République et canton de Genève

Grand Conseil

R 341
14. Proposition de résolution de Mmes et MM. Michel Balestra, Marie-Françoise de Tassigny, Fabienne Blanc-Kühn, Laurent Moutinot, Nicolas Brunschwig, Jean-Claude Vaudroz, Alain-Dominique Mauris, Yvonne Humbert, Armand Lombard, Claude Basset et Pierre-François Unger concernant la modification de la loi fédérale sur l'aviation et la desserte de l'aéroport international de Genève. ( )R341

LE GRAND CONSEIL,

- vu la décision de Swissair, du 3 avril 1996, entrée en vigueur le27 octobre 1996;

- attendu que

- les activités économiques et touristiques de la Suisse romande et les emplois qui en découlent;

- le maintien des équilibres régionaux, nécessaires à la cohésion de notre pays;

- la présence des organisations internationales, que le Conseil fédéral déclare être un aspect essentiel de la politique étrangère de la Suisse,

 impliquent que l'aéroport international de Genève puisse continuer à bénéficier de la meilleure desserte aérienne possible par des vols directs européens et intercontinentaux;

- vu le message du Conseil fédéral, du 28 mai 1997, concernant la modification de la loi sur l'aviation,

invite les autorités fédérales compétentes

A adopter dans les meilleurs délais, et sur la base du projet du Conseil fédéral, une législation supprimant tout monopole et mettant en place une politique aéronautique ouverte et dynamique.

A compléter ou modifier le texte proposé dans le sens suivant:

a) assurer les conditions d'une desserte équilibrée des aéroports, ce qui constitue un des objectifs de la politique aéronautique suisse:

- par une répartition adéquate de l'ensemble des concessions de routes (vols de lignes) entre les aéroports;

- par l'introduction de la «désignation multiple» de compagnies aériennes dans tous les accords aériens qui ne la prévoient pas encore;

b) renoncer à l'exigence de la majorité suisse pour le capital actions d'une compagnie suisse;

c) renoncer au contrôle des tarifs aériens, tout en maintenant de hautes exigences en matière de sécurité;

d) réduire la durée des dispositions transitoires à cinq ans au maximum, les droits découlant des concessions existantes demeurant durant ce délai, pour autant qu'ils soient effectivement exercés, et devenant immédiatement caducs s'ils ne le sont plus.

Débat

M. Michel Balestra (L), rapporteur. Je suis chargé par la commission de l'économie de vous faire, ce soir, un rapport oral sur nos travaux concernant ce projet de résolution, initialement proposé par le groupe radical.

En commission de l'économie, nous avons recherché le consensus le plus large possible sur cette résolution, afin de donner à l'aéroport intercontinental de Cointrin toutes les chances de développer son activité et les emplois afférents.

Le Conseil d'Etat avait déjà grandement oeuvré avec l'administration et les autorités fédérales pour obtenir les bases légales nécessaires au développement du concept de libéralisation «Open Sky». Des conseillers nationaux et aux Etats ont également travaillé dans ce sens.

Ensuite, les radicaux genevois ont eu l'excellente idée de nous présenter leur résolution, laquelle n'atteignait toutefois pas la totalité des objectifs que nous souhaitions.

C'est pourquoi la résolution 341, que vous avez reçue sur vos tables, a été rédigée dans le cadre de la commission de l'économie.

Un large consensus a été obtenu. A l'exception de l'Alliance de gauche, tous les groupes ont accepté cette résolution. Seuls deux points ont été votés à une majorité moins confortable. Les voici :

- l'invite 2, lettre b) : «renoncer à l'exigence de la majorité suisse pour le capital actions d'une compagnie suisse». La majorité de la commission a décidé de garder cette disposition, parce qu'à l'aube du troisième millénaire elle ne jugeait plus défendable l'idée qu'une entreprise, pour être suisse, devait avoir un actionnariat qui le soit aussi dans sa majorité.

