone sud; que le premier projet de rénovation du bâtiment des lits s'élevait à 200 millions; que les projets de l'hôpital des enfants et de la maternité reviendront respectivement à 40 millions et à 100 millions de francs environ.
Cette planification des bâtiments hospitaliers obéit aussi à d'autres critères qui sont, d'une part, la satisfaction des besoins hospitaliers et, d'autre part, la capacité d'investissement de l'Etat de Genève.
Vous avez accepté cette planification qui fixe, dans l'ordre des priorités, la maternité - c'est en cours - l'hôpital des enfants - les travaux vont démarrer - et le bâtiment des lits.
Dans cette perspective, selon le calendrier prévu, le comité de direction des hôpitaux universitaires de Genève a donné, en novembre 1995, mandat à un groupe d'étude, présidé par l'honorable docteur Pierre-François Unger, dit «groupe 73» parce qu'il s'agit du septante-troisième groupe de travail mis en place dans les hôpitaux universitaires durant l'année 1995 !
Sur la base des conclusions de ce groupe de travail, le Conseil d'Etat et le conseil d'administration des hôpitaux universitaires attendent, pour déposer un premier crédit d'étude, que les projets de services soient terminés et adoptés - ce qui sera probablement fait vers Pâques - et que le nombre de lits soit défini par la commission, qui étudie la planification sanitaire.
L'autorité politique devra alors choisir la solution la plus adéquate sur tous les plans : qualité des soins, confort hôtelier et coût des travaux. Elle devra donc opter pour la solution la plus satisfaisante et la plus économique, et, notamment, trancher entre l'option de la rénovation, avec toutes les perturbations qu'elle entraînera dans les services de soins, et l'option de la démolition/reconstruction, qui ne sera pas nécessairement la plus coûteuse.
Je vous communiquerais volontiers le rapport du groupe 73, mais il n'y a pas lieu de le privilégier plus qu'un autre : vous pourriez demander à connaître les rapports 1 à 72 produits par l'hôpital cantonal durant l'année 1995, aussi importants quant à la qualité des soins et le confort des patients !
Par conséquent, je vous propose de suivre une procédure plus orthodoxe, d'agir avec ordre et méthode, de demander au Conseil d'Etat de vous faire rapport sur ce document, de vous faire connaître la suite de la procédure et de vous communiquer le calendrier qui appellera les décisions de ce Grand Conseil à la fin de ce siècle ou au début du prochain.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
invite le Conseil d'Etat
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ayant observé une dégradation des soins prodigués dans certains services de l'Hôpital cantonal (notamment en pédiatrie, maternité, policlinique de chirurgie et service des urgences) et suite aux plaintes qui ont été déposées auprès de la commission de surveillance des activités médicales, nous devons malheureusement constater que la qualité des soins n'est plus garantie.
Ces faits ont par ailleurs été soulevés lors d'une récente émission de la Télévision suisse romande.
En effet le personnel soignant étant en sous-nombre, il ne peut faire face de manière adéquate à la prise en charge et aux soins. Il s'est avéré que des personnes peu expérimentées ou qui n'ont pas les compétences nécessaires ou sans supervision, doivent prendre en charge des cas lourds avec toutes les conséquences que chacun-e peut imaginer tant pour les patients-es que pour le personnel.
Pour ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion.
Débat
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). Les dysfonctionnements de certains services de l'hôpital cantonal ne sont plus un secret pour personne. La qualité des soins se dégrade de jour en jour. Il faut faire plus avec moins, ce qui est contraire aux critères de qualité prévus dans le cadre de la planification sanitaire.
Depuis plusieurs années, nous sommes confrontés, en Suisse, à une dégradation progressive de la situation économique et sociale. La récession économique a entraîné une poussée du chômage dont le taux a triplé à Genève entre 1991 et 1997. Environ dix-sept mille personnes sont au chômage, soit près de 8% de la population active.
Il est reconnu qu'une période de chômage constitue une rupture sociale, laquelle entraîne la dégradation de la santé et il est impératif de prévenir, autant que possible, les effets délétères de cette précarisation de la santé.
Par ailleurs, de très nombreux assurés ont dû renoncer, faute de moyens, à leur assurance complémentaire.
Face à tous ces constats, nous devons réagir pour garantir à tous l'égalité d'accès aux soins. Il faut assurer la qualité et la continuité des soins donnés et des services rendus, lesquels doivent être soumis à une évaluation régulière.
Vouloir diminuer les effectifs à l'hôpital cantonal, c'est aller à l'encontre même des critères de qualité.
Les responsables de certains services et des chefs-infirmiers nous l'ont appris : le pool infirmier qui englobe l'ensemble du personnel soignant de l'hôpital cantonal et qui doit faire face aux absences du personnel - vacances, accidents, maladies, congés maternité - à l'heure actuelle ne peut répondre qu'à 40% de la demande.
Dans le département de chirurgie, composé de la clinique de chirurgie, de l'orthopédie et du bloc opératoire, il manque au moins trente infirmières. Ce département donne de trente mille à trente-cinq mille consultations par an !
Aux soins intensifs de chirurgie et de médecine, on note un manque sérieux d'instrumentistes formés.
A la policlinique de chirurgie, les deux tiers des consultations ne sont plus assumées par les infirmières. Dans ce même département, il y a eu dix mille consultations de plus sans que le personnel ait été augmenté. Quatre infirmières s'occupent chaque jour d'une trentaine de patients.
En pédiatrie, le problème se pose avec autant d'acuité. Le déficit journalier est de 37% selon le PRN - le bilan quotidien dressé dans chaque département de l'hôpital cantonal - taux établi sur la base des données suivantes : cinquante-huit mille consultations en 1996 et 5,3% de plus en 1997; une augmentation de 17,3% du nombre d'enfants de 0 à 4 ans et une augmentation de 20,4% des enfants de 5 à 9 ans, soit environ mille enfants de plus; et une augmentation de 5% des entrées en urgence. Certes, douze nouveaux postes ont été subventionnés en 1996, mais les autres postes supplémentaires ont été financés par ce service dont l'activité est en très forte croissance.
Par conséquent, la qualité des soins se perd. Le personnel est désabusé. La dégradation des soins se fait ressentir chez les patients qui se plaignent pour plusieurs motifs : non-disponibilité du personnel soignant, personnel stressé et fatigué; absence d'informations ou communication lacunaire; longueur des délais d'attente; absence de surveillance; manque de suivi, manque d'encadrement et de supervision; dossiers égarés, etc.
