République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 décembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 2e session - 56e séance
M 1165
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ces dernières années, le nombre de personnes employées dans la fonction publique a considérablement diminué pour des raisons budgétaires que tout le monde connaît.
Dans le projet de budget 1998, le Conseil d'Etat propose une nouvelle diminution de 2% des effectifs de la fonction publique. Cette mesure n'est pas souhaitable pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, nous constatons que le taux de chômage reste dramatiquement élevé dans notre canton et la disparition de plusieurs centaines d'emplois ne peut avoir qu'un effet très négatif sur le marché du travail. L'Etat ne va pas licencier, mais il ne remplacera pas les départs volontaires et les mises à la retraite. Tous ces postes non repourvus ne seront par conséquent pas proposés à des chômeurs et/ou à des jeunes ayant terminé leur formation. L'Etat dans son rôle d'employeur a indiscutablement une responsabilité comme acteur dans la politique de l'emploi de notre canton.
Nous estimons que l'Etat doit non seulement conserver les effectifs actuels, mais qu'il doit, notamment par des mesures de partage du travail, s'efforcer de créer davantage d'emplois.
De plus, la diminution des effectifs a des répercussions négatives sur le fonctionnement des services publics. L'administration fiscale a du retard dans le traitement de ces dossiers comme d'autres services de l'Etat. Dans les hôpitaux aussi, la diminution du personnel a des effets sur la qualité des prestations offertes.
Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il n'est pas opportun de diminuer les effectifs de la fonction publique en 1998.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette motion.
Débat
M. Pierre-Alain Champod (S). Je serai assez bref, dans la mesure où l'exposé des motifs est suffisamment explicite.
Comme tout le monde s'accorde à le reconnaître, l'emploi est le problème numéro un dans ce canton. L'Etat a deux manières d'intervenir dans cette problématique. (Brouhaha.)
Tout d'abord en menant une politique économique favorable à l'emploi et à la diminution du chômage. Je pense notamment aux mesures prises ou à prendre par rapport à la relance, à l'aide aux entreprises, au partage du travail et au traitement social du chômage. Voilà pour le premier aspect de l'intervention possible de l'Etat. (Brouhaha.)
Il peut aussi intervenir d'une autre manière en sa qualité d'employeur. En effet, l'Etat est un employeur extrêmement important dans ce canton. Au cours de ces dernières années, mille six cent vingt emplois ont été supprimés dans la fonction publique...
Le président. Je prie les personnes qui tiennent des conversations particulières de bien vouloir sortir de l'enceinte et de les poursuivre dans les salles annexes. Je les remercie. Poursuivez, Monsieur l'orateur !
M. Pierre-Alain Champod. En supprimer de nouveaux, c'est évidemment accroître le chômage, même si l'Etat ne licencie pas. S'il ne renouvelle pas les postes après les départs à la retraite, cela signifie des emplois en moins pour les chômeurs et les jeunes qui sortent de formation.
De plus, cette diminution du nombre d'employés de la fonction publique qu'on a connue a pour conséquence un certain nombre de dysfonctionnements dans les services de l'Etat... (Le président agite la cloche.)
Monsieur Annen, je vous prie de vous taire ! (Rires.)
Le président. Je vous prie de faire un peu de silence, Mesdames et Messieurs, de laisser parler l'orateur et de respecter le même silence que celui que vous souhaiteriez, lorsque vous parlez vous-mêmes !
M. Pierre-Alain Champod. On l'a constaté à l'administration fiscale : les délais pour obtenir un certain nombre de décisions de l'OCPA sont passés de un ou deux mois à six mois. Et l'on pourrait multiplier les exemples dans de nombreux services d'Etat.
Le contenu de cette motion ayant déjà été discuté à la commission des finances dans le cadre de l'étude du budget, il n'y a pas lieu de la renvoyer à une commission. Il faut la renvoyer immédiatement au Conseil d'Etat.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Il est dur de s'opposer à une telle motion, car elle n'offre qu'une seule alternative : ou on la soutient et on est contre le chômage ou on la refuse et on devient les fossoyeurs de la fonction publique en voulant soutenir l'augmentation du chômage. Comme si on avait une motion nous demandant : êtes-vous pour l'emploi ?
A la lecture de l'exposé des motifs, on découvre le fondement même de cette motion. On s'aperçoit qu'elle veut renforcer le soutien au partage du travail. Partage du travail annoncé par certains comme la panacée pour supprimer tous les maux liés au chômage.
On peut en douter, c'est un raccourci facile. Néanmoins, cela fait l'objet d'un examen approfondi à la commission de l'économie. La commission des finances étudie également une motion débattant du partage du travail dans la fonction publique.
