République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7293-A
21. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics (L 6 05). ( -) PL7293
Mémorial 1995 : Projet, 5570. Renvoi en commission, 5622.
Rapport de M. Henri Duvillard (DC), commission des travaux

Ce projet de loi a été déposé par le Conseil d'Etat le 6 septembre 1995.

Notre commission, sous la présidence de M. Hervé Burdet, a consacré5 séances à son examen. Puis elle a repris ses travaux au printemps 1997, lors de 2 séances, sous la présidence de M. Henri Duvillard. Elle a été assistée, pendant ses travaux, tantôt par l'une, tantôt par plusieurs des personnes suivantes: M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, M. Denis Dufey, secrétaire général, M. Arthur Harmann, directeur et ingénieur cantonal, M. François Reinhard, directeur des bâtiments, et Mme Pascale Vuillod, juriste au secrétariat général.

Préambule

Dans le cadre des négociations du Cycle de l'Uruguay, les Etats participants ont revisé certains accords plurilatéraux annexes, et parmi eux, l'Accord GATT sur les marchés publics. Cet accord est entré en vigueur le1er janvier 1996.

Sur le plan fédéral, les travaux d'intégration sont déjà fortement avancés, notamment avec l'adoption, par les Chambres en 1994, de la loi fédérale sur les marchés publics. Mais selon la volonté des négociateurs, l'accord sur les marchés publics s'applique également, pour la Suisse, au niveau des cantons et voire même des communes.

Dans ce but, la Conférence suisse des directeurs cantonaux concernés, ainsi que la Conférence des chefs de départements cantonaux de l'économie publique, ont élaboré, en novembre 1994, le texte d'un accord intercantonal sur l'adjudication des marchés publics des cantons, qui permet d'étendre les principes d'égalité de traitement contenus dans l'accord sur les marchés publics aux prestations suisses. On imagine, en effet, difficilement un système dans lequel une autorité adjudicatrice, cantonale ou communale, devrait ouvrir son marché aux entreprises étrangères, mais pas aux prestataires d'un autre canton.

L'accord intercantonal sur les marchés publics est conçu comme un concordat ouvert auquel chaque canton est libre d'adhérer ou pas. Il en découle que l'adhésion ne peut intervenir que globalement et sans réserve. (Voir en annexe le texte de l'accord intercanontal sur les marchés publics.)

1re partie des travaux de la commission - été 1996

Dans cette première partie de nos travaux, seuls les marchés cantonaux étaient concernés par l'accord. Pendant les cinq premières séances de travail, les membres de la commission des travaux, après le jeu des questions et réponses, ont été convaincus, à une large majorité, qu'il valait mieux, comme cela a déjà été dit plus haut, collaborer avec les autres cantons et, de ce fait, donner une ouverture sur les autres marchés à nos entreprises, en adhérant à l'accord intercantonal, dès lors que, de toute façon, nous sommes, quoi que nous décidions, liés aux accords du GATT. Les commissaires ont pu s'en persuader à la lecture des articles de ce concordat, qui permettent aux cantons qui le veulent bien de défendre malgré tout, tout en restant ouverts à la libre concurrence, les intérêts des entreprises locales. Pour cela, ils disposent, par exemple, de plusieurs types de procédure de mise en concurrence (art. 12) ou, encore, ils ont un pouvoir (devoir) de vérification et de sanction (art. 19), etc. D'autre part, ce concordat renforce également la protection du soumissionnaire en lui octroyant une voie de recours contre les décisionsde l'adjudicateur, avec, il est vrai que très rarement, un effet suspensif(art. 16 et 17).

