République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7294-A
7. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et M. Claire Torracinta-Pache, Mireille Gossauer-Zurcher et Laurent Moutinot modifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 1).( -) PL7294
Mémorial 1995 : Projet, 5261. Commission, 5267.
Rapport de majorité de M. Claude Lacour (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de minorité de M. Laurent Moutinot (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Ce projet de loi, déposé le 29 août 1995, qui a fait l'objet d'un débat en préconsultation lors de la séance du Grand Conseil du 13 octobre 1995, a été renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement (Mémorial 1995, pages 5261 à 5267).

1. Modifications proposées

Celles-ci sont de deux ordres, soit:

1. Actuellement, pour les communes de moins de 800 habitants qui sont au nombre de 9 à Genève, la loi prévoit que le conseil municipal est présidé par le maire ou par un des adjoints (article 9).

Il est proposé (article 7, nouvel alinéa) que les conseillers administratifs, les maires et les adjoints ne puissent plus siéger au conseil municipal.

2. En ce qui concerne les communes de moins de 3 000 habitants qui sont au nombre de 20 à Genève, la loi actuelle prévoit (article 10.2) que «les commissions peuvent être présidées par le maire ou un adjoint, à moins que le règlement du conseil municipal ne prévoie que les commissions du conseil municipal soient présidées par l'un de ses membres».

Le nouveau texte proposé est le suivant: «Les commissions sont présidées par un membre du conseil municipal».

2. Rappel historique

La loi sur l'administration des communes a été revue en 1984, et a fait l'objet de très longs débats, relatés au Mémorial 1984, pages 1400 à 1673. La règle voulant que le conseil municipal soit présidé par le maire ou éventuellement un adjoint, qui concernait les communes jusqu'à 3 000 habitants, n'est restée valable que pour les communes jusqu'à 800 habitants. La possibilité que les commissions du conseil municipal soient présidées par le maire ou un adjoint a été accordée aux communes comptant jusqu'à 3 000 habitants, et non pas seulement 800 habitants, comme le prévoyait le projet initial.

3. Débat d'entrée en matière

Les auteurs du projet soulignent qu'un grand principe de notre démocratie réside dans le respect de la séparation des pouvoirs. Ils ne comprennent pas, par conséquent, pourquoi l'on continuerait à mélanger ceux-ci dans les petites communes.

M. Yves Martin, secrétaire général du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, explique que cette solution a été acquise après l'un des débats les plus importants et les plus longs effectués lors des travaux de la commission. Le département n'a reçu aucune plainte relative à des abus ou de mauvais fonctionnements. Il a rappelé que, dans les petites communes, il n'y a pas de véritable législatif à proprement parler. Enfin, ce système a été considéré comme non contraire à la constitution.

Il est alors décidé de renvoyer après les auditions le vote d'entrée en matière.

4. Auditions

M. Pierre Hiltpold, président de l'Association des communes genevoises, précise d'emblée que les communes concernées sont hostiles au projet de loi 7294, et rappelle que le conseil municipal constitue, selon lui, un organe seulement délibératif.

M. M. P. Plojoux, maire de Russin (380 habitants), indique que son conseil municipal est composé de 9 personnes, travaillant en commun, et qu'il serait difficile de trouver 3 candidats de plus pour gérer la commune. Il n'est pas en faveur du projet de loi.

Il pense qu'il est illusoire de vouloir donner des structures complexes aux petites communes, au nom du respect des principes, si ces mesures risquent de s'avérer pires que la violation théorique du principe de la séparation des pouvoirs.

Mme Mme P. Surdez, maire de Cartigny (740 habitants), s'oppose également au projet de loi, insistant sur l'idée que celui-ci risquerait d'obstruer la dynamique de groupe encouragée par la législation actuelle.

M. M. R. Dutoit, maire de Gy (340 habitants), rappelle que sa commune a les plus grandes difficultés pour trouver des candidats. Il note que sa commune n'a aucune possibilité d'engager du personnel administratif, à l'exception d'un quart de poste de secrétaire. Ayant interrogé sa commune, celle-ci lui a fait savoir qu'elle est opposée au projet de loi.

Il rappelle que, dans les petites communes, le maire reçoit tous les renseignements, s'occupe de tous les dossiers et renseigne le conseil municipal sur l'état de ceux-ci. Il répond également à toute question qui peut être posée par le conseil municipal. S'il y avait un président du conseil municipal différent, celui-ci ne pourrait, en cette qualité, que poser des questions au maire dans le cadre de sa présidence, ce qui reviendrait exactement au même.

MM. Cornu et Emeri, conseillers municipaux à Avusy, rappellent qu'ils siègent dans une commune de moins de 3 000 habitants, et qu'ils font partie de la minorité. La majorité de la commune considère que, pour l'instant, il vaut mieux que les commissions soient présidées par le maire, «squattage» qu'ils trouvent inadmissible. Ils admettent néanmoins que les conseillers municipaux peuvent convoquer le conseil municipal quand ils le veulent et qu'en pratique le président du conseil municipal assiste à toutes les séances de l'exécutif.

Dans la discussion il est relevé que si le projet de loi était accepté les conseiller municipaux minoritaires de cette commune ne pourraient de toute manière pas accéder à la présidence des commissions et que cette collaboration, qui est le grand argument des opposants, ne va pas de pair avec une démotivation des conseillers municipaux.

5. Débats de la commission

Certains membres de la commission considèrent qu'il ne faut pas mélanger le rôle des maires avec celui des municipaux.

D'autres rappellent que dans les petites communes le seul rôle que pourrait jouer le président du conseil municipal, c'est de passer la parole au maire.

Il est rappelé que, dans les petites communes, le législatif ne légifère pas, mais délibère.

Il est suggéré que si le président du conseil municipal était un membre de ce conseil, ce dernier aurait un rôle d'organe de contrôle plus affirmé.

Sur le plan théorique, il apparaît à certains comme choquant que le maire ou son adjoint puissent voter pour un budget élaboré par eux-mêmes.

D'autres relèvent que la gestion d'une petite commune ressemble à celle d'une grande famille, et qu'en pratique toutes les décisions se prennent quasiment à l'unanimité.