Un travail bâclé engendre des risques. Bien des infirmières se plaignent de devoir fournir un travail médiocre en dépit de leur dévouement sans conteste. Mais à l'impossible nul n'est tenu !
Il est donc impossible, actuellement, d'assurer des soins de qualité. Pourtant, cette qualité est indispensable, elle ne saurait être distribuée au rabais.
Par ailleurs, un des critères de sûreté est d'assurer celle-ci par la prévention. L'efficacité et la qualité du système résultent étroitement de la motivation du personnel. Cette motivation et la satisfaction du patient sont liées. Avoir la première, c'est forcément obtenir la seconde.
Il est temps de tirer la sonnette d'alarme et de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Certains départements de l'hôpital cantonal ont besoin de plus d'effectifs. C'est pourquoi nous demandons l'attribution immédiate de cent cinquante trois postes. C'est le but de cette motion que je vous invite à renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Pierre-Alain Champod (S). Jusqu'à tout récemment, Genève était réputée pour la qualité de ses hôpitaux. Or, depuis quelque temps, nous entendons des critiques concernant la qualité des prestations offertes aux patients hospitalisés.
L'augmentation de ces critiques va de pair avec la diminution du personnel, notamment du personnel soignant. Il convient, en effet, de distinguer le personnel administratif du personnel soignant. Lors de précédents débats, nous avons déjà eu l'occasion de vous faire part de nos préoccupations concernant cette évolution.
Tout récemment encore, une personne m'a exposé les problèmes qu'elle avait rencontrés à la suite de l'hospitalisation de son fils en pédiatrie. Ses doléances rejoignaient celles exprimées dans l'émission TV sur la clinique de pédiatrie, émission à laquelle fait référence l'exposé des motifs de la motion.
Les dysfonctionnements constatés sont étroitement liés à la diminution du personnel.
Nous devons également rappeler que la réduction de la durée d'hospitalisation - une bonne chose en soi - a pour corollaire la nécessité de dispenser des soins plus importants. La diminution du nombre de patients ne va donc pas de pair avec l'allégement de la charge de travail.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Armand Lombard (L). Cette proposition de motion est importante. Elle concerne des problèmes de fond qui ont retenu l'attention de notre groupe.
La santé est un fait de société qui nous intéresse tous et la qualité des soins, évoquée dans la motion, constitue un objectif consensuel.
Heureusement ou malheureusement, je ne sais trop, l'intervention intelligente de Mme Bolay a compensé la nullité de la motion. Ce texte est par trop indigent et affligeant ! Il ne parvient même pas à rendre ce problème intelligible à des députés chevronnés, même s'ils sont de milice.
On ignore tout des quinze millions en jeu. Je ne suis pas un spécialiste de la «chirurgie» informatique, mais choisir le caractère le plus petit pour compliquer encore les choses n'est pas admissible.
On devrait veiller, dans ce Grand Conseil, à ne pas présenter de tels textes. Ils sont négatifs et inutiles pour les personnes désireuses de s'informer. Notez la différence qui existe entre ce mauvais papier et le brillant exposé de Mme Bolay !
Je dois avouer ne pas me soucier des problèmes de l'hôpital autant que Mme Bolay. Dans les milieux que je fréquente, sans doute moins informés que les vôtres, Madame, je n'ai pas entendu parler d'une baisse dramatique de la qualité des soins, d'horreurs, de salles de plus en plus sinistres, de patients de plus en plus malades. Pour moi, l'hôpital cantonal reste un endroit où je me rendrai, si nécessaire, avec tout de même un fonds de confiance.
En revanche, Madame, la chute de votre intervention est épouvantable en matière de gestion étatique. Demander d'attribuer cent cinquante trois postes pour tout remettre en place, quinze millions, hardi les gars ! Pourquoi pas cent cinquante ou cent cinquante-cinq millions ? Mettez le paquet et rétablissez tout, Monsieur Segond, puisque vous avez des sous.
C'est tout simplement impossible, Mesdames et Monsieur les motionnaires ! Quand on est de la majorité, et qu'on pense la mériter, il est inimaginable de promouvoir de telles structures et de présenter de telles propositions !
La gestion des fonds pour ces lits est de la compétence du Conseil d'Etat. Je comprends fort bien qu'on lui propose ou qu'on lui demande quelque chose, mais je trouve inadmissible, petit et nul que M. Champod argue d'une émission de télévision pour prétendre que tout cela vaut bien 15 millions que le Conseil d'Etat n'a qu'à fourrer dans nos poches !
C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cette motion alors que sur le fond nous n'y sommes pas opposés. Nous la refuserons d'entrée et à tout jamais.
M. Pierre Froidevaux (R). Renchérissant sur les propos de M. Lombard, je rappelle que nous avons assisté, ces derniers temps, à une réduction linéaire de 2% des effectifs, réduction imposée par l'état de nos finances publiques. Cela ne veut pas dire que cette façon de réduire les déficits a toujours été judicieuse. Elle a favorisé l'émergence de services pléthoriques, alors que ceux qui se sont toujours comportés de manière raisonnable vis-à-vis du contribuable, comme le service du docteur Unger déjà cité, se trouvent aujourd'hui en sous-effectif.
Cent cinquante-trois postes supplémentaires ont été inscrits dans le budget 1998. Par conséquent, ils existent d'ores et déjà. Pour autant, il ne faut pas les vilipender pour les distribuer à ceux qui crient le plus, Monsieur Champod ! Montrons, au contraire, ce que nous avons appris : les postes ne seront pas simplement repourvus, ils feront partie d'un pool pour être analysés, puis attribués aux plus efficients. A cette condition, nous sommes disposés à soutenir cette motion et à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
En revanche, si l'Alternative entend nous transformer en chefs du personnel, nous ne participerons pas à cette mascarade. Nous ne pouvons pas outrepasser la définition des objectifs et l'attribution des moyens. Or les objectifs des motionnaires sont déjà étudiés par la commission de la santé et la commission des affaires sociales. Les moyens ont été votés.
Si notre Grand Conseil devait, en plus, gérer le personnel, comme le propose Mme Bolay, alors bonjour les dégâts !
