République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1167
20. Proposition de motion de Mme et MM. Rémy Pagani, David Hiler et Françoise Schenk-Gottret demandant d'ouvrir sans délai une politique de concertation avec l'association RHINO. ( )M1167

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la Constitution de la République et canton de Genève, son article 10A qui garantit le droit au logement et sa lettre h, qui impose aux autorités une politique active de concertation en cas de conflit en matière de logement;

- que les immeubles sis 24, boulevard des Philosophes et 12-14, boulevard de la Tour sont actuellement occupés par plus de 60 personnes et qu'une majorité de ces habitants y résident depuis plus de 9 années en les entretenant et en les sauvegardant;

- que ces immeubles ont fait l'objet d'une intense activité spéculative ces 20 dernières années et, en conséquence, ont été laissés vides dans ce but bien avant leur occupation;

- que ces derniers ont mis sur pied un projet de rachat des immeubles par une coopérative qui défend l'idée du bail associatif, projet qui mérite d'autant plus l'intérêt de la collectivité dès lors qu'il est beaucoup moins coûteux (réhabilitation) que le projet du propriétaire (rénovation);

- que les propriétaires actuels ont acquis les immeubles à la suite d'une longue série d'actions spéculatives;

- que l'Etat, sous le régime HCM, va devoir verser plus de 700 000 F pour cette opération et sachant que le contrôle de l'Etat sur les loyers s'éteindra au-delà d'une période de 10 années;

- qu'une évacuation forcée de ces logements créerait à l'évidence un conflit important en matière de logement,

invite le Conseil d'Etat

- à se conformer à l'article 10A, lettre h, de la constitution et avec l'aide du procureur général à ouvrir sans délai des négociations entre toutes les parties concernées (en particulier les propriétaires et les occupants) en vue de prendre en considération le projet de coopérative de l'association RHINO;

- à surseoir à toute intervention de police visant à évacuer ces immeubles.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis 1997, de nombreux immeubles laissés vides pour des raisons de spéculation ont fait l'objet d'une occupation. Dans plusieurs cas des négociations ont permis de trouver des solutions et éviter ainsi des évacuations par la police.

Les immeubles sis 24, boulevard des Philosophes et 12-14, boulevard de la Tour sont occupés depuis 1988. Il serait regrettable que les 60 personnes qui habitent aujourd'hui ces immeubles soient évacuées par les forces de l'ordre. Pour éviter une telle issue nous demandons aux pouvoirs publics de mener dans cette affaire une politique de concertation conformément à l'article 10A qui garantit le droit au logement et à sa lettre h, qui impose aux autorités une politique active de concertation en cas de conflit en matière de logement.

Les milieux de squatters ont développé une nouvelle manière de vivre et de concevoir l'habitat qui correspond aux besoins et aux aspirations d'une partie importante de la jeunesse. Le Conseil d'Etat se doit de prendre en compte cette réalité et chercher une solution négociée avec les habitants des immeubles sis 24, boulevard des Philosophes et 12-14, boulevard de la Tour.

La situation actuelle peut se résumer ainsi:

Ce que proposent les propriétaires actuels.

Après plus de huit ans de dérives financières et de projets refusés, le propriétaire actuel, les créanciers, et notamment la SBS, ont obtenu, le 4 août 1997, l'autorisation de rénover ces immeubles. Ce projet prévoit: la transformation de logements et de l'entresol en locaux commerciaux loués à un prix double de celui de la moyenne du marché actuel; une luxueuse transformation des combles; la destruction du jardin qui jouxte les immeubles pour en faire des parkings; des appartements HCM subventionnés pendantdix ans et qui seront, par la suite, en loyers libres.

Les propriétaires s'engagent à ne pas reporter d'éventuelles pertes sur les loyers des bureaux pendant dix ans. Par la même, ils reconnaissent que ces locaux commerciaux risquent de rester vides comme plus de 30 hectares le sont aujourd'hui déjà dans notre canton. Le plan financier qui soutient ce projet engage une importante subvention de l'Etat (760 000 F, soit 18,6% de la valeur des loyers) répartie sur dix ans.

Ce que propose l'association des occupants RHINO: une solution novatrice et économique.