Quant à la hauteur des seuils (art. 7) que fixe l'accord, il faut savoir que l'autorité intercantonale a la faculté de l'adapter périodiquement (art. 4, al. 2. lettre c) car l'Accord GATT fixe ces valeurs en droits des tirages spéciaux (DTS) qui doivent être convertis dans les différents Etats membres sur la base de la valeur du marché dans la devise nationale. Par exemple, au moment de nos discussions en commission en été 1996, le seuil, pour les ouvrages, se trouvait à une hauteur de 10 070 000 F par ouvrage, alors qu'aujourd'hui, au moment où j'écris ce rapport, le franc suisse ayant légèrement évolué, ce seuil est à une hauteur de 9 575 000 F par ouvrage. Il en va, bien entendu, de même pour tous les autres marchés, tels que ceux des fournitures, des services, etc., et avec la même valeur de variation.

2e partie des travaux de la commission - printemps 1997

A la rentrée d'automne 1996, au moment de déposer son rapport, la commission ayant appris que les choses ont évolué, et que, depuis, les communes étaient également soumises à la loi fédérale sur les marchés intérieurs et, cela, dès juillet 1996, les commissaires ont préféré attendre que le Conseil d'Etat et les communes, par l'intermédiaire de l'Association des communes, négocient et trouvent un terrain d'entente avant de déposer ce rapport. Ce qui est fait aujourd'hui et nous a permis d'amender la loi (art. 2).

Auditions

Audition de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA)

La commission a entendu M. E. Borloz, ingénieur civil, président de la SIA, accompagné de M. S. P. Vuille, architecte, vice-président. Cette audition a peu fait avancer nos travaux, les députés ont été, pour la plupart, étonnés qu'une telle association professionnelle n'ait pas ou mal compris le principe même de cet accord, et, très souvent, mal interprété le sens des articles.

Audition de la FMB et des syndicats ouvriers SIB et SIT

Ces groupements étaient représentés par M. G. Barrillier, secrétaire général de la Fédération des métiers du bâtiment (FMB), M. J. Blanc (FMB), M. Y. Doret, du Syndicat industrie et bâtiment (SIB), et M. Varcher, du Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT). Ces messieurs, représentant les partenaires sociaux du bâtiment, nous ont dit être favorables et appuient cet accord intercantonal. Pour eux, ce concordat intercantonal aura l'avantage:

 de renforcer la réciprocité entre les entreprises des divers cantons;

 d'élargir les critères d'adjudication;

 de permettre de régler le problème de la sous-traitance en invitant les soumissionnaires à se porter garants de leurs sous-traitants.

En revanche, il sera extrêmement important pour eux que le règlement d'application facilite le contrôle des conditions de travail et sociales afin que celui-ci soit garanti sur le lieu du chantier. Il leur importe également qu'il laisse aux entreprises une certaine latitude quant aux choix des fournisseurs.

Audition de l'Interassar et de l'AGI

L'Interassar, représentée par Mme C. Scater, présidente, et M. Goetschmann, secrétaire, est une association professionnelle faîtière qui regroupe les architectes, les ingénieurs et les géomètres. Quant à l'AGI (qui fait également partie de l'Interassar), elle était représentée par M. Fichs, président. Ces personnes étaient accompagnées par Me J. M. Siegrist, conseil de ces associations. D'entrée de cause, Mme Scater informe la commission que les membres de leur comité ont étudié depuis plusieurs mois les dispositions du GATT et qu'ils ne sont pas opposés au contenu de l'accord intercantonal sur les marchés publics, quand bien même celui-ci risque de bouleverser les habitudes, les manières et les méthodes de travail de leurs membres. Il espèrent que cette nouvelle loi ne portera pas atteinte à l'indépendance et au savoir-faire, ainsi qu'au rôle de conseil qu'ils jouent auprès du maître de l'ouvrage. Me J. M. Siegrist souligne que l'article 4 du projet de loi 7293 (non encore amendé, voir Mémorial no 49, page 5571) est trop restrictif en ce sens qu'il ne semble être appliquable qu'à la surveillance du marché portant sur les ouvrages (voir quelquefois les fournitures); il nous propose un amendement qui, dans les grandes lignes, nomme plusieurs commissions composées chacune des membres représentant les associations concernées, afin de vérifier le respect des dispositions en matière de marchés publics, conformément à l'article 19 dudit accord.