M. Gilles Godinat (AdG). Nous sommes évidemment conscients que nous ne vivons pas dans le tiers-monde ou dans les pays de l'Est. Il n'empêche que la situation devient inquiétante dans nos hôpitaux.
Nous avons fait le choix, et je comprends que certains le critiquent, d'un exposé des motifs succinct pour ne pas entrer dans le détail des chiffres que nous projetions d'exposer en plénière.
Permettez-moi quelques commentaires sur la psychiatrie. Par rapport aux cinquante-huit lits attribués au secteur est, on a dû augmenter le nombre de lits dans les unités. D'où un taux d'affectation de 112% et un taux d'occupation de 110% pour le secteur Est. Dans le secteur Ouest, le taux d'occupation des lits est de 119%. Les lits ont donc augmenté, mais pas les effectifs. Par conséquent, les conditions de travail se sont dégradées.
Je ne polémiquerai pas à propos des récents et assez graves incidents survenus à la clinique. Le rapport du conseil de surveillance psychiatrique nous éclairera sur les conditions dans lesquelles les soins sont dispensés dans les hôpitaux publics de psychiatrie de ce canton.
En psychogériatrie, le chiffre admis était de quinze patients par unité. Actuellement, la moyenne est de dix-neuf, alors que le nombre des soignants est resté le même, voire a diminué. Le mouvement des patients, en psychogériatrie, a doublé en quelques années. Cela signifie que les équipes doivent assumer le double de travail !
Certes, ce n'est pas encore dramatique, mais il y a de quoi être préoccupé !
Nous voulons que le pool de ces cent cinquante-trois postes ne soit pas qu'une indication sur un papier. Ces postes doivent être attribués. Nous ne voulons pas nous substituer au comité de gestion des différents départements, nous sommes conscients de notre fonction de parlementaire. Notre rôle, en revanche, est de donner un signe politique clair au Conseil d'Etat pour qu'il tienne compte de la dégradation actuelle et qu'il attribue les postes là où ils sont nécessaires de toute urgence.
Mme Louiza Mottaz (Ve). Je me bornerai à citer M. Segond qui, dans un courrier du mois de janvier, nous rappelle que le nombre de postes accordés en 1998 aux hôpitaux universitaires de Genève est identique à l'effectif 1997. Pour en fait, plus loin, préciser que l'effectif global se répartit en une dotation ordinaire de 7563 postes et une autre, extraordinaire, de 153 postes.
Cette dernière est placée sous la responsabilité exclusive de la direction générale du personnel qui l'affectera entre autres, je cite, «aux projets prioritaires définis par les projets de services acceptés, sur préavis du comité de pilotage, par le comité de direction».
Le texte ne précise pas s'il y a un pilote dans l'avion...
Mesdames et Messieurs, essayons plutôt d'éviter le crash en redonnant au personnel de terrain, qui a besoin de stabilité pour accomplir sa mission, les cent cinquante-trois postes qui lui sont nécessaires.
Gardons le qualificatif d'extraordinaire pour les soignants qui subissent, actuellement, une dotation ordinaire fort dangereuse pour la qualité des soins.
Nous vous remercions de soutenir cette motion.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je rappelle quelques faits à ce Grand Conseil, notamment l'évolution des hôpitaux universitaires de Genève au cours de ces six dernières années.
Pendant cette période, le nombre de lits a diminué de 15% et le nombre de journées d'hospitalisation de 13%. Le nombre de postes de personnel, lui, n'a diminué que de 6%.
Contrairement à ce que j'entends dire ici et là, les réductions de personnel n'ont pas été opérées de façon linéaire : elles ont frappé les secteurs administratif et technique plus que les secteurs médical et de soins.
Ces chiffres, qui révèlent une diminution significative du nombre de lits hospitaliers et du nombre de journées d'hospitalisation, ne rendent pas compte de tous les phénomènes. Pour l'essentiel, ils s'expliquent par le développement de l'aide et des soins à domicile, voulu par la population, et par l'évolution des soins, notamment le développement de l'ambulatoire.
Les hôpitaux universitaires genevois ne sont cependant pas au bout de leur peine. Selon le surveillant des prix et le Conseil fédéral - qui fixe sur recours les tarifs hospitaliers - les hôpitaux universitaires genevois sont toujours surdotés : le taux d'occupation des lits est supérieur à celui retenu par la VESKA. De plus, la durée moyenne des séjours par cas est encore, à Genève, trop longue.
Dans le cadre de la discussion sur le projet de budget 1998, il est exact que, sur proposition du nouveau Conseil d'Etat, le Grand Conseil a rétabli, pour 1998, un effectif identique à celui de 1997 dans l'administration cantonale et les établissements hospitaliers. Au mois de décembre, nous vous avons expliqué que nous procéderions de la même manière et pour l'administration cantonale, et pour les hôpitaux universitaires de Genève : les postes ne seraient pas restitués systématiquement aux services qui les avaient supprimés, mais ils seraient réaffectés en fonction des besoins prioritaires.
C'est d'ailleurs ce que le Grand Conseil a décidé en réaffectant une trentaine de postes à l'administration fiscale et non aux services qui les avaient supprimés.
Nous procédons de même dans les hôpitaux universitaires de Genève : nous ne réallouons pas ces postes systématiquement aux services qui les ont supprimés, mais nous saisissons l'occasion rare d'avoir une dotation de cent cinquante-trois postes pour procéder à leur réaffectation. Tous les quinze jours - il ne saurait y avoir de contrôle plus serré ! - les décisions seront communiquées au Bureau du conseil d'administration dans lequel sont représentés les partis de l'Entente et de l'Alternative avec, de surcroît, un représentant élu du personnel qui, vous l'imaginez, porte toute son attention à l'attribution de ces postes.
Il n'est nullement dans l'intention du Conseil d'Etat et du conseil d'administration de faire disparaître ces postes. En revanche, le conseil d'administration et la direction des hôpitaux universitaires ont la ferme intention de procéder à une réallocation des moyens, notamment dans le cadre des projets de services.
Madame Bolay, je vous ai écoutée avec attention. J'ai mon idée sur ce qui a été dit à la télévision à propos de l'hôpital des enfants, qui a reçu cinquante postes supplémentaires ces vingt-quatre derniers mois. Seuls quelques postes ont été affectés au service de soins pour des raisons qui m'échappent, mais que je suis en train d'investiguer pour savoir exactement ce qui a été fait de ces postes, qui a décidé de leur affectation et si certains ou certaines se sont servis en priorité.