Les 70 membres de l'association RHINO habitent dans les immeubles en question depuis novembre 1988. Dès sa création, l'association RHINO a défendu l'idée du bail associatif, qui entraîne la participation active des habitants dans l'achat et la gestion des immeubles. Ils ne sont pas les seuls à mettre en oeuvre cette résolution. En effet, avant eux, des occupants de la rue Chouet et de la rue Plantamour ont acheté les immeubles qu'ils habitaient. Les habitants de l'Ilot 13 se sont engagés dans la formule du bail associatif en réhabilitant certains immeubles. Ces projets, dénués de toute idée de profit, garantissent à long terme des logements à bas prix, destinés à des personnes disposant de faibles revenus. L'association RHINO veut, par ailleurs, encourager la constitution d'ateliers d'artiste, de lieux de programmation musicale ou artistique, ainsi que de lieux alternatifs ouverts au public. Bref, l'association RHINO se propose de racheter les immeubles en partenariat avec une coopérative, pour défendre une idée alternative et novatrice en matière de logement social.

Comme vous le voyez, les propositions des occupants doivent, en tout état de cause, être étudiées. Or, à ce jour, personne du côté du Conseil d'Etat ne s'est, par exemple, penché attentivement sur le plan financier qu'ils ont élaboré.

En l'absence d'une véritable négociation, il est à craindre que cette affaire ne se termine par une évacuation policière des personnes habitant ces immeubles, alors même qu'elles avaient élaboré des propositions constructives et réalistes.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette motion et à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Je demande la lecture de la pétition qui a été envoyée et a recueilli trois mille cinq cents signatures à ce jour.

Le président. Je prie la secrétaire de lire la pétition.

Annexe lettre C 693

Pétition 1180

M. Rémy Pagani (AdG). Je dois vous présenter cette motion, car nous avons décidé de son caractère d'urgence pour mettre un terme à cette politique du bâton qui s'est manifestée hier au soir encore.

Nous espérons que cette législature mettra un terme à ces procédés scandaleux qui visent à évacuer des habitants comme à Fort-Barreau voilà un mois, en les jetant purement et simplement à la rue, sans prendre la précaution de leur trouver un logement de survie, au moins.

Je n'entrerai pas dans le détail des propositions des occupants et des promoteurs, à moins que les discussions ne se prolongent, mais j'aimerais rappeler quelques petits faits propres à éclairer la discussion de ce soir.

Avec d'autres, j'avais pris l'initiative d'ouvrir cet immeuble, occupé maintenant depuis neuf ans. Les années 80 ayant fait monter les enchères, il était évalué à 35 millions, était passé d'un promoteur à un autre pour finir entre les mains de M. Magnin. Ce dernier a été condamné en France pour toute une série d'actes délictueux dans le domaine de l'immobilier. Si la loi était différente dans notre pays, il devrait également s'y voir condamner.

Depuis neuf ans, des gens ont investi et maintenu cet immeuble, inoccupé avant 1988 et racheté par l'UBS qui avait son siège dans l'immeuble voisin de la Tour, actuellement vide également. Des promoteurs qui, en fait, n'en sont pas se sont substitués à la banque pour le revendre après avoir obtenu toutes les autorisations. On se trouve donc toujours dans un processus spéculatif visant à sortir la banque, la SBS en l'occurrence, des affaires spéculatives dans lesquelles elle s'était engagée pendant les années 80.

L'objectif de cette motion est de défendre également l'aspect communautaire élaboré à l'intérieur de cette maison. Pendant huit ans, soixante habitants ont vécu une expérience alternative. Il est nécessaire de renforcer ces expériences. Je ne dis pas que ce sont les meilleures, mais, j'en ai fait l'expérience, elles offrent un éventuel débouché à notre société individualiste.

Cette motion comprend deux invites. Il s'agit, d'une part, comme la constitution genevoise le prévoit, de mettre sur pied une séance de concertation et non de confrontation, comme cela se pratiquait jusqu'à ce jour avec le propriétaire, la SBS, et les occupants, l'association RHINO. La banque alternative se propose de financer le projet RHINO sous les auspices du procureur général et du chef du futur département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, M. Laurent Moutinot.

Nous proposons qu'une séance ait lieu rapidement pour se pencher sur le plan financier proposé par l'association RHINO, très bon à mon sens, et de surseoir à toute intervention de police. Que le Grand Conseil demande au Conseil d'Etat de ne pas envoyer la police, lorsque le procureur général le requerra !

