République et canton de Genève

Grand Conseil

R 337
4. Proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Elisabeth Häusermann, Pierre Kunz, Gérard Laederach, Bernard Lescaze, David Revaclier, Marie-Françoise de Tassigny, Jean-Philippe de Tolédo et Michèle Wavre à propos de la loi fédérale sur l'aviation (développement de l'aéroport international de Genève). ( )R337

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale;

vu l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève;

vu la loi fédérale sur l'aviation, du 21 décembre 1948 (RS 748.0), plus particulièrement son article 103 relatif au monopole de Swissair;

considérant :

- la décision, du 3 avril 1996, du Conseil d'administration de Swissair de concentrer sur l'aéroport de Zurich-Kloten l'essentiel de son réseau long-courriers;

- l'engagement, du 8 mai 1996, du Conseil fédéral de réviser dans les meilleurs délais l'article 103 de la loi fédérale sur l'aviation pour supprimer le monopole de Swissair et de libéraliser la politique aéronautique suisse pour permettre notamment aux compagnies étrangères de desservir Genève;

- la motion 1077, du 10 octobre 1996, du Grand Conseil, invitant le Conseil d'Etat à lui présenter toutes propositions utiles à l'amélioration de l'attractivité de l'aéroport en vue de maintenir et de développer des vols intercontinentaux;

- la procédure de consultation ouverte le 16 décembre 1996 par le département fédéral des transports, des communications et de l'énergie portant sur une modification partielle de la loi fédérale qui ne remet pas réellement en cause le monopole de Swissair avant 2008;

- la nécessité absolue de la Suisse occidentale, de la région française voisine et des organisations internationales de disposer à Genève d'un véritable aéroport international disposant de vols intercontinentaux,

demande à l'Assemblée fédérale

d'introduire dans la loi fédérale sur l'aviation, du 21 décembre 1948(RS 748.0), les nouvelles dispositions suivantes:

La loi sur l'aviation, du 21 décembre 1948, est modifiée comme suit:

Art. 33ter (nouveau)

1 Le transport professionnel de personnes et des biens sur des lignes aériennes exploitées régulièrement de ou vers l'aéroport international de Genève est régi par le présent article, en dérogation aux articles 27 à 33bis et 103.

2 Le régime particulier de l'aéroport international de Genève est appliqué par la commission de l'aviation de la Suisse occidentale, nommée par le Conseil fédéral, avec la composition suivante:

- 1 représentant du Conseil d'Etat des cantons de Berne, Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Valais et Valais;

 - 1 représentant des autorités régionales françaises;

 - 1 représentant de l'Organisation des Nations unies;

 - 1 représentant de l'Organisation mondiale du com-merce;

 - 1 représentant de l'Office fédéral de l'aviation civile;

 - 1 représentant de l'aéroport international de Genève;

 - 1 représentant d'une multinationale présente dans la région romande.

 3 Les entreprises, ayant leur siège à l'étranger, qui transportent des personnes ou des marchandises par aéronef à des fins commerciales à partir de l'aéroport international de Genève, doivent être détentrices d'une autorisation d'exploitation délivrée par l'office et d'une concession de route délivrée par la commission.

4 L'office délivre l'autorisation d'exploitation si l'entreprise remplit les conditions nécessaires pour une exploitation sûre et fait l'objet d'une surveillance adéquate.

5 La commission de l'aviation de la Suisse occidentale délivre les concessions de route en fonction des intérêts de la Suisse occidentale, de la région transfrontalière franco-suisse et des organisations internationales.

6 L'office et la commission de l'aviation de la Suisse occidentale statuent obligatoirement dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la demande, sous réserve d'un retard imputable au requérant.

1 Les droits découlant de concessions existantes pour l'aéroport international de Genève demeurent acquis pour une période de trois ans pour autant qu'ils soient exploités de manière effective et régulière.

2 La présente loi est soumise au référendum facultatif.

3 Le Conseil fédéral fixe la date de son entrée en vigueur, de manière à assurer une entrée en vigueur immédiate.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 3 avril 1996, le Conseil d'administration de Swissair a décidé de concentrer sur l'aéroport de Zurich-Kloten l'essentiel de son réseau long-courriers. Ce faisant, Swissair a choisi de ne plus assumer ses prestations d'intérêt général en faveur de l'ensemble des régions de notre pays. Son offre de service ne respecte ainsi plus les obligations découlant de sa concession, soit d'assurer une desserte équilibrée entre les aéroports de Zurich et Genève.

Ayant renoncé à desservir Genève, Swissair ne peut plus prétendre bénéficier du monopole que lui confère l'article 103 de la loi fédérale sur l'aviation. En particulier, Swissair ne peut bloquer le développement de l'aéroport international de Genève tout en recentrant l'ensemble de son activité sur celui de Zurich.

Cette situation a entraîné une vive réaction du canton de Genève comme d'autre cantons romands, des milieux économiques, des organisations internationales et de la population. Elle entraîne, en effet, une forte perte de compétitivité de l'ensemble de la Suisse occidentale, tant en ce qui concerne les entreprises que les organisations internationales.

Le 8 mai 1996, le Conseil fédéral s'est engagé à réviser dans les meilleurs délais l'article 103 de la loi fédérale sur l'aviation pour supprimer le monopole de Swissair et à libéraliser la politique aéronautique suisse pour permettre notamment aux compagnies étrangères de desservir Genève.

Le 10 octobre 1996, le Grand Conseil a adopté la motion 1077 qui invitait le Conseil d'Etat à lui présenter toutes propositions utiles à l'amélioration de l'attractivité de l'aéroport en vue de maintenir et de développer des vols intercontinentaux.

Le 16 décembre 1996, le département fédéral des transports, des communications et de l'énergie a ouvert une procédure de consultation sur un projet de modification partielle de la loi fédérale sur l'aviation. Ce projet de modification a une portée assez limitée. En particulier, compte tenu de ses dispositions transitoires, il ne remet pas réellement en cause le monopole de Swissair avant 2008 !

Dans ce sens, ce projet ne répond pas aux besoins de la Suisse occidentale, de la région française voisine et des organisations internationales de disposer à Genève d'un véritable aéroport international disposant de vols intercontinentaux. Or, il s'agit d'un enjeu essentiel pour le maintien de l'activité économique dans cette région. Ainsi, une étude menée par le European Real Estate Monitor, cité par la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, a montré que l'accessibilité extérieure, parti-culièrement par des liaisons aériennes, est un facteur décisif pour l'implantation des entreprises. De plus, les organisations internationales ne resteront à Genève que si la cité de Calvin est facilement accessible par des liaisons intercontinentales. Un départ des organisations internationales serait une catastrophe pour la Suisse entière, du fait de la fonction de Genève comme capitale diplomatique de notre pays.

Le Conseil d'Etat a mis en évidence toutes les lacunes du projet de modification dans sa prise de position du 26 février 1997. Il a relevé notamment qu'en ce qui concerne l'octroi des droits de 5e liberté à des compagnies étrangères, cette modification est «particulièrement timide».

Compte tenu du projet présenté par le Conseil fédéral, il apparaît aujourd'hui que l'aéroport international de Genève est gravement menacé. A défaut d'une volonté claire d'assurer son activité en le rendant facilement accessible à de nouvelles compagnies, il est condamné à moyen terme à devenir un petit aéroport européen. Une telle évolution aurait, bien entendu, des conséquences très négatives pour l'ensemble de l'économie régionale comme pour le rôle de Genève comme capitale attractive pour des organisations internationales. Une réaction énergique du milieu politique s'impose.

