République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 avril 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 6e session - 15e séance -autres séances de la session
No 15/III
Vendredi 26 avril 1996,
soir
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Olivier Vodoz, Philippe Joye, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Nicolas Brunschwig, Hervé Dessimoz, Pierre Ducrest, Laurette Dupuis, Catherine Fatio, Alexandra Gobet et Alain-Dominique Mauris, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Le président. Le projet de loi suivant est parvenu à la présidence :
Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
LE GRAND CONSEIL
Article 1
La loi d'application du code civil et du code des obligations, du 7 mai 1981, est modifiée comme suit :
Art. 4 D (nouveau)
Accès aux données personnelles
1 Le Tribunal de première instance, siégeant en chambre du Conseil, statue par voie de procédure sommaire sur les actions en exécution du droit d'accès aux données personnelles (art. 15, al. 4, de la loi fédérale sur la protection des données, du 19 juin 1992).
2 Les parties sont toujours entendues.
Art. 2
Modification à une autre loi (E 2 3)
La loi de procédure civile, du 10 avril 1987, est modifiée comme suit :
Art. 357, al. 2 (nouvelle teneur)
2 L'article 189 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite et l'article 4 D de la loi d'application du code civil et du code des obligations sont réservés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. La loi fédérale sur la protection des données (LPD, RS 235.1), en vigueur depuis le 1er juillet 1993, s'applique au domaine du droit privé, ainsi qu'au secteur public fédéral (art. 2). Elle régit en effet le traitement des données concernant des personnes physiques ou morales effectué par des personnes privées et par des organes publics fédéraux.
Cette législation complète et concrétise les règles sur la protection de la personnalité instituée par les articles 28 et suivants du code civil suisse (Message du Conseil fédéral in FF 1988 II, pages 421 et suivantes et 442).
2. Aux termes des articles 8 à 10 LPD, le maître du fichier doit communiquer à toute personne les données la concernant, sous réserve de certaines restrictions ou exceptions.
L'article 15, alinéa 4, LPD, prescrit que les actions en exécution de ce droit d'accès peuvent être ouvertes au domicile du demandeur ou à celui du défendeur, et que le juge doit statuer selon une procédure simple et rapide.
Le Tribunal fédéral a jugé dans un arrêt du 6 octobre 1995 que le juge en question devait être un juge civil, autrement dit que l'article 15, alinéa 4, LPD, imposait aux cantons de prévoir une procédure civile simple et rapide pour permettre aux intéressés d'exercer leur droit d'accès à leur dossier.
3. Quand bien même le droit d'accès consacré par l'article 8 LPD est conçu de façon plus large que celui fondé sur les articles 28 et suivants du code civil, il n'en reste pas moins que la LPD tend à concrétiser les principes généraux de la protection de la personnalité (art. 28 et suivants CC) dans le domaine du traitement des données personnelles, de façon à faciliter leur mise en oeuvre. A cela s'ajoute que l'article 15, alinéa 1, LPD, renvoie expressément aux articles 28 à 28 I du code civil, s'agissant des actions et des mesures provisionnelles concernant la protection de la personnalité, telles que la rectification ou la destruction de données contenues dans les fichiers.
Les liens avec le code civil sont donc suffisamment étroits pour que la disposition d'application de l'article 15, alinéa 4, LPD, figure dans la loi cantonale d'application du code civil et du code des obligations et ne fasse pas l'objet d'une loi topique.
4. Nous vous proposons donc d'introduire, dans la loi d'application du code civil, la disposition d'application de l'article 15, alinéa 4, LPD, de confier cette compétence au Tribunal de première instance et de prévoir que ce dernier statue par voie de procédure sommaire, laquelle est une procédure simple et rapide. Vu le caractère confidentiel que pourront revêtir certaines données sollicitées, il est prévu que le juge ne siégera pas en audience publique, mais en chambre du Conseil. La précision que les parties sont entendues vise à déroger à l'article 357 de la loi de procédure civile, qui laisse au juge la faculté de décider, dans chaque cas, s'il y a lieu d'entendre les parties. Il paraît en effet souhaitable que le droit d'être entendu des parties soit respecté dans tous les cas dans ce genre de procédure.
5. Signalons pour conclure que dans son arrêt précité, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si et dans quelle mesure la nouvelle loi fédérale sur la protection des données laissait subsister les dispositions de la loi genevoise du 6 décembre 1987 concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients en matière de droit d'accès aux dossiers médicaux établis par des médecins privés.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ceprojet est renvoyé à la commission judiciaire.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988 (ci-après: loi fédérale), est modifiée comme suit :
CHAPITRE I
Dispositions générales
Article 1 (nouvelle teneur)
Autorité cantonale de police des étrangers
1 Le Conseil d'Etat désigne l'autorité cantonale de police des étrangers (ci-après: le département).
2 Cette dernière exerce toutes les fonctions relatives à la police des étrangers qui ne sont pas dévolues à une autorité fédérale ou que la législation cantonale n'attribue pas à une autre autorité (art. 15 de la loi fédérale).
Art. 2 (nouvelle teneur)
Délégation de compétence
Dans les limites fixées à l'article 1, alinéa 2, le département peut déléguer à un service de l'administration (ci-après: office) la compétence de prendre toutes les mesures de police des étrangers, à l'exception des décisions d'expulsion et de levée d'expulsion.
Art. 3 (nouvelle teneur)
Recours
1 Les décisions que le département ou l'office prennent en matière de police des étrangers sont susceptibles de faire l'objet d'un recours à la commission cantonale de recours de police des étrangers.
2 Les dispositions sur les mesures de contrainte sont réservées.
Art. 4 (nouvelle teneur)
Commission cantonale de recours de police des étrangers
1 La commission cantonale de recours de police des étrangers (ci-après: la commission) se compose de 3 mem-bres nommés par le Conseil d'Etat pour 4 ans au début de chaque législature.
2 Le Conseil d'Etat nomme un titulaire et un suppléant pour chacun des 3 sièges de la commission, dont il désigne également le président, qui doit être de formation juridique. Le président de la commission peut être suppléé par chacun des deux autres membres titulaires de la commission.
3 La commission est soumise pour le surplus à la loi concernant les membres des commissions officielles, du 24 septembre 1965.
4 Elle applique la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985. Elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle.
5 Le greffe de la commission est assuré par la chancellerie d'Etat.
Art. 5 (abrogé)
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Art. 3
Disposition transitoire
La commission cantonale de recours de police des étrangers prévue à l'article 4 connaît de tous les recours entrant dans ses attributions déposés dès l'entrée en vigueur de la présente loi. Les recours déposés avant cette date restent traités par le Conseil d'Etat, sur préavis de la commission prévue par l'article 4 de la loi dans son ancienne teneur; toutefois, dès le 15 février 1997, les recours non encore traités par le Conseil d'Etat passent dans la compétence de la commission cantonale de recours de police des étrangers.
Art. 4
Modification à une autre loi
(A 2 5)
La loi concernant les membres des commissions officielles, du 24 septembre 1965, est modifiée comme suit:
Art. 2A (nouveau)
Durée
Pour les commissions élues ou nommées pour une durée déterminée, les membres élus ou nommés au cours de cette période ne le sont que jusqu'à l'expiration de cette dernière.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Introduction
Le présent projet de loi vise à transférer à une commission de recours indépendante la compétence, dévolue jusqu'à présent au Conseil d'Etat, de statuer sur les recours interjetés en matière de police des étrangers.
Il répond à un impératif juridique combiné à l'opportunité de maintenir l'unité de traitement de ce type de recours, ainsi qu'à la volonté du Conseil d'Etat de promouvoir l'indépendance de la juridiction administrative et de se décharger d'une tâche juridictionnelle de plus en plus absorbante.
II. Brève description du contentieux de la police des étrangers
1. La loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 26 mars 1931 (en abrégé : LSEE, RS 142.20), charge les cantons de désigner une autorité cantonale de police des étrangers, à laquelle doit être en principe conféré le droit d'octroyer ou de maintenir les autorisations de séjour ou d'établissement et d'expulser les étrangers (art. 15 LSEE). Lorsque cette compétence n'est pas réservée au gouvernement cantonal ou à un chef de département ou qu'il n'existe pas de droit de recours à l'autorité fédérale, la législation cantonale doit prévoir une possibilité de recours à une autorité cantonale supérieure (art. 19 LSEE).
Dans le canton de Genève, l'autorité cantonale de police des étrangers est le département de justice et police et des transports, qui, pour nombre de décisions, est habilité à déléguer ses compétences à l'office cantonal de la population. Et c'est le Conseil d'Etat qui est autorité de recours. Les recours interjetés en cette matière sont instruits par une commission composée de deux conseillers d'Etat et du chancelier, qui entendent les recourants et font rapport au Conseil d'Etat (art. 1 à 5 de la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988, en abrégé : LALSEE, F 2 2, qui a repris la solution retenue déjà par la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 21 février 1934, ROLG 1934, p. 34). Cette commission est assistée d'un greffe juridique et administratif rattaché à la chancellerie d'Etat.
2. Tant l'autorité décisionnaire que le Conseil d'Etat dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour statuer respectivement sur les requêtes et les recours de police des étrangers. En effet, sauf prescription particulière de la loi ou d'un traité international, l'étranger n'a aucun droit à la délivrance d'une autorisation de séjour ou d'établissement (art. 4 et 16 LSEE; ATF 118 Ib 145, cons. 1a).
Il s'ensuit que, dans ce domaine, les possibilités de recours au Tribunal fédéral sont limitées. Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral n'est pas recevable contre l'octroi ou le refus d'autorisations de police des étrangers auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit (art. 100, lettre b, ch. 3 de la loi fédérale d'organisation judiciaire, en abrégé : LFOJ, RS 173.110; ATF 120 Ib 360). Quant à lui, le recours de droit public au Tribunal fédéral reste en principe fermé, faute pour les recourants de pouvoir invoquer la lésion d'un intérêt juridiquement protégé (art. 88 LFOJ; ATF 99 Ia 317).
Toutefois, à certaines conditions, le droit fédéral fonde une prétention à la délivrance d'une autorisation de police des étrangers, notamment en matière de regroupement familial. C'est le cas, de façon certes pas inconditionnelle, en faveur du conjoint étranger d'un ressortissant suisse (art. 7 LSEE) ou titulaire d'une autorisation d'établissement (art. 17, al. 2 LSEE), ainsi qu'en faveur de leurs enfants célibataires âgés en principe de moins de dix-huit ans (art. 17, al. 2 LSEE; ATF 119 Ib 81; ATF S. G.du 13 juillet 1992). Le droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme confère une protection analogue. Dans ces cas, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert, de même d'ailleurs qu'en cas d'expulsion (art. 10 LSEE).
3. Il faut encore préciser que certaines autorisations de séjour délivrées par les cantons sont soumises à l'approbation de l'office fédéral des étrangers (art. 18 LSEE). Cette autorité fédérale détient par ailleurs des compétences décisionnaires propres, comme en matière d'interdiction d'entrée (art. 13 LSEE) ou d'exceptions aux mesures de limitation du nombre des étrangers (art. 13 et 52 de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre 1986, en abrégé : OLE, RS 823.21).
Les décisions de l'office fédéral des étrangers sont alors susceptibles de faire l'objet d'un recours au département fédéral de justice et police, puis, pour certaines d'entre elles, d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 20 LSEE; art. 100, let. b LFOJ; ATF 111 Ib 169).
III. Nécessité et opportunité de créer une commission cantonale de recours indépendante
1. Le 4 octobre 1991, dans le cadre d'une réforme visant à décharger le Tribunal fédéral, le législateur fédéral a adopté un article 98a LFOJ, qui fait obligation aux cantons d'instituer «des autorités judiciaires statuant en dernière instance cantonale, dans la mesure où leurs décisions peuvent directement faire l'objet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral». Ce doit être chose faite avant le 15 février 1997 (voir ch. 1, al. 1 des dispositions finales de cette modification du 4 octobre 1991, entrée en vigueur le 15 février 1992).
C'est dire qu'au plus tard à partir de cette date, le Conseil d'Etat ne saurait plus être l'instance de recours exigée par l'article 19, alinéa 1 LSEE dans les cas où le droit fédéral confère un droit à l'obtention d'autorisations de police des étrangers, car il n'est pas une autorité judiciaire au sens de l'article 98a LFOJ.
Certes, il pourrait rester autorité de recours dans les autres cas. Le résultat en serait toutefois que le contentieux de la police des étrangers serait réparti entre des juridictions différentes selon que le droit fédéral fonde ou non un droit à la délivrance de l'autorisation considérée. Dans cette hypothèse, il n'y aurait donc pas unité de traitement des recours de police des étrangers. L'insécurité juridique s'installerait, d'autant plus que les litiges peuvent porter précisément sur le point de savoir si et dans quelle mesure le droit fédéral confère ou non un droit à l'intéressé; or, ce doit être là une question de fond, et non de recevabilité des recours. Il se pourrait même que certaines facettes d'un cas soient du ressort de l'autorité judiciaire à créer, à l'exclusion d'autres, qu'il appartiendrait au Conseil d'Etat d'examiner. Les procédures s'en trouveraient ralenties.
L'opportunité commande donc d'aller au-delà des exigences que le législateur fédéral a pu poser, et de confier le contentieux de la police des étrangers à une seule et même autorité judiciaire, pour des motifs de simplification et d'accélération des procédures.
Un tel transfert de compétence est d'ailleurs conforme à la tendance moderne consistant à confier le contrôle des décisions administratives à des juridictions administratives indépendantes.
Il aura aussi le mérite de décharger le Conseil d'Etat, singulièrement les deux conseillers d'Etat et le chancelier formant la commission d'examen des recours. Le nombre annuel des recours de police des étrangers s'est en effet multiplié depuis le début de la présente décennie, passant de 102 en 1990 à 267 en 1995. La structure actuelle de traitement de ce type de recours a atteint sa limite, en dépit d'adéquates mesures de rationalisation.
Le gouvernement conservera en revanche la responsabilité des décisions prises par les autorités en procédure non contentieuse. En effet, il lui sera loisible, au besoin, d'évoquer à lui les affaires de police des étrangers, et de donner auxdites autorités les instructions utiles et les moyens nécessaires pour que ces affaires soient traitées avec diligence et conformément aux principes et valeurs honorant notre République (article unique de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'Etat et l'organisation de l'administration, du 16 septembre 1993, B 1 2,5).
2. L'autorité judiciaire dont parle l'article 98a LFOJ doit être une juridiction indépendante, c'est-à-dire une instance de recours «statuant à l'abri de toute instruction, sans être soumise dans l'exercice de sa compétence à aucun pouvoir hiérarchique» (Pierre MOOR, Juridiction de droit public, in L'organisation judiciaire et les procédures fédérales. Le point sur les révisions récentes, CEDIDAC 1992, p. 67-99, not. 80; FF 1991 II 518).
La notion d'autorité judiciaire figurant à l'article 98a LFOJ s'apparente à celle de tribunal indépendant prévue à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, ou à celle de commission de recours indépendante à laquelle d'autres dispositions de droit fédéral se réfère, comme l'article 105, alinéa 2 LFOJ, dans sa teneur antérieure à la modification de 1991 (Pierre MOOR, op. cit., p. 80; ATF 106 Ib 199 et 287). Cette autorité doit donc être indépendante à l'égard de l'exécutif et des parties, à l'égard du Parlement ainsi qu'à l'égard des pouvoirs de faits (Jacques VELU/Rusen ERGEC, La convention européenne des droits de l'homme, 1990, n° 538 ss.).
Peu importe en revanche l'autorité de nomination, comme le Conseil fédéral l'a relevé lui-même dans son message à l'appui du projet de révision de la LFOJ (FF 1991 II 518). En effet, on ne saurait inférer un manque d'indépendance de la seule circonstance que les membres de l'autorité judiciaire considérée seraient désignés par décision ou sur recommandation du pouvoir exécutif ou du Parlement. Il faut cependant que ces membres, qui ne doivent pas nécessairement être des magistrats professionnels, jouissent d'un statut propre à les prémunir contre les pressions extérieures. Cette indépendance résulte de la durée de leur mandat, de leur inamovibilité en cours de mandat et de l'impossibilité de leur adresser des injonctions ou même des recommandations au sujet de leur activité juridictionnelle (ATF 114 Ia 182, cons. 3b; ATF 108 Ia 178, cons. 4; Jacques VELU/Rusen ERGEC, op. cit., n° 539; Pierre MOOR, op. cit, p. 80).
3. Eu égard à l'étendue du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité en matière de police des étrangers, il importe que l'autorité judiciaire appelée à contrôler les décisions prises dans ce domaine puisse être saisie non seulement des griefs de violation du droit et de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, mais aussi du grief d'inopportunité.
C'est d'ailleurs le motif principal pour lequel le Conseil d'Etat est resté jusqu'à ce jour autorité de recours en matière de police des étrangers, et qu'il faut qu'il le reste dans le domaine de la main-d'oeuvre étrangère dans la mesure où les contestations susceptibles de surgir en cette matière ne peuvent donner lieu à un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (ATF F. du 2 février 1993; ATF T. du 6 mars 1989). En effet, à la différence des autres juridictions administratives, et notamment du Tribunal administratif, le Conseil d'Etat peut, sur recours, apprécier l'opportunité des décisions attaquées devant lui (art. 61 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, en abrégé : LPA,E 3,5 3).
Aussi y a-t-il lieu, de l'avis du Conseil d'Etat d'ailleurs partagé par le Tribunal administratif, de confier le contentieux de la police des étrangers à une commission de recours indépendante, en étendant son pouvoir d'examen aux questions d'opportunité.
IV. Commentaire article par article
Article 1 Autorité cantonale de police des étrangers
Sous réserve de l'organisation de la disposition en deux alinéas,l'article 1 reprend en fait l'article 1 actuel de la LALSEE, en prévoyant simplement qu'il appartient au Conseil d'Etat de désigner l'autorité cantonale de police des étrangers, la désignation des autorités compétentes étant du ressort du Conseil d'Etat. L'autorité que celui-ci désignera en l'occurrence sera évidemment le département de justice et police et des transports.
Article 2 Délégation de compétence
Comme l'article 2 actuel de la LALSEE, cette disposition réserve à l'autorité cantonale de police des étrangers la compétence de prononcer les décisions d'expulsion et de levée d'expulsion, et elle l'habilite pour le surplus à déléguer à un service de l'administration - soit à l'office cantonal de la population - celle de prendre les autres décisions de police des étrangers, telles que l'octroi, le refus ou la révocation des autorisations de séjour ou d'établissement.
Seulement, sans rien changer à la pratique actuelle, la disposition proposée est plus complète, dans sa formulation, que l'article 2 actuel, puisqu'à l'exception précisément des décisions d'expulsion et de levée d'expulsion, elle vise «toutes les mesures de police des étrangers», plutôt que simplement «l'octroi, le refus ou la révocation d'autorisations de séjour ou d'établissement», qui sont les principales décisions de police des étrangers que l'office cantonal de la population est amené à prendre. Cet office rend cependant encore d'autres décisions, telles que des constats de caducité d'autorisations de séjour ou d'établissement (voir art. 9, al. 1 et 3 LSEE), et il prend diverses mesures qui, à proprement parler, ne sont pas ou que partiellement des décisions administratives (art. 4 LPA), telles que des mesures de renvoi (voir art. 12 LSEE).
Evidemment, le département considéré ne saurait déléguer des compétences qu'il n'a pas, parce qu'elles sont dévolues à une autorité fédérale ou à une autre autorité cantonale. C'est ce qu'expriment les mots «Dans les limites fixées à l'article 1, alinéa 2».
Par ailleurs, la disposition proposée ne reprend pas l'article 2, alinéa 3 actuel de la LALSEE, aux termes duquel le département précité est l'organe de surveillance de l'office cantonal de la population. Il y a à cela une double raison. D'une part, cette phrase n'ajoute rien à une réalité tant juridique que pratique (qu'il faudrait sinon répéter pour chacun des services de chacun des départements). D'autre part, l'expression est inadéquate, car du moins en droit genevois, on parle de surveillance à propos des entités de l'administration cantonale décentralisée, et non à propos des services intégrés dans l'administration cantonale centrale, sur lesquels les départements concernés et le Conseil d'Etat exercent un pouvoir hiérarchique direct plus incisif (voirart. 3, al. 2, art. 4, al. 2, art. 5, al. 3, art. 8, al. 2, art. 9, al. 2 et art. 10, al. 2 du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale, du 22 décembre 1993, B 4 1). Or, l'office cantonal de la population est placé non seulement sous la simple «surveillance» du département de justice et police et des transports, dont il est un service (art. 5, al. 1, lettre d du règlement précité), mais directement sous ses ordres. Au demeurant, toute délégation de compétence implique le pouvoir et le devoir pour l'autorité déléguante de contrôler l'utilisation que l'organe délégataire fait des compétences qui lui sont déléguées (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., 1991,n° 25 ss.).