Nous proposons de voter immédiatement cette motion et de la déposer sur le bureau du Conseil d'Etat.

M. Dominique Hausser (S). J'aimerais ajouter un commentaire aux propos de M. Pagani. Les socialistes proposent de rajouter une invite à cette motion.

Notre invite consiste à demander au Conseil d'Etat d'examiner les motifs de la dérogation accordée à titre exceptionnel pour cette subvention.

En effet, le 13 août 1996, l'office financier du logement a adressé un courrier à la Société immobilière, sise boulevard de la Tour 14, concernant un accord de principe pour cette opération, suite à la décision prise par MM. Haegi et Joye. Mais cet accord était délivré à titre tout à fait exceptionnel et d'une validité de six mois. Au-delà, rien ne serait fait.

Face à cet aspect exceptionnel, on est en droit de penser qu'il y a anguille sous roche. Raison pour laquelle je dépose cet amendement.

Mme Elisabeth Häusermann (R). Nous accordons une importance toute particulière à cet objet, car si la présente législature devait commencer par une intervention policière contre RHINO, le département de justice et police devrait en assumer les conséquences face à la nouvelle majorité de ce parlement. Je l'affirme catégoriquement.

Une voix. Des menaces ?

M. David Hiler. Ouais ! Des menaces, tout à fait !

Une voix. Tu veux rire ? C'est du néo-terrorisme !

M. David Hiler. Je continue !

Depuis neuf ans, des gens habitent cet immeuble qui se retrouve propriété d'une banque après une affaire spéculative ayant mal tourné. Il est parfaitement possible de trouver une solution, mais il faut une forte intervention de l'Etat. C'est le sens de cette motion.

En outre, il ne suffit pas de résoudre ce problème qui présente des aspects affectifs et suscite des rapports de force immédiats. Il faut résoudre le problème plus général des subventions HCM qui sont devenues de pures subventions pour propriétaires et dont le rapport avec le logement social est de l'ordre du néant.

Nous avons déjà défendu cette position dans la précédente législature J'appelle la nouvelle majorité de ce parlement à faire diligence pour supprimer rapidement ce type de subventions, afin de concentrer les maigres ressources disponibles pour le logement social sur les objets importants. Au premier chef, les HBM.

Nous soutiendrons l'amendement déposé par le parti socialiste et voterons le renvoi immédiat de la motion au Conseil d'Etat.

M. John Dupraz (R). Les jeunes gens du groupe RHINO sont fort sympathiques, mais cela ne suffit pas pour obtenir gain de cause !

M. Pagani évoquait l'évacuation d'un immeuble à Fort-Barreau, l'an passé. Dans ces affaires, la police n'agit que sur demande du procureur général qui, à ma connaissance, est socialiste ! On ne peut donc pas dire que le procureur général de la République et canton de Genève fasse preuve d'autorité absolue envers des gens que l'on expulserait. Ce n'est pas l'impression qu'il donne à la population.

C'est clair, on peut toujours trouver des solutions.

Cet immeuble appartient à une banque et, selon la presse, des autorisations ont été données, et elles sont en force. L'architecte aussi est socialiste, me semble-t-il ! (Rires.) C'est notre ex-collègue, M. Richardet, qui ne passe pas pour un homme qui trempe dans des magouilles immobilières pour s'en mettre plein les poches ! Dans sa grande sagesse, M. Grobet a souvent fait appel à cet excellent architecte pour des mandats de l'Etat ! (Rires.)

On se retrouve devant une requête de gens sympathiques et face à une situation garantie par un Etat de droit. Il me paraîtrait présomptueux et trop immédiat de trancher ce soir. Nous avons déjà des amendements, et vous pourriez étudier sereinement ces propositions en commission, afin de trouver des solutions satisfaisantes pour tous.

Le Conseil d'Etat qui entrera en fonctions lundi agira conformément à l'Etat de droit qui ne sera pas supprimé dans notre canton et République, même si la majorité de ce Grand Conseil a changé ! (Applaudissements.)

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Dupraz est un député sympathique... (Rires.) ...mais ses arguments ne sont pas très convaincants !