- l'invite 2, lettre c) : «renoncer au contrôle des tarifs aériens, tout en maintenant de hautes exigences en matière de sécurité». La majorité de la commission a estimé que si les conditions nécessaires à une sécurité optimale, notamment l'entretien conforme des appareils, doivent être garanties, la liberté commerciale des opérateurs sur le marché romand, sous réserve de cette contrainte de sécurité, doit être la plus large possible. Les exemples de Gulf Air et de la ligne très bon marché que voulait exploiter Virgin Express, entre Genève et Bruxelles, nous édifient sur la dérive monopolistique de l'OFAC. La politique des prix ne doit, en aucun cas, permettre de développer des arguties pour protéger le marché au moyen d'un contrôle protectionniste des prix des concurrents. Si les exploitants des lignes aériennes, clients de l'aéroport de Genève, veulent prendre des parts significatives du marché régional, ils doivent être libres de développer un marketing agressif.

Conscients de l'urgence du problème posé, tous les groupes, sauf celui de l'Alliance de gauche, ont voté cette résolution. Je vous propose donc d'appuyer la majorité de la commission de l'économie.

L'Alliance de gauche s'est abstenue. Je lui demande, ce soir, de se prononcer comme nous.

Tout à l'heure, nous voterons la résolution de l'Alliance de gauche sur le maintien du contrôle aérien à Genève. Ce maintien aurait-il encore un sens si nous ne nous battions pas pour celui d'un trafic aérien à Genève ? Il est des sujets propices à un moratoire politique et, dans l'intérêt général, je souhaite que cette résolution soit adoptée à l'unanimité de ce Grand Conseil. Je vous en remercie.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Les radicaux se réjouissent d'avoir été les initiateurs d'une résolution capitale pour l'avenir de Cointrin.

Même si la commission de l'économie a sensiblement changé son style, elle reprend les objectifs qui ont prévalu dans la démarche du parti radical, c'est-à-dire défendre les intérêts de la Suisse occidentale et les intérêts des organisations internationales, en matière de communications aériennes depuis Genève.

Le groupe radical se réjouit de pouvoir compter sur une grande majorité de députés pour adopter cette résolution qui, relayée par d'autres cantons romands, fera écho à Berne.

Néanmoins, il veillera attentivement à la destinée de cette résolution dans les premiers mois d'automne, afin de s'assurer de la prise en compte de ses principes. A défaut, il reprendra le flambeau et traitera à nouveau de ce dossier.

De plus, le groupe radical soutient l'amendement de son collègue, John Dupraz.

La présidente. Cet amendement, qui a été déposé sur vos tables, consiste à remplacer «Suisse romande» par «Suisse occidentale» dans le premier attendu.

M. Claude Blanc (PDC). Nous soutiendrons évidemment l'amendement de M. John Dupraz. Ainsi, il restera quelque chose du projet radical... (Rires.) ...qui ne pouvait pas voler, puisqu'il lui manquait deux ailes ! (Rires.)

M. John Dupraz (R). Mon ami Blanc est bien gentil, mais cet amendement est important, en dépit de son aspect anodin. Il l'est pour la raison suivante :

Quand on parle de Suisse romande, on fait allusion à une région linguistique. Or l'économie ne connaît pas les régions linguistiques. Les habitants du canton du Jura se sentent concernés, en tant que passagers, par les aéroports de Bâle-Mulhouse et de Kloten. En revanche, ceux du canton de Berne s'intéressent à l'aéroport de Cointrin.

C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement qui, à Berne, aura sa pleine connotation. Le choix des termes «Suisse occidentale» a beaucoup d'importance, contrairement à ce que croit M. Blanc qui n'a jamais compris un seul mot de la langue de Goethe. (Rires.)

La présidente. Sicher, sicher...

M. Christian Grobet (AdG). J'inviterais Mme de Tassigny à plus de modestie, car parler d'une résolution qui serait capitale pour Genève...

En fait, c'est une demande adressée à l'autorité fédérale, et nous verrons bien ce qu'il en adviendra.

Nous ne voterons pas cette résolution, je tiens à le dire. Je suis navré, Monsieur Balestra, mais vous ne parviendrez pas, au nom d'un appel à l'unanimité au vu de circonstances spéciales, à nous rallier à vos thèses libérales de déréglementation.