Il est relevé par toutes les personnes qui ont siégé dans les conseils municipaux de petites communes que l'argument de simplicité de gestion résultant de la loi actuelle est beaucoup plus important dans les faits qu'une violation théorique de la séparation des pouvoirs, et que, de toute manière, dans la mesure où le projet de loi voudrait donner aux minorités des droits plus importants, tel ne serait pas le cas si l'on considère les propositions de modification contenues dans le projet de loi.

Sont annexées au procès-verbal de la séance de la commission :

- une lettre de la commune de Gy, du 2 novembre 1995, rappelant le désir de cette commune de maintenir le statu quo, rappelant que cette commune a beaucoup de difficultés à trouver suffisamment de personnes motivées pour s'investir politiquement;

- une lettre de l'Association des communes genevoises rappelant la pratique actuelle, ses avantages et préconisant le rejet du projet;

- une lettre de la commune de Cartigny, du 16 novembre 1995, rappelant qu'en théorie, si le principe de la séparation des pouvoirs semble ne pas être respecté pour les 9 petites communes du canton, en pratique les choses se présentent tout différemment, le conseil municipal décidant de son fonctionnement en nommant les commissions. Dans ces communes où tout le monde se connaît, le maire et les adjoints exécutent les fonctions de coordination et règlent les affaires courantes du ménage communal, système qui a fait ses preuves et qui permet à ces communes de faire face à des obligations beaucoup plus lourdes et pressantes de façon simple, directe, et peu onéreuse, cela à la satisfaction des communiers. La création de nouvelles incompatibilités ne ferait qu'alourdir les procédures pour des résultats non probants. L'engagement pour la chose communale étant une mission quasi bénévole, tout alourdissement du système conduirait fatalement à décourager les bonnes volontés, de sorte que le projet de loi va en sens contraire du but recherché par ses auteurs, soit encourager les citoyens d'une commune à se porter candidats;

- une lettre du groupement «Avusy Pour l'Avenir...», du 10 novembre 1995, rappelant que leur groupe considère que la décision d'attribuer la présidence des 8 commissions du conseil municipal d'Avusy aux membres de l'exécutif, a créé un malaise (signée par MM. Cornuz et Emery);

- une note de MM. Cornu et Emeri, conseillers municipaux de la commune d'Avusy, approuvant le projet de loi. Ils insistent sur le fait qu'à leurs yeux il serait instauré un mode de fonctionnement propre à assurer un partage plus clair des tâches entre le législatif et l'exécutif et aussi de nature à valoriser le rôle et le travail effectué par le conseil municipal;

- la liste des communes genevoises de moins de 800 habitants, de 801 à 3 000, et de plus de 3 000 habitants.

6. Audition de MM. Mégevand, Treier, et Mme Cerutti, maire et adjoints de la commune d'Avusy

Ceux-ci ont demandé à être auditionnés pour faire valoir le point de vue de l'exécutif de la commune d'Avusy, cela après l'audition des deux municipaux de cette commune, déjà entendus. Ils rappellent que, dans cette commune, si actuellement les commissions sont présidées par un membre de l'exécutif, il s'agit d'un souhait du conseil municipal, conforme à une possibilité donnée par la loi. Cette décision a été prise en début de nouvelle législature dans un souci pratique et pourra être, le cas échéant, modifiée.

7. Débat sur l'entrée en matière

Les commissaires s'entendent sur le fait que le cas particulier de la commune d'Avusy ne doit pas être pris comme exemple et que le débat doit porter sur les problèmes de fond soulevés par le projet de loi.

Si certains commissaires considèrent que le projet de loi donnerait au municipal un certain contre-pouvoir vis-à-vis de l'exécutif, la plupart des commissaires, au contraire, pensent qu'il n'est pas facile d'être maire dans une petite commune, ce qui représente un travail lourd, mal rémunéré, et que le système actuel est pratique, souple et fonctionnel.

En ce qui concerne la présidence des commissions, le système actuel est ouvert, alors que le projet de loi, au contraire, enlèverait la possibilité de confier la présidence d'une commission à un membre de l'exécutif.

Pour certains, le fait que ce soit le maire ou son adjoint qui dirigent la petite commune est un défaut, alors que pour d'autres, au contraire, c'est une qualité, voire une nécessité.

De toute manière, il est relevé que le projet de loi ne donnerait aucun droit nouveau ou supplémentaire aux minorités.

Enfin, il est rappelé qu'il n'y a pas eu de plaintes quant au système, ou quant à un maire abusif.

Considérant donc:

- que la sauvegarde du principe de la séparation des pouvoirs sur le plan purement théorique ne se justifie pas au vu des nécessités pratiques de la gestion d'une petite commune, notamment en ce qui concerne le partage des tâches;

- qu'il n'existe pas de demande de la part des communes quant à une modification, celles-ci étant satisfaites du système actuel;

- que le projet de loi n'apporte aucun soutien nouveau aux minorités;

- qu'une théorique valorisation du rôle du président d'une commission ne mérite pas de remettre en question un système qui donne actuellement satisfaction,

la commission a refusé l'entrée en matière du projet de loi 7294 par 6 non (2 PDC, 2 R, 2 L) contre 6 oui (3 ADG, 2 S, 1 Ve) et invite le Grand Conseil à faire de même.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

La commune est certainement la plus ancienne organisation publique dépassant le cadre de la famille. L'histoire médiévale nous apprend que les premières libertés publiques ont été gagnées par les communes, aussi bien chez les Waldstätten, que dans les villes du Saint Empire romain germanique, en Italie ou en Angleterre. Les franchises données à la Ville de Genève par Adhémar Fabri en 1387 participent de ce mouvement.

Ni la Révolution française et le centralisme jacobin, ni l'évolution des Etats-nations au cours des XIXe et XXe siècles n'ont, en Europe occidentale, pu détruire l'autonomie locale des communes.

Bien au contraire, dans la perspective d'une Europe plus unifiée, le rôle des petites entités se renforce et le Conseil de l'Europe a adopté la Charte européenne de l'autonomie locale, que la Suisse n'a malheureusement pas encore ratifiée pour des raisons liées aux compétences réservées des cantons.

Le projet de loi modifiant la loi sur l'administration des communes s'inscrit dans la volonté de développer le pouvoir des communes et de renforcer le fonctionnement démocratique de leurs institutions.