Vous dites, Monsieur Dupraz, que le procureur général est socialiste et que, par conséquent, il faut s'adresser à lui. Vous savez pertinemment, ou vous devriez le savoir, qu'il est d'usage dans cette République en matière de décisions policières, particulièrement en matière d'évacuations d'immeubles, d'obtenir à la fois l'accord du chef du département de justice et police et du procureur général.

J'en ai fait l'expérience hier soir... (Exclamations.) ...à 22 h 30. Le procureur général avait donné l'ordre à la police à 17 h de cesser tous les travaux à Chêne-Bougeries, mais M. Baer, le commandant de police, nous a dit devoir attendre l'ordre de son supérieur, car il reçoit deux ordres.

Comme le soulignait mon collègue Vanek, cela a pris du temps à M. Ramseyer, puisqu'il a fallu attendre jusqu'à 23 h pour recevoir cette deuxième confirmation. Cela démontre un usage en la matière que vous semblez ignorer, Monsieur Dupraz ! D'où l'intérêt de la deuxième invite de cette motion qui demande précisément au Conseil d'Etat de surseoir à toute intervention de police. Si l'on devait vous suivre et renvoyer cette motion en commission, vous pourriez revenir dans un mois ou deux pour dire qu'il ne sert plus à grand-chose de l'étudier : elle serait devenue sans objet, l'immeuble ayant été évacué !

Comme l'a relevé M. Hiler, au-delà du problème d'actualité immédiate qui nous préoccupe, cette motion pose un problème plus fondamental sur lequel nous sommes tous d'accord de nous pencher. Nous pourrons peut-être proposer une motion commune sur le problème des subventions, car nous sommes d'avis que les subventions HCM coûtent trop cher à la collectivité publique pour ce qu'elles peuvent rapporter.

Il faut corriger le chiffre indiqué dans la motion. Il s'agit d'une faute de frappe : le montant des subventions n'est pas de 700 000 F, mais devrait être de l'ordre de 350 000 F, puisque les subventions sont dégressives au fil des années. Mais, enfin, 350 000 F c'est important, lorsqu'on multiplie ces sommes par rapport à l'ensemble des objets considérés.

Et c'est là que le problème se pose : qu'obtient l'Etat en contrepartie ? Un contrôle des loyers pendant une période de dix ans ! Le propriétaire, lui, s'assure d'un rendement tout à fait raisonnable de son bien pendant cette même période à l'issue de laquelle l'immeuble sort en loyer libre. La loi et la jurisprudence permettent aux propriétaires de se rattraper très confortablement en augmentant massivement les loyers. L'Etat qui a dépensé des centaines de milliers de francs ne peut plus rien dire.

Vous avez raison, Monsieur Dupraz, le problème est important dans la mesure où il s'agit de l'affectation des deniers publics en matière de logement social. Dans le cas présent, les occupants de RHINO présentent un projet très raisonnable visant une réhabilitation peu coûteuse par rapport à un autre projet de subventionnement HCM très onéreux. Il sera peut-être suivi en partie par le propriétaire; certainement en grande partie par l'Etat. Lancer de telles opérations n'est pas une bonne manière d'affecter les deniers publics.

Dans l'immédiat, il est important de refuser le renvoi en commission et de voter cette motion ce soir. Cela donnera un double signe politique au Conseil d'Etat.

Le premier, en matière de logement et de politique du logement. Qu'il y ait concertation, et non des bataillons de policiers pour vider les immeubles.

Le deuxième, en matière de subventionnement. Que les choses se passent différemment, car le système actuel nous coûte très cher et nous rapporte très peu. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). A court d'arguments, M. Dupraz a fait allusion au fait que les architectes en cause auraient travaillé pour le compte de l'Etat pendant l'époque où j'étais au département des travaux publics.

La liste des architectes ayant travaillé pour l'Etat est longue ! Car, contrairement à certaines pratiques, j'avais pour habitude de distribuer le plus largement possible les mandats d'architectes. Rassurez-vous ! Vous en trouverez sur tous les bancs de ce Grand Conseil, parmi tous les membres des différents partis et non-membres. Cet argument m'apparaît donc fallacieux : qu'il s'agisse d'un bon architecte ne change pas le fond du problème pour les raisons que M. Ferrazino a expliquées.