En conséquence, l'initiative cantonale a pour but de créer un régime particulier pour l'aéroport international de Genève destiné à garantir des conditions-cadres attractives pour des compagnies locales ou étrangères, sans remettre en cause le monopole de Swissair à l'aéroport de Zurich. Cela permettra de développer l'activité de l'aéroport de Genève, avec pour corollaire le maintien d'emplois de qualité.

L'initiative propose plusieurs innovations.

Les compagnies étrangères qui souhaitent exploiter des lignes aériennes à partir de l'aéroport de Genève devront, d'une part, obtenir une autorisation d'exploiter, et d'autre part, une concession de route.

L'autorisation d'exploiter sera délivrée par l'office fédéral de l'aviation civile qui vérifiera uniquement que les conditions de sécurité et de surveillance de l'exploitation sont remplies. L'office n'aura plus le droit de refuser une autorisation pour des motifs de réciprocité dès lors que la compagnie étrangère travaille à partir de Genève. En revanche, si la compagnie veut également desservir Zurich, elle devra obtenir une autorisation ordinaire, ce qui sauvegarde les droits de la Suisse dans le cadre de négociations internationales.

Les concessions de route ne seront plus attribuées par l'office fédéral de l'aviation civile. Elles dépendront d'une commission indépendante, dénommée commission de l'aviation de la Suisse occidentale et composée de représentants des gouvernements cantonaux, des organisations internatio-nales, d'une représentant de la région française, d'un représentant de l'office fédéral de l'aviation civile et d'un représentant d'une multinationale établie dans la région romande.

Le critère d'attribution des concessions de route sera exclusivement les intérêts de la Suisse occidentale, de la région transfrontalière franco-suisse et des organisations internationales. A nouveau, l'octroi de concession ne dépendra plus d'une éventuelle réciprocité, tant qu'elle concernera uniquement Genève. L'indépendance et la composition large de la com-mission garantissent également qu'elle examinera les demandes en fonction des besoins réels de la région.

L'ouverture de l'aéroport international de Genève est essentielle pour la région lémanique. Elle constitue une condition essentielle pour le maintien des activités économiques et donc de l'emploi. L'approche proposée dans l'initiative cantonale assure l'accès à l'aéroport et donc son existence. La réalisation de l'open sky genevois ne brade pas pour autant l'accès à la Suisse sans réciprocité, dès lors qu'il est limité à cet aéroport. En particulier, le hub de Zurich, jugé central par Swissair, reste protégé par la clause de réciprocité.

L'adoption de cette initiative cantonale obligera les Chambres fédérales à examiner le projet de modification de la loi et à prendre le statut particulier de l'aéroport international de Genève qui remplit une fonction cruciale pour l'avenir de la région lémanique.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Messieurs et Mesdames les députés, de décider d'exercer le droit d'initiative du canton auprès des Chambres fédérales.

Débat

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). En préambule, j'aimerais que vous donniez lecture de la lettre du Cercle des dirigeants d'entreprise au Grand Conseil. Elle constitue, en effet, une très bonne entrée en matière.

La présidente. Cette demande étant appuyée, je vous demande, Madame la secrétaire, de bien vouloir procéder à la lecture de cette lettre.

Annexe lettre Cercle C 622

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Depuis quelque temps, en matière économique, politique et sociale, nous sommes entrés, en Suisse et à Genève en particulier, dans ce que l'on appelle en aéronautique une «zone de fortes turbulences».

Cette nouvelle réalité que nous appelons - faute de mieux - la «crise» nous secoue profondément, d'une part, à cause de son ampleur et de sa persistance et, d'autre part, parce qu'elle se traduit notamment par une dégradation rapide de notre environnement socio-économique, avec comme corollaire l'augmentation du nombre des chômeurs.

Pour faire face à ce défi d'un nouveau type, et après de multiples essais infructueux de notre parlement, force est de constater que les idées préconçues et les solutions traditionnelles ne nous sont malheureusement d'aucun secours. Elles ont, en effet, montré les limites de leur efficacité. C'est pourquoi le groupe radical a décidé de sortir des sentiers battus et vous propose, ce soir, de débrancher le pilote automatique...

Ainsi, le projet que nous vous soumettons a pour but de reprendre fermement en main les destinées de notre canton en changeant de cap et en explorant une voie résolument nouvelle qui s'articule autour des principes suivants :

1) Repenser fondamentalement la loi fédérale sur l'aviation que l'environnement actuel a manifestement rendue obsolète.

2) Exprimer une volonté politique claire à l'adresse de nos autorités fédérales.

3) Assurer une autonomie indispensable à la survie de notre aéroport en le rendant plus accessible aux compagnies aériennes étrangères.

4) Renforcer le caractère régional de notre aéroport en créant un régime particulier pour la région lémanique.

5) Développer une offre adaptée aux besoins de Genève et des Genevois.

Mesdames et Messieurs les députés, à situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles. C'est pourquoi le groupe radical vous propose, à travers ce projet de résolution, de faire preuve d'imagination et d'audace afin de sortir de l'immobilisme fatal qui paralyse notre pays.

Dans cette perspective, l'initiative radicale qui vous est présentée ce soir, bien qu'étant résolument novatrice, a le mérite d'intégrer des valeurs qui font référence à l'histoire ainsi qu'au caractère régional et international de Genève. Dans les faits, elle permettra à Genève, d'une part, de retrouver sa place de canton d'avant-garde pour la Suisse et, d'autre part, elle crée un contexte indispensable au maintien de l'envergure internationale de notre cité.

De plus, en proposant de créer un régime spécial pour notre canton, cette initiative donne une nouvelle dimension à notre fédéralisme helvétique, essentiellement cantonal, en le propulsant au rang de fédéralisme lémanique. Il semblerait que c'est aujourd'hui un thème à la mode...

C'est d'ailleurs peut-être là son côté le plus innovant pour ne pas dire «décoiffant». Ce dernier élément est particulièrement important, car il jette les bases d'une nouvelle approche juridique qui permettra à Genève de devenir, le moment venu, une véritable ville européenne si, comme le laisse supposer le vote du 6 décembre 1992, elle en a vraiment l'ambition.

Mesdames et Messieurs les députés, à l'heure où les entrepreneurs suisses investissent et créent plus d'emplois à l'étranger que dans notre pays; à l'heure où les investisseurs étrangers boudent de plus en plus notre pays; à l'heure où même les Genevois, à raison de trois sur quatre, vont chercher hors de nos frontières les prix que nous sommes incapables de leur offrir chez nous, à cause de notre tissu législatif pléthorique et désuet, et, finalement, à l'heure où l'opinion publique attend du monde politique une véritable vision d'avenir basée sur des solutions nouvelles et créatives - et non pas sur de vieilles recettes éculées - nous n'avons pas le droit de rater notre rendez-vous avec l'histoire.

C'est pourquoi je dis aux députés audacieux et progressistes de ce parlement - j'espère qu'il y en a... (Sifflements.)

Une voix. On est là !

M. Jean-Philippe de Tolédo. Vous êtes tous là, c'est parfait !

Sortons, Mesdames et Messieurs, du «lac de sirop» dans lequel nous ont précipités ceux qui sont allergiques aux risques et aux nouvelles idées, et refusons les oppositions fondées sur la peur de la nouveauté, sur la hantise de créer un précédent ou, sous prétexte en l'occurrence qu'il s'agit d'un objet fédéral, sur la conviction que l'on ne peut rien faire !

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical ne veut pas que Genève devienne ce que l'on pourrait appeler une «réserve d'Indiens» ! Nous pensons qu'il est temps d'agir pour reprendre notre destin en main, et pour cela nous devons absolument nous donner de nouveaux moyens d'agir. Or, c'est précisément le but poursuivi par cette initiative.