La situation actuelle

Outre la Ville de Genève, régie sur plus d'un point par des dispositions particulières, les communes du canton se classent en trois catégories:

1. les communes de moins de 800 habitants, dont le conseil municipal est élu selon le système majoritaire, et dont le maire et les adjoints peuvent siéger au conseil municipal;

2. les communes de 801 à 3 000 habitants, dont le conseil municipal est élu selon le système proportionnel, le maire et les adjoints ne siégeant pas au conseil municipal, mais pouvant présider les commissions dudit conseil municipal;

3. les communes de plus de 3 000 habitants, dont le conseil municipal est élu selon le système proportionnel, dont le maire et les adjoints ne font pas partie et qui ne peuvent présider les commissions des municipales.

Le présent projet de loi vise, d'une part, pour les communes de moins de 800 habitants, à distinguer clairement le conseil municipal du maire et des adjoints en empêchant ces derniers de siéger au conseil municipal et, d'autre part, pour les communes de 801 à 3 000 habitants, toujours dans l'esprit de mieux distinguer les compétences du municipal et de l'exécutif, à empêcher que les commissions des municipales puissent être présidées par le maire ou les adjoints.

Le principe de la séparation des pouvoirs

Depuis Montesquieu les démocraties occidentales sont fondées sur le principe de la séparation des pouvoirs de manière que, fractionné, le pouvoir arrête le pouvoir. Ni l'Association des communes genevoises, opposée au projet de loi, ni les députés membres de la commission qui l'ont rejeté, n'ont mis en cause la pertinence de ce principe. Ils n'ont pas davantage développé d'argument de principe qui viendrait faire échec, dans le cas des communes, à la séparation des pouvoirs. Leurs arguments, qui seront repris plus bas, sont essentiellement de nature pratique, mais aussi bien M. Bruno Mégevand, maire d'Avusy, que M. Hiltpold, président de l'Association des communes genevoises, se sont déclarés d'accord avec les principes énoncés dans le projet de loi. Il y aura donc lieu d'examiner s'il est justifié de déroger aux principes unanimement reconnus.

Objections et arguments

1. «Le conseil municipal n'est pas un véritable pouvoir législatif.» Il est vrai que les compétences du conseil municipal sont limitées, qu'il ne légifère pas à proprement parler et que les activités des communes sont soumises à la surveillance de l'Etat. Toutefois, l'article 30 de la loi sur l'administration des communes attribue de nombreuses et importantes compétences au conseil municipal et notamment d'adopter le budget annuel de la commune, le nombre des centimes additionnaux, la taxe professionnelle communale, les crédits supplémentaires ou extraordinaires, les emprunts, etc. Ces différents actes du municipal sont soumis au conseil par l'exécutif et il n'est pas normal que le maire et les adjoints, dans les communes jusqu'à 800 habitants, puissent présenter le budget... et le voter en tant que membres du conseil. Même si le conseil municipal n'a pas une souveraineté pleine et entière, il n'est pas normal que les mêmes personnes participent au vote puis soient chargées de l'exécution d'une délibération. Les rôles respectifs du municipal et de l'exécutif doivent être clairement distingués dans les personnes qui les composent.

2. «Le système actuel est plus pratique.» S'agissant du mode de prise de décisions, il n'est pas certain que le système démocratique soit le plus pratique ! S'agissant toutefois de l'adhésion de la population aux décisions prises par les autorités, le système démocratique offre en revanche l'avantage pratique que, la population étant associée aux décisions, leur mise en oeuvre ne nécessite pas les moyens coercitifs que d'autres systèmes rendent inéluctables. Pour en revenir aux communes genevoises, on ne voit pas en quoi les dispositions du projet combattu rendent la gestion de la commune plus compliquée. Aucune commune, lorsqu'elle a passé de 800 à 801 habitants ou de 3 000 à 3 001 habitants, n'a eu de difficulté à adopter les règles, manifestement plus démocratiques, qui régissent les plus grandes communes.

 L'argument utilitaire, outre qu'il ne saurait, par essence, faire obstacle à un principe fondamental, donne à la population le désagréable sentiment que les responsables politiques arrangent les affaires en famille, ce qui est un soupçon qui ne devrait en aucun cas planer sur eux.

3. «La situation spécifique des petites communes justifie les exceptions aux principes.» Le critère du nombre d'habitants a un côté manifestement aléatoire et arbitraire, dont ne saurait dépendre l'application des règles démocratiques. S'il est normal que le nombre de conseillers municipaux dépend du nombre d'habitants, il n'est pas normal que le mode de fonctionnement des autorités communales dépende de ce nombre d'habitants et il ressort des statistiques que plusieurs communes pourraient prochainement franchir le cap soit des 801 habitants, soit des 3 001 habitants. Il est d'ailleurs frappant de constater que le maire d'Avusy trouve parfaitement justifié le projet de loi s'agissant de la présence du maire et des adjoints pour les petites communes jusqu'à 800 habitants, mais qu'il refuse la partie du projet de loi concernant les communes jusqu'à 3 000 habitants. Sur la base de quelle logique?

4. «Dans les petites communes, il sera difficile de trouver assez de candidats.» L'argument peut être aisément retourné, car s'il est vrai qu'il est quelquefois difficile de trouver des candidats au poste de conseiller municipal, cela tient notamment au fait que dans les petites communes l'essentiel du pouvoir est entre les mains de l'exécutif et dans la mesure où il revalorise le rôle du conseil municipal le projet de loi est au contraire de nature à motiver de nouveaux candidats.

5. «Dans les communes on ne fait pas de politique.» Si l'on entend par là que les relations entre les élus sont empreintes de cordialité villageoise, nous ne pouvons que nous en réjouir. Le projet de loi contesté n'empêche d'ailleurs pas le moins du monde l'épanouissement des relations personnelles au sein des autorités communales, mais chacun a de l'intérêt public - que tous veulent défendre - une vision différente et il arrive, même dans les petites communes, que des projets importants soient à l'examen sur lesquels chaque conseiller municipal ou chaque groupe représenté au municipal a une vision politique différente. Il y a bel et bien acte politique des communes lorsqu'elles prennent position sur des sujets tels que l'aménagement du territoire ou la fiscalité communale.

