République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1115-A
5. a) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Claire Chalut, Evelyne Strubin, Yves Zehfus, Pierre Vanek, Luc Gilly, Jean Spielmann, René Ecuyer et Liliane Johner concernant une politique dérogatoire du département des travaux publics et de l'énergie. ( -) M1115
Mémorial 1997 : Développée, 1373. Motion, 1420. Divers, 1427, 1974.
PL 7669
b) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat (B 1 12). ( )PL7669

La motion 1115, déposée le 4 février 1997, a été renvoyée au Conseil d'Etat amendée le 27 février 1997, dans la teneur suivante:

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

- à lui présenter un rapport sur la politique dérogatoire du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE);

- à présenter au Grand Conseil, lors de la prochaine séance au plus tard, la liste exhaustive de tous les mandats fournis à des tiers dès décembre 1981 à ce jour. Cette liste comprendra le but du mandat, la date du mandat, le nom de l'entreprise, les noms des signataires, la liste de tous les sous-traitants éventuels, le montant du mandat, la durée du mandat, un bref descriptif du résultat du mandat. L'ensemble des documents résultant des mandats sera mis à disposition du Grand Conseil. Devront être compris dans cette liste tous les mandats des rubriques budgétaires 318, honoraires et mandats à des tiers du compte de fonctionnement, ainsi que les études et mandats inscrits au compte d'investissement (par exemple: 51010050801, préétudes, 53010051871, réseau TPG, 54020050812 ?, 55100050808, barrage sur le Rhône, 55100050897, traversée de la rade);

- à faire rapport sur les questions suivantes:

1. Quel est le statut actuel du bureau de M. Joye et depuis quand ce statut a-t-il été mis en place?

2. Qui est le propriétaire économique des actions de la SA qui semble avoir été créée, notamment le propriétaire des actions confiées à titre fiduciaire, semble-t-il, à une tierce personne?

3. A-t-il signé d'autres lettres ou documents de son bureau que ceux publiés dans la presse ces dernières semaines?

4. Le bureau de M. Joye a-t-il bénéficié de travaux en sous-traitance d'autres bureaux d'architectes? Si oui, lesquels?

Le Conseil d'Etat répond comme suit:

Introduction

En date du 3 mars 1997, le Conseil d'Etat a chargé M. André Diego Schmidt, ancien juge à la Cour de justice, de rechercher et de rassembler les éléments de faits pour répondre à cette motion. Afin de permettre à M. Schmidt de travailler avec toute la liberté nécessaire, l'ensemble des collaborateurs du DTPE et du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR) (assainissement) ont été relevés du secret de fonction.

Sur la base des premiers constats de M. Schmidt, relevant l'ampleur de la tâche, le Conseil d'Etat a désigné pour le volet «mandats», le 17 mars 1997, M. Guy Chappuis, ancien directeur du budget de l'Etat de Genève.

En date du 24 avril 1997, le Conseil d'Etat, par son président, a tenu au courant le Grand Conseil de l'état des travaux menés par MM. Schmidt et Chappuis.

Le Conseil d'Etat entend reprendre les trois volets de la motion:

- la politique dérogatoire du DTPE;

- les mandats à des tiers fournis par le DTPE depuis 1981 à ce jour;

- le statut de l'ancien bureau de M. Philippe Joye au regard des règles se rapportant au régime des incompatibilités.

1. La politique dérogatoire du DTPE

a) Le Conseil d'Etat se réfère à cet égard au rapport de M. André Diego Schmidt du 12 mai 1997 (pages 3 à 5) ainsi qu'à son annexe 1. Par ailleurs, la note du 19 février 1997 (annexe 2 du rapport) de M. Denis Dufey, secrétaire général du DTPE, distribuée lors de la séance du Grand Conseil du 27 février 1997, vient compléter les investigations menées.

 Ayant examiné les dossiers signalés par la motion 1115, M. Schmidt conclut: «L'examen de ces cas ne permet pas de conclure que la politique du DTPE en matière d'autorisations de construire serait abusive.» (Rapport du 12 mai 1997, page 3.)

b) Les décisions rendues en 1996 et 1990 par la commission de recours en matière de construction ont également été analysées. Les constatations de M. Schmidt se trouvent à cet égard en pages 3 à 5 dudit rapport, ainsi que dans son annexe 3. M. Schmidt souligne: «Malgré cette contestation presque systématique de l'activité du DTPE, il n'apparaît pas, à la lecture de la jurisprudence de la commission de recours, que la pratique actuelle en matière d'autorisations de construire soit abusive: on le répète, la proportion des recours admis est restée stable et les motifs qui justifient ces décisions n'ont guère varié d'une ère à l'autre.» (Rapport, pages 4 et 5.)

c) Au demeurant, il convient de relever que le DTPE n'a fait qu'appliquer la politique de souplesse voulue par le Conseil d'Etat dès le début de la présente législature.

2. Les mandats à des tiers fournis par le DTPE depuis décembre 1981à ce jour

Le Conseil d'Etat se réfère à cet égard à la déclaration de son président lors de la séance du Grand Conseil du 24 avril dernier.

MM. André Diego Schmidt et Guy Chappuis ont travaillé à ce volet avec les différents collaborateurs du DTPE.

Dans un premier temps, les recherches ont porté:

- sur les mandats d'un montant supérieur à 5 000 F;

- sur les mandats des années 1993 et 1994, soit la dernière année de la précédente législature et la première de celle-ci.

Ce travail représente, uniquement pour ces deux années, deux classeurs fédéraux complets de fiches récapitulatives, dont l'établissement a nécessité plus de 650 heures de travail de la part des différents collaborateurs du DTPE, sans compter les heures consacrées par les deux mandataires mis en oeuvre par le Conseil d'Etat. Ces deux classeurs (annexe n° 13 du rapport de M. Schmidt) peuvent être consultés au secrétariat général de la chancellerie.

Ces documents devront ultérieurement être complétés par la consultation de pièces comptables.

Dans un courrier adressé au président du Conseil d'Etat le 15 avril 1997, M. André Diego Schmidt souligne: «Devant l'importance de ce travail, qui prend à mon avis des proportions déraisonnables, il me semble nécessaire que le Grand Conseil soit informé du travail déjà accompli et des difficultés de le poursuivre. Je suggère de mettre à sa disposition les fiches déjà établies et de l'inviter à préciser les mandats sur lesquels il désirerait obtenir des éclaircissements supplémentaires. Une démarche en ce sens se justifie d'autant plus que je suis convaincu que les auteurs de la motion 1115 n'étaient pas conscients que l'établissement d'une liste des mandats prendrait une telle ampleur.»

Par ailleurs, s'agissant des rubriques 318 (honoraires et prestations de tiers), de nombreuses dépenses ne sont manifestement pas en relation avec les préoccupations que le Grand Conseil a cherché à exprimer dans sa motion.

Ainsi que l'a relevé M. Jean-Philippe Maitre le 24 avril dernier, indépendamment des recherches qui ont d'ores et déjà été réalisées pour les années 1993 et 1994, le DTPE a été chargé, sous le contrôle de MM. Schmidt et Chappuis, de procéder à l'établissement de la liste des mandataires avec indication du chiffre d'affaires consolidé pour chaque mandataire, et cela depuis 1990.

Ce document constitue l'annexe 12 du rapport de M. Schmidt.

Nous considérons, sur la question des mandats, que des investigations complémentaires ne se justifient pas en l'état, eu égard notamment au temps déjà consacrés à celles effectuées jusqu'ici. Le Conseil d'Etat fournira d'autres précisions s'il y a lieu, dans la mesure où le Grand Conseil lui précisera les mandats sur lesquels il souhaite obtenir des éclaircissements supplémentaires.

3. Statut de l'ancien bureau de M. Philippe Joye au regard des règlesse rapportant au régime des incompatibilités

a) La question des incompatibilités s'est posée par rapport aux bureaux de M. Joye à Genève et Fribourg, par rapport à la société Schuler SA ainsi que dans le cadre de la Fondation universitaire pour le logement des étudiants (FULE).

 Les développements de M. Schmidt à cet égard se trouvent en pages 5 à 10 de son rapport.

 Par ailleurs, le Conseil d'Etat produit les avis de droit sollicités par M. Philippe Joye de Me Pierre Louis Manfrini, avocat, des 12 janvier, 2 mars et 18 avril 1994 (voir annexe 14), lesquels démontrent que, dès son élection, M. Joye s'est préoccupé d'être informé sur le contenu des injonctions constitutionnelles et légales sur les incompatibilités de fonction (art. 106 Cst et loi B 1 12 du 12 janvier 1963, art. 5 et 6).