C'est pourquoi le groupe radical vous engage à faire preuve de courage politique et à soutenir ce projet audacieux, car, en plus d'exprimer une volonté politique claire à l'égard de nos autorités fédérales, il redonnera confiance à la population et aux entrepreneurs genevois. Finalement, il nous permettra enfin de renouer avec ce que l'on appelle «l'esprit de Genève» en faisant souffler sur notre canton une brise de liberté, je dirai même de «cinquième liberté».

Mme Micheline Spoerri (L). Le groupe libéral tient à saluer le projet radico-radical de ses amis radicaux... (Rires.) ...pour l'intérêt et le courage qu'ils démontrent en élaborant une proposition clé en main.

En effet, le paysage qui règne autour de l'aéroport de Cointrin est tellement flou et inquiétant qu'il est impératif de mobiliser nos forces et l'opinion publique, car il faut savoir, outre la quasi-suppression des vols intercontinentaux, qu'en 1997 on enregistre à Cointrin, pour le trafic européen, par semaine, vingt-deux vols par semaine en moins qu'en 1996.

Hélas, le projet radical semble avoir peu de chances de convaincre, sur le plan politique, à Berne. S'il est susceptible de faciliter l'accès de l'aéroport international de Genève aux compagnies étrangères, il ne résout pas pour ces compagnies l'octroi des droits de «cinquième liberté» à destination de pays tiers. Quant aux compagnies suisses existantes et futures, elles n'y gagneraient pas pour autant des droits de trafic vers les pays étrangers sachant que ces droits, eux, se traitent dans le cadre des accords aériens bilatéraux.

On n'entrevoit donc d'intérêt réel ni pour les compagnies suisses ni pour les compagnies étrangères. D'où viendrait donc, dans la réalité, l'attractivité de Cointrin si la résolution de nos amis les radicaux était adoptée telle quelle ?

Si nous voulons sortir de notre isolement, c'est tout le ciel suisse qu'il faut ouvrir à toutes les compagnies étrangères, en songeant à l'intérêt général c'est-à-dire à l'intérêt du consommateur, qu'il soit suisse ou étranger, et en confiant à l'Office fédéral de l'aviation civile le seul rôle du contrôle de la sécurité aérienne.

C'est le point de vue des libéraux. Est-il politiquement plus réaliste que celui des radicaux ? On peut se poser la question !

Une chose est sûre, Mesdames et Messieurs : dans cette situation, l'union fait la force. On peut faire, Monsieur de Tolédo, mais on doit faire ensemble. C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi de la résolution à la commission de l'économie, à la condition que cette résolution soit traitée en priorité et en urgence, avec l'objectif de trouver une piste commune dans l'intérêt de Genève.

Cependant, Mesdames et Messieurs, et pour nous convaincre de la nécessité de compléter le travail de nos amis radicaux, je souhaiterais que nous ayons lecture de la lettre de M. Jean-Pierre Jobin, directeur général de notre aéroport.

La présidente. Nous allons donc procéder à la lecture de cette lettre, Madame la secrétaire, si vous le voulez bien.

Annexe J.P JOBIN C 587

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je tiens à rassurer le député de Tolédo, nous sommes tous audacieux, progressistes et «décoiffants»... (Rires.) ...y compris les radicaux - comme on me le souffle derrière moi - et y compris les plus dégarnis d'entre nous... (Rires et remarques.)

Cette excellente proposition du parti radical ne nous paraissait, dans un premier temps, n'avoir qu'un seul défaut : ne pas avoir été proposée par nous-mêmes ! (Rires. L'orateur est interpellé par M. Lescaze.) Eh oui, Monsieur Lescaze ! Parfois on a l'impression de ne pas avoir suffisamment de facilités intellectuelles pour réagir et rédiger plus rapidement que les radicaux...

Mais il est vrai aussi que les radicaux, aussi libres soient-ils, rédigent parfois un peu vite et, compte tenu de la qualité des signataires de la résolution en question, je n'ai pas imaginé un seul instant que celle-ci eût pu être entachée d'un vice quelconque. Si tant est que les radicaux puissent être vicieux, notion qui n'a pas encore été démontrée à ce jour ! (Rires et remarques.)

Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs, il semblerait que la proposition qui nous est faite pose un certain nombre de problèmes, et je ne tiens pas, par ce biais, à ne pas être audacieux ni progressiste ni à dire que rien ne peut être fait... Loin de moi cette pensée très vile et, paraît-il, fort peu radicale ! Les droits de trafic - même si je confesse très volontiers mon ignorance en matière de navigation aérienne - se négocient d'Etat à Etat. Mais il n'empêche, vu la manière dont le projet est présenté, qu'il semble que tous les avions pourraient atterrir à l'aéroport de Genève, devenu un peu plus libre, mais qu'ils auraient par contre beaucoup de difficultés pour décoller vers d'autres destinations, puisque la commission n'aurait pas la qualité pour négocier sur le plan international des accords avec d'autres Etats.

La situation de l'aéroport de Cointrin nous préoccupe évidemment tous. Je me rallie à l'avis de ma préopinante qui souhaite que cette résolution soit renvoyée en commission de l'économie de manière qu'elle soit traitée très rapidement, pour être de retour lors de la prochaine séance utile du Grand Conseil. Vous en conviendrez, cela ne sera pas très tard, puisque nous siégeons à peu près deux fois par semaine depuis maintenant quinze jours, pour le plus grand bonheur de chacun d'entre nous... Nous essayerons, si tant est que cela soit possible, d'améliorer un peu la proposition radicale en la rendant un peu plus réaliste de façon que les avions qui se poseront libres à Cointrin puissent, le cas échéant, repartir libres vers d'autres directions. La proposition qui nous est faite ce soir ne paraît pas pouvoir le permettre forcément.

M. Laurent Moutinot (S). Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux relancent le débat de l'aéroport : c'est bien, mais ils brouillent les cartes, ce qui est moins bien !

Notre principal souci par rapport à l'aéroport de Genève-Cointrin est le maintien des lignes intercontinentales - ou leur rétablissement, puisqu'elles ont été supprimées - car ce n'est que pour ce type de vols qu'un aéroport est indispensable. Pour les liaisons plus courtes, le rail est manifestement une meilleure solution.

On aurait pu songer, pour maintenir les vols intercontinentaux, à défendre le monopole de Swissair en lui imposant, en contrepartie de ce monopole, l'obligation d'assurer une desserte internationale de l'aéroport de Cointrin. Envisagée récemment par M. Moritz Leuenberger - mais il sait qu'elle est malheureusement politiquement irréaliste - c'était probablement la meilleure solution.

A partir de là, nous n'avons effectivement plus que la solution d'assouplir le monopole. En effet, nous ne pouvons pas imaginer que Swissair bénéficie d'un monopole sans aucune condition et sans aucune contrepartie. Dès lors, nous devons entrer dans une certaine logique de libéralisation, mais, évidemment, avec les garde-fous que nous avons voulus dans la motion 1107, notamment en matière d'emploi et d'environnement.

La proposition radicale pose les problèmes suivants qu'il faudra examiner en commission, mais certains me semblent quasiment insolubles :

1) L'article 37 ter de la Constitution fédérale donne compétence exclusive à la Confédération en matière de navigation aérienne, et je vois mal à l'heure actuelle que la Confédération se dessaisisse de cette compétence, en tout cas pas sans modifier la Constitution, avec les difficultés que vous imaginez.