Article 3 Recours
Alinéa 1
Cette disposition crée une nouvelle voie et autorité de recours contre les décisions que le département de justice et police et des transports ou l'office cantonal de la population sont amenés à prendre en matière de police des étrangers dans leur sphère de compétence respective.
Cette juridiction, appelée à se substituer en cette matière au Conseil d'Etat (voir art. 3 actuel de la LALSEE), est désignée sous le nom de commission cantonale de recours de police des étrangers.
Alinéa 2
Les dispositions sur les mesures de contrainte restent réservées. Elles figurent actuellement au chapitre IV A (art. 17 A à 17 C) du règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 8 février 1989 (F 2 3), dans sa teneur du 15 février 1995. De nouvelles dispositions de rang légal devront être adoptées d'ici quelques mois.
Article 4 Commission cantonale de recours de police des étrangers
Alinéa 1
Cette disposition fixe à trois le nombre de membres devant constituer la commission cantonale de recours de police des étrangers. La solution d'un juge unique doit être écartée pour un double motif. Premièrement, la matière considérée requiert souvent une appréciation en opportunité; or, une pluralité de personnes offre à cet égard davantage de garanties d'équité et d'égalité de traitement qu'une seule personne. En second lieu, cette commission n'est pas simplement une juridiction de première instance; elle doit statuer en dernière instance cantonale.
Le Conseil d'Etat est désigné comme autorité de nomination des membres de cette commission, sans que cela n'affecte en rien l'indépendance de cette dernière (voir ci-dessus III. 2).
Comme pour les autres commissions officielles dépendant de l'Etat, la durée du mandat des commissaires est fixée à quatre ans pour une période correspondant, avec un décalage d'environ quatre mois, à la durée de chaque législature (voir règlement relatif à la durée du mandat des commissions dépendantes de l'Etat, du 27 décembre 1961, A 2 7). Cette durée contribue à marquer l'indépendance de la commission, qui se trouve d'ailleurs soulignée encore par l'article 4 de la loi concernant les membres des commissions officielles, du 24 septembre 1965 (A 2 5), aux termes duquel les «membres des commissions exerçant un pouvoir juridictionnel doivent apporter à l'exercice de leurs fonctions les qualités d'impartialité, d'assiduité et d'intégrité qui sont exigées des magistrats du pouvoir judiciaire et des juges prud'hommes».
Il sied de rappeler qu'en vertu de l'article 3, alinéa 1 de cette même loi, les commissaires sont tenus au secret de fonction.
Alinéa 2
Courante déjà pour les tribunaux, la désignation de suppléants se justifie d'autant plus pour une commission qui n'est pas composée de magistrats professionnels, mais de membres ayant d'autres activités ne leur laissant pas une pleine disponibilité.
En principe, des suppléants ne doivent être appelés à siéger qu'en cas d'empêchement des titulaires. La formule proposée doit cependant aussi permettre à la commission de faire face à un afflux plus important de recours, grâce à la possibilité qu'elle offre de réunir la commission dans trois compositions différentes, en fonction de la disponibilité de chacun de ses membres titulaires et suppléants.
Dans sa composition ordinaire, la commission est formée des trois titulaires réunis sous la présidence de l'un d'eux désigné président de la commission par le Conseil d'Etat. Selon une première variante, l'un ou l'autre des titulaires peut être remplacé par l'un ou l'autre des suppléants, sous la présidence du président de la commission ou, et si c'est lui qui doit être remplacé, sous celle de l'un des deux autres titulaires. Une seconde variante consisterait au besoin à faire siéger la commission réunie en la personne de deux suppléants et d'un des trois titulaires, sous la présidence du titulaire présent. La commission ne saurait en revanche être valablement constituée exclusivement de ses trois membres suppléants.
C'est au président de la commission que revient naturellement la compétence et la charge de faire fonctionner la commission, en particulier de la réunir, au gré des besoins, dans l'une ou/et l'autre des compositions susmentionnées. Il dispose à cette fin de l'appui d'un greffe (voir al. 5).
Alinéa 3
Il est opportun de rappeler la soumission de la commission à la loi précitée concernant les membres des commissions officielles.
Alinéa 4
En tant que juridiction administrative, la commission cantonale de recours de police des étrangers doit appliquer la loi sur la procédure administrative (voir art. 1 LPA), qui contient toutes les règles nécessaires à une saine administration de la justice en matière administrative, telles que les dispositions sur la représentation et l'assistance des parties (art. 9), l'établissement des faits (art. 18 ss.), le droit d'être entendu (art. 41 ss.), les actes susceptibles de recours (art. 4 et 57 ss.), la qualité pour recourir (art. 60), les délais de recours (art. 63), la forme et le contenu des recours (art. 64 s.), les effets des recours (art. 66 s.), le pouvoir de décision (art. 69).
Comme déjà indiqué (voir point III.3), il faut que la commission cantonale de recours de police des étrangers puisse apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle. Cette extension de pouvoir d'examen doit être prévue par la loi (voir art. 61, al. 2 in fine LPA).
Alinéa 5
La commission a besoin d'un greffe, que la chancellerie d'Etat a vocation d'assurer, comme elle le fait déjà non seulement pour l'actuelle commission d'examen des recours de police des étrangers, mais aussi pour des commissions de recours indépendantes, telles que les commissions cantonales de recours en matière d'impôts et la commission de recours en matière de constructions, ou encore pour la commission d'experts en matière de liquidation des sociétés immobilières non agricoles.
Article 5 Abrogé
L'article 5 actuel de la LALSEE est repris à l'article 4, alinéa 4 proposé. Il doit donc être abrogé.
Dispositions finales
Art. 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat souhaite pouvoir fixer l'entrée en vigueur de la présente loi le plus vite possible, pour les motifs développés ci-après.
Art. 3 Disposition transitoire
Au 31 décembre 1995, 276 recours étaient inscrits au rôle des recours au Conseil d'Etat dans le seul domaine de la police des étrangers. Durant l'année 1995, le Conseil d'Etat avait été saisi de 267 recours de ce type, alors qu'il n'avait pu en liquider que 229, soit déjà sensiblement plus que les années précédentes.
C'est dire que jusqu'à l'entrée en fonction de la commission cantonale de recours de police des étrangers, le Conseil d'Etat pourra traiter, dans la meilleure des hypothèses, un nombre de recours à peu près équivalent à celui des nouveaux recours qui seront déposés d'ici là. Le nombre de recours à traiter sera donc sans doute de l'ordre de 280 à ce moment-là.
Soucieux de permettre à la nouvelle commission de commencer son activité sous les meilleurs auspices possibles, le Conseil d'Etat estime qu'il serait préférable de ne lui confier, à tout le moins dans un premier temps, que les recours déposés dès son entrée en fonction, et de continuer à traiter lui-même les recours déjà inscrits au rôle jusqu'à la veille de cette date. Cela n'est toutefois possible que jusqu'au 14 février 1997, du moins dans les affaires susceptibles de faire ensuite l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Plus le temps durant lequel l'ancienne et la nouvelle juridiction pourraient coexister serait long, moins le rôle de la commission cantonale de recours de police des étrangers serait chargé d'anciennes affaires, et mieux cette dernière pourrait traiter les recours, au surplus avec la diligence qui, semble-t-il, serait propre à réduire le nombre de recours déposés dans le but principal de bénéficier d'un effet suspensif ou d'une mesure provisionnelle permettant une prolongation de séjour dans notre canton.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat propose l'adoption d'une disposition transitoire permettant une coexistence temporaire de l'ancienne et de la nouvelle juridiction, avec un critère simple et précis d'attribution des recours à l'une ou l'autre d'entre elles, en réitérant son souhait de pouvoir faire entrer en fonction la nouvelle commission le plus vite possible.
Art. 4 Modification à une autre loi
Il se justifie d'inscrire dans la loi concernant les membres des commissions officielles, plutôt que dans la LALSEE elle-même, que les membres nommés en cours de législature ne le sont que jusqu'à l'expiration de cette dernière. Il s'agit là, en effet, d'une règle valable généralement pour l'ensemble des commissions élues ou nommées pour une durée déterminée, qui est généralement la durée de la législature décalée d'environ quatre mois. Une telle règle s'appliquera alors évidemment aussi à la commission cantonale de recours de police des étrangers, d'autant plus que l'article 4, alinéa 3 proposé prévoit explicitement la soumission de cette commission à la loi concernant les membres des commissions officielles.
V. Incidence financière
Sur la base des expériences faites durant les années écoulées, on peut estimer que les membres titulaires et suppléants devront consacrer au total près de 600 heures de travail par année à l'exercice de leur mandat. Autrement dit, chacun des trois membres titulaires de la commission serait occupé à cette tâche à raison d'environ 200 heures par année, à supposer qu'il ne soit pas fait appel aux suppléants; c'est l'équivalent d'un bon 10% d'activité.
Eu égard au tarif fixé par le Conseil d'Etat pour la rémunération des membres des commissions judiciaires, la rémunération des membres de la commission cantonale de recours de police des étrangers s'élèverait ainsi au total à près de 70 000 F par année, en partant de l'idée raisonnable que chacun des trois membres de la commission serait rapporteur dans un tiers des affaires, y compris le président, et qu'en plus du rapporteur il y aurait toujours un président et un membre pour chaque séance. L'intervention de suppléants en lieu et place de titulaires resterait sans incidence sur le résultat du calcul.
Il s'agirait là des frais de fonctionnement supplémentaires qu'impliquerait la création d'une telle commission de recours indépendante. Cette somme correspondrait approximativement au tiers du traitement d'un juge, charges sociales comprises, le total de 600 heures de travail pris en considération représentant quant à lui approximativement un tiers-temps d'activité. Les frais de fonctionnement du greffe sur lequel la commission pourrait s'appuyer seraient sensiblement les mêmes que les frais de fonctionnement actuels de ce greffe, dès lors que ce dernier serait appelé à fournir le même type et la même quantité de prestations qu'il est appelé à fournir à l'heure actuelle pour la commission d'examen des recours de police des étrangers.
VI. Conclusion
Le présent projet de loi doit donc permettre à notre canton de s'adapter opportunément à l'évolution du droit fédéral.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de lui réserver un accueil favorable.
Préconsultation
M. Laurent Moutinot (S). Obéissant aux nouvelles exigences du droit fédéral, le Conseil d'Etat propose de se dessaisir de sa compétence en matière de recours sur le séjour et l'établissement des étrangers.
En réalité, le Conseil d'Etat va plus loin que ce que demande le droit fédéral, puisqu'il propose à une instance de recours indépendante de s'occuper de l'ensemble des problèmes liés à l'attribution des permis. Cette proposition est positive. Toutefois, ce projet de loi comporte un certain nombre de points obscurs qu'il conviendra d'éclaircir en commission.
En premier lieu, nous ne comprenons pas l'utilité d'une commission de recours supplémentaire spécialisée, alors que le Tribunal administratif pourrait jouer ce rôle. Il faudra que le choix entre ces deux instances soit soigneusement opéré.
En second lieu, si on adopte la solution d'une commission de recours, il conviendra d'examiner sa composition, et qui, du Conseil d'Etat ou du Grand Conseil, désignera et décidera de sa proportionnalité.
En troisième lieu, nous devrons nous interroger sur l'articulation entre ce projet de loi et le projet de loi d'application de la loi fédérale sur les mesures de contraintes, car, manifestement, les deux sujets sont proches, voire interdépendants. Il ne serait pas logique d'avoir deux voies de recours pour les mêmes problèmes. Il faut harmoniser ce projet, ainsi que celui concernant les mesures de contrainte.
Un quatrième point devra également être précisé. En matière de droit des étrangers, le canton a souvent l'occasion de s'exprimer, non pas par décision mais par préavis. Ces préavis, qui sont des décisions de droit cantonal, sont-ils soumis à recours ? La commission judiciaire aura un travail intéressant à fournir pour aboutir à un contrôle juridictionnel satisfaisant, car, à l'heure actuelle, le droit des étrangers est soumis au Conseil d'Etat et l'apparition d'un contrôle juridictionnel dans ce domaine est une chose nécessaire et conforme aux principes démocratiques.
M. Bernard Lescaze (R). Nous ferons diligence en tenant compte, si possible, des remarques de M. Moutinot, car plusieurs centaines de recours sont actuellement pendants. Je signale qu'une commission indépendante de trois membres travaillera plus vite qu'un tribunal administratif de cinq membres, surchargé d'autres besognes, comme on n'a pas manqué de nous le dire à plusieurs reprises.
En tout cas, nous saluons avec satisfaction ce projet de loi, tout en étant bien conscients qu'il ne s'agit que d'une première partie de la législation concernant les requérants d'asile.
En conséquence, nous examinerons ce projet le plus rapidement possible.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 16 mars 1912, est modifiée comme suit:
Art. 13 (nouvelle teneur)
Les plaintes à l'autorité de surveillance doivent être formées par écrit et rédigées en français. Elles doivent par ailleurs être déposées, avec les pièces auxquelles elles renvoient, en autant d'exemplaires qu'il y a de parties à la procédure.
Art. 15, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les décisions sont notifiées par lettre recommandée. Mention de la communication est faite par le greffier en marge de la minute de la décision.
Art. 16 (abrogé)
Art. 19 (nouvelle teneur)
Le Tribunal de première instance, siégeant en audience publique, statue par voie de procédure accélérée:
a)
sur la demande de participation privilégiée à la saisie;
b)
sur la contestation formée par le créancier contre l'état de collocation dressé par l'office des poursuites et l'administration de la faillite;
c)
sur l'action en constatation du retour ou du non- retour à meilleure fortune;
d)
sur la contestation relative au droit de rétention sur des objets emportés clandestinement ou avec violence;
e)
sur la demande en annulation ou en suspension de la poursuite formée par le débiteur (art. 85 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, ci-après: la loi fédérale);
f)
sur la revendication dans la poursuite et la faillite;
g)
sur la demande en épuration de l'état des charges.
Art. 20 (nouvelle teneur)
Le Tribunal de première instance, siégeant en audience publique, statue par voie de procédure sommaire:
a)
sur l'admission d'une opposition tardive;
b)
sur la demande en mainlevée de l'opposition définitive ou provisoire, formée par le créancier muni d'un jugement ou d'une reconnaissance de dette;
c)
sur la demande en annulation ou en suspension de la poursuite formée par le débiteur (art. 85 de la loi fédérale);
d)
sur une réquisition de faillite après poursuite par voie ordinaire;
e)
sur une opposition, en matière de poursuite pour effets de change, et pour ordonner les mesures conservatoires prévues à l'article 183 de la loi fédérale;
f)
sur une réquisition de faillite sans poursuite préalable à la demande du créancier;
g)
sur l'opposition du débiteur pour non-retour à meilleure fortune;
h)
sur une requête en reconnaissance d'une décision de faillite rendue à l'étranger;
i)
en matière de concordat.
Art. 21 (nouvelle teneur)
Le Tribunal de première instance, réuni en Chambre du conseil, statue par voie de procédure sommaire:
a)
sur la demande du créancier qu'il soit dressé inventaire des biens du débiteur;
b)
sur une réquisition de faillite après poursuite pour effets de change;
c)
sur une réquisition de faillite à la demande du débiteur;
d)
pour ordonner la liquidation, par l'office des faillites, de la faillite dans les cas prévus par l'article 193 de la loi fédérale;
e)
pour prononcer la révocation de la faillite;
f)
pour arrêter la liquidation d'une succession répudiée lorsque se présente un ayant droit qui déclare accepter la succession;
g)
pour prononcer la suspension d'une liquidation de faillite;
h)
pour ordonner la liquidation sommaire de la faillite;
i)
pour prononcer la clôture de la faillite lorsque la liquidation est terminée;
j)
en matière de sursis concordataire, de règlement amiable des dettes et de sursis extraordinaire;
k)
sur l'avis de surendettement et sur la requête d'ajournement de faillite concernant les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopératives et les sociétés en commandite par actions.
Art. 22, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 L'opposition à l'ordonnance de séquestre est formée par écrit et motivée devant le président du Tribunal de première instance qui statue, après avoir entendu les parties, selon les règles de la procédure sommaire. Il n'est pas prononcé de défaut contre la partie qui ne se présente pas.
4 La Cour de justice connaît sur recours des décisions sur opposition au séquestre. L'article 356, alinéa 1, de la loi de procédure civile est applicable.
Art. 23, al. 2 (nouvelle teneur)
2 L'appel des jugements rendus en dernier ressort n'est recevable que dans les cas prévus à l'article 292 de la loi de procédure civile.
Art. 37 (abrogé)
Art. 40 A (nouveau)
1 L'action en responsabilité contre le canton est régie par la loi de procédure civile.
2 Lorsque le canton répond d'un dommage causé intentionnellement ou par négligence grave par une personne qui n'est ni magistrat, ni fonctionnaire, ni agent de l'Etat, il dispose d'une action récursoire contre cette dernière. L'action est soumise aux règles générales du code civil suisse, appliqué au titre de droit cantonal supplétif.
Art. 41 (nouvelle teneur)
Les préposés ou l'administration de la masse dressent des procès-verbaux constatant les infractions prévues aux articles 145, 159, 163 à 170, 172, 323 à 326 du code pénal et les transmettent au procureur général.
Art. 42 (nouvelle teneur)
1 Les offices et l'autorité de surveillance peuvent contraindre le débiteur ou le failli à se présenter devant eux lorsqu'ils estiment sa présence nécessaire. Ils peuvent le menacer de la peine prévue à l'article 292 du code pénal.
2 Si le débiteur ou le failli n'obtempèrent pas, les offices et l'autorité de surveillance peuvent requérir le procureur général de le contraindre à se présenter.
3 Le procureur général, sur cette réquisition, prend les mesures nécessaires. Il poursuit s'il y a lieu devant les tribunaux compétents ceux qui ne se sont pas conformés aux décisions des offices et de l'autorité de surveillance.
Art. 2
Modifications à d'autres lois
(B 7 1)
1 La loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes, du 24 février 1989, est modifiée comme suit:
Art. 3, al. 2 (nouveau)
2 L'article 40 A, alinéa 2, de la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite est réservé.
** *
(E 2 1)
2 La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
Art. 31, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)
2 Lorsque le premier juge a statué en Chambre du conseil, les chambres civiles siègent en Chambre du conseil.
** *
(E 2 3)
3 La loi de procédure civile, du 10 avril 1987, est modifiée comme suit:
Art. 331, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Le recours est instruit en procédure sommaire.
Art. 353, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Dans les cas prévus par le chapitre I, le Titre XVIII et par les articles 4 et 8 de la loi d'application du code civil, 20, lettres a et f, et 21, lettres j et k, de la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites, il peut ordonner les mesures probatoires prévues par la présente loi si elles sont indispensables au jugement de la cause.
Art. 358, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les articles 294, 334 et 339 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, ainsi que l'article 21, lettres j et k, de la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, sont réservés.
** *
(E 5 7)
4 La loi réglementant la profession d'agent d'affaires, du 2 novembre 1927, est modifiée comme suit:
Article 1, lettre d (nouvelle)
d) les mandataires autorisés par le Conseil d'Etat en application de l'article 27, alinéa 2, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite.
Art. 4, lettre a (nouvelle teneur)
a) être majeur;
Art. 3
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1997.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
La loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (ci-après: loi fédérale ou LP) a été modifiée le 16 décembre 1994 pour la première fois depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 1892.
La révision vise essentiellement à codifier les principes dégagés par la jurisprudence du Tribunal fédéral, mais certaines nouveautés ont également été introduites dans le but d'équilibrer raisonnablement les intérêts de toutes les parties à la procédure.
On citera en particulier la limitation des privilèges des créanciers dans la faillite (art. 219 LP) et l'introduction d'une procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP).
Pour plus de détails, on se référera au Message du Conseil fédéral publié dans la Feuille fédérale 1991, volume III, pages 1 et suivantes.
L'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, fixée au 1er janvier 1997, entraîne pour Genève l'obligation d'adapter dans l'intervalle sa loi d'application de la LP.
Tel est l'objet du présent projet de loi élaboré par le département de justice et police et des transports, en collaboration avec le président de la Chambre commercial du Tribunal de première instance, un préposé à l'office des poursuites et faillites en un juriste de l'Autorité cantonale de surveillance en matière de LP.