En écoutant votre description de l'hôpital cantonal, j'avais aussi l'impression, Madame Bolay, d'être plus près de l'enfer que de la réalité genevoise. Permettez-moi de vous rappeler que la dépense annuelle des hôpitaux - subventions et caisses-maladie - s'élève à un milliard de francs.
A entendre la description de tout ce qui ne va pas dans tous les services, toutes les cliniques, tous les départements, je me demande où peut bien passer ce milliard !
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion (1185)visant à engager le personnel nécessaire afin de pallier aux dysfonctionnements dans certains services des hôpitaux universitaires de Genève
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
- la surcharge de travail dans certains services de l'Hôpital cantonal notamment la Pédiatrie, la Maternité, la Policlinique de chirurgie et le service des urgences ;
- la décision du Grand Conseil lors du vote du budget 1998 de maintenir les effectifs au niveau de 1997 ;
- Les critères de qualité qui doivent être respectés dans un établissement hospitalier ;
invite le Conseil d'Etat
- à attribuer les 153 postes des HUG, rétablis pour 1998, dans les plus brefs délais afin de garantir la qualité de prise en charge et de soins.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous avons reçu un courrier de la direction du CERN, à la veille du vote sur un déclassement de terrain nécessaire à la réalisation du LHC, nous invitant instamment à ne pas retarder cette décision. Notre Conseil a accepté ce déclassement et une commission de notre parlement est, en outre, saisie d'un projet de loi de subventionnement de ce nouvel accélérateur pour un montant de 6,25 millions de francs.
Ce courrier adressé à notre Conseil par l'entremise de son président, doit être pris au sérieux et notre parlement se doit bien entendu d'y apporter une réponse. Cette réponse doit être conforme à l'esprit de la résolution que nous avions votée en septembre, après de longs débats, et qui se fonde sur le droit pour nos concitoyens à une information claire, accessible et pluraliste, sur les activités du CERN (actuelles et futures), sur les risques (ou l'absence de risques) qui y sont liés, ceci tant pour les travailleurs que pour la population et pour notre environnement, et bien entendu enfin sur les finalités de l'entreprise elle-même, à laquelle on nous propose de contribuer financièrement par une subvention cantonale d'un montant considérable.
Nous vous proposons donc d'adopter la présente résolution à l'adresse de la direction du CERN, comme réponse au courrier de celle-ci.
Le courrier de la direction du CERN comportait deux volets :
L'un concernant l'organisation d'un débat "; contradictoire et public " sur les enjeux liés à son activité et à l'extension de celle-ci. L'ouverture manifestée par la direction du CERN sur cette question a sans aucun doute été déterminante dans l'acceptation du déclassement qui nous était demandé.
La première invite de notre résolution vise à ce qu'un tel débat puisse avoir lieu … et être le lieu ou se manifestent un certain nombre de préoccupations, voire d'inquiétudes, tant sur les finalités de l'activité du CERN, que sur des risques éventuels qui y seraient liés. En effet, nous pensons que considérer telle ou telle question comme étant tabou, ne saurait que renforcer les réserves ou les craintes qui peuvent se manifester, à tort ou à raison, quant à l'activité de n'importe quelle entreprise humaine.
Or, dans le cadre des contacts informels, initiés et poursuivis par l'un des auteurs de ce projet de résolution, le CERN manifeste une attitude qui déroge à l'esprit d'ouverture et de transparence souhaitable. Dans un courrier de M. Maurice Jacob adressé à notre collègue Chaïm Nissim on peut lire en effet ce qui suit :
"; S'il est possible de poser toutes les questions que l'on veut à la suite d'un exposé sur la finalité du CERN, et même des questions légitimes sur les risques que présente cette recherche, il n'est pas possible d'inclure explicitement les risques dans le même débat, sur le même pied avec des exposés préliminaires spécialisés. Les publics sont a priori différents, mais surtout la question ";risques" a déjà été largement couverte à Meyrin en mai dernier. (…) Les gens comprendraient mal qu'on revienne maintenant sur les risques quelques mois plus tard seulement, comme si quelque chose d'important avait été oublié, ce qui n'est certainement pas le cas." (c'est nous qui soulignons)
Le propos de notre première invite est simplement de dire que nous invitons le CERN à "; inclure explicitement " toutes les questions qui se posent, et qui ont été posée dans l'enceinte même de ce parlement. A notre avis "; les gens comprendraient mal " …que le CERN considère qu'il y a des questions tabou, qui sont pour lui réglées une fois pour toutes et qui n'auraient pas leur place dans un débat public, par essence contradictoire et organisé comme tel.
Le deuxième volet du courrier du CERN portait sur la question de l'"; intervention d'une instance de contrôle supplémentaire " concernant les questions liées à la radioprotection..
Dans son courrier la direction du CERN se déclare prête à collaborer avec les autorités genevoises concernant des mesures "; aux abords du site du CERN ", mais indique que, pour ce qui est du site même, si nous voulions de telles mesures il faudrait passer d'abord par la délégation suisse au Conseil du CERN et recueillir l'approbation des Etats membres…
La voie "; institutionnelle " que trace la direction du CERN sur cette question représente sans doute le parcours nécessaire si nous voulions imposer au CERN un organe de contrôle institutionnel supplémentaire. Mais tel n'a, à ce jour, pas été notre propos. Nous proposons simplement que le CERN lui-même joue la transparence en permettant à la CRII-RAD de mener à bien une étude sur le site dans le cadre d'une politique d'information et de transparence à la hauteur de sa réputation internationale.
L'esprit de cette invite est celui manifesté par M. Horst Wenninger directeur de la recherche au CERN quand il déclarait à la Tribune de Genève (v. l'édition du 25.4.96) :
"; Nous sommes disposés à mandater des experts indépendants, en accord avec nos autorités de surveillance. Pourquoi pas la CRII-RAD si ces autorités n'y voient pas d'inconvénients "
Par cette démarche, le mandat du CERN lui-même, on permettrait un contrôle indépendant qui soit dans l'esprit de notre résolution précédante demandant le recours pour l'information à des "; sources d'obédiences diverses ". Et par le geste consistant à accepter, voire en l'occurrence à solliciter une telle intervention, le CERN lui-même ferait un pas très significatif vers l'établissement ou le renforcement de rapports de confiance entre cette institution et la population, des deux côtés de la frontière franco-suisse, qui l'accueille sur son territoire.
