République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1091-A
11. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes Micheline Calmy-Rey, Liliane Charrière Urben, Nicole Castioni-Jaquet et Mireille Gossauer-Zurcher concernant la sous-traitance de tâches de l'Etat à des entreprises privées. ( -) M1091
 Mémorial 1996 : Annoncée, 5730. Développée, 6102. Renvoi en commission, 6109.
Rapport de Mme Vérène Nicollier (L), commission de l'enseignement et de l'éducation

Le projet de motion 1091 a été renvoyé à la commission de l'enseignement, pour étude, par notre Grand Conseil en date du 11 octobre 1996 (Mémorial no 40/VI, page 6102).

Sept séances ont été consacrées à l'examen de la motion 1091 sur la sous-traitance des tâches de l'Etat à des entreprises privées, les 27 novembre 1996, 4 décembre 1996, 11 décembre 1996, 8 janvier 1997, 29 janvier 1997, 5 février 1997 et 5 mars 1997. Ces séances ont été présidées parMme Elisabeth Häusermann.

Les commissaires ont reçu une documentation détaillée: Etude concernant le nouveau concept de l'office de la jeunesse (OJ), de janvier 1996; Contrat de prestations du 14 juin 1996 entre la direction générale de l'OJ et l'entreprise Tinguely; Résumé des activités de l'entreprise Tinguely daté du 21 novembre 1996, comparaison des tarifs des transports 1996-1997 entre les deux systèmes datée du 3 décembre 1996, copie de diverses correspondances entre, d'une part, la direction générale de l'OJ et, d'autre part, le service médico-pédagogique (SMP) et l'entreprise Tinguely.

Comment s'organise le transport des enfants des classes spécialisées ?

Le nouveau concept mis au point en janvier 1996 introduit «la notion d'une entreprise unique qui assurera l'organisation des transports du secteur spécialisé sur mandat du département, sous la responsabilité du SMP en coordination avec la direction générale de l'OJ».

Pour mieux saisir la complexité de cette tâche, voici quelques chiffres:

- nombre d'enfants transportés : 360 à 420 par jour;

- âge: enfants handicapés de 3 à 12 ans;

- période du contrat: année scolaire (180-190 jours/an);

- trajets: liaisons entre les domiciles des enfants et 33 écoles et institutions;

- fréquence des trajets: 2 à 4 fois par jour.

En juin 1994, en préambule à son étude sur un nouveau concept de l'organisation dudit transport, l'OJ adressait un document de travail à la direction générale des services administratifs et financiers du département de l'instruction publique (DIP) et à la direction du SMP dans les termes suivants: «Après avoir constaté que le coût des transports des jeunes du secteur de l'enseignement spécialisé suscitait des interrogations quant aux dépenses annuelles élevées - même si l'AI rembourse entre 65 à 70% de ces prestations - et que la création de nouvelles institutions serait plus onéreuse, il a été entrepris une étude de marché, en liaison avec le SMP.»

En novembre 1994, un appel d'offres est adressé aux entreprises de transports de Genève.

En janvier 1995, l'étude des dossiers retenus est entreprise.

En mars 1995, le SMP rend un rapport intermédiaire. Le choix final se porte sur l'entreprise Tinguely dont l'offre se base sur les données des transports de l'année scolaire 1995-1996. Il est alors prévu que l'entreprise Tinguely  sous-traiterait ces transports avec les entreprises jusqu'alors employées.

De mars à juin 1996, on fit un essai du nouveau concept pour en juger la qualité et analyser les prestations des entreprises en place. Pendant cette période, on applique encore le tarif SMP.

Le 14 juin 1996, un contrat de prestations fut signé entre l'Etat et l'entreprise Tinguely.

En septembre 1996, ce nouveau concept entra en vigueur.

Auditions

27 novembre 1996: Mme Eliane Muster, adjointe à la direction de l'OJ; MM. Hervé Pichelin, Giovanni Albano et Robin Rouge, représentants du Syndicat interprofessionnel des travailleurs (SIT).