En se fondant sur les dispositions précitées, Me Pierre Louis Manfrini est à juste titre parvenu à la conclusion qu'un conseiller d'Etat élu n'avait pas à se défaire de la propriété de son entreprise. En revanche, il ne pouvait pas y exercer d'activité au-delà du terme de 6 mois prescrit par les textes. Enfin, l'homme de loi précité a tenu à souligner: «La notion de relation d'affaires ne couvre, en revanche, pas l'exercice des démarches indispensables pour un bureau d'architecte auprès du département dont vous assumez maintenant la direction en vue d'obtenir des autorisations de construire pour des mandataires privés.» (Avis de droit du 12 janvier 1994, page 7, annexe 14.)

 Dès le printemps 1994, le Conseil d'Etat est intervenu à plusieurs reprises auprès de son collègue Philippe Joye afin que la succession du bureau soit réglée dans des délais brefs. Cependant, les problèmes complexes ont surgi en raison de la nature juridique du bureau en nom et des emplois qu'il convenait de ne pas sacrifier dans une situation économique et conjoncturelle difficile. Tout en comprenant le caractère légitime de cette préoccupation, le Conseil d'Etat n'a pas manqué d'insister pour que le nécessaire soit fait dans les délais les meilleurs possible.

 La motion 1115 évoque en outre le rôle de M. Joye en tant qu'administrateur de Schuler SA. Le Conseil d'Etat ignorait tout de cette société inscrite au registre du commerce de Fribourg, et dont M. Philippe Joye n'avait jamais parlé. Cette question est traitée par M. André Diego Schmidt en pages 8 et 9 de son rapport.

 Enfin, le projet de construction de la Fondation universitaire pour le logement des étudiants (FULE) a fait l'objet d'une interpellation urgente (IU 328) de M. Pierre Vanek, député, lors de la séance du Grand Conseil du 24 avril 1997, à laquelle le Conseil d'Etat a répondu en date du 25 avril 1997 (voir Mémorial du 24 avril 1997, tome 15, et du 25 avril 1997, tome 17). Pour le surplus, le Conseil d'Etat indique qu'il a renoncé à se porter acquéreur de la parcelle de Mme Marianne Clerc.

b) Sur la question des incompatibilités, les conclusions de M. André Diego Schmidt sont les suivantes:

«Dans ces conditions, je conclus que M. Joye, depuis son entrée au Conseil d'Etat, n'a plus travaillé dans (ou pour) son ancien bureau d'architecte ou pour des sociétés dans lesquelles il avait des intérêts. Faire des démarches pour remettre son entreprise ou ses participations à des tiers ne saurait évidemment être considéré comme une activité lucrative proscrite par la loi. Même si les démarches entreprises pour céder son bureau de Genève, pour se défaire de ses actions et pour démissionner du conseil d'administration de Schuler SA, ont pris du retard, M. Joye n'en a tiré aucun avantage, ni matériellement ni en raison de la position qu'il occupe au Conseil d'Etat. On a vu qu'au contraire l'obligation de se dégager de ces liens à un moment qui, en raison de la crise immobilière, était particulièrement mal choisi, a eu pour M. Joye des conséquences financières désastreuses. Il n'en reste pas moins que, formellement en tout cas, les règles relatives aux incompatibilités des fonctions de conseiller d'Etat n'ont pas été respectées, comme M. Joye l'a d'ailleurs admis lorsqu'il s'est expliqué devant le Grand Conseil à propos de la motion 1115.» (Rapport, page 10.)

c) Le Conseil d'Etat se détermine à ce propose comme suit:

- La remise du bureau d'architecte de M. Philippe Joye à Genève et à Fribourg est indubitablement intervenue après le délai de 6 mois prescrit par la loi. Les motifs qui sont à l'origine de ce retard sont connus. Le Conseil d'Etat souligne ici que, d'une part, M. Philippe Joye pouvait rester propriétaire de cette entreprise et que, d'autre part, il avait, selon M. André Schmidt, remis à des tiers tous ses pouvoirs de gestion et de représentation.

- En restant administrateur de Schuler SA - et sans que cela mette en cause sa probité - M. Joye n'a pas respecté l'article 6 de la loi citée plus haut. Cela est corroboré par la pièce 10 annexée au rapport de M. Schmidt, soit le procès-verbal de l'assemblée générale de Schuler SA du 17 octobre 1994, à laquelle M. Joye était présent, et où il est fait état de la reconduction de son mandat en tant qu'administrateur de ladite société.

- Par ailleurs, M. Joye a commis une maladresse, ainsi que le Conseil d'Etat l'a déjà relevé dans sa déclaration au Grand Conseil du 24 avril 1997, en cosignant, deux ans et demi après son entrée en fonction, une lettre de reprise de son bureau par l'associé qui en a aujourd'hui la responsabilité, avisant la clientèle et les relations d'affaires de cette reprise et souhaitant que la confiance témoignée soit reportée sur le successeur.

d) Confronté à cette situation, le Conseil d'Etat ne disposait d'aucun moyen juridique pour y remédier par une décision exécutoire. En effet, la loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat, du 12 janvier 1963 (B 1 12):

- décrit les fonctions publiques salariées. 2), les activités dépendantes rémunérées (art. 3), et les activités lucratives indépendantes (art. 4) qui sont incompatibles avec la charge de conseiller d'Etat;

- prescrit qu'un conseiller d'Etat, qui exeçait avant son élection une activité professionnelle indépendante, peut, à certaines conditions, demeurer propriétaire de son entreprise. 5);

- prescrit que les conseillers d'Etat ne peuvent exercer aucune fonction d'administrateur, de gérant ou de contrôleur d'une société commerciale ni appartenir aux organes d'administration, de gestion ou de contrôle d'une association, fondation ou société coopérative, sauf s'ils y sont délégués par les pouvoirs publics (art. 6);

 Ladite loi prescrit également, à son article 7, que les conseillers d'Etat doivent, dans les 6 mois qui suivent leur élection, renoncer à toute activité incompatible ci-dessus décrite.

 La loi est en revanche muette sur la façon de régler la situation au cas où l'activité incompatible perdurerait au-delà des 6 mois qui suivent la proclamation de l'élection. Elle ne dit rien non plus au cas où, par impossible, une telle incompatibilité surviendrait pour la première fois après le délai précité.

 C'est la raison pour laquelle il se justifie de compléter la loi sur les incompatibilités de fonctions des conseillers d'Etat en mettant en place le dispositif suivant:

- lorsqu'une incompatibilité persiste au-delà du délai de 6 mois prescrit à l'article 7 ou lorsqu'une telle incompatibilité prend naissance après ce délai, le Conseil d'Etat doit inviter le magistrat concerné à opter en lui impartissant à cet effet un délai de 8 jours;

- si le magistrat opte dans ce délai, la situation est réglée conformément à son choix;

- s'il ne le fait pas dans le délai prescrit, le magistrat concerné est réputé renoncer à sa fonction de conseiller d'Etat. Le cas échéant, une nouvelle élection est organisée conformément à l'article 109, alinéas 2 et 3, de la constitution genevoise.

Tels sont les motifs pour lesquels nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le projet de loi ci-après:

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat

(B 1 12)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat, du 12 janvier 1963, est modifiée comme suit:

Art. 8 (nouvelle teneur)

1 Lorsqu'une incompatibilité prévue par la présente loi persiste ou prend naissance au-delà de l'échéance prescrite à l'article 7, le Conseil d'Etat invite par écrit le magistrat concerné à opter dans un délai de 8 jours entre l'activité ou la fonction en cause et la charge de conseiller d'Etat.