2) Comme le rappelait M. Fontanet tout à l'heure, l'autonomisation de l'aéroport a pour effet qu'il n'y a plus de réciprocité, donc plus de négociations possibles avec un aéroport tiers sur une ligne à établir. C'est évidemment inacceptable pour la Confédération, pour Kloten, pour Swissair, mais il faut bien se rendre compte que c'est également totalement inacceptable pour Genève dans la mesure où cela pénalise à la fois les vols Swissair existants et, cas échéant, les vols de Swiss World Airways qui pourraient participer à l'entreprise. N'ayant plus rien à négocier, il n'y a plus rien à obtenir.

3) Les droits de «cinquième liberté» supposent l'accord d'un pays tiers, et il ne suffit pas de garantir une escale, une fois encore, pour garantir la destination finale.

Les pistes à suivre sont donc les suivantes :

- Faute d'adhérer à l'Union européenne, ce qui aurait déjà un effet sur le trafic européen - mais ce n'est pas le but prioritaire - nous devons poursuivre les négociations bilatérales, non seulement au niveau européen mais également outre-Atlantique et outre-Pacifique.

- Il faut, bien entendu, poursuivre les efforts pour une modification et une amélioration de l'article 103 de la navigation aérienne et, surtout, il faut redéfinir la politique suisse de navigation aéronautique, en faisant observer que l'intérêt national n'est pas égal à l'intérêt de Kloten. Pour parvenir à ce but, les autorités genevoises doivent participer partout, y compris au Conseil d'administration de Swissair, aux négociations et aux discussions. J'ai cru comprendre que cela commençait à être le cas, mais il faut continuer dans cette voie.

Je termine sur une note optimiste en disant que je ne crois pas que les HUB internationaux soient une solution d'avenir, parce que ces énormes «machins» - il n'y a pas d'autre terme pour les désigner - contiennent en eux-mêmes les germes de leur perte. On le voit notamment à Zurich-Kloten, en raison des retards accumulés et des difficultés de gestion que cela engendre.

A l'heure actuelle, on observe aux Etats-Unis que les liaisons long-courriers entre aéroports secondaires sont en train de se développer. Nous avons par conséquent là une chance à saisir. L'autre élément positif est que les avionneurs mettent actuellement sur le marché de petits avions long-courriers. On remplace les 747 dont la capacité est de quatre à cinq cents places par des avions plus petits - de l'ordre de cent quatre-vingts à deux cent cinquante places - mais également long-courriers, précisément pour développer ces liaisons directes. En effet, changer trois fois d'avion pour arriver à une destination est une solution, commercialement parlant, qui est condamnée.

Enfin, je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un aéroport ne vaut pas par les lois qui le régissent; qu'il ne vaut pas non plus par la qualité de ses infrastructures. Il ne vaut que par la qualité de la destination qu'il représente : c'est en défendant Genève que nous défendrons notre aéroport.

M. Jean Spielmann (AdG). Je tiens à rappeler que, dans le cadre du développement de l'aéroport, le Conseil d'Etat, en 1980, avait commandé un rapport à l'Institut Batelle qui avait présenté des perspectives de développement pour l'aéroport, dont l'objectif était fixé pour 1997. Il prévoyait douze millions de passagers et toute une série d'investissements étaient faits dans ce sens.

Nous sommes intervenus à plusieurs reprises, notamment au sujet des plus gros crédits et lors de la mise en place du projet de l'aéroport dont les investissements se montaient à une somme d'environ 700 millions de francs. Nous avons alors attiré l'attention sur les modifications en cours, dans le cadre du trafic international, de la politique des gros-porteurs, des HUB, etc. L'idée était qu'il y ait quelques départs intercontinentaux, des aéroports à destinations plus raisonnables et, comme vient de le dire M. Moutinot, un nouveau type d'avions petit-porteurs long-courriers. Ces modifications changent fondamentalement les investissements, les équipements et le fonctionnement d'un aéroport. Vous aviez déposé une motion sur la base de laquelle le Conseil d'Etat avait donné un certain nombre de réponses et avait, dans une certaine mesure, corrigé le tir en réaménageant un peu les perspectives de développement de l'aéroport.

Sont venus ensuite les problèmes posés par Swissair, et je crois qu'il faut le dire haut et fort : nous ne sommes pas d'accord avec la politique menée par Swissair sur plusieurs points. Nous devons continuer à nous battre dans ce pays pour que notre compagnie nationale joue son rôle pour l'ensemble du pays, c'est-à-dire pour Genève-Cointrin, mais aussi pour toute la région.

La proposition du parti radical pose une série de problèmes. Mme Saudan au Conseil des Etats a pu s'en rendre compte très rapidement la semaine dernière, lors du débat de sa motion devant les Chambres fédérales. Après quelques discussions, elle a dû la retirer très vite, car elle était irréalisable. En effet, le problème de fond - évoqué par mes préopinants - est celui de la réciprocité. Votre proposition n'est pas viable non plus, et vous seriez bien inspirés de demander à Mme Saudan pour quelle raison elle a dû retirer sa motion...

Une voix. C'est fait !

M. Jean Spielmann. Pourquoi, Monsieur Ducommun, nous faites-vous la même proposition, sans avoir apporté la moindre modification et sans avoir réfléchi aux conséquences ? Il y a là un problème de fond. Il est clair qu'on ne peut pas se contenter de reprendre une proposition qui a dû être retirée par son auteur... Il n'est pas besoin de jeter davantage de discrédit sur votre démarche, sachant qu'elle n'a absolument aucune chance de passer. Il faut donc tenir compte de la réalité.

S'agissant de libéralisation du ciel, certains ont dit qu'il fallait laisser venir les compagnies qui le veulent. Or le problème n'est pas d'arriver, mais de pouvoir repartir vers une destination, et pour cela la réciprocité est nécessaire. A l'exception des Etats-Unis - c'est le seul pays au monde à pouvoir se permettre de ne pas pratiquer la politique de réciprocité pour les raisons que l'on connaît : ampleur de leur trafic et poids que représentent ces compagnies - les autres pays du monde appliquent le principe de la réciprocité. Par conséquent, nous devons tenir compte des lois en vigueur dans notre pays, des articles 103 et 37 ter, notamment, et de la Confédération qui est la seule à pouvoir négocier ces réciprocités et à pouvoir répondre ainsi à nos voeux de développement de l'aéroport de Genève-Cointrin.

Vous avez éludé le problème de fond dans votre motion, mais vous serez ramenés rapidement à la réalité. C'est bien joli d'avoir de belles idées, mais c'est encore mieux d'être réalistes, surtout sur un sujet aussi important que celui de l'aéroport de Genève-Cointrin et des relations et des liaisons internationales ! Il vaudrait mieux revenir sur terre et tenir compte des modifications intervenues dans le trafic aérien, prendre contact et discuter avec Swissair, afin que celle-ci négocie avec la Confédération des réciprocités nécessaires pour permettre à l'aéroport de se développer, sachant d'avance - je finirai là où j'ai commencé mon intervention - que la perspective d'atteindre le chiffre de douze millions de passagers est irréalisable et qu'elle ne se réalisera pas. Il faut donc redimensionner nos ambitions à la taille de Genève et au trafic voyageurs dans le monde. C'est ainsi que nous trouverons les solutions.

Vos propositions ne font qu'enfoncer l'aéroport dans un cul-de-sac. Reprenez votre motion et proposez-nous quelque chose de plus concret et réaliste !

M. David Hiler (Ve). Dans cette problématique, les écologistes se trouvent dans une situation un peu particulière. En effet, dans tous les programmes des Verts européens, il est dit que le trafic aérien se justifie pour des vols longs, supérieurs à 1000 ou 1400 km, c'est-à-dire des vols intercontinentaux.

Il est vrai aussi qu'à l'heure actuelle ce qui s'est passé avec Swissair tend à rendre les vols de Cointrin plus courts, vols que nous souhaitons remplacer par des réseaux de trains rapides. Nous souhaitons, pour l'avenir de la Genève internationale, maintenir ce qui peut raisonnablement être maintenu en termes de vols intercontinentaux.