Au bénéfice des ces explications, nous vous prions donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter les deux invites de la présente résolution.
Débat
M. Chaïm Nissim (Ve). D'emblée, je signale une erreur de messagerie : le titre de notre résolution n'est plus «...sur les mesures indépendantes de radioactivité au CERN» mais «...sur l'information et la transparence au CERN». Ce nouveau titre est plus explicite, puisque la résolution traite principalement de la transparence et de l'information.
Aussi passionnante que soit la recherche fondamentale sur l'univers menée au CERN, il n'empêche que celui-ci a parfois profité de son statut juridique d'extraterritorialité pour se mettre à l'abri de la critique et se dispenser de dialoguer avec la population qui l'héberge.
Deux jours avant notre débat de décembre sur le déclassement du site, le CERN avait quasiment accepté deux propositions :
- un débat public contradictoire, entre ses physiciens et des physiciens extérieurs. Dans un premier temps, ce débat avait été accepté par le CERN mais entre-temps, et il se peut que ce soit de ma faute, nous avons eu un dialogue qui s'est mal passé. Le CERN est revenu sur sa décision, en arguant que certains points ne devaient pas être abordés... (Interruption de M. Jean-Claude Vaudroz.) Il est parfois difficile de dialoguer, Monsieur Vaudroz. Je regrette profondément ma part de responsabilité dans ce malentendu. Néanmoins, je pense que tous les points devaient être abordés dans ce débat, notamment celui concernant l'atteinte à la santé des travailleurs.
- la participation d'une instance extérieure, la CRII-RAD. Celle-ci aurait pu aider le CERN à mieux former les intérimaires et à affiner la prise des mesures de radioactivité. En effet, nous savons depuis longtemps que l'organisme français chargé de ce travail est celui qui niait l'importance des retombées de l'accident de Tchernobyl en 1986. Nous ne pouvions vraiment pas accepter que cet organisme soit chargé de la supervision de la radioactivité au CERN et nous demandions, ce qui est normal, qu'un organisme antinucléaire soit associé à ces recherches. Deux jours avant le vote du déclassement, le CERN nous écrivait que les autorités genevoises devaient demander très explicitement au conseil du CERN l'éventuelle participation d'un expert extérieur. Le Conseil d'Etat l'a fait mais, lors de notre débat, M. Grobet nous a fait remarquer que notre Grand Conseil faisait aussi partie des autorités genevoises, raison pour laquelle nous avons déposé cette résolution qui confirme la même demande, à savoir :
- l'organisation d'un débat public et contradictoire sur tous les points, y compris celui touchant à la santé des travailleurs ;
- l'intervention d'un expert extérieur pour contrôler les éventuelles atteintes radioactives qui pourraient affecter la population.
Ce sont là deux points essentiels à la transparence. C'est pourquoi nous vous demandons de renvoyer cette résolution directement au conseil du CERN.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Cette résolution est «décoiffante» ! (Applaudissements.) Elle participe à l'offensive en règle lancée, depuis quelques mois, par certains milieux politiques et de protection de l'environnement contre tout ce qui concerne le maintien, voire le développement, de la Genève internationale.
Je pense notamment au projet de loi tendant à soumettre les organisations internationales au plan d'utilisation du sol, et aux atermoiements qui caractérisent l'examen du projet de loi ouvrant un crédit de 6 250 000 F, à la charge du canton de Genève, pour cofinancer la réalisation du LHC avec la Confédération qui, elle, participera à hauteur de vingt-cinq millions de francs.
C'est une véritable déclaration de guerre à la politique étrangère de la Suisse. C'est miner les efforts déployés par notre canton pour garder à Genève des centres mondiaux de la négociation internationale, par exemple l'OMC et le CERN, celui-ci étant le fleuron le plus prestigieux et le plus efficace en matière de recherche scientifique fondamentale.
Au moment où l'on se plaint, notamment à gauche, de la délocalisation des activités de production, il est indispensable de garder en Suisse un centre de recherche au rayonnement mondial qui, à terme, offrira des emplois aux jeunes chercheurs issus de nos hautes écoles.
Selon le dernier rapport fourni par l'OCSTAT, le CERN offre 3226 emplois titularisés aux personnes en possession d'une carte de légitimation. Cela constitue 27,5% des emplois des organisations internationales gouvernementales établies à Genève.
Peut-on, Monsieur Nissim, d'un revers de main et au mépris de toutes les assurances et garanties données par les scientifiques et les responsables du CERN, courir le risque de ridiculiser les autorités fédérales et cantonales qui se sont battues pour maintenir le CERN à Genève ? Peut-on renoncer si facilement à des emplois intéressants pour l'ensemble de l'économie locale ?
Face à une telle absence de responsabilité, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette résolution.
M. Pierre Froidevaux (R). L'Alternative pose ses conditions pour voter le crédit de 6 500 000 F destiné à soutenir la recherche : selon elle, il faut privatiser le contrôle des mesures de radioactivité du CERN.
Sans aucune condition préalable, les Etats-Unis offrent 750 millions au même CERN. Il est des gens qui croient, espèrent et entreprennent. Il en est qui doutent, craignent et ne parviennent pas à définir le mot «demain».
Cette résolution n'est qu'un acte de défiance vis-à-vis de la recherche, notamment fondamentale. La peur de l'innovation perpétue notre crise d'identité. Nous ne pouvons admettre cet esprit négatif.
En ce qui nous concerne, nous avons la ferme volonté de soutenir sans réserve l'activité du CERN. Le danger pour ses travailleurs et pour les habitants de la région est inexistant. Le CERN dépend conjointement des juridictions suisse et française. En Suisse, le CERN doit régulièrement rendre rapport sur ses activités en matière de radioprotection aux autorités fédérales et cantonales. Les normes appliquées correspondent aux grands principes de la radioprotection dite ALARA, le sigle anglais de «aussi bas que raisonnablement atteignable». La loi française tolère 50 millisiverts, la Suisse 20 et le CERN 15. Ce que tolère le CERN représente trois fois l'irradiation naturelle. Il s'est donc soumis de lui-même aux normes les plus sévères et notoirement plus strictes que celles édictées par les pays d'accueil.