Nous savons ce que la déréglementation, dans le domaine aéronautique, a produit aux Etats-Unis. Elle est en train de s'étendre en Europe et causera de véritables cataclysmes dans les compagnies d'aviation européennes.

C'est s'illusionner de penser qu'une liberté totale de concurrence sauvera les compagnies existantes, notamment Swissair.

Que l'on ne se méprenne pas ! La façon dont Swissair a pris ses décisions ne nous satisfait pas, pas plus que ses agissements vis-à-vis de Genève, même si on pouvait s'attendre à ce qui s'est passé et que l'on ne s'est pas préoccupé de trouver une alternative.

Il n'empêche que nous ne sommes pas pour la mort de Swissair, Monsieur Balestra. Nous la savons en péril aujourd'hui, face à la concurrence internationale, et nous ne sommes pas d'accord de brader une compagnie qui demeure importante à nos yeux.

Nous constatons que toutes ces fusions et déréglementations que vous préconisez provoquent des suppressions massives d'emplois en Suisse et dans les autres pays européens. La population a déjà compris que votre modèle économique conduit, précisément, à la perte de notre économie, et qu'il faut instituer d'autres règles pour protéger les emplois existants et en créer de nouveaux.

Dans le cadre d'une réglementation judicieuse du trafic aérien en Suisse, nous pourrions poser certaines exigences ou, du moins, demander à l'autorité fédérale de poser les siennes à Swissair. Dans le cadre de ce monopole que vous décriez, il serait possible de passer par l'autorité fédérale pour que Swissair offre des compensations, notamment dans le domaine régional, ainsi que l'octroi prioritaire de nouveaux droits d'accueil de vols provenant d'Europe et de la région méditerranéenne.

Vous voulez, au contraire, supprimer la réglementation, comme si cela pouvait résoudre nos problèmes ! Depuis le temps que nous parlons de la cinquième liberté, seule une liaison aérienne a été mise en place avec Gulf Air, ce qui m'amène à poser cette question au Conseil d'Etat :

Nous avons été informés que cette liaison négociée avec Gulf Air a donné lieu à une contrepartie au profit de cette compagnie. Cette contrepartie, accordée par votre département ou le Conseil d'Etat, a-t-elle été maintenue après que Gulf Air a décidé, trois mois plus tard, d'interrompre ses liaisons aériennes ?

M. Pierre Meyll (AdG). J'avais fait remarquer, en commission de l'économie, que le point de l'invite 2, lettre b), était douteux, puisqu'il demandait de «renoncer à l'exigence de la majorité suisse pour le capital actions d'une compagnie suisse». Il semble contredire les recommandations de la Chambre genevoise de commerce et de l'industrie. Ces dames et messieurs de la droite seraient bien inspirés de faire leur choix !

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je vous remercie de me donner la parole, Madame la présidente, mais je pense que mon collègue Nissim interviendra à ma place.

M. Chaïm Nissim (Ve). Dans les débats sur les transports aériens, les Verts ont toujours insisté lourdement sur l'encouragement aux transports intercontinentaux, c'est-à-dire les long-courriers, mais aussi sur le transfert modal vers le train en ce qui concerne les distances franchies par les court-courriers.

Cette résolution ne mentionne pas cette distinction fort importante à nos yeux.

C'est pourquoi nous proposons d'amender la fin du premier attendu en remplaçant les termes «des vols directs européens et intercontinentaux» par «des vols directs long-courriers».

Nous vous proposons un deuxième amendement consistant à supprimer la lettre c) de la deuxième invite.

En effet, si nous renonçons à tout contrôle des tarifs aériens, ceux-ci baisseront automatiquement. Or, nous ne le voulons pas, car nous entendons favoriser le transfert modal vers le train. A notre avis, les tarifs des court-courriers devraient même être augmentés.

M. Michel Balestra (L), rapporteur. Notre parlement n'a eu aucune influence sur la décision interne prise par Swissair en termes de stratégie d'entreprise.