Mais cette proposition est-elle la bonne manière d'y arriver ? Je ne reviendrai pas sur les propos de mes préopinants, à savoir que cette résolution n'est tout simplement pas sérieuse - ils l'ont dit poliment pour la plupart, mais ils l'ont dit - et inapplicable !

En outre, je suis absolument persuadé que la politique qui commence à se faire jour est la meilleure manière d'avoir des ennuis avec la Genève internationale, à laquelle nous sommes attachés comme tout un chacun, simplement parce que nous allons perdre trop de vols intercontinentaux. Cette politique qui a été attisée par les journaux consiste à mettre les intérêts particuliers de Genève en contradiction avec ceux de la Suisse.

Cette agressivité un peu puérile qui «suinte» de cette résolution est contre-productive. J'imagine la perception des conseillers nationaux à Berne à la lecture de ce texte qui propose des choses impossibles et qui demande des délégations de compétences - à l'évidence fédérales - parce que cela nous arrange. Mais si chacun se met à faire de même en Suisse, vous comprendrez que nous nous préparons des lendemains difficiles, d'autant plus que nous sommes minoritaires !

La tendance qui se dégage de cette résolution est excessivement désagréable. Je crois - et nous croyons - qu'il serait beaucoup plus intelligent à l'avenir d'admettre les compétences fédérales, et que c'est dans ce cadre que les discussions doivent avoir lieu. Je ne suis pas certain que Berne soit totalement désintéressée par l'avenir de la Genève internationale. Il serait également préférable, parce que nous ne garderons pas toutes les destinations intercontinentales - nous en avons déjà fort peu - de prévoir d'ores et déjà des liaisons par trains extrêmement rapides avec l'aéroport de Lyon-Satolas, ce qui est parfaitement possible.

Je ne pense pas une seconde que ce texte peu constructif, rédigé par des Genevois croyant que tout leur est dû et voulant modifier les règles du jeu à chaque fois que cela les arrange, aura le moindre succès du côté de Berne. Comme par ailleurs son côté irréaliste a été prouvé plusieurs fois aujourd'hui, je vous propose tout simplement de le rejeter en attendant qu'une version discutable, entre guillemets - c'est-à-dire sérieusement rédigée - nous soit éventuellement soumise.

M. Daniel Ducommun (R). Nous avons entendu le discours très positif de M. Hiler, ce qui ne nous pas étonné, a priori... En effet, tous les crédits destinés au développement de l'aéroport de toutes ces décennies ont été combattus fermement par les Verts, et notre économie, dans le même temps, s'en est trouvée progressivement sclérosée !

Notre langage est différent. Ce soir, nous prenons acte, Mesdames et Messieurs, de la volonté des groupes de ce parlement de faire transiter notre résolution par la commission de l'économie. Nous nous soumettons, bien entendu, à cette volonté, mais nous la regrettons.

La survie de notre aéroport est en jeu. Notre réaction doit être vive, et nul ne doute que l'autorité fédérale est le seul lieu de référence pour apprécier notre action. Si des commentaires doivent être formulés au sujet de l'application de notre proposition ou si des auditions, telles que celle de M. Jobin, sont indispensables, c'est bien auprès des commissions parlementaires fédérales qu'il faut s'adresser. Il faut en tout cas éviter absolument le gel de cette action à Genève, d'autant plus que d'autres cantons romands attendent notre décision avant d'agir à leur tour.

Nous contestons les arguments avancés par M. Spielmann et ses préopinants sur la non-faisabilité de notre proposition. On nous dit que des compagnies aériennes étrangères pourraient accéder à Genève pour décharger des passagers sans pouvoir en reprendre. Nous estimons cette affirmation inexacte. D'une part, si une compagnie nationale étrangère dessert l'aéroport de Genève à partir de son pays, il est évident qu'elle peut non seulement décharger des passagers mais également en reprendre pour revenir dans son propre pays. D'autre part, dans la mesure où une compagnie étrangère souhaiterait faire du cabotage à Genève, la situation dépendrait, dans ce cas, non pas de la situation genevoise mais des accords dont bénéficie cette compagnie aérienne auprès des pays de destination. Le régime particulier de l'aéroport de Genève ne modifie en rien ce point; il se limite uniquement à faciliter l'accès de cet aéroport à ces compagnies, si elles le souhaitent et le peuvent.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, aidez-nous ! Aidez-nous à frapper vite et fort ! Fort parce qu'il est indécent que l'autorité fédérale axe sa stratégie sur la seule survie de Swissair par un protectionnisme intolérable, abandonnant notre aéroport, respectivement en affaiblissant Genève et sa région ! Et il faut frapper vite, car des parlementaires fédéraux qui se soucient encore de notre cité attendent notre message.

Nous invitons en conséquence fermement les commissaires de la commission de l'économie, ainsi que le conseiller d'Etat délégué, à agir promptement de façon à revenir devant notre Grand Conseil ce mois encore.

Parallèlement et pour conclure, en valeur ajoutée à notre action, nous allons contribuer très prochainement à réunir tous les acteurs économiques concernés par la survie de Genève-Cointrin en organisant des états généraux. Les représentants des milieux économiques nous accordent leur plein soutien.

M. Christian Grobet (AdG). Je pensais avec une certaine naïveté que cette résolution serait retirée. En effet, comme cela a été fort justement dit par certains, même par vos amis politiques qui sont évidemment gênés, je le conçois, de la combattre - je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit - votre résolution est totalement inapplicable. D'autre part, comme M. Hiler l'a dit avec pertinence, elle est totalement maladroite. Permettez à un modeste parlementaire à Berne de dire que les privilèges revendiqués par Genève qui s'érige en Sonderfall ne sont effectivement pas très bien ressentis à Berne. On a le sentiment, au contraire, que notre canton - et c'est vrai - a bénéficié de beaucoup de compréhension de la part de la Confédération, notamment par le biais de subventions fédérales pour certains projets.

J'imaginais donc que vous alliez retirer votre résolution, surtout après la décision de Mme Saudan de retirer sa motion... (L'orateur est interpellé.) M. Maitre - je me permets de dire «mon collègue, M. Maitre», puisque nous siégeons tous deux au Conseil national - aura certainement l'occasion de vous dire quelle y est la température. Mme Saudan ne pouvait décemment pas faire autrement que de retirer sa motion : non seulement elle n'avait aucune chance de succès mais il a été prouvé à quel point elle était absurde... Je comprends que l'on veuille faire de la démagogie, Monsieur Ducommun, mais j'ai de la peine à comprendre que vous récidiviez en renvoyant à Berne le texte que votre représentante a retiré... C'est le sommet du ridicule !

J'adhère aux propos de M. Spielmann : nous n'acceptons pas la façon dont Swissair nous a mis devant le fait accompli, ni la façon dont elle nous a traités. Mais elle est victime de la politique de libéralisation extrême qui a lieu dans le domaine aérien; on prévoit même que la plupart des compagnies américaines, en raison de la concurrence à outrance qui règne dans ce pays, va certainement faire faillite. C'est la faillite d'un système : celui du libéralisme total. Non seulement il conduit les compagnies aériennes à la faillite mais il remet en cause la sécurité des passagers - cela a été dénoncé aux Etats-Unis - car les frais sont limés au maximum pour tenter d'offrir des prix au-dessous du prix de revient.