Pour la CRII-RAD, qui est antinucléaire, la seule valeur acceptable est la valeur zéro. Cette appréciation contredit les lois les plus élémentaires de la physique et notamment celles qui sont à l'origine de la vie. La doctrine de cet organisme est une négation de la vie elle-même. Nier l'existence n'est pas une politique crédible ! Faire confiance aux instituts sérieux pour contrôler la radioactivité garantit de bons rapports avec les très nombreuses nations représentées au CERN.
De plus, les organismes de contrôle sont publics, donc contrôlés par le pouvoir politique, c'est-à-dire par nous-mêmes. Mais qui contrôlera la CRII-RAD ? Vous, Monsieur Nissim ?
Mme Nelly Guichard (PDC). Après tout ce qui a été dit, écrit, discuté, longuement débattu en commission et dans cette enceinte, je pose une question aux auteurs de la résolution : Que cherchez-vous ? Voulez-vous agiter la République, semer la panique ou rassurer une population affolée ?
Nous nous rendrions tout simplement ridicules en acceptant de soutenir cette résolution.
Le sujet est sérieux, certes, et, en janvier 1996, nous n'avons pas éludé les questions de la motion 1065. La commission de la santé a consacré cinq séances à son examen et nous avons fait un travail approfondi. Suite à cela, une résolution a été adoptée en septembre 1997, laquelle figure, à titre de premier considérant, en page une de la présente résolution.
En date du 16 décembre 1997, le CERN a écrit au président du Grand Conseil pour lui préciser qu'il entrait en matière sur l'organisation d'un débat public contradictoire sur les interrogations suscitées, à Genève, par ses activités et sur l'intervention d'une instance de contrôle supplémentaire et indépendante en matière de radioactivité sur le site même.
Malgré votre ton sibyllin, Monsieur Nissim, vous avez la ferme intention d'imposer la CRII-RAD pour effectuer les contrôles, sous le prétexte fallacieux qu'il s'agit d'un organisme neutre. Or nous n'avons pas à imposer au CERN un organe de contrôle quel qu'il soit.
Je tiens à répéter que notre groupe est convaincu du sérieux des contrôles. De plus, je rappelle que les normes appliquées, puisque le CERN se trouve sur le territoire franco-suisse, sont les normes helvétiques, donc les normes les plus sévères au monde.
Je ne comprends pas la raison de cet acharnement à l'encontre d'une institution internationale de renommée mondiale, qui joue un rôle important, pour ne pas dire déterminant, pour la qualité et la réputation de notre université, plus particulièrement de notre faculté des sciences.
Messieurs, votre attitude est scandaleuse et irresponsable. Notre groupe rejettera votre résolution.
M. Pierre Vanek (AdG). Je suis surpris des déclarations extrémistes que je viens d'entendre. M. Gardiol parle de déclaration de guerre aux organisations internationales, d'autres ont tenu des propos du même genre qui n'ont rien à voir avec le contenu de cette résolution.
Si j'en avais été le seul auteur et avais opté pour un texte radical, ce ne serait pas cette résolution que vous auriez en main !
Monsieur Gardiol, notre résolution ne déclare pas la guerre au CERN; c'est un courrier que nous lui envoyons au nom de ce Grand Conseil. Nous avons effectivement reçu communication d'une lettre du CERN adressée à notre respecté président. Nous l'avons prise au sérieux et avons réagi en affirmant l'esprit de la résolution, votée en septembre 1997, à savoir que l'information du CERN à la population doit s'inspirer de sources variées et d'obédiences diverses. Nous disons que la CRII-RAD est différente des organismes officiels et qu'elle doit pouvoir accéder au site pour pouvoir faire son travail d'information.
Dans l'exposé des motifs, nous citons une lettre de M. Hörst Wenninger, datée du 25 avril 1996, qui disait : «Nous sommes disposés à mandater des experts indépendants, en accord avec nos autorités de surveillance. Pourquoi pas la CRII-RAD si ces autorités n'y voient pas d'inconvénients ?» Notre demande n'a donc absolument rien à voir avec une attaque du CERN, une déclaration de guerre ou une menace contre les 3200 emplois. Ce sont là purs fantasmes de votre part, Madame Guichard et Monsieur Gardiol !
Le CERN renforcerait sa crédibilité en acceptant que des contrôles soient faits par un organisme indépendant comme la CRII-RAD, par exemple. Il ne s'agit pas de les lui imposer par un projet de loi. Nous écrivons simplement à la direction du CERN pour l'inviter à accepter de mandater la CRII-RAD pour qu'elle intervienne sur le site et opère certains contrôles.
J'ai sous les yeux un article paru dans «Le Monde» de juin 1997, une publication qui n'est ni antinucléaire ni extrémiste. Cet article présente l'historique de la CRII-RAD qui n'est pas, contrairement aux affirmations systématiques de mon ami Chaïm Nissim, une organisation antinucléaire, mais un laboratoire d'un réel renom scientifique. Plusieurs collectivités françaises des régions et des départements ont recouru à ses services. La CRII-RAD est donc à même soit de confirmer les analyses officielles, soit d'apporter des éclairages nouveaux et permettre, comme cela a été le cas sur bon nombre de sites français préalablement contrôlés par les organismes officiels, la prise de mesures pour pallier des carences, les organismes d'Etat n'étant pas toujours parfaits. On l'a constaté en France précisément dans le domaine du nucléaire.
La conclusion de cet article, que je tiens à votre disposition, est la suivante : «Aujourd'hui, la CRII-RAD a une crédibilité scientifique et sociale forte en France et depuis peu des industriels, comme la Compagnie générale des eaux ou Saint-Gobain, font appel aux services de l'association, gage de crédibilité auprès du public.» Ils le font spontanément, parce qu'ils savent que le public sera rassuré.
Alors quand vous nous demandez ce que nous cherchons, Madame Guichard, nous vous répondons que nous cherchons à rassurer la population s'il y a lieu ou de l'assurer que des mesures supplémentaires seront prises si nécessaire.
Il n'y a là rien que de très modéré, de très raisonnable et de très respectueux de l'autonomie du CERN. Lui-même nous avait indiqué une voie. Nous ne la prenons même pas. Nous disons simplement à sa direction : «Vous êtes maîtres chez vous, vous êtes libres de mandater une entreprise pour faire un contrôle. Nous vous invitons à le faire.»