Swissair a déterminé qu'elle était une compagnie privée qui entendait adopter une nouvelle stratégie. Ses dirigeants ont affirmé qu'elle ne pouvait plus, dans les conditions actuelles du marché et en dépit d'une confortable situation de monopole, remplir un rôle de compagnie nationale avec une desserte équilibrée. C'est leur choix. Je souhaite qu'il soit bon, bien que j'aie quelques doutes.

L'avenir de l'aéroport intercontinental de Genève-Cointrin, comme l'avenir économique de la Romandie, sont beaucoup trop importants pour que nous permettions qu'ils soient conditionnés par la stratégie interne d'une compagnie aérienne privée.

Cette situation ne nous plaît pas, et il faut intervenir. Les Genevois l'attendent de nous, et je regrette que nous n'approuvions pas cette résolution à l'unanimité.

M. John Dupraz (R). Je souscris pleinement aux propos du rapporteur.

M. Grobet dit que le but de cette résolution est de brader Swissair. Loin de nous cette intention ! Personnellement, je souhaite longue vie à Swissair.

Dans cette affaire, il faut distinguer l'agresseur de l'agressé. Swissair ayant laissé tomber Genève, nous recherchons des moyens de substitution et de complémentarité avec les compagnies qui viennent déjà chez nous.

Je trouve navrant que M. Grobet, ardent défenseur de la place de Genève à Berne, ne se rende pas compte de l'hégémonie économique zurichoise. Elle s'est exprimée dans le cadre des débats sur les NLFA. Certains disaient qu'il fallait le Gothard, le seul pôle économique valable de Suisse étant Zurich, et que le reste du pays ne comptait pas. Nous avons entendu plusieurs fois ce type de discours.

Or nous disons que Genève et sa région - le reste de la Suisse occidentale et la France voisine - ont un rôle économique à jouer. De par la spécificité de cette région et la vocation internationale de Genève, un aéroport les desservant au niveau intercontinental est indispensable.

Je regrette, Monsieur Grobet, que vous ne vouliez pas le comprendre. Encore une fois, l'objectif n'est pas une libéralisation à tous crins, mais la recherche de moyens de substitution.

Swissair nous ayant laissé tomber, il nous faut réagir. Je ne vois pas d'autre solution que cette résolution.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je suis surpris de l'intervention de M. Grobet qui, en matière de realpolitik, est un maître dans tous les sens du terme.

Certes, nous pouvons regretter la façon dont le trafic aérien s'organise, au plan international, mais notre petit parlement et notre petite cité auraient bien de la peine à influer sur ce qui se passe aux Etats-Unis et en Europe, dans la branche des transports aériens.

Soyons réalistes, Monsieur Grobet ! Compte tenu du nombre important des multinationales domiciliées à Genève, compte tenu aussi des organisations internationales, gouvernementales ou non, siégeant dans le canton, nous devons conserver un aéroport compétitif, doté d'un réseau de liaisons intercontinentales.

Vous dites vouloir soutenir Swissair, si j'ai bien compris. Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir. Swissair laisse tomber Genève et supprime des liaisons intercontinentales. Certaines sociétés internationales seraient revenues sur leur décision de s'installer à Genève si elles avaient été au courant de la politique de Swissair, laquelle freine considérablement le développement économique de notre canton.

Par voie de conséquence, et même si je doute de vous convaincre, je dis que nous devons tous voter ce projet de résolution des deux mains.

Monsieur Grobet, je m'étonne de votre attitude à l'égard de cette résolution, car vous avez le souci, comme nous, de la défense de Genève.

Monsieur Nissim, il faut s'exprimer sur un sujet donné en temps voulu. Je veux bien que vous arguiez du train, que nous aimons tous, à propos d'une résolution sur l'aéroport, mais tout de même ! Souhaiter renforcer l'aéroport en expliquant qu'il faut prendre le train et augmenter les tarifs aériens procède d'un raisonnement bien trop subtil pour mon esprit embrumé au terme de cette journée.

De grâce, votez cette résolution qui soutient notre aéroport et fera qu'il sera rendu plus compétitif par nos autorités fédérales, mais ne plaidez pas pour le développement du train ce soir ! Nous ferons ultérieurement une résolution pour Cornavin. Pour l'instant, Swissair n'a pas dit qu'elle allait quitter Cornavin, elle y conservera ses guichets. Vous voilà rassuré, j'espère !