La commission a jugé bon d'auditionner successivement Mme Eliane Muster, puis les représentants du SIT. Il est ressorti de l'audition de Mme Muster que l'organisation des transports d'enfants handicapés grâce au nouveau concept du DIP se déroulait dans des conditions meilleures et plus efficaces qu'auparavant.

L'audition des représentants du SIT a mis en exergue le problème soulevé par la diminution de l'enveloppe financière. Ils ont constaté qu'un des sous-traitants avait diminué les salaires de ses chauffeurs et résilié un contrat de chauffeur.

C'est cet incident, apparemment incompatible avec les conventions de travail en usage, qui est à l'origine de la présente motion.

4 décembre 1996: MM. Robin Rouge, éducateur, et Pierre Grand, administrateur du SMP.

Cette audition n'a pas amené toute la clarté qu'aurait souhaitée la commission, si ce n'est que l'éducateur a confirmé l'augmentation sensible du nombre d'enfants à transporter, et l'administrateur du SMP l'augmentation des coûts à 3 millions de francs par rapport aux 2,4 millions de francs annoncés. M. Grand informe également la commission qu'un crédit supplémentaire sera demandé au Grand Conseil. Le représentant du SMP confirme également que le nouveau concept permet d'obtenir un prix inférieur à celui du système précédent puisque seule la prestation est facturée. Certains commissaires se posent cependant la question de savoir s'il ne serait pas préférable de revenir à la situation ante.

11 décembre 1996: MM. Jean-Marc Odier, Walter Herren et Edmond Tinguely, prestataires; Mme Florence Petitpierre, secrétaire générale de l'Association des parents d'élèves mentalement handicapés.

Selon les prestataires, leurs offres n'auraient pas été examinées par les services de l'Etat avec toute l'attention suffisante. Ces offres mentionnaient des chiffres très voisins entre eux, oscillant entre 2,78 millions et 2,85 millions. L'apparition d'une quatrième offre en dehors des délais de soumission d'un montant de 2,2 millions auxquels s'ajoutaient 10% de frais de gestion, a été mal perçue.

Cette audition a fait apparaître une incompréhension quant au nouveau concept. Il semblait à certains que le SMP, en plus de ses tâches ordinaires, avait assumé des tâches administratives qui faisaient doublon avec celles du transporteur mandaté. Les prestataires émirent aussi la critique que l'enveloppe accordée ne correspondait pas aux prestations demandées, compte tenu de l'augmentation du nombre d'enfants à transporter, des trajets supplémentaires, etc.

8 janvier 1997: M. Edmond Tinguely et son comptable, M. Jean-Daniel Bally.

Une seconde audition de l'entreprise Tinguely fut mise sur pied pour obtenir une explication comptable plus détaillée. Il est ressorti de cette audition que les premiers chiffres articulés par cette entreprise correspondaient aux tarifs appliqués dans le transport individuel de personnes et que, par la suite, le tarif appliqué a été modifié sur la base du tarif public, moins la commission, mais majoré de 10% pour les frais administratifs.

En fin de compte, les commissaires s'étonnent que les augmentations n'aient pas été prévues dans les projections.

D'une part, les chiffres avancés par le SMP auraient dû mieux tenir compte d'une augmentation alors prévisible des tâches à accomplir. D'autre part, dès que le contractant fut conduit à dépasser le budget, il aurait dû le signaler de façon claire, d'autant plus que, selon l'article 4 du contrat de prestation, il est loisible à l'entreprise d'adapter ses prestations à l'évolution des besoins.

29 janvier 1997: M. Michel Ramuz, directeur général des services administratifs et financiers du DIP.

Après l'audition des deux partenaires du contrat, la commission voulut avoir l'éclairage du DIP. M. Ramuz rappela qu'un contrat de prestation en bonne et due forme avait été signé et que ce contrat prévoyait que le SMP établissait lui-même la liste des transports d'élèves à effectuer. Le transporteur fait alors une offre d'organisation et de transport.

M. Ramuz confirme que, depuis septembre 1996, il a été nécessaire de mettre à disposition un nombre supérieur de véhicules et de courses qu'initialement prévu. Il précise qu'organisation et calcul des prestations ont été effectués par l'entreprise Tinguely, puis remis au SMP, qui a ensuite validé ce concept. L'application du contrat a suscité certains problèmes d'adaptation.

