République et canton de Genève

Grand Conseil

No 41/VI

Vendredi 19 septembre 1997,

soir

Présidence :

Mme Christine Sayegh,présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Marlène Dupraz, Laurette Dupuis, René Ecuyer, Catherine Fatio, Michel Halpérin, René Koechlin, Pierre Marti, Geneviève Mottet-Durand, Andreas Saurer, Micheline Spoerri, Jean-Philippe de Tolédo et Pierre-François Unger, députés.

3. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

M. Olivier Lorenzini(PDC). Je vous annonce le retrait des deux propositions de motions suivantes :

M 906
de MM. Claude Blanc, John Dupraz, René Koechlin, Olivier Lorenzini et Florian Barro invitant le Conseil d'Etat à engager une procédure de déclassement du périmètre de la Ferme Saint-Georges à Lancy (création d'une zone sportive). ( )   M906
M 1097
de MM. Pierre-François Unger, Bénédict Fontanet, Olivier Lorenzini et Claude Blanc concernant l'établissement et la diffusion d'un guide permettant de mettre en valeur les entreprises par l'exemplarité de leur comportement social. ( )  M1097

Le Grand Conseil prend acte du retrait des propositions de motions 906 et 1097.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

E 861-1
4. Prestation de serment de Mme Hélène Braun, élue juge assesseur au Tribunal de police. ( ) E861-1
Mémorial 1997 : Election, 5921.

Mme Hélène Braun est assermentée. (Applaudissements.)

 

La La présidente. Vous voudrez bien excuser l'absence de M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond qui inaugure, avec «Médecins sans frontières», le camp de réfugiés que vous avez vu à la promenade Saint-Antoine. Il répondra aux interpellations urgentes le concernant, en ouverture de la séance de 20 h 30.

IU 366
5. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Erica Deuber-Pauli sur le bradage du patrimoine genevois. ( ) IU366
Mémorial 1997 : Développée, 5924.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Mme Deuber-Pauli est intervenue à propos du «bradage» du patrimoine genevois, en montrant pour le «Journal de Genève» un intérêt auquel elle ne nous avait pas accoutumés jusqu'ici. Mais un intérêt, pour récent qu'il soit, peut être fort intense...

Le Conseil d'Etat est intervenu à plusieurs reprises auprès de la présidence du «Journal de Genève». Il l'a fait par écrit pour bien marquer ses préoccupations, notamment en ce qui concerne les emplois liés au quotidien lui-même et ceux liés à son impression.

Si le nouveau journal, dont le titre n'est pas encore défini, voit le jour sur la base des négociations actuelles, il devrait être imprimé à Bussigny. Un gros volume de travail manquerait au centre d'impression de Vernier, ce qui pourrait avoir des conséquences sur l'emploi. Ce n'est pas sans signification, a fortiori lorsqu'on se souvient des conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat est intervenu pour que le centre de Vernier réchappe de la débâcle de «La Suisse».

J'ai rencontré M. Gilbert Coutau au mois de juillet. Au mois d'août et à ma demande, je l'ai revu avec M. Lamunière. Je leur ai précisé notre volonté de faire en sorte que la décision de fusionner, prise par Edipresse, d'une part, et l'actionnariat du «Journal de Genève», d'autre part, soit la moins dommageable possible au niveau de l'emploi.

Nous avons approfondi plusieurs questions. MM. Coutau et Lamunière m'ont confirmé ce qui, maintenant, a été publié dans la presse, à savoir que la rédaction principale serait à Genève, de même que l'administration, bien qu'une réserve non encore levée subsiste à cet égard. Sur la base de l'analyse faite pour le journal en tant que tel, les emplois à Genève seraient, au mieux, préservés.

En ce qui concerne le centre d'impression de Vernier, j'ai averti M. Lamunière que le Conseil d'Etat ne pourrait accepter que la fusion des deux titres provoque des pertes d'emplois. Je lui ai rappelé qu'à la suite de la débâcle de «La Suisse» nous avions obtenu le transfert de l'impression de la «Tribune de Genève» de Bussigny à Vernier et sauvé ainsi les emplois.

Actuellement, le centre de Vernier se porte bien. Il compte plus d'emplois qu'à l'époque des difficultés de «La Suisse».

J'ai tenu à dire à MM. Coutau et Lamunière que les conditions dans lesquelles cette fusion avait été annoncée avaient eu pour effet de démobiliser une bonne partie du lectorat, ainsi qu'une partie des collaboratrices et collaborateurs du «Journal de Genève»; que le Conseil d'Etat était fort critique à cet égard.

En effet, il est pour le moins curieux qu'à l'interruption des premières négociations avec le groupe Edipresse, faute des résultats escomptés, et au moment où toute la rédaction et l'administration du «Journal de Genève» furent appelées à produire, cinq fois par semaine, un journal sur la base d'une nouvelle maquette, l'on ait fait entendre, tout soudain, que la publication n'existerait plus ou serait fondamentalement remaniée par la fusion en fin d'année.

Cette façon de procéder produisit, bien entendu, un effet des plus démobilisateurs. Sans posséder quelques leviers d'action à un titre ou à un autre, j'ai fait savoir que le Conseil d'Etat entendait présenter ses critiques.

Telle a été et telle sera la position du Conseil d'Etat. Il s'agit de la création d'une nouvelle publication importante et de référence en Suisse romande, compte tenu des moyens financiers disponibles et du choix de la rédaction en chef et des principaux chefs de rubrique. Il n'empêche que nous demeurerons extrêmement attentifs à toutes les données relatives à l'emploi.

Cette interpellation urgente est close.

La présidente. Je salue à la tribune du public la présence d'élèves du collège Rousseau, placés sous la conduite de Mme Fabienne Fischer. Ils assistent à notre séance dans le cadre de la préparation d'une série d'émissions électorales pour la «RFR-La première». (Applaudissements.)

M. le conseiller d'Etat Claude Haegi nous ayant annoncé qu'il serait un peu en retard, nous passons à l'interpellation urgente 368 de Mme Liliane Johner.

IU 368
6. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Liliane Johner : le sautier fait le ménage au service du Grand Conseil. ( ) IU368
Mémorial 1997 : Développée, 5926.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Nous ne vous cachons pas que l'interpellation urgente de Mme Johner, en tant qu'elle est adressée au Conseil d'Etat, nous a surpris.

En effet, votre parlement a décidé que le personnel du Grand Conseil serait désormais placé sous sa responsabilité, respectivement de son Bureau.

Il est exact que la loi votée par votre parlement n'est pas encore en vigueur. Il est néanmoins clair que dès lors ce parlement a arrêté les choix qu'il estimait devoir retenir; le Conseil d'Etat n'a plus à intervenir dans les affaires liées à la gestion du personnel du Grand Conseil.

Le Conseil d'Etat n'a donc pas donné d'instructions à la personne mise en cause dans cette interpellation. Il n'entend d'ailleurs pas lui en donner, considérant qu'il s'agit là d'une affaire relevant désormais de votre compétence.

Le Grand Conseil ayant souhaité placer sous sa responsabilité les affaires relevant de son service, au titre de la gestion du personnel, qu'il me soit simplement permis de lui donner un bref conseil qui résulte de l'expérience :

Si, en matière de personnel et de sa gestion, vous vous mettez à traiter en séance publique de situations qui, à tout bout de champ, peuvent devenir délicates, vous aurez tôt fait de démobiliser le personnel. Vous provoquerez des effets largement pervers dont vous serez les premiers à vous plaindre.

Cette interpellation urgente est close.

 

IU 367
7. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Nicole Castioni-Jaquet sur les divergences des chiffres HBM. ( ) IU367
Mémorial 1997 : Développée, 5925.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Selon l'office cantonal de la statistique, il y avait trois mille sept cent cinq logements HBM au 31 décembre 1995, alors qu'à la même date le rapport de gestion du Conseil d'Etat citait le chiffre de quatre mille dix-neuf logements.

La différence de trois cent quatorze provient du fait que l'office cantonal de la statistique ne tient pas compte des logements HBM hors normes que sont les foyers : par exemple celui d'Arabelle, conçu sous la forme de chambres individuelles destinées aux femmes seules avec enfant; certains logements en D2; les chambres-studios destinées au relogement des personnes évacuées par le procureur général; les appartements sis dans les immeubles anciens, acquis dans le but de les transformer en logements HBM, après qu'ils ont été rénovés.

C'est donc le chiffre publié dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat qui fait référence.

Cette interpellation urgente est close.

 

IU 369
8. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Dominique Hausser sur les informations diffusées par l'administration fiscale cantonale. ( ) IU369
Mémorial 1997 : Développée, 5927.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Voici ma réponse à l'interpellation urgente de M. Hausser :

Il s'agit du rappel d'échéance du paiement, au 30 septembre 1997, de la deuxième tranche IFD 1996 qui a été adressé aux contribuables taxés dans les premiers mois de cette année.

Les intérêts moratoires, calculés pour cette deuxième tranche, courent à partir du 1er octobre 1997 et non à partir du 1er avril, date de l'échéance ordinaire de la taxation IFD.

En novembre dernier, j'ai transmis cette information par écrit aux contribuables et précisé qu'ils avaient un délai au 30 septembre.

Par conséquent, les contribuables qui s'acquitteront en retard de leur deuxième tranche IFD recevront un bordereau d'intérêts moratoires fixés, selon la loi fédérale, au taux de 5% et courant à partir du 1er octobre.

Comme je n'ai pu voir les responsables entre la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage pour apprécier le cas, l'administration fiscale a reçu de nombreux téléphones. Elle les a gérés et les choses sont rentrées dans l'ordre.

Notez surtout que les intérêts moratoires que vous pourriez devoir courront à partir du 1er octobre et pas avant.

Cette interpellation urgente est close.

 

IU 370
9. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Dominique Hausser sur les critères du Conseil académique pour avoir choisi Arthur Andersen. ( ) IU370
Mémorial 1997 : Développée, 5927.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Dans un premier temps, j'ai cru que M. Hausser adressait ses félicitations au Conseil académique et au recteur pour s'être entendus sur une action commune et le rôle dévolu au Conseil académique, à savoir développer davantage les liens unissant l'université à la cité.

Je suis sûre que c'est cela qu'il faut comprendre en contrepoint de votre interpellation, Monsieur le député Hausser. Maintenant, je réponds à votre question.

Vous demandez pourquoi le Conseil académique et le rectorat ont décidé d'attribuer une étude d'impact de l'université à Arthur Andersen plutôt qu'à une autre université ou à la Conférence des universités européennes, voire à toute institution autre qu'Arthur Andersen.

J'ai deux réponses à vous donner :

1. Un appel d'offres a été lancé. Il a été publié par voie de presse le 1er juillet 1997. La sélection a été faite à partir du 14 juillet et l'étude d'impact, commencée au mois d'août, doit être terminée le 28 novembre prochain, au plus tard. Cela vous fera comprendre pourquoi si peu d'universités ont répondu à l'appel d'offres, indépendamment de celle de Genève. Je n'ai pas la liste des postulants.

2. Les offres ont donné le résultat suivant : les coûts étaient compris entre 41 000 F et 250 000 F. L'entreprise Arthur Andersen a été choisie sur la base du rapport qualité/prix des prestations proposées. Le groupe chargé des évaluations a estimé, après l'audition des différents postulants, que l'offre d'Andersen était la meilleure; elle est inférieure à 100 000 F.

Cette interpellation urgente est close.

 

IU 371
10. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon sur l'aménagement du port de Corsier. ( ) IU371
Mémorial 1997 : Développée, 5928.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Madame la députée, je réponds aux cinq questions de votre interpellation urgente :

Comme vous le savez, une forte demande de places d'amarrage existe à Genève depuis longtemps. La liste d'attente, dressée par le service des amarrages, est d'environ trois cents inscriptions à ce jour. C'est sur la rive gauche du lac que les places d'amarrage font le plus cruellement défaut.

La zone nord-est du canton serait la plus appropriée à la construction d'un port. Le site de Corsier-Port, qui comporte déjà un chantier naval, se prêterait favorablement à un tel projet. Ce site avait d'ailleurs été retenu en 1981 pour le premier projet élaboré par le département. C'est dire que je marche sur des sentiers déjà fort battus !

La construction d'une place d'amarrage coûte, selon l'importance du port et son lieu d'implantation, de 30 000 à 50 000 F.

C'est essentiellement à cause de la situation financière difficile du canton que l'Etat de Genève, propriétaire de l'ensemble des ports importants du canton, n'a pas sensiblement augmenté le nombre de places d'amarrage au cours des quinze dernières années, en dépit, je le répète, d'une très forte demande.

Dès mon entrée en fonctions à la tête du département, j'ai approuvé l'idée que des promoteurs privés s'intéressent à la question et projettent de construire un port sans participation financière de l'Etat. Début 1994, la société ABC Monaco a pris contact avec le département. Cette société est spécialisée en élaboration de projets et réalisations portuaires. S'étant déclarée intéressée, elle a reçu un mandat de 50 000 F pour l'étude de faisabilité du port. Ce montant sera remboursé en cas de réalisation. Il s'agit là du seul engagement financier de l'Etat.

Cette préétude ayant démontré la faisabilité d'un tel projet, ABC Monaco a décidé de poursuivre, à ses frais, l'étude et la promotion du port. Le département des travaux publics et de l'énergie n'est donc pas le pilote de ce projet.

L'ensemble des études effectuées, y compris l'élaboration des documents requis pour la demande définitive d'autorisation de construire, a été financé par ABC Monaco, d'ailleurs demandeur de ladite autorisation.

Les investissements consentis à ce jour par ABC Monaco, en particulier pour des mandats distribués à divers ingénieurs et architectes fort connus sur la place de Genève, sont d'environ 720 000 F.

L'Etat n'a fourni aucune garantie financière au promoteur et ne lui versera rien en cas de refus ou d'abandon du projet, ce qui pourrait bien arriver.

Le prix moyen d'achat d'une place d'amarrage est de 50 000 F. Une étude de marché, avec enquête auprès des navigateurs, a été établie par le promoteur. Ses résultats sont très positifs.

Les deux communes concernées par le projet ont été consultées. Elles ont donné leur accord de principe en 1996 pour un port d'une capacité de trois cents bateaux. La demande définitive de construire a été publiée le 18 août 1997.

En date du 26 septembre 1995, l'association «Patrimoine vivant» a saisi mon département d'une demande de classement de la baie de Corsier. Consultée en date du 5 décembre, la commission des monuments, de la nature et des sites a rendu son préavis. Elle estime que cette demande est superfétatoire en raison de l'existence de diverses mesures de protection en vigueur dans le secteur du projet de port à Corsier, notamment la loi générale sur la protection des rives du lac et l'arrêté de classement du 18 décembre 1923 du site archéologique lacustre.

Au vu de ce qui précède et du préavis de la CMNS, une demande de classement portant sur la baie de Corsier n'a pas lieu d'être instruite. Néanmoins, en date du 17 décembre 1996, le Tribunal administratif a reconnu à l'APV qualité pour agir au sens de l'article 63 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976.

Dès lors, forte de cette décision, l'APV a sollicité une nouvelle demande de classement en date du 12 août 1997 à l'adresse, cette fois, du Conseil d'Etat. Cette demande a été déposée au sens de l'article 10, alinéa 2, de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites. Le DTPE a ouvert l'instruction de ce nouveau dossier, conformément aux décisions du Tribunal administratif.

Dans un premier temps, le service des monuments et des sites a recueilli l'ensemble des données nécessaires à une évaluation des parcelles concernées, la demande de classement n'ayant pas été accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles. Un dossier détaillé devrait toujours accompagner une telle demande ! Les pièces sont actuellement en passe d'être réunies et la procédure, prévue par les articles 12 et suivants de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, pourra être engagée prochainement.

Cette interpellation urgente est close.

IU 372
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Sylvia Leuenberger sur le concept cantonal en matière de gestion des déchets. ( ) IU372
Mémorial 1997 : Développée, 5930.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. L'interpellation urgente de Mme Leuenberger est importante. Elle comporte, en fait, toute une série de questions ayant trait au problème du traitement des déchets par compostage.

Madame, je m'efforcerai de vous répondre avec précision, comme vous me l'avez demandé.

Première question : «Pourquoi votre appel d'offres porte-t-il sur une capacité d'installation de mécanisation si grande - 10 000 tonnes l'an - et écarte-t-il ainsi d'entrée tous les projets plus petits ?».

L'appel d'offres pour une installation de méthanisation porte sur une capacité de 10 000 tonnes par an pour deux raisons :

- cette capacité permet de traiter la majorité des déchets : verts et humides du canton, poubelles des ménages, gazon, arbres, etc.;

- ce tonnage représente la capacité inférieure de rentabilité économique d'une installation de méthanisation, un problème de taille critique existant.

Deuxième question : «Une étude d'impact a-t-elle été faite sur ce projet de centralisation de la méthanisation à Châtillon ?».

Un bureau spécialisé a été chargé d'établir l'enquête préliminaire qui sera déposée d'ici la fin du mois auprès de la police des constructions.

Troisième question : «Le cahier des charges de cet appel d'offres était-il basé sur cette étude d'impact ?».

L'appel d'offres est fait sous la forme d'une entreprise globale, une installation de cette taille engendrant forcément le dépôt d'un gros volume de déchets compostables, ce qui entraîne les nuisances connues d'odeurs nauséabondes et de transports supplémentaires. Dès lors, l'enquête préliminaire sera jointe au cahier des charges. L'entreprise adjudicatrice des travaux sera chargée d'établir le rapport d'impact définitif. Sans connaître les détails de la réalisation, il est, en effet, difficile de finaliser l'étude d'impact au stade actuel du projet. D'ores et déjà, le cahier des charges impose des installations fermées et des déodorisations plus aisées à réaliser par un tel procédé que sur un parc de fermentation standard qui provoque les inconvénients auxquels vous avez fait allusion.

Quatrième question : «Les communes ont-elles été informées que cela provoquerait des levées sélectives - différenciant le sec de l'humide - et des coûts de transport accrus ?».

La valorisation des déchets organiques ménagers est une obligation faite par l'ordonnance sur le traitement des déchets. Le plan de gestion des déchets, approuvé par le Département fédéral de l'intérieur en 1994, tient compte de ce fait. Une information soutenue est faite, notamment par «Info-Déchets», lors de réunions périodiques avec les communes. De plus, dans le cadre de la restructuration de l'usine des Cheneviers, le Conseil d'Etat a créé une commission des déchets, dont une sous-commission est chargée de la valorisation des déchets organiques. Les communes sont étroitement associées à ces travaux.

Cinquième question : «Les habitants de Bernex, incommodés depuis cinq ans par les odeurs du site, ont-ils pu donner leur avis sur cette nouvelle idée du DIER ?».

Non seulement les habitants de Bernex ont pu donner leur avis sur cette idée, mais la construction d'une telle installation a fait l'objet d'une motion du Conseil municipal et d'une pétition signée par cinq cent cinquante habitants. Vous vous rappellerez que nous avions lancé l'opération «Nez» à Bernex, afin de juger des inconvénients de cette situation. Durant cet été, la décharge cantonale a causé de nouveaux problèmes. J'ai eu l'occasion de me rendre sur place et c'est précisément pour remédier à ces problèmes qu'il a été décidé d'accélérer le projet de méthanisation.

Sixième question : «Est-il exact que la signature à apposer au bas de l'étude d'impact du projet du GICAL serait attendue depuis un certain temps de votre département ?».

Le 23 mai 1996, Ecotox, service spécialisé, a été reçu par Losag SA pour présenter la procédure et conseiller le requérant dans sa démarche. Le 19 décembre 1996, Ecotox a reçu Ecotech Environnement SA, mandataire en charge de l'étude d'impact sur l'environnement du projet de compostage Arve et lac. Le rapport d'enquête préliminaire n'a été remis, pour l'information d'Ecotox, que le 24 juillet 1997. L'instruction est en cours dans les délais réglementaires. L'évaluation du rapport d'enquête préliminaire sera communiquée à l'autorité cantonale au cours de la semaine du 22 septembre 1997. L'autorité décisive, en charge de la loi, n'a pas encore statué. S'agissant d'un marché de l'ordre de grandeur d'une dizaine de millions, les accords du GATT sont applicables, de même que la nouvelle loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'Accord intercantonal sur le marché public, entré en vigueur le 9 août 1997.

Madame le député ou la députée, si vous préférez, j'espère que mes réponses ont été complètes. Je vous remets le texte que je viens de vous communiquer.

Cette interpellation urgente est close.

IU 373
12. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. John Dupraz sur le projet de déclassement de terrains agricoles à Versoix. ( ) IU373
Mémorial 1997 : Développée, 5931.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. En date du 30 juillet 1997, le Conseil d'Etat a pris connaissance de l'avant-projet de loi que j'ai présenté en relation avec un projet de modification des limites de zones sur le territoire de la commune de Versoix, en vue du relogement des forains et des gens du voyage qui occupent, actuellement, le site du Molard à Versoix.

Ce projet a été élaboré avec l'accord unanime du Conseil administratif de Versoix. Il propose la création d'une zone industrielle et artisanale, avec de l'habitation, au lieu-dit les Longs-Prés situé en zone agricole, dans le domaine d'Ecogia, propriété de la commune, en bordure de la route de Sauverny, à l'ouest du centre sportif de la Bécassière et à proximité de l'autoroute.

Le Conseil d'Etat a donné son accord à ce projet et à l'ouverture de l'enquête publique. Il a recommandé que celle-ci soit précédée d'une information concertée entre le département des travaux publics et la commune.

La concertation a eu lieu et il a été décidé de tenir une conférence de presse conjointe DTPE/Conseil administratif de Versoix.

Je remercie les Conseils administratif et municipal de la commune de Versoix, les seuls représentants des collectivités publiques genevoises ayant accepté de participer activement, avec les services du DTPE, à la recherche d'un site pour le relogement des forains et des gens du voyage. Toutes les autres communes ont refusé d'entrer en matière, à l'exception d'une seule qui offrait 5 000 m2 alors que les besoins sont de l'ordre de six hectares.

Par prudence, je ne vous lirai pas certains commentaires relatifs aux gens du voyage. Ils ne font pas honneur à leurs auteurs.

Nonobstant, nous avons cherché d'autres solutions, par exemple au bois de Bay, mais elles ont été écartées par le Conseil d'Etat.

D'une part, les communes concernées ne sont pas d'accord, et leur refus date de quelques mois et non de cinq ou dix ans. D'autre part, les terrains sont déjà utilisés : le camping du bois de Bay, auquel M. Blanc avait pensé, est en état de construction avancée. Je l'ai constaté quand je suis allé sur place cet après-midi.

Je trouve très fort de café que certains honorables et vieux briscards de la politique communale, cantonale, voire fédérale, disent qu'ils ne veulent pas des tziganes et que c'est à nous d'imposer les emplacements, même s'ils logent chez les autres ! Cela me rappelle le classique «de quoi je me mêle» et certains accords populistes/poujadistes qui firent florès près des eaux d'Ems.

Je réitère tous mes remerciements au Conseil administratif de la commune de Versoix pour avoir accepté de résoudre les problèmes de nos amis, les gens du voyage. Je pense qu'il a encore le droit de dire où il entend les reloger, si possible sans risque d'incendie, pas dans une décharge et pas trop loin des écoles.

C'est pour cette raison qu'après moult réflexions le site des Longs-Prés a été proposé. Ce n'est pas un site idéal, mais je n'en ai pas de meilleur. Ce cas est identique à celui du théâtre Circule à Thônex : le Tribunal fédéral avait tranché en notre faveur.

De plus, le Molard sera renaturé dans le cadre de la renaturisation de la Versoix. La Chambre genevoise d'agriculture n'a pas encore été consultée.

Cette interpellation urgente est close.

IU 374
13. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Pierre Vanek sur la diffusion d'informations électorales sur un site Internet. ( ) IU374
Mémorial 1997 : Développée, 5933.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Depuis que l'annuaire officiel figure sur le site officiel de l'Etat pour des raisons de service public, seuls des liens de messagerie vers les partis ont été instaurés. Aucun lien direct ne relie le site officiel à un site officiel de parti.

Il se trouve que des armoiries officielles figurent sur le site du parti radical suisse. Sans doute ont-elle été copiées sur une page officielle d'un des serveurs du département de l'instruction publique.

Il apparaît, effectivement, que cette utilisation d'armoiries contrevient à la loi sur l'exercice des droits politiques. L'Etat est immédiatement intervenu auprès des responsables du parti radical suisse, afin que cette disposition légale soit respectée.

Ce soir, à 16 h 30, la chancellerie m'a confirmé que le nécessaire avait été fait et l'erreur réparée.

Cette interpellation urgente est close.

 

IU 375
14. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Roger Beer sur les conditions et les principes régissant la mise à disposition par l'université de ses aulas. ( ) IU375
Mémorial 1997 : Développée, 5934.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. En dehors des horaires universitaires, la mise à disposition des salles des bâtiments universitaires relève de la compétence du DTPE, plus particulièrement de celle de la conciergerie.

Ces mises à disposition font l'objet d'une concertation préalable avec l'université, celle-ci émettant un préavis quant à la demande d'occupation des lieux.

Bien que vous ne soyez pas là, Monsieur le député, je comprends votre préoccupation partagée, sans doute, par nombre de citoyens qui voient se dérouler dans des locaux publics, tels ceux de l'université, des conférences dont les thèmes pourraient laisser à penser qu'ils ressortent d'une philosophie sectaire.

Il est extrêmement difficile d'évaluer, au vu d'une simple demande de location, si le sujet abordé est de nature à susciter un trouble d'ordre public ou à propager des thèses contraires à une éthique admise.

C'est ainsi que dans le cadre de la conférence prononcée le 27 juin 1997, à 20 h, à Uni-II, par Mme Shri Mataji Nirmala Dehvi, le formulaire d'inscription déposé à l'université de Genève l'a été au nom de l'association Sahaja yoga. L'énoncé du thème de la réunion, Monsieur Ducommun, était : «Une authentique expérience spirituelle est-elle concevable aujourd'hui ?». La personne responsable de la tenue de cette conférence est, comme le veut le règlement, une personne physique domiciliée en Suisse. En outre, le formulaire d'inscription précisait qu'il n'y aurait pas d'intervention d'un conférencier étranger.

Lorsque des personnalités étrangères abordent des sujets de nature politique à l'occasion de conférences données dans les locaux de l'administration cantonale, une autorisation doit être demandée auprès de mon éminent confrère du département de justice et police et des transports.

La conférence du 27 juin n'ayant pas été donnée par une personnalité étrangère, il n'y avait pas lieu de requérir une telle autorisation. A titre d'information, une copie de la demande de location a néanmoins été adressée audit département, en date du 27 mai.

La mise à disposition de salles de conférence de l'Etat à des tiers, en dehors des horaires scolaires ou universitaires, a fait l'objet d'une décision du Conseil d'Etat du 8 septembre 1976 qui stipule, en substance, que le Conseil d'Etat décide :

a) de ne plus refuser, en principe, la location occasionnelle des salles de conférence de l'Etat aux partis politiques et aux églises pour leurs manifestations publiques;

b) de ne mettre en location que les salles d'accès indépendant du bâtiment auxquelles elles sont attachées, à l'exception de certains locaux qui ne peuvent pas répondre à cette condition;

c) de ne pas louer ces salles le samedi ou le dimanche, en règle générale.

Cette décision correspond au voeu du Conseil d'Etat de pouvoir faire accéder le public, de façon élargie, à des locaux propriété du canton et dont la construction a été financée par les contributions publiques.

Tant mes services que moi-même n'avons pas été informés des démêlés que Shri Mataji et ses adeptes auraient eus avec la justice française, ainsi que des dérangements que cette congrégation aurait provoqués à Tannay, dans le canton de Vaud.

J'en viens aux renseignements que les services compétents de l'administration cantonale pourraient obtenir avant la tenue de chaque manifestation dans des locaux propriété de l'Etat. Il n'est vraiment pas possible de mettre sur pied une structure permettant, avant le déroulement de chaque événement, de juger de l'admissibilité ou non des propos qui seront diffusés.

En effet, les demandes de location d'aulas scolaires et plus particulièrement d'auditoriums universitaires dépassent la centaine par année.

Les conditions de location des locaux universitaires sont basées sur un tarif qui distingue l'occupation payante et qui différencie le montant des locations. La mise à disposition de la salle U259, d'une capacité de cent places, et la gratuité des entrées mettaient le locataire au tarif dit non lucratif, à savoir 50 F pour la soirée. Depuis le 1er juillet 1997, ce tarif est passé à 70 F.