Appelons un chat, un chat. Votons cette résolution radicale même si un radical ne s'y retrouve pas ! Votons-la sans les amendements du groupe écologiste et, si possible, de manière unanime, parce que dans l'intérêt de ce canton, nous devons donner un signal politique fort à nos autorités fédérales, nonobstant les clivages politiques qui nous divisent !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Fontanet, je vous remercie de vos aimables compliments, mais je ne sais si je dois les prendre pour argent comptant. Ce sont, sans doute, des circonstances particulières qui vous amènent à penser que nous sommes des défenseurs de la realpolitik. Certes, nous croyons l'être, car la realpolitik consiste, pour nous, à ne pas entretenir des illusions, mais à proposer des solutions qui permettront à l'aéroport de Genève de continuer à jouer un rôle prépondérant.

Plutôt qu'entretenir l'illusion de la reprise de nombreux vols intercontinentaux à Genève, mieux vaudrait suivre la voie empruntée par des aéroports de villes de taille similaire, à savoir miser sur l'excellence de dessertes avec les pays d'Europe et méditerranéens.

Il ne s'agit pas, comme vous l'avez dit, de soutenir Swissair, quoique nous souhaitions son maintien et son développement, mais d'utiliser l'arsenal juridique à disposition pour lui poser nos exigences et non lui offrir des conditions dont elle pourra prétexter pour se dégager davantage de notre aéroport. Il ne faudrait pas oublier que cette compagnie assure encore 40% de notre trafic aérien.

Ce débat est quasiment philosophique. Vous êtes convaincu que, par le biais de la libéralisation, nous parviendrons à maintenir notre tissu économique. Nous pensons, au contraire, que ces mesures libérales contribueront à le détruire.

Je me range souvent à votre avis, Monsieur Dupraz, surtout à Berne. Vous me direz que ce n'est pas difficile, vu le conservatisme ambiant du Parlement fédéral, mais là, je ne vous suis vraiment plus. Certes, comme l'a dit M. Fontanet, vous êtes très vif à défendre les intérêts agricoles. Vous avez un discours assez anti-libéralisant en la matière, et vous avez eu des propos très durs, propos que nous n'avons nous-mêmes pas tenus, à l'égard du GATT et de l'OMC. Alors tâchez, Monsieur Dupraz, d'être cohérent dans vos raisonnements économiques !

M. Max Schneider (Ve). Le groupe écologiste acceptera votre résolution si vous soutenez ses amendements.

Pour les appuyer, je porte à votre connaissance la teneur du message qui nous a été transmis, à Chambéry, par M. Barnier, l'ex-ministre français. Il a parlé de cet espace métropolitain que constituent les Alpes du Nord, et du dynamisme exceptionnel de cette région qui, à l'instar de la Haute-Savoie et de l'Ain, compte sur l'aéroport de Genève pour son développement.

Un million et demi d'habitants demeurent dans cet espace, auxquels il faut ajouter les nouveaux arrivants : quinze à vingt mille chaque année. Sept cent mille emplois sont concernés.

Voilà pourquoi les écologistes soutiendront cette résolution si vous acceptez leurs amendements.

J'attire l'attention de M. Fontanet sur le fait que M. Barnier a également soutenu le rail. Pour les courtes distances, il a préconisé des liaisons ferroviaires régionales. Celles-ci manquent entre Chambéry et Cointrin et également à destination d'Evian et de Chamonix. Ces liaisons ferroviaires doivent donc être développées; M. Chaïm Nissim a eu raison de le dire.

Il en va de même pour les liaisons de moins de 500 kilomètres. Il faut absolument promouvoir le rail, d'où nos amendements. Il est clair que nous n'irons pas à New York en train, Monsieur Fontanet !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Je serai bref, vu mon extinction de voix.

Le débat instauré est regrettable par rapport à celui qui s'est déroulé en commission de l'économie. Je remercie cette dernière d'avoir délibéré rapidement, quoiqu'en profondeur, sur le texte que le Conseil d'Etat lui avait soumis en vue d'un consensus au parlement.