6. «Laissons les communes s'organiser de façon autonome.» La constitution fédérale impose aux cantons de s'organiser de façon républicaine et il appartient au législatif cantonal de fixer les règles régissant les communes; il ne serait pas acceptable que lesdites règles varient d'une commune à l'autre. Actuellement d'ailleurs les institutions communales sont déterminées pour l'essentiel par le droit cantonal. Laisser aux communes le choix, sur les deux questions que se propose de modifier le présent projet de loi, revient en réalité à laisser à la majorité le soin de décider alors qu'il appartient au canton de veiller à l'équilibre des pouvoirs communaux et au respect des minorités. Il n'y a aucun élément, le dans présent projet, qui brime l'autonomie des communes puisqu'au contraire il vise à améliorer les institutions dans un sens plus démocratique.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions de réserver bon accueil au projet de loi 7294 et de le voter.

(PL 7294)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'administration des communes

(B 6 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)

Incompatibilités

  a) magistrats      communaux

1 Les conseillers administratifs, les maires et les adjoints ne peuvent pas siéger au conseil municipal.

Art. 8, al. 1 (nouvelle teneur)

Serment

1 Avant d'entrer en fonction, les conseillers municipaux, en séance du conseil municipal, prêtent serment:

a) entre les mains du doyen d'âge;

b) en cours de législature, entre les mains du président du conseil municipal.

Art. 9 (nouvelle teneur)

Présidence et bureau

1Le conseil municipal élit chaque année les membres de son bureau choisis parmi les conseillers municipaux. Le président de l'assemblée porte le titre de président du conseil municipal.

2 Les fonctions de secrétaire municipal peuvent être remplies par un secrétaire du conseil administratif ou de la mairie ne faisant pas partie du conseil municipal. Dans ce cas, il assiste aux séances du conseil avec voix consultative.

Art. 10, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les commissions sont présidées par un de leurs membres.

Art. 22, al. 1 (nouvelle teneur)

Droit d'assister aux séances

1 Les conseillers administratifs, les maires et les adjoints assistent aux séances du conseil municipal.

Art. 2

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur dès la prochaine législature.

Premier débat

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. L'Etat, en l'occurrence le canton, organise les structures communales, selon les principes démocratiques de notre constitution et de notre système politique. Or dans les communes, le système d'administration varie en fonction du nombre d'habitants. Les auteurs du projet de loi ayant constaté que, pour certaines petites communes, le système actuel ne donnait pas entière satisfaction quant aux principes, ils vous proposent deux modifications de la loi sur l'administration des communes.

La première consiste à ne plus permettre aux maires et adjoints des communes de moins de huit cents habitants de siéger au conseil municipal. La deuxième vise à ne plus permettre aux maires et adjoints des communes ayant entre huit cent vingt et trois mille habitants de présider les commissions du conseil municipal.

Nous estimons que le mélange entre exécutif et législatif est une pratique très discutable. Ces deux améliorations sont susceptibles de raviver les principes démocratiques au niveau communal.

L'un des arguments des opposants, auquel nous avons été sensibles, est que cela compliquera la vie des communes. Au contraire, nous pensons qu'en renforçant les pouvoirs du municipal, nous favoriserons de nouvelles candidatures, car certains conseillers municipaux de petites communes se disent être découragés par le peu d'influence qu'ils exercent dans la marche des affaires communales. En gros, le projet vise à ce que l'ensemble des communes, au-delà du nombre de leurs habitants, soit régi par les mêmes principes démocratiques. C'est dans cet état d'esprit que nous vous invitons à accepter les conclusions du rapport de minorité.

Mme Yvonne Humbert (L). Les articles de loi et les règlements ne suffisent pas à résoudre toutes les «chipoteries» de notre République. Il faut y ajouter pas mal de bon sens, ce que possédait le législateur qui, il y a environ dix ans, a voté la loi sur l'administration des communes.

En toute connaissance de cause, il avait admis cette légère confusion des pouvoirs, afin de permettre une gestion plus simple des communes de moins de huit cents habitants. Ce projet de loi vante les mérites et les bienfaits de la séparation des pouvoirs dans les petites communes pour combler un soi-disant déficit démocratique inadmissible. Sur le plan du juridisme pur, il n'y a rien à rétorquer, mais, sur le plan pratique, certaines nuances doivent être admises, et c'est là qu'intervient le bon sens.

Il faut savoir que les communes de moins de six cents habitants sont régies par un conseil municipal de neuf membres, celles de six cents à neuf cents habitants, par un conseil municipal de onze membres. Sur les quarante-cinq communes genevoises, neuf sont soumises à ce régime et ce ne sont pas les plus mal gérées. Il faut savoir que la gestion d'une petite commune n'est en rien comparable à celle d'une commune suburbaine de plus de huit mille habitants, tout en ayant bien des obligations similaires.

Le fait que le maire présente le budget et les comptes et puisse les voter semble provoquer une gêne. Sachez que, par honnêteté, le maire s'abstient. Avez-vous songé que, dans ces petites communes, le taux de la représentativité au sein du conseil municipal est bien plus important qu'au sein même de ce Grand Conseil. De plus, dans ces communes, les électeurs se déplacent plus facilement pour élire leurs représentants, car ils les connaissent. Le pourcentage de la participation se situe entre 73% et 85%.

Il faut aussi relever que, sur quatre cents habitants, le nombre d'électeurs se situe entre cent quarante et cent nonante. Les trois quarts de ces cent quarante à cent nonante personnes élisent, à la majorité, leur maire et leurs conseillers municipaux. Le verdict est bien plus sévère qu'au niveau d'une grande commune. Je désire aussi vous rappeler que, dans chaque commune, il existe un règlement du conseil municipal, conçu et adopté par ses membres, puis ratifié par le Conseil d'Etat. Ce règlement permet aux conseillers municipaux d'organiser les activités et de régler les problèmes.

Dans ce projet de loi, vous soulevez le problème du choix des présidents de commission. Il faut savoir que ce choix est proposé, puis voté par le conseil municipal, et si celui-ci nomme son maire comme président d'une de ces commissions, il agit en toute liberté.