Cela étant, il est désormais prévu de rationaliser certains aspects de cette procédure tout en respectant le cahier des charges établi par le SMP. La différence entre l'offre initiale de 2,5 millions de francs et le coût du dernier exercice s'explique notamment par le fait que l'entreprise Tinguely n'a pas pris en compte les éléments variables pouvant intervenir au cours de l'année scolaire.

Se basant sur l'Accord intercantonal sur les marchés publics, du 25 novembre 1994, auquel le Conseil d'Etat a adhéré (PL 7293), M. Ramuz informe la commission que les contrats d'une telle importance feront dès 1998 l'objet d'une mise au concours générale. En effet, l'Accord intercantonal prévoit, à son article 1 (dispositions générales), une ouverture réciproque des marchés publics entre les cantons, en poursuivant notamment les objectifs d'assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires, de garantir l'égalité de traitement à tous les soumissionnaires et assurer l'impartialité de l'adjudication, d'assurer la transparence des procédures de passation des marchés, enfin de permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics.

L'offre sera ainsi ouverte à des entreprises extérieures au canton. Le cahier des charges sera fixé par le SMP. Ce nouveau contrat de prestations limitera le nombre de partenaires à deux, ce qui permettra une lisibilité plus claire du coût des prestations.

5 février 1997: Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique.

Auditionnée par la commission, Mme M. Brunschwig Graf s'est dite préoccupée par les problèmes soulevés par l'organisation des transports en question. Elle a confirmé la volonté de l'Admistration de chercher la meilleure solution possible. D'autre part, elle souligna que le contrat mis au point a permis la professionnalisation des prestations. Elle confirma enfin qu'un contrôle de gestion, ainsi qu'un rapport du prestataire sur l'année civile écoulée, permettra une évaluation périodique desdites prestations (art. 8 du contrat).

Modification des invites

Après discussion, la commission modifie les invites contenues dans la première version de la motion. Elle introduit une référence à la loi d'encouragement aux PMI (PL 7457 voté en février 1997). La commission adopte une 4e invite assouplie, consciente que l'évaluation du système des contrats de prestation est délicate, qu'elle peut être opérée tant par une instance interne qu'externe, qu'elle peut engendrer des coûts supplémentaires et qu'elle peut poser le problème des qualifications et compétences des personnes assignées à cette tâche. Quant à la 5e invite, elle résume le souci de la commission qu'une application de la réforme de l'administration soit menée avec diligence et constance, dans la perspective de mettre en oeuvre les réformes suggérées par l'Audit.

Buts de la motion

A la lumière de la documentation distribuée aux membres de la commission et des diverses auditions, la motion, dans sa nouvelle mouture, invite notamment le Conseil d'Etat à accélérer toute réforme de l'administration afin de la rendre plus efficace et, par là même, de mieux en gérer les coûts. Elle invite le Conseil d'Etat à faire en sorte que la délégation de tâche se fasse dans le respect des conventions de travail. Le texte des invites a été modifié selon les voeux de la commission.

Conclusions

L'origine de cette controverse, à savoir qu'un des sous-traitants avait diminué les salaires de ses chauffeurs et résilié un contrat de chauffeur, est un cas particulier sur lequel la commission n'a pas voulu s'appesantir. En effet, l'Etat, lors de délégations de tâches, doit faire son possible pour que les entreprises choisies respectent les conditions de travail prévues par les conventions collectives ou les usages en vigueur dans la profession. La motion invite donc le Conseil d'Etat à veiller que les conventions collectives, ou autres usages, soient respectées pour éviter tout abus.

Dans sa séance du 5 mars 1997, à la suite des diverses auditions précitées, les commissaires décident d'un texte définitif de la motion. Celle-ci, à partir d'un cas particulier, vise, à l'avenir, l'ensemble des contrats de prestation et de délégation de tâches. Les commissaires désirent faire valoir leurs préoccupations quant à la manière dont seront mis en place désormais les contrats de prestations. Ils désirent que ceux-ci soient définis dans un cadre plus précis.

