République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 7 novembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 1re session - 53e séance
M 1159
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- le site de la rade et du Rhône, son exceptionnelle qualité, sa contribution à l'identité de Genève et l'attraction qu'il exerce sur la population, soit son rôle à la fois social, culturel, écologique et touristique;
- l'encombrement de véhicules et de maints autres corps étrangers et inesthétiques dont les quais sont constamment l'objet;
- la volonté populaire tant d'améliorer cette situation que de dynamiser et revitaliser le centre-ville, comme l'indique un sondage récemment organisé par la «Tribune de Genève»;
- la nécessité de parfaire l'identité de Genève en perfectionnant ce qu'elle offre dans sa confrontation croissante à la concurrence internationale,
invite le Conseil d'Etat
- à mettre en valeur le site de la rade en le rendant plus attractif tant pour les Genevois que pour les visiteurs de passage;
- à élaborer à cette fin, en accord avec les communes concernées, un programme d'aménagement des quais du Rhône et du Petit-Lac;
- à engager les études sectorielles de circulation visant à déterminer les mesures nécessaires à la réduction du trafic automobile sur les quais, tout en garantissant la liberté de choix du mode de transport;
- à recueillir, par voie de mandats ou de concours d'idées, toutes les propositions de qualité à hauteur de cette ambition.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La «Tribune de Genève» a procédé à un sondage d'opinion très complet à propos de la rade et de son aménagement, outre le problème de la traversée. Il en ressort que la grande majorité des personnes souhaite des modifications qui auraient pour objet d'améliorer l'aspect et l'usage des quais. Sur ce point, ledit sondage en rejoint un autre qu'avait organisé l'office du tourisme. Ce dernier mettait en évidence que la rade constitue ce que le visiteur de passage apprécie le plus à Genève.
En aménageant autrefois les quais du Rhône et du Petit-Lac, nos prédécesseurs ont su mesurer à sa juste valeur la qualité du site et l'attraction qu'exerce sur la population le plan d'eau qui lui est attaché.
On ne peut dissocier Genève de la rade et de ses quais, car ils constituent l'image non seulement la plus connue mais aussi la plus porteuse de la cité au-delà de ses frontières.
Depuis, le constant accroissement du trafic automobile et maintes prises de possession improvisées ont malencontreusement altéré le site. Des files continues de voitures et des objets hétéroclites encombrent les quais et coupent les relations physiques - visuelles et de fonction - entre la ville et le lac, entre la population et son pôle d'attraction ou d'intérêt.
Avec l'ouverture d'une salle de musique sur l'eau, dans l'ancien bâtiment des Forces motrices, devrait coïncider l'amorce d'un plus ambitieux projet de mise en valeur des quais de Genève depuis le barrage du Seujet jusqu'aux grands parcs de la Perle du Lac et de la Grange.
Les quais du Rhône, plus proches des activités économiques, sont peu fréquentés, tandis que ceux de la rade, plus attractifs, le sont davantage. Mais ces derniers sont coupés de la ville par l'intense trafic automobile. De même, le pont du Mont-Blanc tranche la continuité des rives.
Pour mettre en valeur le site du Rhône, on peut imaginer un parcours au fil de l'eau, au milieu du fleuve, constitué de passerelles reliant les îles et les ponts depuis les Forces motrices jusqu'au pont du Mont-Blanc (voir les illustrations annexes). La mise en oeuvre de cette première proposition pourrait être entreprise rapidement, car le coût en est relativement modeste.
Par ailleurs, comme le suggérait récemment M. Roland Godel dans une chronique de la «Tribune de Genève», des horloges financées par les diverses firmes réputées de la place pourraient baliser le parcours et en rehausser l'intérêt.
L'aménagement des quais de la rade est sensiblement plus complexe, car il implique de réduire de manière importante - voire de supprimer - le trafic automobile en surface et de créer des espaces où piétons et voitures cohabitent harmonieusement à l'image de maints exemples existants de rues et de places.
Pour mener à terme un projet de cette envergure, on ne peut s'en tenir aux dispositions de «Mobilité 2005» qui sont relativement sommaires à ce sujet, voire nettement insuffisantes. Il convient d'étudier plus en détail le programme dont on entend doter le site et les mesures qui en découlent en matière de circulation. On peut toutefois, d'ores et déjà, prétendre libérer les quais de l'encombrement automobile et de la pollution. Il serait dès lors possible de créer des espaces «multiactivités» à l'image de ceux qui ont été réalisés dans maintes autres villes telles qu'Annecy, Evian, Neuchâtel, Lucerne ou Zurich.
Avec sa rade, Genève possède un atout majeur pour la qualité de son accueil, pour la projection de son identité dans le monde, pour son attractivité et pour la prospérité qui doit en découler.
Il appartient aux Genevois de ne pas gaspiller cette matière première, mais plutôt de la mettre en valeur et d'en tirer le meilleur parti posible.