2 A défaut, ce magistrat est censé renoncer à sa charge de conseiller d'Etat et une nouvelle élection est organisée conformément à l'article 109, alinéas 2 et 3, de la constitution.

lettre de M. D. Schmidt 12 mai 97

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Annexe 1: note concernant les dérogations évoquées dans la M 1115

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lettre du 14 sept. 95 de Philippe Joye

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lettre du 13 septembre 1995

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lettre de Mme Calmy-Rey du 8 août 1995

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plan d'ensemble 89772

extrait du plan cadastral 6B

bâtiment 2831 et 1007

plan 16804

Cavoitaine

pépinière 5995

plan d'ensemble 72

extrait cadastral 20 (Corsier)

aspect général du site

plan d'ensemble 33

extrait cadastral 8

champ céréales

plan d'ensemble 10

extrait cadastral 45

bâtiment à construire

DP 16969 Chêne-Bougeries

extrait cadastral 26

piscine gonflable

DD 93292 Cartigny

extrait cadastral 10

quatre vues

DD 93307 Bernex

extrait cadastral 15

quatre vues

DD 93493 Perly

extrait cadastral 7 Perly

quatre vues

DD 93320 Satigny

extrait cadastral 93320 Satigny

quatre vues

10775 Satigny

extrait cadastral Satigny

trois vues

DD 93384

extrait cadastral 93384 Céligny

trois vues

DD 93497 Jussy

plan

quatre vues

APA 11013 Jussy

extrait cadastral 43 Jussy

trois vues

plan d'ensemble 54

quatre vues

APA 10974

plan 5 Confignon

trois vues centrale alimentaire

DD 91317 Presinge

extrait cadastral 13

quatre vues

Annexe 2 rapport de M. Dufey du 19.2.97

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annexe extrait de PV

annexe 3 : liste de décisions

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annexe 4 : lettre d'intention

annexe 5 : circulaire Philippe Joye janvier 94

annexe 6 : circulaire D. Grenier/P. Joye de mai 1996

annexe 7 : lettre de D. Grenier du 11 mars 1997

annexe 8 : lettre de D. Grenier du 28 avril 1997

annexe 9 : registre du commerce fribourg

page 2

annexe 10 : PV des assemblées de Schuler SA de 94 à 97

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annexe 11 : lettre de Dufey du 28 avril 97

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annexe 12 : rapport et liste des mandataires du DTPE de 1990 à ce jour

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1 chiffre d'affaire

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routes nationales

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annexe 13

annexe 14 : avis de Me Manfrini sur les incompatibilités de fonction

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Etienne Blum, etc.

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Etienne Blum, etc.

2Premier débat

M. Pierre-François Unger (PDC). Le rapport du juge Schmidt, ses annexes, comme d'ailleurs le rapport du Conseil d'Etat sont clairs : la loi sur l'incompatibilité de fonctions n'a pas été respectée. Les conséquences en ont été tirées.

C'est la raison pour laquelle un projet de loi nous est proposé ce soir. La motion 1115 laissait planer un certain nombre de sous-entendus concernant la probité même de M. Philippe Joye. Là aussi, le rapport du juge Schmidt est on ne peut plus clair !

Dans un premier volet, des interrogations concernaient la politique dérogatoire du département. Le rapport a permis de confirmer que Philippe Joye n'a appliqué, en la matière, que la politique de souplesse et de flexibilité voulue par le gouvernement dans son ensemble.

Dans un deuxième volet, il était très clairement demandé si l'honnêteté de M. Joye pouvait être mise en cause dans une politique de mandats favorisant son ancien bureau d'architectes. Là encore, aucune constatation douteuse n'a été faite et M. Joye est lavé des soupçons qui auraient pu mettre en cause sa probité. Dès le premier débat de cette motion au Grand Conseil, le président du Conseil d'Etat, lui-même, avait d'ailleurs affirmé sa conviction quant à l'honnêteté de son collègue.

Qu'il me soit aussi permis de dire quelques mots concernant la politique que M. Joye a développée au département des travaux publics et de l'énergie.

Philippe Joye a su insuffler un nouvel état d'esprit, permettant d'établir, très rapidement - et Dieu sait que c'était important - un nouveau mode de contact entre les usagers et le département. Il s'est aussi immédiatement attelé à régler d'anciennes questions enterrées par son prédécesseur, et avec quelle conviction ! Je veux parler de la traversée de la rade, bien sûr, mais aussi du goulet de Chêne-Bourg et de bien d'autres dossiers.

A la rubrique des vieilleries à liquider, Philippe Joye a également dégoté à peu près cent cinquante objets dont son prédécesseur n'avait pas jugé bon de saisir le parlement par des projets de lois de bouclement. L'analyse de certains d'entre eux laisse apparaître un tel laisser-aller que l'on peut comprendre son manque d'empressement...

Dans la lutte pour l'emploi, la LDTR a fait l'objet d'une refonte significative avec l'accord des partenaires sociaux.

Des économies importantes, de l'ordre de 100 millions, ont été réalisées par la mise en place de systèmes de contrôle, tant des programmes que des soumissions.

Enfin, plusieurs projets d'importance seront soumis à notre consultation ces prochains jours : aménagement de la place des Nations, conception cantonale de l'énergie, plan directeur cantonal qui, pour la première fois, s'inscrit dans une perspective régionale, simplification des procédures.

Je l'ai dit en préambule, Mesdames et Messieurs les députés, la loi sur l'incompatibilité de fonctions n'a pas été respectée, c'est vrai, mais la vérité ne saurait se contenter d'une analyse en noir et blanc. L'être humain est complexe et une erreur ne saurait suffire à noircir l'ensemble des actes de celui qui a pu la commettre.

La présidente. Madame la secrétaire, je vous prie de bien vouloir lire la lettre de l'ASLOCA.

ANNEXE  : LETTRE DE L'ASLOCA

C 625

du 26.6. sur M 1115, lue en séance plénière

M. Jean Spielmann (AdG). Dans notre motion, l'AdG avait demandé un rapport au Conseil d'Etat sur la politique dérogatoire du département des travaux publics et de l'énergie. Nous avons également posé un certain nombre de questions sur les activités de M. Joye, en relation avec son bureau d'architectes. Ensuite, la motion a été complétée à la demande d'un certain nombre de personnes de ce parlement.

Bien entendu, nous n'aborderons pas la question des activités et l'ensemble des différents mandats confiés par le département des travaux publics. Je limiterai mon intervention aux questions que nous avons posées lors du dernier débat, tout en rappelant au passage que nous n'avons pas demandé au Conseil d'Etat de mandater une tierce personne pour répondre à sa place et éviter ainsi qu'il ne s'explique lui-même.

Lors de la dernière séance du Grand Conseil, M. Ramseyer m'avait privé d'une réponse à ma question urgente. Je lui avais demandé le nom de l'expert spécialiste, nommé dans l'affaire de l'avocat nigérien. Ce dernier n'a rien trouvé d'anormal à signaler, alors que M. Ramseyer avait pris la peine d'envoyer une lettre d'excuses à cet avocat. Vous aurez compris que cet expert, M. «Blanchissage», c'est, bien sûr, M. Diego Schmidt !

J'aborderai tout de même le respect du principe de l'incompatibilité de fonctions, puisque cette obligation constitutionnelle n'a pas été respectée par M. Joye; ce qui, d'ailleurs, a amené le Conseil d'Etat à imiter notre démarche en déposant, à son tour, un projet de loi visant à mieux réglementer la question.

La première question que nous avions posée concernait le statut actuel du bureau de M. Joye et la date de sa mise en place. Il résulte de l'avis de droit - sollicité par M. Joye - et de la lettre qu'il a adressée, en janvier 1994, à ses clients, que M. Joye était parfaitement conscient du fait que dans les six mois à compter de son élection au Conseil d'Etat il avait l'obligation de cesser de s'occuper de son bureau d'architectes. Il avait déclaré qu'il créerait une société anonyme.

Or, M. Schmidt a bien dû confirmer ce que nous avions mis en évidence, à savoir que M. Joye est resté inscrit au registre du commerce de Genève. Il était seul habilité à représenter son bureau. Au début avril, il était encore inscrit au registre du commerce de Fribourg pour son bureau de Fribourg. Au début du mois de février de cette année, il y était encore inscrit comme administrateur de la société de promotion immobilière Schuler SA.

Quels que soient les motifs invoqués par M. Joye pour avoir tardé à se conformer aux obligations constitutionnelles et n'avoir agi, auprès du registre du commerce de Fribourg, qu'après que l'AdG eut rendu sa situation publique, il est incontestable qu'une violation grave du principe de l'incompatibilité de fonctions a eu lieu, violation, dont le Conseil d'Etat avait connaissance en ce qui concerne le bureau de M. Joye à Genève. Il aurait dû en avoir connaissance en ce qui concernait celui de Fribourg.

M. Schmidt prétend que M. Joye n'aurait tiré aucun bénéfice de cette situation illégale. Même si tel était le cas, cela n'aurait pas pour effet de rendre licite un acte illégal. M. Joye n'avait pas le droit de se mettre au-dessus des lois, mais, surtout, M. Schmidt ne donne pas le moindre élément pour étayer son affirmation. Il prétend ne pas avoir procédé à une vérification des comptes du bureau de M. Joye; démarche élémentaire qui aurait peut-être permis de confirmer ce qu'il prétend.

M. Schmidt fait preuve d'une certaine naïveté en se contentant d'une lettre d'un membre du bureau de M. Joye indiquant que ce dernier n'aurait - à sa connaissance - signé que deux lettres de son bureau d'architectes à sa clientèle, celle de janvier 1994 et celle de mai 1996, pour le compte de son bureau d'architectes de Genève.