Je ne pense pas que l'on puisse définir des critères absolus permettant de cataloguer sous le label «secte» l'une ou l'autre des institutions demanderesses de salles de conférence. Si l'on refusait ou acceptait telle ou telle organisation, telle ou telle personne, en fonction du degré d'intelligence des propos tenus, vous conviendrez que même dans cette enceinte bien des partis politiques devraient interdire à l'un ou l'autre d'entre nous l'accès aux lieux publics ad vitam aeternam !

Cette interpellation urgente est close.

IU 376
15. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Pierre Vanek sur le message diffusé par les affiches électorales. ( ) IU376
Mémorial 1997 : Développée, 5935.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. le député Vanek nous a présenté, hier soir, une analyse inattendue de l'affiche par laquelle nous invitons les gens à voter davantage. Elle est actuellement placardée dans le canton.

Sa conclusion fut de nous demander quelles intentions nous nourrissions en interpellant les gens et en leur disant qu'ils n'existaient que dès lors qu'ils votaient.

Je vous assure, Monsieur Vanek, que nous n'avions pas le dessein de faire passer le message «Nous n'existons que si nous détenons un passeport rouge à croix blanche».

Par contre, Monsieur le député, cette affiche illustre notre volonté d'inciter les gens à voter davantage. Quand j'ai proposé de généraliser le vote par correspondance, j'ai tenu compte de l'évolution des comportements et de l'organisation de notre société. Le résultat est celui que vous connaissez. Aujourd'hui... (Brouhaha sur les bancs radicaux.)

La présidente. Le groupe radical est prié de se calmer !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Ne demandez pas l'impossible ! Non seulement nous avons constaté, Monsieur Vanek, que la tendance à la diminution des taux de participation avait été stoppée, mais que ces taux de participation avaient augmenté. A Genève, ils sont actuellement supérieurs à la moyenne suisse.

Ce qui a été fait, ces dernières années, répond à toutes les interpellations parlementaires qui nous demandaient d'être plus actifs dans ce domaine.

Nous l'avons été sans arrière-pensée.

Cette interpellation urgente est close.

IU 379
16. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Chaïm Nissim sur le plan de relance de la Confédération et les économies d'énergie. ( ) IU379
Mémorial 1997 : Développée, 5939.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Monsieur le député, vous prenez un malin plaisir à «allumer» systématiquement l'office cantonal de l'énergie pour «chauffer» cette honorable assemblée...

Une fois de plus, vous n'avez pas suffisamment contrôlé vos sources. Vous n'êtes pas au «courant» !

Les 64 millions du programme de relance de la Confédération sont mis par Energie 2000 à la disposition de l'économie privée afin qu'elle assainisse les bâtiments pour qu'ils consomment moins d'énergie.

Qu'a fait la Confédération ? Contrairement à ce qu'elle avait prévu pour l'autre paquet de la relance, elle a confié le traitement des dossiers romands à un bureau à Lausanne. Les rôles techniques du canton et de l'OCEN ne seraient, selon les autorités fédérales, que ceux d'une simple boîte aux lettres.

L'OCEN n'en est pas resté là. A deux reprises, il a fait paraître des communiqués dans la «Tribune de Genève», le «Journal de Genève», «Le Courrier» et la «Feuille d'avis officielle».

Constatant que rien ne bougeait, il a contacté par écrit, également à deux reprises, l'Association genevoise des ingénieurs, l'Interassar, la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, l'Association genevoise des entreprises de chauffage et de ventilation, la Fédération des métiers et du bâtiment, l'Association des promoteurs-constructeurs genevois de la société des régisseurs et la Chambre genevoise immobilière. Il entendait ainsi inciter ces groupes et associations à intervenir auprès de leurs membres pour qu'ils entreprennent les travaux souhaités. Ces lettres sont à votre disposition.

Mes collaborateurs ont également contacté directement des régies et des propriétaires d'entreprises possédant des bâtiments pouvant faire l'objet d'améliorations. N'ayant pas obtenu de résultats, ils ont organisé une séance d'information qui se tiendra le 8 octobre, de 12 h 30 à 13 h 30, dans les locaux de la Fédération des syndicats patronaux. D'autre part, ils ont intégré le thème des subsides lors de leur dernière rencontre d'hier à midi, afin d'inciter les quelque quarante professionnels présents à entreprendre des travaux.

Je précise que pour chaque franc mis par la Confédération pour réaliser un projet de ce type, il faut trouver le propriétaire d'accord d'en mettre neuf !

Le problème n'est pas facile à résoudre vu ce créneau très particulier et la situation économique genevoise. Cela n'a rien à voir avec un bonus à l'investissement pour un bâtiment complet.

Le taux de subventionnement de la Confédération est nettement insuffisant pour Genève, bien qu'il puisse inciter à entreprendre des travaux dans des régions moins affectées par la crise.

Les cantons suisses allemands ont reçu toutes les documentations et informations utiles en avril dernier. Nous n'en avons reçu les traductions qu'au mois de juin, c'est-à-dire juste avant les vacances.

Maintenant, je m'adresse à vous, Monsieur Nissim. Connu pour vos compétences, vous êtes souvent mandaté par la Confédération. Vous êtes en contact avec l'économie privée et avez, par ce biais, la possibilité de proposer à vos clients des travaux qui pourraient bénéficier des subsides fédéraux.

Je vous promets de traiter avec une extrême célérité vos projets susceptibles d'en bénéficier. Je vous serais reconnaissant de me communiquer le nom du responsable d'Energie 2000 qui vous a fait part de ses critiques. Je lui enverrai personnellement le dossier que l'OCEN a transmis au vice-directeur de l'OFEN, dossier contenant toute la correspondance adressée aux milieux professionnels. Je vous remercie de votre collaboration et de votre demande de subvention.

Cette interpellation urgente est close.

La présidente. Je rappelle que M. Segond répondra aux interpellations urgentes qu'il a reçues en début de séance, à 20 h 30.

 

R 338
17. Proposition de résolution du Conseil d'Etat approuvant le projet de conception cantonale de l'énergie. ( )R338

Nous vous soumettons le projet de conception cantonale de l'énergie, prévu par l'article 10 de la loi sur l'énergie, au moyen d'un document annexe.

Vous trouverez ci-après un bref historique de la conception, puis, sous forme d'extraits, les actions qu'elle propose et qui font l'objet de décisions.

Ces extraits ne sont pas exhaustifs, le lecteur est donc invité à se référer au document principal.

Historique

Le 7 décembre 1986, la population genevoise adopte l'article 160C de la constitution fondé sur l'initiative «L'énergie, notre affaire». Suite à cette modification constitutionnelle, la loi sur l'énergie entre en vigueur le 7 novembre 1987. En son article 10, elle stipule l'adoption d'une conception cantonale de l'énergie dont l'objectif premier est de permettre au gouvernement cantonal d'adopter un programme de politique énergétique.

Le 26 août 1993, le Grand Conseil adopte une première conception à une très faible majorité, sans adhésion véritable et en prononçant à son encontre un grief principal: le manque de prise en compte de la problématique nucléaire. En effet, la décision du peuple d'interdire l'installation de centrales nucléaires sur le territoire du canton contiendrait l'obligation morale de renoncer aux achats d'électricité d'origine nucléaire. Dans cet esprit, on se souvient du défi lancé par Coordination Energie à l'appui de ces déclarations affirmant qu'un tel renoncement était possible.

La loi stipulant une révision de la conception au moins une fois par législature, il apparut opportun de réexaminer le document en tenant compte de cette approche.

En réponse à ces interrogations, deux expertises (CERA et LOGILAB) destinées à évaluer les conséquences d'un renoncement à l'importation d'électricité d'origine nucléaire furent lancées en 1994. Parallèlement, toute une série de travaux contribuait à l'évaluation du système énergétique genevois. Parmi ceux-ci citons la constitution du SER (système de référence énergétique), la mise sur pied de projets pilotes relatifs à des modalités de financement du type BOT (Build Operate Transfer) et l'inventaire des sites réunissant les conditions pour la planification de concepts énergétiques. Puis, début 1997, une étude effectuée par LOGILAB dans le cadre de l'élaboration de cette conception a pu analyser le dispositif énergétique genevois sous différentes hypothèses à l'aide d'un modèle d'analyse systémique récemment développé. La scénarisation qui en résulte a l'avantage de proposer un plan d'équipement cohérent dans le long terme, quelles que soient nos options vis-à-vis du nucléaire.

Par ailleurs, lors de l'adoption de la première conception, les prémisses de l'ouverture des marchés de l'électricité annonçaient déjà des changements importants sur la scène énergétique européenne. La conception se devait d'intégrer cette nouvelle donne.

En octobre 1996, la commission technique cantonale en matière d'énergie (COTEN) et la commission consultative sur les questions énergétiques (voir liste des membres en annexe) ont été saisies d'un projet de conception que j'ai diffusé parallèlement dans tous les milieux concernés. En effet, la refonte profonde dont a fait l'objet la conception nécessitait une validation par une très large consultation. Les échos recueillis à cette occasion ont été positifs et constructifs, et ont permis une révision du projet en tenant compte de ces prises de position. Celui-ci résulte donc d'une réflexion concertée et constitue un document de travail incontournable pour le décideur en matière de politique énergétique.

Introduction

La conception cantonale de l'énergie propose des décisions, s'appuyant sur diverses réflexions en réponse à des objectifs exprimés dans la constitution et les lois. Ces décisions seront mises en oeuvre au travers d'un programme détaillé: le plan directeur de l'énergie.

Si les quatre postulats, adoptés par résolution le 26 août 1993 et rappelés ci-dessous, restent d'actualité, les actions «93» ont été fortement remaniées et de nouvelles approches proposées.

Postulat 1

La politique cantonale en matière d'énergie doit promouvoir une utilisation économe et rationnelle de l'ensemble des agents utilisés par la collectivité genevoise.

Postulat 2

La politique cantonale en matière d'énergie doit permettre la maîtrise de notre approvisionnement énergétique et promouvoir le développement prioritaire des énergies indigènes.

Postulat 3

Indépendamment d'allocations budgétaires cantonales ou communales, le financement des mesures de politique énergétique peut faire l'objet d'un surcoût sur les prix des énergies consommées, dans le respect du droit fédéral et moyennant :

- une base légale;

- l'existence d'un intérêt public;

- le respect du principe de proportionnalité.

Postulat 4

La politique cantonale en matière d'énergie doit prendre en compte les exigences de la protection de l'environnement.

Le contexte dans lequel s'inscrit la CCE96 est profondément marqué par les mutations en cours sur le marché de l'économie énergétique. Ainsi, la CCE96 est le support d'une politique énergétique conduite dans une importante période de transition.

Il est important de reconnaître à la CCE une efficacité - aptitude à ouvrir des interrogations, à proposer des lignes d'action et soutenir des décisions - limitée dans le temps. Le cycle quadriennal de révision, prévu par la loi, est bien adapté au rythme d'évolution du secteur énergétique mais ne met pas à l'abri du besoin de révision rapide suite à des bouleversements imprévisibles.

La CCE96 propose 3 types d'actions:

- les actions de politique générale;

- les actions techniques;

- les actions d'encadrement.

1. Objectifs de la conception

L'objectif spécifique de la CCE96 est de permettre au canton, dans un contexte mouvant et incertain, de décider les stratégies de politique énergétique inscrites dans le principe du développement durable et de faire les choix les plus efficaces.

Cette conception répond à l'article 160C de la constitution qui exige des autorités qu'elles s'opposent à l'installation de centrales nucléaires sur le territoire genevois et dans son voisinage et à l'interrogation qui en découle quant à la faisabilité d'une politique de renoncement total ou partiel aux importations d'électricité d'origine nucléaire.

En règle générale, la conception poursuit des objectifs conformes ou plus exigeants que ceux du programme Energie 2000 engagé sur le plan fédéral. Pour mémoire, ces objectifs sont:

- stabilisation, puis réduction de la consommation totale d'énergie fossile et des émissions de CO2 résultant de leur combustion;

- stabilisation de la consommation d'électricité.

- Augmentation de l'apport des énergies renouvelables à la production d'électricité (+0,5%) et à celle de chaleur (+3%).

1.1. Objectifs généraux

L'article constitutionnel genevois exprime que la politique cantonale en matière d'approvisionnement, de transformation, de distribution et d'utilisation d'énergie est fondée sur l'utilisation rationnelle et économe de l'énergie, le développement prioritaire des énergies renouvelables et la protection de l'environnement.

Ces fondements de la politique énergétique permettent de définir, dans le respect du développement durable, des objectifs généraux qui visent, pour l'essentiel :

1. la maîtrise des consommations;

2. la diversification (des approvisionnements) et l'accroissement des productions locales;

3. la mise en oeuvre de substitution (par des énergies renouvelables) comme moyen d'atteindre les objectifs.

La recherche de l'efficacité énergétique vise à minimiser la dépense nécessaire à satisfaire au besoin; elle est structurée en 3 étapes :

1. déterminer au mieux la prestation nécessaire (besoin);

2. adapter la fourniture à la prestation nécessaire, ni plus (excès) ni moins (manque), en qualité, quantité et durée;

3. fournir cette prestation avec la meilleure efficacité, c'est-à-dire optimiser la dépense pour la fournir. Le terme efficacité recouvre tous les aspects du développement durable dans les chaînes de transformations énergétiques mises en oeuvre, le recours à la substitution par des énergies renouvelables étant inclus dans ce point.

1.2. Objectifs sectoriels

Le développement des énergies renouvelables ne figure pas explicitement dans ce chapitre car il n'est pas un objectif en lui-même mais constitue, comme l'exprime l'article constitutionnel 160C, l'une des voies prioritaires à explorer pour atteindre les objectifs exposés ci-après.

Il faut relever qu'il peut y avoir interaction entre les objectifs cités ci-dessous et que la réponse à l'un risque de se faire au détriment de l'autre. Ainsi, par exemple, la valorisation de rejets thermiques peut prétériter la consommation d'électricité où, pour CADIOM, la production de 30 MW thermiques se fera au détriment de celle de 7 MW électriques aux Cheneviers. L'interdépendance des objectifs sectoriels et les effets non concourants résultant des actions forment l'une des composantes de la réflexion globale.

1.2.1. Electricité

Les spécificités de l'usage de l'électricité, son importance vitale pour le fonctionnement de la société et la grande sensibilité de la consommation à des multiples facteurs extérieurs tels la conjoncture, la structure du tissu économique, l'évolution de la population et les développements technologiques à venir, empêchent de formuler avec pertinence des objectifs simples de consommation à des horizons dépassant 10 ans. Dès lors, Genève adopte des objectifs faiblement sensibles aux paramètre cités ci-dessus, sous la forme suivante:

- Assurer un approvisionnement, en qualité et en suffisance, dont l'ensemble des caractéristiques sont compatibles avec le développement durable et les 3 principes sur lesquels ce dernier repose.

- Augmenter, par rapport à l'état 1990, l'efficacité globale de la consommation - c'est-à-dire diminuer les consommations dans les proportions citées ci-après, tous les autres paramètres étant par ailleurs inchangés - de 10% à l'horizon 2005 et de 20% à l'horizon 2015. Les critères de mesure de la satisfaction des objectifs sont fondés sur le choix d'indicateurs partiels d'efficacité par types de prestation. Certains sont aujourd'hui déterminés (comme cela est pratiqué pour l'évaluation de l'efficacité dans le programme de DSM conduit par l'OCEN ou selon les propositions issues de l'étude sur la détermination d'un indice électrique), d'autres doivent encore l'être. Ces critères devront être publiés lors de la prochaine mise à jour de la conception.

1.2.2. Combustibles

Genève adopte les objectifs d'Energie 2000 mais les reformule de la façon suivante: les consommations de combustibles à population constante doivent diminuer de 15% d'ici l'an 2000 (objectif Energie 2000) et de 45% d'ici 2025 par rapport à l'année de référence 1990.

1.2.3. Carburants

La politique énergétique «carburants» est dominée par les contraintes imposées par les mesures touchant la circulation dont la plupart intègrent les contraintes environnementales de l'air. La CCE96 se fixe comme objectifs d'intégrer l'aspect énergie dans les divers plans touchant à la gestion du trafic (en cours) et d'influencer la constitution du parc automobile vers les véhicules à plus faible consommation.

Les consommations de carburant aviation sont exclus de la CCE96.

1.2.4. La limitation des émissions de CO2

Genève adopte les objectifs du programme Energie 2000, à savoir une stabilisation des émissions de CO2 au niveau de 1990. Ainsi, toute diminution d'émission dans le secteur des combustibles utilisé pour la production de chaleur autorise une production fossile complémentaire d'électricité.

2. Les actions nécessaires de politique générale

2.1. Meilleure répartition des compétences et des charges

La libéralisation introduit les lois du marché et de la libre concurrence dans l'économie énergétique des réseaux. Elle oblige ainsi à redéfinir les responsabilités entre le pouvoir politique et l'économie privée et à préciser les cadres et limites de la libéralisation. Citons, par exemple:

- le soutien à des investissements d'intérêt public que le secteur privé ne peut prendre à sa charge économiquement, par exemple des investissements pour le prééquipement de zones industrielles à développer;

- le soutien à des actions bénéfiques pour la collectivité qui ne peuvent être valorisées par l'économie privée, par exemple: choix tarifaires ou réduction au profit de certains groupes;

- les restrictions à l'application de la loi de marché lorsque celle-ci est dommageable au bien public.

Il est par ailleurs impératif de définir clairement les droits et obligations entre l'administration cantonale et les Services industriels de Genève (SIG), et de fixer à ces derniers leur mission dans la politique énergétique cantonale, tout en leur laissant l'autonomie indispensable à une gestion cohérente de leur entreprise.

Les autorités devront par ailleurs définir les conditions de financement des surcoûts imposés par des contraintes écologique ou de politique énergétique. Les SIG ne peuvent assumer le financement d'ouvrages économiquement non rentables (sauf s'il s'agit de stratégies d'entreprise). En effet, les comportements économiques prévalant en situation de monopole, qui permettraient de reporter automatiquement les charges sur le prix de vente, ne peuvent pas être reconduits dans un futur marché concurrentiel.

Dans cette perspective, un groupe de travail a été mandaté par le Conseil d'Etat en date du 14 février 1996. Il a émis des propositions qui méritent d'être retenues et approfondies, notamment en ce qui concerne la répartition des compétences entre l'Etat, les collectivités publiques et les SIG.

Sur le plan juridique, la refonte actuellement en cours de la loi sur les SIG intègre ces préoccupations et apportera des solutions compatibles avec les objectifs visés. Ces aspects touchent tant la structure interne de l'entreprise que ses relations avec les autorités politiques et ses clients. Les SIG, malgré leur autonomie renforcée, devront gérer des héritages contractuels importants, dont ceux qui les lient à EOS jusqu'en 2008.

Action 1 Adoption d'un contrat-cadre précisant les compétences et les responsabilités entre l'Etat, les collectivités publiques et les SIG, ainsi que la répartition des tâches entre les SIG et l'économie privée.

2.2. Constitution d'une entité régionale

En 1996, les ministres de l'énergie de l'Union Européenne (UE) ont convenu d'ouvrir progressivement le marché de l'électricité dans leurs pays. Bien que ne faisant pas partie de l'UE, la Suisse devra également libéraliser son marché de l'électricité afin de maintenir son importante position dans le réseau électrique européen et pour éviter un maximum d'inconvénients à son économie. Elle choisira une forme d'ouverture qui sera compatible avec ceux mis en vigueur dans le cadre de l'UE, tout en veillant à ne pas être en contradiction avec ses objectifs dans le domaine de l'énergie, de l'environnement, de la politique régionale ou de la sécurité d'approvisionnement.

Face à un marché de dimension européenne, il existe des tailles critiques, permettant de regrouper les achats d'énergie et d'exploiter des économies d'échelle pour l'utilisation d'infrastructures communes. En deçà de celles-ci, l'importance des enjeux à négocier est insuffisante pour obtenir des conditions réellement favorables.

Dans cet ordre d'idées, le regroupement actuel - EOS - risque d'être géographiquement trop restreint. Un concept de «Suisse Energétique Occidentale» doit être évalué de concert avec chacun des partenaires, du plus petit au plus grand.

Il est impératif d'engager des négociations avec l'ensemble des partenaires influents inscrits sur une étendue représentative du système Production-Transport-Distribution. Cette réorganisation des forces, vraisemblablement sous forme d'un concordat, ainsi que la mise en place des adaptations structurelles nécessaires, a pour objectif la création d'une entité d'un poids suffisant pour une négociation à l'échelon européen et préparera ainsi la participation de la région à l'économie énergétique de demain.

Sans réel problème juridique, la réalisation de la région énergétique dépendra plus des volontés politiques de tous les partenaires que tout autre aspect.

Action 2 Définition des modalités pour la constitution d'une entité régionale.

Les lignes directrices de cette réflexion pourront être:

- la répartition des tâches entre pouvoir politique et économie énergétique;

- le traitement des investissements échoués;

- le regroupement et répartition des compétences dans une structure Production-Transport-Distribution;

- la structuration des coûts de l'énergie;

- l'uniformisation des politiques tarifaires;

- les modalités d'accès pour les petits consommateurs, par regroupement, à des choix concurrentiels;

- les droits de transit en faveur des autoproducteurs.

Le cahier des charges précisant les modalités pour la constitution d'une entité régionale pourrait être défini par la commission technique cantonale en matière d'énergie (COTEN).

2.3. Ouverture et non-interventionnisme de la politique tarifaire

L'objectif premier d'une politique tarifaire est de fournir l'énergie au prix le plus adapté possible. Un prix adapté signifie que le niveau de qualité satisfait les consommateurs (il pourrait, dans le cas idéal, être modulé en fonction des attentes desdits consommateurs) et que le prix est aussi bas qu'économiquement possible pour le niveau de prestation demandé. Cet objectif apparemment simple implique:

- que la concurrence soit pleinement prise en compte pour l'élaboration des tarifs dans l'ensemble des segments concernés;

- que la tarification envoie les signaux adéquats aux consommateurs, en ce sens qu'elle matérialise financièrement les comportements de consommation qui induisent des investissements supplémentaires (par exemple par un appel de puissance à des heures de pointe) et favorise des comportements permettant des prestations de qualité qui n'entraînent pas obligatoirement une augmentation des coûts;

- que l'aspect de fiscalité indirecte que peut représenter le tarif d'un monopole de fait ou de droit d'un distributeur d'énergie soit intégré aux réflexions et décisions tarifaires (rappelons à ce propos que, pour le consommateur privé, le choix du distributeur d'énergie électrique sera, dans l'immense majorité des cas, limité) et tende à être annulé;

- que les autoproducteurs soient reconnus en qualité de partenaires, en prenant en compte également le prix dicté par la production. Cette valorisation forme un encouragement certain au développement des autoproducteurs.

Action 3 Définir une politique d'achat et de vente d'énergie s'inscrivant dans un partenariat clients / distributeurs.

Pour atteindre ces objectifs, il est indispensable:

- de modéliser (à partir d'exemples étrangers) quel sera l'impact d'une libéralisation sur les prix de l'électricité et du gaz proposés aux grands et moyens clients;

- de connaître dans le détail les coûts aujourd'hui encourus par les SIG pour le transport et la distribution d'énergie, dans le but de pouvoir répercuter au mieux ces coûts dans les tarifs. Cela implique une comptabilité analytique complète et efficace, telle qu'elle est programmée par les SIG;

- de passer de tarifs fixes et déterminés à une politique beaucoup plus souple, qui s'adapte à la situation concurrentielle, au contexte économique du canton, aux besoins du client dans l'intérêt réciproque des partenaires. Un tel changement implique des modifications légales afin d'augmenter la marge de manoeuvre des SIG. Allant dans ce sens, un nouveau projet de loi sur l'organisation des SIG devrait être adopté en 1997.

La réflexion menée par le groupe de travail (voir 2.1) qui a abouti aux recommandations de juin 1996 devra donc être poursuivie et mener à des actions dans le courant de 1997 déjà, en ce qui concerne la vérité des coûts actuels et l'assouplissement des tarifs.

2.4. Financement des actions techniques

2.4.1. Préambule

Ce chapitre traite le champ restreint du financement des actions techniques proposées dans la CCE96. Il n'évoque pas le panorama économique, financier et fiscal du système énergétique. La recherche d'un marché transparent et régulé au moyen de mécanismes clairs s'appuie nécessairement sur une compréhension profonde de ce panorama. Cet aspect devra être développé en priorité.

La CCE96 propose un programme d'actions. Chacune de ces actions présente un coût global de mise en oeuvre et certaines d'entre elles seulement, un revenu découlant d'une fourniture de prestations.

Les actions de préparation et d'encadrement (conduite et accompagnement du programme) nécessitent un financement continu. Ils sont naturellement de la compétence des collectivités et à leur charge.

2.4.2. Financement des équipements de production

Selon l'optique qui prévalait durant les années d'abondance et jusqu'à très récemment, la charge du développement de la politique énergétique incombait à la collectivité ou à l'entité de droit public SIG qui en répercutait les coûts, avec l'aval du Conseil d'Etat, sur ses tarifs. La valorisation des prestations et leur compétitivité revêtaient presque un aspect secondaire. La décision d'équiper le barrage du Seujet, construit dans le but de réguler le niveau du lac, d'une production hydroélectrique chère, illustre ce propos.

Suite à l'effondrement de la capacité financière de l'Etat et à la libéralisation des marchés, l'optique a fondamentalement changé. L'Etat exprime ses objectifs et ses contraintes, puis, d'un côté, libère les SIG pour leur permettre d'opérer sur le marché (actions 1 et 3) et de l'autre, ouvre les projets aux intervenants de l'économie. La meilleure offre, c'est-à-dire la plus compatible avec les trois piliers du développement durable, est retenue puis réalisée.

Les projets seront réalisés sous des formes proches du principe BOT où un tiers fournit les moyens financiers, gère durant une période donnée et à des conditions prédéfinies les actifs puis les cède à une entité «officielle». Le projet CADIOM est élaboré selon le principe du BOT. La collectivité exprime ses volontés au travers d'un cahier des charges et lance un appel d'offres public pour la réalisation globale de l'installation (étude, financement, construction et exploitation du réseau).

D'opérateur, l'Etat devient catalyseur. Le champ de son action est resserré; sa mission n'est plus de «réaliser» mais de «promouvoir la réalisation».

Dès lors, l'Etat doit organiser, en partenariat avec l'économie, un centre de compétences dans lequel seront rassemblées

- l'expression de la collectivité et la référence juridique;

- les opérateurs de l'énergie, de l'économie et du financement.

La mission de cette entité est de définir le panorama économique financier et fiscal du système énergétique et d'y introduire les outils nécessaires qui permettront de susciter et faciliter la réalisation des actions techniques adoptées dans la conception cantonale et, le cas échéant, de toute action conforme aux buts et aux principes de cette dernière.

Action 4 Créer un centre de compétence pluridisciplinaire chargé de définir et de mettre en place les conditions-cadres, de promouvoir et de mener au succès la réalisation des actions de la conception cantonale par des partenaires de l'économie.

2.4.3. Ecueils

Si le canton de Genève décide de s'équiper en moyens de production indigènes afin d'assurer son autonomie, il est nécessaire de décider qui finance la volonté d'autonomie, laquelle résulte d'une décision politique. Cela est important si ces équipements produisent de l'électricité à un coût supérieur à celui auquel les SIG ou les entreprises genevoises, dans le cadre de la libéralisation, pourraient s'approvisionner dans le marché européen.

Il n'est pas possible d'imposer aux SIG de réaliser des ouvrages produisant de l'électricité chère - et de faire diverger les coûts de l'énergie genevoise de ceux offerts sur le marché extérieur - pendant que leurs clients importants vont pouvoir s'approvisionner à bon marché hors du canton.

Les actions de politique générale prennent ici toute leur signification et forment les fondements pour la recherche de solutions à ces questions.

Si le problème de l'affectation du surcoût de la contrainte d'autonomie électrique n'est pas résolu, notamment à l'aide des actions de politique générale, le système électrique genevois sera dans une situation instable et dangereuse à terme pour l'économie.

2.4.4. Autres aides au financement

La loi sur l'énergie prévoit diverses formes d'aide au financement dont les principales sont les subventions, les prêts sans intérêt et les aides fiscales.