Audition de l'Association des communes genevoises (ACG)

M. P. Hiltpold, président de l'ACG, et M. A. Rutsche, secrétaire adjoint, sont venus indiquer que leur comité a pesé le pour et le contre entre la loi fédérale et l'accord et c'est bien ce dernier qui, à leur avis, est le plus favorable. M. Hiltpold nous fait remarquer que si, lors de la présentation de cet accord, à l'assemblée des communes, le vote a été très partagé (8 oui,7 non, 12 abstentions), c'est qu'à ses yeux, pour beaucoup de communes, cet accord donne l'impressioon de complications supplémentaires au simple niveau communal.

Conclusions

Il faut rappeler ici qu'en cas d'acceptation du projet de loi 7293, laloi L 6 05 sera abrogée et que, sur la base de la nouvelle loi, le règlement L 6 2 sera adapté en tenant compte des directives que la conférence a élaborées.

Au terme de ses travaux, la commission, après avoir passablement amendé le projet, a pu voter une première fois le 23 avril 1996 où elle a accepté par 11 oui (5 L, 1 R, 2 PDC, 2 S, 1 Ve) contre 4 abstentions (3 AdG, 1 R) le projet de loi 7293, puis après l'accord, au niveau communal, elle a voté le 4 mars 1997 un amendement (art. 2 du projet de loi 7293 tel qu'il vous est présenté), accepté par 9 voix contre 3 abstentions (AdG).

Au vu de ces votes, la majorité de la commission vous recommande de voter le projet de loi 7293 amendé.

Premier débat

M. Henri Duvillard (PDC), rapporteur. Juste une petite précision que j'apporterai à la page 5, où il y a eu un petit problème de rédaction. Avant «projet de loi», il faut lire : «la majorité de la commission» et non «la majorité de la commune».

M. Christian Grobet (AdG). Il n'existe quasiment pas de jour où on ne lise dans la presse et, ce matin ou hier matin, on pouvait y voir des articles décrivant la situation difficile dans laquelle se trouve l'industrie du bâtiment et constater que cette dernière n'hésite pas à solliciter très fortement l'aide des pouvoirs publics pour financer ses projets. Il est paradoxal que ceux qui se targuent d'avoir de grands principes de libéralisme demandent le soutien économique des pouvoirs publics; tous les milieux de la construction le reconnaissent ! La concurrence exacerbée que se livrent les entreprises de la construction, ajoutée au fait que nombre d'entre elles ont accepté des chantiers de construction en dessous du prix de revient, a conduit tout une série d'entreprises à devoir fermer leurs portes.

Cette concurrence à outrance a été désastreuse, tout particulièrement dans le secteur de la construction. Bien entendu, ce genre de concurrence, préconisé par les ultralibéraux, a fait beaucoup de dégâts dans d'autres secteurs. Mais c'est indiscutablement dans le secteur de la construction qu'il en a fait le plus.

En plus, on nous propose de libéraliser davantage ! En ce qui concerne les marchés publics - la Suisse ayant adhéré à l'accord du GATT - notre canton, comme les autres collectivités publiques fédérales et cantonales, doit appliquer l'accord du GATT pour les marchés qui dépassent une somme d'environ dix millions de francs. Mais il n'y a aucune obligation d'aller au-delà !

Aujourd'hui, on nous propose un concordat intercantonal. Or on sait que la venue d'entreprises en provenance d'autres cantons, qui n'ont pas les mêmes conditions salariales ou les mêmes conventions collectives qu'à Genève, augmentera une concurrence, à laquelle nos entreprises locales auront beaucoup de peine à faire face.

Nous sommes fiers, quant à nous, de cette loi qui est plus que centenaire. Il s'agit de la loi sur les soumissions et adjudications publiques des travaux de l'Etat, du 2 novembre 1892, adoptée à un moment où le parti radical gérait les affaires publiques et essayait d'instituer un certain nombre de règles de fonctionnement de notre société moderne.