Rappelons qu'aussi bien à Genève, jusqu'en avril 1996, qu'à Fribourg, jusqu'en avril 1997, M. Joye était seul titulaire de la signature pour son bureau. Il voudrait nous faire croire qu'il n'aurait signé que deux lettres, invitant ses clients à continuer à faire confiance au bureau dont il restait copropriétaire pour moitié.

A ce sujet, le rapport a au moins le mérite de répondre à nos questions et de confirmer que M. Joye n'est pas propriétaire de 49% du capital de sa nouvelle société, mais d'au moins 50%. Il en résulte que M. Joye se devait de se récuser, comme l'a écrit Me Pierre-Louis Manfrini dans son avis de droit, le 12 janvier. Ce dernier est annexé au rapport de M. Schmidt. Il devait transmettre à un collègue du Conseil d'Etat tout dossier concernant son bureau.

On nous a donné un certain nombre de dates au sujet du transfert du dossier. J'ai ici une information publiée en son temps par M. Claude Haegi concernant des accords et des échanges. Il précisait que le dossier en question a été transmis le 28 août 1996 pour des raisons d'incompatibilité touchant le conseiller d'Etat Philippe Joye. Là encore, les dates ne concordent pas.

En ce qui concerne le transfert du bureau de M. Joye sous le nom de Jean-Pierre Gilliard et Dominique Grenier, un certain nombre de requêtes en autorisations de construire ont été déposées. S'est-il chaque fois récusé ? A-t-il transmis des dossiers à un collègue comme il aurait dû le faire ? Cette dernière question reste ouverte. Le rapport de M. Schmidt ne mentionne absolument rien à ce sujet. N'évoquons que le dossier de Collonge-Bellerive, d'où il ressort que le Conseil d'Etat a remis ce dossier à un autre membre du Conseil d'Etat : il en a confié la responsabilité à M. Haegi. Cela ne correspond pas aux dates du rapport !

La lettre du 2 mars 1994 de Me Manfrini, qui répond à une lettre du 17 février 1994 de M. Joye mais n'est, très curieusement, plus annexée au rapport de M. Schmidt, met en évidence que le bureau de M. Joye ne devait pas accepter de mandats émanant d'institutions dépendant de l'Etat. Voilà une correspondance qui, comme par hasard, ne figure pas dans les dossiers.

Or, contrairement à ce que le Conseil d'Etat déclarait dans sa réponse à l'interpellation à laquelle il est fait allusion dans le rapport sur le mandat d'architecte de la Fondation universitaire pour le logement des étudiants, ce mandat a été confié à M. Joye. Son bureau continue, aujourd'hui encore, à assumer ce mandat.

L'avis de droit de Me Manfrini n'évoque pas ce mandat précis. Il ne prend donc pas position sur la question de savoir si M. Joye devait s'en démettre ou non. Il ressort d'une note de M. Dufey, secrétaire général du département, que M. Joye a tiré la conclusion qu'il pouvait conserver ce mandat, dès lors que cette fondation est une fondation de droit privé.

En fait la question n'est pas de savoir si la FULE est une fondation de droit privé, en vertu d'une loi d'un acte notarié, mais si elle dépend de l'Etat. Manifestement, c'est le cas et il en va de même pour la fondation «Cité nouvelle» ou des sociétés anonymes contrôlées par l'Etat. Les statuts de cette société prévoient, du reste, que son budget est approvisionné par le Conseil d'Etat, et le conseil de fondation désigné par le co-rectorat de l'université qui est un établissement public.

Dans ce cas-là, M. Joye devait indiscutablement se démettre de son mandat au moment de son élection. Le Conseil d'Etat devait et doit, encore aujourd'hui, intervenir dans ce sens.

La poursuite de ce mandat constitue une infraction aux règles du principe de l'incompatibilité de fonctions, comme le fait que M. Joye a négocié pour le compte de l'Etat le rachat à la Ville d'une opposition pour la somme de 1,25 million, même s'il ressort de la note qui est dans le rapport de M. Dufey que cet achat - bel et bien approuvé le 5 février 1997 par le Conseil d'Etat - ne s'est probablement pas conclu.

Enfin, M. Joye a traité personnellement des requêtes déposées en septembre 1994 par la Placette, son client à Fribourg. Son bureau conduisait les travaux d'extension de la succursale dans cette ville. Non seulement M. Joye ne s'est pas récusé dans le cadre de cette demande d'autorisation de construire mais il a signé la lettre rejetant l'opposition de l'association des habitants de quartier; il a même conclu un accord avec le bureau d'architectes, au nom duquel la demande a été déposée. L'existence de cet accord avait été relevée par la «Tribune de Genève». C'est confirmé aujourd'hui dans le rapport de M. Schmidt.

D'autres questions n'ont pas encore obtenu de réponses; par exemple, l'attribution de mandats à la SGI, bureau associé à celui de M. Joye, qui a obtenu des mandats, alors même qu'il ne figurait - comme il est dit dans une interpellation - qu'au huitième rang des différentes entreprises ayant postulé.

Toute une série de questions n'ont pas reçu de réponses claires. Cependant, dans l'ensemble, ce rapport confirme nos soupçons. Il est donc nécessaire de légiférer aujourd'hui. On peut se déclarer satisfait de voir le Conseil d'Etat rejoindre l'Alliance de gauche sur ce terrain et permettre de mettre en place des règles plus précises. Mais il convient aussi, avant d'élaborer des règles, de respecter d'abord celles qui existent. Madame et Messieurs du Conseil d'Etat, il y a encore du travail à faire !

M. Bernard Lescaze (R). Je commencerai par l'essentiel, soit là où le préopinant, après un long discours, a terminé.

L'essentiel est de renvoyer ce projet de loi sur l'incompatibilité de fonctions à la commission des droits politiques, afin que ce Grand Conseil puisse légiférer rapidement et qu'une absolue clarté règne désormais sur cette question.

Tout le problème est venu d'une sorte d'obscurité et d'impuissance que pouvait avoir le Conseil d'Etat dans le cas imprévu, exceptionnel, où il y aurait eu, volontairement ou non, une certaine violation du principe de l'incompatibilité de fonctions. Pour l'avenir - car c'est ce qui importe avant tout - les choses semblent bien engagées. Le groupe radical renvoie donc en commission ce projet de loi sur l'incompatibilité de fonctions.

Nous ne pouvons tout de même pas nous arrêter là. Du moins, nous le pourrions si nous discutions normalement et que nous n'atteignions pas, parfois, le degré zéro de la politique. En effet, les réponses données aux questions posées légitimement ou non par l'Alliance de gauche ont toutes, en réalité, reçu une réponse.

D'ailleurs, la véritable question était de savoir si en violant - comme l'a reconnu le député Unger - la loi sur l'incompatibilité de fonctions le conseiller d'Etat chargé des travaux publics avait pu en tirer un bénéfice personnel et matériel. A l'évidence, il n'en a pas été ainsi. Le rapport du juge Schmidt montre qu'au contraire les intérêts pécuniaires de M. Philippe Joye ont été atteints par cette continuation de la responsabilité de ses affaires contraire à la loi.

Ce très intéressant rapport est fort bien fait. Il nous offre un certain nombre de réponses et, en outre, il est relativement gênant. La preuve en est cette lettre de l'ASLOCA, dans laquelle le discrédit est jeté sur les réponses données, mais qui ne livre aucun chiffre. En lisant les annexes de M. Schmidt, je constate qu'en ce qui concerne les recours il a comparé deux années, à titre d'exemple. Il a constaté que le nombre de recours était à peu près le même sous la présidence de M. Christian Grobet et celle de M. Philippe Joye : 50% d'un côté, 47% de l'autre. Peu importe que ces recours aient été autrefois engagés par des voisins et, aujourd'hui, par des associations.

A ce sujet, l'ASLOCA, piquée au vif, s'exprime en ces termes : «Nous avons le droit de faire des recours sans le demander aux locataires.» Personne, d'ailleurs, ne l'a contesté, mais il est étonnant que, face à un simple constat d'évidence du rapport de l'expert mandaté par le Conseil d'Etat, on raisonne ainsi.

A mon avis, l'essentiel n'est pas là ! On ne peut pas reprocher à l'expert - qui a précisé l'ampleur de sa tâche - de n'avoir pas examiné à fond la jurisprudence de la commission de recours en quelques semaines. Malgré tout, son travail est intéressant.