Prêts sans intérêt et subventions représentent des sommes importantes pour la collectivité lorsqu'ils sont mis massivement en oeuvre et perturbent le marché concurrentiel. Parfaitement logique dans des démarches de soutien aux technologies émergentes, ce type d'aide, dans une approche compatible avec le développement durable et avec les règles du marché, devrait être réévalué en s'appuyant sur les coûts externes épargnés. Nous proposons que la collectivité axe son aide sur la prise en charge de ces coûts dans le secteur privé. Elle ferait ainsi, dans une vision à long terme, une opération blanche.

Les aides fiscales mises en place en 1993 avec l'administration fiscale permettent de considérer, dans le secteur immobilier, les investissements en faveur de l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie et la protection de l'environnement comme charge d'entretien déductible du revenu et n'apportant pas de plus-value. Ces aides devraient être étendues à l'appareil de production économique.

2.5. Fonds de politique énergétique

Le fonds est destiné à soutenir le financement, notamment dans la forme évoquée au chapitre 2.4.3. ci-avant, de tous projets locaux où la partie genevoise de projets régionaux conduits par les collectivités et établissement de droit public et le secteur privé, s'inscrivant dans les objectifs de la politique énergétique cantonale.

Le fonds doit être créé par une disposition légale qui en définit le principe et les modalités de fonctionnement. Le rôle et la participation des SIG doivent y figurer.

Le fonds est géré par un conseil du fonds composé de représentants de l'Etat, des communes et du secteur privé.

Action 5 Constitution d'un fonds de politique énergétique cantonale.

2.5.1. Constitution du fonds

Les ressources du fonds sont constituées en cinq ans par la suppression progressive du rabais accordé aux communes et à l'Etat sur leurs achats d'énergie aux SIG. Parallèlement, l'Etat s'engage, par le biais de programmes de gestion de la demande, à diminuer les dépenses d'achat d'énergie des communes, toutes énergies confondues, pour un montant équivalant au rabais supprimé.

Durant cette période, les SIG ne bénéficient donc pas de la réduction progressive du rabais car, en l'état, ce seront eux qui alimenteront le fonds. Dès la sixième année, ils pourront facturer leur énergie aux collectivités sans rabais. En revanche, leurs livraisons d'énergies commenceront à décroître dès la première année de la constitution du fonds. Pour les SIG, les communes et l'Etat, il s'agit pratiquement d'une opération blanche: les collectivités payant leurs consommations d'énergie sans rabais mais consommant moins.

2.5.2. Alimentation du fonds (après la période transitoire)

Chaque année, la moitié de l'augmentation de la redevance annuelle versée par les SIG à l'Etat et aux communes pour l'utilisation du domaine public est affectée à l'alimentation du fonds.

2.6. Contribution des énergies renouvelables et veille technologique

Le prix de revient des énergies issues de sources renouvelables n'est actuellement pas concurrentiel face aux prix de revient des autres énergies. Toutefois le recours accentué aux énergies renouvelables s'inscrit tant dans les objectifs de l'article constitutionnel que dans l'esprit du développement durable, notamment grâce à la substitution d'utilisation d'énergies fossiles par la création d'emplois sur le territoire genevois. Il incombe donc à l'Etat de développer un système d'aide et de facilité pour leur développement.

Ce système doit clairement évaluer:

- les types d'énergies à développer, leur potentiel et leurs coûts réels;

- toute forme de soutien ou de facilité qui pourrait en favoriser le développement;

- les perspectives économiques et technologiques;

- les limites de ce qui est souhaitable en matière d'objectifs énergétiques et supportable sur le plan économique ou pour la société.

En parallèle, il est nécessaire de maintenir un niveau élevé de connaissance des technologies disponibles pour accroître l'efficacité du système énergétique genevois. Ce domaine comprend le spectre global des connaissances nécessaire à évaluer les contributions possibles ou probables de technologies émergentes:

- spécifications techniques;

- perspectives de disponibilité industrielle;

- contraintes techniques et économiques d'exploitation;

- impacts environnementaux et compatibilité avec le développement durable;

- autres effets (emploi, pôle technologique, formation, etc.).

Les technologies concernées sont celles de transformation (d'énergie primaire en énergie utile) et de régulation.

Action 6 Réévaluation de la contribution des énergies renouvelables et veille technologique.

Cette mission pourra être confiée à la COTEN.

2.7. Commission de surveillance des marchés de l'énergie

La loi qui permettra l'ouverture des marchés des énergies de réseaux devra instaurer conjointement une commission de surveillance des marchés de l'énergie. Celle-ci sera extérieure à l'administration cantonale, mais rattachée administrativement à elle. Elle aura pour tâche principale de vérifier que la libéralisation est conforme aux intérêts de l'économie en général et respecte l'intérêt public cantonal.

La commission sera composée de divers partenaires opérant sur ces marchés et désignera en son sein un médiateur chargé de statuer sur tous les litiges impliquant un consommateur avec un des opérateurs sur ce marché.

Action 7 Création d'une commission cantonale de surveillance des marchés de l'énergie.

3. Scénarisation et plan d'actions techniques

Parallèlement aux actions de politique générale développées dans le chapitre précédent, et dans la poursuite des objectifs cités dans le chapitre 1, des actions techniques doivent être mises en oeuvre ou poursuivies. Un plan réunissant ces actions est proposé ci-après. Ce plan est confirmé par les résultats d'une étude sur l'évolution du système énergétique genevois réalisée par LOGILAB à l'aide d'un outil d'analyse technico-économique.

3.1. L'outil de scénarisation

Les scénarios étudiés par LOGILAB ont été construits à l'aide d'une approche systémique tenant compte de l'ensemble du système énergétique du canton, de la durée de vie des technologies impliquées et de l'incertitude qui caractérise la prévision de la demande à long terme. La méthode a ainsi permis d'évaluer une famille de scénarios plausibles et d'explorer quelques scénarios extrêmes.

La figure ci-dessous indique les étapes de la méthode de scénarisation.

L'analyse systémique des choix technologiques effectués dans les divers secteurs de la demande est particulièrement importante lorsque l'on impose des contraintes environnementales globales, émissions de CO2 par exemple, en association avec des restrictions sur les importations d'électricité d'origine nucléaire.

Les conclusions de ce travail de scénarisation sont citées ci-après. Pour davantage de détails le lecteur se référera au texte de la conception ainsi qu'à l'étude de LOGILAB.

- La scénarisation ayant considéré des hypothèses différentes de réduction des achats d'électricité d'origine nucléaire et leurs conséquences, il apparaît que cette contrainte n'a pas d'influence déterminante sur la composition du système de production. En conséquence, les décisions qui peuvent être prises aujourd'hui sur la base des conclusions de cette scénarisation seront valables quelle que soit la politique d'achats auprès d'EOS.

- Cependant, la volonté de réduire simultanément la dépendance en électricité d'origine nucléaire et les émissions de gaz à effet de serre placera le système énergétique genevois dans une situation difficile. Cela dans le cas où la demande de prestations (par exemple en bureautique) continuerait de progresser sans possibilité de mettre en oeuvre des mesures de DSM secondaires et que les possibilités de conversion du système de chauffage des immeubles à du chauffage à distance demeureraient limitées. Le canton ne pourrait pas, à long terme, atteindre les objectifs le réduction des émissions de CO2 indiquées dans le programme E2000.

- Toutes les solutions convergent vers le développement prioritaire de production combinée, à partir de gaz, d'électricité et de chaleur distribuée dans des réseaux CAD. Cette solution est aussi valable en l'absence de contraintes CO2 ou de renoncement à l'électricité d'origine nucléaire.

- Dès que la contrainte CO2 est atteinte, il devient nécessaire de mettre en oeuvre d'autre type de productions. La moins chère est l'achat sur le réseau européen, si la contrainte sur le renoncement l'autorise. Sinon, les coûts de production augmentent fortement, voire explosent lorsque le système a épuisé quelques solutions possibles mais au potentiel limité.

- La pénétration des technologies au gaz n'est pas imposée au système énergétique mais ressort de l'analyse économique à long terme guidée par les prix de l'énergie et l'évolution supposée de la demande. La compétitivité du gaz naturel fait que, dans tous les cas de figure, un investissement dans des capacités de productions locales, utilisant des combustibles fossiles, est recommandé dès la période 2000.

En résumé, dans un système économique qui se développe raisonnablement, il est possible de satisfaire au principe de la volonté de renoncement à l'importation d'électricité d'origine nucléaire à moyen terme. Il est en revanche impossible de continuer à satisfaire cette volonté dès que la contrainte CO2 est atteinte sans générer un accroissement massif et insupportable des coûts de l'électricité à Genève.

La décision de développer la production combinée, à partir de gaz, d'électricité et de chaleur distribuée dans des réseaux CAD est un choix robuste et efficace pour Genève. Elle est, par ailleurs, compatible avec les sites potentiels de développement de CAD actuellement recensés à Genève.

3.2. Les effets des actions techniques sur l'emploi

Les diverses actions de maîtrise des consommations de même que les actions qui substituent des productions locales à des achats extérieurs favorisent le développement de l'emploi. Les retombées économiques d'un programme d'investissement dans des technologies CCF et CAD pourraient être à l'origine de la création d'environ 3000 emplois pendant l'ensemble de la période quinquennale centrée en 2000. Ces actions sont un support important à l'économie locale, aspect qui doit être également pris en compte lors des calculs économiques (coûts épargnés sur la politique sociale et économique).

Au-delà de la recherche de solutions dans une stricte vision énergétique, Genève peut saisir l'occasion extraordinaire que constitue la réforme de son système énergétique pour devenir un pôle de compétences en matière de technologies énergétiques. Dans cette perspective, l'Etat devient également un générateur de projets au service de son économie.

3.3. Production hydroélectrique

La production hydraulique du canton est actuellement assurée par les ouvrages hydroélectriques de Verbois, du Seujet et de Chancy-Pougny.

L'usine hydroélectrique de Chancy-Pougny (dont les installations ont 80 ans) doit impérativement être rénovée ces prochaines années. Parallèlement à cette rénovation, des travaux d'augmentation de puissance pourraient être effectués pour des investissements équivalents, soit 160 millions de francs.

Cette action doit être analysée en regard des incertitudes sur le long terme concernant les marchés de l'énergie. Elle s'inscrit dans le plan d'action de la conception cantonale de l'énergie pour les motifs suivants:

- il s'agit d'une production renouvelable et sans émissions;

- le coût de l'électricité produite est a priori élevé mais doit être réévalué en termes de surcoût de la rénovation par rapport au coût de démantèlement de l'ouvrage.

Action 8 Rénovation et augmentation de puissance de l'usine hydroélectrique de Chancy-Pougny. Recherche des modalités de financement.

Les SIG ont répertorié deux autres sites potentiels de production hydroélectrique: Conflan et Vessy (voir fiches techniques 1.4 et 1.5). Avec un coût de 16 c/kWh, l'ouvrage de Conflan est gardé sous forme de décision de veille. En revanche l'ouvrage de Vessy, avec un coût du kWh de 30 c/kWh, n'est pas retenu.

3.4. Cogénération

Les technologies de cogénération, ou couplage chaleur force (CCF) produisent simultanément de la chaleur et de l'électricité. On distingue les installations connectées à un réseau de distribution de la chaleur à l'échelle d'un quartier au moins (CCF centralisé) de celles desservant des îlots d'immeubles (CCF décentralisé).

Ces technologies correspondent à celles recommandées dans les conclusions de la scénarisation exposées ci-dessus, à savoir le développement des technologies de cogénération au gaz associées à des réseaux de chaleur à distance et répertoriées sur le territoire du canton, même en l'absence de volonté de renoncement aux importations d'électricité d'origine nucléaire.

Ces orientations techniques restent cohérentes dans la perspective d'une future internalisation des coûts externes. En effet, l'utilisation de ces technologies est préconisée dans la mesure où elle tient compte de façon contraignante des objectifs de réduction des émissions de CO2 poursuivis par la Confédération et le canton.

3.4.1. Turbine à gaz à cycle combiné avec récupération de chaleur

Le principe de cette action est décrit plus en détail en annexe (fiche technique 1.1). Elle s'inscrit dans le plan d'action de la conception cantonale de l'énergie pour les motifs suivants:

- elle offre des coûts compétitifs dans le cas où un réseau de chaleur préexistant permet de valoriser la chaleur;

- elle assure une production électrique à haut rendement pour un rapport émission de CO2 par kWh très favorable.

Action 9 Réalisation d'une turbine à gaz à cycle combiné avec récupération de chaleur sur le réseau de chaleur à distance actuel.

3.4.2. Centrales chaleur-force (CCF) décentralisées alimentées au gaz

Plusieurs sites réunissant les conditions pour l'implantation de CCF décentralisés ont d'ores et déjà été identifiés par l'OCEN (voir fiche technique 1.2). Ces installations s'inscrivent dans le plan d'action de la conception cantonale de l'énergie pour les motifs suivants:

- elles assurent une production électrique à haut rendement pour un rapport émission de CO2 par kWh très favorable;

- elles constituent des opérations économiquement rentables à condition d'être réalisées dans le cadre de conditions de rachat de l'électricité correctes et de véritables partenariats entre les SIG et les autoproducteurs.

Action 10 Mise en place d'installations de cogénération exploitées en fonction des besoins de chaleur sur les sites actuellement répertoriés.

3.4.3. Cogénération par pile à combustible

La pile à combustible pourrait pénétrer sur le marché dans un délai de4 à 5 ans. Le rapport élevé de production d'électricité/chaleur permet de produire plus d'électricité que les autres formes de cogénération et avec un taux d'émissions favorable (voir fiche technique 1.6).

Action 11 Encouragement au développement de la pile à combustible.

3.5. Gestion de la demande d'électricité (DSM)

Quoique souvent comptabilisés comme des coûts, les montants consacrés à inciter les consommateurs à réduire leur consommation par différents moyens relèvent d'une logique d'investissement concurrente de celle des moyens de production et peuvent largement bénéficier au distributeur. C'est dans ce sens qu'on parle parfois de «production de négawatts».

Les actions de DSM peuvent être de plusieurs types: le remplacement des technologies d'usage par des technologies plus efficaces présentant le plus faible coût marginal à long terme; le changement de comportement des utilisateurs, l'ajustement de la fourniture de prestation au besoin. Elles peuvent être promues de diverses manières: signaux tarifaires, information, aides à l'investissement, audits, actions systématiques, etc. Toutes les mesures efficaces ont leur pleine valeur, quelle que soit l'évolution des marchés de la fourniture et de la distribution d'électricité.

On distingue deux trains de mesures DSM: les mesures dites primaires sont celles dont le potentiel est presque certain et le temps de retour bref (fiche technique 2.1). Les mesures de DSM secondaires ont des temps de retour plus longs, souvent difficiles à estimer, et un potentiel théorique beaucoup plus incertain (fiche technique 2.2).

Les opérations de DSM primaires, actuellement conduites dans le canton de Genève, se sont révélées être performantes et doivent être multipliées (programme OGURE). Sur la base des enseignements de ce programme, les coûts des mesures de DSM peuvent être mieux calibrées en vue de conduire des opérations de DSM secondaires à haute performance.

Action 12 Développement des mesures de DSM primaires et poursuite de l'évaluation du potentiel des mesure de DSM secondaires.

3.6. Consommation de combustibles

A l'exception du projet CADIOM, les actions proposées dans ce domaine sont déjà en vigueur ou commencées. L'accent qui devrait être mis sur certaines d'entre elles relève essentiellement de la prospective. A titre d'exemple, la valorisation des rejets de chaleur nécessite d'établir un inventaire des sites potentiels regroupant offre et demande de chaleur. Une première évaluation indique toutefois que la conjugaison de l'efficacité de chacune des actions proposées permettrait d'atteindre les objectifs recherchés pour ce domaine, à savoir 15% et 45% de réduction par rapport à 1990 aux horizons 2000 et 2025.

3.6.1. CADIOM

Le projet CADIOM (chaleur à distance par l'incinération des ordures ménagères) est destiné à valoriser de l'énergie thermique dégagée lors de l'incinération des ordures ménagères à l'UIOM des Cheneviers par un réseau de chauffage à distance sur la Cité Nouvelle d'Onex (voir fiche technique 3.1, en annexe). Ce projet est à réaliser de manière prioritaire pour les motifs suivants:

- substitution importante de mazout;

- projet économiquement rentable;

- projet intéressant pour l'économie genevoise car à flux financiers sensiblement équivalents, les dépenses sont réalisées sur le territoire du canton, sans achat de combustibles à l'extérieur.

Action 13 Réalisation prioritaire du projet CADIOM.

3.6.2. Actions techniques à développer dans le secteur immobilier

Les actions techniques déjà en cours et à développer sont la mise en application de la loi sur le DIFC, la maîtrise de la consommation de combustibles dans les bâtiments de l'Etat, le développement de l'énergie solaire thermique, la valorisation du bois d'entretien des forêts genevoises et la valorisation des rejets de chaleur (par exemple: rejets de chaleur produits dans le secteur tertiaire pouvant être valorisés pour le préchauffage de l'eau sanitaire dans l'habitat collectif voisin; déchets de papier dont le recyclage permet la production à moindre coût énergétique et environnemental; les déchets de restaurants qui peuvent être valorisés par bio-méthanisation avec l'effet secondaire d'en réduire l'encombrement et, par là, des nuisances de stockage et transport, ou éventuellement par incinération à proximité de preneurs de chaleur).

Ces divers types de valorisations offrent un potentiel intéressant et doivent être exploités, comme le mentionne explicitement l'article constitutionnel 160C.

Action 14 Poursuite des programmes en cours:

· Mise en place du décompte individuel des frais de chauffage conditionné à la performance et introduction d'un objectif performentiel pour les bâtiments neufs.

· Opération de maîtrise de la consommation dans les bâtiments de l'Etat.

· Développement des installations solaires thermiques à Genève.

· Développement du recours aux sources indigènes et renouvelables de chaleur par le bois.

· Valorisation des rejets de chaleur: Etablissement d'un inventaire des sites potentiels regroupant offre et demande de chaleur.

3.7. Consommation de carburants

L'adoption de la fiscalité automobile est une des voies à explorer dans l'objectif de réduction de la consommation de carburants. Plutôt que d'être imposés selon leur cylindrée, les véhicules seront, par exemple, imposés selon leur consommation normalisée (fiche technique 3.6). Le but de cette action est d'inciter les utilisateurs à prendre en compte la consommation au moment décisif de l'achat. La masse fiscale en jeu doit rester inchangée.

Action 15 Poursuite des travaux du groupe de travail en vue de l'adoption d'une disposition encourageant l'achat de véhicules de faible consommation.

4. Actions d'encadrement

Les actions d'encadrement sont considérées comme étant incontournables quelle que soit la politique énergétique choisie. Elle sont de la compétence et à la charge de l'Etat. Leur coût est de l'ordre d'un million de francs par an, dont une part importante placée sous la responsabilité de l'OCEN et comprise dans son budget.

4.1. Plan directeur de l'énergie

Si la CCE96 présente une série de décisions issue d'une large réflexion sur notre avenir énergétique, le plan directeur de l'énergie est, lui, le plan de réalisation de ces décisions. Il est un outil vivant, qui permet d'assurer la réalisation des objectifs des politiques énergétiques cantonale et fédérale définies dans la constitution, la loi et les réglementations.

Le plan directeur de l'énergie:

- est un outil technique de référence de la mise en oeuvre de la conception cantonale;

- expose la planification énergétique et offre une vision globale de l'évolution du programme;

- évolue en permanence dans le sens des objectifs visés, selon les besoins, les résultats, les enseignements ou tout donnée nouvelle;

- est réalisé en cohérence avec les autres plans directeurs (transport, aménagement, etc.) du canton, de la Confédération ou régionaux.

Le plan directeur de l'énergie est l'outil principal de la réalisation des décisions. Son élaboration est une tâche prioritaire dès l'adoption de la CCE96.

4.2. Système énergétique de référence (SER)

Le SER devrait être opérationnel dès janvier 1998. Il représente une «photo» des flux énergétiques du canton de Genève, allant des importations/ exportations d'énergie à la demande d'énergie finale des différents consommateurs.

Le SER sert de base de référence à toute analyse. De ce fait, il doit faire l'objet d'une mise à jour continue. Il doit être le reflet de la situation énergétique du canton. Le coût de son élaboration est de 50 kF, le coût du maintien à jour n'est pas évalué.

4.3. Contrôle du résultat

Le but est de mesurer ou évaluer l'efficacité énergétique et économique des actions entreprises. Le contrôle du résultat est simple dans certains cas, et pratiquement impossible, dans d'autres. Il appartient au groupe pilote de définir le cahier des charges du contrôle, notamment en vue de lui donner un juste rapport coûts/efficacité.

Outre l'évaluation du programme, un bon contrôle permet de corriger en temps réel les actions dont les effets divergent des buts. Il s'agit actuellement de développer une série de critères entrant dans le cadre du développement durable.

Action 16 Mise en place et poursuite des actions d'encadrement:

· Plan directeur de l'énergie.

· Système énergétique de référence (SER).

· Formation et information.

· Contrôle du résultat.

4.4. Formation et information

Les actions menées dans ce domaine sont prioritaires et permanentes. Elles bénéficient de la mise en commun de moyens avec d'autres partenaires (cantons, Confédération, région, Europe, instruction publique, associations professionnelles).

Perfectionnement des professionnels: Evaluer les filières de formation existantes et introduire, en collaboration avec les responsables concernés, des programmes ayant pour objectif d'accroître la performance des professionnels dont les prestations influent sur les consommations d'énergie.

Ces activités pourront prendre la forme d'organisation de cours, de soutien à des cours et de développement de partenariats avec des associations professionnelles dans le but d'améliorer le savoir-faire et de le diffuser.

L'engagement des diverses institutions d'enseignement est nécessaire. Ce programme peut induire le développement de nouvelles professions: les conseillers en énergie.

Programmes de formation: Adapter des programmes de cours de certaines professions et de l'école publique.

Suite à une étude de recensement des filières de formations et du «potentiel énergétique» d'adaptation des programmes, il ressort qu'une action est nécessaire dans les secteurs clés suivants: vente et mécanique automobile, vente en général, hôtellerie et restauration et installateur électricien.

Outils d'aide à la décision: L'aide à la décision peut concerner des choix privés ou professionnels par diffusion d'informations générales, actions de sensibilisation, de responsabilisation et mise à disposition d'outils d'aide à la décision (en synergie avec les programmes d'information). Ceux-ci ont pour objectif d'orienter les décisions vers des solutions rationnelles au moyen d'outils adaptés.

Cette action est développée en collaboration avec tous les milieux concernés (associations professionnelles, Confédération, écoles spécialisées, etc.) et avec leur soutien. Des moyens informatiques adaptés restent à développer.

Information au public: Sensibiliser, responsabiliser et informer le grand public pour une modification de son comportement à l'égard de l'énergie.

Ce programme est mené au travers du centre d'information sur l'énergie, du magazine tous publics «L'Energie», de la réalisation et diffusion de feuilles d'information aux professionnels et d'une participation accrue à des expositions et autres manifestations.

Activités pédagogiques: Responsabiliser et imprégner les futurs acteurs de la société genevoise des principes d'une utilisation rationnelle de l'énergie.

Les structures et infrastructures nécessaires à la conduite de ce programme doivent être mises en place pour que les classes vertes énergie soient accessibles à tous les enfants de l'école publique en 5e ou 6e année primaire. Des chapitres énergie doivent être insérés dans les programmes d'enseignement primaire et secondaire inférieur et des documents de soutien doivent être créés.

Plusieurs partenaires, services de l'Etat et départements, devraient être impliqués, à l'instar du département de l'instruction publique, dans le soutien du projet afin d'étendre son champ d'application. Les charges de cette action sont de l'ordre de 200 kF/an.

La réalisation des actions techniques ne s'appuie pas sur un financement des actions dites «techniques» par des fonds publics mais sur le développement d'un partenariat avec l'économie privée. Toutefois, la mise en oeuvre la CCE96 est conditionnée à l'octroi par le Grand Conseil d'un budget pour la conduite des actions de politique générale et d'encadrement.

Au vu des explications qui précèdent, le Conseil d'Etat vous recommande d'adopter la résolution ci-dessous basée sur la conception cantonale de l'énergie.

RÉSOLUTION

LE GRAND CONSEIL

vu l'article 10 de la loi sur l'énergie,

Décrète

La conception cantonale de l'énergie est adoptée.

Débat

La présidente. Nous devons procéder à un vote formel s'agissant du point 96, résolution 338. C'est une proposition de résolution du Conseil d'Etat approuvant le projet de conception cantonale de l'énergie. La commission de l'énergie s'est réunie et souhaite, conformément à la loi, pouvoir se prononcer encore cette législature sur le concept cantonal de l'énergie. Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer ce projet de résolution à la commission de l'énergie.

Mise aux voix, cette proposition de résolution est renvoyée à la commission de l'énergie et des Services industriels.

 

M 1147
18. Proposition de motion de Mme et M. Nicole Castioni-Jaquet et Pierre-Alain Champod concernant le SCARPA. ( )M1147

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis sa création, le SCARPA a démontré son utilité. En prenant en charge les procédures de recouvrement, il décharge les personnes de procédures longues et compliquées; de plus, il joue un rôle d'intermédiaire entre les ex-conjoints et évite que le paiement de la pension alimentaire soit l'occasion de revivre les conflits liés au divorce.

Enfin, en accordant des avances aux personnes de condition modeste, il leur permet de faire face à une partie des dépenses liées à l'éducation des enfants.

Hélas, plusieurs personnes utilisatrices du SCARPA, nous ont fait part, ces derniers temps, de certaines difficultés qu'elles rencontraient avec ce service.

Par exemple, le manque de rapidité dans le traitement des dossiers.

Théoriquement le SCARPA entre en matière dès qu'il y a non-paiement d'une mensualité, en pratique l'ouverture d'un dossier prend trois mois, ce qui implique un non-paiement des avances pendant tout ce temps.

D'autres personnes nous ont fait part d'un manque d'informations en particulier sur l'avancement des procédures envers le débiteur.

Même si c'est l'Etat qui avance l'argent il est normal que la personne bénéficiaire soit tenue au courant de l'avancement des démarches entreprises contre le débiteur, pour l'exemple, cette situation où la demande de recouvrement dure depuis des années, et la personne lassée de s'entendre répondre par la SCARPA qu'il n'y a rien de nouveau, s'adresse directement à l'office fédéral de la police à Berne et apprend qu'une correspondance a eu lieu il y a plus d'une année avec la justice du pays de l'ex-mari et le SCARPA, et qu'elle n'en a pas été informée.

D'une manière plus générale il serait souhaitable que les personnes qui s'adressent au SCARPA obtiennent des renseignements précis et complets sur les prestations offertes par ce service.

Les procédures de recouvrement auprès des débiteurs ne sont pas menées avec suffisamment de rigueur; ce constat a également été relevé par Arthur Anderson, nous les citons :

«La gestion des débiteurs est totalement inadéquate. La procédure de rappels se limite généralement à une seule lettre dont le contenu est très variable. Pour les procédures de poursuites, les teneurs de comptes ont une entière liberté d'action (ou d'inaction), la supervision de la direction est absente. Le taux de recouvrement est actuellement de 65%. Près de 30 millions de francs n'ont pas été recouvrés jusqu'à ce jour. Les débiteurs insolvables représentent, selon la direction, près de 70% des créances.» (Arthur Anderson, Audit global de l'Etat de Genève, analyse détaillée n° 32 (SCARPA), page 2.)

De même, le SCARPA n'utilise pas systématiquement la plainte pénale pour violation des obligations d'entretien, le but de la plainte n'étant pas forcement d'obtenir une condamnation du débiteur mais de faire pression sur lui afin de l'inciter à remplir ces obligations.

Enfin, compte tenu des montants relativement élevés des pensions alimentaires, il est important d'éviter que les retards atteignent plusieurs mois. En effet, dans ces situations, le montant dû rend problématique son recouvrement et entraîne souvent un découragement du débiteur.