Pour ces motifs, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir donner suite à la présente proposition de motion en l'adressant au Conseil d'Etat.
ANNEXE
5
Débat
M. Jean Opériol (PDC). Je vous renvoie aux considérants de cette motion et vous invite à effectuer une rapide promenade sur les quais, rive droite, rive gauche pour y considérer le bric-à-brac qui s'y trouve. Ce désordre est dérangeant du point de vue esthétique, tant pour nous-mêmes que pour le touriste qui vient à Genève spécialement pour visiter la rade.
D'autre part, la problématique de la densité de circulation sur les quais de Genève devra être incluse de manière urgente au plan «Mobilité 2005», car ni dans ce dernier ni dans «Circulation 2000» il n'est question de la régler.
Ensuite, les auteurs de la motion sont sensibles à l'intérêt que les piétons et les visiteurs pourraient trouver à l'agrément du site se trouvant entre le pont du Mont-Blanc et le nouveau bâtiment des Forces motrices. Cet endroit pourrait être embelli par une promenade sur passerelle qui ne coûterait pas bien cher.
Enfin, cette motion procède de deux sondages, l'un est effectué par l'OTG, tandis que l'autre est un sondage IPSO. Tous deux concluent à la pertinence de la démarche et que cette motion mérite - c'est mon souhait - d'être renvoyée au Conseil d'Etat.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Quel Genevois n'a-t-il pas goûté au charme du bord du lac d'Annecy; ses aménagements fleuris et esthétiques avec un mobilier urbain choisi ? Il suffit de comparer nos quais pour être saisis de complexes. En effet, n'avons-nous pas eu le regard attiré par les cabanes disparates des marchands de glaces, des panneaux publicitaires, des objets de tout ordre ? Pourquoi ne pas concevoir un parcours harmonieux pour mettre en valeur nos quais ? Ces espaces ayant retrouvé leurs lettres de noblesse pourront servir d'espace d'animation. Ce projet est, par ailleurs, très attendu des Genevois, puisque ces derniers, dans un sondage de la «Tribune de Genève» étaient à 80% en faveur d'une option pour des aménagements paysagés le long de nos nombreux quais du Rhône et du Petit-Lac. Il s'agit d'un atout important pour notre tourisme. Ce sont les raisons nombreuses pour lesquelles le groupe radical vous demande de renvoyer cette motion à la commission de l'aménagement.
M. Chaïm Nissim (Ve). J'observe, en lisant ce texte, que les auteurs de la motion se plaignent abondamment au cours des pages des files continues de voitures, de l'intense trafic automobile de surface, de l'encombrement automobile et de la pollution.
Ils ont raison de constater que la ville est coupée, que les quais sont surencombrés, que ça pue et que ça pollue. Toutefois, ils n'ont pas été au bout de leur raisonnement, car il ne suffit pas de dire que les voitures puent et polluent, encore faut-il encourager les transports publics et accepter que l'on réduise la circulation automobile privée ! Tout en se plaignant, ils n'ont pas encore compris qu'il ne suffit pas de déplacer le trafic autoroutier pour supprimer les nuisances.
Par conséquent, je propose, comme ma préopinante, que l'on renvoie cet objet en commission, afin de l'étudier tranquillement. Je souhaite qu'un jour vous compreniez qu'il faut imiter les villes suisses allemandes en réduisant la circulation automobile privée.
M. Dominique Hausser (S). J'aime la poésie de la députée de Tassigny. Sans doute, l'idée d'installer des cafés au bord de l'eau est bonne. Après tout, rendre la rade plus attractive est peut-être une question essentielle. Toutefois, il conviendra de discuter en commission de l'urgence et de la priorité d'une telle démarche.
Cette motion me chiffonne par le fait qu'on y associe une analyse de circulation sectorielle et que par une petite phrase particulièrement perverse dans les invites : «...tout en garantissant la liberté de choix du mode de transport;» on y ajoute la contrainte du «tout à la voiture». On sait très bien que, si l'on n'agit pas, le transfert modal se fait sur la voiture privée.
M. Christian Ferrazino (AdG). Notre groupe ne s'opposera pas au renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement. Ce sera peut-être l'occasion d'essayer de comprendre le peu de cohérence entre, d'une part, les déclarations de M. Opériol, que nous partageons pleinement - il est vrai que les quais sont envahis de nombreux baraquements - et l'autorisation de construire un baraquement important au quai Gustave-Ador, que votre magistrat M. Joye a délivrée. Il ne suffisait pas de se promener sur les quais, comme vous le suggériez, mais d'ouvrir la «Feuille d'avis officielle» pour le constater. S'agissant du petit train qui se ballade sur les quais, vous venez d'autoriser de nouveau un baraquement à cet endroit. Alors un petit peu de cohérence, Monsieur Opériol ! Ce sera peut-être l'occasion de comparer la politique de M. Joye avec la vôtre dans le cadre des travaux en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.