La première invite, elle, reprend les arguments de Mme Guichard. Elle demande au CERN d'«accepter de participer à un débat public contradictoire qui porte à la fois sur les finalités et les risques de cette entreprise». Dans un premier temps, le CERN nous avait dit être d'accord de participer à un débat public contradictoire sur les finalités, mais pas sur les risques, car cela aurait pu faire croire à leur existence. Il a ajouté que tout cela avait déjà fait l'objet d'un débat tenu à Meyrin.
Nous disons qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier, car le débat de Meyrin n'était pas contradictoire. Si le CERN est convaincu de l'innocuité de ses activités, il n'a aucune raison de s'opposer à un débat contradictoire. Au contraire, la discussion doit être permanente. La population est sensible à une politique de transparence et d'ouverture. Refuser de l'informer ne peut que l'inquiéter.
Je vous invite donc à voter cette résolution qui n'est ni une motion adressée au Conseil d'Etat ni un projet de loi contraignant. C'est un courrier, fort poli, que nous adressons à la direction du CERN, avec deux suggestions sur des objets sur lesquels il est déjà entré en matière.
M. Armand Lombard (L). Les adorables intentions de M. Vanek sont touchantes. Par contre, le ton de sa résolution est affreusement maussade, et ses invites inutiles, car bis repetita non placent.
Nous avons longuement discuté de cet objet à la fin de 1997. Après toute une série de remakes, de nouvelles moutures et, la majorité ayant changé, de nouvelles discussions, une motion 1065, plus impérative que la présente résolution, avait été retirée par ses auteurs. Cette motion a été remplacée par une résolution 346, qui elle-même l'avait été par une résolution 348 votée à la majorité de ce Grand Conseil. Rédigée, sauf erreur, par Mme Torracinta-Pache, elle invitait le Conseil d'Etat à intervenir auprès de l'autorité fédérale afin qu'une information claire et accessible soit fournie et que tous les problèmes relatifs à la radioprotection soient revus. Ladite autorité était priée de s'informer auprès de sources variées et d'obédiences diverses. Il ne s'agissait donc pas seulement et uniquement de la CRII-RAD !
Alors pourquoi revenir sur ce qui a été adopté et qui, à l'évidence, vous a plu, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, puisque vous l'avez voté majoritairement ?
Votre demande est, certes, digne d'intérêt. Un débat public ? Organisez-le, c'est une bonne idée ! Mais pourquoi passer par le truchement du Grand Conseil qui aurait l'air de procéder à une mise en accusation ?
Quant à la deuxième invite... Mais qu'a donc cette CRII-RAD pour que vous vous acharniez à ce point ? S'agit-il de proches, de coreligionnaires ? Que veut dire cette francophonie euphorique ? Qui diable sont ces gens ? Je ne mets pas en doute leurs compétences, mais pourquoi la seule CRII-RAD ? Ouvrez la porte à d'autres !
La résolution de Mme Torracinta laissait plus de place à une information réellement ouverte. C'est pourquoi nous l'avions votée et que nous refuserons la vôtre.
Je redis mon désappointement quant au ton maussade de la résolution. Vous êtes vraiment bas, Monsieur Nissim ! Il est bien triste, votre petit plat réchauffé ! L'esprit est grincheux et peureux, l'optique toute de méfiance, votre morosité est sinistre et votre texte très angoissé.
Prononcez-vous une bonne fois ! Voulez-vous des emplois dans cette cité ? Voulez-vous un projet de société positif et prometteur qui donne les moyens de vivre ? Voulez-vous un avenir pour les jeunes ou tenez-vous à nous enterrer dans une tristesse insondable ?
Pourquoi en voulez-vous tellement à ce CERN qui est tout sauf un centre de pensée unique, qui est étranger aux entreprises ordinaires que vous redoutez, qui n'a pas de but lucratif, ce qui devrait vous réjouir ? Pourquoi en voulez-vous tellement à ce CERN, pilier de la recherche fondamentale dans ce monde, qui cherche les réponses aux questions de demain ?
Pourquoi diable n'avoir pas organisé votre débat public ? Auriez-vous besoin du Grand Conseil pour faire quelque chose d'intéressant à Genève ? C'est invraisemblable ! Vous voulez des sous ?
A force d'être obsédés par votre résolution, vous n'avez sans doute pas remarqué la présence du professeur King qui a donné une conférence au CERN. Je n'ai vu personne de votre groupe y assister. Le professeur King est prix Nobel de physique, il est responsable de trois expériences sur l'antimatière, d'une quatrième, toujours sur l'antimatière, qui correspond à celle du laboratoire qui oeuvrera en dehors de l'atmosphère. Je ne vous ferai pas une théorie, car j'en suis absolument incapable. Je veux simplement dire que c'était étonnant, extrêmement intéressant. J'ai appris que le vrai risque, sur cette planète, était de découvrir trop tard les éléments qui la feront survivre et de ne pas rechercher ceux qui éviteront sa chute.
Pour toutes ces raisons, nous ne soutiendrons pas cette résolution qui n'améliorera en rien ce qui avait été prévu.
M. René Longet (S). On nous parle de projet de société, de tristesse, de joie, de Genève internationale. Bientôt, on va nous demander de nous battre pour la civilisation, Monsieur Lombard ! Sur les bancs de l'Entente, on prend la défense du CERN comme si nous avions dit quoi que ce soit à son encontre.
Psychologiquement, c'est très intéressant. On pourrait croire que nous avons bravé un interdit, franchi la ligne rouge, parce que nous parlons du CERN. On ne peut dire que blanc ou noir à son propos !
Ces discours sont totalement hors du contexte. Quant à vous, Monsieur Gardiol, vous êtes complètement à côté de la plaque ! Vous dites que nous attaquons la Genève internationale, alors que je suis pleinement de ceux qui se battent pour elle !
Je suis parfaitement au courant de ce qui se passe, parce que j'ai beaucoup travaillé à ce niveau-là. Il reste beaucoup à faire pour valoriser la Genève internationale auprès de la Genève locale, et nous le faisons ! Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit ! Ce faisant, vous voulez faire pleurer dans les chaumières, alors que nous ne cessons de stimuler l'intérêt, au niveau local, pour le potentiel international qui ne comprend pas que le CERN mais aussi de nombreuses institutions gouvernementales, non gouvernementales et des entreprises. L'ensemble fait partie de l'identité même de Genève. Nous y tenons beaucoup et je tiens à le souligner ici.