Cette loi de 1892 vise à garantir l'application des conventions collectives à Genève, à éviter de donner du travail à des entreprises qui n'appliquent pas ces conventions et à leur imposer de les respecter. Nous sommes opposés à son abrogation, telle qu'elle est proposée aujourd'hui.

On nous demande de voter un concordat favorisant la concurrence et introduisant le libéralisme, sans même que l'on n'ait adopté, en même temps, une loi de remplacement de celle de 1892 et, surtout, de son règlement d'exécution. Il est vrai que la loi de 1892 est très brève, mais elle a été complétée d'un règlement qui a, sauf erreur, une vingtaine d'articles et qui régit, en détail la question des soumissions et adjudications des travaux publics à Genève.

Il est bien entendu qu'en abrogeant la loi de 1892 le règlement du Conseil d'Etat sur les soumissions et adjudications n'aura plus de base légale et disparaîtra avec l'eau de la baignoire.

On nous annonce un futur règlement que l'on ne connaît pas, dans un domaine où, à vrai dire, il conviendrait de légiférer. Tout à l'heure, Christian Ferrazino a donné connaissance d'un arrêt du Tribunal fédéral qui, une fois de plus, donne une leçon de droit au Conseil d'Etat en ce qui concerne l'obligation d'avoir une base légale pour adopter des règlements. En effet, on ne peut pas tout mettre dans un règlement, et la moindre des choses aurait été que l'on nous soumette en même temps l'accord d'adhésion à ce concordat, un projet de loi visant à régler les soumissions et adjudications publiques à Genève.

A ce sujet, notre groupe a déposé un projet de loi. Non seulement, ce dernier reprend le contenu du règlement actuel, dont la base légale va disparaître, mais il vise à éviter les abus auxquels pourrait conduire l'application de ce concordat. Il représente une base légale pour s'assurer que les entreprises genevoises sont à concurrence égale avec les entreprises en provenance d'autres cantons dans le cadre des marchés publics.

Ce projet de loi que nous avons déposé, sauf erreur, il y a plus d'une année, dort en commission. Cette dernière n'a pas voulu entrer en matière. Il est évident que les deux sujets devaient être traités en même temps. C'est la raison pour laquelle notre groupe s'opposera au projet de concordat que l'on nous propose. Il considère que, tant qu'on ne sait pas quel sera le régime applicable dans la législation genevoise pour les marchés publics, il n'est pas possible d'adhérer à un tel concordat.

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Il aura fallu un an et demi d'auditions, de discussions, d'amendements et de votes en commission des travaux pour pouvoir vous présenter ce projet de loi complet qui garantit à Genève une ouverture sereine de ses marchés publics.

En fonction des propos que M. Grobet vient de tenir, il est dommage qu'il n'ait pas participé aux travaux de la commission, car il aurait vu que cet accord intercantonal, auquel nous adhérons aujourd'hui, est tout à fait comparable au règlement L6.2 en vigueur aujourd'hui. Il va même au-delà de ce qui est prévu, en ce qui concerne la pratique.

Dans ses propos, M. Grobet indique qu'il ne connaît pas le règlement d'application de l'AIMP, alors que chaque député de la commission des travaux a reçu le projet de règlement d'exécution de l'AIMP et a pu l'étudier en toute tranquillité. De ce fait, et malgré les propos tenus par M Grobet, les gens votent sur un accord dont ils connaissent le règlement d'application !

Les partenaires sociaux ainsi que ceux des milieux de la construction qui sont les premiers concernés ont très vite fait part de leur approbation à ce projet de loi et à l'accord intercantonal sur les marchés publics qui garantit, entre autres :

Premièrement, le respect absolu du principe de la réciprocité. Seules les entreprises domiciliées dans un canton, parties à l'accord, et qui adjugent des travaux aux entreprises genevoises pourront venir soumissionner chez nous.

Deuxièmement, l'accord intercantonal garantit la paix du travail en imposant aux soumissionnaires étrangers aux cantons d'appliquer les conditions de travail et de salaire du lieu du chantier, Monsieur Grobet.