Conformément à l'article 29 de la loi fédérale, les nouvelles dispositions soumises à votre examen devront être approuvées par le Conseil fédéral.
Commentaire article par article
Art. 13 (nouvelle teneur)
Art. 15, al. 2 (nouvelle teneur)
Art. 16 (abrogé)
La procédure de plainte devant l'autorité de surveillance des offices est désormais régie pour l'essentiel par la loi fédérale (art. 20 a). Les cantons conservent la faculté de légiférer sur la forme des plaintes.
Art. 19 (nouvelle teneur)
La loi fédérale exige que certaines contestations soient tranchées selon les règles de la procédure accélérée (art. 25, ch. 1 LP). Ces contestations ont été regroupées à l'article 19, lettres a à g. Les dispositions de la loi fédérale concernées sont:
lettre a art. 111, al. 5;
lettre b art. 148, al. 2; 250, al. 3;
lettre c art. 265 a, al. 4;
lettre d art. 284;
lettre e art. 85 a, al. 4;
lettre f art. 109, al. 4;
lettre g art. 140 (renvoi à l'art. 109).
Les lettres a, b et e de l'article 19 actuel sont reprises aux lettres a, b, et d du projet.
La lettre c (nouvelle teneur) est à mettre en perspective avec la lettre g de l'article 20 (nouvelle teneur), l'article 265 a LP prescrivant la procédure accélérée (al. 4) pour l'instruction des procès en constatation du retour à meilleure fortune intentés par le créancier ou le débiteur suite à la décision rendue par voie de procédure sommaire sur le même objet par le juge chargé d'examiner la validité de l'opposition du débiteur poursuivi sur la base d'un acte de défaut de biens (al. 1).
La lettre d de l'article 19 actuel disparaît, l'article 279 LP qui instaurait une action en contestation du cas des séquestres ayant été modifié.
La lettre f de l'article 19 actuel n'a pas été reprise, car les décisions rendues en matière de concordat sont désormais soumises à la procédure sommaire (art. 25, ch. 2a LP).
Art. 20 et 21 (nouvelle teneur)
La loi fédérale exige par ailleurs que certaines requêtes ou contestations soient tranchées selon la procédure sommaire. Celles-ci ont été regroupées aux articles 20 et 21, selon que les audiences se déroulent en audience publique ou non (Chambre du conseil).
La nature de certaines requêtes commande en effet qu'elles soient traitées de manière confidentielle, qu'il s'agisse d'assurer leur efficacité (par exemple la demande d'inventaire) ou de préserver le secret des affaires (par exemple l'ajournement de faillite).
En outre, certaines requêtes n'exigent pas toujours, pour être traitées, la convocation des parties par le juge. Il faut donc laisser à ce dernier la faculté de décider dans chaque cas s'il y a lieu d'entendre les parties, ce qu'il n'est en droit de faire que lorsqu'il siège en Chambre du conseil (art. 357 de la loi de procédure civile).
Les dispositions de la loi fédérale appliquées par l'article 20, lettres a à i, sont:
lettre a art. 25, ch. 2 b.; art. 77, al. 3
lettre b art. 25, ch. 2 a; art. 80 à 82
lettre c art. 85
lettre d art. 25, ch. 2 a; art. 171
lettre e art. 25, ch. 2 b; art. 181 à 183
lettre f art. 25, ch. 2 a; art. 190
lettre g art. 25, ch 2 d.; art. 265a, al. 1 à 3
lettre h art. 25, ch. 2 a
lettre i art. 25, ch. 2 a; art. 305 et suivants.
Les lettres a à f et h reprennent les lettres a à f et h de l'article 20 actuel, avec deux modifications: à la lettre c il est fait référence à l'article 85 de la loi fédérale (ce qui exclut l'art. 85a) et à la lettre f les mots «à la requête du créancier» ont été ajoutés, afin d'exclure l'hypothèse de la faillite volontaire (art. 191), abordée au nouvel article 21, lettre c. La lettre g et l'alinéa 2 de l'article 20 actuel sont reformulés au nouvel article 21, lettre k.
Les dispositions de la loi fédérale appliquées par l'article 21, lettre a à k, sont:
lettre a art. 162
lettre b art. 25, ch. 2 a; art. 189
lettre c art. 25, ch. 2 a; art. 191
lettre d art. 25, ch. 2 a; art. 193
lettre e art. 25, ch. 2 a; art. 195
lettre f art. 25, ch. 2 a; art. 196
lettre g art. 25, ch 2 a; art. 230 et 230 a
lettre h art. 25, ch. 2 a; art. 231
lettre i art. 25, ch. 2 a; art. 288
lettre j art. 25, ch. 2 a; art. 294; art. 334; art. 339
lettre k art. 25, ch. 2 a; art. 192; art. 275 a du code des obligations
Les lettres a à c et f et i reprennent les lettres correspondantes de l'article 21 actuel. La lettre d) tient compte de la nouvelle teneur de l'article 193 de la loi fédérale. Les lettres g et h ne mentionnent que les décisions du ressort du tribunal, à l'exclusion des cas dans lesquels elles doivent intervenir, ces cas étant énoncés dans la loi fédérale.
La lettre j absorbe les lettres j et k actuelles.
La lettre k remplace l'article 20, alinéa 1, lettre g, et l'alinéa 2 de la loi actuelle. La protection économique des sociétés concernées commande en effet dans tous les cas que leur situation obérée ne soit pas exposée en audience publique. La compétence du juge pour ordonner des mesures conservatoires découle des articles 194 et 170 de la loi fédérale, de sorte qu'il est inutile de les prévoir dans la loi d'application cantonale.
Art. 22, al. 3 et 4 (nouveaux)
L'article 25, chapitre 2, de la loi fédérale prescrit que les cantons édictent les dispositions nécessaires pour organiser la procédure sommaire applicable aux décisions rendues en matière de séquestre.
L'option a cependant été prise, s'agissant de la délivrance de l'autorisation de séquestre (art. 22, al. 1), de s'en tenir au texte de loi actuel qui prévoit que le président du Tribunal de première instance statue sur requête écrite. La procédure sommaire genevoise implique en effet l'audition préalable du défendeur (art. 348 de la loi de procédure civile), ce qui est inconcevable à ce stade de la procédure de séquestre.
En revanche, rien ne s'oppose à l'application des règles de la procédure sommaire aux stades postérieurs de la procédure de séquestre, soit à ceux de l'opposition à l'ordonnance de séquestre (art. 278, al. 1 et 2, de la loi fédérale, art. 22, al. 3 nouveau) et du recours contre la décision sur opposition (art. 278, al. 3 et 4, de la loi fédérale, art. 22, al. 4 nouveau).
L'article 22, alinéa 3, qui précise qu'il n'est pas prononcé de défaut contre la partie qui ne se présente pas, vise à éviter une prolongation inutile de la procédure, alors que le séquestre continue à produire ses effets pendant l'opposition (art. 278, al. 4, de la loi fédérale).
L'article 22, alinéa 4, ne renvoie qu'à l'alinéa 1 de cet article 356 de la loi de procédure civile. La raison en est que l'alinéa 2 de cette dernière disposition est incompatible avec le droit fédéral, dans la mesure où elle permet au président de la Cour d'ordonner la suspension provisoire de la décision attaquée sur le vu de la requête d'appel. L'article 278, alinéa 4, de la loi fédérale prescrit en effet qu'à l'instar de l'opposition, le recours n'empêche pas le séquestre de produire ses effets.
Art. 23, al. 2 (nouvelle teneur)
Il s'agit de réparer une omission remontant à l'adoption de la loi de procédure civile de 1987, dans laquelle l'article 292 a remplacé l'article 339 de la loi de procédure civile précédente.
Art. 37 (abrogé)
L'article 143 de la loi fédérale prescrit qu'en matière de vente immobilière l'office des poursuites révoque l'adjudication (anciennement: la mutation) et ordonne immédiatement de nouvelles enchères lorsque l'adjudicataire ne s'acquitte pas du prix dans les délais. L'intervention du tribunal, prévue à l'article 37, ne repose sur aucune base légale et est contraire à la doctrine (Jaeger, Commentaire, ad art. 143 LP n° 3). Cela étant, l'article 37 peut être purement et simplement abrogé.
Art. 40 A (nouveau)
Dans sa nouvelle teneur, l'article 5 de la loi fédérale instaure une responsabilité primaire et causale du canton pour les dommages causés par les organes de poursuite.
Les conditions matérielles de la responsabilité de l'Etat n'ont pas à être répétées dans le droit cantonal. Ce dernier doit cependant préciser la procédure à suivre (civile ou administrative). Tel est l'objet de l'alinéa 1 du nouvel article 40 A. Les actions en dommages-intérêts continueront à être portées devant le juge civil, qui appliquera les dispositions topiques de la loi fédérale (art. 5 et 6) en lieu et place de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes (responsabilité primaire, mais fondée sur la faute).
Il revient en revanche au droit cantonal de régler l'action récursoire contre les auteurs du dommage (art. 5, al. 3, de la loi fédérale). Les conditions de l'action récursoire de l'Etat de Genève sont certes déjà énoncées à l'article 3 de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes, mais cette dernière ne vise que les magistrats, fonctionnaires et agents, la responsabilité de tiers mis en oeuvre par l'Etat et qui n'appartiennent pas au secteur public étant appréciée en fonction des circonstances ou des dispositions légales spécifiques (Mémorial des séances du Grand Conseil du 24 février 1989, page 882). Or, la loi fédérale révisée étend la responsabilité de la collectivité aux actes d'organes atypiques (administrations spéciales de la faillite, commissaires au sursis, etc., voir art. 5, al. 1), contre lesquels l'Etat ne pourra exercer d'action récursoire si le droit cantonal n'est pas complété. Tel est le sens de l'alinéa 2 du nouvel article 40 A, qui soumet l'exercice de l'action récursoire de l'Etat contre ces personnes aux mêmes conditions que celui contre les agents du secteur public. Cette disposition est en outre expressément réservée à l'article 3, alinéa 2 (nouveau), de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes.
Art. 41 (nouvelle teneur)
Les changements apportés à cet article tiennent compte de la modification du code pénal suisse du 17 avril 1994 (infractions contre le patrimoine et faux dans les titres).
Art. 42 (nouvelle teneur)
Cette modification ne découle pas de la révision de la loi fédérale, mais d'une demande de l'Autorité de surveillance des offices de poursuites et faillites. Il s'agit de permettre à celle-là de solliciter, à l'instar de ceux-ci, la mise en oeuvre de la force publique pour contraindre un débiteur ou un failli à se présenter devant elle.
L'Autorité de surveillance est chargée en particulier d'instruire les plaintes des parties contre les décisions des offices. Actuellement, le fait qu'elle ne dispose pas du pouvoir de contraindre constitue un facteur de ralentissement de la procédure d'exécution forcée. Il arrive en effet que le dossier doive être renvoyé aux offices pour que ceux-ci procèdent à l'interrogatoire du débiteur ou du failli que l'autorité de recours n'a pu mener à bien, faute de base légale.
Loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes
Art. 3, al. 2 (nouveau)
(voir ci-dessus, ad art. 40 A nouveau)
Loi sur l'organisation judiciaire
Art. 31, al. 2 (nouvelle teneur)
Il s'agit ici de mettre fin à une anomalie, soit au fait que des causes instruites en Chambre du conseil en première instance ne le sont plus lorsqu'elles sont portées devant la Cour de justice.
Il est en effet évident que les raisons qui président au traitement confidentiel d'une procédure en première instance subsistent en cas d'appel ou de recours. Que l'on songe, par exemple, aux mesures provisionnelles, pour lesquelles, en cas de recours, le huis clos est laissé à la discrétion du juge, ou encore aux décisions rendues dans le cadre de l'article 21 LALP pour l'examen desquelles, en cas de recours, le huis clos ne peut jamais être ordonné.
Loi de procédure civile
Art. 331, al. 3 (nouvelle teneur)
Par rapport au texte actuel, la phrase «le huis clos peut être prononcé» est supprimée. Cette faculté devient en effet inutile, dès lors que la Cour de justice a désormais l'obligation de siéger en Chambre du conseil, à l'instar du premier juge (art. 326 LPC; voir ci-dessus, ad. art. 31, al. 2 LOJ).
Art. 353, al. 2 (nouvelle teneur)
Alors qu'en procédure sommaire, la règle est d'instruire la cause tout entière à l'audience (art. 352), l'article 353, alinéa 2, donne au juge la possibilité de recourir à des mesures probatoires ordinaires dans certains cas exhaustivement énumérés, visés aux articles 20 et 21 LALP qui ont été remaniés. La nouvelle rédaction tient compte du fait que l'ancien article 20, lettre g, a été remplacé par l'article 21, lettre k.
Art. 358, al. 2 (nouvelle teneur)
Dans sa nouvelle teneur, l'article 21, lettre j prévoit que les décisions en matière de sursis concordataire (art. 294 de la loi fédérale), de règlement amiable des dettes (art. 334) et de sursis extraordinaire (art. 339) sont rendues en Chambre du conseil. Le droit fédéral prescrit que toutes ces décisions doivent pouvoir faire l'objet d'un recours à la juridiction supérieure dans les cantons qui connaissent deux instances en matière de concordat. Tel est le cas de Genève, où la Cour de justice fonctionne comme telle en vertu de l'article 31, alinéa 1, lettre c, de la loi sur l'organisation judiciaire. Il convient donc, pour être en harmonie avec le droit fédéral, de réserver ces diverses dispositions à l'alinéa 2 de l'article 358, dont le premier alinéa prescrit que les jugements rendus en Chambre du conseil le sont en dernier ressort, ce qui limite les possibilités d'appel (art. 292 LPC, 23, al. 2 LALP).
L'article 21, lettre k, LALP figure également à l'article 358, alinéa 2, pour la même raison: les décisions rendues en Chambre du conseil en matière de faillite sans poursuite préalable et d'ajournement de faillite doivent pouvoir être déférées à l'autorité judiciaire supérieure sans restrictions (art. 194 et 174 de la loi fédérale).
Loi réglementant la profession d'agent d'affaires
Art. 1, lettre d (nouvelle)
Le nouvel article 27 de la loi fédérale maintient pour les cantons la possibilité de réglementer la représentation professionnelle (facultative) des intéressés à la procédure d'exécution forcée.
Notre loi réglementant la profession d'agent d'affaires peut donc subsister, mais son article 1 doit être complété par la lettre d proposée, le droit fédéral (art. 27) prévoyant que quiconque a été autorisé dans un canton à exercer la représentation professionnelle peut demander à exercer cette dernière dans tout autre canton, moyennant vérification de ses aptitudes professionnelles et de sa moralité.
Art. 4, lettre a (nouvelle teneur)
Par rapport au texte actuel, la condition du domicile dans le canton pour exercer la profession d'agent d'affaires disparaît. Le Tribunal fédéral a en effet jugé qu'une telle exigence était contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, garantie par la Constitution fédérale.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le projet de loi qui vous est soumis.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi de procédure civile, du 10 avril 1987, est modifiée comme suit:
Art. 364, al. 3 (nouveau, les al. 3 et 4 anciens devenant les al. 4 et 5)
3 L'article 389 A est applicable.
Art. 389 A (nouveau)
Ecoute des enfants
1 Lorsqu'il l'estime nécessaire, le juge peut entendre les enfants communs des époux, le cas échéant avec le concours d'un spécialiste, en relation avec les questions de l'attribution de l'autorité parentale et de la garde, ainsi que du droit de visite.
2 L'audition a lieu hors la présence des parties et de leurs avocats.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les droits de l'enfant sont à l'ordre du jour. De nombreuses conférences et manifestations sont consacrées à ce sujet. Cent quatre-vingt-sept Etats sur 192 ont à ce jour ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989. La Suisse fait partie de ceux qui hésitent, la question est toutefois agendée aux Chambres fédérales.
A teneur de l'article 12 de la Convention, l'enfant a le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant (alinéa 1); dans les procédures judiciaires et administratives, il doit avoir «la possibilité d'être entendu» (alinéa 2). Si les procédures pénales touchant des mineurs (auteurs ou victimes d'infractions) et les procédures tutélaires ne posent pas de problèmes particuliers, il n'en va pas de même dans d'autres domaines où les solutions varient selon les législations cantonales. Il faut souligner que, de manière générale, le droit de procédure relève de la compétence des cantons. Le Tribunal fédéral l'a confirmé encore récemment (ATF 120 IV 217 ss.).
L'audition des enfants par le juge, dans le cadre notamment des procédures de divorce, séparation de corps ou mesures protectrices de l'union conjugale, est permise, à défaut d'être expressément prévue par les lois de procédure civile des cantons de Zurich, Bâle-Ville, Berne, Neuchâtel, Valais et Vaud. A Genève, l'article 225 LPC prohibe l'audition des descendants dans ce type de litige ainsi que dans «les instances en retrait de l'autorité parentale et dans les questions d'état des personnes». Cette interdiction est expliquée par le souci d'éviter à l'enfant les problèmes psychologiques que pourrait provoquer une comparution en justice et, surtout, le dilemme d'avoir à choisir, s'agissant de l'attribution de la garde par exemple, entre ses deux parents (Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile, ad article 225, chiffre 5).
L'on peut se demander si cette position de principe n'est pas trop absolue. En cas de ratification par la Suisse de la Convention du 20 novembre 1989, elle sera difficilement compatible avec l'article 12 cité plus haut. Il n'est a priori pas évident d'établir pourquoi l'audition, par un juge d'instruction, d'un enfant victime d'abus sexuels de la part de ses père ou mère, est possible sans restriction sur le plan des textes légaux (articles 44 et 45 CPP), alors qu'il est interdit au juge du divorce de donner suite à la demande d'un adolescent qui voudrait donner son point de vue concernant les modalités du droit de visite.
Le même raisonnement s'impose, a fortiori, lorsqu'on compare les compétences respectives du juge du divorce et du juge de la Chambre des tutelles. Ce dernier est en effet libre d'entendre les mineurs dans les dossiers dont il a la charge, y compris dans les procédures post-divorce. Cette compétence revient aussi aux juges de la Cour de justice statuant en qualité d'autorité cantonale de surveillance de l'autorité tutélaire (article 35 LOJ).
Il est des cas où l'audition de l'enfant par le juge du divorce, de la séparation de corps ou des mesures protectrices de l'union conjugale, pourrait s'avérer nécessaire ou du moins opportune. Les parents pourraient souhaiter que leur enfant s'exprime directement et non pas par l'intermédiaire d'un organisme social. L'enfant lui-même pourrait solliciter son audition. Enfin, le juge pourrait constater qu'il existe entre les parents (ou l'un deux) et l'enfant un conflit d'intérêts qui justifie l'audition de ce dernier, mais non pas nécessairement la désignation d'un curateur, qui constitue, à l'heure actuelle, la seule solution légale possible.
Le présent projet de loi ne vise pas à renverser la situation actuelle. Il se limite à proposer une modification de la procédure en ce qui concerne les causes liées au statut matrimonial ou post-matrimonial des parents. L'idée de fond est de donner au juge du divorce, de la séparation de corps ou des mesures protectrices de l'union conjugale, la faculté et non pas l'obligation d'entendre l'enfant, lorsque cet acte d'instruction lui paraît indiqué au vu des particularités du cas. Les compétences du service de protection de la jeunesse restent intactes.
En raison de la fragilité de l'enfant, qui peut être l'enjeu principal de la procédure qui oppose les parents, et du conflit de loyauté auquel il peut être confronté, il s'impose en revanche de prévoir des règles particulières concernant son audition. L'enfant doit pouvoir s'exprimer hors de la présence de ses père et mère et de leurs avocats. Le juge choisira librement l'endroit où l'audition doit avoir lieu. Enfin, le juge doit avoir la possibilité de se faire assister par un spécialiste qui peut être un psychologue, un représentant du service de protection de la jeunesse, voire un autre juge plus expérimenté.
On est en droit d'espérer que, l'audition des enfants étant désormais possible, avec les cautèles préconisées, la loi contribue à une meilleure acceptation des décisions de justice et des suites d'un divorce de la part des enfants. En ce sens, elle participerait à la promotion de l'intérêt des enfants à moyen et à long terme.