- Une mère de famille, avec deux adolescents, a sollicité le SCARPA pour l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires dues s'élevant à environ 2 000 F par mois. Elle n'a reçu aucune information jusqu'au jour où on lui a communiqué que son mari n'habitait pas Genève et que, par conséquent, les avances qui lui étaient allouées cesseraient. Elle en a été étonnée, dès lors qu'elle savait où se trouvait son mari et que celui-ci était effectivement domicilié à Genève. Elle a demandé une attestation du contrôle de l'habitant qui a certifié que son ex-mari était bien domicilié à Genève et que, par conséquent, une poursuite pouvait être intentée à son encontre. C'est donc la cliente qui a dû faire les recherches qui, pourtant, auraient été faites par le SCARPA, compte tenu des moyens informatiques dont bénéficie le secteur public. Par ailleurs, ce même service, dans cette même affaire, a cessé tout versement de pension alimentaire en invoquant l'insolvabilité du débiteur. Or, malgré la demande de l'ex-épouse de saisir la part du deuxième pilier excédant la prévoyance professionnelle de base a été rejetée de même que le SCARPA n'a pas jugé bon de saisir une part de copropriété d'un immeuble situé en Valais.

- Une femme avec trois enfants a touché une avance du SCARPA de 2 852 F pendant 3 ans et demi (pension alimentaire fixée par le jugement à 3 500 F), son ex-mari est parti à l'étranger avec sa caisse de pension en laissant une ardoise au SCARPA de près de 70 000 F.

- Le SCARPA, mandaté par une épouse, a avancé les pensions alimentaires prévues par le jugement. Parallèlement à la suite d'une erreur, son ex-mari a versé régulièrement les pensions à son ex-épouse jusqu'au jour où celui-ci s'est vu notifier un commandement de payer pour des pensions alimentaires non versées. Bien qu'il ait justifié avoir régulièrement payé toutes ces pensions alimentaires, une procédure de mainlevée a été intentée contre lui et aucune réclamation n'a été adressée à l'ex-épouse qui, pourtant, a perçu toutes les pensions à double.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Nous avons été contactés par de nombreuses femmes, cheffes de famille, et par l'Association des familles monoparentales qui souhaitait nous parler des problèmes que ses membres rencontraient avec le SCARPA.

Nous avons rédigé cette motion avec la collaboration de toutes ces personnes.

Les faits relatés dans l'exposé des motifs sont vécus, au quotidien, par ces familles monoparentales. Le manque d'informations de la part du SCARPA constitue un point important, moult fois relevé au cours de nos discussions.

Il est essentiel de noter que l'invite concernant les procédures de recouvrement auprès des débiteurs permettra à l'Etat d'encaisser une partie des 30 millions de francs qui lui sont dus à ce jour.

Nous vous remercions de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales.

M. Hervé Burdet (L). Je ne suis pas peu surpris de constater que c'est la cinquième fois que Mme Castioni-Jaquet et le coauteur de la motion, M. Champod, interviennent à ce sujet.

Sans en nier l'importance, je souhaite que la commission, à laquelle vous renverrez cette proposition, prenne garde à certaines considérations, dont trois en particulier.

Je trouve bel et bon que l'on demande au SCARPA un traitement rapide des dossiers. Pourquoi pas, puisqu'il s'agit d'un service de l'Etat ! On lui demande aussi d'informer ses bénéficiaires. Cela se fait, à mon avis, mais nous pouvons toujours insister. Quant aux procédures de recouvrement auprès des débiteurs, il y a lieu de les examiner d'un peu plus près. Je trouverais normal que le SCARPA soit mandaté uniquement pour des créanciers résidant officiellement dans le canton de Genève. En effet, nous connaissons des personnes qui pratiquent le SCARPA par un bout ou l'autre du fusil, et l'écho n'est pas du tout le même.

Quand le SCARPA s'occupe d'un mandat qui implique un ou plusieurs enfants, il faudrait s'assurer, avant de vouloir absolument obtenir des francs et des centimes du père fautif, que celui-ci jouit effectivement de son droit de visite, conformément au jugement de divorce. Ce point est très important et il est absolument nécessaire que ce service, dépendant du tuteur général, tienne compte de l'équilibre psychique des enfants. Les mères ne sont pas les seules à avoir des problèmes économiques, les pères en ont aussi. De plus, certains sont douloureusement frustrés, parce qu'ils ne peuvent pas voir leurs enfants. Il faudrait donc que le SCARPA fasse un effort de coeur et de générosité pour parler d'autre chose que de finances.

J'en viens au troisième point. Dans sa frénésie - parce que vous l'y poussez, Madame et Monsieur - le SCARPA dépose des plaintes pénales pour des retards de paiement de quelques semaines ou de quelques mois. Ce faisant, il démontre son insensibilité au climat social ambiant et aux difficultés économiques éventuelles que peuvent avoir des pères, même fautifs.

Ce service devrait faire preuve de plus de tolérance et de compréhension. Il devrait cesser d'arguer d'un règlement rigide et de pratiques aveugles.

Il me reste à espérer, Madame et Monsieur, que votre énième intervention fera que le SCARPA soit bien repris en main par le tuteur général. Pour autant qu'il soit aiguillé vers des pratiques plus chaleureuses et un peu moins légalistes, je suis d'accord de voter le renvoi de votre proposition en commission.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ces deux interventions vous auront fait comprendre, Mesdames et Messieurs les députés, combien il est difficile de savoir si le verre est à moitié plein ou à moitié vide.

Si j'en juge d'après l'exposé des motifs des deux motionnaires et la citation d'Andersen, la gestion des débiteurs serait totalement inadéquate et la procédure de rappels limitée généralement à une seule lettre. Si j'en juge d'après l'intervention de M. Burdet, le service, que j'ai l'honneur d'avoir dans ma juridiction, poursuivrait ses débiteurs avec un tel acharnement que le nombre de lettres et de procédures s'en trouverait démultiplié !

Sachant que le SCARPA est en voie de réorganisation et les procédures des débiteurs examinées - selon la stratégie de la réforme de l'Etat - je vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Cela m'évitera, en commission, de tenter de rapprocher deux positions manifestement inconciliables, du moins jusqu'à la publication d'un document concret sur la question.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant le SCARPA

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'importance du versement des pensions alimentaires pour les familles monoparentales;

- que le SCARPA représente une aide indispensable pour les familles monoparentales;

- certains dysfonctionnements de ce service,

invite le Conseil d'Etat

à tout entreprendre afin d'améliorer le fonctionnement du SCARPA, notamment en ce qui concerne :

a)  la rapidité du traitement des dossiers;

b)  l'information aux bénéficiaires;

c)  les procédures de recouvrements auprès des débiteurs.

M 833-A
Motion de Mmes Vesca Olsommer, Hélène Braun-Roth et Fabienne Bugnon concernant l'enfance maltraitée. ( -) M833
Mémorial 1992 : Annoncée, 6933. Développée, 7207. Adoptée, 7215.
M 914-A
Motion de M. Jean-Luc Ducret concernant l'enfance maltraitée. ( -) M914
Mémorial 1994 : Développée, 1771. Adoptée, 1777.
Q 3301
b) Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de Mme Marie-Laure Beck-Henry : Un médiateur pour les enfants. ( ) Q3301
Mémorial 1989 : Annoncée, 6495.

19. a) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les objets suivants :

Les motions dont il est fait rapport ici ont été déposées par Mmes Vesca Olsommer, Hélène Braun-Roth et Fabienne Bugnon d'une part, le 13 novembre 1992, et par M. Jean-Luc Ducret d'autre part, le 26 avril 1994. La question écrite a été déposée par Mme Marie-Laure Beck le 7 novembre 1989.

Les deux motions et la question écrite portent sur le même sujet: «l'enfance maltraitée à Genève».

La motion 833 invite le Conseil d'Etat:

- à indiquer combien de cas de maltraitance d'enfants sont répertoriés à Genève et quelle est leur nature;

- à inventorier les divers services, instances, associations, fondations dont les tâches sont de se préoccuper de ce problème, sous l'angle psychologique, social, judiciaire, médical et à évaluer quelle coordination existe;

- à présenter les différents types de formation dont disposent leurs collaborateurs;

- à dresser un bilan de la présentation aux élèves de notre canton de la pièce de théâtre «A bouches décousues»;

- à définir, si besoin est, une politique cohérente en ce domaine en matière de prévention et de formation.

La motion 914 invite le Conseil d'Etat:

- à prendre connaissance du rapport du groupe de travail consacré à l'enfance maltraitée en Suisse;

- à présenter à son tour un rapport indiquant l'état du phénomène à Genève, ainsi que les mesures, législatives au besoin, qui peuvent être prises sur le plan cantonal et en collaboration avec les communes pour prévenir et traiter les situations de mauvais traitements envers les enfants.

La question écrite 3301 est ainsi libellée:

«Souvent victimes des conflits de leurs aînés auxquels ils sont mêlés, parfois dès leur naissance, les enfants et les adolescents sont souvent démunis pour plaider leur cause quand ils arrivent devant les instances officielles chargées de les entendre et de les juger.

En raison de l'adoption prochaine par l'Assemblée des Nations Unies de la Convention internationale des droits de l'enfant et de l'invitation qui sera faite aux Etats de la ratifier, ne convient-il pas de désigner, dans notre canton, un «médiateur pour les enfants», chargé d'examiner et de prendre en main l'aspect spécifique de leur situation, auquel ils puissent s'adresser en toute indépendance?»

Le Conseil d'Etat souhaite répondre de façon exhaustive aux différentes questions posées et présenter à cette occasion la politique appliquée à Genève pour lutter contre la maltraitance à l'égard des enfants.

Plan du rapport

1. Analyse du rapport fédéral «Enfance maltraitée en Suisse» (1992)

2. Etat du phénomène à Genève

3. Inventaire des divers services traitant du problème et leur coordination

4. Un médiateur pour les enfants?

5. Les formations du personnel

6. La prévention

7. Les mesures concrètes prises à Genève

8. Conclusion

1. Analyse du rapport fédéral (1992) «Enfance maltraitée en Suisse»

Le rapport fédéral «Enfance maltraitée en Suisse» a été élaboré de 1988 à 1992 par un groupe de travail pluridisciplinaire mandaté par le département fédéral de l'intérieur.

Après avoir décrit dans une première partie la composition du groupe et sa mission, le rapport analyse dans une deuxième partie le phénomène, en donne des définitions, en montre l'ampleur et les conséquences sur le développement de l'enfant. Dans une troisième partie, le rapport tente une approche de la genèse de la maltraitance, de ses causes. Dans la quatrième partie, les modalités d'intervention existantes sont décrites comme déficitaires, insuffisantes, manquant de cohérence et de suivi. Enfin, au cinquième chapitre, le rapport propose les mesures à prendre, émet des recommandations.

Dans la conclusion du rapport, on trouve cet avertissement:

«Les mesures proposées impliquent de nouvelles adaptations des institutions sociales, pédagogiques, judiciaires, tutélaires, soignantes et éducatives, aux besoins des enfants et de leurs proches.

Soutenir mieux les familles en général, privilégier la prévention jusque-là négligée et découragée, ne seront cependant possibles que lorsque les autorités fédérales, cantonales et communales, reconnaissant l'étendue des phénomènes de maltraitance infantile et celle de leurs conséquences sur la santé de la population, décideront de manière concertée d' y faire face...

Faute de quoi, notre société évoluera vers une phase où les adultes en bonne santé ne pourront supporter la charge des personnes dépendantes, dont font partie beaucoup de sujets maltraités non aidés.»

Pour tenter de voir dans quelle mesure notre canton a su ou non répondre aux inquiétudes exprimées dans le rapport, nous analyserons ci-dessous les recommandations qui y sont contenues.

Ces «recommandations» constituent non seulement une liste de ce qui doit ou devrait se faire en matière de maltraitance, elles élaborent surtout une politique de protection de la jeunesse beaucoup plus vaste et globale. Leur analyse détaillée et la comparaison avec ce qui se fait ou ne se fait pas à Genève demanderaient un rapport complet sur la politique en faveur de la jeunesse dans notre canton. Cela n'est pas notre objet ici. Nous nous bornerons donc à citer quelques aspects principaux relevés dans le rapport fédéral touchant à la maltraitance.

Les recommandations sont de niveau et de nature bien différents puisqu'elles vont de la modification de la constitution à la fixation des heures de visite dans les hôpitaux. Ces recommandations interpellent les autorités politiques fédérales, cantonales et communales, les autorités exécutives et judiciaires.

1.1. Recommandations sur le plan juridique

Ces recommandations portent sur la ratification de la Convention des droits de l'enfant, l'adoption d'un article constitutionnel de protection de l'enfant, des modifications souhaitées de l'assurance-maladie, l'application de la LAVI (loi sur l'aide aux victimes d'infraction), la modification du code pénal (obligation d'aviser, délai de prescription, enlèvements d'enfants en matière internationale), la modidication du code civil (droit du divorce, droit de la tutelle, ordonnance réglant le placement d'enfants, création de médiateurs d'enfants).

Mesures appliquées à Genève

Dans notre canton, l'enfant est entendu dans les procédures pénales où il est partie, mais également lorsqu'il est concerné, en cas de divorce de ses parents, par exemple. Le service de protection de la jeunesse entend régulièrement les enfants et transmet ensuite un rapport au juge.

Par ailleurs, le Grand Conseil a récemment adopté une modification de la loi de procédure civile (Feuille d'avis officielle du 7 février 1997) qui permet à un enfant - dans certaines conditions - d'être entendu directement par le juge.

Des avocats se sont formés à l'initiative de SOS-Enfants pour être à même de défendre les intérêts des enfants en justice ou à l'égard des tiers.

Les mineurs disposent de multiples lieux où ils peuvent s'adresser, parler de leurs problèmes. Nous en verrons la liste ci-dessous. Rappelons l'ouverture en 1993 du centre LAVI (loi sur l'aide aux victimes d'infraction) qui constitue encore un lieu spécialisé où chacun peut parler lorsqu'il se sent victime de maltraitance.

En ce qui concerne l'exécution du droit de visite, deux Points de rencontre ont été ouverts qui permettent au parent détenteur du droit de visite de rencontrer son enfant de manière organisée et appropriée.

En matière de placement, un groupe du service de protection de la jeunesse est spécialisé dans la surveillance des placements d'enfants en institution ou en famille.

Des travailleurs sociaux se sont formés à la médiation; cette technique de «remise en communication», qui vise à faire trouver une solution par les partenaires à leurs difficultés, est utilisée dans les divers services officiels. Une «maison de la médiation» vient d'ouvrir ses portes. Des offices de consultation conjugale existent et sont soutenus par l'Etat.

D'autres mesures existent encore qui permettent de dire que, même si des dispositions fédérales doivent être modifiées, beaucoup d'actions peuvent être menées sans en attendre l'entrée en vigueur.

1.2. Recommandations visant à une politique familiale et sociale

Nous l'avons dit plus haut, les recommandations de ce chapitre visent non seulement la maltraitance, mais plus globalement toute la politique sociale et familiale. Quelques exemples de recommandations peuvent ainsi être cités:

- soutien financier aux familles: assurance-maternité, assurance-maladie, allègements fiscaux, allocations familiales, recouvrement des pensions alimentaires;

- mesures de politique sociale : logement, conditions de travail favorisant la vie familiale, horaires scolaires adaptés, environnement (pollution, aménagement, circulation routière), médias (apprentissage de la «lecture» de ceux-ci, déontologie des médias), renforcement des gardes extra-familiales, organisation et renforcement de l'offre en matière de conseils aux familles, soutien aux familles en situation spéciale (familles nourricières, adoptives, dont un parent est malade ou détenu), travail auprès des enfants de requérants d'asile, de réfugiés, de saisonniers.

Qu'il nous soit permis de dire ici, sans entrer dans les détails, que la politique menée par notre canton tient compte largement des besoins de la famille et de l'enfant. Des améliorations sont évidemment toujours souhaitables et nous nous attachons à les apporter chaque fois que cela est nécessaire et possible. Un groupe de travail, mandaté par la présidente du département de l'instruction publique et le président du département de l'action sociale et de la santé, étudie actuellement les mesures concrètes existantes et souhaitables de notre canton en faveur de la famille suite au «livre blanc» édité après le colloque «Familles en mouvement» de 1994 . Le but de cette étude est d'améliorer encore les synergies entre les divers acteurs agissant auprès de la famille, de visualiser et d'intensifier une politique familiale globale.

Dans le domaine de l'accueil des enfants étrangers, le département de l'instruction publique fournit un effort particulier d'accueil, de soutien, d'intégration, sachant bien qu'il s'agit là de mesures préventives absolument nécessaires.

1.3. Recommandations en matière d'éducation

Ce chapitre est particulièrement développé dans le rapport fédéral. Il parle de

- la prévention primaire par l'instruction publique et la formation professionnelle (formation des enfants et des enseignants, méthodes éducatives, prise en charge de la violence, intégration).

Ce passage se termine ainsi:

«D'une manière générale, les formules pédagogiques nouvelles soutenant les processus d'autonomisation, la responsabilisation des mineurs quant à leur propre accomplissement et à leur contribution active à la vie communautaire doivent être développées. L'instruction civique et juridique, l'information sur les droits des mineurs et de l'humain font partie de tels programmes.»

La recommandation concernant le problème de la maltraitance est la suivante:

«Des enseignements sur la maltraitance et sur toutes les mesures utiles à sa prévention doivent être introduits dans les formations pré- et postgraduées de toutes les disciplines concernées.»

A Genève, le département de l'instruction publique est toujours plus souvent appelé, notamment par le biais de motions de votre Conseil, à apporter à l'élève non seulement des connaissances, mais aussi un savoir-être. Ainsi, le Conseil d'Etat devrait développer l'éducation à la santé, l'éducation civique, l'éducation au respect des valeurs, la prévention à la violence, l'éducation physique, ce sont là les thèmes de motions récentes.

L'article 4 de la loi sur l'instruction publique donne parfaitement le cadre à ces activités dans ses lettres

b) d'aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques;

et

d) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en développant en lui le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération;

De multiples actions ont ainsi été développées ces dernières années dans les divers ordres d'enseignement, visant à la prévention ciblée: violence, toxicodépendances, SIDA, mais également à une prévention globale, promotion de la santé.

Les enseignants, soutenus notamment par le service de santé de la jeunesse, par les équipes psycho-sociales des collèges, s'attachent ainsi dans le courant de la vie scolaire à transmettre ces messages à l' élève, qu'il s'agisse de maltraitance, de violence, de santé, de prévention des toxicodépendances, et à lui donner peu à peu le moyen de devenir un adulte équilibré et responsable.

1.4. Recommandations concernant la prévention et les thérapies des contextes maltraitants

Le rapport fédéral insiste finalement sur toutes les aides à apporter au mineur en situation de risque ou déjà en difficulté. Il passe ainsi en revue la prévention (auprès des enfants, auprès des familles à risque) et des mesures à prendre dans le contexte de l'enfant maltraité. Nous reviendrons largement ci-dessous sur ces deux aspects de la maltraitance (ch. 3, 6 et 7), mais précisons d'emblée que les services officiels de la jeunesse de notre canton traitent pratiquement tous les aspects du développement de l'enfant (médical, psycho-pédagogique, social, loisirs, financier et juridique); ils sont réunis en un office, l'office de la jeunesse, sis dans le département de l'instruction publique qui a, lui, la charge de l'enseignement. Cette unité et cette proximité permettent d'élaborer une politique cohérente et de l'appliquer de façon cohérente également. Ces services sont ainsi là pour répondre aux besoins variés des mineurs en difficulté; des réseaux sont en place qui permettent à chaque professionnel de jouer son rôle dans une équipe, dans un quartier, pour aider un jeune, une famille en difficulté, à retrouver l'équilibre indispensable à son développement.

1.5. Conclusion à ce stade

Le Conseil fédéral a publié (Feuille fédérale du 3 octobre 1995, n° 39, volume IV) son «Avis» sur le rapport «Enfance maltraitée en Suisse» de juin 1992. Il y énumère une à une les recommandations émises par le groupe de travail et analyse ce qui est fait ou peut être fait tant au niveau de la Confédération qu'aux niveaux cantonal et communal de ses conclusions. Cet avis rejoint dans les grandes lignes les considérations du Conseil d'Etat genevois et le renforce dans l'idée que les remèdes au phénomène maltraitance sont à trouver dans la poursuite et l'application, au jour le jour, d'une politique familiale et de la jeunesse visant à donner à celle-ci toutes les chances de se développer de façon optimale.

2. Etat du phénomène enfance maltraitée à Genève

2.1. Statistiques

L'appréciation du nombre de situations de maltraitance n'est aisée ni à Genève ni ailleurs en Suisse; le rapport fédéral le montre aisément. Trois raisons à cet état de choses:

- la nature forcément critique du phénomène qui est entaché de honte et de stigmatisation;

- l'absence de consensus sur des définitions claires des diverses formes de maltraitance;

- l'inexistence d'un organisme centralisateur dont la mission serait précisément d'établir de telles statistiques en s'assurant de l'uniformité des définitions utilisées par les divers partenaires sociaux, médicaux et judiciaires, et en vérifiant que les signalements ne soient pas faits à double ou davantage.

On peut toutefois indiquer les chiffres répertoriés par les divers organismes qui travaillent en ce domaine:

SIGNALEMENTS 1995/1996

Aux services suivants:

sévices physiques

sévices sexuels

négligences graves

divers psychiques

total

Service de santé de la

jeunesse (année scolaire

1995/96)

62

17

45

29

153 *

Service de protection de la

jeunesse (année scolaire

1995/96)

40

26

7

12

85

Hôpital des enfants (1995)

- confirmés

- suspectés

31

12

8

15

3

0

42

27

- signalements enfants

SOS ENFANTS

- signalements parents

38

21

11

17

1

7

50

45

LAVI (loi sur l'aide aux vic-

times d'infractions) 1996

4

43

40*

87

Ministère public **

art.111/112=1

art.122 = 2

art 123 = 7

art.126 = 1

art. 187 = 83

art. 190 = 2

art. 197 = 1

art.183/230

= 11

108

SASCOM (service d'aide et de soins communautaires(année 1996)

15

1

13

6

35

Police (année 1996)

31

16

70

117

 * Rackets, agressions, bagarres, viols concernant des jeunes. Résultats en cours d'évaluation.

** Procédures ouvertes en 1996, selon le code pénal.

Les statistiques établies par la police font ressortir des cas de lésions corporelles simples, graves ou par négligence sur des mineurs sans que l'on puisse déterminer exactement s'il s'agit du résultat d'accidents, de bagarres, d'agressions, soit en général de violence. La Brigade des mineurs, elle, fait état de 2 à 4 cas par mois signalés à ses services; il s'agit de violence sur des enfants à l'intérieur de la famille, à l'école ou sur la voie publique, ou d'abus sexuels entre jeunes.

Les chiffres mentionnés ci-dessus doivent être traités avec prudence:

- d'une part, il ne faut pas les additionner purement et simplement; un même cas peut être signalé à plusieurs services successivement;

- d'autre part, on sait bien que les cas mis à jour ne représentent qu'une partie des cas réels. Les résultats de l'enquête effectuée sur la prévalence des abus sexuels auprès des élèves du cycle d'orientation le démontrent.

On constate toutefois que le nombre de signalements est en augmentation. L'augmentation visible, statistique, ne signifie toutefois pas simplement que le nombre des enfants maltraités augmente, mais plutôt que le phénomène est mieux connu et reconnu, mieux pris en compte: d'un côté, les enfants apprennent peu à peu qu'ils peuvent parler, se confier, d'un autre côté les professionnels qui les entourent, personnel de la petite enfance, enseignants, travailleurs sociaux, infirmières scolaires et médecins, ont été formés à détecter et comprendre les signes plus ou moins explicites de ceux qui subissent de tels sévices. Des organismes, enfin, ont été mis sur pied, tels SOS-Enfants (relayé par la Main tendue à certaines heures), Allô Parents, qui sont à la disposition de la population - enfantine, notamment - pour répondre de façon continue et compétente aux appels téléphoniques.

Les rapports détaillés des organismes mentionnés ci-dessus, notamment ceux du service de santé de la jeunesse et du CAN TEAM (Child Abuse and Neglect Team), équipe «enfance maltraitée» de l'Hôpital des enfants, fournissent une foule de renseignements utiles qu'il ne nous est pas possible de reproduire ici, par exemple sur l'âge et le profil des victimes et de la personne maltraitante, les origines possibles de la maltraitance. A noter que sur 97 évaluations en 1995, à l'Hôpital des enfants, la suspicion de maltraitance a été confirmée 42 fois, suspectée 27 fois sans confirmation, rejetée 16 fois; 12 cas ont été considérés «à risque».

2.2. Enquête sur les abus sexuels

Au cours de l'année scolaire 1994-95, une importante étude épidémiologique visant à établir la prévalence des abus sexuels chez l'enfant à Genève a été conduite par le département de pédiatrie en collaboration avec l'Institut de médecine sociale et préventive, la factulté de psychologie, le service de santé de la jeunesse et le service médico-pédagogique. Cette étude, autorisée par le département de l'instruction publique et soutenue par le département de l'action sociale et de la santé et le Fonds national pour la recherche scientifique, porte sur plus de 1 000 élèves de 9e du cycle d'orientation, représentatifs de la population genevoise. Ceux-ci ont été interrogés au moyen d'un questionnaire confidentiel et anonyme. Selon les chercheurs, l'analyse de ces données indique que les abus sexuels sur les enfants sont, dans notre canton (comme dans d'autres pays), plus fréquents qu'on ne l'imaginait naguère: des abus sexuels de tous ordres sont en effet rapportés par 33,5% des filles et 11,5% des garçons. Si l'on se limite à estimer les cas les plus graves, c'est-à-dire ceux dont les caractéristiques de contrainte ont été confirmées par d'autres questions, et qui impliquaient un contact corporel avec ou sans pénétration génitale (à l'exclusion, par exemple, de rencontres avec des exhibitionnistes ou du visionnement de documents pornographiques), on observe une prévalence de 10,4% chez les filles et de 1,3% chez les garçons. Environ 40% de ces enfants ont été abusés pour la première fois avant l'âge de 12 ans.

Les résultats de cette étude nous ont conduits à réfléchir de façon encore plus accrue aux mesures préventives et thérapeutiques adéquates (voir chapitre 6 et suivants du présent rapport).

3. Prise en charge de la maltraitance: inventaire des organismeset mode de collaboration

3.1. Organismes

Il n'y a pas très longtemps que l'on prend l'enfant en compte comme un individu à part entière, un sujet de droits. Il n'y a, ainsi, pas longtemps que l'on prend réellement au sérieux les dires de l'enfant lorsqu'il est maltraité, sa souffrance et les conséquences de celle-ci sur son développement. Ainsi, la maltraitance est un phénomène dont la fréquence et les conséquences graves n'ont été reconnues que récemment. Il convient d'y faire face avec tous les moyens possibles.

Nombreuses sont les institutions publiques et privées impliquées dans la problématique de la maltraitance à divers niveaux d'intervention: la prévention, le dépistage, le signalement, la prise en charge et le suivi sur les plans médicaux, sociaux, psychologiques et judiciaires.

Elles s'adressent, selon leurs activités spécifiques, leurs lieux et modes d'intervention, à toutes les personnes concernées, dont principalement les parents, les enfants, les adolescents et les professionnels de l'enfance: enseignants, éducateurs, personnel de la petite enfance et de la santé.

Sans être complets, nous énumérons ci-dessous les principaux organismes qui s'occupent d'enfance maltraitée:

En premier lieu, viennent les services officiels: l'office de la jeunesse avec les services de santé de la jeunesse, de protection de la jeunesse, médico-pédagogique, et du tuteur général, le service de psychiatrie infantile, l'Hôpital des enfants, le centre de consultation LAVI (loi sur l'aide aux victimes d'infractions), le CIFERN (centre d'information familiale et de régularisation des naissances) et la police de sûreté. Ces services assurent le dépistage et le traitement de la maltraitance.

Viennent ensuite les organismes privés, notamment: SOS Enfants, antenne spécialisée du BCAS (Bureau central d'aide sociale); d'autres organismes, non spécialisés dans l'enfance mais plutôt dans l'accueil des femmes et des couples, peuvent être confrontés au problème: Association des familles monoparentales, Bureau genevois de l'égalité des droits entre hommes et femmes, Solidarité femmes, Hospice général, Croix-Rouge genevoise, F Information, le Kiosque-Terre des femmes, le Mouvement de la condition paternelle, les services sociaux des communes, le Centre social protestant et Caritas, l'Institut d'études du couple et de la famille, l'Ecole des parents, le service social de la maternité, les institutions genevoises d'éducation spécialisée.

Le nombre et la variété des organismes cités ci-dessus sont impressionnants. Face à un tel problème, il ne faut pas oublier toutefois que les portes doivent être grandes ouvertes pour être à l'écoute des victimes et pour les orienter et les aider valablement. Chacun assume alors son rôle en fonction de sa spécificité.