Je remercie également le parti radical d'avoir bien voulu retirer son texte qui, techniquement, n'était pas praticable, même si les intentions qui l'animaient sont celles développées dans le présent débat.

Monsieur Grobet, vous avez parlé de déréglementation à tous crins, de libéralisation sans frein, etc. Je ne sais si je reprends vos propres termes, mais c'était le sens de vos propos. Je vous invite à lire attentivement le projet de message du Conseil fédéral et le projet de loi modifiant la loi fédérale sur l'aviation qui, nous l'affirmons, va dans le bon sens - Genève n'y est pas pour rien ! - mais doit être renforcé. Et cette résolution y contribuera, si vous le voulez bien. Il ne s'agit pas d'envisager la liberté totale, comme vous l'avez dit. Cela n'a jamais été prétendu, parce qu'en matière de navigation aérienne, les accords interétatiques existants - un aspect omis dans la résolution radicale ! - conditionnent cette liberté, les intérêts des Etats étant négociés les uns par rapport aux autres.

Le combat mené par Genève est évidemment celui de la Suisse occidentale et de la région française voisine. Ce n'est pas un combat contre Swissair, partenaire important de l'aéroport.

Je vous rends attentif, Monsieur Grobet, à ne pas tomber dans un travers que vous avez très rarement, parce qu'il ne correspond pas à ce que vous êtes. Je veux parler du travers de la naïveté, de la recommandation béate.

Pensez-vous pouvoir demander à Swissair de revenir ici, simplement par gentillesse et parce qu'elle en est priée ? Cela ne tient pas ! Sachez qu'au vu de nos expériences - j'ai fourni cet exemple à la commission de l'économie du Grand Conseil - Swissair a déjà amorcé son retour en réintroduisant une ligne long-courrier qu'elle avait supprimée dans le cadre du concept de concentration, à Zurich, de tout son réseau de long-courriers, à l'exception de celui de New York. C'est la ligne sur Tel-Aviv. Pourquoi ? Parce que nous avons eu la possibilité de faire jouer la concurrence. Je m'explique.

Sur le marché à destination de Tel-Aviv, la compagnie d'aviation israélienne El Al, qui dessert Genève en direction de Tel-Aviv, a considéré le retrait de Swissair comme un marché à prendre. Par conséquent, elle a cherché à engager de nouvelles négociations pour obtenir des droits de trafic supplémentaires. Les négociations ont eu lieu entre la Suisse et Israël. Nous le savons, les aéroports participant aux négociations. L'instruction très précise a été donnée quant à notre volonté d'obtenir, pour El Al, ces droits de trafic supplémentaires. J'avais évidemment l'intention de placer Swissair en face d'une alternative très concrète : ou elle achevait de perdre un marché, ce qui n'était pas dans notre intérêt; ou elle décidait de revenir. El Al a démontré qu'elle pouvait assumer ce marché, et Swissair s'est ainsi trouvée en situation de concurrence, fait inhabituel pour elle.

Résultat des courses : à partir de l'horaire d'été, Swissair reprendra le service sur Tel-Aviv, au départ de Genève. Nous avons obtenu ce résultat en mettant Swissair en concurrence avec El Al. A défaut de cette stimulante confrontation, nous aurions échoué.

Cette proposition de révision de la loi fédérale sur l'aviation correspond exactement à ce que nous voulons renforcer.

Monsieur Grobet, vous m'avez interrogé sur Gulf Air. A ma connaissance, il n'y a jamais eu de contrepartie. Je connais bien cette affaire pour l'avoir négociée. S'il m'est permis d'exprimer un regret, c'est celui que la Confédération n'ait pas accepté plus vite les propositions que j'avais faites au début des négociations. Elle ne les a agréées que huit mois après, mais c'était trop tard pour Gulf Air. Si, au cours de l'été dernier, la Confédération avait accepté ce que je lui proposais, nous aurions toujours Gulf Air à Genève. Je pense que cette compagnie reviendra, mais pas avant qu'elle n'ait digéré un certain nombre de difficultés d'ordre financier.