Commentaire des modifications proposées
Article 364 LPC
Les mesures protectrices de l'union conjugale étant régies par des règles de procédure assez différentes de celles relatives au divorce et à la séparation de corps, il se justifie de faire un renvoi exprès au nouvel article 389 A LPC
Articles 389 A LPC (nouveau)
Ad chiffre 1. Cette disposition indique clairement que l'audition d'un enfant ne saurait être imposée au juge, lequel n'a pas à justifier sa décision, négative ou positive. Seuls les enfants communs des époux sont concernés, à l'exclusion des enfants issus d'un autre mariage ou nés hors mariage. Cela s'explique par le fait que l'époux qui n'est pas le père ou la mère n'a juridiquement pas la possibilité d'obtenir ne fût-ce qu'un droit de visite sur l'enfant de son conjoint dont il (elle) veut divorcer ou se séparer. Les cas d'adoption ou de reconnaissance d'un tel enfant sont, bien entendu, réservés. N'est pas résolue par le présent projet de loi la question - qui ne relève pas de la procédure civile - de la rétribution du spécialiste ainsi mis en oeuvre. Lorsque l'un et/ou l'autre des parents bénéficie(nt) de l'assistance juridique, cette rétribution pourrait être prise en charge par l'Etat.
Ad chiffre 2. L'un des piliers du débat judiciaire - civil ou pénal - est le principe du contradictoire. Le nouvel article introduit une exception à ce principe. Celle-ci paraît cependant justifiée par l'intérêt de l'enfant qui devrait ainsi échapper, dans une large mesure, au conflit de loyauté, si souvent invoqué pour le priver de parole, envers ses parents. Comme indiqué plus haut, le juge qui décide d'entendre un enfant doit être libre de choisir le lieu le plus adéquat à cet effet, ce que cette disposition permet implicitement.
Préconsultation
M. Roger Beer (R). Ce projet de loi permettra au juge d'auditionner des enfants dans les procédures de divorce. Pour l'instant, cette possibilité existe sur le plan de la procédure pénale uniquement, par exemple lorsqu'un juge d'instruction veut auditionner un enfant victime d'abus sexuels. Cette possibilité n'existe pas pour la procédure civile.
Etant donné la fragilité de l'enfant, liée à de telles situations, nous avons prévu que, lors des auditions, le juge puisse se faire assister d'un psychologue ou d'un représentant du service de protection de la jeunesse, voire même d'un autre juge plus expérimenté. Toutefois, une question reste en demeure concernant l'âge de l'enfant devant être auditionné par le juge qui, seul, décide d'agir en ce sens.
Ce projet de loi a été élaboré avec des spécialistes travaillant dans le cadre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989. La Suisse n'a pas encore ratifié cette convention, mais on peut imaginer qu'elle le fera un jour ou l'autre. Toutefois, un certain nombre de cantons suisses admettent la possibilité d'auditionner des enfants dans les procédures de divorce.
Enfin, il serait nécessaire qu'en commission les discussions soient menées sur un mode juridique. Je demande aux membres de la commission qui étudieront ce projet de loi d'auditionner ceux qui ont travaillé à son élaboration, soit les représentants du Bureau central d'aide sociale ou les représentants du droit international de l'enfant. Je vous remercie d'accueillir favorablement ce projet de loi.
Mme Christine Sayegh (S). En complément à ce que vient de dire mon préopinant, j'ajoute que ce projet de loi s'inscrit dans l'évolution du droit des mineurs qui tend à protéger l'enfant, non plus comme un objet de droit, irresponsable au sens du droit civil, mais comme un sujet de droit.
Nous ne sommes plus à l'époque où l'enfant devait à ses parents la révérence naturelle, en confirmation du lien légitime d'obéissance. Ceci a été confirmé en 1985 par la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant adopté. Toutefois, cette convention n'est toujours pas ratifiée par la Suisse. La protection des mineurs leur garantit une nationalité, un nom, un droit à l'éducation, à la liberté d'expression et de pensée, et, surtout, un droit à maintenir des contacts avec leurs deux parents.
Dans le cadre du droit de la famille, et, plus particulièrement, lorsque les parents se séparent, il appartient au juge de décider, selon la maxime d'office, de l'attribution de la garde de l'enfant. Lorsque le conflit conjugal est très aigu et que le litige porte sur l'attribution de l'enfant, que ce dernier devient l'enjeu de la procédure, par confusion de sentiment - et c'est malheureusement plus souvent le cas qu'on ne le pense - le juge doit pouvoir s'entretenir avec l'enfant en toute garantie d'objectivité.
Aujourd'hui, il est essentiel de donner au juge, s'il l'estime nécessaire, cette faculté d'entendre l'enfant. Il est important d'entendre un mineur avant de se prononcer sur les questions qui le concernent, et ce projet de loi offre cette possibilité. Par conséquent, je vous prie de lui faire bon accueil et de le renvoyer à la commission judiciaire.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Ce dont nous parlons pourrait être un phénomène social assez banal s'il n'était pas une expérience singulièrement douloureuse. De plus, il y a fort à parier que l'opportunité d'entendre l'enfant concerné surviendra dans les cas de séparation les plus conflictuels.
Du point de vue juridique, premièrement, cette proposition de projet de loi nous met en conformité avec la Convention des droits de l'enfant en ce qui concerne son droit à être entendu sur toute question l'intéressant. Or, dans notre pays, nous avons tendance à ratifier les conventions internationales après avoir adapté notre législature nationale.
Deuxièmement, ce projet de loi rend les pratiques judiciaires cohérentes, puisque, dans notre droit, les enfants peuvent déjà être entendus par le juge de la Chambre des tutelles en ce qui concerne les atteintes à leur personne.
A notre époque, les enfants, et même les bébés, sont considérés comme des personnes. Leur situation de dépendance n'en fait pas des demi-portions dans la dynamique familiale. A l'évidence, l'enfant est concerné par la séparation de ses parents. Donner la possibilité au juge d'entendre l'enfant ou l'adolescent, autrement que par l'intermédiaire de la tutelle, permet à ce dernier d'être reconnu autrement que dans le discours de ses parents, soit avec une personnalité propre et une compétence.
D'un point de vue social, on se réjouit qu'un enfant qui, par certains aspects, est lui-même parent de ses parents en crise et otage de leurs différents investissements affectifs soit rencontré et entendu comme une personne à part entière.
Mais la chose n'est pas simple. Il ne s'agit pas d'ajouter du drame au drame ni de charger l'enfant de responsabilités que d'autres seraient incapables de prendre ni de lui faire porter la responsabilité de la décision ou de l'engager dans un conflit de loyauté et de le contraindre à parler.
C'est pourquoi, le présent projet de loi prévoit certaines cautèles concernant l'audition des enfants. D'abord, le juge seul est responsable de l'opportunité de l'audition. Ensuite, le juge peut se faire assister d'un professionnel apte à faciliter la rencontre. Finalement, l'enfant doit pouvoir s'exprimer hors de la présence de ses parents et de leurs avocats.
La question du procès-verbal de cette audition devra être examinée par la commission judiciaire. Si les juristes sont attachés au principe de l'instruction contradictoire, l'existence d'un procès-verbal vide de son sens la tentative fondamentale d'établir un lien de confiance et de dialogue avec l'enfant.
Le risque existe que les enfants s'interdisent eux-mêmes de parler, comme dans les situations de maltraitance, lors d'auditions avec les parents qui se séparent, s'ils estiment pouvoir faire l'économie psychologique de souffrances supplémentaires en se taisant.
Ce projet de loi est suscité par la section suisse de Défense des Enfants - International et s'appuie, comme on l'a déjà dit, sur la Convention des droits de l'enfant. Cette dernière n'existe pas seulement pour que les autres se comportent enfin en personnes civilisées, mais elle nous met face à une transformation culturelle importante. Il s'agit du passage d'une pratique qui voulait que l'on protège l'enfant, que l'on agisse dans son intérêt, à une autre qui nous impose de respecter et de faire respecter les droits de l'enfant. D'ailleurs, la «culture des droits de...» est une tendance générale. Les droits des patients en sont un exemple.
Cette ouverture, bienvenue, freinera les abus dans tous les domaines. Toutefois, elle risque de provoquer une sorte de déresponsabilisation des adultes et de l'autorité.
L'enfant va être entendu, alors que lui-même et ses parents se trouvent dans une période de souffrances.
Le large appui politique apporté à ce projet de loi témoigne du sérieux non polémique accordé à cette proposition. Mais il convient que ce projet de loi s'inscrive comme un droit et en aucun cas comme une issue de secours à une déresponsabilisation. La commission judiciaire aura pour tâche de choisir les termes législatifs adéquats pour déterminer, non seulement à l'égard des juges mais aussi à l'égard des parties à la procédure, qu'il ne s'agit pas d'un transfert de responsabilités.
M. Claude Lacour (L). Je désire mettre un bémol au concert de louanges qui accompagne cette loi. Les praticiens ont tous eu l'occasion, non pas en Suisse mais dans les pays avoisinants, d'assister à des auditions d'enfants faites par des juges. Celles-ci se déroulaient dans des conditions aussi confortables que possible, avec toutes les précautions dont nous venons de parler. Malheureusement, il arrivait toujours que, à tort ou à raison, l'enfant avait l'impression de devoir choisir entre ses parents, et cela causait des traumatismes d'une violence incroyable.
J'entends encore des personnes qui, trente ou quarante ans après, me disent : «Mais vous vous rendez compte, on m'a demandé de choisir entre mes parents !». Pour ma part, je pense que l'audition des enfants, en tout cas en ce qui concerne le droit parental et le droit de visite, est une erreur grave qu'il faut absolument éviter.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je n'allongerai pas le débat étant donné qu'il s'agit d'un renvoi en commission. En guise de préambule, je dirai que ce soir, dans la première heure de cette session, vous aurez l'occasion de vous prononcer sur des projets de lois qui, tous, sont conçus en vue d'une amélioration du fonctionnement de la justice. Certains émanent du Palais, d'autres de mon département, tandis que d'autres encore viennent de vous, Mesdames et Messieurs les députés.
Je tiens donc à vous remercier très sincèrement de participer à l'amélioration de la justice genevoise, et je rends hommage au travail extrêmement efficace conduit actuellement par la commission judiciaire.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
8. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :
La commission judiciaire a eu l'honneur et le privilège de se pencher sur le projet de loi 6957 modifiant le code de procédure pénale (CPP) dans ses séances des 9 juin, 30 juin, 1er septembre, 22 septembre, 29 septembre, 13 octobre 1994 puis des 9 mars, 11 mai, 15 juin, 29 juin, 31 août, 5 octobre, 21 décembre 1995 et 7 mars 1996 sous les présidences successives de M. B. Fontanet, Mme M. Roth-Bernasconi et M. B. Lescaze.
M. M. G. Ramseyer, chef du département de justice et police et des transports (DJPT), a suivi les travaux de la commission chaque fois que ses activités le lui ont permis. La commission a également bénéficié de la présence continue de M. R. Riat, secrétaire adjoint au DJPT avant d'être, comme jeune retraité, en charge du suivi du dossier, et de la présence occasionnelle de M. B. Duport, de M. B. Gut, tous deux secrétaires adjoints. M. L. Walpen, chef de la police, a assisté chaque fois que cela était nécessaire à nos travaux, accompagné à une reprise par M. R. Rebord, chef d'état-major de la police.
Le projet de loi 6957 a été déposé en avril 1993 par Mme F. Bugnon et MM. J.-A. Schneider et R. Cramer. Il poursuit essentiellement deux objectifs: en autorisant toute personne entendue par la police à être assistée d'un avocat, il s'agit, d'une part, de prévenir d'éventuelles brutalités policières, et, d'autre part, d'élargir les droits de la défense.
Auditions
Audition de l'Ordre des avocats (ODA)
Représenté par le bâtonnier Me P. Maurer, Me P. de Preux et Me B. Chappuis, l'ODA reprécise la place de la modification proposée par les auteurs du projet de loi dans le code de procédure pénale (CPP): l'article 107 réglemente l'action de la police judiciaire dans le domaine des recherches et constatations dans le cadre des infractions et de la recherche de leurs auteurs.
L'ODA est résolument favorable aux principes qui guident le projet, non seulement pour prévenir d'éventuelles brutalités policières, mais surtout afin d'offrir aux justiciables des garanties de procédure conformes aux exigences d'un Etat de droit moderne. L'ODA pense en outre que le travail des juges d'instruction, qui revêt souvent un caractère purement formel, pourrait être soulagé si la phase d'enquête policière voyait sa force probante accrue par d'efficaces garanties de régularité.
En revanche, l'ODA souligne que la notion de «toute personne entendue par la police» est trop large, que le «droit d'être assisté» est mal défini, que la prévention du risque de collusion est insuffisante, que l'organisation d'une permanence d'avocats dans les locaux de la police est irréalisable, et que l'assistance gratuite systématique ne se justifie pas.
L'ODA fournit en outre à la commission judiciaire des documents intéressants concernant le droit à l'assistance d'un avocat lors des interrogatoires de police, non seulement dans les pays anglo-saxons, mais également en France ou en Espagne.
Audition de l'Association des juristes progressistes
Les juristes progressistes estiment que la présence d'un avocat pendant l'interrogatoire par la police est conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme (CDEH), au droit européen, à la garantie de la liberté personnelle et que le fait de pouvoir s'entretenir librement avec lui est exigé par la notion plus générale de procès équitable. La présence d'un avocat offrirait la garantie, pour la personne interrogée, de connaître ses droits. Les juristes progressistes insistent sur le fait que la police doit être partie prenante de ce projet pour éviter la dérive d'interrogatoires parallèles.
Ce projet de loi est plus important dans sa finalité d'augmentation des droits de la défense que pour la prévention de violences policières. De plus, la présence précoce d'un avocat est susceptible de faciliter de manière importante le travail ultérieur du juge d'instruction et, par là même, de raccourcir la durée de la détention préventive.
Les juristes progressistes sont évidemment partie prenante dans l'organisation d'une permanence, conjointement avec l'ODA.
Audition de M. B. Bertossa, procureur général
S'agissant de la prévention d'éventuelles violences policières, M. Bertossa tient à préciser quelques chiffres: en 1993, 30 plaintes pour violences policières, ne concernant par ailleurs pas que des interrogatoires, ont été déposées. Ce chiffre est à mettre en relation avec les 80 000 interventions annuelles de la police.
M. Bertossa relève également l'impossibilité d'appliquer le projet de loi à toutes les personnes entendues par la police. Au plus pourrait-on l'appliquer aux personnes suspectes d'une infraction. Sa proposition serait d'ailleurs, comme le droit genevois ignore la notion de personne «soupçonnée», de limiter le droit d'être assisté d'un avocat aux personnes visées par un mandat d'amener.
M. Bertossa replace enfin la procédure pénale dans son subtil et difficile équilibre entre l'intérêt public et les intérêts privés. Ce projet de loi, à ses yeux, risque de rompre cet équilibre précaire.
Audition de M. P. Marquis, président du Collège des juges d'instruction
M. Marquis rappelle que toute personne se trouve dans les locaux de la police librement. Ce n'est que sur la base d'un mandat d'amener que la personne peut être retenue contre son gré et ce, pour une durée de 24 heures au maximum, à l'issue desquelles un juge d'instruction dispose de 24 heures supplémentaires pour la relaxer, l'inculper ou la placer sous mandat d'arrêt.
M. Marquis, comme la plupart des autres personnes entendues, signale l'impossibilité de faire assister «toute personne» entendue. La notion d'assistance, simple présence ou au contraire consultation du dossier et participation active à l'interrogatoire, doit être précisée.
M. Marquis confirme le faible nombre de plaintes pour mauvais traitements, et signale des cas où ces soi-disant violences auraient été inventées de toutes pièces.
Le CPP genevois garantit les droits de la défense bien au-delà des exigences de la CDEH. M. Marquis explique que, dans le système français ou les autres systèmes européens qui lui sont proches, la police a le pouvoir de limiter, voire de suspendre l'intervention de l'avocat si elle peut nuire à l'enquête.
En cas d'adoption du projet de loi, le seul conseil utile que pourrait donner un avocat à son client, vu sa méconnaissance du dossier, serait de se taire, ce qui aurait pour résultat de reporter sur les juges d'instruction, qui ne sont que 15, les auditions actuellement réalisées par la police. En un mot, en l'état actuel des choses, ce projet de loi fait l'unanimité contre lui chez les juges d'instruction.
Audition du professeur T. Harding, directeur de l'institut universitaire de médecine légale (IUML)
M. Harding fait part de la recherche, depuis 10 ans, de solutions aux violences policières mais aussi et surtout aux violences à la prison. M. Harding a constaté qu'il y a plus de violences policières pendant l'interpellation que pendant l'interrogatoire. Selon M. Harding, les constats et certificats médicaux sont efficaces pour répondre à la problématique des allégations de violences policières.
M. Harding fait part de la compréhension de M. L. Walpen, chef de la police, auquel il adresse, pour autant que le prévenu donne son accord, les rapports médicaux établis en cas d'allégations de violences policières.
Audition de M. P. Reymond, aumônier protestant, et de M. A. Fol, aumônier catholique
M. Reymond estime que la plupart des cas de violences policières dont il a eu connaissance sont liés à la petite délinquance et aux personnes en infraction à la loi sur les stupéfiants. Il a eu l'occasion de parler de ce problème aux chefs successifs du département, au procureur général et à M. Walpen. Ceux-ci seraient rentrés en matière sur des cas concrets, mais l'astreinte au secret professionnel de M. Reymond l'a empêché de donner le nom des plaignants. M. Reymond estime que les aumôniers ne sont pas assez entendus par l'autorité.
M. Fol relate quelques cas concrets dont il a eu connaissance. Il se déclare sans ambiguïté en faveur du projet de loi.
Les deux aumôniers remarquent la disparition des plaintes concernant les violences à la prison, alors que celles concernant les violences policières persistent, même si elles ne sont pas quantifiables.
Audition de M. L. Walpen, chef de la police
M. Walpen se dit préoccupé par le problème des violences policières, quand bien même le problème est quantitativement limité. La phase de police amène à gérer une situation de crise chez le prévenu, par du personnel en sous-effectifs et très surchargé. Néanmoins, il y a des plaintes fondées et M. Walpen, avec le courage qu'on lui connaît, les assume.
Depuis 1990, des mesures ont été prises: sensibilisation aux droits de l'homme, gestion du stress, relations interethniques, obligation de mentionner dans le rapport de police l'éventuel usage de la force, disponibilité d'un médecin de l'IUML, désignation d'un enquêteur neutre en cas de plainte, visites improvisées par la commission des visiteurs de prison dans les locaux de la police, registre des allégations de violence, affichage des directives concernant la détention dans les locaux de la police. M. Walpen se montre favorable à l'introduction, dans la loi sur la police, de ces directives.
M. Walpen évoque encore d'autres possibilités: systèmes vidéo dans les salles d'audition, mais surtout visite médicale d'entrée. Un commissaire de déontologie policière, indépendant de la police, pourrait être nommé, comme c'est le cas au Canada.
S'agissant de l'augmentation des droits de la défense par la présence d'un avocat dans les locaux de la police, il nécessiterait de transformer radicalement notre procédure, en élargissant également les droits de la police (écoutes ou perquisitions par exemple) pour que les moyens des uns et des autres ne soient pas par trop inégaux.
Audition de Mme C. Barblan, représentante de la section genevoisede la Ligue suisse des droits de l'homme
La ligue agit à la demande d'un détenu, lui rend visite puis se met en rapport avec son avocat et, si besoin est, avec le service médical. Depuis quelque temps, la ligue transmet à M. Walpen les cas dont elle a connaissance, dans une atmosphère de confiance réciproque. Quatre cas ont été signalés ces dernières années.
Audition du professeur D. Poncet
Le professeur Poncet rappelle les droits garantis par la CDEH: parmi eux, la présomption d'innocence, le droit de se taire qui en découle, le droit à la notification des charges. En revanche, la CDEH ne prévoit pas le droit de communiquer avec un avocat à la phase de police, ce droit étant réservé aux accusés ou détenus. Or, la phase de police n'est pas une détention au sens de la CDEH.
M. Poncet ironise sur la fiction selon laquelle un individu convoqué à la police s'y rend spontanément et y reste de son plein gré ! La réalité est qu'en cas de refus, la police établit un mandat d'amener.
M. Poncet considère favorablement l'introduction d'une visite médicale d'entrée.
Travaux de la commission
Comme nous l'avons vu, le projet de loi 6957 poursuit deux objectifs: il s'agit, d'une part, de prévenir d'éventuelles violences policières et, d'autre part, d'élargir les droits de la défense. Le premier objectif a d'emblée rencontré l'adhésion des membres de la commission, qui désiraient aussi trouver une solution pour protéger la police contre d'éventuelles allégations mensongères. Le second posait d'énormes problèmes de mise en pratique. Néanmoins, dans le souci de trouver des solutions à ces deux délicats problèmes, la commission unanime a voté l'entrée en matière en date du 29 septembre 1994.