Respectez le peu d'autonomie communale qui existe dans notre canton et n'en faites pas des discours uniquement lorsque cela vous arrange ! Ces petites communes ne vous ont rien demandé. Elles n'ont pas besoin d'être maternées par ce Grand Conseil. Elles se portent très bien tout en sachant s'administrer sans déficit avec les petits budgets qu'elles possèdent, car elles savent élire leurs représentants qui sont des maires et des conseillers municipaux honnêtes, disponibles et aimant beaucoup, et même passionnément, leur commune. C'est là que réside l'essentiel.

Mesdames et Messieurs les députés, nous vous conseillons de suivre les conclusions présentées par le rapporteur de majorité en refusant ce projet de loi inutile.

Une voix. Bravo !

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il faut reconnaître que nous nous sommes trompés lorsque nous avons considéré que les mentalités semblaient avoir évolué au sein de notre parlement à propos de la séparation des pouvoirs. Les déclarations fréquentes de députés de tous les partis, à commencer par celles de présidents successifs du Grand Conseil affirmant leur attachement à ce principe de la séparation des pouvoirs en tant que membre d'un législatif, nous avaient laissé espérer que l'on pouvait faire un pas de plus, à savoir appliquer cette séparation des pouvoirs au plus petit échelon de la démocratie, c'est-à-dire à la commune, sans en faire un combat gauche-droite. Erreur et probablement naïveté de notre part, il faut bien en convenir.

Bien sûr, nous sommes un peu déçus. Monsieur Haegi, je me permets de vous demander de m'écouter, car vous êtes directement concerné. (Brouhaha.) Nous avons été surpris par l'ampleur de la réaction que notre projet de loi a suscitée parmi les principaux intéressés. Alors que, d'emblée, nous avions déclaré - je m'adresse à Mme Humbert - qu'il ne s'agissait absolument pas d'attaques personnelles. Nous avons toujours reconnu ce que pouvait représenter de dévouement et de services à la communauté un mandat à l'exécutif d'une commune, petite ou grande, d'ailleurs.

A cet égard, l'audition des représentants de l'Association des communes genevoises, venus en force - ils étaient une demi-douzaine environ - était révélatrice, et ce que le maire d'une petite commune a dit ce soir-là était tout à fait édifiant. Je vous cite de mémoire quelques propos dont la teneur m'a frappée : «Nous sommes une grande famille, un groupe d'amis, et l'on s'arrange toujours entre nous.»; «S'il y a un architecte parmi nous, on fait appel à lui, ce qui est très pratique.»; «Les conseillers municipaux nous font confiance, d'ailleurs, ils ne connaissent pas les dossiers, seul le maire les connaît.» Et enfin, la perle des perles : «Avec votre projet de loi, le maire deviendrait le larbin du conseil municipal.»

D'une manière générale, les conseillers municipaux ont été traités de manière extrêmement condescendante, pour ne pas dire méprisante. Cela n'est certainement pas de nature à les encourager à postuler un tel mandat. C'était assez gênant, et un certain malaise s'est répandu au sein de la commission. Même MM. Hiltpold et Hugues, les deux représentants des grandes communes, semblaient être - si vous me passez l'expression - dans leurs petits souliers. Je puis vous dire que si nous doutions encore du bien-fondé de notre projet de loi, ce doute aurait été dissipé à ce moment-là.

Nous sommes persuadés que si la démocratie s'exerce de cette manière dans les petites communes, cette situation est peu saine et sujette à certains dérapages. On nous a rétorqué que jamais plainte n'avait été déposée en rapport avec des abus et des problèmes de fonctionnement. Mais comment pourrait-il en être autrement, puisque le maire a tous les pouvoirs, et qu'il est seul à connaître les dossiers ?

Dans son excellent rapport, M. Moutinot a repris nos objections et nos arguments. Je n'y reviens pas, car tout a été dit.

En conclusion, l'Entente a fait un combat gauche-droite d'un enjeu au-delà des partis. D'ailleurs, même si notre projet de loi était accepté, les rapports de force resteraient les mêmes dans les petites communes, dans lesquelles les représentants de l'Entente sont largement majoritaires, même lorsqu'ils ne se présentent pas sous la couleur d'un parti.

Pour notre part, nous continuons à penser que la séparation des pouvoirs est un juste principe, qu'il ne souffre pas d'exception, et que décider de l'appliquer ou non en fonction de la taille d'une commune entame sérieusement la crédibilité de ceux qui s'en réclament dans ce parlement.

M. David Revaclier (R). Ce projet de loi modifiant la loi sur l'administration des communes, présenté par le groupe socialiste du Grand Conseil, nous apparaît inopportun à plusieurs titres.

En premier lieu, il sied de relever que les maires des neuf communes concernées par ce projet de loi ont déclaré qu'ils étaient hostiles aux modifications proposées. Ces magistrats sont d'avis que la loi en vigueur permet une certaine souplesse dans l'organisation spécifique de chaque commune. Dès lors, pourquoi vouloir imposer des directives plus contraignantes en raison du principe de l'égalité de traitement pour toutes les communes, alors que l'on proclame qu'il faudrait leur accorder plus d'autonomie ?

Il est illusoire de croire que, en vertu des grands principes démocratiques concernant la séparation des pouvoirs, le changement souhaité par notre collègue Laurent Moutinot pourrait améliorer le fonctionnement au sein de ces petites communes.

En effet, la possibilité qu'ont les maires et les adjoints de pouvoir conserver leur mandat de conseiller municipal, tout en siégeant à l'exécutif, n'a aucune conséquence fâcheuse sur la conduite des affaires communales et n'altère pas les relations entre l'exécutif et le municipal.

Il faut se rendre à l'évidence, ces petites communes se gèrent comme une entreprise familiale. Le témoignage unanime des représentants desdites communes est, sur ce point, sans équivoque. Les maires ont expliqué que la gestion de la commune est le fait d'un travail d'équipe qui fait le bien de celle-ci sans arrière-pensées politiques. Du reste, très souvent, les délibérations sont acceptées à l'unanimité par le Conseil municipal. Les déclarations du président de l'Association des communes genevoises, M. Pierre Hiltpold, vont dans le même sens.