Un paragraphe attire notre attention. Il s'agit des conséquences des répercussions négatives sur le fonctionnement des services publics. Imaginez une réduction des postes sans revoir l'organisation administrative ! Redéfinir la qualité des prestations des services publics peut poser un certain nombre de questions qui ne sont en fait pas de notre compétence, mais de celle de l'exécutif.
Pour ces motifs-là, je soutiendrai le renvoi au Conseil d'Etat.
M. David Hiler (Ve). Nous souhaitons - et nous adressons ce message notamment au Conseil d'Etat - que soit donnée une claire priorité à l'emploi en matière budgétaire.
En disant cela, nous assumons le fait qu'il ne peut y avoir trente-six mille priorités. Demander qu'il n'y ait pas de suppression de postes et, dans un second temps, qu'il y ait création d'emplois par le partage du travail, implique un certain nombre de conséquences quant au niveau de rémunération. Cela doit être dit.
Par cette motion, notre groupe défend ce qui est dans son programme : la priorité quant au maintien des emplois et, dans un deuxième temps, la récupération des emplois supprimés jusqu'à présent.
Mais, par le biais budgétaire, il faut assumer pleinement les conséquences que cela pourrait avoir sur tel ou tel autre aspect, tel ou tel autre effort que l'on souhaiterait faire, mais qu'il ne sera pas possible de faire si l'on se met d'accord sur la nécessité de maintenir tout l'emploi tel qu'il existe aujourd'hui dans la fonction publique.
M. Pierre Vanek (AdG). Je serai encore plus bref que mes préopinants !
M. Mauris a dit que cette motion le mettait lui-même et ses collègues dans l'embarras : s'ils votaient contre, ils apparaîtraient comme les fossoyeurs de l'emploi dans la fonction publique.
Cette démonstration est déjà faite depuis longtemps, compte tenu des deux mille postes supprimés. Ils n'ont plus rien à prouver dans ce domaine.
Les débats d'entrée en matière sur cette motion ont, de fait, duré quatre ans, les quatre années de la précédente législature. Il s'agit de mettre un terme à cette politique et de l'inverser.
Je vous propose donc de voter cette motion.
M. Claude Blanc (PDC). Effectivement, cette motion a déjà été examinée en commission des finances, et ses conséquences ont déjà été chiffrées par le département des finances. On arrive à un total d'environ 25 millions. Il y aura donc aggravation du budget.
Comme notre Grand Conseil n'a pas le pouvoir d'aggraver le budget, il s'agit de trouver des recettes supplémentaires. Alors, en commission des finances, M. Clerc, tout de go, a dit que l'on en trouverait en augmentant le produit des amendes, entre autres.
En raccourci, on pourrait dire : on va augmenter les amendes pour embaucher des fonctionnaires. Je vous laisse apprécier !
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Au-delà de ce qui s'est passé à la commission des finances - puisque votre parlement, à teneur de l'article de la constitution, ne peut pas voter des dépenses nouvelles sans en voter les recettes complémentaires - il incombera au nouveau Conseil d'Etat de prendre ses responsabilités s'il entend revenir sur la décision de réduire les effectifs et, par conséquent, d'aggraver le déficit ou, au contraire, de maintenir la position. A moins de trouver d'autres recettes complémentaires ou de faire d'autres économies.
Je n'entends pas engager le nouveau Conseil d'Etat. Il est logique qu'il prenne ses décisions dès mardi prochain. En revanche, j'indique que lorsque les mesures de réduction des effectifs non linéaires de cent quatre-vingt-dix-neuf postes ont été prises, le Conseil d'Etat l'a fait pour essayer de contenir encore le déficit du projet de budget 1998.
Le nouveau gouvernement le verra très rapidement, c'est un débat difficile ! Difficile sur le plan humain et social; difficile sur le plan économique; difficile sur le plan budgétaire.
Le gouvernement actuel au nom duquel je m'exprime a pris ses responsabilités. Le prochain gouvernement prendra les siennes, de telle sorte que les décisions puissent intervenir au moment du vote du budget. Au plus tard le 19 décembre prochain s'il est souhaité avoir un budget.
Le président. Je mets aux voix cette proposition de motion.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Le président. Il n'y a plus de doute, beaucoup de députés sont revenus dans l'enceinte entre-temps ! Je vous dispense donc de compter les oppositions.
Mise aux voix, cette motion est adoptée par 46 oui.
Elle est ainsi conçue :
motion
sur le maintien du personnel de la fonction publique
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le nombre élevé de chômeurs dans le canton;
- le rôle de l'Etat employeur dans la politique de l'emploi du canton;
- les nombreuses suppressions d'emplois effectuées dans la fonction publique ces dernières années;
- la nécessité d'offrir des services de qualités à la population,
invite le Conseil d'Etat
à ne pas réduire les effectifs de la fonction publique en 1998.