A la suite de cette entrée en matière, et à la lumière des auditions réalisées, la commission s'est mise d'accord sur un certain nombre de principes qui devaient permettre de répondre le plus exactement possible aux préoccupations des auteurs du projet de loi, mais sans pouvoir leur donner totale satisfaction dans le domaine de l'élargissement des droits de la défense. En effet, dans notre système inquisitoire, très différent du système accusatoire en vigueur dans les pays anglo-saxons, le projet de loi tel que présenté aurait sans aucun doute mis en péril l'ensemble de l'équilibre de notre actuelle procédure pénale. Il n'était pas question que toute personne entendue par la police (environ 200 000 par an) puisse être assistée d'un avocat, et la phase de police très courte à Genève (24 heures au plus) risquait d'être rendue totalement inutile par la présence d'un avocat conseillant à son client de se taire, déplaçant ainsi sur l'instruction la tâche de l'enquête préliminaire, avec pour conséquence de paralyser tout le système. De plus, et contrairement à ce qui prévaut dans les pays anglo-saxons, les moyens de la police sont limités, par exemple en matière d'écoutes ou de perquisitions. Un élargissement unilatéral des droits de la défense romprait l'équilibre actuel entre ces droits et les moyens à disposition de la police.
Une éventuelle révision plus large du CPP a bien sûr été évoquée, mais le réalisme le plus élémentaire montrait qu'il ne s'agissait pas d'un travail possible en commission. En outre, les députés ont été informés de l'existence de plusieurs groupes de travail étudiant, sur proposition du département, une révision plus large du CPP, et qui devraient rendre des conclusions ou tout au moins des propositions dans les mois ou années à venir.
Dans l'attente d'une révision plus complète, les principes sur lesquels la commission s'est rapidement mise d'accord ont été les suivants:
1. Intégration des directives sur la détention dans les locaux de la police dans la loi (unanimité); il s'agissait là de renforcer l'effet de ces directives en les inscrivant dans la loi et en les complétant.
2. Visite médicale d'entrée systématique, sauf refus de l'intéressé (unanimité); cette visite doit être systématique, sauf refus de l'intéressé, si on veut également qu'elle puisse protéger la police d'éventuelles allégations mensongères. La commission est bien consciente que si une visite médicale ne remplace évidemment pas la présence d'un avocat, elle permet néanmoins de viser plusieurs objectifs: attester des conditions physiques et psychologiques de la personne retenue; attester de la compatibilité de l'état de santé de la personne retenue avec sa détention et prévoir les mesures thérapeutiques adéquates si la personne retenue souffre d'une affection nécessitant un traitement suivi; prévenir d'éventuelles violences exercées pendant cette période critique; enfin, permettre à la police de démontrer l'absence de violence en cas d'allégations mensongères. Une visite médicale est en outre l'occasion d'un premier contact entre un individu souvent «à risques» (petits délinquants toxicomanes ou alcooliques) et le réseau socio-sanitaire. A ce titre, cette visite s'inscrit dans le souci constant des autorités genevoises de faciliter les possibilités de rencontre entre des individus souvent en marge de la société et le réseau médico-social. Il est en revanche clair qu'un examen médical n'est pas une garantie absolue contre toute forme de brimade; elle représente cependant un acte solennel en mesure de dissuader efficacement bon nombre de pressions inadéquates.
3. Visite médicale de sortie facultative à l'issue de la phase de police (unanimité); facultative dans la mesure où la très grande majorité des personnes retenues ne se plaignent pas de mauvais traitements.
4. Remise à la personne appréhendée d'un formulaire en plusieurs langues spécifiant ses droits (unanimité); il s'agit là de fournir à la personne retenue la liste des droits dont elle peut bénéficier durant la phase de police, et ce dans une langue comprise par elle.
5. Prévoir un ombudsman chargé de mener les enquêtes en cas de plaintes ou de constats pour mauvais traitements, et de proposer des sanctions au DJPT (unanimité moins 1 abstention); cette fonction existe déjà, mais son rôle pourrait être renforcé ou dynamisé.
6. Droit pour une personne mise en cause d'appeler ou de faire prévenir ses proches, sauf risque de collusion (unanimité); en l'absence de risque de collusion, la possibilité de prévenir quelqu'un évite aux proches de subir l'angoisse d'une «disparition».
7. Accorder au prévenu, immédiatement à l'issue de la phase de police, la faculté d'avertir son avocat ou de s'en faire désigner un d'office pour pouvoir conférer librement avec lui (unanimité moins 2 abstentions); si le CPP actuel limite la phase de police à 24 heures, à l'issue desquelles le prévenu doit être présenté au juge, la réalité montre que ce délai peut être beaucoup plus long. Un premier contact avec un avocat qui pourrait ne serait-ce qu'expliquer la suite des événements et offrir un premier conseil est souhaitable.
C'est sur la base de ces principes que la commission a demandé au département de proposer une rédaction d'un nouveau projet de loi.
Cette nouvelle proposition a pu être étudiée dès mars 1995. Introduisant des modifications tant dans la loi sur la police que dans le CPP, elle respectait un certain nombre des principes admis par la commission.
En revanche, elle faisait fi de deux des plus importants principes exigés par la commission:
1. Seule une personne entendue par la police en vertu d'un mandat d'amener était mise au bénéfice d'un certain nombre de droits dont le principe avait été admis par la commission. Il s'agissait là d'une proposition minimaliste qui ne respectait pas les désirs émis par les commissaires unanimes.
2. La proposition du département ne tenait pas compte non plus du désir de la commission d'autoriser une personne placée sous mandat d'amener de rencontrer un avocat dans le délai parfois très long (jusqu'à 48 heures) séparant la fin de la phase d'enquête policière du début de la phase d'instruction.
Il a donc fallu «forcer le passage» et proposer de nouvelles solutions qui répondent aux aspirations des commissaires sans déclencher l'écroulement du château de cartes savant que représente notre actuel CPP. Mais la tâche était malaisée. De nombreuses tentatives de reformulation du projet ont amené, en commission, à des situations cocasses dans lesquelles, par exemple, une personne entendue par la police aurait dû, après quelques heures d'interrogatoire, être informée des droits dont elle pouvait faire état avant le début de celui-ci...
Une solution s'est finalement imposée à l'ensemble des commissaires: dans la mesure où la police devait préciser à une personne, et ce dès le début de son audition, si elle était entendue à titre de renseignement (elle était alors informée des droits qui y sont associés), ou au titre d'auteur présumé d'une infraction (devant dans ce cas bénéficier des droits dérivant des principes admis par la commission), il était possible de trouver une formulation permettant de respecter les voeux des commissaires.
La loi sur la police comportera désormais les actuelles directives de police, leur conférant une force plus affirmée: fouille prévenante, tenue d'un registre des violons, normes d'équipement des cellules, auditions dans des lieux aménagés à cet effet, obligation de consigner tout incidence lors d'un interrogatoire, procédure en cas d'allégation de mauvais traitements; par ailleurs, une renumérotation de cette loi a également été entreprise pour la rendre plus lisible.
Le CPP, quant à lui, comportera désormais des dispositions améliorant notablement les droits des prévenus (dont le droit de conférer librement avec un avocat dès la fin de la phase de police), et de dispositions (introduction d'une visite médicale avant tout interrogatoire d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction) destinées tant à amenuiser le risque de violences policières durant les interrogatoires qu'à protéger la police d'éventuelles allégations mensongères de violence.
Le projet de loi 6957 aura ainsi été remanié de manière importante, mais la commission estime que ses objectifs essentiels sont atteints sans compromettre l'équilibre général de notre code de procédure pénale.
Il faut relever que les auteurs du projet de loi 6957 auront su faire preuve de souplesse en acceptant des propositions n'allant pas aussi loin qu'ils ne l'auraient initialement souhaité, s'agissant de l'élargissement des droits de la défense; mais ils ont aussi réalisé la nécessité de ne pas mettre en péril notre actuel CPP. De plus, il ne fait nul doute que la réelle volonté de l'ensemble de la commission de trouver des solutions apportant des améliorations significatives, mais qui soient acceptables pour l'ensemble des partenaires, aura su créer, en cette occasion, une atmosphère propice à la recherche d'un bon compromis.
Enfin, il ne serait pas correct de ne pas mentionner que ces modifications auront évidemment un coût: prévoir une permanence assurée par les avocats, élargir les possibilités pour ces avocats de se rendre à la prison (y aura-t-il besoin de gardiens supplémentaires?), réaliser entre 4 500 et 5 000 visites médicales, tout cela coûtera de l'argent. On peut imaginer que le coût total de l'opération avoisine 1,5 million de francs par année. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs fait part à la commission de sa préoccupation budgétaire à ce propos. Mais la démocratie a un prix, l'Etat de droit aussi.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement les modifications qui vous sont proposées à l'unanimité de la commission judiciaire.
Commentaire article par article
1. Loi sur la police (F 1 1)
L'introduction des modifications justifie une nouvelle numérotation.
Article 20, alinéa 3: la première version de cet alinéa prévoyait de reprendre les actuelles directives de la police précisant que la fouille s'effectue en deux temps. Cette formulation peu claire est remplacée par la notion d'une «fouille adaptée aux circonstances et aussi prévenante et décente que possible».
Article 21 (nouveau): il s'agit d'intégrer dans la loi un arrêt du Tribunal fédéral jugeant qu'à défaut d'une base légale expresse, la police pouvait se fonder sur la clause générale de police pour retenir des personnes ivres ou droguées. La commission a jugé opportun d'introduire cette notion dans la loi, tout en précisant la nécessité d'un examen médical lorsque la personne en cause représente un danger pour elle-même ou pour autrui (7 oui, 2 non (L) et 3 abstentions (L et R)).
Chapitre V: rétention policière (nouveau): le terme de rétention a été préféré à celui de détention, qui évoque par trop le mandat d'arrêt (unanimité moins une abstention (R)).
Article 23 (nouveau): pas de commentaire.
Article 24 (nouveau): pas de commentaire.
Article 25 (nouveau): pas de commentaire.
Article 37, alinéa 2: le terme d'enquête administrative remplace le terme d'enquête préalable, par souci de cohérence avec la terminologie retenue dans l'article 38 (nouveau).
Article 38 (nouveau): cet article prévoit la procédure en cas d'allégations de mauvais traitements. Deux amendements ont été rejetés: l'un (Mme Reusse-Decrey) proposait que ces procédures soient assurées par deux puis trois personnes, l'autre (Mme Bugnon), que la personne responsable de cette procédure soit proposée par le Conseil d'Etat et ratifiée par le Grand Conseil. Ces deux amendements ont été rejetés, l'article proposé étant finalement accepté par 6 oui (L, R, DC) contre 5 abstentions (AdG, Ve, S).
Le projet de loi modifiant la loi sur la police est adopté à l'unanimité.
2. Code de procédure pénale (E 3 5)
Article 37, alinéa 2 (nouveau): introduit une précision concernant l'heure et la date de la signification d'un mandat.
Article 107: il s'agit là d'introduire la distinction entre l'audition de l'auteur présumé d'une infraction et les autres personnes qui seront, elles, entendues à titre de renseignement. Cette distinction est essentielle: 200 000 personnes environ sont entendus chaque année par la police, alors que seules 4 000 à 5 000 d'entre elles sont arrêtées. Or, ce sont pour ces dernières que la commission entend introduire les droits détaillés à l'article 107 A, alinéa 3.
Article 107 A: alinéa 1: reprend l'ancienne tenue de l'alinéa 3 de l'article 107, s'agissant de l'obligation de se soumettre aux mesures nécessaires au contrôle de son identité; fait également acte de l'obligation pour la police d'informer la personne entendue du fait qu'elle est entendue à titre de renseignements ou d'auteur présumé de l'infraction.
alinéa 2: fait état des droits d'une personne entendue à titre de renseignement.
alinéa 3: fait état des droits d'une personne entendue comme auteur présumé d'une infraction.
Lettre a: sans commentaire.
Lettre b: introduction d'une visite médicale systématique, sauf refus de l'intéressé, avant l'interrogatoire et d'une visite facultative à la sortie.
Lettre c: introduction du droit à prendre connaissance des charges dirigées contre elle et des faits reprochés.
Lettre d: formulation neutre du droit de se taire, afin de ne pas encourager les gens à entraver la tâche de la police qui ne dispose à Genève que de 24 heures au maximum. Cette formulation est acceptée par 6 voix (L, R, DC) contre 4 (AdG, Ve, S).
Lettres e et f: droit pour la personne d'informer un certain nombre de personnes proches de sa détention, y compris son avocat et, le cas échéant, son consulat si elle est étrangère. Le risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête est réservé.
Lettre g: introduction de la possibilité d'obtenir la visite d'un avocat dès la fin de la phase de police. De longues discussions ont eu lieu dans la commission pour savoir s'il n'y avait pas de contradiction avec l'article 138 CPP. En réalité, il s'agit de choses différentes: la visite de l'avocat prévue dans l'article 107 A, alinéa 3, lettre g, n'implique pas l'accès au dossier; elle représente un premier contact entre la personne privée de liberté et son conseil axé sur une première information sur le déroulement ultérieur de l'affaire et à but de réconfort dans la phase initiale d'une privation de liberté. L'article 138 implique, lui, un accès de l'avocat au dossier. Le risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête est réservé.
Lettre h: possibilité de se faire désigner un avocat d'office et de pouvoir recourir à l'assistance juridique aux conditions prévues par la loi. La commission n'entend pas déroger à ces conditions pour cette visite initiale.
alinéa 4: pas de commentaire.
Article 107 A actuel devient article 107 B: pas de commentaire.
Article 110 A (nouveau): cet article concrétise les visites médicales systématiques pour les auteurs présumés d'une infraction, au nombre de 4 000 à 5 000 par an à Genève. Celles-ci sont destinées à protéger, par un constat médical systématique avant l'interrogatoire et un constat facultatif après celui-ci, les personnes interrogées d'éventuelles violence subies pendant celui-ci. Seules des visites systématiques sont en mesure d'apporter à la police une protection valable contre des allégations mensongères de violences policières.
Article 111 A (nouveau): cet article règle les modalités de l'information à des tiers par une personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction. Si la police refuse d'accorder ce droit, mention doit en être faite dans le rapport de police. Ce refus doit être motivé.
Article 114 A, alinéa 1 (nouvelle teneur) et 114 B, alinéa 2 (nouvelle teneur): modifications purement formelles liées à la nouvelle numérotation de la loi sur la police F 1 1.
La modification du CPP E 3 5 est acceptée à l'unanimité de la commission.
Premier débat
M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Pour faire la synthèse de ces deux années de travaux en commission, je vous dirai que le projet initial, déposé par les Verts voici trois ans, poursuivait deux objectifs. D'une part, la diminution des violences policières, et, d'autre part, l'augmentation des droits de la défense.
Après une entrée en matière qui a fait l'unanimité, compte tenu de l'importance des problèmes soulevés, la commission a considéré que le premier objectif, soit la diminution des violences policières, en comptait deux en réalité.
La commission judiciaire y tient tout particulièrement, parce qu'il s'agissait non seulement de diminuer les violences policières - vous avez vu que le rapport ne compte qu'une vingtaine de plaintes qui ne sont pas forcément toutes des violences en rapport avec les quatre mille interventions policières - mais également de ne pas laisser planer autour de la police un certain nombre d'allégations mensongères de violence qui nuisent très gravement à son image.
Le second objectif, celui d'augmenter les droits de la défense, était sans doute louable. Mais la commission s'est rapidement aperçue qu'il ferait naître une asymétrie tout à fait nette entre la défense et les moyens de la police qui, comme vous le savez, sont limités, non seulement en termes de moyens : perquisitions, écoutes téléphoniques, par exemple, mais également en termes de temps, puisque la police genevoise dispose de vingt-quatre heures pour faire cette instruction préliminaire, et que nous pensions que ce deuxième objectif menaçait d'une rupture l'équilibre de notre actuel code de procédure pénal.
C'est la raison pour laquelle, après deux ans de travaux relativement difficiles, mais passionnants, le projet de loi actuel préserve l'esprit du projet de loi initial, tout en essayant de maintenir l'équilibre du code de procédure pénal.
Ce projet de loi comprend l'intégration des directives de la police qui existaient déjà dans la loi sur la police, pour leur conférer une force plus grande, et augmente le droit des prévenus dans la limite du possible, par exemple, en autorisant la visite d'un avocat lorsqu'un prévenu est incarcéré le jeudi soir, alors qu'auparavant il ne voyait pas de juge avant le lundi matin. Il pourra donc recevoir la visite de son conseil - sans qu'il ait accès au dossier - pendant le week-end, pour savoir à quoi s'en tenir.
Enfin, ces dispositions sont destinées à diminuer aussi bien les violences policières que les risques d'allégations mensongères quant à ces violences. Elles comportent notamment l'introduction d'une visite médicale systématique, parce que c'est probablement le seul moyen de prévenir réellement les allégations mensongères.
Le travail en commission - comme j'ai eu l'occasion de le dire - a été extrêmement difficile, mais passionnant. Il débouche sur un projet de loi, il est vrai, beaucoup plus complexe que la proposition initiale, mais qui a fait l'unanimité en commission.
Evidemment, il reste le problème du financement que l'on ne peut pas totalement ignorer. Plusieurs pistes ont été discutées en commission; aucune n'a vraiment été retenue. Le budget définitif est difficile à établir. On est parti d'un seuil minimal de 500 000 F, mais il est plus réaliste de penser à une somme d'environ 1 à 1,5 million. Et, j'imagine que, parmi les divers scénarios évoqués en commission, le Conseil d'Etat fera son choix en fonction de ses priorités. C'est la raison pour laquelle je vous propose de voter ce projet de loi avec la même unanimité que celle que nous avions obtenue en commission.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). L'aboutissement de ce projet de loi, après environ trois ans de travaux en commission, est une réelle satisfaction pour ses auteurs. Je tiens à remercier très sincèrement les membres de la commission judiciaire, actuels ou anciens, pour la qualité des travaux et pour l'attention très soutenue qu'ils ont accepté de donner à notre proposition. Mes remerciements vont également à M. Unger, le rapporteur, qui, par ses propositions constantes, a contribué à faire aboutir ce dossier.
Ce projet de loi ne ressemble plus beaucoup au projet initial, loin s'en faut, mais les motivations du projet initial trouvent leur concrétisation dans le projet proposé par la commission judiciaire. Comme le disait récemment une journaliste, ce n'est pas un projet édulcoré qui sort des travaux de la commission judiciaire, mais un projet ambitieux et réaliste.
Lorsque nous avions déposé ce projet avec mes deux collègues, Robert Cramer et Jacques-André Schneider, nous étions motivés par le rapport fait à l'intention du Conseil fédéral par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines aux traitements inhumains et dégradants.
Ce comité a été constitué pour surveiller la mise en oeuvre de la convention portant le même nom. Cette convention trouve son origine dans notre canton, puisqu'elle est l'oeuvre d'un banquier genevois, M. Gautier, aujourd'hui décédé.
En ratifiant cette convention, notre pays acceptait de se soumettre à des conditions assez strictes, notamment en matière de contrôle des établissements de détention. Le hasard, puisqu'il s'est agi d'un tirage au sort, a voulu que notre pays soit parmi les premiers à recevoir la visite d'un groupe d'experts.
A l'issue de la visite, les conclusions et les recommandations de ce groupe d'experts ont été les suivantes : les experts ont préconisé que les personnes arrêtées puissent prévenir leurs proches, dès leur arrestation, et bénéficier de l'assistance gratuite d'un avocat et de l'assistance d'un médecin de leur choix, dès leur interrogatoire à la police, et, enfin, que le contenu des dépositions soit enregistré sur bande magnétique.
C'est en nous fondant sur ce rapport que nous avions décidé, à l'époque, de déposer ce projet de loi, parce que les recommandations exigées à la Confédération impliquaient des modifications cantonales et, donc, une adaptation de notre code de procédure pénal.
Le fait que la convention ait son origine dans notre canton nous incitait à adopter une position de leader applicable ensuite dans les autres cantons. Cela était la raison fondamentale. Le fait que nous ayons axé davantage notre projet sur la défense que sur l'assistance médicale était une manière de reconnaître officiellement que, de plus en plus, l'instruction d'une affaire commence déjà au niveau de l'enquête de police, et que, dès lors que les avocats sont présents chez le juge d'instruction, nous pensions que nous gagnerions en temps et en efficacité s'ils étaient présents dès le début de la procédure, c'est-à-dire au poste de police. C'était également donner plus de poids aux déclarations faites à la police.