J'aimerais ajouter un point au sujet de ce malencontreux dossier qui est à l'origine d'un projet conçu par l'une des plus grandes banques de notre pays de raser ces immeubles, exemples marquants de l'architecture fazyste. Une solution fut trouvée pour la réalisation du siège administratif de cette banque dans le quartier des Acacias. Mais, suite à cela, cette dernière a encore réussi le tour de force de réaliser une opération immobilière avec des immeubles achetés dans le but de les démolir. Je me félicite qu'ils aient été sauvés, mais il est regrettable qu'ils aient été laissés à l'abandon. Heureusement, comme c'est le cas ailleurs, des jeunes se sont préoccupés de la sauvegarde d'immeubles laissés volontairement à l'abandon par leurs propriétaires.

Indépendamment du problème des subventions HCM évoqué à juste titre par MM. Hiler et Ferrazino, il faudrait, avec les nouvelles mesures législatives que nous proposons dans le cadre du projet de modification de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, donner les moyens à l'Etat d'intervenir pour que cesse cette politique d'abandon délibérée dans le seul but de mener des opérations spéculatives de démolitions et reconstructions.

Ce problème concerne une série d'immeubles à Genève. On ne peut plus admettre que cette politique se poursuive. A partir de ce cas, il faut l'élargir à l'ensemble des immeubles laissés à l'abandon par un certain nombre de spéculateurs de cette République ! (Applaudissements.)

Le président. Je prie les personnes à la tribune de ne pas manifester.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). J'aimerais revenir sur ce que M. Dupraz appelle le respect de l'Etat de droit.

La propriété est un droit constitutionnel fédéral. Nous estimons que ces droits ont été traînés dans la boue dans les années 80, lors de la pire spéculation que nous ayons connue. (Exclamations.)

Vous n'avez pas élevé la voix contre les abus de ce droit à cette époque... (Exclamations.) Je vous demande simplement de ne pas invoquer aujourd'hui un Etat de droit mis en crise par ceux-là même contre lesquels le mouvement RHINO prétend instaurer un autre type d'accès à la propriété, de sauvetage d'immeubles. Pour cette raison, je vous demande d'user modérément du terme d'Etat de droit.

M. Olivier Lorenzini (PDC). Comme M. Dupraz, j'ai de la sympathie pour les occupants des immeubles RHINO. Cependant, cette sympathie est amoindrie par deux éléments.

La crise du logement qui a plus ou moins disparu... (Exclamations.) Non, écoute !

Une voix. J'écoute !

M. Olivier Lorenzini. Elle a au moins disparu par rapport à la dimension des logements que les occupants de RHINO souhaitent.

Je ne vais pas revenir sur les propos de M. Dupraz relatifs au droit à la propriété. En l'occurrence, ce droit est violé et une telle situation ne peut pas être tolérée pendant des années. Aussi longtemps qu'il n'y avait pas de projet concret pour ce site, l'occupation était acceptable, voire sympathique. Mais nous avons pu constater l'existence d'un projet raisonnable.

Au nom des personnes inscrites dans diverses régies et souhaitant signer un bail et payer un loyer pour un logement au Centre-Ville, il faudrait qu'il y ait une volonté de faire aboutir ce projet et que les occupants s'en aillent !

M. Hiler parle d'un dramatique début de législature au cas où les forces de l'ordre seraient mandatées pour évacuer les immeubles RHINO. Mais il existe une législature plus dramatique encore qui va bientôt s'achever, celle de la Ville de Genève. La majorité que vous connaissez et dont vous faites partie a refusé d'entrer en matière sur les propositions du groupe RHINO. Le «dramatique» se trouve donc plutôt de votre côté !

Comme M. Dupraz l'a proposé, nous devrions renvoyer cette motion à la commission du logement pour étude.

M. Jean Opériol (PDC). Je ne vais pas parler de la philosophie du squatt ou de RHINO, car nous ne trouverions probablement pas d'accord ce soir.

Si cette motion va directement au Conseil d'Etat, je souhaite que l'on nous renseigne rapidement sur l'aspect technique et financier de l'opération souhaitée par RHINO. Je vois deux possibilités.

Premièrement, comme les motionnaires l'écrivent dans l'exposé des motifs, RHINO rachèterait cet immeuble pour en faire l'usage qu'il souhaite, dans les limites de la loi, comme Dupont ou Durand. Je ne vois rien de choquant dans cette hypothèse.