La motion qui est soumise à votre attention a pour but principal d'encourager la réforme de l'administration et la maîtrise des coûts.

La commission, à l'unanimité, vous propose d'adresser au Conseil d'Etat la motion ainsi amendée.

Débat

Mme Vérène Nicollier (L), rapporteuse. J'ai deux remarques à faire dans le cadre de ce rapport.

La première rejoint celle de Mme Häusermann au sujet de la motion 1137. Trois jours avant la remise, pour impression, de mon rapport au secrétariat du Grand Conseil, la presse a publié un article reflétant le contenu des procès-verbaux de nos séances de commission; j'en ai été fort étonnée. Je me demande si l'un de mes collègues a failli à son devoir de discrétion ou si un journaliste a écouté par le trou de la serrure, ou encore si les micros de la salle de séance, branchés sur un émetteur, ont permis la transmission de nos conversations à une personne assise sur un banc de la Treille !

A une époque où des fuites ont lieu aux plus hauts niveaux, s'agit-il, ici, d'un cas isolé ? Devrons-nous renoncer à la confidentialité des séances de commission, comme aux Etats-Unis ?

Ma deuxième remarque se rapporte au fait que la commission a accepté l'issue de nos travaux à l'unanimité et a décidé de renvoyer cette motion amendée au Conseil d'Etat. J'en suis très heureuse.

D'autre part, à force de critiquer ou de désavouer les efforts de l'administration qui recherche les formules les plus efficaces et les moins onéreuses, on risque de décourager l'initiative privée ou tout autre travail créateur de profits, ou encore d'asphyxier les entreprises. Dans la mesure du possible, il faut sous-traiter certaines prestations, avec toutes les contraintes qui en découlent.

Si l'Etat entretenait ses propres entreprises, le prix de revient, pour le contribuable, serait bien plus élevé, et les entreprises privées se trouveraient confrontées alors à une concurrence insoutenable.

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Les conclusions des travaux de la commission de l'enseignement, à propos de la motion 1091, confirment les craintes des motionnaires, à savoir une privatisation ratée.

Pour autant qu'un cadre soit fixé, les socialistes ne s'opposent pas au système des contrats de prestations. Or, dans le cas qui nous occupe, aucun critère d'évaluation, aucun indicateur, n'a été fixé. Seule une ligne budgétaire, sous forme d'enveloppe globale, a été mise en place.

D'autre part, des blocages dans la hiérarchie et dans le fonctionnement de l'administration n'ont pu être exprimés que devant la commission de l'enseignement, cela grâce à cette motion.

Le cas particulier qui nous intéresse est exemplaire. Il s'agissait, d'une part, de diminuer l'enveloppe budgétaire de 2,4 millions; le nouveau budget s'élèvera à plus de 3 millions. Le nouveau concept permettra d'économiser des forces au niveau administratif. Il occupe aujourd'hui un poste et demi à la place des 10% du taux d'un fonctionnaire. L'image répandue d'un fonctionnaire travaillant lentement est fort heureusement démentie ! Sans compter les 10% de l'enveloppe budgétaire que recevra l'entreprise en charge du dossier, ce seront quelque 300 000 F qui seront consacrés à la gestion du transport des enfants.

Par ailleurs, une des idées fortes du nouveau concept est la nomination d'un seul interlocuteur, placé entre le SMP et les transporteurs. Or, en cas de modulation d'un transport, il faut téléphoner ou écrire au fonctionnaire du SMP, lequel contactera l'entreprise qui s'adressera, elle-même, au transporteur ou au chauffeur concerné. Le système ne semble pas très optimal, en termes de gain de temps.

Nous ne pouvons passer sous silence que l'entreprise ayant décroché le contrat sans appartenir au groupe des transporteurs du SMP s'y est reprise à quatre fois pour présenter un budget acceptable par l'office de la jeunesse, cela en dehors des délais fixés. Elle a pu présenter un budget de 2,2 millions, plus 10% de frais de gestion, face aux autres propositions qui oscillaient autour de 2,8 millions. Cette entreprise n'a pas pris en compte les éventuelles hausses de demandes afférentes à ce genre de transport.