Enfin, ce projet de loi avait pour but de prévenir un certain nombre d'allégations de violences policières au stade de l'interrogatoire de police dont la presse s'était faite l'écho. Les longs travaux de la commission judiciaire ont démontré d'abord une volonté d'entrer en matière sur ce projet de loi qui mettait en lumière un problème ressenti par chacun.
Le problème majeur était la gratuité de l'assistance d'un avocat. Elle a été très vite refusée au bénéfice de l'assistance juridique pour tous ceux qui ne peuvent assumer les frais inhérents à cette prestation. Ensuite, la présence d'avocats dans les locaux de la police a été très mal ressentie par la police qui y voyait une entrave à son travail.
Enfin, une application stricte du projet de loi aurait remis en cause tout le système inquisitoire que nous connaissons. Je n'y reviendrai pas, M. Unger l'ayant fort bien transcrit dans son rapport.
Le dernier écueil, enfin, est la notion de personne entendue qui a donné lieu à toutes sortes d'interprétation, mais, manifestement, cette notion était trop imprécise pour être applicable. La commission a émis la volonté d'entrer en matière également sur l'assistance médicale, telle que recommandée par le groupe d'experts. Cette volonté se concrétise par la mise en place d'un service médical qui interviendrait avant l'interrogatoire, sauf refus de la personne, et qui pourrait intervenir à nouveau, mais cette fois de manière facultative et sur demande soit de l'intéressé soit de la police, à l'issue de l'interrogatoire.
Cette mesure a plusieurs avantages. D'abord, elle permettrait de prouver ou de rejeter toute déclaration postérieure concernant d'éventuels mauvais traitements. A cet égard, il s'agit d'une protection de la personne interrogée, mais, également, de la police qui doit faire face parfois à des allégations de mauvais traitements, excessives ou mensongères. Elle a également pour avantage de prévenir et de prévoir des mesures thérapeutiques adéquates si une personne souffre d'une affection psychique ou physique nécessitant un traitement.
En ce sens, et je désire insister sur ce point, ce projet s'inscrit très clairement dans un type de prévention souhaitable auquel il est souvent fait allusion dans ce Grand Conseil.
En tant qu'auteur du projet, je ne peux que féliciter et remercier, une fois encore, les députés d'avoir voulu approfondir le projet initial.
En ce qui concerne les droits de la défense, le projet permet, non pas l'assistance immédiate de l'avocat telle que proposée, mais son intervention à l'issue d'un interrogatoire, au plus tard, à la première heure ouvrable à l'issue des vingt-quatre heures suivant le début de son audition par la police. Cela représente, sans conteste, une amélioration des droits de la défense, qui, même si elle va moins loin que la proposition des auteurs, reste hautement souhaitable, et nous y souscrivons sans réserve.
Les autres modifications concernent l'information des droits à la personne dans une langue comprise par elle et cela requiert toute son importance dans un canton frontière comme Genève où l'on procède à un grande nombre d'arrestations d'étrangers ne connaissant souvent ni notre langue ni notre droit. Il est élémentaire que toute personne arrêtée puisse connaître ses droits.
Autant dire, et ce sera ma conclusion, que le rapport de M. Unger est le fruit de longues discussions, d'un consensus obtenu par la volonté d'aboutir de chacun, et j'espère très sincèrement qu'il sera voté comme tel, car il n'est pas possible de remettre en cause un élément sans que l'ensemble du consensus s'effondre.
Je me permettrai une remarque personnelle. Il est important que la population, qui assiste très régulièrement par voie de presse à l'entredéchirement des députés sur l'un ou l'autre sujet, voit que l'unanimité est possible lorsque l'on parle des droits de l'homme.
Enfin, je dirai un dernier mot du financement, au sujet duquel je rejoins les propos de M. Unger. Ce projet a un coût qui a été plus ou moins évalué en commission avec des différences très importantes; différentes pistes ont été suggérées au Conseil d'Etat pour trouver ce financement sans mettre en péril le budget de l'Etat, et je pense qu'à l'heure actuelle le Conseil d'Etat étudie ces différentes propositions pour savoir laquelle sera la meilleure.
Quant à nous, ce soir, il nous reste à donner un signe politique à ce projet, pour pouvoir le concrétiser. J'ajouterai, pour reprendre le préambule de M. Ramseyer, que ce projet s'inscrit totalement dans l'amélioration du fonctionnement de la justice. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir lui réserver un accueil favorable.
M. Olivier Vaucher (L). Je reste un peu perplexe sur certains points du rapport évoqués par les préopinants.
En parcourant l'exposé du rapporteur, je m'étonne que les personnes concernées - les fonctionnaires - n'aient pas été auditionnées. D'ailleurs, il semblerait, d'après ce que j'ai entendu, qu'ils n'étaient même pas au courant de l'existence de ce projet de loi. C'est dommage, car dans d'autres commissions nous auditionnons toujours les partenaires sociaux. Par conséquent, les personnes concernées auraient dû l'être !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). A l'issue des travaux sur ce projet de loi déposé, cela a été dit, en 1993 par le groupe écologiste, on peut faire un certain nombre de constats, que j'aimerais relever ici, mais sans entrer dans les détails, puisque Mme Bugnon vient de largement expliciter ce projet.
Tout d'abord, en ce qui concerne les auteurs du projet, tout en faisant preuve d'une bonne dose de patience, vu la longueur des travaux, ils ont su accepter un certain nombre de modifications et renoncer à quelques-unes de leurs exigences initiales.
En ce qui concerne le chef de la police, M. Walpen, on ne peut manquer de souligner sa collaboration très positive durant toutes les discussions de la commission, ainsi que le fait de reconnaître - et je crois que c'est là tout à son honneur - que dérapages il peut y avoir et qu'ils sont inacceptables.
Au niveau du département, je crois pouvoir dire qu'il y a enfin eu prise de conscience que la transparence ne peut entraîner que des effets bénéfiques pour tous.
Et, enfin, pour la commission, la recherche a été longue et parfois difficile pour trouver un consensus, mais cela a permis, en fin de travaux, de voter à l'unanimité.
Pour mener ces discussions, la commission a choisi de ne pas se laisser entraîner dans des polémiques portant sur des faits relatés dans la presse, ou encore, dans l'appréciation de chiffres. En effet, à plusieurs reprises et encore d'ailleurs dans le dernier courrier reçu du personnel de la police, l'argument de la faible quantité de plaintes, eu égard au nombre important d'interventions policières, a été invoqué, ce qui aurait pu laisser supposer que notre travail était inutile et superflu.
On ne saura jamais si les chiffres donnés correspondent bel et bien à la réalité. Peut-être y a-t-il de nombreuses situations de mauvais traitements qui ne font l'objet d'aucune plainte, la personne craignant qu'une telle démarche n'entraîne pour elle des conséquences néfastes lors de son jugement. A l'inverse, peut-être y a-t-il de nombreuses plaintes totalement mensongères.
Dès lors, la commission a préféré laisser à l'écart ces chiffres et ces interprétations qui n'auraient pu que la diviser. Elle a choisi de travailler en posant un préambule fondamental, à savoir faire le choix politique de mettre en place des dispositifs permettant de prévenir au mieux les risques. Elle a aussi fait ce choix par éthique, convaincue que la mise en vigueur d'une telle loi ne pourrait être que positive, permettant, comme cela a déjà été dit, à la fois, de protéger la personne retenue par la police de risques de mauvais traitements ou de traitements dégradants et de protéger la police d'allégations mensongères.
Un système de police au sein duquel on augmente les droits des personnes privées, même momentanément, de liberté, un système au sein duquel on renforce la sécurité de ces personnes, un système au sein duquel on fait le choix d'instaurer la transparence est un système digne d'une démocratie telle que la nôtre, et c'est ce qu'a voulu la commission. Ce projet est donc, à nos yeux, un progrès très important.
En conclusion, ce que nous voulons réaffirmer, c'est que, même dans les systèmes démocratiques les plus élaborés, il peut survenir des situations dans lesquelles certains groupes d'individus, ou des individus, s'écartent d'un comportement régi par les normes éthiques souhaitées et il faut alors, bien sûr, prendre des mesures pour que ces normes soient respectées et prendre les mesures disciplinaires qui s'imposent. Mais il faut, aussi et surtout, décider des réformes internes permettant d'éviter au mieux que ces situations ne se reproduisent. Et c'est bien là l'esprit des modifications de lois qui vous sont proposées aujourd'hui et que le groupe socialiste vous invite à voter avec la même unanimité qu'en commission.
M. Pierre Meyll (AdG). Le nouvel article 110 A prévoit une visite médicale avant et après l'interrogatoire. Nous aimerions qu'il soit précisé dans le règlement, afin d'éviter des frais supplémentaires, que cette visite sera confiée au service de garde des instituts universitaires médicaux de la médecine légale, afin d'éviter une concurrence absurde dans les différents services médicaux. Nous aimerions que cela figure au procès-verbal, afin de pouvoir l'inclure dans le futur règlement du nouveau projet de loi.
M. Christian Ferrazino (AdG). Notre groupe tient à saluer ce projet de loi issu de très longs travaux de la commission judiciaire qui a essayé, comme l'a relevé le président, de travailler dans une double optique : d'une part, l'amélioration du fonctionnement de la justice, et, d'autre part, l'amélioration des droits du justiciable. Il n'est pas toujours aisé de trouver un équilibre entre ces deux intérêts qui peuvent paraître contradictoires.
Nous voulions nous assurer - et l'ensemble des députés de cette commission partageait cette préoccupation - que les propositions formulées n'auraient pas pour conséquence de paralyser le travail de la police. A ce sujet, M. Walpen, qui a assisté à ces séances, s'est fait fort d'attirer notre attention sur l'aspect négatif et peu souhaitable de certaines propositions, d'où le temps consacré à ce dossier et les modifications apportées, au cours de nos travaux.
Je me réjouis que M. Vaucher s'intéresse au sort des fonctionnaires. Je vous rassure, Monsieur Vaucher, nous avons lu avec attention la lettre que les associations du personnel de la police genevoise nous a récemment transmise. La commission judiciaire s'est préoccupée des deux points importants soulignés par ce courrier. Ces questions ont largement été prises en compte dans les travaux de la commission, car nous souhaitions leur apporter la réponse la mieux adaptée.
Le rôle que nous avons ce soir, vous et moi, Monsieur Vaucher, est assez cocasse. Mais ne croyez pas que les fonctionnaires n'ont pas été entendus, car M. Walpen nous rendait régulièrement attentifs au travail qui pourrait se répercuter sur les policiers, au cas où nous aurions accepté le projet de loi tel qu'il avait été proposé au départ. C'est pourquoi nous avons dû étudier toutes les variantes et examiner les possibilités. Pour ma part, je ne trouve pas la teneur de ce projet de loi idéale, mais je m'y rallie.
Dans la mesure où l'ensemble de ce projet est un compromis, il est normal que certaines de ces dispositions ne satisfassent pas telle ou telle formation politique. Par exemple, lorsque «le droit de se taire» a enfin été reconnu et qu'il a fallu le consacrer dans nos propres textes, nous avons cherché et formulé X variantes pour le concrétiser. Vous trouverez celle que nous avons retenue à la lettre 2, de l'alinéa 3, de l'article 107 A. Je vous cite l'information que l'on donne à la personne pour lui faire comprendre qu'elle a le droit de se taire, tenez-vous bien : «Elle ne peut être forcée de déposer contre elle-même ou de s'avouer coupable.» Il faut faire une gymnastique de l'esprit extraordinaire pour comprendre que le fait de n'être pas forcé à déposer contre soi-même ou de s'avouer coupable est synonyme du droit de se taire. On dit à la personne qu'elle n'est pas obligée de s'avouer coupable, c'est déjà ça ! Néanmoins, la formule retenue ne me satisfait guère.
Nous avons toutefois accepté cette proposition à contrecoeur. En effet, M. Walpen nous a dit que si nous inscrivions «le droit de se taire» noir sur blanc dans la loi les policiers risqueraient de n'avoir plus rien à mettre dans leurs dossiers pour la bonne raison que les gens ne parleraient plus. Cet exemple, parmi d'autres, vous montre à quel point ce projet de loi est un savant dosage entre ce qui est possible, souhaitable et réalisable.
En outre, il existe une disposition toute particulière pour les gens qui se font arrêter. Il existe actuellement une zone grise entre la fin de la phase policière et le début de la phase d'instruction. Une personne qui est arrêtée par la police peut être mise «au violon» pendant vingt-quatre heures. Ensuite, un nouveau délai de vingt-quatre heures est ouvert pour permettre au juge d'instruction de procéder soit à une relaxe soit à une inculpation. Ce délai peut être de quarante-huit heures si le fait arrive juste avant le week-end.
Cette zone grise est réglementée par la lettre g) de la même disposition. Elle prévoit que l'avocat peut intervenir, non pas consulter le dossier mais informer son client de ce qui lui arrive, du déroulement de la procédure et d'un certain nombre de droits élémentaires, cela plus rapidement qu'actuellement.
Un dernier point concerne les réticences formulées par les associations du personnel de la police genevoise. En substance, il est dit : «Attention, si vous voulez rendre cette visite obligatoire, nous risquons de multiplier les cas, d'être paralysés dans notre travail, puisque ce temps sera imputé sur celui imparti à l'examen des dossiers, et cela coûtera très cher».
Deux exemples sont donnés au sujet de personnes ayant commis des infractions de peu de gravité. Le premier concerne un consommateur de stupéfiants, le second une personne visée par une plainte pour détournement de gains saisis. Ces derniers devraient être entendus à titre d'auteurs présumés, ce qui est juste, et donc soumis à la visite médicale d'entrée, ce qui est faux, parce que, si nous avons prévu de soumettre toute personnne à cette visite médicale, nous avons aussi prévu que les personnes en question puissent la refuser. En effet, la personne qui vient dans les bureaux de la police pour un détournement de gains saisis aura précisément la possibilité de refuser une visite médicale. Par ces exemples, l'association du personnel de la police nous montre des cas qui ne feraient vraisemblablement pas l'objet d'une visite médicale. Pour que nous soyons sûrs de l'application de cette loi, l'article 110 A, alinéa 2, précise que la personne peut s'opposer à l'examen médical avant son interrogatoire et que cela est mentionné dans le rapport de police.
Les craintes émises à ce sujet ne sont pas fondées. Si elles devaient l'être, nous pourrions, à l'avenir, suite à un certain nombre de cas d'application, reprendre tel ou tel point de ce projet. Aujourd'hui, il faut faire confiance aux membres de la commission judiciaire qui ont travaillé pendant plus de deux ans sur ce projet. Le texte qu'ils nous soumettent ce soir devrait - et je l'espère - rallier toutes les formations politiques de ce parlement.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je donnerai un complément de réponse à M. Vaucher qui m'a interpellée très directement. D'abord, je vous remercie de rappeler que les écologistes sont très attachés au fait que les personnes qui le souhaitent puissent être auditionnées. Votre question est juste. J'y réponds d'autant plus volontiers que le signataire de cette lettre est dans le public et qu'il doit savoir pourquoi je ne suis pas favorable, comme il le propose, au renvoi de sa lettre en commission avec le projet afin qu'il puisse être auditionné.
Monsieur Vaucher, vous connaissez aussi bien que moi la procédure à suivre pour auditionner les gens en commission. Les auditions sont soit suggérées par un membre de la commission ou, alors, demandées par des personnes venant de l'extérieur. Les syndicats de la police n'ont pas demandé leur audition. On m'a dit qu'ils n'étaient pas au courant du projet. Cela m'étonne, car la presse en a fait état à plusieurs reprises. Et de toute façon, vous n'ignorez pas que, dès qu'un projet de loi est discuté au Grand Conseil, il est rendu public. Dès lors, n'importe qui peut demander son audition.
Par ailleurs, aucun membre de la commission n'a demandé à auditionner les syndicats de la police. Nous avons beaucoup travaillé avec M. Walpen, et je vous remercie d'avoir parlé de sa collaboration positive. C'est peut-être ce qui a manqué à mon intervention. Je profite de remercier M. Walpen pour son ouverture qui a rendu efficaces les discussions que nous avons eues avec lui tout au long de ces séances de commission.
Je désire répondre à M. Meyll qui demande, très formellement, que l'on décide, ce soir, qui doit effectuer ces visites médicales. Monsieur Meyll, la commission ne l'a pas fait, car elle n'est pas habilitée à prendre cette décision. M. Ramseyer a reçu des propositions de la part de différentes associations et de nous-mêmes en vue du financement. Je pense que cela doit être étudié après le renvoi de ce projet de loi en commission.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical est satisfait des dispositions principales de ce projet de loi. Il s'agit d'une avancée réelle, non seulement pour les droits de la défense mais également en faveur des mesures que peut prendre la police et de la confiance que la population peut avoir dans sa police. Nous apprécions, tout particulièrement, l'apparition de ce formulaire qui sera donné, ainsi que les possibilités de prévenir des proches, voire d'avertir son avocat.
Cette satisfaction doit être, malgré tout, légèrement mitigée, et la lettre que nous venons de recevoir des associations du personnel de la police genevoise le prouve, quand bien même elle est infondée pour ce qui est de l'audition. Je demeure persuadé, même si l'essentiel de ce projet a été discuté avant que je ne devienne président de la commission judiciaire, que ces associations étaient parfaitement au courant de l'existence de ce projet qui, comme l'ont rappelé plusieurs des préopinants, a été discuté durant presque deux ans.
Il est loisible à chacun de demander une audition à la commission judiciaire. J'ai fait opérer les vérifications dans les archives du département de justice et police, ainsi qu'au secrétariat du Grand Conseil. A aucun moment, nous n'avons reçu une lettre des associations du personnel de la police genevoise demandant à être auditionnées sur ce projet. En conséquence, de ce point de vue, nous pouvions penser que les auditions du chef de la police genevoise étaient largement suffisantes.
Toutefois, un problème réside dans le financement d'une des dispositions de ce projet. Quel que soit le consensus auquel la commission judiciaire a abouti, il est bon que le Grand Conseil en délibère et se prononce. Je parle de l'article 110 A, soit de la visite médicale d'entrée obligatoire, celle de la sortie ne l'étant pas. Il est parfaitement vrai que, à l'alinéa 2, la personne peut s'opposer à l'examen médical avant son interrogatoire. Toutefois, il aurait été préférable de préciser, à l'alinéa 1, que cette visite médicale d'entrée pouvait se faire sur demande. Je me rends bien compte que telle n'était pas la volonté de la commission judiciaire, et j'annonce que le groupe radical dépose un amendement, signé par Mme Wavre, notamment, qui va le défendre. Je ne l'ai pas signé, mais je le voterai.
Le Grand Conseil doit être attentif au problème que pose le financement de cette visite médicale, étant donné la mauvaise situation financière de l'Etat. Si l'on veut chiffrer ces visites, leur montant s'élèvera à quatre mille visites obligatoires qui pourraient être refusées. On se demande si le jeu en vaut la chandelle, puisque, comme l'a rappelé très justement M. Unger dans son rapport, seuls dix-neuf cas ont été litigieux, pour lesquels il y a eu interrogations ou réclamations, et cela ne veut pas dire que ces dix-neuf cas étaient fondés. Par conséquent, il faut bien analyser les avantages et les inconvénients de ce projet de loi. Une pesée des intérêts doit être opérée.
Du point de vue de l'administration, je me rends très bien compte que ce projet de loi représente un immense progrès pour la bonne marche de la justice. Par contre, le problème des violences policières est essentiellement à Genève, contrairement à d'autres pays, un problème médiatique. Nous vivons dans un Etat de droit dont nous sommes satisfaits. Il faut vraiment se demander si en introduisant une visite médicale d'entrée obligatoire nous ne manifesterions pas une méfiance qui n'a pas de fondement à l'égard de notre police. Je pose le problème et je laisse la signataire de l'amendement le défendre.
M. Henri Gougler (L). Je renonce à mon intervention qui va exactement dans le sens des propositions de M. Lescaze au sujet de la visite médicale. Quant au coût, il va probablement dépasser le million. Aussi, je vous laisse réfléchir !