Pour sa part, M. Yves Martin, le secrétaire général du DIER, a rappelé, lors de la révision de la loi sur l'administration des communes en 1984, que toutes ces questions avaient déjà été longuement débattues, et que le texte actuel avait été accepté à l'unanimité de l'ensemble des communes de ce canton.

Lors de leur audition, les maires des communes de Russin, Cartigny et Gy ont déclaré avec force que ce projet de loi était particulièrement malvenu, car les modifications projetées n'apporteraient que des complications sur le plan pratique et perturberaient le bon fonctionnement du ménage communal.

Ces magistrats ont fait part des difficultés qu'ils rencontraient à trouver des candidats en nombre suffisant lors des élections municipales.

Ce projet de loi prévoit l'obligation de nommer un président au conseil municipal. Cette disposition n'est pas souhaitable pour ce type de commune. Le rôle du président ne se bornerait qu'à passer la parole au maire pour répondre aux questions des conseillers municipaux.

Il faut savoir que dans ces petites entités, le maire est omniprésent. Il doit tout faire. Il conduit l'ensemble des dossiers et, bien souvent, s'occupe des tâches administratives et des problèmes d'intendance. De plus, il est le seul responsable devant la loi. En ce qui concerne la question de la présidence des commissions municipales, nous estimons qu'il faut laisser les communes s'organiser comme elles le désirent. Nous ne pensons pas que les modifications proposées par le projet de loi pourraient être plus favorables aux minorités.

Au vu de ces considérations, nous sommes convaincus qu'il ne faut pas modifier la loi actuelle qui a fait ses preuves et répond tout à fait aux aspirations des petites communes visées par ce projet de loi. Par conséquent, le groupe radical vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de le refuser.

M. Alain-Dominique Mauris (L). L'application du principe de la séparation des pouvoirs, qui a fait ses preuves dans d'autres communes, peut paraître indiquée pour l'ensemble des municipalités genevoises. Mais là s'arrête la théorie des comparaisons, car, dans la pratique, nous ne pourrons pas assumer les conséquences qu'entraînerait ce changement de fonctionnement pour les communes concernées.

La solution proposée risque d'être pire que la confusion de pouvoir qu'elle entend dénoncer. Nous ne pouvons pas transposer des modèles de fonctionnement sur la base d'une simple analyse législative. Ce n'est pas en alourdissant les procédures que nous préserverons les petites communes de l'influence potentielle de certains maires très engagés.

L'influence personnelle d'un élu charismatique ne se contrôle pas par une loi, aussi parfaite soit-elle. Le rapport de minorité pourrait être convaincant. Tout y est relaté de façon tellement évidente que l'on se demande pourquoi s'y opposer. C'est uniquement parce qu'il s'agit d'un discours théorique ne reflétant pas la réalité vécue, jour après jour, dans ces communes. N'alourdissons pas le système en vigueur, car il se heurterait à l'abstentionnisme grandissant. Si nous acceptions la proposition de changement, que se passerait-il ?

Si vous le voulez bien, prenons l'exemple de Russin qui est une commune de trois cent septante-huit habitants, dont trois cent seize Suisses et environ cent quatre-vingts électeurs. Précédemment, on parlait d'un taux d'environ 50% à 60% de participation aux votes, ce qui fait environ nonante ou cent personnes. Ici, nous sommes cent députés. Si 10% ou 15% des personnes siégeant ici devait représenter 10% ou 15% des électeurs inscrits, on imagine la difficulté de trouver des candidats pour siéger avec nous. Ce serait le cas de ces petites communes, car adopter la proposition défendue par le projet de minorité impliquerait de trouver immédiatement trois personnes de plus pour fonctionner dans cette commune.

Gardons l'exemple de la commune de Russin qui compte sept conseillers municipaux. Le maire et ses deux adjoints sont membres du Conseil municipal. Dès l'instant où ils ne le seraient plus, il faudrait trouver trois membres supplémentaires pour les remplacer. Souvenons-nous que d'autres communes, légèrement plus grandes, comme Choulex, par exemple, ont eu beaucoup de peine à trouver un maire et des adjoints. A Jussy, ce fut aussi difficile de trouver un conseiller municipal.

En plus, comme il s'agit d'une élection majoritaire, on est obligé de procéder à une deuxième élection, les «viennent ensuite» n'étant pas élus tacitement, par rapport au système proportionnel.

Il ne s'agit donc pas d'un débat gauche-droite. En plus, ces petites communes n'ont pas de partis politiques. Nous remercions les auteurs de ce projet de loi, très théorique, d'attirer notre attention sur les moyens mis à disposition des élus communaux pour accomplir leur mandat. Ce sujet mérite un débat porté à l'ensemble des communes. Je vous propose de refuser ce projet en votant le rapport de majorité.

M. Olivier Lorenzini (PDC). Tout d'abord, je désire féliciter les deux rapporteurs pour la qualité de leur texte, mais plus particulièrement M. Lacour... (Rires.) ...qui aura, en tout cas pour ce projet de loi, assumé sa lourde tâche de rapporteur jusqu'en plénum.

Néanmoins, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien s'opposera à l'entrée en matière de ce projet de loi pour les raisons suivantes :

Premièrement, je partage l'avis de Mme Torracinta-Pache sur les quelques maladresses survenues au cours des auditions, les personnes interrogées n'ayant pas été très précises. Cela étant, il ne faut pas changer le fonctionnement de ces petites communes, car en défendant au maire de siéger au conseil municipal, il courrait le risque d'être complètement mis à l'écart en cas de mauvaise entente et pourrait alors rester à la maison. Dans les petites communes, la quasi-totalité des objets passe par les mains du maire qui, du reste, est le seul à pouvoir engager la commune par sa signature.

Pour ce qui est de la présidence du conseil municipal, toujours en ce qui concerne les communes de moins de huit cents habitants, l'infrastructure est réduite à sa plus simple expression. Pas de secrétaire à plein temps, ni de technicien. Le maire et ses adjoints se chargent d'une grande partie du courrier, ainsi que de la gestion de l'agenda. Dès lors, il paraît évident que le maire convoque et dirige le conseil, si c'est utile.