Deuxièmement, si RHINO ne réunit pas les moyens financiers nécessaires au rachat des immeubles valant plusieurs millions, même dans l'état actuel - ils sont bien situés et ont un certain volume - il se tourne fatalement vers l'Etat pour que celui-ci le rachète et lui en offre la jouissance par l'octroi d'un droit de superficie.

Dans ce cas, à Mme Calmy-Rey - qui est probablement assez sensible à la philosophie de RHINO - de nous dire si l'Etat a les moyens de racheter chaque immeuble occupé par des squatters pour les louer en droit de superficie et probablement perdre de l'argent. A elle de voir si elle a d'autres chats à fouetter ou s'il s'agit d'une priorité.

J'aimerais attirer l'attention des membres de RHINO sur le fait que rien n'est gratuit, à commencer par les coopératives. Si tout se passe en toute légalité, si l'investissement de l'Etat est rentable, ils n'auront pas ces immeubles gratuitement ni sans avoir de soucis.

Quant à la subvention HCM, il s'agit d'un autre débat. Elle est régie par la loi générale sur le logement et la protection des locataires. Elle en a constitué un des chapitres importants. C'est moins le cas actuellement pour des raisons financières, vu l'évolution des prix. Il se fait de moins en moins de HCM, remplacés dans ce Grand Conseil par les HM qui ont le même but sous d'autres formes financières. Messieurs Ferrazino et Hiler, si vous ne voulez plus des HCM, vous allez nous «balancer» un projet de loi modifiant la LGL. Ainsi notre débat parlementaire se fera sur une base tout à fait légale, ce qui n'est pas le cas de l'action de RHINO. Je ne suis pas opposé à remettre en question le subventionnement HCM, dès l'instant qu'il a perdu de son actualité.

Je me réjouis d'entendre l'avis de Mme Calmy-Rey à propos du projet de loi sur l'emprunt qu'elle devra nous soumettre pour racheter les immeubles souhaités par les squatters.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais rassurer M. le député Hiler.

Monsieur le député, ne me faites pas plus méchant que je ne le suis, et, surtout, ne vous faites pas plus méchant que vous n'êtes !

Sur cent vingt occupations illicites, nous en avons réglé cent dix-huit pacifiquement, par la négociation et sans problème. On ne compte que deux évacuations avec recours à la force.

Cette première remarque, pour vous rappeler le mode de travailler.

La seconde a trait à la légalité. Nous avons un gentleman's agreement avec le pouvoir judiciaire - dois-je rappeler que c'est un pouvoir séparé ? C'est pourquoi je ne fais jamais d'opération sans y être «autorisé» - entre guillemets, puisqu'il y a séparation de pouvoirs - par M. le procureur général. Cette «autorisation» concerne les squatts d'habitation uniquement. M. le procureur ne tolère ni les squatts de type commercial ni les squatts de locaux commerciaux.

Lorsque M. le procureur me délivre une autorisation, je décide avec lui comment nous pouvons mettre fin à une occupation illicite si, par hypothèse, les gens ne souhaitent pas quitter les lieux occupés illégalement.

Tout cela se fait en une très large marge de temps. Nous n'avons jamais mis à la porte des gens non informés. Ou alors, c'était des gens de passage fraîchement arrivés.

Il n'y aura donc pas d'action brutale envers RHINO, un des squatts les plus anciens de Genève qui a ses habitudes. Surtout pas en période de Noël ! Je m'y suis toujours engagé et j'ai toujours tenu mes promesses.

Soyez donc totalement rassuré, Monsieur le député !

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.

Le président. Nous avons une proposition d'amendement de M. le député Hausser. Cette invite s'ajoute à celles qui existent. Je vous la lis :

«- à examiner les motifs de la dérogation à titre exceptionnel pour la subvention accordée.»

Une voix. Ça veut dire quoi ? Pouvez-vous relire ? En français ! (Rires.)

M. Hervé Dessimoz (R). Pourrait-on demander à M. Hausser de développer ?

M. Dominique Hausser (S). C'est avec plaisir que j'explique de nouveau ce que j'ai dit tout à l'heure !

Pour cette opération et à titre tout à fait exceptionnel, l'office financier du logement a donné son accord pour une période de six mois à partir du 13 août 1996. Si l'on donne ce genre d'accord, alors qu'il existe une loi générale sur le logement, j'ai des doutes quant à la signification des termes : «à titre tout à fait exceptionnel».