M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Les notions de visite facultative - selon la suggestion du groupe radical - ou de visite obligatoire ont fait l'objet de longs débats bien avant la présence de M. Lescaze en commission; c'est pourquoi il laisse à l'une de ses collègues le soin de défendre cet amendement. En effet, les deux députés radicaux, et l'un d'entre eux particulièrement, après avoir pesé les intérêts et les avoir fait pencher dans l'autre sens, avaient clairement indiqué que seule une procédure systématique protégerait la police d'allégations mensongères. Il est facile de comprendre que, en cas de visite facultative, des plaintes contre la police, détestables et non fondées, continueront à être déposées par des gens qui n'ont pas demandé cette visite.
Nous n'ignorons pas le coût de ce plan : nous avons fourni en commission des informations concernant le financement. Mais, d'autre part, tant les commissaires - y compris les radicaux - que M. Walpen préfèrent l'abandonner s'il faut procéder de manière facultative. Nous pouvons affirmer que la pesée des intérêts a bien été effectuée afin d'obtenir - de manière unanime - une visite à caractère systématique.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'allais intervenir dans le sens du rapporteur, en disant à notre collègue Lescaze qu'il valait mieux s'abstenir si la visite médicale devait être facultative ! Soit la visite médicale est obligatoire avec possibilité de refus - c'est le compromis que nous avons adopté - soit nous abandonnons. Une visite médicale facultative a non seulement l'inconvénient de ne pas régler le problème posé mais elle l'aggrave encore. Car ce faisant vous allez à fin contraire ! La personne pourra dire que la police a usé de violence à son encontre précisément pour ne pas la soumettre à une visite médicale. En d'autres termes, la police pourrait exercer des pressions; le premier volet de ce projet vise précisément à régler ce problème. A la suite de ces pressions policières, celui qui en a fait l'objet aurait la possibilité de se soumettre à une consultation médicale. En cas de refus des policiers, ces derniers pourraient user de mesures de contrainte et de violence contre lui. Votre proposition est non seulement inutile par rapport à notre objectif mais elle aggrave encore la situation actuelle ! Véritablement, M. Lescaze, vous renoncez et ne nous suivez pas; mais ne nous proposez pas de situation pire encore !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord vous rappeler les données du problème : la police genevoise procède annuellement à deux cent mille actes répressifs et à quatre mille six cents arrestations en moyenne, dont cent cinquante environ par voie de force, soit un pourcentage de 3%. Les plaintes - je ne parle pas des plaintes plus nombreuses de policiers blessés ! - de soi-disant victimes de violences sont au nombre de vingt, soit 0,5% des arrestations annuelles. On enregistre au maximum deux plaintes fondées suivies de punitions pénales ou disciplinaires à l'encontre de policiers, soit un pourcentage de 0,5%. La quasi-totalité des violences se déroulent lors de l'arrestation et non lors de l'interrogatoire.
Tel qu'il vous est présenté, le problème est faussé : la présence de médecins dans les postes ne changera rien aux actes de violence commis lors d'arrestations. Violence réciproque, du reste : le nombre de policiers blessés est supérieur à celui des suspects. En relatant ces faits, la presse - attachée avant tout à vendre ses journaux - est-elle plus crédible que M. le procureur général ? J'ai en main depuis ce matin les statistiques de 1995. On n'y trouve que quinze plaintes; elles sont donc en diminution. Trois sont à l'état de recours, une amende a été infligée à un gendarme et onze ont été classées par M. le procureur de la République et canton de Genève : telle est la réalité reflétée par les chiffres !
Nous devons nous interroger sur le but de ce projet de loi qui ne saurait à l'évidence concerner la protection des suspects, comme je viens de vous le démontrer. A-t-il un rôle de prévention d'éventuels dérapages ? Certes, il présente un aspect préventif à retenir, mais il faut relever l'énorme disproportion entre une volonté de prévention de quelques dérapages et la somme de 1,3 million - au bas mot - que l'Etat devrait y consacrer chaque année.
Il existe d'autres moyens : actuellement, la police genevoise se soumet à une formation de dix mois, pendant lesquels l'excès de pouvoir que pourraient exercer certains policiers est examiné, et cet enseignement porte déjà ses fruits. Bien sûr, deux cas par année, ce sont deux cas de trop, j'en conviens ! D'autre part, pour améliorer la situation, et avant même le lancement du projet, nous envisagions de créer une structure de déontologie semblable à celle du Canada.
Ayant participé aux travaux de cette commission, je me suis interrogé sur l'attachement de certains députés à ce projet qui peut paraître financièrement excessif et déraisonnable. La notion de prévention nous tient à coeur, et nous faisons tout ce que nous pouvons, la tâche accomplie est déjà considérable. Le résultat est même tellement satisfaisant, que nous avons reçu un mandat du Centre des droits de l'homme de l'ONU pour former des policiers à l'étranger ! Je remercie ceux qui prennent en considération la protection de la police, mais je comprends mal qu'on puisse alimenter avec un tel acharnement les campagnes d'Amnesty ou de la Commission pour la prévention de la torture, auxquelles j'ai toujours fait front en répondant chiffres et témoignages à l'appui.
Un autre problème n'a été qu'effleuré par M. le rapporteur : il s'agit de l'idée humaniste que l'on se fait de la justice et de la police. C'est une attitude saine et civilisée d'attribuer des droits aux suspects, aux prévenus, aux justiciables, et de sauvegarder les droits de la défense. Je partage votre soif d'équité, d'objectivité et de transparence, et c'est pourquoi je vous soumets le problème des contrôles médicaux obligatoires. Les violences, Monsieur Ferrazino, n'ont jamais été évoquées autrement que sous forme de violences physiques et jamais morales. Les premières laissent des traces. Alors comment voulez-vous logiquement prétendre que le suspect soit ausculté à son entrée dans le poste pour être déclaré parfaitement «clean» et sain de corps, alors que le constat de sortie permettant de constater s'il a été victime de violence ou non serait facultatif ? Ou bien on ausculte et à l'entrée et à la sortie pour en tirer un bilan clair, ou bien on décrète les visites de sortie facultatives, et on gaspille ainsi bêtement 1,5 million. Quant au problème de la pression morale, vous ne l'avez pas abordé.
C'est donc par simple logique que je soutiendrai l'amendement présenté par M. le président de la commission judiciaire. Comment prétendre défendre la police contre des allégations mensongères, si vous renoncez à l'examen de sortie ? Si cet amendement est accepté, je suis prêt à me rallier à ce projet de loi, sans omettre cependant de donner une raison supplémentaire, qu'à ma grande surprise vous n'avez pas mentionnée. En effet, ce projet de loi améliore considérablement les droits du suspect interrogé au poste de police, car - entre autres - il dresse la liste de ses droits. Le droit à la visite médicale y figure, mais il ne saurait être imposé. On constate déjà - et nombreux sont les médecins qui peuvent en témoigner - que la présence d'un médecin est d'une grande utilité lors de l'interrogatoire, en particulier si le suspect présente des affections physiques ou psychiques.
Mesdames et Messieurs les députés, vous qui avez proposé ce projet, si vous avez la volonté sincère d'améliorer les droits du suspect et de faire progresser la justice, vous comprendrez aisément pourquoi l'amendement évoqué auparavant se justifie. Si vous êtes attachés à ce progrès-là, ce projet de loi va dans le bon sens. Mais il va dans un sens différent si, de manière hypocrite, on réclame la présence d'un médecin au nom du progrès de la justice, avec l'illogisme dont je viens de parler. J'ose espérer que les trois ans de travaux - qui ne sont pas forcément la preuve d'un bon travail, ce projet étant discutable - faciliteront la formation d'une police plus humaine et plus équilibrée. Mais ne prétendons pas rendre les visites obligatoires pour la protéger ! A cette seule condition, je trouverais que nous avons accompli ensemble un travail utile !
M. Christian Ferrazino (AdG). L'amendement souhaité par le groupe radical provoquerait une situation pire encore. Manifestement le président Ramseyer n'est pas de notre avis, mais son exemple pour justifier cet amendement n'est pas du même acabit. Vos activités ne vous ont pas permis d'assister plus souvent aux travaux de notre commission, Monsieur Ramseyer, et c'est dommage ! Nous aussi, nous avons examiné l'aspect obligatoire ou facultatif de la visite médicale d'entrée et de sortie. Un même souci de cohérence nous animait, mais cela nous a conduits à la conclusion suivante : il est inutile et même absurde de rendre obligatoire cette visite de sortie qui se pratique déjà, car à Champ-Dollon le prévenu est soumis à une visite médicale. Et si la police le relaxe, le prévenu se trouve en liberté et peut, de toute façon, s'adresser au médecin de son choix. Cet amendement n'est vraiment pas souhaitable.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Oui, Monsieur le conseiller d'Etat, ce projet de loi est destiné à améliorer les droits de la défense et le fonctionnement de la justice, et nullement à prévenir quelques dérapages dont la presse s'était faite l'écho, je pense l'avoir dit assez clairement dans mon intervention ! Je n'accepte pas d'entendre dire que tout est fait par méfiance à l'égard de la police, d'autant moins que M. Walpen était présent à toutes les séances. Il a vigoureusement défendu sa police et s'est opposé à la présence d'avocats dans ses locaux, les jugeant comme une entrave au déroulement de l'interrogatoire. Ainsi, avons-nous décidé - quant à moi, à regret - de retirer cette proposition. M. Walpen approuvait comme nous les visites médicales à condition qu'elles soient systématiques, afin de protéger et les personnes interrogées et la police. Nous étions tous d'accord sur ces deux points de vue, c'est pourquoi je vous demande de rejeter l'amendement proposé par une partie du groupe radical.
Comme la visite médicale ne résout pas la question de la pression morale, l'expert prévoyait, dans ses conclusions, d'enregistrer les dépositions sur bandes magnétiques. Mais la commission n'a pas retenu cette proposition. Quant à la visite de sortie, elle doit être obligatoire selon vous, Monsieur Ramseyer. Or, si elle est facultative, elle peut être demandée aussi bien par l'intéressé que par la police, si celle-là craint des allégations mensongères. Le médecin peut être appelé en permanence et enregistrer le refus de la personne de s'y soumettre. Les deux déclarations seront de même importance. Si vous acceptez que cette visite ne soit pas systématique, vous ne permettrez pas de prouver ou de rejeter toute déclaration postérieure au sujet d'éventuels mauvais traitements, et cela irait totalement à l'encontre du projet. Je vous demande donc instamment de rejeter cet amendement.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. A mon tour de citer Mme Bugnon : «Si les visites ne sont pas systématiques, elles n'ont aucun sens.» C'est exactement ce que je dis ! La visite d'entrée doit forcément être suivie d'une visite de sortie. A Genève - et c'est un cas unique en Suisse - il y a une visite systématique à l'entrée de la prison. C'est grâce à cet élément que j'ai pu réfuter les allégations d'Amnesty.
Vous dites, d'autre part, que la police doit imaginer d'éventuelles plaintes du suspect contre elle. Mais ce n'est absolument pas son rôle ! En réalité, c'est en prison que la plupart de ceux qui sont déboutés par le procureur général, encouragés par des codétenus, imaginent, eux, de déposer une plainte pour coups et blessures. Longtemps après la visite dont vous parlez, c'est facile d'accuser deux ou trois agents qui ont procédé à l'interrogatoire; aucun contrôle n'est possible. La grande différence entre la visite obligatoire et facultative, c'est le coût ! Si la visite est obligatoire, vous devrez forcément la payer. Si elle est facultative avant et après l'interrogatoire, elle figure sur la liste des droits du suspect comme droit supplémentaire. En cas de refus, une économie substantielle est ainsi réalisée !
Il n'y a donc pas de différence essentielle entre vos déclarations et les miennes. Je souligne simplement qu'une visite d'entrée doit être suivie d'une visite de sortie pour être efficace. L'amendement qui rend la visite facultative tout en la faisant figurer sur la liste des droits, rédigée dans toutes les langues, au même titre que le droit de téléphoner à son avocat ou à son ambassade, représente un réel progrès. Les deux visites facultatives vont exactement dans le sens des travaux de cette commission.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je regrette les propos de M. Ramseyer, car j'avais justement souligné que la commission avait refusé d'entrer en matière sur ces chiffres et ces pour-cent, ainsi que sur les articles de presse qui avaient fait état de mauvais traitements. La commission avait agi ainsi, je l'ai dit, parce qu'elle posait un principe fondamental : elle faisait un choix politique et éthique. Je regrette donc que vous reveniez avec un alignement de chiffres qui a été délibérément laissé de côté.
Vous avez parlé de mesures disproportionnées par rapport à l'enjeu et à ces chiffres. Pour nous, il ne s'agit pas - encore une fois - de disproportion, mais d'avoir pesé les avantages et les désavantages, et cela même pour les personnes qui étaient sceptiques quant aux coûts - et là j'aimerais ouvrir une petite parenthèse, Monsieur le conseiller d'Etat. Des propositions vous ont été faites, vous n'y avez jamais apporté de réponses; vous n'avez jamais souligné si ces propositions étaient susceptibles de trouver des débouchés possibles ou non. C'est un regret que nous avons formulé, d'ailleurs, lors de la dernière séance, car nous pensions avoir votre avis sur les propositions faites.
Je regrette aussi les propos que vous avez tenus, affirmant qu'un certain nombre de détenus inventent par la suite des mauvais traitements. C'est vrai, mais vous savez aussi - si vous voulez entrer dans ce débat - que nous avons eu des témoignages d'aumôniers qui disent le contraire : un certain nombre de détenus n'osent pas dénoncer les mauvais traitements dont ils ont été victimes. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu entrer en matière, et je regrette que vous avanciez ce genre d'arguments en plénum.
Je regrette tout cela, mais je ne suis dans le fond pas étonnée. Depuis le début, vous vous êtes opposé à ce projet, alors que - je le reconnais, car je suis moi-même intervenue sur un certain nombre de situations évoquées dans le rapport d'Amnesty international - seule une augmentation de la transparence éviterait à l'avenir ces affirmations et ces rapports peut-être non fondés. Je suis déçue de voir qu'on essaie de mettre en péril tout ce projet de loi avec un amendement de dernière minute qui n'a pas été présenté en commission. Je demande donc à ce Grand Conseil de rejeter cet amendement.
PL 6957-A
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Article unique (souligné)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 37, al. 2, (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4), l'article 107, al. 3 (nouvelle teneur), et l'article 107 A (nouveau, l'art. 107 A ancien devenant l'art. 107 B).
Art. 110 A (nouveau)
Mme Michèle Wavre (R). Comme nous l'avions annoncé et comme l'ont excellemment expliqué M. Lescaze et d'autres personnes avant moi, nous vous proposons un amendement que vous avez tous sur vos pupitres, je pense que vous l'avez bien lu. Pour tenir compte des avis exprimés par les associations principales du personnel de la police et en raison des coûts très élevés qu'entraînerait l'application de cet article, nous vous proposons l'amendement suivant à l'article 110 A, alinéa 1.
«1Toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est présentée, à sa demande ou à celle de la police, à un médecin avant son interrogatoire. Lorsqu'elle quitte les locaux de la police, elle est soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical. Est réservé l'article 110.»
M. Claude Blanc (PDC). Ce débat me surprend, car je croyais «l'affaire dans le sac» ! Je vois une contradiction entre l'article 110 A et celui que nous venons de voter, le 107 A, alinéa 3, lettre b). Comment ces deux articles s'articulent-ils ? Une explication est nécessaire pour ceux qui n'ont pas suivi les travaux de la commission.
M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Ce projet de loi étant effectivement complexe, la question de M. Blanc est légitime. L'article 107, alinéa 3, page 14, précise simplement le texte du document remis à la personne interrogée, qui reçoit donc une copie de cet article de loi. Quant à l'article 110, il confirme, dans le code de procédure pénale, la visite systématique à l'entrée et facultative à la sortie. On donne, d'une part, l'information à la personne interrogée, et, d'autre part, on précise dans le code que des visites ont lieu, sauf en cas de refus de l'intéressé.
Le président. Monsieur le député Blanc, vous ne comprenez toujours pas ? L'explication n'était peut-être pas bonne !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je vais essayer de donner une explication à M. Blanc, en précisant d'ailleurs que je partage tout à fait son analyse. Puisqu'on vient de voter l'article 107, qui stipule que la personne doit être examinée par un médecin avant son interrogatoire - sauf refus - l'amendement proposé par Mme Wavre et M. Kunz est absolument non fondé et contredit l'article 107. Comme cet article a été voté, l'amendement du groupe radical tombe ! (Rires.)
M. Christian Ferrazino (AdG). Je vais redire exactement la même chose à M. Blanc, dont les questions sont souvent pertinentes. Effectivement, vous avez rendu le groupe radical attentif au fait que la question est posée tardivement. Comme l'a rappelé le rapporteur, ce groupe souhaite modifier la disposition figurant dans la loi, afin de savoir comment on procède dans le procès-verbal.
L'article 107, lui, définit de façon exhaustive d'ailleurs la liste des droits remise aux personnes interrogées. Savoir que leurs faits seront consignés ou pas ne les intéresse pas du tout. Bien évidemment, la lettre b) de l'article 107 est lié à l'article 110 A, c'est pourquoi l'ensemble du projet qui vous est soumis ce soir est un savant travail de la commission judiciaire qui a examiné avec la plus grande minutie l'ensemble des conséquences de toutes les dispositions. Les propositions de modifications ont été fort nombreuses, et c'est pourquoi je trouve dommage, Madame Wavre, de revenir ce soir en plénière avec des amendements au demeurant mal préparés. Si votre groupe avait réfléchi au préalable, vous auriez déjà proposé un amendement à l'article 107 A. Il faut en tirer les conséquences et accepter de retirer cet amendement.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je n'irai pas jusqu'à prétendre, à l'instar de M. Ferrazino, que le groupe radical ne réfléchit pas, l'expérience montre le contraire ! Mais il ne réfléchit pas suffisamment pour permettre à M. Blanc de comprendre ses amendements; aussi suggérerais-je à Mme Wavre de lui donner quelques cours privés ! (Rires.) J'entends M. Ducommun tenir des propos sexistes que je ne répéterai pas, car il existe une nouvelle norme pénale réprimant ce genre de comportement ! Avez-vous compris les explications de M. Ferrazino, Monsieur Blanc ? Inutile donc de répéter une troisième fois ce vous avez compris dès le début, sans cela vous n'auriez pas posé la question ! (Rires.)
L'amendement radical à l'article 110 A n'a pas de sens, dès lors que nous avons adopté sans le modifier l'article 107 A. En conséquence, nous pouvons les inviter à le retirer, d'autant que le texte auquel nous avons abouti en commission judiciaire est le fruit d'un long et difficile accouchement qui a nécessité bien des séances. C'est le fruit de réflexions multiples auxquelles le chef de la police en personne a beaucoup participé. Si le texte de l'article 110 A devait être modifié dans le sens que le groupe radical souhaite - sans trop y croire d'ailleurs, compte tenu du fait que seul un bout de l'amendement est présenté - ce texte-là aurait indubitablement pour effet de vider de sa substance le texte voulu par la commission. On ne va pas refaire ce soir un long débat de commission qui a duré des mois.
Aussi nous vous invitons à voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission et de l'excellent rapport préparé par M. Unger, auquel il est juste de faire plaisir de temps en temps !
M. Claude Blanc (PDC). Si j'ai bien compris tout ce que les docteurs viennent de m'expliquer, et si l'amendement radical devait être retenu, il faudrait en fabriquer un autre pour l'article précédent, car il y aurait contradiction ! (Brouhaha.)
Une voix. Troisième débat !
Mme Michèle Wavre (R). Nous maintenons notre amendement ! Les gens de notre «acabit», Monsieur Ferrazino, sont quelquefois têtus !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. L'article 110 fixe des obligations : toute personne doit, entre autres, être présentée à un médecin. L'article auquel se réfèrent les docteurs est le 107 A qui précise les droits de la personne entendue par la police et les informations dont elle doit disposer. A l'article 107 B, on précise qu'elle peut être examinée, sauf en cas de refus. (Brouhaha.) Mais c'est une obligation que fixe l'article 110 : toute personne est présentée. De sorte qu'en modifiant l'article 110 A on n'est pas en contradiction avec le 107 B... (Brouhaha. ) ...qui prévoit le refus. La modification vise donc l'obligation d'être présenté au médecin et, ipso facto, la possibilité de la refuser, figurant à l'article 107 B, va de soi.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'aimerais dire à M. Ramseyer que l'article 110 A comporte plusieurs alinéas. Le second stipule que si la personne s'oppose à l'examen médical précédant l'interrogatoire, ou à celui proposé par la police, il en est fait mention dans le rapport de police. L'équilibre étant ainsi garanti, on peut voter sans problème.