A vous entendre, on dirait que ce statut international est incompatible avec la transparence. C'est une façon étrange de valoriser les organisations internationales ! A vous entendre, on dirait que le pluralisme des méthodes est incompatible avec l'existence d'une institution scientifique. C'est avoir une drôle de conception de la science que d'interdire le recours à différentes méthodes pour mesurer les effets des activités scientifiques !
Cessez vos trémolos et lisez les textes !
Monsieur Lombard, vous dites que nous avons déjà voté le même objet. Je vous réponds que nous avons voté, dans la législature précédente, le rapport de minorité. Aujourd'hui, dans l'exposé des motifs, nous précisons les évolutions intervenues depuis lors. M. Nissim a décrit ses démarches telles qu'elles ressortent de la résolution et de l'exposé des motifs.
C'est pour donner corps à ces démarches qu'il faut faire preuve de cohérence. Vous essayez de faire dire au Grand Conseil le contraire de ce qu'il a dit voici quelques mois. Si nous voulons donner une suite à son vote, nous devons adopter cette résolution.
M. Chaïm Nissim (Ve). Que je déteste cette ligne rouge qui nous sépare ! Ce «Röstigraben» fait que, si la gauche requiert, pour plus de transparence, un dialogue avec le CERN, ce dialogue se transforme en déclaration de guerre pour la droite.
Pour Mme Guichard, nous sommes les tueurs du CERN, alors que nous demandons simplement un débat public !
Madame Guichard, le CERN avait accepté ce débat public en date du 16 décembre, puis il est revenu sur sa décision. Je n'y suis pour rien, Madame ! Nous voulions débattre de tout, le CERN aussi, à l'exception d'un point important. D'où le dépôt de cette résolution.
Monsieur Froidevaux, c'est 15 millisiverts par an, sinon ce n'est pas un débit de dose. Mais peu importe, c'est un détail.
Monsieur Lombard, vous dites que nous pouvons organiser un débat public sans passer par le Grand Conseil. Bien sûr, Monsieur Lombard, puisque c'est au CERN de le tenir ! Le hic, c'est qu'il refuse le débat sur un point !
C'est pourquoi nous demandons une simple ouverture scientifique, un point c'est tout !
C'est vous qui mettez le CERN en danger, Monsieur Gardiol. En nous accusant des pires méfaits, vous faites rejaillir le mal sur vous-même ! Nous ne critiquons nullement l'existence du CERN, Monsieur Gardiol.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Etant donné que la majorité de ce Grand Conseil ne veut rien comprendre et s'obstine à jouer aux apprentis sorciers, je demande l'appel nominal (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent la résolution répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée par 44 oui contre 40 non. Elle est renvoyée à la direction du CERN.
Ont voté oui (44) :
Esther Alder (Ve)
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolorès Loly Bolay (AG)
Anne Briol (Ve)
Christian Brunier (S)
Fabienne Bugnon (Ve)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Debelle (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Anita Cuénod (AG)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Régis de Battista (S)
Jeannine de Haller (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
René Ecuyer (AG)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Luc Gilly (AG)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Marianne Grobet-Wellner (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
René Longet (S)
Louiza Mottaz (Ve)
Chaïm Nissim (Ve)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Albert Rodrik (S)
Martine Ruchat (AG)
Christine Sayegh (S)
Jean Spielmann (AG)
Pierre Vanek (AG)
Alberto Velasco (S)
Salika Wenger (AG)
Ont voté non (40) :
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Roger Beer (R)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Madeleine Bernasconi (R)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Christian de Saussure (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Hubert Dethurens (DC)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Marie-Thérèse Engelberts (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Nelly Guichard (DC)
Claude Haegi (L)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Yvonne Humbert (L)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Jean-Louis Mory (R)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Jean-Marc Odier (R)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Walter Spinucci (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Personne ne s'est abstenu
Etaient excusés à la séance (8) :
Bernard Annen (L)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-Claude Dessuet (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Barbara Polla (L)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Alain Vaissade (Ve)
Etaient absents au moment du vote (7) :
Charles Beer (S)
Juliette Buffat (L)
Pierre Meyll (AG)
Véronique Pürro (S)
Louis Serex (R)
Micheline Spoerri (L)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Présidence :
M. René Koechlin, président.
Elle est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
- La résolution 348, votée par notre Conseil lors de sa séance de septembre 97, qui invitait le Conseil d'Etat :
- "; à intervenir auprès de l'autorité fédérale compétente afin qu'une information claire et accessible soit fournie à intervalles réguliers à la population du canton de Genève et de la région à propos des activités du CERN, leur nature et leurs implications, notamment en ce qui concerne tous les problèmes de mesures relatifs à la radioprotection, en priant la dite autorité de s'informer auprès de sources variées, d'obédiences diverses. "
- Le fait que la CRII-RAD
Pour une présentation de la CRII-RAD, Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité, voire notamment la présentation en annexe de la M 1065 pages 8 à 11.
- La lettre du CERN, du 16 décembre 1997, adressée au président du Grand Conseil, M. René Koechlin, qui entrait en matière sur l'organisation d'un débat public contradictoire sur les interrogations suscitées à Genève par les activités du CERN et sur l'intervention d'une instance de contrôle supplémentaire et indépendante en matière de radioactivité sur le site même du CERN, ceci comme préambule à une "; exhortation " à voter un déclassement de terrains nécessaire au projet LHC. Exhortation qui a été entendue puisque le déclassement a été voté par notre Conseil.
- Le fait que notre Conseil, outre le vote du déclassement précité serait appelé à contribuer au financement du LHC par une subvention cantonale d'un montant de 6.25 millions de francs qui représente un effort important de notre collectivité.
invite la direction du CERN
- à accepter de participer à un débat public contradictoire qui porte à la fois sur les finalités et les risques de cette entreprise.
- à accepter de mandater directement la CRII-RAD pour qu'elle intervienne sur le site du CERN comme instance de contrôle indépendante et supplémentaire en matière de radioprotection
La séance est levée à 23 h 10.