Nous serons donc confrontés à une demande de rallonge de crédit pour ce poste, puisque 2,4 millions ont été budgétisés pour le transport des enfants, en décembre 1996.

Afin de ne pas nous retrouver dans une telle situation, le groupe socialiste vous invite à voter la nouvelle motion issue des travaux de la commission de l'enseignement.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). L'Alliance de gauche soutient cette motion. Nous sommes satisfaits des conclusions des travaux de la commission qui confirment que toute délégation de tâches de l'Etat à des entreprises privées présuppose deux justifications :

- une justification financière : il doit en résulter de réelles économies, dans le respect, bien entendu, des conventions de travail et du défraiement des services rendus;

- une justification technique, en l'occurrence des tâches relevant spécifiquement des services d'une entreprise privée.

Nous étions dans un cas de figure où la délégation de ces tâches à des entreprises privées existait déjà, sous mandat d'une administration. Nous avons fait intervenir un échelon intermédiaire, entre l'administration et la délégation des tâches aux transporteurs, pour confier l'organisation des transports à une seule entreprise. Ce faisant, nous avons raté le but visé, comme l'a relevé Mme Gossauer.

Si ces mises en place de délégations devaient se poursuivre et s'appliquer à d'autres secteurs, nous insistons pour qu'elles se fassent avec le maximum de concertations avec les fonctionnaires qui, déjà en charge de ce travail, sont les mieux placés pour évaluer les économies pouvant découler d'une collaboration avec les entreprises privées.

Les invites de la motion présupposent, évidemment, la définition très claire de l'objectif visé par la privatisation ou la délégation au secteur privé des tâches avant que l'évaluation souhaitée soit faite. C'est à ce niveau que les choses n'ont pas été très claires au départ. Une concertation doit être menée avec les fonctionnaires en charge de ces activités, afin de définir ces objectifs qui, une fois atteints, pourront être évalués.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Si des choses exactes ont été dites, d'autres ne l'ont pas été dans la présentation de ce dossier, cela pour plusieurs raisons.

Madame Deuber-Pauli, une proposition de délégation de compétences ne «germe» pas ainsi, un beau matin, dans la tête de la présidente du département ! La présidente l'élabore, et les fonctionnaires, en charge du dossier, l'étudient. C'est ainsi que les choses se passent !

De quoi s'agit-il ? Tout d'abord, il faut rappeler le fait à l'origine de la motion : le transporteur, chargé de la répartition des courses - une tâche incombant à l'économie privée s'agissant des taxis, des bus, etc. - a proposé à l'Etat une facturation de tarifs inférieure à celle acquittée auparavant. Ces tarifs ont été respectés. D'où cette motion, puisque, ayant obtenu des tarifs inférieurs, je me suis vu reprocher d'avoir fourni l'occasion à une entreprise de licencier du personnel et de diminuer les salaires.

Dès lors, pourquoi des tarifs inférieurs augmentent-ils les coûts ? Le fait est dû à l'élargissement du service qui ne cesse de croître depuis plusieurs années. Nous avons davantage d'enfants à transporter dans des lieux de plus en plus divers, le nombre des institutions spécialisées ayant augmenté.

Nous avons d'ailleurs calculé le coût que nous aurions dû acquitter si nous n'avions pas traité à des tarifs moindres. En nous basant sur le nombre de courses de l'an dernier, nous aurions dû payer entre 400 000 et 600 000 F de plus !

Il n'est pas exact de dire que cela a coûté plus cher à cause du transporteur. En revanche, il serait exact de dire que nous offrons un service si diversifié et si attentif à chaque élève que le transporteur doit modifier ses offres et ses ordres de courses quasiment tous les jours.

Il faudra bien que nous nous entendions sur le service à offrir, soit en collaborant avec l'administration soit en collaborant avec un transporteur privé. Il faudra également nous demander jusqu'où pourront aller nos prestations à la carte.