Je ne suis pas un spécialiste en la matière, toutefois la liste des mandats, attribués à certaines entreprises ou à certains architectes, ingénieurs, etc., a été une révélation. Si l'on y retrouve l'essentiel des mandataires, tant sous la présidence de M. Grobet que sous celle de M. Joye, il convient de noter que ce dernier a accordé des mandats à cent trois nouvelles entreprises ou personnes, soit vingt-deux de plus que M. Grobet. Cela signifie que M. Joye a beaucoup plus largement distribué les mandats entre de plus nombreux mandataires que le précédent président du département des travaux publics. On sait combien est importante la distribution des mandats en période économique difficile. De ce point de vue, M. Joye a été peut-être plus équitable encore que ne l'était M. Grobet. J'ai fait cette constatation en lisant attentivement les annexes du rapport de M. Schmidt.

M. Jean Spielmann regrette tout d'abord que le Conseil d'Etat ait nommé un expert pour apporter des réponses précises à ces questions et utilise ensuite abondamment le travail de cet expert pour le démolir. Il prétend qu'ainsi le Conseil d'Etat serait exonéré de sa responsabilité. Je vous laisse, Mesdames et Messieurs les députés, imaginer ce qu'aurait dit M. Spielmann si le Conseil d'Etat - qui a beaucoup d'autres choses à faire et d'autres affaires sur les bras - avait répondu forcément de manière plus imprécise qu'un expert.

M. Spielmann ne cesse d'insister sur la violation de certaines règles constitutionnelles. Dans sa réplique, il va probablement nous annoncer le retrait du projet de loi 7674 dans lequel est proposé un concordat, alors qu'il sait très bien que le Grand Conseil n'a pas pouvoir d'imposer des concordats...

En réalité, nous sommes au degré zéro de la politique. Ces rapports comportent des bobards qui ont été dégonflés comme des baudruches. M. Joye est un honnête homme. Il s'est peut-être trompé, mais les intérêts de notre Etat et de notre République n'ont pas été lésés par cette action.

Tout ce que vous ajouterez ne servira qu'à jeter le discrédit sur la politique générale du Conseil d'Etat. Si je peux comprendre que vous n'approuviez pas toujours certaines dérogations faites à la demande du Conseil d'Etat - qui souhaitait aider une économie en état de faiblesse - je ne peux pas comprendre, en revanche, à titre personnel, votre acharnement contre un homme qui, de toute façon, a décidé de mettre un terme à sa carrière politique.

De ce point de vue, il y a une certaine indécence à continuer, séance après séance, à revenir sur ces sujets. Finalement, nous remercions le Conseil d'Etat d'avoir mandaté M. Diego Schmidt et d'avoir donné la plupart des réponses que nous pouvions souhaiter aux questions que vous aviez posées. (Applaudissements.)

M. Dominique Hausser (S). Je ne reviendrai pas sur le thème de l'incompatibilité de fonctions, déjà très largement débattu et reconnu par tous. Toutefois, je regrette que le Conseil d'Etat n'ait pas été plus diligent sur cet objet.

Dans la première invite du rapport concernant la politique dérogatoire du DTPE, il est dit à la page 4 que cette politique de souplesse a été voulue par le Conseil d'Etat.

Tout d'abord, je tiens à répondre à certaines allégations sous-entendues au sujet du nombre de recours. M. Diego Schmidt affirme que la proportion des recours admis est restée stable et que les motifs de ces décisions n'ont guère varié d'une ère à l'autre. Il importe d'analyser cette affirmation.

Le WWF, dans sa lettre du 11 juin au Grand Conseil, affirme n'avoir recouru qu'exceptionnellement à l'époque de M. Christian Grobet, mais avoir dû consacrer un temps incalculable aux innombrables recours depuis l'arrivée de M. Joye. Par ailleurs, ces recours ont été gagnés dans leur très grande majorité.

Venons-en maintenant à l'ASLOCA dont je ne cite que les données concernant le bureau de Rive. Entre le 25 mars 1995 et le 23 mai 1997, de nombreux recours ont été déposés. Qu'est-il advenu des quarante-sept recours jugés par la commission de recours LCI ? Dix-huit ont été gagnés et vingt ont été arrangés, ce qui fait trente-huit en faveur de l'ASLOCA. Six d'entre eux ont été retirés. L'un est devenu sans objet, car l'immeuble avait été démoli et deux ont été perdus. Sur les dix-huit recours gagnés, quatre ont été traités par le Tribunal administratif. Sur ces quatre, trois ont été gagnés, l'un a été renvoyé au DTPE, afin que celui-ci prenne une nouvelle décision. Il y a eu très peu de recours à l'époque de M. Grobet.

Si M. Diego Schmidt dit vrai, il authentifie le fait que la masse des actes envoyés par les propriétaires et voisins est volumineuse et pèse lourd dans la balance. Ensuite, il ressort des résultats que je viens de vous citer que, visiblement, les recours des associations étaient justifiés.

On peut même ajouter que s'agissant de l'ASLOCA le barème des loyers est principalement attaqué, parce qu'il ne répond pas aux besoins prépondérants de la population. En fait, les travaux eux-mêmes sont très rarement critiqués. La politique dérogatoire voulue par le Conseil d'Etat l'est dans une proportion si importante qu'elle en devient inacceptable.

La deuxième invite, au sujet des mandats accordés durant la période de 1993 à 1997, a été proposée par les socialistes et amendée par M. Blanc qui désirait qu'on élargisse la fourchette à 1981 pour «noyer le poisson» ! Le Conseil d'Etat a répondu à cette invite, mais la masse d'annexes donne vraiment l'impression qu'il a, lui aussi, voulu «noyer le poisson» !

L'analyse des mandats est ardue, voire impossible. En effet, il existe deux classeurs fédéraux à la Chancellerie pour les années 1993 et 1994. Si le Conseil d'Etat avait vraiment voulu faire un sondage efficace, réel et précis de ces données, il n'aurait pas choisi la dernière année du mandat du conseiller d'Etat Grobet et la première année de celui du conseiller d'Etat Joye. Il aurait choisi des années comme 1990 et 1991 ou encore 1995 et 1996, afin d'avoir, au moins, des «milieux» de législature pour permettre des comparaisons réalistes. Vous le savez comme moi, la première et la dernière année d'une législature ne sont pas les plus représentatives.

Or, les données que nous avons reçues ne nous permettent pas de comprendre la réalité des faits. On prétend nous avoir livré les données de 1990 à 1994. En réalité, on nous a fourni le nombre total des mandats accordés à un certain nombre d'entreprises de la place. Certes, M. Joye a accordé des mandats à cent trois nouvelles entreprises, mais je peux imaginer que M. Grobet a fait de même durant son séjour au Conseil d'Etat.

Ce rapport ne répond pas aux deux premières invites de la motion. Il est donc nécessaire que le Conseil d'Etat retourne à ses devoirs.

M. Pierre Vanek (AdG). Contrairement à M. Lescaze, j'ai trouvé la lettre de l'ASLOCA - qui vient de nous être lue - fort pertinente. Notre Grand Conseil semble avoir reçu deux communications, l'une du WWF, évoquée par mon préopinant, et l'autre de l'association Action patrimoine vivant. Si tel est bien le cas, j'en demande la lecture.

La présidente. En ce qui concerne la communication de l'association Action patrimoine vivant, il s'agit d'une pétition. Elle sera annoncée et traitée comme telle. L'autre courrier n'a pas encore été distribué aux chefs de groupe, car je l'ai reçu par porteur cet après-midi.

M. Pierre Vanek. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais...

Une voix. Non ! (Rires.)

M. Pierre Vanek. Non, mais la preuve... alors !

La présidente. Non, mais je ferai la déesse !

M. Pierre Vanek. Absolument !

Des voix. Oh !

M. Pierre Vanek. Si tant est qu'une pétition provenant de cette association ou qu'une lettre concernant le sujet existe, n'aurait-elle pas été distribuée aux chefs de groupe ? Il me semble que pour...

La présidente. Je viens de la recevoir !

M. Pierre Vanek. ...la clarté de nos débats, les chefs de groupe pourraient en prendre connaissance en même temps que l'ensemble de leur groupe, maintenant, en plénière. Je réitère donc, avec votre assentiment, Madame, cette demande de lecture.

La présidente. Malheureusement, je ne peux pas vous donner lecture d'une pétition, car le règlement ne prévoit pas ce genre d'intervention. Il appartenait à l'association Action patrimoine vivant d'écrire une lettre et non de faire une pétition. Mais comme la pétition portait uniquement sur le problème de la Villa Blanc, nous aurons donc le temps d'en débattre. A moins que vous ne parliez d'un autre courrier ? S'il s'agit du dernier courrier, je l'ai eu en main à la reprise de séance. Le second courrier, celui de l'ASLOCA, je l'ai reçu par porteur, lors de la deuxième séance. Vous l'aurez donc demain, lors de la distribution aux chefs de groupe.