Au-delà des divergences d'approche des partis, somme toute naturelles, un fait me désole à Genève : c'est notre peine à nous unir quand l'enjeu se situe véritablement au-dessus des partis, aussi respectables soient-ils.

Je m'adresse aux Verts. M. Hiler, qui représentait votre groupe à la commission de l'économie, a parfaitement compris les enjeux, et son attitude, lors de notre discussion, fut extrêmement constructive. Je suis convaincu que vous aurez la même.

Vous voulez amender un considérant en distinguant le court, le moyen et le long-courrier. Votre distinction, bien que pertinente, n'est pas opportune en l'occurrence, le considérant en question ne l'évoquant pas.

Il faut laisser le texte tel quel, parce que notre réseau comporte plusieurs vols européens qui sont des long-courriers non intercontinentaux. Entre les vols intercontinentaux et les vols européens moyen et long-courriers, la symbiose est considérable, les uns servant de réseau d'apport aux autres.

Votre amendement, s'il était adopté, laisserait entendre que nous sous-estimerions le réseau européen. Ce serait une erreur stratégique fondamentale, parce que vous ne pouvez pas avoir un réseau de long-courriers si vous n'avez pas un réseau d'alimentation sur votre propre continent.

C'est la raison pour laquelle votre amendement ne doit pas être adopté. D'ailleurs, M. Hiler avait parfaitement admis les considérants de la résolution en commission.

L'effort demandé n'est pas important et, pourtant, il renforcera l'unité de Genève dans un combat vital pour elle et sa région. Par conséquent, je regrette infiniment le refus de l'Alliance de gauche. Que ses membres aient au moins l'intelligence politique de s'abstenir; nous savons qu'ils n'en sont pas dépourvus. Si des votes négatifs étaient émis à l'encontre de cette résolution, ils seraient utilisés par celles et ceux qui n'ont aucune raison de favoriser Genève. Je veux parler, notamment, des tenants de la pensée unique zurichoise qui, j'en suis certain, n'est pas votre tasse de thé.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je voudrais juste préciser quelque chose à M. Maitre qui semble bien fatigué. M. Hiler était absent à la commission, et c'est moi qui l'ai remplacé. Il n'a donc pas pu tenir les propos que M. Maitre lui prête. J'ai exprimé des réticences à l'égard de cette résolution que j'ai finalement votée, tout en conservant mes doutes.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Vous avez raison, Madame. J'ai fait une regrettable confusion. Ce que je retire des propos de M. Hiler résulte de nos discussions en dehors de la commission.

Je suis navré de ma méprise et vous remercie, Madame, de votre précision.

La présidente. Je donne la parole à M. le député Meyll, puis je passerai au vote. Les deux vice-présidents et moi-même sommes très fatigués, nous n'en pouvons plus. Nous sommes «out» ! Monsieur Meyll, vous serez le dernier à intervenir. Je vous prie d'être bref !

M. Pierre Meyll (AdG). Je le serai, Madame la présidente, dans la mesure où la majorité m'accordera son attention, puisque c'est à elle que je m'adresse. En effet, elle s'apprête à voter un texte qui contredit l'avis de la Chambre de commerce et de l'industrie.

Pour vous prouver la véracité de mes propos, je lis un extrait du bulletin de la Chambre de commerce et de l'industrie : «Nos observations faites pendant la consultation - les améliorations concernant notamment la question du contrôle, par des citoyens suisses, d'une entreprise avec siège en Suisse. Nous avons également noté qu'un certain nombre de questions délicates - notamment l'exigence, formulée dans l'avant-projet initial, pour des entreprises avec siège en Suisse d'être majoritairement en mains suisses - seront réglées selon le projet actuel par le Conseil fédéral. Le projet laisse également sur d'autres questions un pouvoir discrétionnaire considérable à l'administration. Ce transfert de compétences vers l'ordonnance, ainsi que vers l'administration, offrira plus de souplesse, mais moins de garanties. Or dans un monde d'aviation, caractérisé par la libéralisation et la mondialisation, le développement des aéroports suisses exige des règles, des jeux de transparence et de crédibilité.»

Il est clair que vous voterez a contrario, et je ne comprends pas votre insistance à vouloir conserver cette lettre b).