Dans les cas extrêmes où un conseil municipal ne serait pas convoqué dans les règles, la loi permet aux conseillers municipaux de fixer eux-mêmes une ou des séances. Quant à la présidence des commissions, dans les communes de moins de trois mille habitants, je ne vois pas où est le problème. La loi dit bien, dans son article 10 : «Les commissions peuvent être présidées par le maire ou un adjoint, à moins que le règlement du Conseil municipal ne prévoie que les commissions ne soient présidées par l'un de ses membres.»

Je vous rappelle que ce règlement, édicté par le conseil municipal, est voté par celui-ci et approuvé par le Conseil d'Etat. Dès lors, je pense que les communes disposent des moyens nécessaires au fonctionnement de leur conseil. C'est pour ces raisons que je vous invite à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. John Dupraz (R). J'ai étudié ce projet de loi avec d'autant plus d'attention que, voilà dix ans, en 1984, je présidais la commission qui avait déjà révisé la loi sur l'administration des communes.

A l'époque, il s'agissait d'un projet de loi de M. Ziegler, cosigné par Mme Claire Luchetta. La limite avait été fixée à huit cents habitants pour la séparation des pouvoirs d'avec un président du conseil municipal. J'ai beaucoup d'estime pour vous, Madame Torracinta, mais votre discours est dogmatique, et vous connaissez mal le fonctionnement des toutes petites communes, bien que vous ayez été conseillère municipale à Bernex; c'est une grande commune, dont on connaît la Coop et les commerces, mais pas les conseillers municipaux.

Pendant vingt ans, j'ai cumulé les fonctions d'adjoint et de conseiller municipal dans une petite commune. Je puis vous dire que les choses ne se passent pas comme vous le pensez.

M. Claude Blanc. C'est pire !

M. John Dupraz. N'écoutez pas ce vieux crocodile de la politique qui est sur sa fin, s'il vous plaît ! (Hilarité.)

Une voix. C'est toi qui dis ça !

M. John Dupraz. Moi, je ne fais que commencer !

Le président. C'est bien là notre drame. Continuez !

M. John Dupraz. Monsieur le président, votre présidence ne sera qu'une éclipse dans la vie politique de ce canton. (Rires.) Il faut savoir que dans une petite commune qui n'a pas d'infrastructure, il n'y a pas d'employés permanents mais un secrétaire à mi-temps qui accomplit sa tâche après son travail professionnel.

Les décisions se prennent au sein du conseil municipal après une discussion entre le maire, les adjoints et les conseillers municipaux; le maire et les adjoints cumulant ces fonctions. Il arrive parfois que des tâches de l'exécutif soient confiées à des conseillers municipaux dans des domaines bien précis, car le maire et les adjoints ne peuvent pas tout faire.

Il ne faut pas croire qu'en séparant le pouvoir exécutif du pouvoir législatif, comme vous comptez le faire, vous améliorerez le fonctionnement des petites communes, détrompez-vous !

Dans une petite commune, lorsque le conseil ou le maire prennent une initiative, le citoyen vous demande des comptes, le lendemain, lorsque vous le rencontrez au coin de la rue. La séparation des pouvoirs joue un rôle secondaire dans ces petites communes, et elle n'améliorerait en rien leur fonctionnement.

En 1984, nous avions trouvé un compromis. Je regrette que le parti socialiste veuille le remettre en cause. D'autant plus que de nombreuses communes, qui avaient moins de huit cents habitants, en ont aujourd'hui plus de huit cents, et ont passé dans le camp de la «séparation des pouvoirs». Plusieurs communes sont à la limite, et de plus en plus rares seront celles de moins de huit cents habitants. Ce n'est pas par cette loi que vous améliorerez le fonctionnement démocratique de notre canton et de nos communes.

M. Andreas Saurer (Ve). Ce manque de rigueur intellectuelle me surprend, surtout de la part du parti libéral. Que le parti démocrate-chrétien et le parti radical aient une démarche très pragmatique, j'en ai l'habitude. En revanche, le parti libéral défend très souvent des principes avec lesquels je ne suis pas forcément d'accord, mais qui se basent, je dois bien l'avouer, sur une certaine rigueur, dans certains domaines. Je pense, particulièrement, au débat concernant le don d'organes.

M. John Dupraz. Tu ne peux pas donner grand-chose !

M. Andreas Saurer. Je ne vous ai pas entendu, Monsieur Dupraz !

M. John Dupraz. Ce n'est pas grave !

M. Andreas Saurer. Ce n'est probablement pas grave !

En revanche, lorsque j'entends M. Lacour dire que les personnes qui dirigent les communes n'ont pas fait de demande particulière, je ne suis pas surpris. Quand vous siégez dans ces conseils municipaux, élus par - permettez-moi l'expression un peu péjorative, mais tout de même assez réaliste - les clans des petites communes. (Tollé.)

M. Olivier Vaucher. Allez arrête !

Le président. S'il vous plaît, poursuivez, Monsieur Saurer !

M. Andreas Saurer. Il est un peu difficile de poursuivre dans ce chahut, Monsieur le président ! Justement, venant des Grisons et connaissant parfaitement bien les petites communes, les petites familles et les petits clans, je sais de quoi je parle. Donc, évidemment, ces petites familles sont tout heureuses de pouvoir gérer les affaires entre elles, sans devoir tenir compte d'interventions extérieures.

Cela étant dit, pour être un peu plus sérieux et plus «principiel», il faut faire une différence entre le cadre et l'application du cadre. Que l'application du cadre ou l'application des principes doive se faire avec une certaine souplesse, entièrement d'accord ! En revanche, je pense qu'il est indispensable que le cadre soit basé sur des principes précis et clairs. Je trouve extrêmement grave de vouloir faire un doux mélange avec le principe de la séparation des pouvoirs en ce qui concerne le législatif et l'exécutif. Que l'on applique ce principe avec une certaine souplesse, comme nous le faisons par ailleurs dans les commissions du Grand Conseil, où nous tolérons parfaitement la présence des conseillers d'Etat dans nos commissions sans avoir demandé forcément leur présence, cela ne me dérange absolument pas, car le cadre est basé sur des principes clairs... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de sérieux !