M. Michel Halpérin (L). En ce qui me concerne, je n'ai pas l'intention de m'arrêter longtemps aux activités prétendument coupables auxquelles M. Joye est soupçonné de s'être livré et qui ont fait l'objet des questions de la motion.

Il me paraît nettement plus important de me pencher sur le projet de loi qui nous est présenté par le Conseil d'Etat.

Je comprends bien que le Conseil d'Etat ait préparé et déposé ce projet de loi. En effet - nous le savons tous - il s'est trouvé, pendant la période où il a fonctionné, devant cette situation de n'avoir pas de moyen à sa disposition pour imposer à l'un des siens une décision conforme aux textes de la législation sur l'incompatibilité de fonctions pour les conseillers d'Etat.

Par conséquent, s'étant trouvé dépourvu, le Conseil d'Etat a éprouvé le besoin de se mieux pourvoir pour l'avenir et, pour ce faire, il nous propose ce texte.

Malgré la compréhension que j'affiche à l'attention des auteurs, il me semble important que nous nous interrogions sérieusement sur la portée de cette proposition, lorsque nous serons en commission. En somme, le Conseil d'Etat nous demande de le contraindre à mettre en demeure l'un des siens, puis à décréter ex lege que celui qui ne se sera pas soumis à la contrainte de ses collègues sera déchu, de plein droit, de ses fonctions.

Naturellement, on peut faire de telles choses; il suffit de les voter ! Mais il reste à savoir si c'est intelligent et raisonnable. Je me pose l'une et l'autre question. De l'intelligence et de la raison, tout simplement, parce qu'il faut bien admettre que, lorsqu'on parvient tout en haut, au sommet de l'échelle, il n'est pas nécessaire - comme dans certains pays voisins, nous dit-on - d'inscrire le mot «stop» sur une pancarte au dernier échelon, car nous sommes tous capables de voir «jusqu'où il ne faut pas aller trop loin» !

Je n'ai pas un respect naturel, total et définitif pour les institutions en tant que telles. Elles méritent toujours la critique. Mais si nous avons des pouvoirs par lesquels un certain nombre de personnes sont élues à des fonctions, c'est précisément pour qu'elles les occupent pleinement. Or, je ne suis pas certain que nous ayons raison de vouloir que le Conseil d'Etat se mette à faire la police à l'intérieur de ses murs. En effet, cela permettrait que les uns majorent les autres sur le plan de leur comportement personnel et les appréciations qu'il y a lieu de leur apporter. Ce faisant, non seulement nous portons atteinte au bon fonctionnement du Conseil d'Etat mais nous favorisons une situation dans laquelle il serait aisé de trouver que, dans le Conseil d'Etat, il en est qui pourraient être minorés pour des raisons qui ne sont pas toujours les bonnes.

Rappelons-nous que la tentation politique peut nous venir ! Nous ne savons pas qui seront les conseillers d'Etat minoritaires de l'avenir qui pourront avoir à souffrir d'une telle disposition. Souvenons-nous aussi que lorsqu'on est élu à un poste de l'exécutif où siègent sept hommes ou femmes, la vraie sanction n'est pas celle de décréter que l'un ou l'autre passe à la trappe par automatisme légal; c'est le verdict des urnes. Cela concerne chacun de nous dans cette salle, mais dans notre parlement, c'est tellement «dilué» que cela n'a plus la même importance. Lorsque nous avons inventé les élections pour remplacer la monarchie, il s'agissait de remplacer le droit divin par la sanction du peuple votant. Ce vote populaire est, à mes yeux, la seule véritable sanction politique raisonnable.

Si M. Joye - ce qui n'est pas le cas - s'était présenté aux élections cet automne et avait été reconduit dans ses fonctions par le vote des électeurs, pensez-vous sérieusement qu'une disposition telle que celle-ci aurait encore eu un sens ? Je ne le pense pas non plus !

C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant que le Conseil d'Etat ne veuille pas nous donner et, à travers nous, à la population, le sentiment qu'il se désintéresse de ce sujet, je suis d'avis que la commission devra sérieusement réfléchir à la question de l'opportunité de cette disposition.

J'ajouterai deux phrases au sujet du rapport de M. André Diego Schmidt. M. Spielmann - qui ne côtoie pas beaucoup le Palais de justice - a peut-être l'excuse de ne pas avoir connu M. André Diego Schmidt dans ses fonctions. Ce n'est pas mon cas. M. André Diego Schmidt est un magistrat à la retraite, socialiste, qui a donné, au cours de sa carrière, à tous les magistrats qui l'ont côtoyé et à tous les avocats ou tous les justiciables qui ont fréquenté le Palais de justice, un exemple rare d'intégrité et d'intransigeance.

Il est donc particulièrement malvenu de le soupçonner d'une quelconque faiblesse soit pour le pouvoir duquel il ne dépend pas et auquel il n'appartient pas, par ses choix personnels, soit pour des motifs que M. Spielmann n'a pas voulu développer, probablement à défaut de savoir où aller les chercher.

Cela étant, M. Spielmann serait excusé de son incompétence en matière de justice s'il adoptait un ton raisonnable. J'ai eu l'occasion - il y a une semaine ou deux - d'enchérir sur les propos «antidiabolisation» de notre collègue, le député Nissim. A cette occasion, j'avais dit combien je serais heureux que les membres de l'Alliance de gauche témoignent à l'endroit d'autrui la même sensibilité dont ils font preuve à leur propre égard.

Je ne suis pas très surpris d'entendre la réponse de la bouche même de M. Spielmann qui fait preuve de sa sensibilité pour les autres en s'attaquant non seulement à un magistrat qui a déjà renoncé politiquement à ses fonctions mais encore à un ancien magistrat du pouvoir judiciaire dont la réputation est sans tache, en n'hésitant pas à l'insulter avec un qualificatif qui n'est certainement pas très aimable : M. Blanchissage. Ce qui revient à dire que, comme d'habitude, on recourt à l'injure, ce qui est - je l'ai déjà dit - une sale manie... Mais il est vrai, Monsieur Spielmann, qu'à votre âge il est difficile de se refaire ! (Applaudissements.)

M. David Hiler (Ve). Je ne vous cache pas que mon grand souhait est que l'on en finisse avec cette affaire, le plus rapidement possible.

Cependant, il me paraît important de rappeler un ou deux principes à M. Halpérin. La démocratie ne fonctionne pas sans respect de la loi. La sanction populaire ne peut pas être l'unique moyen dans une démocratie. Il faut aussi que les lois propres au bon déroulement de la démocratie soient respectées, y compris par les magistrats.

La question que vous venez de poser - celle de savoir si un magistrat, convaincu d'avoir violé le principe de l'incompatibilité de fonctions mais plébiscité par le peuple, devrait être obligé de se retirer - trouve sa réponse dans l'application des règles de la démocratie qui sont, d'ailleurs, défendues par votre parti en général. Si l'on se réfère aux règles de la démocratie, elles imposent que ce magistrat soit sanctionné, même si 80% de la population l'ont soutenu aux élections. La sanction doit être appliquée à celui qui contrevient à la loi !

Nous nous réjouissons de pouvoir sanctionner ce type de violation du principe de l'incompatibilité de fonctions, sinon il faut abroger la loi portant sur ces dernières !

Pour le reste, je constate que le Conseil d'Etat a admis et pleinement assumé sa responsabilité dans la politique dérogatoire. Un désaccord politique existe, car la LDTR ainsi qu'un certain nombre de normes de protection de l'aménagement et de la protection de la nature n'ont pas été respectées, dans l'esprit au moins. Cela fait partie du débat politique.

Plus généralement, nombre de dérogations à nos lois sont prévues, au nom de la souplesse, et utilisées par les magistrats de tout bord. Il ne s'agit pas de faire le procès des uns ou des autres ! En ayant recours à des dérogations de manière systématique toutefois, on évite le débat politique.

Dans ce cas, nous savons quel genre de dérogations M. Joye a octroyées et dans quel sens. A sa décharge, on peut dire que dans certains cas il a respecté la loi. Mais dans d'autres, il l'a violée, puisque les tribunaux ont annulé ses décisions.

Les vraies questions sont d'ordre politique et doivent être posées sur ce plan. Quelle politique de l'aménagement voulons-nous ? Qui désirons-nous servir : les propriétaires, les régisseurs, ceux qui sont en faveur d'une relance économique ? Veut-on accorder toutes les autorisations possibles et imaginables ou protéger notre campagne et agir en faveur des gens qui sont victimes des régisseurs à Genève ? Cette question doit être réglée sur le plan politique, car les dérogations à la loi mettent la démocratie en péril.