La présidente. Je mets aux voix les amendements proposés. Le premier proposé par M. John Dupraz consiste à remplacer les termes «Suisse romande» par «Suisse occidentale». Il se rapporte au premier alinéa du premier attendu :

«- les activités économiques et touristiques de la Suisse occidentale et les emplois qui en découlent;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

La présidente. Je mets aux voix le deuxième amendement proposé par les Verts. Il se rapporte au quatrième paragraphe du premier attendu et se lit comme suit :

«impliquent que l'aéroport international de Genève puisse continuer à bénéficier de la meilleure desserte aérienne possible par des vols directs long-courriers;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement de M. Pierre Meyll consistant à supprimer la lettre b) de la deuxième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement des Verts consistant à supprimer la lettre c) de la deuxième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette résolution ainsi amendée est adoptée et renvoyée aux Chambres fédérales.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

concernant la modification de la loi fédérale sur l'aviation et la desserte de l'aéroport international de Genève

LE GRAND CONSEIL,

- vu la décision de Swissair, du 3 avril 1996, entrée en vigueur le27 octobre 1996;

- attendu que

- les activités économiques et touristiques de la Suisse occidentale et les emplois qui en découlent;

- le maintien des équilibres régionaux, nécessaires à la cohésion de notre pays;

- la présence des organisations internationales, que le Conseil fédéral déclare être un aspect essentiel de la politique étrangère de la Suisse,

 impliquent que l'aéroport international de Genève puisse continuer à bénéficier de la meilleure desserte aérienne possible par des vols directs européens et intercontinentaux;

- vu le message du Conseil fédéral, du 28 mai 1997, concernant la modification de la loi sur l'aviation,

invite les autorités fédérales compétentes

A adopter dans les meilleurs délais, et sur la base du projet du Conseil fédéral, une législation supprimant tout monopole et mettant en place une politique aéronautique ouverte et dynamique.

A compléter ou modifier le texte proposé dans le sens suivant:

a) assurer les conditions d'une desserte équilibrée des aéroports, ce qui constitue un des objectifs de la politique aéronautique suisse:

- par une répartition adéquate de l'ensemble des concessions de routes (vols de lignes) entre les aéroports;

- par l'introduction de la «désignation multiple» de compagnies aériennes dans tous les accords aériens qui ne la prévoient pas encore;

b) renoncer à l'exigence de la majorité suisse pour le capital actions d'une compagnie suisse;

c) renoncer au contrôle des tarifs aériens, tout en maintenant de hautes exigences en matière de sécurité;

d) réduire la durée des dispositions transitoires à cinq ans au maximum, les droits découlant des concessions existantes demeurant durant ce délai, pour autant qu'ils soient effectivement exercés, et devenant immédiatement caducs s'ils ne le sont plus. 

M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, j'attire votre attention sur le point 48 de notre ordre du jour, à savoir l'initiative 109 qui doit impérativement être traitée avant le 23 juillet, faute de quoi elle sera considérée, sans autre, comme recevable, ce qui n'est pas l'avis de tout le monde.

La présidente. Si vous souhaitez que cette initiative soit traitée ce soir, nous suspendons nos travaux et nous les reprendrons à 20 h 30. Nous avons encore quatre objets à traiter et à voter.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. M. le député Blanc a tout à fait raison de rappeler le traitement de l'initiative 109. Je m'y étais préparé en fonction de nos délais constitutionnels. A teneur de l'article 68 de la constitution et de l'article 120 du règlement : «L'absence de décision du Grand Conseil dans le délai prescrit à l'alinéa 1 - neuf mois - vaut décision déclarant l'initiative valide.»

Excusez-moi de vous rappeler l'existence d'un rapport de minorité en raison de ce que nous savons. Par conséquent, je souhaite que cette initiative soit débattue ce soir, compte tenu de ces délais.

La présidente. Nous savons qu'un tel débat dure une heure et demie à deux heures.

M. Daniel Ducommun (R). Je n'interviens pas à propos de l'initiative 109, mais pour annoncer le retrait de notre proposition de résolution suivante :