3.2. Modes de prise en charge

La prise en charge d'une situation comporte plusieurs stades: le dépistage, le diagnostic et enfin le traitement lui-même. La prise en charge comporte souvent également un volet judiciaire pénal et/ou tutélaire.

Les professionnels qui entourent l'enfant sont de plus en plus sensibilisés au problème et formés à y répondre.

Educatrices, éducateurs de la petite enfance et enseignants ne sont pas appelés à traiter eux-mêmes les cas suspectés - ce n'est pas leur rôle - mais à les signaler soit au service de santé de la jeunesse, au service médico-pédagogique, à la protection de la jeunesse, à l'Hôpital des enfants, ou directement à la police de sûreté.

Interpellés, ces services interviennent de façon immédiate pour prendre les mesures d'urgence qui s'imposent: confirmation de diagnostic par des professionnels, mesures de protection en faveur de l'enfant, dénonciation à la justice.

Les mesures d'appui (social, éducatif), de contrôle, de traitement, sont alors envisagées; elles visent d'abord et surtout l'enfant mais aussi son entourage familial dans sa globalité et le maltraitant lui-même qui doit, certes, être sanctionné mais aussi traité. La prise en charge médico-sociale est assurée par les divers services sociaux (protection de la jeunesse, tuteur général) ou médico-sociaux (service médico-pédagogique, Guidance infantile). Elle peut l'être aussi en privé. Ainsi, sur les cas recensés par l'Hôpital des enfants, 34 ont été transférés à la protection de la jeunesse, 47 à d'autres services sociaux, 12 en foyer, 2 en famille d'accueil ou crèche, 8 à la Guidance infantile, 2 au service médico-pédagogique, 8 au secteur privé.

Le pouvoir judiciaire est aussi appelé à intervenir tant sur le plan civil pour prendre les mesures tutélaires qu'impose la situation, notamment le retrait de garde, que sur le plan pénal pour poursuivre l'auteur de la maltraitance.

3.3. Collaboration et coordination entre les différents services

La multiplicité des services décrite et la complexité du problème appellent, bien entendu, une cohérence et une coordination entre les acteurs du terrain.

Ainsi, se sont créées plusieurs entités de travail et de coordination:

- Dans le cadre de l'office de la jeunesse, un groupe s'est constitué dès janvier 1990: GEM (groupe enfance maltraitée). Il réunit des représentants du service de santé de la jeunesse, de la protection de la jeunesse, du service médico-pédagogique, du service du tuteur général, auxquels s'est associé un représentant du service de psychiatrie infantile (Guidance infantile), également membre de l'équipe «enfance maltraitée» de l'Hôpital cantonal: CAN-TEAM («Child Abuse and Neglect Team»). Ce groupe interservice et pluridisciplinaire a étudié les différents modèles d'intervention, à tous les niveaux (de la prévention à la prise en charge), en tenant compte non seulement des spécificités des services et de leurs compétences, mais aussi de l'articulation de ces services entre eux, et avec ceux de l'extérieur (Hôpital des enfants, SOS-Enfants, police de sûreté, ministère public).

Après s'être attaché à définir des concepts communs d'intervention et des principes de collaboration, le groupe se penche maintenant sur les situations concrètes qui se présentent pour affiner encore et coordonner les modes de faire. On y insiste sur l'existence nécessaire d'un coordinateur lors de la prise en charge d'une situation de maltraitance par plusieurs structures.

Le groupe dirige aussi sa réflexion sur la «première audition» de l'enfant: qui doit la faire, comment y procéder, etc.

- Dans le cadre de l'Hôpital des enfants, s'est constitué en mars 1991 le groupe «CAN TEAM». Ses participants, de 4 en 1991, à 12 à fin 1994, sont des professionnels médecins (psychiatre, pédiatre, gynécologue), sage-femme, infirmière, assistante sociale de l'Hôpital cantonal (Hôpital des enfants, service de chirurgie pédiatrique, maternité, service de psychiatrie infantile). Le groupe, créé et coordoné pendant plusieurs années par le Dr D. Halperin, s'est donné pour tâche d'étudier et d'évaluer les cas de maltraitance signalés à l'Hopital des enfants, et d'offrir une structure permanente de réflexion et d'assistance aux équipes médicales et paramédicales de l'Hôpital des enfants. Le CAN TEAM publie un rapport annuel très complet; il contribue activement à l'information et à la formation des milieux concernés.

- Sur le plan cantonal enfin, un autre groupe dit de référence s'est constitué à l'initiative de la direction générale de l'office de la jeunesse et sous la coordination du docteur P. Hazeghi, directeur du service de santé de la jeunesse, en faisant appel aux responsables du service médico-pédagogique, du service de protection de la jeunesse, du service du tuteur général, du CAN TEAM de l'Hôpital des enfants, de la Brigade des mineurs, du Tribunal tutélaire et d'un représentant du Parquet; ce groupe, dont l'existence a été officialisée par la présidente du département de l'instruction publique, a pour mission d'examiner les différents moyens susceptibles de renforcer les programmes de prévention et de suivi des situations de maltraitance à l'échelle cantonale. Les décideurs qui le constituent sont compétents pour donner les influx nécessaires dans leurs structures suite aux décisions prises par le groupe. Il peut également préaviser aux autorités des mesures à prendre. Il est convenu que ce groupe «commission cantonale de référence sur la violence et la maltraitance à l'encontre des mineurs» fasse un rapport annuel à la cheffe du département de l'instruction publique et à ses confrères concernés.

4. Un médiateur pour les enfants?

Dans sa question écrite (voir annexe), Mme Marie-Laure Beck reprenait l'idée déjà émise antérieurement lors d'une motion de 1979 «pour un ombudsman pour les enfants» de la création d'un poste de médiateur, personnalité neutre, compétente et disponible pour écouter les enfants en détresse, les orienter vers les services concernés et s'assurer du suivi de leur cas.

Le système du médiateur pour enfants est connu en Norvège. Les pourparlers entamés à Genève dans les années 60 puis de nouveau à la fin des années 80 avaient toutefois amené à renoncer à créer cette nouvelle structure au vu de l'équipement cantonal particulièrement bien fourni dans le domaine médico-psycho-social et éducatif.

Le constat reste aujourd'hui le même: de multiples lieux existent - nous les avons énumérés plus haut - où les enfants peuvent s'adresser en toute confidentialité, neutralité et compétence. Ils y trouvent une écoute attentive par des personnes qui seront à même soit de les prendre en charge directement, soit de les orienter activement vers d'autres professionnels. Il suffit de citer l'existence de SOS-Enfants, des services d'accueil de l'office de la jeunesse, du personnel social et médico-social des écoles pour s'en convaincre.

Plutôt que de proposer la création d'une nouvelle structure, il est donc plus judicieux de s'attacher à mieux coordonner les interventions des différents services.

La commission cantonale de référence est d'ores et déjà chargée de cette mission. Elle peut déléguer à des sous-groupes l'étude et la mise en place des structures nécessaires à la prise en charge de la maltraitance dans notre canton. En outre, la direction générale de l'office de la jeunesse a, de par la loi sur l'office de la jeunesse, le rôle de coordination qu'elle utilise dans les cas de maltraitance aussi, lorsque c'est nécessaire.

5. Formation et sensibilisation des professionnels

Le personnel des services officiels et celui de la plupart des organismes privés sont constitués de professionnels de la santé, du domaine social, de la psychologie, de l'éducation, de la police et de la justice. Depuis quelques années, les lieux respectifs de formation professionnelle ont fait un effort particulier pour que ces professionnels soient formés dans le domaine spécifique de la maltraitance, qu'il s'agisse de sensibilisation en vue de dépistage (pour le personnel de la petite enfance et les enseignants par exemple) ou pour la prise en charge (par les travailleurs sociaux et éducateurs par exemple).

Les bénévoles travaillant dans des organismes privés reçoivent eux aussi, dans la plupart des cas, une formation propre à leur permettre de répondre de façon adéquate aux cas qu'ils rencontrent.

Le développement normal ou problématique de l'enfant est abordé tout au long des études que poursuivent les enseignants, notamment les enseignants du primaire. La maltraitance en fait par conséquent automatiquement partie.

Les enseignants de l'enseignement primaire ont reçu une brochure sur la prévention à l'école et la façon de réagir à des événements violents ou des soupçons de maltraitance. Ils savent comment collaborer avec le service de santé de la jeunesse présent dans chaque école par l'intermédiaire de l'infirmière scolaire.

Les travailleurs sociaux ou thérapeutes qui prennent en charge des situations de maltraitance bénéficient en outre de supervisions, outil indispensable au bon développement de leur action.

6. Actions préventives («A bouches décousues»....)

L'étendue du phénomène maltraitance étant maintenant largement connue, il convient de le prendre en charge dans sa globalité, c'est-à-dire s'attacher aussi à le prévenir auprès des victimes potentielles d'une part, les enfants, pour qu'ils se sentent protégés, sachent se défendre, refuser, mais aussi dénoncer les actes qu'ils subissent, auprès des personnes susceptibles de maltraiter d'autre part, parents, futurs parents, public à risque, population en général, pour qu'ils puissent avoir recours à des soins et appuis utiles lorsqu'ils rencontrent des situations à risque.

Il s'agit, en prévention secondaire, d'attirer l'attention de la population, mais plus particulièrement celle de l'entourage de l'enfant, parents, enseignants, personnel de la petite enfance, éducateurs, pour qu'ils soient attentifs aux signaux qu'émet un enfant malheureux, maltraité peut-être.

6.1. Prévention auprès des enfants

Il s'agit d'informer correctement les enfants, de leur montrer qu'il y a des limites à leur acceptation de certains gestes, qu'ils ont le droit de refuser certaines attitudes, de les dénoncer si malheureusement elles ont eu lieu.

A l'école primaire et au cycle d'orientation, les élèves bénéficient à trois reprises de l'intervention de l'équipe d'éducation à la santé du service de santé de la jeunesse avec son programme «Histoire de la Vie» et d'éducation sexuelle. Ces interventions abordent la question qui peut être approfondie plus tard par les enseignants en classe, assistés, s'ils le désirent, des infirmières scolaires ou d'autres spécialistes. Le sujet est également de plus en plus souvent abordé à l'école enfantine à la demande des enseignants. Une équipe de professionnels de SOS-Enfants intervient en coordination avec le service de santé de la jeunesse dans des classes qui le demandent.

Un important matériel existe que l'on peut remettre ou travailler avec les enfants: brochures, bandes dessinées, vidéos, diapositives. Les enfants sont aussi informés sur les lieux où ils peuvent s'adresser - même de manière anonyme - pour obtenir soutien et conseils. Une brochure éditée par SOS-Enfants leur est distribuée.

Suite aux événements survenus en automne 1996 à la sortie de deux écoles, les parents et les enseignants ont à nouveau été mis au courant des mesures prises, des précautions à appliquer. Le service de santé de la jeunesse et l'enseignement primaire ont mis sur pied un service d'urgence à disposition des parents et enseignants, prêt à répondre aux questions et surtout conseillant sur le message à faire passer aux enfants. Il faut toutefois noter que la prévention a effectivement porté ses fruits puisque dans ces deux cas médiatisés, comme dans d'autres moins connus du public, les enfants ont réagi positivement, refusé toute approche et signalé l'événement à leur entourage adulte. Suite à ces événements également, une trentaine de séances ont été organisées par le service de santé de la jeunesse et l'enseignement primaire à la demande des parents pour les informer des mesures possibles.

En avril 1991, 3 308 élèves de 2e, 3e et 4e primaire ont assisté à 15 représentations de la pièce «A bouches décousues» au théâtre Am-Stram-Gram, représentant 168 classes. Dans l'ensemble, et de l'avis des infirmières scolaires qui ont accompagné certaines classes à la demande des enseignants, l'écoute et la participation des élèves pendant le spectacle ont été bonnes. Les éducateurs pour la santé du service de santé de la jeunesse ont eu, durant les leçons «Histoire de la vie» en 4e année qui ont suivi le spectacle, des discussions animées de même que des commentaires très positifs de la part des élèves. L'essentiel du discours a été bien intégré:

- ne rien accepter de la part d'inconnus;

- identifier les bons des mauvais touchers;

- oser dire «non» et en parler à une personne de confiance lorsque certaines rencontres posent problème.

Selon l'évaluation des besoins et des offres, de telles manifestations seront à nouveau organisées. Un programme «Kidpower» est actuellement testé à Neuchâtel, il n'est pas exclu que notre canton le reprenne.

Les programmes de prévention auprès des enfants sont constamment renouvelés, analysés et évalués par l'équipe interdisciplinaire mise sur pied à la suite de l'enquête genevoise sur les abus sexuels Cette équipe, sous-groupe de la commission cantonale de référence, se propose de renouveler et d'évaluer les divers programmes proposés, éventuellement d'en créer de nouveaux.

6.2. Prévention auprès des maltraitants potentiels

Les problèmes économiques et sociaux semblent rendre leurs victimes plus vulnérables, plus fragiles, plus violentes. Agir en prévention signifierait donc, en principe, agir en amont du problème spécifique, sur le climat politico-économique, sur les conditions de vie en général, celles de la famille en particulier.

Par ailleurs, les statistiques auraient mis à jour certains facteurs de risque constitués, par exemple, par les mauvaises conditions au moment de la naissance (parents malades, toxicomanes), les mauvaises conditions matérielles de la famille, la mauvaise adaptation de la famille à son milieu de vie. Il faut lutter, de manière générale, contre ces conditions de vie défavorables, mais il est aussi possible de cibler des mesures préventives en matière de maltraitance sur les personnes visées en leur portant une attention particulière, par exemple lorsqu'elles traversent les périodes dites déclenchantes (voir la récente motion sur les femmes parturientes).

Une écoute particulière et spécifique devrait être apportée aux personnes qui sentent qu'elles ont tendance à mal agir, afin d'éviter qu'elles ne passent à l'acte.

6.3. Prévention de la récidive

L'affaire Dutroux, en Belgique, a mis en lumière le danger de récidive qui existe chez les auteurs d'abus sexuels. La punition imposée par le système judiciaire et exécutée, parfois pendant de longues années, ne suffit pas à prévenir la récidive. Il est nécessaire de mettre en place et de rendre accessibles de véritables programmes thérapeutiques visant à soigner l'abuseur. Ce faisant, on peut espérer faire de la prévention à l'égard de multiples enfants puisque les délinquants sexuels font, en général, plusieurs victimes. Un récent congrès européen organisé par la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation et l'institut de médecine légale s'est penché sur ce problème. Le canton de Genève cherche également à répondre à ce besoin; il serait impératif de créer un vrai travail en réseau, impliquant le département de justice et police et des transports (service d'exécution des peines), le pouvoir judiciaire, les hôpitaux de psychiatrie, la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, et l'institut de médecine légale (département de l'action sociale et de la santé). Cela permettrait de prendre en charge de manière globale les délinquants sexuels et tenter d'éviter des récidives. Un groupe comportant des représentants des organismes mentionnés ci-dessus s'est réuni une première fois en mars 1997 et les premiers échanges ont été fructueux.

Il s'agit de mettre en commun les préoccupations et trouver ensemble des solutions concrètes. Il s'agit, ce faisant, de participer à la réponse à apporter aux députés qui s'inquiètent avec raison du phénomène (voir motion 1088, résolution 331 et interpellation urgente 228 en matière de lutte contre la criminalité sexuelle).

6.4. Prévention secondaire

Lorsque les sévices ont malheureusement eu lieu, le mal est certes fait mais ses conséquences seront moins graves si la victime peut en parler, si des mesures de thérapie sont prises. Il faut donc absolument former les professionnels qui côtoient l'enfant à détecter les maux, à savoir l'orienter; il faut aussi former les professionnels du travail médico-social à soigner ces maux ainsi détectés.

Les cursus de formation des enseignants et des éducateurs et éducatrices de la petite enfance comportent maintenant des volets de sensibilisation à ces questions. Des formations continues existent aussi, au cours desquelles les enseignants peuvent partager leurs expériences et approfondir leurs connaissances.

7. Mesures concrètes prises à Genève et perspectives d'aveniren matière de prise en charge

Après avoir énuméré ci-dessus les recommandations du rapport fédéral, les structures et leur mode de prise en charge en matière de maltraitance, nous tenons à donner ici quelques exemples d'actions concrètes en cours ou nouvelles qui peuvent particulièrement attirer l'attention.

7.1. Protocole d'intervention en matière de maltraitance

En matière de prise en charge, le service de protection de la jeunesse a établi un «protocole d'intervention en matière de maltraitance», fruit de l'expérience et de la réflexion des professionnels de ce service. Ce document contient une introduction générale sur la maltraitance et ses sources, en référence au rapport fédéral de 1992, l'énumération de 19 postulats, ou principes sur les méthodes à appliquer dans le service dans les situations de maltraitance (voir annexe), un chapitre intitulé «cheminement opérationnel» qui indique les diverses étapes à franchir, et enfin une partie de rappel des textes légaux et bibliographiques.

Ce protocole - document interne de travail - a été présenté et discuté avec les divers ordres d'enseignement. Ceux-ci ont salué cette réflexion qui les oriente sur les principes qui sous-tendent les actions du service de protection de la jeunesse en ce domaine. Ils savent ainsi comment il est possible de collaborer avec ce service, le plus souvent impliqué lors des dénonciations et de la prise en charge des jeunes et de leur famille.

Les 19 postulats ou principes d'intervention servent maintenant de référence, de base de travail pour la prise en charge de la maltraitance dans notre canton. Ces postulats peuvent se résumer ainsi:

Prise en compte de la maltraitance

- Tout signalement de maltraitance doit être pris en considération, quelle que soit sa source ou sa forme.

- Tout dévoilement de la part d'un enfant doit être pris au sérieux. Il est important de ne pas mettre en doute ce que dit la victime présumée. Une victime imaginaire est aussi une victime et elle doit être soutenue.

Prise en charge coordonnée

- Une pratique commune est nécessaire à tous les partenaires.

- La collaboration pluridisciplinaire et interinstitutionnelle est nécessaire et indispensable.

- Etant donné la complexité des situations, l'intervention en équipe est vivement recommandée.

- Dans toute intervention, une coordination, et donc un coordinateur de la prise en charge, est indispensable.

- Chaque organisme, chaque service joue son rôle, a sa propre spécificité d'intervention, par exemple le service de protection de la jeunesse protège l'enfant, le Parquet mène l'enquête pénale, etc.

- La problématique de la maltraitance exige une formation continue et une supervision des situations prises en charge.

La maltraitance, l'enfant et la famille

- La maltraitance peut être le symptôme d'un dysfonctionnement familial.

- Dans la mesure du possible, l'intervention tend à rééquilibrer les liens familiaux.

- La loi suisse interdit les mauvais traitements tolérés parfois par d'autres cadres culturels.

- Même dans des circonstances qui pourraient faire penser le contraire, l'enfant n'est pas responsable des mauvais traitements qu'il subit.

- L'enfant doit être représenté et défendu dans le cadre d'une procédure juridique.

- La maltraitance exige une prise en charge compétente, cohérente, pour tenter de prévenir les conséquences négatives qu'elle a sur l'enfant.

Prise en charge par les autorités judiciaires

- Tout employé de l'Etat a l'obligation de dénoncer les actes de maltraitance dont il a connaissance.

- Le rôle des services sociaux est d'évaluer la situation, de la dénoncer si nécessaire, puis de mettre en place la prise en charge comprenant la protection de l'enfant.

- Le signalement aux autorités judiciaires (civiles ou pénales) est aussi à considérer comme pouvant avoir un effet thérapeutique sur le mineur.

- La condamnation pénale de l'auteur de la maltraitance est insuffisante pour prévenir une récidive.

Prévention

- La prévention se situe en aval: auprès de l'enfant, auprès des maltraitants potentiels.

- La prévention secondaire existe aussi: traitement adéquat des enfants maltraités; traitement adéquat des délinquants.

- Les services sociaux, tels le service de protection de la jeunesse et le service de santé de la jeunesse, participent activement à la prévention.

Ces postulats ainsi présentés sont appliqués de manière générale par les divers acteurs de la maltraitance à Genève, qu'il s'agisse du traitement des mineurs ou des délinquants, de la prévention ou de la prise en charge.

7.2. Structure de coordination

La présidente du département de l'instruction publique a récemment officialisé la «commission cantonale de référence sur la violence et la maltraitance à l'encontre des mineurs». Les travaux de cette commission se poursuivent ainsi avec une plus grande reconnaissance et une meilleure visibilité.

7.3. Prise en charge des délinquants sexuels

Il faut signaler l'initiative d'un professeur de la FAPSE (faculté de psychologie et des sciences de l'éducation) et d'un médecin de l'IUML (institut universitaire de médecine légale) qui ont réuni en une première rencontre les divers intéressés à la «prise en charge des délinquants sexuels». Le problème posé par ces délinquants malades est tel, et le risque de récidive si grand, qu'il est absolument nécessaire de mettre ensemble les diverses professions qui gravitent autour du phénomène pour tenter d'y trouver une solution. Cette inquiétude est d'ailleurs reflétée par la motion 1088 ainsi que par la résolution 331 concernant certaines mesures à prendre en vue de lutter contre la criminalité sexuelle. Ces textes sont à l'étude au Conseil d'Etat.

7.4. Audition des enfants

Le collège des juges d'instruction et le procureur général ont récemment adressé un questionnaire aux divers services intéressés au sujet de l'audition de l'enfant. Une large réflexion est entamée sur la manière de conduire cette audition et de la protocoler. Les services de l'office de la jeunesse proposent de mettre en place une équipe pluridisciplinaire dûment formée à l'audition de l'enfant dont l'un des membres serait constamment disponible pour procéder à ces écoutes. La police et le pouvoir judiciaire devraient faire partie de l'équipe.

7.5. Autres mesures de prévention

Le sous-groupe de la commission cantonale de référence, constitué à la suite de l'étude sur la prévalence des abus sexuels, poursuit sa réflexion. De multiples actions sont proposées auprès des enfants; il ne faut toutefois pas les appliquer sans réflexion et surtout sans évaluation.

7.6. Politique familiale

Ainsi que nous l'avons relevé dans ce rapport, une étude est actuellement en cours sous l'égide du département de l'instruction publique, du département de l'action sociale et de la santé et de la commission de la famille, pour recenser les lieux, les actions existant en faveur de la famille dans le but d'évaluer la politique familiale concrète qui se fait à Genève et les moyens de l'intensifier.

Conclusion

Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat estime indispensable de mener une lutte sans relâche contre la maltraitance dont peuvent être victimes les enfants. Les mesures mises en place, les structures en activité visent à la fois la prévention, le dépistage et la prise en charge des enfants maltraités. Nous nous sommes efforcés, dans ce rapport, d'en donner une image aussi précise que possible. Nous nous devons de rappeler, en guise de conclusion, combien il est important de ne pas laisser le silence, la gêne et la peur freiner ou entraver l'application des mesures de lutte contre la maltraitance. Pour empêcher cela, il importe que tous les professionnels appelés à intervenir dans ce cadre sachent apporter, en plus de leurs compétences, l'attention et l'écoute si cruciales pour la prévention et la détection. Mais la vigilance et l'écoute doivent aussi être l'affaire de l'ensemble des citoyens. Les enfants ont droit au respect de leur intégrité physique et morale, c'est la société tout entière qui doit en être la garante.

(M 833)

MOTION

concernant l'enfance maltraitée à Genève

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que le problème de l'enfance revient à nouveau sous les feux de l'actualité à la suite de la publication d'un rapport dû à un groupe d'experts mandatés par le département fédéral de l'intérieur «Enfance maltraitée en Suisse» de juin 1992;

- que de plus en plus de cas de maltraitance d'enfants sont détectés à Genève,

invite le Conseil d'Etat

- à indiquer combien de cas de maltraitance d'enfants sont répertoriés à Genève et quelle est leur nature;

- à inventorier les divers services, instances, associations, fondations dont les tâches sont de se préoccuper de ce problème, sous l'angle psychologique, social, judiciaire, médical et à évaluer quelle coordination existe;

- à présenter les différents types de formation dont disposent leurs collaborateurs;

- à dresser un bilan de la présentation aux élèves de notre canton de la pièce de théâtre «A bouches décousues»;

- à définir, si besoin est, une politique cohérente en ce domaine en matière de prévention et de formation.

(M 914)

MOTION

concernant l'enfance maltraitée

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- le rapport du groupe de travail consacré à l'enfance maltraitée en Suisse;

- les conséquences qui peuvent être tirées des conclusions de ce rapport sur l'état de ce phénomène dans le canton de Genève,

invite le Conseil d'Etat

- à prendre connaissance de ce rapport;

- à présenter à son tour un rapport indiquant l'état du phénomène à Genève, ainsi que les mesures, législatives au besoin, qui peuvent être prises sur le plan cantonal et en collaboration avec les communes pour prévenir et traiter les situations de mauvais traitements envers les enfants.

(Q 3301)

QUESTION ÉCRITE

de Mme Marie-Laure Beck-Henry

Dépôt: 7 novembre 1989

Un médiateur pour les enfants

Souvent victimes des conflits de leurs aînés auxquels ils sont mêlés, parfois dès leur naissance, les enfants et les adolescents sont souvent démunis pour plaider leur cause quand ils arrivent devant les instances officielles chargées de les entendre et de les juger.

En raison de l'adoption prochaine par l'Assemblée des Nations Unies de la Convention internationale des droits de l'enfant et de l'invitation qui sera faite aux Etats de la ratifier, ne convient-il pas de désigner, dans notre canton, un «médiateur pour les enfants», chargé d'examiner et de prendre en main l'aspect spécifique de leur situation, auquel ils puissent s'adresser en toute indépendance?

M.-L. Beck-Henry

28

29

30

31

32

33

34

Débat

Mme Vesca Olsommer (Ve). Je trouve ce rapport fort bien fait. Il est clair et exhaustif. Il est intéressant sur le fond, car il nous permet de prendre connaissance des développements qui ont eu lieu depuis le dépôt de notre motion, en 1992.

Certes, beaucoup de temps s'est écoulé depuis, mais l'office de la jeunesse a traversé une tourmente épouvantable, et le tuteur général a dû partir alors que les cas de maltraitance augmentaient.

Le service a été réorganisé et placé sous la direction d'une nouvelle personne. Dont acte.

Ce rapport reconnaît l'étendue et la gravité du problème de la maltraitance des enfants. Mais il comporte tant de facettes que je ne saurai l'aborder globalement. Je m'en tiendrai donc à un ou deux points qui ont fait l'objet de notre motion en 1992.

A cette époque, nous nous étions aperçus que les approches de la maltraitance des enfants étaient disparates. Il n'y avait pas de concordance de vue systématique dans les démarches des organismes officiels et des organismes privés subventionnés, ce qui avait amené ceux-ci à reprocher à ceux-là de ne pas dénoncer les familiers maltraitants et de privilégier l'unité de la famille aux dépens des enfants maltraités.

Aujourd'hui encore, des juges nous disent qu'ils doivent convaincre les assistants sociaux de la nécessité de la rupture avec le milieu maltraitant et du dépôt d'une plainte pénale. Il est vrai que le service de santé de la jeunesse a édité un protocole qui traite de ces problèmes, encore faut-il qu'il entre dans le terrain, si je puis dire !

Le deuxième point soulevé par la motion avait trait au manque de coordination entre les divers services s'occupant de la prise en charge des enfants maltraités. Ayant donné plusieurs exemples en 1992, je n'y reviendrai pas.

La nécessité de collaborer en réseau avec des équipes pluridisciplinaires s'impose de toute évidence. Les différents partenaires doivent se faire confiance pour travailler efficacement ensemble.

Je tiens à remercier le docteur Daniel Halpérin qui a beaucoup fait pour que les autorités judiciaires et les services médicaux collaborent.

Madame la présidente, vous avez mis sur pied une structure officielle, à savoir une commission de référence. C'est sans doute votre réponse à notre motion. J'ai deux remarques à faire sur cette commission :

- Pourquoi n'accueille-t-elle pas un représentant des organismes subventionnés privés ? Cette commission va concentrer une masse d'informations, lesquelles devront être transmises également aux organismes privés qui doivent être tenus au courant. Pour ma part, je souhaiterais que cette commission accueille un membre représentant les usagers, pour qu'il y ait collaboration.