La seule possibilité de survie d'une compagnie d'un petit pays comme le nôtre c'est bien entendu d'appliquer ce que les Etats-Unis appliquent à la lettre dans tous les autres domaines commerciaux, excepté le trafic aérien, parce qu'ils pensent qu'ils sont les plus forts et qu'ils vont nous écraser : le principe de la réciprocité. Et nous, petit pays, nous voudrions ne pas l'appliquer ! Mais cela fait sourire ! Et M. Moutinot a eu parfaitement raison de dire tout à l'heure que c'est le système du monopole qu'il fallait défendre.

Là où je suis moins bien M. Moutinot, c'est qu'il ne persévère pas dans ce sens. Nous devons comprendre que nous avons fait fausse route, et nous ne devons pas continuer dans la voie du libéralisme. Vous pensez qu'elle va nous sauver, mais, en réalité, elle va définitivement nous faire couler.

C'est la raison pour laquelle, en aucun cas, nous ne voterons votre résolution. Nous pensons, au contraire, que nous devons essayer - je ne doute pas que le Conseil d'Etat s'y emploie, car la tâche est difficile - de négocier, dans le cadre du monopole de Swissair, le retour de Swissair à Genève. M. Moutinot a peut-être bien raison de dire que d'ici quelques années, avec l'évolution du type des aéronefs, les choses pourront changer très rapidement. Il se peut donc que nous retrouvions des opportunités provisoirement perdues, j'espère.

Mais, dans l'immédiat, Mesdames et Messieurs les députés, une menace beaucoup plus grave pèse sur Cointrin - du reste mise en évidence par un quotidien de la place - et risque de toucher trois cent cinquante à quatre cents emplois : je veux parler du centre de contrôle de navigation aérienne. Vous connaissez ce projet. Personnellement, je le trouve inadmissible : sous prétexte de vouloir faire des économies, il consiste à faire le jeu de quelques grandes compagnies aériennes en concentrant le contrôle aérien dans un seul aéroport.

Les autorités fédérales ont effectivement un pouvoir de décision sur ce point, parce que Swiss Control SA, encore aujourd'hui, appartient à la Confédération. Il serait proprement scandaleux que le centre de contrôle aérien soit concentré à Zurich et que Genève perde tous ces emplois, sans parler du fait que le bâtiment vient juste d'être inauguré, qu'il a coûté 70 à 80 millions de francs à la Confédération et qu'il serait alors désaffecté. Le risque résulte du fait que Swiss Control voudrait acheter un système de contrôle américain, qu'il a déjà utilisé et qui, semble-t-il, ne marche pas du tout à satisfaction, au détriment du système européen. M. Blanc parlait de collaboration avec l'Europe, et je suis d'avis, tout particulièrement ces jours où nous avons des difficultés de négociations avec l'Europe, que nous avons intérêt à travailler avec les pays européens.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, pour parler de choses concrètes et éviter d'avancer des théories fumeuses, nous proposons - comme vous en avez l'habitude - d'amender ce texte et d'inviter l'Assemblée fédérale non à légiférer à propos d'un nouveau libéralisme qui n'a aucune chance de succès, mais, au contraire, à intervenir auprès du Conseil fédéral pour qu'il tienne compte de nos intérêts dans le choix du système de surveillance aérienne de notre pays; à faire en sorte, en compensation des avantages dont l'aéroport de Zurich-Kloten a bénéficié par rapport à celui de Cointrin, que le centre de contrôle aérien de notre pays, s'il devait être concentré à un seul endroit, soit localisé à Genève. Cela se justifie d'autant plus qu'un investissement important a été consenti par la Confédération pour réaliser ce nouveau bâtiment pour le contrôle aérien et que quelque quatre cents emplois lui sont liés.

Voilà l'amendement que l'Alliance de gauche dépose en lieu et place de la résolution qui nous est proposée.

M. John Dupraz (R). J'ai écouté avec attention les propos de mes préopinants. Si le parti radical a déposé cette résolution, c'est avant tout pour défendre les intérêts de Cointrin et de Genève, face à la loi concoctée à Berne qui ne fait que prolonger le monopole de Swissair jusqu'en 2008.

Les propos de M. Grobet me surprennent dans la mesure où, à Berne, il se montre un fervent défenseur des intérêts genevois et qu'ici, dans ce parlement, il trouve cette résolution totalement inutile. Monsieur Grobet et Monsieur Spielmann, je vous rappelle que vous appartenez au groupe socialiste, à Berne, et que le conseiller fédéral chargé... (L'orateur est interpellé.) Vous n'allez quand même pas me dire que vous y allez en squatters... politiquement parlant ! (Rires.)

La présidente. Que personne ne squatte la parole !

M. John Dupraz. Le conseiller fédéral chargé de ces dossiers est M. Leuenberger, qui est tout de même socialiste. Je pensais que M. Leuenberger était un homme d'ouverture, et je dois dire que je suis étonné que le poids de Swissair ait pesé autant dans la révision de cette loi. Monsieur Grobet, vous savez très bien que je ne suis pas un chaud partisan du libéralisme à tout crin - je l'ai démontré plusieurs fois - et je regrette que le Conseil fédéral n'ait pas eu le pouvoir de contraindre Swissair à faire face à ses obligations vis-à-vis à Genève.

Genève est peut-être une ville de province pour nos amis zurichois, mais c'est quand même une cité internationale, avec des organisations internationales... Lors d'une commission des affaires extérieures du Conseil national à laquelle je participais, M. Walter Gyger, ambassadeur et chef de la Mission suisse auprès des organisations internationales, disait, en réponse à une question très précise au sujet de la desserte de Genève par rapport au monde entier, qu'il fallait absolument trouver des mesures de substitution, car nous risquions, à moyen terme, d'avoir de graves problèmes avec les organisations internationales.

Mais il faut savoir qu'à Berne nous avons affaire, au niveau politique, à une hégémonie zurichoise et... (L'orateur est interpellé.) Il y a aussi des socialistes ! Et quand les intérêts zurichois sont en jeu, ils sont plus habiles que nous et ils savent faire bloc... Je regrette qu'il n'en soit pas de même dans ce parlement et que nous n'ayons pas la sagesse d'étudier cette proposition en commission. Nous pourrions améliorer le texte, quitte à y ajouter votre invite, pourquoi pas ?

Avant tout, de quoi s'agit-il ? D'affirmer la volonté de Genève de garder un aéroport qui soit performant pour la cité internationale de Genève ! Et pour ce faire, il faut que Genève montre clairement sa volonté. Voilà l'objectif de cette résolution. Je veux bien croire qu'elle comporte des imperfections techniques - je ne suis pas un spécialiste - mais elle a le mérite d'avoir été bien accueillie par l'opinion publique. Corrigeons ces imperfections en commission ! Travaillons ensemble ! Je le répète, il s'agit d'affirmer la volonté de Genève de rester présente et au service des organisations internationales. Notre aéroport doit donc rester fort, mais la loi qui est en train d'être élaborée à Berne n'est pas très favorable à Genève.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Cette résolution a un objectif, et elle propose des moyens pour l'atteindre. L'objectif - il n'y a pas de doute - va à la rencontre de ce que beaucoup de personnes ont cherché à faire depuis que les décisions de Swissair ont mis l'aéroport international de Genève et la Suisse romande dans la situation que nous connaissons.

En ce qui concerne les moyens, c'est évidemment un autre problème, et nous devons en débatte tout à fait sereinement. Nous avons demandé, dès le début de cette «aventure» - c'est un risque que nous devons affronter mais aussi une véritable chance pour l'aviation civile suisse - l'ouverture du ciel, une forme de libéralisation.

Il faut se mettre d'accord sur ce qu'on entend par «libéralisation». Le problème est fondamentalement celui de la fin d'un monopole. Elle est nécessaire pour notre pays : jusqu'ici toute la politique aéronautique suisse a été fondue dans le moule des intérêts de Swissair. L'OFAC a toujours raisonné de cette manière - c'était conforme à la loi sur l'aviation dans sa teneur actuelle : «Ce qui est bon pour Swissair est bon pour le pays !».