Cette obligation impose bien sûr le respect des conventions collectives de travail en vigueur à Genève.

Troisièmement, l'accord garantit que les travaux seront adjugés à l'offre économiquement la plus avantageuse, et non pas, systématiquement à l'offre la plus basse. Cette notion permet de tenir compte d'autres critères que celui du prix, notamment, des prestations d'intérêt général offertes par les entreprises locales, telles que les places d'apprentissage.

Enfin, l'accord interdit toute négociation des offres après l'ouverture et évite ainsi tout soupçon de pratique mafieuse. Quatorze cantons suisses sont déjà partie prenante de cet accord intercantonal, et il est impératif que Genève monte dans le train sans tarder.

En effet, si Genève ne suit pas ses voisins, le canton n'évitera pas l'ouverture de ses marchés qu'elle est tenue de garantir en vertu de l'accord du GATT/OMC sur les marchés publics et de la loi fédérale sur les marchés intérieurs.

Malheureusement, la LMI n'est qu'une loi-cadre et n'impose aucune procédure au canton. Si on n'adoptait pas cette loi, Monsieur Grobet, on se trouverait ainsi dans une sorte de flou juridique qui laisserait la porte ouverte aux plus grands abus.

Dans la période de crise que nous traversons, ni l'Etat ni les entreprises du bâtiment n'y ont intérêt, au risque de provoquer des distorsions de concurrence entre les entreprises qui respectent scrupuleusement leurs obligations sociales et celles qui se refusent à appliquer les conventions collectives et autres normes impératives.

Je salue ici la décision des communes genevoises qui ont accepté de rejoindre le cercle des adjudicateurs visés par la loi. Leur décision permettra une harmonisation de la procédure cantonale et des conditions de soumission et d'adjudication des marchés. Cette décision permettra aussi de revaloriser la confiance des entreprises à l'égard de certaines collectivités publiques qui ont parfois tendance à se moquer des règles les plus élémentaires en matière de soumissions et d'adjudications : rondes des prix, conditions contractuelles inhabituelles au détriment des entreprises, non-contrôle du paiement de la TVA, des impôts à la source, etc.

Enfin, je rends hommage au travail des collaborateurs du DEP. Les délégués des partenaires sociaux qui ont travaillé d'arrache-pied pour que ce règlement d'application de la loi puisse entrer en vigueur en même temps que cette dernière, fixant ainsi les procédures à suivre et les éléments indispensables à une ouverture des marchés genevois. En conclusion, le groupe libéral vous invite à voter ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Le député Gardiol a très bien résumé la situation et a dit une bonne partie des propos que je voulais tenir. Quant à la philosophie du projet, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions envisager d'adhérer à une Europe économique et comment nous pourrions vivre en ayant déjà adhéré à l'OMC, si nous ne sommes pas capables de faire en Suisse ce que nous prétendons faire en Europe et dans le monde. Nous prétendons fédérer l'Europe et nous continuons - en tout cas, c'est le sens du voeu de M. Grobet - à élever des barrières en Suisse. Cela me paraît être totalement contre-nature. Commençons d'abord par intégrer notre économie avec les réserves qui viennent d'être évoquées par M. Gardiol, comme celle de la réciprocité et du traitement équitable de toutes les parties qui prennent part au contrat. Mais arrêtons de nous diviser les uns et les autres, alors que nous voulons essayer de construire plus grand ! Ne serait-ce que pour cette raison, il faut que nous acceptions ce projet de loi !

M. Chaïm Nissim (Ve). Mes préopinants ont dit en grande partie ce que j'avais à dire. Monsieur Grobet, si tant est que nous le voulions - ce qui n'était pas le cas dans la commission - nous ne pourrions pas élever des barrières autour du canton de Genève.

Votre projet de loi qui a été discuté et sur lequel nous avons refusé d'entrer en matière reprenait, en gros, les dispositions figurant dans l'actuel règlement L6.2, pour les transformer en loi. Les fonctionnaires du département nous ont très gentiment expliqué que ce projet de loi était inapplicable pour trois raisons juridiques majeures sur lesquelles je n'entrerais pas en détail maintenant. Mais je tiens à votre disposition - hors plénière du Grand Conseil - une pleine enveloppe des résumés que nous ont faits les fonctionnaires du département.