M. Andreas Saurer. Il est extrêmement désagréable et grave que, dans les petites communes, vous ne soyez pas d'accord de respecter ces principes. Monsieur Opériol, vous vous en «fichez», cela ne m'étonne pas, vous vous «fichez» de pas mal de choses. Mais nous, qui sommes attachés à un certain nombre de principes et à un minimum de rigueur, nous trouvons très grave de ne pas respecter cette séparation des pouvoirs. Qu'on l'applique avec une certaine souplesse d'accord, mais le cadre doit être basé sur des principes clairs.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. Il est intéressant de constater, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes tous d'accord sur le principe. Toutefois, nous divergeons quelque peu sur l'application. C'est pourquoi je tenterai de donner des explications très concrètes.

Premièrement, M. Dupraz nous dit que, dans les petites communes, le maire et les adjoints ne peuvent pas tout faire. Par conséquent, ils doivent déléguer certaines de leurs tâches aux conseillers municipaux. C'est là le sens de notre projet de loi qui tend à renforcer les administrations communales.

Deuxièmement, je n'ai jamais entendu qu'il y ait eu la moindre difficulté à appliquer un nouveau régime lorsqu'une commune passe de huit cents à huit cent un habitants ou de trois mille à trois mille un habitants.

Troisièmement, au contraire de ce qui a été dit, l'autonomie communale sera renforcée par un meilleur système visant à une meilleure implication des conseillers municipaux dans la vie communale.

M. Claude Lacour (L), rapporteur de majorité. Je rappelle que, si l'article 130 de la constitution genevoise prévoit la séparation des pouvoirs entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs législatif et exécutif, aucun de ces articles ne prévoit la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif; cela a été voulu précisément pour les cas qui nous occupent.

Nous voulons surtout que le système actuel ne soit pas «péjoré». Mme Torracinta a parlé de clivage gauche-droite. A mon avis, cela n'a jamais été le cas. Le clivage se trouve entre la théorie et le fonctionnement, et entre le dogme et la réalité, ce qui n'est pas du tout la même chose. Pour notre part, nous pensons que l'application d'un principe, si beau soit-il, peut être inopportun.

Dans le cas particulier, permettez-moi de rappeler certaines remarques qui ont eu lieu au cours des débats de la commission. Par exemple, qu'il est vraiment stupide de vouloir faire le bien des communiers contre leur volonté, et inopportun de vouloir imposer des principes, si les communes doivent en pâtir. Suivons ce vieux principe : soyons pratiques et efficaces avant d'être légalistes à tout prix. Et enfin, rappelons que la loi est au service des gens, et pas le contraire.

M. Claude Blanc (PDC). L'intervention de mon collègue, le docteur Saurer, m'incite à faire quelques commentaires. En définitive, tout cela n'est que «politicaillerie».

En effet, la modification de la loi sur les HLM a fait qu'un certain nombre d'intellectuels gauchistes bien nantis ont été parachutés dans des petites communes, en de somptueuses villas, et qu'ils s'y trouvent un peu comme des corps étrangers. Alors, ils essaient, par l'intermédiaire du Grand Conseil, d'obtenir des droits qu'ils ne sont pas capables de conquérir eux-mêmes. Tout le problème réside dans ce sentiment de frustration.

Si M. Moutinot veut bien se donner la peine de congédier M. Dupraz qui n'est qu'un trouble-fête, je dirai mon étonnement aux deux éminents juristes siégeant à la table des rapporteurs qui ont dit, l'un et l'autre, que le conseil municipal était un pouvoir législatif. Il n'y a de pouvoir législatif, et vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en notre parlement. Les conseils municipaux ne sont que des pouvoirs délibératifs. Ce n'est pas du tout la même chose. C'est une des bases du malentendu qui nous occupe ce soir. (Applaudissements.)

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Tout d'abord, je dirai à M. Blanc que je ne suis pas une intellectuelle gauchiste... (Brouhaha.) ...mais une socialiste habitant une villa modeste, dans une commune fonctionnant selon un mode démocratique. D'ailleurs, je ne sais pas si j'aurais accepté d'être conseillère municipale, selon un autre mode de fonctionnement, découvert après coup.

Il m'a fallu quatre ou cinq ans d'exercice de mon mandat de conseillère municipale à Bernex, une grande commune qui - je le répète - fonctionne déjà selon le mode attribué aux grandes communes, pour apprendre que cela n'avait pas toujours été le cas. En effet, alors qu'elle était encore une petite commune, on ne dressait même pas procès-verbal des discussions.

Si l'on disait maintenant aux responsables des grandes communes qu'il n'y a pas besoin de procès-verbal et que, de toute façon, le maire fait tout et sait tout, vous ne seriez pas d'accord. Je crois que la démocratie vient pas à pas. Je ne prétends pas que ce projet bouleverse tout, mais il semblait, à mon groupe et à moi-même, qu'il pouvait nous aider à faire un tout petit pas de plus.

Nous n'avons pas minimisé les efforts pour trouver des candidats - dans toutes les communes d'ailleurs - prêts à accepter de postuler un mandat de conseiller municipal. Contrairement à ce que vous pensez, nous voulons les valoriser, leur donner leur vrai rôle et, ainsi, les inciter à se porter sur une liste électorale. D'ailleurs, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, et si vraiment le maire fait tout et signe tout, alors il faut supprimer les conseils municipaux.

Monsieur Blanc, ne me faites pas l'injure de penser que je ne fais pas la différence entre un pouvoir délibératif et un pouvoir législatif. Durant dix ans, je fus conseillère municipale, et je sais que nous ne légiférons pas. C'est une formule pratique pour distinguer l'exécutif du pouvoir délibératif.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. Je m'exprime au nom du rapporteur de majorité et en mon propre nom, car nous sommes tombés d'accord sur la chose suivante : contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur Blanc, nous avons, et l'un et l'autre, écrit dans nos rapports que le conseil municipal n'était pas un véritable pouvoir législatif. M. Lacour l'a écrit en page 4 et moi-même en page 8. Nous savons pertinemment qu'il y a une différence entre ces deux systèmes.

M. Claude Blanc (PDC). Vous l'avez peut-être écrit, mes chers Maîtres, mais vous en avez parlé tout autrement à la table des rapporteurs. Alors admettez-le au moins !

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.