- Les travaux de cette commission sont très importants, et il faudrait que le Grand Conseil en prenne connaissance. J'ai appris qu'un rapport vous sera adressé, et je vous demande s'il peut aussi être renvoyé à la commission de l'enseignement.

J'aimerais encore intervenir rapidement à propos de cette zone grise dans laquelle évoluent les maltraitants pas encore dénoncés à la justice. Il semble que l'on doive attendre qu'ils récidivent pour les poursuivre. Il y a encore les abuseurs sexuels, condamnés avec sursis, et dont on ne sait que faire s'ils ne sont pas astreints à un traitement médical. Les familles en ont peur et les assistants sociaux sont mal à l'aise avec ces cas.

Je voudrais également intervenir à propos des auditions des enfants maltraités, notamment celles des enfants abusés sexuellement. Il semble que certains refusent l'usage de la caméra vidéo lors des premières auditions, alors que des spécialistes estiment que c'est le meilleur moyen pour qu'une interprétation interdisciplinaire se fasse. De plus, la vidéo empêche la déformation du témoignage.

Dans l'ensemble, vous menez une bonne politique, bien que difficile, la violence et la délinquance juvénile augmentant. D'autre part, les abus sexuels sont dix fois plus nombreux qu'on ne le supposait.

Personnellement, je ne peux qu'approuver les conclusions du rapport, à savoir que c'est la société tout entière qui doit être garante du respect de l'intégrité morale et physique des enfants.

Mme Barbara Polla (L). Au nom du groupe libéral, probablement au nom de vous tous et à celui des citoyens pour qui la protection de l'enfance est primordiale, je remercie la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf et ses collaborateurs de l'excellence de leur rapport. Le département répond aux questions des motionnaires et démontre qu'il partage leurs soucis.

Ce rapport nous présente un rapport détaillé de la situation à Genève. Il nous permet de nous rendre compte de l'ampleur du problème, comme l'a souligné Mme Olsommer.

Mais il ne s'arrête pas là. Il dresse la liste des organismes impliqués dans la prise en charge de la maltraitance; il indique des pistes pour la collaboration la plus efficace possible entre les différents organismes. Il nous donne aussi une vision de la formation et de la prévention, les deux étant liées.

L'importance de la supervision des personnes impliquées dans la prise en charge et celle de l'évaluation des mesures préventives et de prise en charge sont fortement soulignées.

Ces mesures, bien élaborées, doivent être efficaces. Dans ce sens, comme le disait Mme Olsommer, le docteur Halpérin a joué un rôle déterminant avec la mise en place d'un système non seulement de détection mais aussi d'évaluation.

Finalement, les dix-neuf postulats servant de base à la prise en charge de la maltraitance dans notre canton semblent aussi réalistes qu'adéquats. Ils me paraissent pouvoir convaincre ceux qui pensent que la maltraitance est une fatalité contre laquelle on ne peut rien et les motiver à intervenir chaque fois que c'est souhaitable et à quelque niveau que ce soit.

Restent évidemment le problème non résolu de la prévention de la récidive des maltraitants et le volet de la prévention au sein des familles.

Nous nous réjouissons de connaître prochainement les résultats de l'étude en cours à ce sujet et d'ouvrir, à cette occasion, le débat sur la politique familiale, car si la famille, dans les cas de maltraitance, a malheureusement un rôle important, elle a aussi un rôle essentiel à jouer en matière de prévention.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Tout comme mes préopinantes, je salue la qualité de ce rapport qui nous informe d'un sujet dont on sait combien il est délicat.

Malgré l'inertie et les dysfonctionnements relevés ici ou là, je m'étonne du temps qui s'est écoulé entre le dépôt de la motion et la remise du présent rapport. Les questions de Mmes Olsommer, Braun et Bugnon remontent, en effet, à la précédente législature.

Ce rapport s'appuie sur celui du Conseil fédéral, de 1992 si je ne fais erreur, qui fait état d'études réalisées, au plan suisse, entre 1988 et 1992.

Dix ans se sont pratiquement écoulés depuis le début de ces travaux, et nous savons combien la situation s'est dégradée entre-temps.

Ce sujet ne saurait être traité en deux séances. Il est délicat, les enfants ayant beaucoup de peine à dénoncer un adulte, à démolir un modèle, parent ou enseignant. Il est douloureux, sachant ce que les enfants endurent et supportent : ils sont plus discrets que nous sur leurs douleurs physiques ou psychiques.

Les enfants qui ont fait l'objet, en quelque sorte, de notre motion déposée en 1992, ont grandi. J'espère vivement que l'on a fait quelque chose pour eux. J'ignore ce que l'on a fait pour d'autres.

Je relève à la page 12 l'énumération de plusieurs organismes - il en est peut-être d'autres - qui s'occupent de la maltraitance. Je souhaiterais que l'on différencie les gens s'occupant de maltraitance des enfants maltraités. J'ai pris connaissance d'un grand nombre de lieux où l'on discute, cherche et s'intéresse à la maltraitance des enfants. Par contre, il en existe peu, sans doute parce que difficilement atteignables, auxquels les enfants peuvent s'adresser. Je pense notamment à SOS Enfants, à la permanence juridique juniors, mais il est aisé d'imaginer à quel point il est difficile pour un enfant de s'adresser à ces instances.

J'aimerais connaître le statut de ces organismes. Sont-ils supervisés ? Ont-ils été formés ? Il est délicat d'aborder ces sujets avec des enfants qui téléphonent. Il faut faire en sorte de les garder en ligne pour les aider et peut-être les amener à se confier davantage. A quel type de supervision - je n'ai pas d'autre terme - ces organismes sont-ils soumis ?

Je souhaite que les résultats, enregistrés par cette commission, nous soient communiqués et qu'il en soit de même pour le groupe de référence.

J'en viens à la prévention des récidives et au traitement des maltraitants. Bien qu'on fasse allusion à la motion 1088 déposée durant cette législature, à propos de ce qu'il advient de ces personnes, je trouve que le rapport est quelque peu en retrait. Le conditionnel est souvent utilisé : «il faudrait... il serait judicieux... il semble que.. il serait impératif...». J'aurais préféré que l'on écrive «il faut faire... il faut agir... il est impératif...», sinon, compte tenu de la manière dont les adultes se conduisent parfois avec les enfants, les choses continueront à être ce qu'elles sont.

Les signalements font l'objet d'un tableau à la page 9 du rapport. Des maltraitances de toute nature sont signalées à différents services, le SSJ, la protection de la jeunesse, l'hôpital, etc. Est-il possible d'en savoir plus de ce que l'on suppose de la maltraitance sous-jacente, peu déclarée ? Je pose la question, car le rapport fait allusion à une enquête menée auprès de mille élèves des neuvièmes du cycle d'orientation. Mille élèves de quinze ans dont 10%, si j'ai bien lu, déclarent avoir subi des abus sexuels relativement graves. Que sont devenus ces cent élèves ? Comment peut-on les suivre ? Comment éviter ces abus ?

La présidente. Veuillez conclure, Madame la députée !

Mme Liliane Charrière Urben. Quarante élèves ont été abusés sexuellement avant l'âge de 12 ans. Il faut vraiment qu'une solide information enseigne, au plus vite, la prévention de ces abus épouvantables, afin qu'un prochain rapport fasse état de «0%» de victime.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La maltraitance est un sujet si actuel et si brûlant que le Conseil d'Etat, dans son rapport, a eu quelques difficultés à décrire les multiples facettes de ce fait complexe de société.

En effet, à Genève, un gros effort a été fait par le département. Il est exemplaire. Malgré tout, certaines recommandations sont encore des voeux pieux. De plus, la population souhaite une plus grande visibilité des procédures et, surtout, un renforcement de la coordination entre les professionnels du travail médico-social.

Ce n'est qu'en tenant compte de ces attentes que la maltraitance sera une moins grande souffrance.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je réponds tout d'abord... (Brouhaha.) Vous finirez par nous décourager de vous donner des réponses complètes, puisque vous nous reprochez le temps nécessaire que nous prenons pour réunir toutes les informations utiles !

Si nos réponses sont parfois tardives, c'est parce que nous souhaitons avoir quelque chose à vous dire, si vous me passez l'expression. Nous étudions les objets de vos questions. Nous vérifions si ce que nous faisons va bien dans le sens de vos demandes. Dans la négative, nous vous en informons et nous nous en expliquons.

Vous admettrez que beaucoup de questions ont reçu leur réponse entre le dépôt de la motion et la remise du rapport.

Pour nous, il est plus important de mettre en oeuvre que de rédiger un rapport. Nous avons respecté vos voeux. Dès lors, pardonnez-moi de n'avoir pas respecté les délais !

S'agissant de la violence, notamment des abus sexuels et de leur recrudescence, je vous rends attentifs à ceci : il n'y a pas augmentation, mais prise de conscience et reconnaissance de ces délits.

Avant, on n'en parlait pas, on les taisait et on ne les étudiait pas.

Il est bon de dire que l'enquête menée au cycle d'orientation, comme d'autres précédemment, a eu le mérite de mettre en lumière certains problèmes, de les poser aux yeux de tous et de nous renvoyer à nos responsabilités.

Je ne répondrai pas aux nombreuses questions qui m'ont été posées, car il me faudrait une heure au minimum. Par contre, je compléterai les informations contenues dans le rapport par les éléments suivants :

Vous vous préoccupez de ce qu'il advient aux maltraitants. Au nom de mon collègue Gérard Ramseyer et au mien, je vous annonce l'élaboration d'un projet de loi qui devrait répondre à cette problématique et permettre de lutter contre la criminalité sexuelle qui a fait l'objet de votre motion 1088. Vous recevrez donc une réponse de type législatif.

Il n'est pas possible de tout réglementer dans ce domaine. Aux Etats-Unis, une loi récente va jusqu'à exiger la publication des nom et adresse du maltraitant. Ce type de législation crée de nouveaux problèmes d'éthique inextricables.

Le sujet sera à nouveau débattu par votre Grand Conseil, lors du dépôt du projet de loi que je viens de vous annoncer.

L'office de la jeunesse met sur pied une équipe d'audition compétente qui va au-devant des directives émises sur le plan fédéral, puisque l'écoute des enfants constitue un élément très important du dispositif. Pour atteindre son objectif, elle doit être conduite de manière professionnelle, avec des approches multidisciplinaires, pour ne pas ajouter au traumatisme de l'enfant.

Pour ce qui touche la commission cantonale de référence, je vous propose d'attendre le premier rapport, d'examiner son contenu et la méthode de travail utilisée. Nous verrons alors s'il y a lieu de compléter la commission cantonale. Pour l'heure, j'ignore le contenu de ce rapport. Le moment venu, nous verrons de quelle façon nous pourrons le traiter et de quelle façon nous pourrons diffuser l'information.

Comme vous avez dû le lire dans la presse, l'enseignement primaire a publié une brochure qui permet aux enseignants de faire le point sur cette problématique, sur les comportements et l'encadrement prévu, afin d'adopter les procédures adéquates.

J'admets, avec vous, qu'il est difficile d'appliquer sur le terrain les principes définis. Il est de notre devoir de prévenir et il est du devoir de la justice de trancher.

On a trop souvent peur de dénoncer, parce que l'on craint de causer des effets irréparables. Cela ne saurait être, puisque c'est à la justice d'estimer s'il y a lieu de condamner ou non. Chacun doit dénoncer les faits dont il a connaissance pour que la responsabilité sociale à l'égard des enfants, outre celle de la justice, puisse être réellement exercée. Dans ce domaine, nous devons toujours être attentifs.

M 833-A et M 914-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

Q 3301

Cette question écrite est close.

P 945-A
20. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition demandant plus de vacances pour les apprenties et les apprentis. ( -)P945
Rapport de majorité de Mme Nelly Guichard (DC), commission de l'enseignement et de l'éducation
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (AG), commission de l'enseignement et de l'éducation

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Sous la présidence de Mme E. Häusermann, la commission de l'enseignement et de l'éducation a traité la pétition 945 dans ses séances des 20 novembre 1996, 22 janvier et 26 février 1997. Pour plus de clarté, il convient de préciser que cette pétition a été déposée le 4 juin 1992 déjà. Afin de mieux saisir les enjeux, les conséquences, pour les parties concernées, d'octroyer plus de vacances aux apprentis, la commission de l'enseignement et de l'éducation a procédé à diverses auditions.

Auditions de M. Jacques Thiébaut, directeur de l'office de l'orientationet de la formation professionnelle (OOFP) et de M. Jean-Charles Lathion, directeur du service de la formation professionnelle

M. Thiébaut rappelle que les vacances des apprentis sont fixées par le code des obligations. Les apprentis jusqu'à 20 ans révolus bénéficient de 5 semaines de vacances au moins, et de 4 semaines au moins au-delà de 20 ans. Il peut être dérogé à ces durées de vacances, mais uniquement en faveur des apprentis. Par conséquent, les conventions collectives et les contrats individuels d'apprentissage prévoient parfois des durées plus élevées de vacances. Cette situation doit être appréciée selon les différents intérêts en jeu: l'intérêt de l'apprenti pour des vacances plus longues et l'intérêt de l'entreprise qui considère l'apprenti comme partie intégrante du personnel. Il souligne la grande variété actuelle des situations. Les secteurs très structurés offrent généralement des vacances plus longues que les autres secteurs. Ainsi, l'Union industrielle genevoise octroie 13 semaines de vacances à ses apprentis de 1re année, 6 semaines en 2e année et 5 semaines en 3e année. Le revers de la médaille est toutefois constitué par des salaires moins élevés qu'ailleurs.

La liste des salaires et des vacances pour apprentis est annexée au présent rapport.

Un commissaire s'enquiert de la place de l'apprenti dans les structures de concertation des entreprises et de sa représentation au sein des partenaires sociaux. Il s'enquiert également de l'existence d'un syndicalisme chez les apprentis. M. Lathion précise que l'apprenti est, certes, un sujet dont se préoccupent les partenaires sociaux, il n'est toutefois pas représenté lors des négociations relatives aux conventions collectives. Il confirme l'existence d'un syndicalisme chez les apprentis.

M. Thiébaut rappelle que l'apprenti est considéré comme un employé de l'entreprise, auquel il est donné du temps pour aller à l'école.

Dans le cadre du regroupement des ETM et du CEPIA (CEPTA), un commissaire se demande si un apprenti devrait prendre sur son temps de vacances si la nouvelle structure lui proposait de participer à un camp de ski, par exemple. M. Thiébaut confirme que les apprentis doivent prendre sur leur temps de vacances pour de telles activités.

Il souligne aussi la brutalité de la transition entre l'école et l'apprentissage s'agissant de la durée des vacances. L'initiative prise par l'UIG va dans le sens d'une modulation progressive et intéressante des vacances. Toutefois, à Genève, la situation générale de l'apprentissage est complexe et délicate.

Comme certains députés estiment qu'il y a possibilité d'octroyer des vacances supplémentaires sans que cela n'occasionne des surcharges aux entreprises, ils s'interrogent sur les possibilités d'intervention de l'Etat en la matière. M. Lathion indique que le seul moyen d'action dont dispose l'Etat réside dans la bonne application des conventions collectives et les contrats individuels d'apprentissage. La balle se trouve donc dans le camp des partenaires sociaux, dans la mesure où le minimum est fixé par le code des obligations.

Indépendamment de la longueur des vacances, un commissaire estime que les apprentis sont en effet défavorisés par rapport aux collégiens qui peuvent consacrer une partie de leurs vacances à des préparation d'examens, tandis que les apprentis doivent préparer les leurs tout en travaillant.M. Lathion reconnaît que les apprentis auraient besoin de plus de temps pour préparer leurs examens.

Une députée estime que la charge de formation est lourde à porter et que, par conséquent, des vacances plus longues seraient un allégement pour le maître d'apprentissage, à moins que ce dernier ne considère son apprenti comme un simple facteur de production.

M. Thiébaut explique que la situation varie d'une entreprise à l'autre et qu'une enquête sera prochainement menée sur les conditions de l'apprentissage. Il s'agira, en outre, d'examiner l'offre d'apprentissage et de fournir un effort d'accompagnement aux apprentis et aux maîtres d'apprentissage.

Pour répondre à l'étonnement que suscite la très grande disparité de salaire des apprentis, M. Thiébaut précise qu'ils sont fixés par les conventions collectives et par les contrats individuels, ainsi que par les usages professionnels.

L'un des députés précise que dans son service les apprentis disposent de 5 semaines de vacances et qu'une semaine supplémentaire leur est accordée pour la préparation des examens. Pour le surplus, il estime qu'un grand travail de formation des maître d'apprentissage est nécessaire. M. Lathion est d'accord avec cette aide à fournir aux entreprises et aux apprentis. Un projet est actuellement à l'étude sur le suivi des apprentis dans les entreprises par le biais des commissaires d'apprentissage. Le suivi actuel n'est pas toujours effectué à satisfaction, certains commissaires manquant de disponibilité. Des propositions d'amélioration de ce suivi seront prochainement faites au Conseil central interprofessionnel, le but étant d'assurer des permanences et de nommer des personnes de référence.

Un commissaire souligne le sentiment d'injustice vécu par les apprentis par rapport aux collégiens. Ce sentiment découle de la durée des vacances respectives. Il est encore doublé par la dévalorisation de la filière professionnelle par rapport à la filière gymnasiale

Un autre commissaire rappelle que les apprentis ne vont pas aux cours lorsqu'il y a des vacances scolaires. Il conviendrait d'en tenir compte dans le calcul des jours de vacances. Il lui est répondu que, si la question est intéressante, il n'appartient pas à l'Etat d'y répondre, mais aux partenaires sociaux.

M. .

M. Mévaux précise qu'il connaît bien le problème posé, qu'il représente l'UAPG et qu'il est secrétaire adjoint à la Fédération des syndicats patronaux. Il tient, en préambule, à donner les précisions suivantes :

1. L'UAPG est sensible à la demande formulée par les apprentis qui, à leur entrée dans la vie professionnelle, doivent passer d'un régime de13 semaines de vacances à 5 semaines, conformément au code des obligations.

2. Qu'en est-il en droit ?

 Les apprentis ont droit à un minimum de 5 semaines de vacances selon le code des obligations (droit public).

 Une durée des vacances plus longue (dérogation au CO) peut être fixée par convention collective de travail (droit privé).

 La durée des vacances doit figurer dans le contrat d'apprentissage (contrat de droit privé); rien n'empêche un employeur, s'il n'est pas tenu d'appliquer une CCT, de convenir avec l'apprenti d'une durée de vacances supérieure à celle fixée par le CO.

3. Qu'en est-il dans l'entreprise ?

 Les apprentis bénéficient en général des conditions de travail faites aux autres travailleurs (notamment en matière de durée du travail, d'horaires, d'indemnités professionnelles diverses...). Les CCT fixent totalement ou partiellement les conditions de travail des apprentis. Cette situation est particulière au canton de Genève.

4. L'UAPG tient à rappeler que la responsabilité première de l'entreprise est de donner une formation la plus complète possible à l'apprenti. Il faut donc veiller à ne pas charger l'apprentissage de trop de contraintes qui finissent par décourager encore davantage les employeurs d'engager des apprentis.

5. Une augmentation de la durée des vacamces des apprentis ne peut se traduire, en l'état, que par une éventuelle recommandation, sans force obligatoire.

6. L'UAPG a déjà fait des recommandations aux employeurs pour répondre aux voeux des apprentis. A la fin des années 70, l'UAPG avait invité les employeurs et leurs associations professionnelles à mettre les apprentis au bénéfice d'un barème de vacances particulier (pour une durée d'apprentissage de 3 ans), soit 6 semaines pendant la 1re année,5 semaines pendant la 2e année, 4 semaines pendant la 3e année.

 En 1993, répondant à une demande de la Communauté genevoise d'action syndicale qui se référait à la pétition (déposée le 4 juin 1992), l'UAPG a confirmé sa position, qu'elle a adaptée aux modifications du CO de 1984 :

- 6 semaines pendant la 1re année;

- 5 semaines pendant les 2e, 3e et 4e années.

Conclusion

La  Coordination syndicale des apprentis a déposé la pétition 945 le4 juin 1992, soit à un moment où la récession économique n'avait pas encore frappé tous les secteurs. Aujourd'hui, soit cinq ans plus tard, l'économie genevoise est confrontée à des difficultés toujours plus graves dues à une restructuration de l'économie qui concerne l'ensemble du pays et dont on n'a pas encore mesuré toutes les conséquences et les effets.

En plus des arguments déjà développés, l'UAPG estime que le moment est très mal choisi pour tenter d'obtenir des employeurs qu'ils accordent des vacances supplémentaires aux apprentis.

A la question de savoir ce qui se passe lorsque l'apprenti souhaite faire une maturité professionnelle, M. Mévaux répond que, dans certains cas, celle-ci se prépare sur la durée de l'apprentissage et rien n'est alors changé aux conditions de travail. Dans les cas où cette maturité provoque un rallongement de l'apprentissage, la question n'est pas réglée par la convention, rien ne figurant dans les CCT à ce sujet.

Une députée constate que les entreprise profitent de la force de travail de leurs apprentis au mois de juillet et d'août, puisqu'ils travaillent durant la journée et demie par semaine qu'ils passent aux études le reste de l'année. Elle se demande quelle est la position de l'apprenti genevois par rapport à ceux des autres cantons.

M. Mévaux explique que la réglementation fédérale prévoit des durée d'apprentissage de 2, 3 ou 4 ans. Les heures «récupérées» permettent d'assurer la formation des apprentis et ne sont pas considérées comme un gain pour l'entreprise. Il ne faut pas oublier que les apprentis sont également rémunérés et touchent leur salaire, qu'ils suivent des cours ou non. Leur travail est une contre-prestation à ce salaire. Même s'il le désirait, l'employeur ne pourrait pas donner 13 semaines de vacances à son apprenti sans le payer.

Par ailleurs, M. Mévaux se réfère à la liste des salaires et des vacances pour apprentis établie par l'office d'orientation et de formation professionnelle et qui figure en annexe du présent rapport. Il constate que, dans de nombreuses professions, les apprentis ont 6, voire 7 semaines de vacances en première année d'apprentissage. Dans le bâtiment, les dispositions de la CCT s'appliquent aux apprentis, le 13e mois de salaire, par exemple, est unique en Suisse. Genève est donc nettement en avance sur les autres cantons.

Un commissaire constate que l'UAPG insiste, pour justifier son refus d'allonger les vacances, sur sa responsabilité première de formation, et aussi sur la crise économique. Il se demande si, pour l'apprenti, 8 semaines de vacances poseraient un problème sur le plan de la formation. Il se demande également si la recommandation de l'UAPG, au sujet des vacances, datant de la fin des années 70 a bien été réitérée en 1993.

M. Mévaux explique que cette recommandation a simplement été maintenue en 1993 et adaptée aux nouvelles dispositions du code des obligations, soit 6 semaines de vacances en 1re année, 5 en 2e et 5 en 3e. Il n'y avait donc pas de différence par rapport à la première recommandation.

Un commissaire demande s'il serait possible d'engager une campagne pour convaincre la majorité des professions qui appliquent encore le minimum légal de vacances, même en 1re année, et de leur demander d'appliquer la recommandation de l'UAPG. Il aimerait également savoir s'il n'y aurait pas possibilité d'aller au-delà de ce qui avait été préconisé et de proposer 7 semaines en 1re année, 6 en 2e et 5 en 3e.

M. Mévaux rappelle que la durée des apprentissages est basée sur des programmes prenant en compte 5 semaines de vacances par année. Si l'on augmente le nombre de semaines de vacances, il faudrait revoir tous les programmes d'apprentissage.

En ce qui concerne la recommandation de l'UAPG - qui n'est pas une directive - M. Mévaux explique, lui aussi, comme l'ont déjà ditMM. Thiébaut et Lathion, que ce sont les CCT qui permettent de faire le plus de progrès. Mais aujourd'hui, nous sommes entrés dans la 7e année de récession et il est difficile de faire plus sur le plan social. La possibilité d'adapter la recommandation a été envisagée en 1993 déjà, mais on y a renoncé de crainte de voir diminuer l'offre de places d'apprentissage.

A la crainte de perte de places d'apprentissage émise par divers députés, M. Mévaux rappelle que le but de l'UAPG est précisément de fournir le maximum de places d'apprentissage. S'il est vrai que l'offre a baissé ces dernières années, il faut souligner que la demande a baissé également et l'adéquation entre les deux a été maintenue, sauf dans quelques métiers où on a constaté une recrudescence de demandes. Il estime qu'il ne faut pas laisser de candidats sur la touche; cependant, il convient qu'il n'est pas aisé de connaître le nombre de candidats qui renoncent à un apprentissage parce qu'ils ne trouvent pas de place.

Un commissaire trouve tout à fait positif que les patrons soient soucieux du maintien des places d'apprentissage, mais il estime que l'apprenti devient progressivement productif et que son travail permet de rentabiliser les charges qu'il engendre. Ce n'est donc pas forcément un sacrifice pour l'employeur.

Cet avis n'est pas tout à fait partagé par M. Mévaux qui estime que cela dépend des métiers. Dans les formations techniques par exemple, les apprentis n'ont souvent pas le rendement souhaité à la fin de leur apprentissage. Par ailleurs, des classes entières d'apprentis disparaissent du métier à la fin de leur apprentissage, ce qui représente des pertes importantes pour les employeurs et les associations qui les ont soutenus.

Un commissaire souligne que l'apprentissage est un des fleurons de la formation en Suisse. Le contenu de ce qui doit être appris ayant augmenté ces dernières années, il se demande si l'UAPG est favorable à un allongement de l'apprentissage pour certains métiers.

Selon M. Mévaux, l'OFIAMT tient au contraire à concentrer et raccourcir les formations. On ne va donc pas vers un allongement qui serait par ailleurs incompatible avec le maintien de l'offre de places. Il rappelle que pour certaines formations depuis quelques années, on met en place des troncs communs en 1re année et les apprentis passent un an en permanence au CEPTA, ce qui ne leur laisse plus que deux ans en entreprise.

Représentants de la Coordination syndicale des apprentis et des apprenties: M. Claude Reymond, secrétaire à l'Union des syndicats; M. Enrique Cordero, secrétaire syndical, Industrie et Bâtiment; M. Daniel Pacheco, apprenti vendeur, 1re année; M. David Calvo, apprenti peintre en bâtiment, 2e année; M. Alfonso Queijas, apprenti peintre en bâtiment, 1re année

M. Reymond explique que l'Union des syndicats suit ce problème depuis longtemps. Quant à M. Cordero, il faisait partie du groupe qui a lancé la pétition.

En 1989, différents syndicats se sont réunis et ont pensé faire une enquête auprès des jeunes apprentis. Ils ont alors constaté que ces derniers étaient très éloignés des mouvements sociaux et syndicaux. Ils ont donc décidé de créer une coordination syndicale des apprentis afin d'offrir à ces derniers un endroit pour exprimer leurs problèmes. Cette coordination a existé durant 3 ou 4 ans et a, entre autres activités, lancé la pétition 945.M. Cordero considère que cette dernière est toujours d'actualité.

M. Reymond relève que les apprentis sont soumis aux même conditions de travail que des ouvriers, soit près de 40 heures par semaine, sans compter les devoirs que l'on peut estimer à une demi-journée par semaine. Le saut entre le cycle d'orientation et l'apprentissage est si important que les apprentis perdent leurs contacts et leurs activités annexes. Selon lui, une augmentation du nombre de semaines de vacances permettrait de pallier ce problème. Les pétitionnaires ont considéré que 8 semaines pour tous et par an était un minimum à la fin de l'apprentissage.

Il tient à souligner que l'apprentissage est un investissement des employeurs. Au fil des ans, le nombre de semaines de vacances pourrait passer de 11 à 8, alors que le salaire des apprentis continuerait d'augmenter régulièrement. Cette revendication avait déjà été exprimée antérieurement à la pétition.

Questionné sur le point de vue des apprentis quant à la productivité de leur travail, M. Pacheco précise qu'en tant qu'apprenti dans la vente non alimentaire, il travaille 8 heures et demie par jour. Son salaire est de 650 F par mois en 1re année. Et il passe deux demi-journées par semaine à l'école durant les deux premières années d'apprentissage. Durant son travail,M. Pacheco sert les clients et consacre encore une heure en fin de journée à ses devoirs.

M. Calvo travaille également 8 heures et demie par jour. Son salaire est de 1 400 F par mois. Il passe une journée par semaine à l'école et fait ses devoirs en un soir. Son travail consiste avant tout à faire les préparations pour les autres ouvriers.