Votre projet de loi était malheureusement inapplicable, et les trois commissaires de votre fraction, présents à la commission, étaient un peu mal à l'aise. Ils nous ont promis de vous demander de le retirer. Apparemment, ils ne l'ont pas fait, puisque vous reprenez cette proposition en plénière, mais je voudrais bien que vous en discutiez, sinon avec les trois commissaires de votre fraction, au moins avec moi. Je vous apporterai dans mon enveloppe les raisons pour lesquelles votre projet de loi est inapplicable, Monsieur Grobet.

M. Pierre Meyll (AdG). Chaque fois que nous avons proposé de discuter du projet de loi de l'Alliance de gauche dans le cadre de la discussion générale, il y a eu une fin de non recevoir. On nous a donné des raisons juridiques. Nous avons esquissé les problèmes avec nos autres collègues de l'Alliance de gauche. Considérant qu'il devait être discuté, ils n'avaient pas du tout l'intention de retirer ce projet de loi.

Vous l'avez contesté, shooté, on ne peut pas dire autrement ! Il n'y a pas eu de discussion à ce sujet, c'est tout au plus si quelques arguments ont été échangés. Ensuite, vous avez dit qu'il fallait le retirer et, comme nous n'étions pas d'accord, la discussion que nous avons maintenant en plénière remplace celle que nous aurions dû avoir en commission.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Nissim, ce n'est pas vous qui me convaincrez du fait que mon projet de loi est inapplicable, mais peut-être quelque juriste qui connaîtrait bien la question serait à même d'engager un débat !

Ce projet de loi reprend - je dirais à 90% - le contenu d'un règlement. Il est vrai que les milieux patronaux genevois n'ont jamais voulu que ce qui figure dans un règlement se trouve dans une loi, alors qu'il s'agit du b.a.-ba du principe institutionnel dans ce pays.

Mais prétendre que le règlement sur les soumissions, édicté par le Conseil d'Etat, n'est ni valable ni applicable est un peu cavalier. Personnellement, je l'ai appliqué pendant douze ans. Vos propos prouvent juste que vous ne connaissez pas du tout le sujet.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le cas où nous nous sommes fait «retoquer» par le Tribunal fédéral, comme l'a souligné M. Ferrazino, est récent. Depuis de nombreuses années, bien avant 1993, nous savions que notre droit cantonal n'est pas conforme, pour des raisons qui échappent au non-juriste que je suis. Nous n'avons jamais jugé bon de transformer cette situation, mais, aujourd'hui, nous sommes placés devant cette obligation par des arrêtés impératifs. Nous soumettrons le projet à la prochaine séance du Conseil d'Etat pour être en conformité avec le droit suisse.

A titre personnel, en ce qui concerne ce projet de loi, j'approuve ce qui a été dit par mes préopinants, MM. Gardiol et Blanc, mais je ferai les remarques suivantes :

En premier lieu, le règlement d'exécution est effectué, et le dispositif juridique qui a été adopté pour savoir ce qui devait figurer dans le règlement d'exécution et dans la loi, est directement inspiré des propositions que nous ont faites les milieux de la conférence des directeurs des travaux publics qui ont bénéficié de l'appui du professeur Nicolas Michel pour créer des projets uniformes.

En effet, il est extrêmement important que la disparité ne soit pas trop grande entre les textes des différents cantons, car cela rendrait leur application inefficace.

Deuxièmement, comme cela a été souligné, si nous n'adoptons pas ce projet, nous nous retrouverons dans un système comparable à celui des poupées russes et, par le biais des échelons supérieurs, nous serons tout de même soumis à des contrôles.