Mais que constatons-nous ? Nous sommes un petit pays et nous ne pouvons obtenir une place significative dans le domaine de l'aviation que pour autant que nous soyons «ouverts». En effet, si nous bétonnons un monopole, nous n'avons aucune chance de pouvoir faire en sorte que des compagnies suisses puissent valablement s'exprimer sur les marchés extérieurs. Et il n'y a aucune chance que ces marchés extérieurs accueillent les compagnies suisses, si nous continuons à être aussi restrictifs sur notre propre marché. C'est une loi absolument élémentaire : celle de la concurrence.

La concurrence doit être vécue dans le cadre de la recherche optimale de ce que nous pouvons demander et obtenir, c'est le principe de la réciprocité. Nous n'avons aucune chance de défendre valablement le principe de la réciprocité dans une situation de monopole. En effet, aujourd'hui la réciprocité ne profite qu'à Swissair. Et Swissair ayant décidé de concentrer son appareil de production - si vous permettez cette expression - c'est-à-dire l'essentiel de son réseau long-courriers à Zurich, nous devons véritablement favoriser l'émergence de nouveaux opérateurs suisses et étrangers qui pourront opérer sur des lignes, dans le cadre de projets de qualité.

Nous avons besoin de cette concurrence, et nous avons déjà commencé à en faire l'expérience concrète. Je vous donne un exemple très parlant. Parmi les lignes long-courriers abandonnées par Swissair, au départ de Genève, une ligne existait à destination de Tel-Aviv. On s'est rendu compte que des capacités de trafic n'étaient pas exploitées dans l'accord bilatéral entre la Suisse et Israël. En réalité, El Al, compagnie d'Israël, s'en était aussi rendu compte. Elle a donc demandé à pouvoir exploiter ces capacités de trafic au départ de Genève. Une négociation s'en est suivie entre la Suisse et Israël. Nous avons soutenu le point de vue d'El Al comme aéroport participant désormais à cette négociation. Mais Swissair s'est rendu compte qu'elle était en train de perdre un marché. Résultat : Swissair va de nouveau opérer, depuis l'horaire d'été, deux destinations hebdomadaires sur Tel-Aviv ! C'est le résultat de la concurrence. C'est le seul moyen pour que Swissair puisse revenir opérer à Genève sur des lignes rentables - et il y en a - et pour que nous puissions, dans un régime de concurrence ouvert, bénéficier de la présence de nouveaux opérateurs suisses et étrangers.

Le texte de cette résolution est - j'en viens aux moyens - est à la virgule près, celui d'un postulat qui a effectivement été déposé par Mme Saudan, conseillère aux Etats devant le Conseil des Etats. Françoise Saudan s'est bien rendu compte, dans le cadre du débat, que son texte n'était pas recevable. Elle a eu la sagesse de le retirer, plutôt que de courir le risque d'un désastre. J'ai eu l'occasion d'avoir une discussion approfondie avec Françoise Saudan, après le débat au Conseil des Etats. Elle m'a exprimé son regret de ne pas m'en avoir parlé auparavant - ou à M. Jobin - car un certain nombre de mécanismes essentiels, dans le cadre de l'aviation civile, ne lui avaient pas été expliqués et elle ne les avait donc pas pris en considération.

Permettez-moi de vous les décrire :

La résolution du groupe radical propose qu'une commission de l'aviation civile de la Suisse occidentale puisse être libre de décider d'accueillir toute compagnie qui déciderait elle-même de venir à Genève. En soi c'est une chose louable. Mais à partir du moment où une compagnie a la possibilité d'atterrir à Genève, son intérêt est de ne pas y rester - La Palice en aurait dit autant - et de pouvoir embarquer des passagers vers une autre destination. Pour ce faire, il lui faut des droits de trafic. Ces droits de trafic ne sont que la résultante d'accords internationaux interétatiques. Et la plus belle, la plus compétente, la plus docte des commissions de l'aviation civile de Suisse occidentale est dans l'incapacité d'accorder les droits de trafic interétatiques. En d'autres termes, c'est le premier problème posé par votre résolution. Vous avez bien vu une partie du problème : le «incoming» - comme on dit dans le jargon anglo-saxon du tourisme - mais pas le «outgoing», qui résulte exclusivement d'accords interétatiques.

Deuxième point. Si on devait prendre cette résolution à la lettre, elle aurait pour effet de tuer dans l'oeuf la création de la compagnie SWA. En effet, pour pouvoir opérer au départ de Genève - ce que nous appelons de nos voeux - cette compagnie a besoin de bénéficier de destinations qui elles-mêmes résultent d'accords interétatiques. Une fois encore, la meilleure des commissions de l'aviation civile de Suisse occidentale ne pourra pas vous les délivrer, parce qu'elle n'a pas la compétence de négocier au nom d'un Etat, comme le fait un Etat. Nous tenons à vous dire que le projet SWA - c'est du reste le résultat des négociations de ces derniers jours - est un projet tout à fait crédible. Genève soutiendra ce projet. Nous avons eu des discussions avec les autres cantons de Suisse romande qui nous manifestent des soutiens de principe qui se concrétiseront à partir de l'engagement de Genève. Nous avons de très bons espoirs d'aboutir, compte tenu des lettres d'intention fermes et claires d'investisseurs privés, également dans le cadre de cette compagnie, et de pouvoir opérer, désormais, sur un certain nombre de lignes long-courriers. Ce projet, modeste au départ, avec des coûts d'exploitation très modestes également, a toutes les chances d'être viable et répond à un véritable besoin à Genève.

Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil fédéral vient de proposer un message au parlement pour modifier la loi sur l'aviation. Nous l'avons dit, ce message est beaucoup trop timide, mais il va dans la bonne direction sur toute une série de points. Pas plus tard que ce matin, nous avons eu, dans le cadre de la Conférence des gouvernements cantonaux de Suisse occidentale, une réunion de travail avec Moritz Leuenberger pour attirer son attention sur certains points. Ce dernier a bien vu que certaines revendications légitimes de Suisse romande méritaient d'être prises en considération. Nous aurons l'occasion de les examiner en commission. Nous formerons des groupes de travail dans le but de faire des propositions pour améliorer ce projet, dans le sens des intérêts de la Suisse romande.

J'ai parlé de Suisse romande et je terminerai par là. Sur ce point, je partage totalement l'avis de M. Hiler : le problème de l'aéroport international de Genève n'est pas le problème de Genève, mais celui de la Suisse romande, au moins. C'est même certainement le problème de la Suisse, du point de vue des objectifs de l'aviation civile. En effet, cet aéroport est situé à Genève, pour la Suisse romande; ce n'est pas l'aéroport «à Genève, pour Genève».

C'est dans ce contexte que je tiens à vous dire que les cantons de Suisse occidentale, le canton de Berne y compris, manifestent une très remarquable solidarité. Jusqu'à présent toutes nos décisions ont été prises à l'unanimité, que ce soit dans le cadre de la procédure de consultation, dans le cadre des exigences vis-à-vis de l'Office fédéral de l'aviation civile ou dans le cadre de la négociation d'un certain nombre de destinations. C'est en étant solidaires que nous parviendrons à faire avancer ce dossier.

Un mot à propos de l'intervention de M. Grobet concernant le centre de contrôle aérien, qui est un projet majeur pour Genève. Il a deux aspects. Tout d'abord un aspect suisse, en ce sens qu'effectivement l'enjeu est de savoir où ce centre de contrôle aérien pour l'espace supérieur - c'est de celui-là qu'il s'agit - va être logé en Suisse dans le cadre d'un regroupement des activités.