Je souhaite que nous parvenions à régler les questions d'ordre législatif et que nous terminions ce débat, quelles que soient les responsabilités, multiples semble-t-il, afin que les vraies questions soient posées à la population et que l'on s'oriente vers l'avenir.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. La motion renvoyée au Conseil d'Etat, y compris ses amendements, comportait trois volets :

Le volet de la politique dérogatoire du DTPE, celui des mandats à des tiers fournis par ce même département et, en dernier lieu, le volet du statut de l'ancien bureau de M. Joye.

Les auteurs de la motion désiraient certainement savoir si, en traitant l'un et l'autre de ces trois volets, il y avait eu - pardonnez-moi l'expression - des magouilles, c'est-à-dire des actions qui auraient eu pour effet de favoriser indûment telle ou telle personne, voire même des actions qui seraient directement contraires aux règles élémentaires de la probité.

Lorsque cette motion a été déposée et débattue en préconsultation, j'ai eu l'occasion de dire, au nom du Conseil d'Etat, que nous ne pouvions pas, à première vue - mais nous allions vérifier - faire de reproches à notre collègue, Philippe Joye, au sujet de la politique dérogatoire du département des travaux publics, dès lors que cette politique plus souple avait été voulue par le département et ce parlement. A cet égard, je m'étais référé à un certain nombre de documents, dont nous étions en possession. On peut certes en discuter, mais je rejoins M. Hiler sur le fait qu'il s'agit d'un problème politique, dont il faut débattre de manière tout à fait sereine. En ce qui concerne la LDTR, de nouveaux éléments de souplesse ont été mis à disposition du gouvernement, à la suite de débats qui ont trouvé leur conclusion dans le cadre d'une modification de la loi voulue par votre parlement.

En ce qui concerne les mandats à des tiers, nous avons cherché, par l'intermédiaire de l'expert - et j'y reviendrai dans un instant - à examiner ce qu'il pouvait en être sur la base de ce qu'avait souhaité, de manière extrêmement précise, votre Grand Conseil. Ce dernier a donné des indications d'un tel degré de précision qu'il a trouvé des références jusque dans les rubriques budgétaires.

Rapidement, nous nous sommes rendu compte que ce travail n'était pas proportionnel à l'enjeu. Sur proposition de l'expert, nous avons admis que le champ d'investigation devait être limité, de façon que l'on puisse l'étudier et le connaître.

Si vous désirez en savoir davantage, nous sommes toujours ouverts à cet égard; mais il faut savoir que le nombre d'heures de travail qu'il faudra y passer de nouveau sera important. Or, parmi les problèmes que nous avons à traiter, certains sont plus importants et plus urgents que d'autres, s'agissant de cette question des mandats.

A cet égard, le rapport de l'expert est assez clair. On ne peut pas tirer de conclusions significatives des investigations auxquelles il s'est livré. En effet, elles ne lui permettent pas d'accréditer la thèse, selon laquelle M. Philippe Joye aurait abusé de ses pouvoirs et, de surcroît, dans un sens tel qu'il aurait ainsi favorisé son ancien bureau d'architectes.

Le troisième volet est relatif au statut du bureau de M. Joye. A cet égard - nous l'avions déjà annoncé, lors du débat d'entrée en matière sur cette motion - il existait un certain nombre de problèmes. Ensuite, à l'appui des investigations de l'expert, d'autres éléments ont été mis à jour qui nous ont obligés à tirer un certain nombre de conclusions. C'est le projet de loi qui vous est soumis.

Deux ou trois éléments sont étonnants dans les interventions que nous venons d'entendre. Tout d'abord, j'ai cru comprendre que l'on reprochait au Conseil d'Etat d'avoir mandaté un expert. (L'orateur est interpellé.) Oui, Monsieur Spielmann, c'est ce que vous avez dit ! Maintenant, si vous prétendez le contraire... Vous avez la possibilité de revenir sur votre opinion, ce qui, d'ailleurs, serait un signe d'intelligence auquel jusqu'ici vous ne nous avez pas forcément habitués ! (Rires et applaudissements.)

L'ampleur de la tâche confiée au Conseil d'Etat par la motion que vous lui avez renvoyée... (Vacarme.)

La présidente. On reprend les débats dans le calme et la sérénité, s'il vous plaît !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Monsieur Spielmann, si mon propos vous a blessé, je le retire volontiers. J'essayais simplement, en matière d'arrogance, de m'adapter ! (Rires et applaudissements.)

La présidente. Oh ! Oh ! Oh !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Lorsqu'on mandate un expert, on attend de lui qu'il assume un travail - en y consacrant le temps nécessaire - qui de toute évidence ne peut pas être fait par le Conseil d'Etat. Ce dernier n'a pas - et ce n'est pas son rôle - le temps de faire le travail d'un juge d'instruction, comme votre motion le requiert. Ensuite, si le Conseil d'Etat avait fait ce travail lui-même, il est certain que votre première conclusion aurait été de dire qu'il aurait manqué d'objectivité; vous en avez donné la confirmation ce soir. De toute façon, nous n'entendions pas être juge et partie. Nous sommes partie dans cette procédure. (Brouhaha.)

La présidente. Laissez poursuivre l'orateur !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. A moins que vous ne craigniez d'entendre ce que j'ai à vous dire, vous auriez avantage à écouter ! Alors que nous sommes saisis d'une motion qui met en cause le Conseil d'Etat, il serait tout de même un peu fort de café que nous soyons le propre juge de ce que vous nous reprochez !

En d'autres termes, il était indispensable de mandater une tierce personne, neutre et compétente. Je vous donne des indications sur les recherches que nous avons faites pour désigner un expert, car cela peut vous intéresser. J'ai souhaité que l'expert désigné - et j'assume totalement ces choix - soit un magistrat du pouvoir judiciaire en activité ou à la retraite, parce que des travaux d'investigation de ce type demandent un certain métier, une certaine habitude, de l'autorité et des connaissances incontestables.

Par ailleurs, j'ai souhaité que le magistrat du pouvoir judiciaire évoqué ne soit pas un magistrat proche du parti auquel j'appartiens, voire d'un des partis composant ce gouvernement. Sinon vous auriez tôt fait de l'accuser de complaisance.

Nous avons donc cherché un expert plus proche de vos rangs et nous avons trouvé M. Schmidt. Il faut dire que nous ne l'avons pas trouvé tout de suite. En effet, d'autres magistrats contactés se sont récusés pour des motifs parfaitement légitimes : soit devant l'ampleur de la tâche soit parce que cette tâche avait une connotation politique évidente et qu'ils ne voulaient tout simplement pas s'y livrer.

Lorsque la candidature de M. Schmidt nous a été proposée, nous sommes arrivés aux mêmes conclusions que M. Halpérin : tous ceux qui ont fréquenté le Palais de justice savent que M. Schmidt est un homme de qualité, intègre et irréprochable. Je déplore le fait que, plutôt que de s'attaquer à des conclusions politiques, on avoue son manque d'arguments en s'attaquant à l'expert. C'est tout simplement dommage.

Vous regrettez de ne pas avoir fait le travail vous-même avec l'aide de l'administration. Monsieur Spielmann, vous n'en êtes pas à une contradiction près ! En effet, j'ai entendu dire - de votre bouche même ou de celle de l'ASLOCA, je ne m'en souviens plus, mais, après tout, n'est-ce pas pareil ? (Rires.)

La présidente. Chut !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. ...que vous reprochiez au gouvernement... (M. Spielmann interrompt l'orateur.) Ah ! Je ne savais pas que vous répugniez à être assimilé à l'ASLOCA, mais j'en prends acte. (Applaudissements.) On découvre tout à coup certaines choses !

Monsieur Spielmann, il a été reproché à l'expert d'avoir essentiellement auditionné l'administration. Je vous dirai donc deux choses :

Premièrement, si nous avions fait ce travail à la place de l'expert, comme vous aviez l'air de le suggérer, ce reproche aurait pu être fondé. Mais il a été exécuté par un ancien magistrat.

Deuxièmement, je trouve curieux que l'administration en l'occurrence les collaboratrices et collaborateurs du DTPE - pour l'essentiel des gens concernés et interrogés par l'expert - qui ont été nommés par le prédécesseur de M. Joye, soient tout à coup mis en cause de cette manière. Ces fonctionnaires sont des gens honnêtes, compétents, et je n'ai aucune raison de mettre en cause leur probité sur le simple fait - inscrit dans cette motion - qu'ils auraient été interrogés par le juge Schmidt.