Troisièmement, il s'agit de la réciprocité qui n'est pas un vain mot. Entre autres, nous avons obtenu pour une entreprise genevoise de la place la construction d'un viaduc - que j'ai visité - dans le canton du Valais et sur lequel nous avons misé à fond, alors que les accords n'étaient pas votés concernant la notion de réciprocité. Il est très important de savoir que cela se fait.

Quatrièmement, la réorganisation des métiers du bâtiment et les concentrations dans certains secteurs sont très dures. Prenez le cas, par exemple, des entreprises de la construction métallique ! Que nous le voulions ou non, dans tous les cantons ces entreprises ferment leurs portes. De plus en plus, nous serons appelés à collaborer entre cantons, car nous n'avons tout simplement plus certains maillons de la chaîne de production du bâtiment.

Dans cet esprit, nous devons essayer, comme l'a dit le député Blanc, de jouer l'Europe d'abord en Suisse, pour nous préoccuper ensuite valablement de l'Europe en Europe.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonalsur les marchés publics

(L 6 05)

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 99 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Adhésion

Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, à l'accord intercantonal sur les marchés publics (ci-après: l'accord intercantonal), adopté le 25 novembre 1994 par la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l'aménagement du terri-toire et de la protection de l'environnement et par la Confé-rence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique, et approuvé par le Conseil fédéral le 14 mars 1996. Le texte de l'accord est annexé à la présente loi.

Art. 2

Adjudicateurs

Les communes ou groupements de communes font également partie des pouvoirs adjudicateurs soumis à l'accord intercantonal, ceci sous réserve de réciprocité

Art. 3

Voies de recours

1 Le Tribunal administratif est l'autorité judiciaire compétente au sens de l'article 15 de l'accord intercantonal pour statuer sur recours contre les décisions de l'adjudicateur.

2 Sont réputées décisions sujettes à recours :

a) la décision d'adjudication;

b) la décision concernant l'inscription d'un soumis-sionnaire sur une liste de prestataires qualifiés ou la radiation de son inscription.

3 Si le caractère illicite de la décision est constaté, le recourant peut demander devant l'autorité compétente la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu'il a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours.

4 Sauf disposition contraire contenue dans l'accord intercantonal, la procédure est réglée par la loi sur la procédure administrative.

Art. 4

Dispositions d'exécution

1 Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de l'accord intercantonal et détermine les sanctions applicables selon l'article 19, alinéa 2.

2 Le Conseil d'Etat réglemente la passation des marchés publics non soumis à l'accord intercantonal. Il peut soumettre ces marchés à certaines dispositions dudit accord. Les décisions y relatives ne sont pas susceptibles de recours au sens de l'article 2.

Art. 5

1 Le Conseil d'Etat nomme les commissions chargées de la vérification du respect des dispositions en matière de marchés publics, conformément à l'article 19 de l'accord intercantonal.

2 Pour les marchés de construction, la commission est composée de représentants de l'Etat, des associations d'entrepreneurs et des syndicats de travailleurs.

3 L'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) est chargé de contrôler que les soumissionnaires ont pris l'engagement de respecter les conditions de travail en vigueur à Genève. Ils sont tenus de mettre à sa disposition tous les documents nécessaires à ce contrôle.

Art. 6

Clauseabrogatoire

La loi sur les soumissions et adjudications publiques des travaux de l'Etat, du 2 novembre 1892, est abrogée.

Art. 7

Entrée envigueur

L'accord intercantonal sur les marchés publics entre en vigueur lors de la publication de la déclaration d'adhésion de la République et canton de Genève dans le Recueil officiel des lois fédérales.

Art. 8

Modificationsà une autre loi 00(E 5 05)

1 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit :

Art. 8, al. 1, ch. 110° bis (nouveau)

110° bis décisions de l'autorité adjudicatrice selon110° bis l'accord intercantonal sur les marchés publics110° bis (L 6 05, art. 2).

**MM*

2 La loi sur l'économat de l'Etat, du 2 juillet 1937, est modifiée comme suit

Art. 2 (nouvelle teneur)

L'activité de l'économat est soumise aux dispositions de l'accord intercantonal sur les marchés publics.

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