M. Queijas gagne 850 F par mois. Il travaille 8 heures par jour et passe une journée par semaine à l'école. Il consacre 30 à 45 minutes par jour à ses devoirs. Il fait de tout dans son apprentissage: peinture, préparations et finitions. Sur ses 5 semaines de vacances annuelles, il doit obligatoirement en prendre une à Noël, ce qui est spécifique au bâtiment.

Les apprentis trouvent que le passage du CO à l'apprentissage est assez brutal, tant à cause de la fatigue qu'ils ressentent qu'à cause des vacances plus restreintes qui ne leur permettent pas, pour certains d'entre eux, de voir leur famille autant qu'ils le souhaiteraient.

Dans les secteurs des arts graphiques, M. Reymond fait remarquer que la productivité a augmenté de 5% à 700% en 20 ans. Or, les augmentations de productivité n'ont pas profité aux apprentis.

A la question de savoir si les apprentis sont une charge pour l'entreprise, M. Cordero dit qu'il n'est pas d'accord avec cette affirmation. Il estime que, dès la 2e année, leur travail justifie largement un salaire.

M. Queijas explique que son travail est très varié, puisqu'il est seul avec son patron et un apprenti de 3e année.

L'entreprise de M. Calvo comprend 4 ouvriers et 2 apprentis qui sont souvent encadrés par les ouvriers

De son côté, M. Pacheco est le seul apprenti dans une entreprise de 5employés.

Un député demande qui paierait les vacances supplémentaires et se demande comment on peut expliquer que les besoins de formation continue soient si importants, alors qu'on nous affirme que les gens en fin d'apprentissage sont largement productifs. Questions qui n'ont pas vraiment trouvé de réponses.

Quand une députée bien intentionnée demande aux apprentis s'ils se sentent prétérités dans leurs ambitions d'accès à la culture par rapport aux étudiants et comment ils considèrent leur qualité de vie, les réponses données font allusion au sport, pour lequel certains apprentis estiment, en effet, qu'ils manquent de temps, ou qu'ils se sentent trop fatigués pour le pratiquer. D'autre part, plus de vacances permettrait de rejoindre la famille à l'étranger plus fréquemment

Questionné à ce sujet, M. Cordero affirme qu'à son avis des vacances plus longues n'enlèveraient rien à la qualité de l'apprentissage, étant donné que les entreprises sont partiellement vides en été.

M. Reymond considère que trois semaines supplémentaires de vacances devraient être réparties à dates fixes toutes les huit semaines, ce qui permettrait également aux écoles professionnelles de fermer à ce moment-là.

Discussion de la commission

La plupart des députés reconnaissent la complexité du débat. En effet, l'octroi des vacances aux apprentis relève de la législation fédérale. Le parlement genevois n'a aucune compétence pour modifier cette législation. D'autre part, comme l'ont souligné MM. Thiébaut et Lathion, de l'OOFP, ainsi que M. Mévaux, représentant de l'UAPG, l'amélioration des conditions de vacances pratiquées à Genève est du ressort des partenaires sociaux. En effet, ce sont les entreprises qui consentent à offrir une formation aux apprentis.

La plupart des députés estiment qu'il n'est pas très utile d'envoyer la pétition au Conseil d'Etat qui ne peut pas édicter des directives dans le cas particulier.

A plusieurs reprises et par différents intervenants, il a été souligné que, face aux contraintes économiques actuelles, face aux changements de méthodes de travail, les entreprises, d'une façon générale, sont plus réticentes qu'autrefois à former des apprentis. Il convient donc de veiller à ne pas les décourager, particulièrement les plus petites d'entre elles, par des contraintes irréalistes.

Tous groupes politiques confondus, les députés reconnaissent la brutalité de la diminution des vacances au moment de l'entrée en apprentissage et souhaitent que des négociations entre les partenaires sociaux puissent apporter une situation plus favorable. La simple application de la recommandation faite par l'UAPG dans le domaine des vacances des apprentis représenterait déjà un net progrès. En effet, en consultant la liste annexée au présent rapport, on peut constater que, pour un nombre important de métiers, ladite recommandation n'est pas appliquée.

Certains députés estiment qu'accorder plus de vacances représenterait une forme de reconnaissance qui participerait à la revalorisation de l'apprentissage.

Comme l'ont souvent relevé des députés, l'apprentissage est une excellente carte de visite de notre système de formation, il ne faut donc pas l'asphyxier par des contraintes inapplicables.

Conclusions

Si l'ensemble des députés est d'accord pour souligner que le passage entre le cycle d'orientation et l'entrée en apprentissage devrait être amélioré dans certaines professions, sur le plan des vacances, les avis divergent sur la méthode. La majorité des membres de la commission souhaite que les partenaires sociaux prennent ce problème en main et trouvent un terrain d'entente, elle opte par conséquent pour le dépôt de la pétition sur le Bureau du Grand Conseil. La minorité est favorable à l'envoi de la pétition au Conseil d'Etat.

Vote sur la proposition de dépôt de la pétition 945 sur le Bureau du Grand Conseil à titre de renseignement :

oui:  9 (5 L, 2 PDC, 2 R);

non:  5 (1 Ve, 2 PS, 2 AdG).

En conséquence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir le rapport de majorité et vous propose le dépôt de la pétition 945 sur le Bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

(P 945)

PÉTITION

Plus de vacances aux apprenties et apprentis

Considérant:

- qu'à l'heure actuelle, les jeunes en formation en entreprises n'ont droit, selon la loi, qu'à 5 semaines de vacances, au minimum;

- que, dans le même temps, les écoliers, les collégiens et les élèves des écoles professionnelles disposent de 13 semaines de vacances;

Notant également:

- que quitter l'école pour s'engager dans la vie active entre 15 et 17 ans, comme apprenti(e) en entreprises, signifie un changement complet de rythme et de milieu;

- que passer brutalement de 13 semaines de vacances à 5 semaines n'aide pas particulièrement à s'adapter à ces modifications;

- que les apprenties et apprentis n'ont en définitive que les week-ends et vacances, en dehors de quelques heures en soirées, pour rencontrer d'autres jeunes, collégiens ou élèves en écoles,

nous, écolières et écoliers du cycle, élèves des écoles professionnelles, apprenties et apprentis en entreprises du canton de Genève, demandons que le droit aux vacances des apprenties et des apprentis en entreprises soit au minimum de 8 semaines pour tous.

N.B. : 1 868 signatures

Coordination syndicale des apprentis

20bis, rue du Stand1204 Genève

ANNEXE

14

15

16

17

18

RAPPORT de la minorité

La pétition qui nous occupe enfin aujourd'hui a été déposée en juin 1992, munie de près de 2 000 signatures et transmise ensuite à la commission de l'économie du Grand Conseil, les questions relevant de l'apprentissage étant à l'époque du ressort du département de l'économie publique.

Pour des raisons qui n'ont pas vraiment été éclaircies, cette pétition est restée en rade pendant quatre ans parmi les objets «en suspens» devant la commission de l'économie, cela jusqu'au mois d'octobre de l'an dernier.

Les problèmes de l'apprentissage ayant entre-temps été transférés au département de l'instruction publique (DIP), c'est la commission de l'enseignement qui a enfin entamé le traitement de cette pétition lors de sa séance du 20 novembre dernier.

Heureusement, ou plutôt malheureusement, le problème évoqué par les pétitionnaires reste tout à fait actuel et, à l'issue des travaux de la commission, il revient à notre Grand Conseil de traiter aujourd'hui cet objet avec d'autant plus de sérieux qu'il a été négligé de manière par trop cavalière durant une législature entière.

Les enjeux du débat

Avant de traiter du fond de la question, il importe de situer les enjeux réels de ce débat. La majorité de droite de la commission (libérale, radicale et démocrate-chrétienne) a estimé en effet que le problème des vacances des apprenti-e-s ne relevant pas d'un acte législatif cantonal, mais dépendant de la législation fédérale qui fixe des minima, et d'accords entre partenaires sociaux pour le surplus, notre Grand Conseil devait s'interdire de donner une suite positive à cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat. La majorité envoie ainsi, en fait, une fin de non-recevoir aux pétitionnaires en leur disant, en somme, qu'ils se sont trompés de porte en exerçant leur droit de pétition et que l'affaire doit donc être classée...

Au contraire de cette pirouette, le point de vue de la minorité de gauche, défendu dans le présent rapport, était de dire que le problème des vacances des apprenti-e-s méritait d'être posé au Grand Conseil, que celui-ci se doit de prendre une position sur le fond de ce qui est un problème social réel, qu'en se prononçant en faveur de la pétition notre parlement enverrait un signal utile à toutes les parties concernées:

- aux apprenti-e-s en leur démontrant que le droit de pétition qui est un des seuls droits politiques que la majorité d'entre eux peut empoigner, n'est pas un exercice vide de sens;

- aux employeurs, et aux autorités fédérales, pour leur demander de faire un pas dans le sens de la satisfaction d'une revendication élémentaire et légitime.

En outre, ce renvoi au Conseil d'Etat ne lie, bien sûr, d'aucune manière ce dernier, mais lui enjoint simplement de «donner suite» à cette pétition et de nous rendre compte dans un délai de six mois de ce que ces suites auront été. La question se pose donc de la manière suivante: voulons-nous que le Conseil d'Etat s'occupe de cette question en entreprenant des démarches en direction des partenaires sociaux et de l'autorité fédérale pour faire avancer ce dossier, ou voulons nous simplement que rien ne bouge !

La droite conclut au statu quo, nous voulons, quant à nous, aller dans le sens de: plus de vacances pour les apprenti-e-s !

Une revendication constante des apprenties et des apprentisdepuis plus de 20 ans

Avant de faire le point sur les arguments qui sont apparus en commission en faveur de la revendication des pétitionnaires, il n'est peut-être pas inutile de jeter un regard historique sur les revendications des apprenti-e-s en la matière.

Signalons à ce propos qu'il y a 20 ans déjà les apprentis du CEPIA se sont mis en mouvement pour obtenir plus de vacances: leur revendica-tion avait alors été l'objet d'une pétition ayant recueilli, elle aussi, près de 2000 signatures. La revendication formulée à l'époque demandait que les apprenti-e-s puissent avoir congé lors de leur «jour de cours» hebdomadaire habituel dans les périodes lors desquelles le CEPIA ou les Cours professionnels commerciaux étaient fermés pour cause de vacances scolaires.

Le groupe d'apprenti-e-s, initiateur de ce mouvement, avait calculé que la satisfaction de cette revendication équivalait à quelque chose comme 8 jours de congé supplémentaires par an.

Cette revendication mettait le doigt sur une inégalité de traitement, qui est toujours perçue comme injuste; en effet, les écoles professionnelles fermant pour cause de «vacances» pour une durée de 13 ou 14 semaines, la majorité de ces «vacances» se traduisait (et se traduit toujours) par une présence et un travail accrus des appprenti-e-s dans leur entreprise, alors que les élèves du même âge, scolarisés au collège ou dans d'autres écoles, en bénéficiaient pleinement, comme les enseignants d'ailleurs.

A l'époque, cette pétition avait essuyé une fin de non-recevoir, la direction du CEPIA, l'OOFP, le DIP, y allant chacun de leur couplet sur le fait que «Ça n'était pas de leur ressort» (air qu'on réentend aujourd'hui) etM. Alain Borner, ayant cru bon de convoquer une bonne centaine de gendarmes pour «maîtriser» les débordements hypothétiques de la délégation d'une quinzaine des pétitionnaires qui étaient venus lui exposer leurs doléances à la rue de l'Hôtel-de-Ville.

Dans son journal de mars 1977, le groupe «Apprentis en lutte» auteur de ce remue-ménage, ne se faisait pas d'illusions: «Nous savons qu'ils ont l'habitude de laisser moisir les pétitions dans leurs tiroirs...» et «C'est pourquoi il faudra envisager des moyens de lutte plus forts...» écrivaient-ils.

En effet, dans le courant du mois d'avril 1977, près de 1 500 apprenti-e-s du CEPIA, parmi lesquels l'auteur du présent rapport, participaient à un débrayage quotidien de deux heures pendant leur jour de cours pour appuyer cette revendication !

Vingt ans plus tard, notre parlement est saisi d'une pétition qui a, en effet, bien trop longtemps «moisi dans nos tiroirs». La question qui se pose à la lumière de l'expérience passée est la suivante: se trouve-t-il dans ce parlement une majorité prête à entrer en matière ou les apprenti-e-s devront-ils demain encore une fois «envisager des moyens de lutte plus forts» pour être peut-être enfin entendus?

Première audition: position du problème

Pour en revenir au présent et aux travaux de la commission, il convient d'évoquer et de commenter d'abord celle de MM. Jacques Thiébaut et Jean-Charles Lathion, respectivement directeur de l'office d'orientation professionnelle et du service de formation professionnelle. Ces derniers nous ont rappelé la situation actuelle. Les vacances minimales pour les ap-prenti-e-s, fixées par le code des obligations, sont de 5 semaines jusqu'à 20 ans et de 4 semaines au-delà de cet âge. La situation actuelle des apprenti-e-s est en outre variable selon les branches et les métiers en matière de vacances, comme d'ailleurs en matière de rémunération.

Une liste de près de 200 professions nous a été transmise à ce propos

Sur cette liste on peut relever le cas particulier des apprenti-e-s de l'Union industrielle genevoise qui bénéficient d'un régime «scolaire» avec 13 semaines de vacances en première année (mais un salaire cette année-là réduit à sa plus simple expression) et de 6 semaines puis de 5 semaines en deuxième et en troisième année.

Mais, pour les deux tiers des professions de la liste qui nous a été fournie, le régime des vacances est de 5 semaines par année et cela dès la première année. Pour les apprenti-e-s qui sont assujetti-e-s à ce régime, le passage du monde scolaire à celui de la première année d'apprentissage correspond à une suppression brutale de 8 semaines de vacances par an, soit près de deux mois de vacances par an en moins, cela d'un coup ! Ce «coup de massue» devant, bien entendu, s'inscrire dans un contexte qui comprend également une augmentation considérable de la durée des horaires de travail et l'adaptation à un milieu professionnel qui peut être assez dur.

L'essentiel des exceptions à cette «règle générale» des cinq semaines porte sur une sixième semaine accordée parfois en première année ou parfois pendant tout l'apprentissage.

Signalons, comme parenthèse, que c'est à ce régime des six semaines de vacances pendant tout l'apprentissage que sont astreint-e-s les apprenti-e-s de l'Etat de Genève et que, pour ceux-ci du moins, l'Etat - qui se doit, bien entendu, comme employeur de mener une politique exemplaire en la matière - pourrait très bien entrer en matière sur la satisfaction de la revendication des pétitionnaires sans que cela représente une charge budgétaire supplé-mentaire insupportable.

Quoi qu'il en soit, l'évidence établie par cette première audition est que la situation actuelle est insatisfaisante, que la transition brutale que vivent la majorité des apprenti-e-s n'est pas souhaitable. M. Thiébaud, directeur de l'OOFP, lui-même «souligne la brutalité de la transition entre l'école et l'apprentissage s'agissant de la durée des vacances»o.

Outre la brutalité de cette transition, un autre argument est avancé parM. Lathion, directeur du service de la formation professionnelle, qui reconnaît que «les apprentis auraient besoin de plus de temps pour préparer leurs examens». En effet, outre le temps de travail que l'apprenti doit consacrer à son entreprise et à ses cours, il faut considérer celui qu'il doit consacrer à sa formation, à ses devoirs et à la préparation théorique des examens qu'il aura à affronter.

Deuxième audition: la voix des patrons

La suite des travaux de la commission a comporté l'audition de M. Jean-Louis Mévaux, représentant de l'UAPG (Union des associations patronales genevoises). Celui-ci a présenté à la commission un document comportant six points et une conclusion. Nous le survolerons ici brièvement:

1. L'UAPG est «sensible» à la demande des apprentis et reconnaît le problème de la transition de 13 à 5 semaines de vacances.

2. Rappel de la situation légale: le code des obligations fixe 5 semaines de vacances, rien n'empêche une convention collective ou un employeur isolé de faire mieux.

3. Dans certaines branches les conventions fixent les conditions de travail pour les apprentis, mais en général ceux-ci sont soumis aux conditions faites à tous les travailleurs.

4. L'UAPG affirme que «la responsabilité première de l'entreprise est de donner une formation la plus complète possible à l'apprenti». En conséquence il ne faudrait pas «charger l'apprentissage de trop de contraintes qui finissent par décourager encore les employeurs d'engager des apprentis».

5. Une augmentation de la durée des vacances des apprentis ne pourrait «se traduire que par une éventuelle recommandation, sans force obligatoire».

6. Rappel «historique»: à la fin des années 70 (post-débrayage au CEPIA de 1977 donc !), l'UAPG a recommandé aux employeurs de passer à un barème de vacances de 6 semaines la première année, 5 semaines la deuxième année et 4 semaines en troisième année. Jusqu'en 1993, donc pendant 16 ans, rien ne bouge, mais à ce moment-là, et suite à une intervention de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) se référant à la présente pétition, l'UAPG a confirmé sa position, qu'elle aurait «adaptée aux modifications du code des obligations de 1984» en recommandant 6 semaines la première année et cinq semaines pendant toutes les années suivantes.

En conclusion, le représentant de l'UAPG «estime que le moment est très mal choisi» pour demander aux employeurs d'accorder des vacances supplémentaires aux apprentis du fait des difficultés économiques de l'heure.

Cet exposé de la position patronale a appelé en commission et appelle ici un certain nombre de remarques:

Personne, même l'UAPG, qui n'est pourtant pas favorable à la revendication des pétitionnaires, ne peut nier l'existence du problème, l'UAPG y est «sensible». C'est bien, mais au-delà du sentiment il faut évidemment agir. Le minimum légal n'empêche d'aucune manière d'arriver à un accord plus satisfaisant et l'UAPG elle-même le souligne dans ses considérants 2 et 3.

En outre, sur le quatrième point évoqué par l'UAPG «la formation la plus complète possible» qu'il convient de donner, il est clair que le fait d'augmenter de deux ou trois semaines par an la durée des vacances ne saurait mettre en péril la formation des apprenti-e-s, le nombre légal minimum de semaines de travail prévu par les règlements d'apprentissage restant d'ailleurs largement dépassés. De plus, on peut estimer a contrario qu'un temps libre plus important pour les apprenti-e-s est justement une condition pour une meilleure formation en ce qu'il permettrait notamment une meilleure préparation aux examens.

Enfin, sur ce quatrième point toujours, le fait de présenter cette revendication comme devant «décourager» des entreprises d'engager des apprenti-e-s, revient à admettre que pour celles-ci les apprenti-e-s sont effectivement une main-d'oeuvre productive, dont l'absence serait une «charge» supplémentaire. Or, on nous présente d'habitude du côté patronal la présence des apprenti-e-s comme une charge et un sacrifice que feraient les employeurs.

Quant aux «recommandations» qu'a faites l'UAPG, relevons d'abord que celles de la «fin des années 70» (6, 5 et 4 semaines de vacances) n'ont toujours pas été entendues, puisque ce ne sont qu'une minorité de professions qui bénéficient d'une sixième semaine de vacances en première année. L'UAPG a d'ailleurs, d'un certain point de vue, revu ses recommandations à la baisse depuis. En effet, dans les années 70, la recommandation de l'UAPG correspondait à une recommandation d'octroyer deux semaines de plus la première année, et une semaine de plus la deuxième année, par rapport au minimum légal qui était alors de 4 semaines pour tous les apprenti-e-s.

En 1993, la «suite» que l'UAPG a donnée à la démarche des syndicats a été d'édicter, 10 ans après la modification du code des obligations qui fixe un minimum légal de 5 semaines de vacances pour tous les apprenti-e-s, une recommandation qui ne se réduit plus qu'à l'octroi d'une seule semaine en plus du minimum légal et ce lors de la première année d'apprentissage seulement.

La simple adaptation de la recommandation de l'UAPG des années 70 aux nouvelles données du code des obligations aurait dû conduire celle-ci à suggérer 7, 6 et 5 semaines de vacances pour la première, la deuxième et la troisième année d'apprentissage.

Enfin, la difficulté de l'UAPG à faire appliquer même ses «recommandations» les plus modérées en la matière est un élément qui plaide bien évidemment pour une intervention de notre part, sous forme, dans un premier temps, de renvoi de la présente pétition au Conseil d'Etat.

Troisième audition: des apprenti-e-s nous parlent

Nous n'avons, bien entendu, pas pu entendre les apprenti-e-s à l'origine de cette pétition. En effet, et heureusement pour ceux-ci, ils ont largement eu le temps de terminer leur formation depuis 1992, date du dépôt de la pétition.

La commission a cependant entendu une délégation composée de trois apprentis et de deux secrétaires syndicaux: M. Claude Reymond pour l'Union des syndicats du canton de Genève (USCG) et M. Enrique Cordero, secrétaire du Syndicat Industrie et Bâtiment (SIB), ce dernier ayant participé à l'époque au lancement de la pétition avec la Coordination syndicale des apprentis.

MM. Reymond et Cordero nous ont confirmé qu'aux yeux de leurs organisations syndicales cette pétition reste toujours d'actualité. Ils ont mis l'accent sur le fossé, que nous avons déjà évoqué, entre les conditions de la fin de scolarité et celle du début de l'apprentissage, sur le poids de l'horaire de travail pour les apprenti-e-s en entreprises. Sur le fait aussi que ce choc se traduit par une perte d'activités extraprofessionnelles et de relations sociales au détriment du développement équilibré des jeunes concernés.

Ils ont réitéré les termes de la pétition qui demande 8 semaines de vacances comme minimum en fin d'apprentissage. Le modèle qu'ils souhaiteraient voir appliquer passerait de 11 semaines de vacances à ce minimum de 8 semaines en fin d'apprentissage.

Les apprentis présents ont apporté des témoignages portant notamment sur la productivité de leur travail, sur le fait que, loin d'être à la charge de leurs patrons, ils contribuent à faire tourner les entreprises qui les emploient.

Le premier d'entre eux est apprenti dans la vente (dans une quincaillerie), ses journées de travail sont de 8 heures et demie 4 jours par semaine (une journée étant réservée aux cours). Il gagne 650 F par mois, soit près de six fois moins que le salaire minimum de départ dans la branche qui est de 3 860 F par mois. Il est en contact direct avec la clientèle et officie comme vendeur. Il estime que ses devoirs lui prennent une heure par jour en moyenne. Il aimerait avoir plus de temps pour voir sa famille, ses amis...

Le second est apprenti peintre en bâtiment en deuxième année, payé 7,50 F l'heure; il fait essentiellement des préparations et ne touche guère à la peinture. Il trouve son travail particulièrement astreignant et il est «fatigué en permanence» et voit peu sa famille...

Le troisième est également peintre en bâtiment, en première année, il gagne 5 F l'heure. Il travaille pour un petit patron qui a pour tout personnel deux apprentis, lui-même et un autre apprenti de troisième année, qui assure, en fait, sa formation. Souvent livrés à eux-mêmes, ces deux apprentis assurent de manière indépendante une bonne partie du travail de l'entreprise qui les emploie. Leurs deux salaires cumulés atteignent environ 3 000 F par mois et leur travail rapporte un multiple de cette somme. Ils repeignent en moyenne un appartement par semaine...

Deux des apprentis ci-dessus ont arrêté leurs activités sportives au moment de leur entrée en apprentissage, du fait de la fatigue et du manque de temps en découlant...

Tous appuient vigoureusement l'idée qu'une augmentation de leurs vacances ne serait pas seulement un plus agréable, mais répond à un réel besoin et à une contrepartie légitime pour un travail productif et plutôt sous-payé. Tous font état d'un mal-être lié à leur situation d'apprentis...

Signalons encore que les représentants des syndicats ont confirmé qu'à leurs yeux la présentation de l'apprentissage comme une «charge» pour les patrons n'est pas exacte et que, dans nombre de cas, dès la deuxième année, l'apprenti mérite largement son salaire ... et les vacances en plus dont il est ici question.

Quelques considérations venues d'ailleurs

Différentes études vont d'ailleurs dans le même sens. On peut citer le sondage entrepris récemment par la conseillère d'Etat vaudoise radicale,Mme Jacqueline Maurer. Portant sur 509 entreprises représentatives du tissu économique vaudois, cette étude indique qu'à propos des apprenti-e-s: «seuls 5% des entreprises considèrent que le salaire représente une charge excessive. 57% sont même plutôt de l'avis qu'ils représentent une main-d'oeuvre financièrement intéressante». L'argument négatif, principalement invoqué par les entreprises porte sur le temps qu'elles sont obligées de consacrer à la formation de leurs apprenti-e-s. Il est évident que l'octroi des quelques semaines de vacances supplémentaires dont il est question avec cette pétition va plutôt dans le sens de dégager, ou du moins de concentrer, le temps investi par les entreprises en matière de formation.

On peut également citer à ce propos une étude nationale sur l'«Efficacité de nos systèmes de formation». Cette étude arrive à la conclusion que la productivité moyenne des apprenti-e-s est de plus d'un tiers de celle des travailleurs qualifiés et que «les entreprises qui ne forment peu ou pas d'apprentis ont répondu que la charge financière n'est à leurs yeux un aspect mineur». Elles mettent aussi en exergue le fait que: «Le manque de temps pour s'occuper des apprentis jouerait un rôle bien plus grand au moment de décider d'offrir ou non une place d'apprentissage».

En conclusion...

• Faut-il augmenter les vacances des apprenti-e-s, conformément à la demande des pétitionnaires?

Nous répondons fermement OUI à cette question. Une telle augmentation est justifiée et possible. Elle va d'ailleurs dans le sens de cette «revalorisation» de l'apprentissage et de la formation aux métiers qui est réclamée à cors et à cri par de nombreux milieux. Si on veut que l'apprentissage en entreprises ne soit pas un pis-aller, mais une option réellement attractive et librement choisie par des jeunes, il faut impérativement améliorer les conditions dans lesquelles il se déroule. Les vacances sont un élément important de celles-ci. Leur augmentation est financièrement supportable pour les entreprises, ne déteriore pas, mais peut au contraire améliorer la formation elle-même.

• Devons-nous renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat?

Jouer les Ponce Pilate et se laver ostensiblement les mains de cette question, en arguant qu'elle n'est pas de notre ressort, ne saurait être interprété que comme un encouragement prodigué à tous ceux qui veulent maintenir le statu quo en la matière. Renvoyer la pétition au gouvernement, c'est le mandater pour faire avancer ce dossier en prenant toutes les initiatives utiles, c'est aussi donner un signal positif à l'opinion publique, aux partenaires sociaux, au législateur fédéral et, enfin et surtout, aux jeunes concernés eux-mêmes.

Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs les dé-puté-e-s, la minorité de la commission vous demande instamment de renoncer au dépôt de la pétition «à titre de renseignement» et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse de majorité. Laissez-moi exprimer mon étonnement, Monsieur Vanek ! Vous qui êtes le champion des solutions consensuelles - comme nous l'avons vu et comme nous le verrons certainement sur d'autres sujets - vous proposez aujourd'hui de contraindre les entreprises à accorder plus de vacances aux apprentis ! C'est assez étrange, non ?

Moi, voyez-vous, ce qui me satisfait particulièrement actuellement, c'est le fait que cette année plus d'apprentis ont trouvé une place d'apprentissage; alors je n'entends pas décourager les entreprises en leur imposant une mesure qu'elles jugent peu adéquate.

Pour ma part, je suis très attachée à la reconnaissance de la valeur de l'apprentissage dans l'opinion tant des parents, des enseignants que des jeunes. Ce qui, à mes yeux, revalorise l'apprentissage c'est la qualité de l'encadrement et non la durée des vacances !

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je suis flatté - mais au fond je ne sais pas si je dois l'être... - d'être présenté soudain comme un champion des solutions consensuelles. Ce n'est pas tout à fait l'image que je me fais de mon activité dans ce parlement, mais, enfin, si c'est comme cela que vous le percevez... (Rires.) ...je suis désolé de vous décevoir ! Il arrive que des consensus soient durables et que d'autres volent en éclat, comme celui sur les parkings d'échange, hier soir. Parfois, il vaut mieux que les positions soient claires et que les députés de ce parlement prennent leurs responsabilités et se prononcent d'un côté ou de l'autre.