Il est injuste de rendre le transporteur responsable du coût actuel de l'opération, d'autant que tous les ans celui-ci a augmenté plus que prévu.

En confiant ce mandat à une seule entreprise, nous avons économisé entre 400 000  et 600 000 F, coûts supplémentaires compris. Et c'est bien cela qui compte !

Il se peut que le transfert de ce service au privé ait quelque peu relâché le contrôle de l'administration, mais celle-ci n'a pas découvert de malversations ou de fautes de la part du transporteur.

Le contrat prévoit une évaluation. Je crois pouvoir dire que, selon l'ensemble de la commission, l'application du contrat, tel qu'il a été conclu et signé, devrait donner satisfaction aux uns et aux autres.

Ce n'est pas une privatisation ratée, comme vous l'avez prétendu. Mais, une fois de plus, nous devons nous interroger à propos des services que nous offrons, de leur étendue et des moyens dont nous disposons pour y faire face.

En respectant les limites de l'enveloppe, nous avons rempli notre mission à la satisfaction des parents. L'enquête a démontré qu'ils étaient extrêmement satisfaits des améliorations du service offert. En cela, l'instrument de mesure a été bon. Il importe maintenant que nous sachions jusqu'où aller, tout en respectant l'enveloppe.

En tout cas, je peux affirmer que le transporteur a joué le rôle qui était le sien.

J'en viens aux 10% de frais administratifs. L'expérience m'a démontré que l'administration ne sait pas évaluer le coût d'une tâche. Le temps mis à son exécution est oublié, ainsi que les frais afférents. Personne ne songe à calculer le temps de secrétariat, le loyer, les amortissements des appareils, le chauffage, l'électricité, le téléphone et les autres éléments constituants du coût réel. En les prenant tous en compte, on constate que le recours à une entreprise privée ne revient pas plus cher. Je me suis renseignée auprès des organisations patronales pour savoir si ces 10% étaient conformes. Je puis vous dire, pour en avoir reçu la confirmation par écrit, qu'ils sont d'une pratique reconnue et jugée non excessive dans les cas de ce genre.

Un fonctionnaire vous dira toujours qu'il peut faire mieux, mais il ne pourra pas vous communiquer les coûts, parce qu'il ne s'en rend pas compte et parce que nous ne les lui facturons pas. Dès lors, toute comparaison à ce niveau ne peut être que fausse.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant la sous-traitance de tâches de l'Etatà des entreprises privées

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la décision du département de l'instruction publique (DIP) de déléguer à une entreprise privée une tâche assumée jusque-là par le secteur public, à savoir l'organisation des transports d'enfants de l'enseignement spécialisé, le transport lui-même étant sous-traité à différentes entreprises privées, dont la quasi-totalité faisait le même travail auparavant pour le compte de l'Etat, en l'occurrence du service médico-pédagogique;

- les conséquences de cette adjudication: rétribution du mandataire unique, baisse de l'enveloppe budgétaire couvrant les frais de transport proprement dits, modification des contrats de travail des chauffeurs et chauffeuses et baisse des salaires,

invite le Conseil d'Etat

- à faire rapport au Grand Conseil sur l'expérience en cours de la délégation de l'organisation des transports d'enfants de l'enseignement spécialisé;

- à faire un bilan des expériences de délégations de tâches du secteur public au secteur privé au cours des dernières années, notamment en terme de qualité des prestations, de coût et de conditions de travail;

- à veiller à ce que, dans l'esprit de la loi L 6 05 et de la loi sur l'encouragement aux PMI, une convention collective de travail et/ou des usages soient respectés entre les employeurs et les employés, partout où il y a délégation de tâches du secteur public au secteur privé;

- à généraliser le système de contrat de prestations lorsqu'il y a délégation de tâches du secteur public au secteur privé, en ayant soin de l'évaluer régulièrement selon des critères prédéfinis;

- à accélérer toute réforme de l'administration qui va dans le sens d'augmenter la responsabilité et la participation de chaque collaborateur, d'augmenter la collaboration entre les différents services de l'administration et de diminuer les échelons hiérarchiques chaque fois que cela est possible.