J'en arrive au point politique qui fait l'objet de la proposition du Conseil d'Etat. Il s'agit du projet de loi modifiant la loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat. A cet égard, j'ai pris note avec intérêt de l'exposé de M. Halpérin qui, comme à son habitude, nous a fourni un certain nombre d'idées qui serviront à «aiguillonner» notre réflexion.

Des voix. Ah !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Monsieur Halpérin, sous réserve d'un approfondissement de ce que vous avez dit en commission, le Conseil d'Etat ne partage pas votre avis pour les quelques raisons d'ordre institutionnel que je vais essayer d'exposer brièvement.

La vraie sanction, avez-vous dit, lorsqu'on a le privilège de partager les responsabilités qui nous sont confiées, c'est le peuple ! Je partage votre avis. Cependant, le même raisonnement pourrait s'appliquer aux députés du parlement et aux magistrats du pouvoir judiciaire.

Or, lorsqu'un cas d'incompatibilité de fonctions survient pour les députés du parlement, on n'attend pas - comme vous l'avez suggéré - la sanction du peuple. On doit statuer immédiatement. A cet égard, il me semble que le parallélisme des procédures, dans le cadre d'institutions reposant sur la complémentarité des pouvoirs et l'égalité des pouvoirs, devrait être observé. Il s'agit, incontestablement, d'une lacune dans nos institutions.

Ainsi, le même raisonnement pourrait être tenu à l'égard des magistrats du pouvoir judiciaire. Ils sont élus tous les six ans, sous réserve d'une élection tacite, et sont soumis à la sanction du peuple tous les six ans. Or, lorsqu'un magistrat du pouvoir judiciaire a failli gravement à sa tâche, il peut être révoqué. Par conséquent, ce qui est valable pour les magistrats du pouvoir judiciaire et les députés du parlement cantonal doit l'être aussi pour les magistrats du gouvernement élus par le peuple.

Ce genre de situation ne s'étant, à ce jour, pas produite, nous n'avions jamais eu à vérifier le besoin d'un complément à la règle. En l'occurrence, cette situation nous a conduits à constater la nécessité pour le gouvernement de disposer des leviers nécessaires au règlement des problèmes occasionnés. S'ils avaient existé, ils auraient probablement rendu service à tous, y compris à M. Joye, à l'époque.

Nous devons tirer un certain nombre de conclusions, car la crédibilité des institutions et le fonctionnement des pouvoirs, qui nous sont respectivement confiés, ne doivent jamais être mis en cause. En proposant ce projet de loi, le gouvernement a voulu faire en sorte que l'importance de la mission attachée à l'activité des conseillers d'Etat ne soit jamais mise en doute - surtout pas par manque d'outils nécessaires pour régler une situation qui s'avérerait non conforme au droit.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ce projet de loi. Nous vous remercions de lui faire bon accueil, de manière que nous puissions en délibérer, approfondir ces questions en commission et rapporter - je l'espère - dans les meilleurs délais. En effet, si nous voulons que notre projet soit efficace, il faut qu'il soit mis en place pour le début de la prochaine législature.

Si vous n'en voulez pas, la responsabilité vous en incombe. Nous aurons l'occasion d'en débattre, mais les travaux en commission fourniront d'utiles indications.

En conclusion, on a cherché dans toute cette affaire à jeter le discrédit sur un homme qui a certainement commis des erreurs - il les a admises d'ailleurs et en a tiré des conséquences extrêmement lourdes pour sa vie professionnelle et personnelle - en tentant d'imaginer qu'il s'était comporté de manière malhonnête.

Or, il résulte du rapport de M. Schmidt, conformément à ce qu'avait imaginé et laissé entendre le Conseil d'Etat, lors du premier débat sur cette motion, qu'on ne peut pas mettre en doute l'honnêteté de M. Joye. On peut lui reprocher des erreurs, comme on peut le faire à tous, si on a simplement le moindre sens de l'autocritique.

Nous avons, tous ensemble au gouvernement - M. Joye y compris - tiré les conséquences des erreurs admissibles qui lui ont été reprochées, et nous vous avons proposé ce projet de loi.

Par conséquent, nous vous remercions de poursuivre cette discussion d'un point de vue institutionnel, de façon que nos institutions fonctionnent dans la transparence et la crédibilité la plus totale et non pas sous un angle polémique. Pour Genève, nous avons mieux à faire ! (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Bien sûr je ne revendique pas le statut de beau parleur comme certains de mes prédécesseurs qui, eux...

Des voix. Hou ! Hou !

M. Jean Spielmann. ...ont l'habitude de faire de longs discours et d'apporter peu de réponses concrètes. Il est vrai que je n'ai pas ce talent. Je vous poserai simplement trois questions précises.

Mandatez un expert si vous le souhaitez, mais ces questions me paraissent simples et peut-être pourriez-vous, pour une fois, y répondre de manière concrète ! Vous feriez enfin un geste au cours de votre mandat. Ces questions, je les ai posées tout à l'heure, mais je n'ai pas obtenu de réponse. Je les formule donc de manière très simple :

Est-il normal que M. Joye conserve le mandat concernant les bâtiments de la cité universitaire ? Je vous ai demandé pourquoi il le conservait. D'ailleurs, vous avez encore le temps d'y mettre un terme !

Deuxièmement, est-il normal que le DTPE ait attribué, au mépris de ce qui se fait normalement dans l'attribution des chantiers, des travaux à la SGI, bureau associé à celui de M. Joye ? Trouvez-vous cela logique ? Vous n'avez rien à dire, donc vous continuez à cautionner cette politique !

Troisièmement, est-il normal que dans le dossier lié à la Placette les choses se soient passées de la manière que l'on connaît ? Et le Conseil d'Etat se sent serein, tranquille... Il continue de cautionner et d'approuver - si j'ai bien compris - ce qu'il qualifiait tout à l'heure d'inconstitutionnel !

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Monsieur Spielmann, je vous réponds d'autant plus volontiers que vous avez déjà posé ces questions, en particulier par le biais d'interpellations urgentes, et que chaque fois vous avez reçu une réponse.

Pour le surplus, les réponses se trouvent dans le rapport de M. Schmidt et dans les avis de droit de Me Pierre-Louis Manfrini. Je vous réponds de la manière la plus limpide que nous faisons nôtres ces réponses, à propos des questions que vous avez posées. Que ce soit tout à fait clair !

M. Pierre Meyll (AdG). Puisqu'on en est aux questions, j'en poserai une au Conseil d'Etat.

Compte tenu de la polémique que toute cette histoire pouvait susciter en couvrant d'opprobre notre système politique, ne pensez-vous pas que le Conseil d'Etat aurait été bien inspiré en ne nommant pas M. Philippe Joye vice-président du Conseil d'Etat ? En effet, cela lui permet de représenter notre canton dans des conditions qui doivent être assez pénibles et qui font rire pas mal de monde. (Sifflet.) Peut-être pourriez-vous répondre à cela ? Tout à l'heure, M. Halpérin s'est opposé à toute modification allant dans le sens du projet de loi.

En 1981, j'ai été victime de l'application du principe de l'incompatibilité de fonctions pour deux heures de cours données au CEPIA. Lorsque je suis passé devant le Tribunal fédéral, le juge Sciboz, juge rapporteur démocrate-chrétien et fribourgeois, trouvait absolument anormal que les fonctionnaires, notamment les petits fonctionnaires, puissent être considérés comme des demi-citoyens, puisqu'ils ne pouvaient pas être élus au Grand Conseil. En 1983, le juge Sciboz recommandait au Grand Conseil genevois...

Une voix. Au fait, nom de D... !

Une voix. Crache ton venin !

La présidente. S'il vous plaît, Monsieur Lombard ! Monsieur Meyll, restez dans le sujet ! Je vous laisse continuer !

M. Pierre Meyll. Il ne pourrait peut-être plus entendre et cela ne lui ferait pas plaisir...

La présidente. Venez-en peut-être à vos conclusions !

M. Pierre Meyll. ...de revoir au plus vite les questions concernant l'incompatibilité de fonctions. Il serait opportun, puisque l'on veut rapidement concrétiser ce projet de loi pour qu'il entre en vigueur lors des prochaines élections, de réexaminer le problème de l'incompatibilité de fonctions dans le cadre du Grand Conseil et que ce projet de loi englobe aussi les députés qui peuvent tirer avantage de leur fonction.

La commission législative peut très bien délibérer rapidement dans ce domaine. C'est pourquoi je demande que soit incluse cette étude dans le travail qui pourrait être fait avant la rentrée parlementaire.

M 1115-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

PL 7669

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.