Mme Guichard à l'instant m'accuse ou, du moins, me prête l'intention de vouloir «contraindre» les entreprises à accorder plus de vacances. Mesdames et Messieurs les députés, je sais bien que nous n'avons pas le pouvoir, ce soir, dans cette enceinte, de contraindre les entreprises à faire quoi que ce soit en la matière. La question n'est pas de savoir s'il faut accorder huit semaines de vacances, par un acte législatif de notre part, aux apprentis; elle est de savoir s'il faut, ou non, renvoyer au Conseil d'Etat une pétition signée et déposée en 1992 par plus de deux mille apprentis et, par conséquent, de savoir si le Conseil d'Etat devra donner suite à cette pétition, comme le prévoit le règlement du Grand Conseil. Dans six mois, le Conseil d'Etat devra nous rendre un rapport à ce sujet et nous verrons alors dans quelle mesure il a pu faire avancer cette question.

Il s'agit évidemment de donner un signal qui, sur le fond, soit positif par rapport à l'augmentation des vacances des apprentis. Il n'est aucunement question de «contrainte» dans cette affaire, et les propos de Mme Guichard sur mes prétendues intentions tombent un peu à côté de la plaque...

Vous avez certainement pris connaissance de mon rapport, et je ne le paraphraserai pas ici. J'aimerais toutefois vous rendre attentifs à quelques points.

Mme Guichard dit, dans son rapport, que la plupart des députés reconnaissent la complexité du débat. En ce qui me concerne, je ne la reconnais pas du tout. Au contraire, la minorité a estimé que cette question était relativement simple. Il s'agit d'une revendication de longue date des apprentis, qui est parfaitement fondée. Si nous estimons qu'elle est légitime, nous devons donner un signal dans ce sens aux pétitionnaires en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat.

Le dépôt de cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil serait une manière choquante d'encourager l'exercice des droits démocratiques, vantés tout à l'heure par M. Haegi lorsqu'il expliquait les raisons de la propagande faite en faveur de l'usage du droit de vote. Les signataires de cette pétition sont en droit, si nous sommes d'accord avec eux sur le fond, d'attendre de ce parlement qu'il demande à l'exécutif de donner suite à cette pétition; par exemple, en examinant avec les partenaires sociaux quelles sont les possibilités sur le plan cantonal et fédéral - cet objet étant régi par le droit fédéral.

Pour moi, il est donc évident que nous devons accepter cette pétition !

Dans cette première intervention, je voudrais citer les propos de Mme Nelly Guichard. Au nom du parti démocrate-chrétien, le 30 mai, au sujet d'une motion libérale concernant la formation pour l'emploi, elle disait qu'il convenait d'établir des «passerelles souples entre les écoles publiques et le monde du travail». Mais le passage brutal entre la durée des vacances de l'école publique - treize ou quatorze semaines - et celle des apprentis pose problème. Pour la majorité des entreprises c'est le minimum légal de vacances qui est accordé aux apprentis, c'est-à-dire cinq semaines. Ce coup de massue brutal est reconnu par tous.

Lors de son audition en commission, M. Thiébaut, directeur de l'OFP, soulignait lui-même - ce sont ses mots - «...la brutalité de la transition entre l'école et l'apprentissage», s'agissant de la durée des vacances. Or la brutalité de la transition ne porte pas seulement sur cet aspect, mais aussi sur d'autres paramètres, notamment les conditions dans lesquelles sont plongés les apprentis dans les entreprises : conditions d'environnement, horaires de travail, rapports relationnels avec leur hiérarchie et les collègues de travail. Cette transition est effectivement brutale, et l'une des raisons de soutenir cette pétition en octroyant davantage de semaines de vacances pour les apprentis c'est justement de ménager ces passerelles souples, défendues au mois de mai par Mme Guichard...

On nous dit maintenant que cette mesure découragerait les entreprises d'engager des apprentis. Lors de la séance du 6 juin, nous traitions d'un rapport du Conseil d'Etat sur une motion sur le préapprentissage et l'entrée en apprentissage. On nous disait dans ce rapport que certaines professions étaient délaissées par les jeunes en raison de la «mauvaise image» qu'ils en avaient. Alors, si nous voulons donner une bonne image de ces professions et revaloriser l'apprentissage - ce que tout le monde proclame - on doit en payer, en quelque sorte, le prix. Ce prix est-il excessif pour les entreprises ? Dire qu'accorder quelques semaines supplémentaires aux apprentis leur coûterait très cher revient à dire que ces apprentis sont des travailleurs - partiellement du moins, et c'était le cas de ceux que nous avons entendus - productifs. Et ils le sont effectivement.

Mais, et je conclurai cette première intervention par là, les résultats d'une enquête effectuée - je reprends les termes d'une entreprise romande - mettaient en exergue le fait que si les entreprises étaient découragées de former des apprentis - c'était votre souci, Madame ! - ce n'était pas en raison des charges financières - c'était à leurs yeux un aspect mineur - mais, principalement, à cause du manque de temps. Il est évident que le fait d'octroyer davantage de vacances aux apprentis ne va pas demander un sacrifice, en temps supplémentaire, aux entreprises. Au contraire, les responsables de la formation des apprentis se trouveront dégagés un tant soit peu de leurs obligations pour se consacrer entièrement à leurs activités ordinaires au sein de l'entreprise.

Je suis également extrêmement attaché à un aspect évoqué par Mme Guichard lors de son intervention : la qualité de la formation. Elle existe en particulier lorsque la formation est bien vécue. Les vacances sont un facteur dont il faut tenir compte pour que les apprentis vivent bien leur formation.

Autre argument : ce temps supplémentaire peut leur permettre de compléter leur formation. Dans mon rapport, en page 24, j'ai d'ailleurs cité les propos de M. Lacour, directeur du service de la formation professionnelle. Il disait que : «les apprentis auraient besoin...

La présidente. Monsieur le rapporteur, vous parlez depuis dix minutes !

M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité. ...de plus de temps pour préparer leurs examens !».

Je reparlerai donc un peu plus tard de cela, mais je conclus immédiatement. Le débat sur le fond est simple : veut-on, ou ne veut-on pas, octroyer davantage de vacances aux apprentis ? Il faut simplement répondre oui ou non à cette question. Si nous répondons oui, il faut renvoyer cette pétition, Mesdames et Messieurs les députés, au Conseil d'Etat !

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Pour que notre position soit claire d'emblée, je voulais simplement dire que j'approuve totalement les propos ainsi que le rapport de minorité de M. Vanek.

On cherche effectivement à revaloriser la filière des apprentissages, et voilà une occasion en or d'y participer. Il faut rappeler que les apprentis sont encore des mineurs. Ils ont moins de 18 ans. Au cycle ils avaient treize semaines de vacances et, brusquement, ils sont parachutés dans le monde du travail : quarante heures de travail par semaine et cinq semaines de vacances. Ils sont ainsi coupés de leurs activités annexes, sportives et de leurs copains. A cet âge, cela peut parfois être dramatique et décourager certains jeunes de poursuivre un apprentissage.

Comme l'a dit M. Vanek, le minimum que ce Conseil puisse faire c'est de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin que celui-ci étudie ce problème, cherche des solutions d'amélioration, donne sa position.

Le DIP est responsable de la formation des jeunes. Il a le devoir d'améliorer leurs conditions de travail et les temps de repos. Autant les collégiens sont «chouchoutés» autant les apprentis sont laissés pour compte. On pourrait imaginer que ces deux semaines de vacances supplémentaires seraient, par exemple, payées par le DIP, si l'argument financier est réellement le seul obstacle pour les accorder. De toute façon, cela coûterait moins cher que des abandons en cours d'apprentissage... et c'est toujours moins cher que le prix annuel d'un collégien !

Alors, le fait de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat serait un signe que le parlement se soucie d'améliorer le bien-être des apprentis, que le DIP est à l'écoute de leurs problèmes et qu'il cherche des solutions.

La rejeter serait interprété comme un signe de mépris et d'incapacité de résoudre les problèmes.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour continuer... Décidément, c'est valable aussi bien pour les apprentis que pour pas mal de gens ! Les apprentis qui ont déposé cette pétition, il y a plusieurs années, ne bénéficieront pas de ce que nous pourrions éventuellement faire, mais ils avaient certainement en tête qu'ils ne le faisaient pas pour eux, sachant très bien qu'ils avaient très peu de chance d'obtenir un résultat avant la fin de leur apprentissage.

Mme Guichard a indiqué que le nombre d'apprentissages avait augmenté, ce dont tout le monde se réjouit, moi la première. Cela prouve au moins que les jeunes gens qui choisissent de faire un apprentissage ne prennent pas cette décision en fonction du nombre de jours de vacances...

Ce qui nous a frappés pendant les auditions - je ne vais pas reprendre tout ce qui a déjà été dit - c'est que les organisations patronales reconnaissent effectivement que la rupture est rude, s'agissant des heures de présence, entre le cycle et l'entreprise. En effet, les horaires scolaires donnent une certaine latitude aux enfants, même si le temps consacré aux devoirs est important. Nous avons également été frappés par les déclarations des apprentis qui nous ont expliqué, dans leur langage et, parfois, avec émotion, à quel point ils avaient perdu brutalement leurs copains; ces derniers pouvaient continuer à faire du sport, à sortir et, eux, n'en avaient plus la possibilité, compte tenu, d'une part, de leurs horaires - même s'ils les ont acceptés - mais aussi des devoirs qu'ils ont à faire à la maison, étant donné qu'ils ont un jour et demi de cours professionnels.

Nous ne sommes pas complètement utopistes : nous ne demandons pas au Conseil d'Etat de bouleverser les prescriptions de l'OFIAMT. Mais lorsqu'on veut on peut : nous souhaiterions que le Conseil d'Etat donne un signe en proposant, par exemple, aux organisations qui s'occupent des apprentis, de donner quelques jours supplémentaires de vacances.

En effet, pendant les mois d'été, les cours des apprentis n'ont pas lieu, puisque les enseignants sont en vacances. Une journée et demie multipliée par huit, cela fait douze jours - petite période bien agréable - pendant lesquels les apprentis ne vont pas au cours. Il me semble qu'il serait possible de faire un geste dans ce sens, de donner une sorte d'impulsion, en proposant - sans imposer - aux organisations qui s'occupent des apprentis de discuter du transfert de ces jours de cours en jours de vacances, au moins en partie.

Il me paraît - à tout mon groupe aussi - tout à fait injuste qu'à âge égal, qu'à situation de développement comparable, des jeunes se trouvent traités totalement différemment, notamment en ce qui concerne les vacances. De ce fait, ils ne peuvent plus envisager, par exemple, de participer à des camps de vacances ou d'avoir des activités sportives qui n'ont lieu qu'en été. Il me semble qu'il serait assez normal de chercher à diminuer les écarts de situation des élèves entre 15 et 18 ans. Il ne s'agit bien sûr pas de les mettre exactement sur le même pied, mais seulement d'estomper les disparités et les injustices les plus criantes.

M. Bernard Annen (L). S'il est vrai qu'il y a un monde entre le statut d'un collégien et celui d'un apprenti, il ne faut pas, néanmoins, oublier le nombre de collégiens, ou étudiants, qui travaillent pendant leurs vacances, pour des raisons essentiellement financières. En fin de compte, certains de ces jeunes ont finalement moins de vacances que les apprentis...

Cela étant, je suis étonné que la priorité donnée à la formation professionnelle consiste à vouloir octroyer une ou deux semaines supplémentaires de vacances ! Mesdames et Messieurs les députés, je ne crois pas que ce soit le désir fondamental des apprentis. Pour ma part, je m'occupe passablement d'apprentis, en tout cas bien davantage que les députés qui sont intervenus à ce sujet. La première priorité des jeunes n'est pas d'avoir plus de vacances : ils veulent surtout avoir un travail à la fin de leur apprentissage... ce qui me paraît un peu plus important !

S'agissant de la formation professionnelle, le système dual que vous connaissez bien, avec la participation des employeurs - système reconnu, sur le plan européen, comme exemplaire - doit au contraire être encouragé. J'attire votre attention sur le fait que la formation d'un apprenti est une grande responsabilité pour un chef d'entreprise. Et vous connaissez tous les problèmes que peuvent rencontrer les jeunes qui ont plus ou moins de facilités, selon leur origine.

L'octroi d'une semaine supplémentaire ne découragerait certes pas les entreprises, mais vous devez garder à l'esprit les efforts fournis par celles-ci. Il y a une quinzaine d'années, la formation en dehors de l'entreprise prenait une demi-journée par semaine. Aujourd'hui, les cours d'introduction prennent beaucoup plus de temps. La formation se fait en école, à partir de l'introduction à la formation professionnelle; il y a également un passage entre le cycle d'orientation et l'entrée à ces cours d'introduction, ce qui fait que le passage dans le monde du travail n'est pas aussi abrupt que vous semblez le dire.

Pour moi, ce qui est particulièrement important c'est de maintenir l'équilibre. A force de décourager les entreprises à former les apprentis, vous ferez des apprentissages à plein temps. Nous qui avons l'habitude d'accueillir de jeunes travailleurs venant de France - qui ont un autre système de formation professionnelle - nous voyons à quel point ces derniers ont des difficultés à entrer dans la vie professionnelle. C'est dire qu'on ne peut pas seulement se baser sur une pétition pour aborder ce genre de problèmes.

Enfin, vous avez pu voir, dans le tableau qui se trouve dans les dernières pages du rapport, les différences qui existent. Suivant la profession, des vacances plus ou moins longues sont accordées : six semaines pour certaines; il faut le souligner. Nous devons laisser les partenaires sociaux discuter de ces questions de manière qu'ils puissent aménager, en fonction de leur secteur économique, la possibilité d'accorder ou non des jours de vacances supplémentaires.

Je crois pouvoir dire qu'un certain nombre d'apprentis sont plus intéressés par les investissements effectués pour obtenir du matériel et avoir des moyens plus importants à leur disposition. Ainsi, par exemple, les dessinateurs préfèrent de loin obtenir des DAO - dessins assistés par l'ordinateur - plutôt que des semaines de vacances supplémentaires. Je le répète, et ce sera ma conclusion, la première préoccupation des apprentis est de trouver un travail à la fin de leur apprentissage et non d'avoir des vacances en plus.

M. Gilles Godinat (AdG). Je dois féliciter M. Annen pour son art de détourner notre attention du sujet central !

Il ne s'agit pas de définir ni les conditions d'apprentissage ni l'ensemble du marché du travail et de débattre sur l'articulation entre les deux, ou sur le contenu de chaque apprentissage. Il s'agit d'un point précis - ce n'est pas du tout une priorité, c'est un problème social réel - que nous examinons comme parlementaires. C'est une inégalité criante et inacceptable. C'est uniquement de cela dont il s'agit. Voulons-nous entériner cette vieille tradition - inacceptable à mes yeux, je le répète - antidémocratique qui veut que l'on creuse le fossé social dès l'adolescence entre les futures classes sociales ? C'est ce contre quoi je m'insurge.

Nous devons aller vers une société plus égalitaire, raison pour laquelle je soutiendrai cette pétition.

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je suis un petit peu troublée par la tournure des débats. Effectivement, cette pétition porte sur les vacances des apprentis, et on cherche à éluder la question de leurs conditions de travail dans ce canton. On en reste à une vieille logique, celle de savoir si les apprentis méritent ou non plus de vacances ? On élude ainsi d'autres questions qui, à mon avis, devraient être posées, à savoir le suivi de l'apprentissage. C'est peut-être parce que cette question est centrale qu'on évite de l'aborder ce soir...

On voit effectivement, dans le tableau en annexe, que certains secteurs offrent déjà plus de vacances aux apprentis : six semaines la première année. Ce sont des secteurs qui investissent dans la formation.

Ce soir, j'ai envie de poser la question suivante : quelle importance pour les apprentis de certains secteurs professionnels d'avoir une semaine de vacances de plus, quand, le reste de l'année, l'encadrement se montre particulièrement insuffisant; quand personne ne s'occupe d'eux dans l'entreprise et quand ils finissent la journée en balayant le garage ?

M. Olivier Vaucher (L). Je serai très bref, mon collègue Annen ayant dit l'essentiel de ce que je voulais dire.

Mais suite aux propos de mes préopinants, je voudrais quand même préciser que, finalement, je ne crois pas que ce soit le rôle de notre parlement de s'occuper de ce problème. C'est celui des partenaires sociaux. Cette pétition a été déposée il y a déjà quelques années - plus de cinq ans. Entre-temps, il me semble que les partenaires sociaux ont fait un excellent travail, tant au niveau des vacances qu'au niveau du suivi des apprentis. En tout cas, c'est le cas dans ma profession, où un programme a été mis en place qui donne satisfaction à tous.

A mon avis, tout simplement cette pétition n'est plus au goût du jour, en tout cas, pour bien des professions.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. S'agissant du temps écoulé - cinq ans : plus d'une législature - depuis le dépôt de cette pétition, je ne m'en vanterais pas, car il prouve qu'il y a eu dysfonctionnement dans ce parlement. Tirer argument du fait que nous avons été des «manches» dans le traitement de cette pétition et dire qu'il ne faut plus en tenir compte...

Une voix. En tout cas, t'es un manche !

M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité. Je ne suis en tout cas pas un Coutau !

Tirer parti du fait que l'on a laissé traîné cette pétition dans un tiroir et dire qu'elle est maintenant dépassée me semble particulièrement peu élégant par rapport aux pétitionnaires. Ce n'est pas un bon argument, pas un argument recevable.

Je signale également - je l'ai dit dans mon rapport - qu'il y a près de vingt ans déjà les apprentis de ce canton intervenaient pour obtenir plus de vacances. J'en faisais partie, Monsieur Annen, et je sais donc de quoi je parle. J'ai fait mon apprentissage il y a moins longtemps que vous, vous me l'accorderez. Se référant à nos expériences respectives, vous disiez qu'il y a quinze ans il y avait seulement une demi-journée de cours... Eh bien, il y a vingt ans, dans mon apprentissage de mécanicien de machines (option outillage) j'avais déjà un jour et demi de cours ! Quelques éléments du débat me sont donc connus par expérience personnelle.

La pétition est une chose, mais nous avons entendu pendant les travaux de la commission non seulement les représentants de l'Etat, préoccupés par ce problème, mais aussi les jeunes en apprentissage actuellement - pas les apprentis d'il y a cinq ans - et les représentants de ces partenaires sociaux auxquels on veut renvoyer le problème. En conséquence, on ne peut pas dire que cette pétition est «dépassée» et qu'on ne peut plus se baser sur son contenu.

Bien entendu, cette pétition n'aborde qu'un tout petit aspect de l'apprentissage qui mériterait que l'on aborde d'autres points, comme le suivi de la formation des apprentis, le salaire, etc. Mais, enfin, nous sommes ici pour traiter une pétition qui comporte un nombre non négligeable de signatures, et c'est de celle-ci que nous devons parler.

M. Annen disait que nous risquions de décourager des entreprises de former les apprentis. Je rappelle - j'ai peut-être été peu clair tout à l'heure - que dans le document qui figure dans le Mémorial de la séance du 6 juin, il est dit qu'un certain nombre de places d'apprentissage offertes en novembre 1996 n'étaient pas pourvues, ce qui s'explique, selon le Conseil d'Etat, par le fait que certains secteurs sont délaissés, à tort ou à raison, par les jeunes en raison d'une mauvaise image des professions. Ce ne sont donc pas, dans ces cas, les patrons qui n'offrent pas de places d'apprentissage; ce sont les jeunes qui ne sont pas tentés par certaines professions. On indique, par exemple, le chiffre de quarante-cinq places non pourvues pour les métiers du bâtiment.

On nous dit que ce problème concerne les partenaires sociaux et qu'il doit être traité par secteur, car les conditions sont différentes de l'un à l'autre. Effectivement, les conditions sont très différentes - la liste en annexe du rapport de majorité le montre - mais, tout de même, les deux tiers des entreprises octroient le minimum légal seulement en matière de vacances, c'est-à-dire cinq semaines.

Nous avons écouté M. Mévaux, représentant de l'Union des associations patronales genevoises, qui a exprimé les recommandations de l'UAPG. Or les recommandations émises à la fin des années 70 portaient sur six semaines, cinq semaines et quatre semaines de vacances : la première, la deuxième et la troisième année. Première observation : il y a une recommandation générale et non sectorielle de l'UAPG pour l'apprentissage. Nous pouvons donc nous permettre d'appuyer des indications générales. Deuxième observation : cette recommandation, s'agissant des six semaines de vacances pour la première année, n'est toujours pas en vigueur dans les faits pour les deux tiers des métiers listés dans le document qui nous a été remis.

Nous devons, à l'évidence, donner un coup de pouce dans le bon sens. Et si l'UAPG fait une recommandation, je ne vois pas pourquoi l'Etat ne pourrait pas aller dans le même sens, cela d'autant que l'évolution essentielle dans ce domaine date de la modification du code des obligations, en 1984, où une semaine de vacances supplémentaire a été accordée aux apprentis. En principe, ils sont tous censés avoir cinq semaines de vacances. Or, c'est seulement près de dix ans après cette modification du CO que l'UAPG a émis une recommandation, adaptant sa recommandation précédente à la modification du code des obligations. La recommandation de l'UAPG date de 1993, soit neuf ans après la modification légale. Vous ne me direz donc pas que le secteur est dynamique et la question en pleine évolution, puisqu'il faut pratiquement dix ans à l'UAPG pour adapter ses recommandations, qui ne sont du reste pas appliquées !

Il me semble donc tout à fait clair qu'il faut mettre un bâton dans la fourmilière en la matière.

La présidente. Je voudrais faire une remarque, si vous permettez, Monsieur le rapporteur de minorité ! Je vous laisserai terminer dans un instant, mais je souhaite arrêter les débats à 19 h, étant donné que nous devons reprendre la séance suivante à 20 h 30 pour traiter le point concernant la commission interparlementaire Vaud-Genève. Je vous prie donc de bien vouloir être concis dans vos interventions, d'autant plus que tout le monde, il me semble, a bien compris le rapport. Le traitement de la pétition, je le rappelle, se fait en commission et non en plénière ! En plénière, on discute le rapport. Continuez, Monsieur !

M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité. Absolument, Madame ! En plénière, on discute les rapports et on débat sur les propos des uns et des autres.

La présidente. Oui, mais on ne refait pas tout le travail de la commission !

M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité. Madame la présidente, je n'ai pas eu le plaisir d'entendre M. Annen en commission sur cet objet, pas plus que M. Vaucher, pour la bonne raison qu'ils n'en font pas partie... Il est donc assez logique que nous puissions échanger quelques arguments, puisque nous sommes cent dans cette enceinte et quinze seulement en commission !

La présidente. Oui, mais je vous demande de bien vouloir être concis !

M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité. Il y a peut-être une demi-heure que nous discutons de cet objet, mais il le mérite. Après cinq ans d'attente, il serait tout de même un peu saumâtre d'écourter le débat, sous prétexte que les uns et les autres sont pressés d'aller souper ! J'arrête mon intervention pour l'instant, mais je me réserve, Madame la présidente, de reprendre la parole sur cet objet.

La présidente. Ce n'est pas que nous devons aller souper, mais à 20 h 30 précises, par courtoisie pour les députés vaudois notamment, j'aimerais pouvoir commencer le débat sur le réseau hospitalo-universitaire ! Si vous pensez que c'est pour aller souper, je suis assez navrée que vous interprétiez mes propos ainsi !

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse de majorité. Rassurez-vous, Madame la présidente, je ne serai pas aussi longue que mon préopinant.

J'ose espérer que les conditions d'apprentissage tellement dramatiques à l'époque où M. Vanek l'a fait - à tel point qu'il semble en avoir gardé quelques séquelles... - sont devenues nettement meilleures suite aux accords intervenus entre les partenaires sociaux, le DIP et toutes personnes impliquées dans la formation des apprentis !

Vous avez parlé de brutalité de transition entre l'école et l'apprentissage - peu importe que ce soit M. Thiébaut ou vous. Moi, je constate que certains élèves en «ont marre» de l'école et qu'ils ont envie de rentrer dans le monde du travail. Ces jeunes connaissent le nombre de semaines de vacances qui leur sont octroyées dans ces milieux ainsi que les conditions de travail : ils ne se font pas d'illusions. Contrairement aux jeunes qui poursuivent des études, parce que papa et maman le désirent et pour lesquels une année de plus ne change rien, les jeunes qui rentrent en apprentissage savent bien souvent «ce qu'ils se veulent» et ils choisissent leur apprentissage en toute connaissance de cause.

La seule chose qui me préoccupe - je l'ai déjà dit précédemment et je suis contente d'avoir entendu Mme Fabienne Blanc-Kühn aller dans le même sens - c'est la qualité de l'encadrement. Mais ce n'est pas le sujet qui est traité dans cette pétition. C'est la raison pour laquelle je vous recommande son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vais essayer de respecter votre horaire impératif.

Tout d'abord, je tiens à vous dire que je suis d'accord avec la remarque de Mme Blanc-Kühn. En effet, placer aujourd'hui ce débat sur la durée des vacances des apprentis pour valoriser l'apprentissage, me paraît quelque peu déplacé. Ce n'est pas que vous n'ayez pas de sens social en souhaitant qu'ils aient davantage de vacances, mais les problèmes liés à l'apprentissage sont d'une autre nature. Vous avez évoqué les dures journées des apprentis et le temps qu'il leur faut pour faire leurs devoirs. Je suis donc d'autant plus étonnée que vous envisagiez très sérieusement de rajouter, sans autre, trois semaines de vacances supplémentaires sans vous demander si la qualité de la formation, sur le terrain ou à l'école, n'en souffrirait pas.

Pourtant, il me paraît évident que l'avenir de l'apprentissage et de ses apprentis réside dans notre capacité à améliorer encore leur formation, particulièrement sur le plan de la culture générale, et non en leur diminuant les heures de formation.

Il est certes très séduisant de dire qu'il faut une égalité de traitement pour tous : étudiants, apprentis : même combat ! Excusez-moi, mais le problème est la formation, et nous devons nous en soucier. Si je venais aujourd'hui vous proposer une semaine supplémentaire pour les étudiants, j'imagine que certains d'entre vous se lèveraient aussi sec pour m'accuser de démanteler la formation...

Par ailleurs, la notion de partenaires sociaux a un sens. Et même si les choses n'avancent pas aussi vite que certains le souhaitent, il me paraît inadéquat que l'Etat se fasse le prescripteur de ce que les partenaires sociaux doivent mettre sur pied. Comme vous pouvez le voir, l'employeur Etat et d'autres employeurs, à commencer par le secteur des services, prévoient davantage de semaines que la loi n'en fixe pour les apprentis. Mais ce qui est prévu l'est d'entente entre employeurs et employés, sur la base d'un système de formation organisé.

Je vous demande donc instamment de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. En effet, sous prétexte d'égalité - mal placée en l'occurrence - vous êtes en train de porter atteinte à un système de formation qui, pour fonctionner, a besoin de l'accord de ses différents acteurs.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je serai très très bref !

Madame la présidente, soit... J'ai failli être mal poli, je vais reformuler ma pensée ! Dire que trois semaines de vacances supplémentaires pour les apprentis péjoreraient leur formation est, à mon avis, soit la démonstration de votre part d'une méconnaissance, assez forte, du domaine de l'apprentissage soit de votre parfaite mauvaise foi. Pour moi, c'est une question de justice élémentaire qui va dans le sens - partiellement, bien sûr - d'une amélioration de la formation des apprentis et d'une revalorisation de l'apprentissage. Je suis assez scandalisé par les propos que j'ai entendus ce soir sur les bancs de la droite !

Je suis heureux que le débat ait été recentré, car il ne s'agit en effet pas de savoir si on peut ou non voter cette pétition. La question de fond est la suivante : doit-on accorder des vacances supplémentaires aux apprentis, oui ou non ? Mme Brunschwig Graf, conseillère d'Etat libérale, vient de nous dire un non sec et sonnant. C'est sur cette question que nous devons voter maintenant. Faisons-le si vous êtes vraiment pressés de conclure ce débat pour aller souper !

La présidente. Nous apprécierons votre conclusion, mais je mets malgré tout aux voix la conclusion du rapport de minorité, qui n'est pas d'aller souper mais de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat ! Celles et ceux qui sont d'accord avec le rapport de minorité sont priés de lever la main.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mises aux voix, les conclusions du rapport de minorité de la commission de l'enseignement et de l'éducation (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont rejetées par 38 oui.

La présidente. Je mets aux voix la proposition de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Celles et ceux qui y sont favorables voudront bien lever la main.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 45 oui.

 

La séance est levée à 19 h.