Monsieur Grobet, vous vous nourrissez d'illusions quant à la possibilité de Swissair de se montrer ouverte et coopérative à propos de Genève. Nous nous battrons pour que ce centre puisse véritablement être réalisé à Genève, il y va des intérêts suisses - et pas seulement des intérêts de Genève ou de Suisse romande, parce que beaucoup de contrôleurs aériens habitent en Suisse romande.

Ce projet est la valorisation optimale d'un important investissement qui a été réalisé par la Confédération : 75 millions pour ce nouveau centre de contrôle aérien à Genève, avec des équipements parmi les plus modernes que l'on connaisse en Europe, sous réserve d'acquisition de matériel auquel vous avez fait allusion et qui est effectif.

Et surtout, si ce centre de contrôle aérien se réalise à Genève, nous avons toutes les chances de finaliser la convention binationale entre la Suisse et la France où Genève réaliserait non seulement le contrôle aérien sur l'espace supérieur suisse mais sur une partie très importante de territoire français. C'est une opération très concrète d'intégration européenne, dans le cadre des instances européennes compétentes en matière de contrôle aérien. A ce titre, ce centre est évidemment très important.

En termes d'emplois, c'est considérable : environ quatre cents emplois sont en jeu. En termes de coopération européenne, c'est un centre modèle. Les Allemands s'y intéressent déjà pour déléguer une partie, cas échéant, de leur espace aérien, le sud notamment; les Italiens sont déjà dans le coup en ce qui concerne le nord de l'Italie pour une partie de l'espace aérien contrôlé.

C'est véritablement un projet de très grande envergure. Nous en avons parlé à plusieurs reprises à Moritz Leuenberger et nous avons confiance, de bonnes décisions seront prises prochainement.

M. Pierre Vanek (AdG). J'ai été très intéressé par «l'exposé des motifs» que vient de nous faire M. Maitre pour soutenir l'amendement de son collègue au Conseil national, M. Christian Grobet. Je suis donc deux fois plus convaincu maintenant de la nécessité de voter cet amendement et de remplacer ainsi les invites irréalistes de la résolution qui nous a été proposée par le groupe radical...

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Je tiens à attirer votre attention sur la prudence à observer. En effet, vous faites là un débat d'amendement. Il y aura des votes pour et des votes contre, et ce serait tout à fait regrettable - je le dis très franchement - que l'amendement proposé par M. Grobet fasse l'objet d'un rejet. Ce serait une indication politique désastreuse.

Objectivement, Monsieur Grobet, vous soulevez un autre problème - au demeurant très important - que celui soulevé par la résolution radicale. Il me semble que la sagesse invite à renvoyer et votre résolution et votre amendement en commission. Nous pourrons très certainement en faire deux textes qui, rédigés de manière adéquate, montreront des intentions politiques claires, utilisables et interprétables. Le risque de rejet de cet amendement serait une indication politique véritablement mauvaise pour le centre de contrôle aérien de Genève, je le répète. Par ailleurs, comme nous savons que la résolution radicale n'est de toute évidence pas utilisable telle quelle, il est préférable qu'elle soit examinée en commission pour que nous puissions nous concentrer sur un texte susceptible de recueillir un consensus.

Cet enjeu devrait nous éviter de faire la guéguerre des partis. Dans le cas présent, l'enjeu c'est la Suisse romande et Genève. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Je vous écoute toujours avec beaucoup d'attention, Monsieur Maitre, et je suivrai votre excellent conseil. En effet, il n'y a aucune raison de faire une guerre d'amendements, puisque vous êtes favorable à notre proposition et que vous avez mis en évidence l'intérêt et la nécessité d'intervenir à Berne. Effectivement, nous le savons, le directeur de Swiss Control, pour les raisons que vous avez expliquées, a ses sympathies... Et puis, après votre discours, il n'y aura pas de réaction négative par rapport à notre proposition sous prétexte qu'elle viendrait de l'Alliance de gauche...

Le plus simple c'est de la transformer, Madame la présidente, en une résolution indépendante de celle des radicaux. Et il me semble qu'on pourrait la voter immédiatement dans la foulée... (L'orateur est interpellé par M. Annen.) Vous avez raison, Monsieur Annen, il ne faut surtout pas se dépêcher... Voyez-vous, la marmite est en train de chauffer ! Je pense tout de même qu'il ne serait pas inutile que cette résolution parvienne aux Chambres fédérales avant que la session ne soit terminée.

Puisque M. Maitre a indiqué toutes les raisons pour lesquelles il faut la soutenir, je transforme ma proposition en résolution, et je vous suggère, Madame la présidente, de la mettre aux voix.

M. John Dupraz (R). Nous sommes en présence d'une résolution formelle et d'un amendement. Nous sommes d'accord que la résolution soit renvoyée en commission, pour les raisons évoquées par les uns et les autres. Je suggère que l'amendement proposé par M. Grobet soit également traité en commission. Cela me paraît être la voie de la sagesse. Nous aurons ainsi une ou deux résolutions, mais le texte sera bien rédigé.

Monsieur Grobet, vous êtes très malin, mais pas assez pour moi ! (Rires.)

La présidente. Votre amendement, Monsieur Grobet, étant transformé en résolution, je mets aux voix son renvoi en commission. Monsieur Annen, vous n'avez pas la même vision que la mienne ? Eh bien, proposez ! Je vous écoute.

M. Bernard Annen (L). Si nous renvoyons le tout en commission, nous pourrions bien sûr y adhérer, mais je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'un amendement ne peut être renvoyé en commission par son propre auteur. La résolution nouvelle ne figurant pas à l'ordre du jour, on ne peut par conséquent pas la renvoyer en commission. (Manifestation.) Le seul moyen de pouvoir le faire est de tout renvoyer en commission, un point c'est tout ! (L'orateur est interpellé par M. Grobet.) Allez, Monsieur Grobet ! Nous souscrirons à cette proposition si elle consiste à renvoyer le tout en commission.

La présidente. Je vais vous préciser comment je compte procéder; vous prendrez la parole ensuite. Je vais mettre au vote le renvoi en commission de la résolution 337. Ensuite, si l'amendement est transformé en résolution, je demanderai si vous êtes d'accord avec la clause d'urgence. Ainsi nous la voterons ou pas. En effet, il est possible de déposer en tout temps une résolution en plénière, mais on ne la traite que si la clause d'urgence est traitée. Cela me semble clair et logique.

M. Pierre Vanek (AdG). Je voulais faire la même suggestion que la vôtre, Madame la présidente ! Il n'y a donc pas de problème.

R 337

La présidente. Je mets donc aux voix le renvoi de la résolution 337 à la commission de l'économie.

Mise aux voix, cette proposition de résolution est renvoyée à la commission de l'économie.

La présidente. L'amendement que vous avez sur vos places a été transformé en résolution. Celles et ceux qui acceptent de la traiter en urgence... Comment non ?

M. John Dupraz (R). Madame la présidente, nous avons très clairement exprimé le désir de tout renvoyer en commission, et maintenant vous faites du formalisme et du juridisme ! Dites que cet amendement doit être examiné comme une résolution et qu'il faut la renvoyer en commission, d'accord, mais la voter en urgence me paraît excessif !

Une voix. Et alors !

M. John Dupraz. Ce n'est pas ce que nous avons proposé !

 

R 340

La présidente. C'était uniquement pour pouvoir la mettre à l'ordre du jour. Mais cela n'a pas d'importance, puisque vous êtes d'accord ! Je mets aux voix le renvoi en commission de la nouvelle résolution de M. Grobet ainsi intitulée :