On déroge donc à titre exceptionnel pour accorder une subvention. L'invite demande d'examiner quelles ont été les conditions, qu'en était-il de cette dérogation et pourquoi «à titre exceptionnel».

Si elle est tellement dérogatoire qu'elle ne respecte pas la loi, il est évident qu'on ne pourra plus admettre cet accord de principe à titre exceptionnel, Monsieur Dessimoz !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. La LGL n'est pas tout à fait destinée à remplir ce genre d'objectif, qui est de conduire un programme de rénovation difficile.

Mais, Monsieur le député, ce n'était pas la première fois que nous agissions dans ce sens. La LGL est souvent venue au secours de la LDTR pour combler ses lacunes, lorsque cette dernière ne permettait pas de réaliser certaines opérations.

M. Grobet le savait parfaitement, lorsqu'il m'a demandé d'étudier le projet du rond-point de Plainpalais, précisément pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvions. Je ne jugeais pas cela très satisfaisant, mais cela avait le mérite de permettre la transformation de l'immeuble pour le destiner à sa vocation première de logement.

Aujourd'hui, il existe une vision un peu différente. Vous ne semblez plus vouloir utiliser la LDTR et la LGL dans ce sens. Pour cette raison, nous avons précisé «exceptionnel», car j'ai toujours été convaincu que ce n'était pas sa vocation première.

Si vous ne voulez pas de la LGL pour un projet tel que celui-ci, je crains que vous ne deviez retenir les propositions de M. Opériol, que vous deveniez propriétaires de l'immeuble et que vous le dotiez !

Agissez par ce biais-là, et vous mettrez quelques millions sous forme de dotation de l'Etat dans cet immeuble, que vous ne rentabiliserez évidemment pas ! Voilà ce que je tenais à préciser. A vous de faire votre choix !

Je n'ai rien dit quant au reste. Non que je sois sans avis, mais, compte tenu des échéances, vous comprendrez le repli que j'ai observé ce soir.

Le président. Je mets donc aux voix, l'amendement proposé par M. Hausser, consistant à ajouter une troisième invite, dont la teneur est la suivante :

«- à examiner les motifs de la dérogation à titre exceptionnel pour la subvention accordée.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

demandant d'ouvrir sans délai une politique de concertationavec l'association RHINO

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la Constitution de la République et canton de Genève, son article 10A qui garantit le droit au logement et sa lettre h, qui impose aux autorités une politique active de concertation en cas de conflit en matière de logement;

- que les immeubles sis 24, boulevard des Philosophes et 12-14, boulevard de la Tour sont actuellement occupés par plus de 60 personnes et qu'une majorité de ces habitants y résident depuis plus de 9 années en les entretenant et en les sauvegardant;

- que ces immeubles ont fait l'objet d'une intense activité spéculative ces 20 dernières années et, en conséquence, ont été laissés vides dans ce but bien avant leur occupation;

- que ces derniers ont mis sur pied un projet de rachat des immeubles par une coopérative qui défend l'idée du bail associatif, projet qui mérite d'autant plus l'intérêt de la collectivité dès lors qu'il est beaucoup moins coûteux (réhabilitation) que le projet du propriétaire (rénovation);

- que les propriétaires actuels ont acquis les immeubles à la suite d'une longue série d'actions spéculatives;

- que l'Etat, sous le régime HCM, va devoir verser plus de 700 000 F pour cette opération et sachant que le contrôle de l'Etat sur les loyers s'éteindra au-delà d'une période de 10 années;

- qu'une évacuation forcée de ces logements créerait à l'évidence un conflit important en matière de logement,

invite le Conseil d'Etat

- à se conformer à l'article 10A, lettre h, de la constitution et avec l'aide du procureur général à ouvrir sans délai des négociations entre toutes les parties concernées (en particulier les propriétaires et les occupants) en vue de prendre en considération le projet de coopérative de l'association RHINO;

- à surseoir à toute intervention de police visant à évacuer ces immeubles;

- à examiner les motifs de la dérogation à titre exceptionnel pour la subvention accordée.