Le président. Nous passons au vote sur la proposition d'amendement de Mme Wavre et de M. Kunz à l'article 110 A nouveau, alinéa 1, dont la teneur est la suivante :
«1Toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est présentée, à sa demande ou à celle de la police, à un médecin avant son interrogatoire. Lorsqu'elle quitte les locaux de la police, elle est soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical. Est réservé l'article 110.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 110 A (nouveau) est adopté, de même que les articles 111 A (nouveau), 114 A, al. 1 (nouvelle teneur) et 114 B, al. 2 (nouvelle teneur).
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 6957)
LOI
modifiant le code de procédure pénale
(E 3 5)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit:
Art. 37, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenantles al. 3 et 4)
2 La date et l'heure de la signification doivent figurer sur le mandat. Si la personne visée refuse d'apposer sa signature pour en accuser réception, mention en est faite.
Art. 107, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Elle entend et l'auteur présumé de l'infraction et les autres personnes, ces dernières à titre de renseignements.
Art. 107 A (nouveau, l'art. 107 A ancien devenantl'art. 107 B)
Droits de la personne entendue par la police
1 Dans le cadre de ses auditions, la police indique à la personne entendue qu'elle doit se soumettre aux mesures nécessaires au contrôle de son identité. Elle doit porter à sa connaissance sans délai si elle est entendue à titre de renseignements ou d'auteur présumé de l'infraction.
2 Lorsqu'une personne est entendue à titre de renseignements, les articles 46 à 49 sont applicables par analogie.
3 Lorsqu'une personne est entendue comme auteur présumé d'une infraction elle est rendue attentive, sans délai, par la remise d'une copie du présent article dans une langue comprise par elle, à ce:
a)
qu'elle doit, dans les 24 heures au plus, si elle n'est pas relaxée, être mise à la disposition du juge d'instruction et que celui-ci dispose de 24 heures au plus pour l'interroger et la relaxer ou décerner contre elle un mandat d'arrêt;
b)
que, sauf refus de sa part, elle doit être examinée par un médecin avant son interrogatoire et qu'elle peut également être soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical avant de quitter les locaux de la police;
c)
qu'elle peut prendre connaissance des charges dirigées contre elle et des faits qui lui sont reprochés;
d)
qu'elle ne peut être forcée de déposer contre elle-même ou de s'avouer coupable;
e)
qu'elle peut informer de sa détention un proche, un familier ou son employeur, sauf risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête, ainsi que faire prévenir son avocat;
f)
qu'elle peut informer de sa détention son consulat, si elle est étrangère;
g)
qu'elle a le droit d'obtenir la visite d'un avocat et de conférer librement avec lui, dès la fin de son interrogatoire par l'officier de police, mais au plus tard à la première heure ouvrable à l'issue des 24 heures suivant le début de son audition par la police, sauf risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête;
h)
qu'elle peut, si elle ne connaît pas d'avocat, s'en faire désigner un;
i)
qu'elle peut, le cas échéant, faire appel à l'assistance juridique, aux conditions prévues par la loi.
4 Mention est faite de ces communications au rapport de police.
Art. 110 A (nouveau)
Visites médicales àla police
1 Toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est présentée à un médecin avant son interrogatoire. Lorsqu'elle quitte les locaux de la police, elle est soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical. Est réservé l'article 110.
2 Si la personne s'oppose à l'examen médical avant son interrogatoire ou à l'examen médical proposé par la police, mentionne en est faite dans le rapport de police.
3 Tout constat relatif à des allégations de mauvais traitements est joint au rapport de police.
Art. 111 A (nouveau)
Information à des tiers
1 Sauf risque de collusion ou danger de compromettre le cours de l'enquête, toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est autorisée à prendre contact, par téléphone et sous contrôle d'un fonctionnaire de police, avec un proche, un familier ou son employeur, ou de faire informer l'un de ceux-ci. Une personne étrangère peut en outre demander que sa détention soit signalée à son consulat.
2 Les autorisations et les refus d'informer des tiers sont consignés dans les rapports de police. Les refus sont motivés de façon succincte.
Art. 114 A, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Toute personne qui a fait l'objet d'une intervention de la police selon les articles 16 à 22 de la loi sur la police peut se plaindre, par écrit, d'une violation de ces dispositions auprès du procureur général.
Art. 114 B, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Si une disposition des articles 16 à 22 de la loi sur la police a été violée, le procureur général le constate.
PL 7439
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Excusez-moi, Monsieur le président, j'ai levé la main trop vite ! C'était au sujet de l'article 38. J'avais annoncé en commission que je déposerai un amendement. Pour la sérénité des débats, je renonce.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7439)
LOI
modifiant la loi sur la police
(F 1 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur la police, du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit:
CHAPITRE II
Organisation du corps de police(comprenant les art. 6 à 9)
Art. 9 (nouvelle numérotation, ancien art. 11)
CHAPITRE III
Attributions du chef et des officiers de police(comprenant les art. 10 à 15)
Art. 10 à 15 (nouvelle numérotation, anciens art. 12 à 17)
CHAPITRE IV (nouvelle numérotation du chap. III A)
Modes d'intervention (nouvelle teneur,comprenant les art. 16 à 22)
Art. 16 (nouvelle numérotation, ancien art. 17 A)
Art. 17 (nouvelle numérotation, ancien art. 17 B)al. 3 (nouvelle teneur)
3 Lorsqu'elle s'avère nécessaire, la fouille doit être adaptée aux circonstances et être aussi prévenante et décente que possible.
Art. 18 à 20 (nouvelle numérotation, anciens art. 17 Cà 17 E)
Art. 21 (nouveau)
Personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui ou perturbant l'ordre public
Lorsqu'une personne ivre ou droguée cause du scandale sur la voie publique, elle peut être placée dans les locaux de la police sur ordre d'un officier, pour la durée la plus brève possible. Lorsqu'elle présente un danger, pour elle-même ou pour autrui, elle est examinée sans délai par un médecin.
Art. 22 (nouvelle numérotation, ancien art. 17 F)
CHAPITRE V
Rétention policière (nouveau;comprenant les art. 23 à 25)
Art. 23 (nouveau)
Registre des violons
Toute personne placée aux violons est inscrite dans un registre sur lequel figurent les dates et heures d'entrée et de sortie, le motif de la rétention et un inventaire des objets personnels.
Art. 24 (nouveau)
Equipement des cellules
1 Chaque cellule est équipée d'un dispositif d'appel, d'un matelas et de couvertures.
2 Les violons comprennent des installations sanitaires adéquates.
Art. 25 (nouveau)
Interrogatoires et transferts
1 Les interrogatoires ont lieu, en règle générale, dans des salles d'audition aménagées à cet effet.
2 Tout incident lors de l'interrogatoire d'une personne retenue ou durant son transfert doit être consigné dans le rapport de police.
CHAPITRE VI (nouvelle numérotation du chap. IV)
Statut des fonctionnaires de police(comprenant les art. 26 à 43)
Art. 26 à 36 (nouvelle numérotation, anciens art. 18 à 26)
Art. 37 (nouvelle numérotation, ancien art. 26 A)al. 2 (nouvelle teneur)
2 Sauf les cas de crime ou de délit, la suspension pour une durée déterminée sans traitement, la rétrogradation au rôle matricule, la dégradation et la révocation ne peuvent être prononcées sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans qu'il ait été entendu par ce magistrat. Les résultats de l'enquête et la sanction proposée sont communiqués à l'intéressé afin qu'il puisse faire valoir ses observations éventuelles.
Art. 38 (nouveau)
Procédure en cas d'allégations de mauvaistraitements
Une personne choisie par le Conseil d'Etat hors de l'administration est chargée d'examiner les dénonciations, rapports et constats en matière d'allégations de mauvais traitements. Elle procède, le cas échéant, à des enquêtes administratives préalables et donne son avis au chef du département.
Art. 39 (nouvelle numérotation, ancien art. 27)al. 1 et 4 (nouvelle teneur)
Suspension provisoire
1 Dans l'attente du résultat de l'enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'Etat peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement le fonctionnaire de police auquel il est reproché un manquement incompatible avec les devoirs d'un agent assermenté, ou susceptible de nuire à son autorité.
4 A l'issue de l'enquête administrative, il est veillé à ce que l'intéressé ne subisse aucun préjudice pécuniaire réel autre que celui qui découle de la peine.
Art. 40 à 43 (nouvelle numérotation, anciens art. 28 à 30 A)
CHAPITRE VII (nouvelle numérotation du chap. V)
Traitements et autres prestations(comprenant les art. 44 à 53)
Art. 44 à 53 (nouvelle numérotation, anciens art. 30 B à 36)
CHAPITRE VIII (nouvelle numérotation du chap. VI)
Dispositions finales(comprenant les art. 54 à 56)
Art. 54 à 56 (nouvelle numérotation, anciens art. 37 à 40)
CHAPITRE IX (nouvelle numérotation du chap. VII)
Dispositions transitoires concernant les pensionsde retraite et d'invalidité des fonctionnaires non membres de la caisse de prévoyance (CP)(comprenant les art. 57 à 68)
Art. 57 (nouvelles numérotation et teneur, ancien art. 41)
Pension de retraite
Les fonctionnaires de police qui ne sont pas membres de la caisse de prévoyance (CP) ont droit à une pension de retraite annuelle et viagère après vingt-cinq ans de service, sous réserve des dispositions de l'article 36 (révocation), de l'article 63 (cas d'infirmité ou de maladie prolongée) et de l'article 65 (départ involontaire avant les droits à la pension).
Art. 58 (nouvelle numérotation, ancien art. 42)al. 4, lettre d (nouvelle teneur)
d)
Dès le moment où le fonctionnaire retraité a droit à une rente AVS, la pension globale servie par l'Etat en application de l'article 57 et de la lettre b du présent alinéa est réduite du montant de la rente de vieillesse simple acquise en raison des années de services du bénéficiaire.
Art. 59 et 60 (nouvelle numérotation, anciens art. 43 et 44)
Art. 61 (nouvelle numérotation, ancien art. 45)al. 2 (nouvelle teneur)
2 Pour autant qu'il n'y est pas dérogé par le présent article, les règles posées à l'article 60 continuent de régir la situation de la veuve ou des enfants mineurs.
Art. 62 (nouvelles numérotation et teneur, ancien art. 46)
Subrogation de l'Etat aux droits des survivantsRéduction de l'indemnité
1 Dans les cas prévus à l'article 61, l'Etat est subrogé aux droits de la veuve ou des enfants mineurs jusqu'à concurrence de ce qu'il est légalement tenu de leur verser.
2 Si, par suite du décès d'un fonctionnaire de police survenue dans les conditions déterminées par l'article 61, la veuve ou les enfants mineurs reçoivent de ce fait une indemnité autre que la pension versée par l'Etat, cette dernière est réduite d'autant.
Art. 63 (nouvelle numérotation, ancien art. 47)al. 2 (nouvelle teneur)
2 Il reçoit, dans ce cas, en lieu et place de l'indemnité prévue à l'article 65, une retraite proportionnelle à ses années de service, qui est calculée sur le traitement assuré défini par l'article 58, alinéas 1 et 2, majoré de 700 F, à raison de 2% par année de service sans toutefois que le taux de pension puisse dépasser 70%.
Art. 64 et 65 (nouvelle numérotation, anciens art. 48 et 49)
Art. 66 (nouvelles numérotation et teneur, ancien art. 50)
Mariage contracté par un retraité
Si un fonctionnaire de police se marie après sa mise à la retraite, sa veuve n'a pas droit aux prestations mentionnées ci-dessus (art. 60 et 63).
Art. 67 et 68 (nouvelle numérotation, anciens art. 51 et 52)
TABLE DES MATIÈRES
Articles
Chapitre 1: Disposition générales 1-5
Chapitre II: Organisation du corps de police 6-9
Chapitre III: Attributions du chef et des officiers de police 10-15
Chapitre IV: Modes d'intervention 16-22
Chapitre V: Rétention policière 23-25
Chapitre VI: Statut des fonctionnaires de police 26-43
Chapitre VII: Traitements et autres prestations 44-53
Chapitre VIII: Dispositions finales 54-56
Chapitre IX: Dispositions transitoires concernant les pensions
de retraite et d'invalidité des fonctionnaires
non membres de la caisse de prévoyance (CP) 57-68
Lors de sa séance du 18 janvier 1996 la commission judiciaire, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, a examiné le projet de loi déposé le 19 octobre 1994 par le Conseil d'Etat modifiant la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits. Ont assisté à la séance M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports, ainsi que M. Albert Rodrik, directeur de cabinet auprès du département de l'action sociale et de la santé.
Le but du projet de loi est simplement de mettre à jour la liste des attributions du Tribunal administratif et du Tribunal des conflits suite à diverses modifications intervenues dans le domaine des prestations complémentaires à l'AVS dès le 1er janvier 1993 concernant la procédure contentieuse.
M. Albert Rodrik explique que précédemment l'office d'aide aux personnes âgées était régi par l'article 70 de la loi genevoise sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants, puis devint un service de l'Etat entraînant la compétence du Tribunal administratif en matière de contentieux. Lors d'un grand toilettage des prestations intervenu au cours de la dernière législature, il a été décidé, par souci de simplification et de logique, que les prestations complémentaires devaient connaître la même voie de recours que celle instituée par la loi genevoise en matière d'AVS/AI, c'est-à-dire la commission de recours AVS/AI.
Ce projet de loi est en fait la réparation d'une omission qui avait laissé au Tribunal administratif une compétence qu'il n'avait plus pour les raisons sus indiquées.
C'est pourquoi, au bénéfice des explications qui précèdent, la commission judiciaire à l'unanimité vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.
Premier débat
Mme Anne Chevalley (L), rapporteuse. Je vais être très brève, Monsieur le président, ne serait-ce que pour vous faire plaisir ! Ce projet de loi est la mise à jour de la liste des attributions du Tribunal administratif à la suite d'un oubli, lorsque ses nouvelles compétences ont été établies. Je vous invite à l'accepter.
M. Claude Lacour (L). Je l'ai posé à la dernière séance, je ne sais pas si vous l'avez gardé...
Le président. Si vous l'avez sur votre banc, vous pouvez nous l'apporter.
M. Claude Lacour. Je propose le maintien du texte original prévu par le projet de loi, c'est-à-dire l'abrogation de l'article 1, lettre b) et la création d'un article 36 nouveau, tel qu'il figurait dans le projet ancien. Je suis prêt à m'en expliquer.
Mme Anne Chevalley (L), rapporteuse. Ecoutez, Monsieur le président, je ne comprends absolument rien à l'intervention de M. Lacour ! (Rires.) Quel «bobet» ! (Rires.)
Le président. Je crois, Monsieur Lacour, que vous vous êtes trompé de projet de loi. Il me semble que votre amendement concerne le projet 7164-A, alors que nous traitons le 7174-A.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7174)
LOI
modifiant la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits
(E 3,5 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:
Art. 8, al. 1, chiffres 73 et 74 (abrogés)
10. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :
Introduction
Le Conseil d'Etat a déposé le 19 septembre 1994 six projets de loi (PL 7162 à 7167) visant à rationaliser l'administration de la justice civile au travers d'une réorganisation de la Justice de paix et de la Chambre des tutelles et d'une modification de leurs compétences. Ces projets ont été renvoyés à la commission judiciaire le 21 octobre 1994.
Trois d'entre eux ont déjà été votés par le Grand Conseil le 26 janvier 1996 (PL 7162 A, 7163 A, 7167 A).
Les trois derniers qui vous sont présentés ci-après les complètent en instaurant un transfert aux notaires de certaines attributions de la Justice de paix en matière successorale.
Le projet de loi 7164 concerne le dépôt que fait librement le testateur de son vivant pour mettre son testament olographe en sûreté.
Le code civil (art. 505, al. 2) fait obligation aux cantons de désigner une autorité pour recevoir ces actes. A Genève, il s'agit de la Justice de paix (art. 1b LACCS).
Ce projet de loi propose que l'autorité officielle compétente pour recevoir les testaments olographes soit désormais les notaires en remplacement de la Justice de paix, auprès de qui ces actes ne pourraient plus être déposés.
Actuellement, la Justice de paix est tenue d'assurer la garde des testaments olographes, mais chacun est libre de déposer ailleurs son testament si cela lui chante. D'après les statistiques communiquées aux commissaires, la localisation des testaments à Genève se présente comme suit:
- 73,5% des testaments sont chez des notaires genevois;
- 1% chez des notaires d'autres cantons ou pays;
- 3,5% chez des avocats;
- 1,5% auprès des banques, auprès de la CIA et d'autres institutions (deux testaments chez l'AVIVO);
- 4% auprès de la Justice de paix;
- 16,5% ailleurs, en particulier chez le testateur lui-même;
- environ 1 500 testaments sont actuellement en garde à la Justice de paix et 150 en moyenne lui sont remis chaque année à ce titre.
Selon une estimation du président de la Chambre des notaires, un total d'environ 20 000 à 25 000 testaments serait actuellement en garde chez des notaires genevois.
Le second objet du projet de loi 7164 est l'allégement du travail de la Justice de paix dans l'établissement des certificats d'héritiers.
Le projet de loi 7165 concerne le dépôt du testament au décès du testateur par ceux qui détiennent ou retrouvent ses dernières volontés, afin que l'autorité procède à l'ouverture du testament, puis à la communication aux ayants droit.
Le code civil (art. 556, al. 1) fait obligation à quiconque qui détient un testament de le remettre sans délai à l'autorité lorsque le décès survient, pour permettre à cette dernière de prendre les mesures de sûreté prévues par la loi pour assurer la dévolution de l'hérédité (art. 551 et suivants du code civil). A Genève, l'autorité en question est la Justice de paix (art. 1, lettre e, LACCS).
Ce projet de loi a pour objet de transférer de la Justice de paix aux notaires la compétence de recevoir les testaments après décès et de permettre à ces derniers de procéder eux-mêmes sous le contrôle du juge de paix à certaines mesures en rapport avec la dévolution de l'hérédité, soit l'avis de l'exécuteur testamentaire (art. 517 du code civil), l'ouverture du testament (art. 557 du code civil) et la communication aux ayants droit (art. 558 du code civil).
Chaque année environ 3 500 décès sont annoncés à la Justice de paix et environ 1 000 testaments lui sont déposés après décès. On constate donc qu'il existe un testament dans environ un tiers des successions. La Justice de paix ne procède à l'ouverture proprement dite des testaments que si ces derniers lui sont remis sous pli fermé et envoie chaque année plus de 5 000 notifications recommandées aux ayants droit et exécuteurs testamentaires.
Le projet de loi 7166 concerne l'intervention de la Justice de paix dans l'établissement des inventaires fiscaux après décès.
L'inventaire fiscal, qui permet au fisc de déterminer la valeur d'une succession, est à distinguer de l'inventaire conservatoire, qui sert à garantir aux ayants droit la conservation de l'hérédité, et du bénéfice d'inventaire, qui permet à un héritier de connaître l'état d'une succession avant de l'accepter ou de la répudier.
Dans sa teneur actuelle, la loi sur les droits de succession prévoit que l'administration de l'enregistrement et du timbre fait procéder à l'inventaire fiscal de la succession par un juge de paix ou un notaire commis par ce dernier (art. 46, al. 6). Dans les faits, les juges de paix se font souvent suppléer par un notaire lorsque le fisc leur demande de procéder à ce type d'inventaire. Les notaires établissent chaque année entre 500 et 1 000 inventaires fiscaux en qualité de suppléant du juge de paix et entre 250 et 350 sur commission de la Justice de paix.
Actuellement, lorsque l'importance d'une succession lui paraît justifier l'établissement d'un inventaire fiscal, l'administration fiscale convoque les héritiers et le représentant de la Justice de paix (juge de paix ou notaire) pour remplir le formulaire d'inventaire.
Le projet de loi vise à officialiser l'intervention du fisc en chargeant ses représentants de l'établissement des inventaires fiscaux. Le projet conserve à l'administration fiscale et offre aux héritiers la possibilité de demander la commission d'un notaire, qui fonctionnera comme tiers neutre dans les cas compliqués ou s'il n'y a pas d'accord entre les héritiers. L'intervention du juge de paix est donc réduite à la commission d'un notaire.
Travaux de la commission
La commission judiciaire a examiné les projets de loi 7164, 7165 et 7166 lors de ses séances des 28 septembre, 16, 23 et 30 novembre, 7 et 21 décembre 1995 et 11 janvier 1996, d'abord sous la présidence de Mme Maria Roth-Bernasconi, puis, dès le 16 novembre, sous celle de M. Bernard Lescaze.
La commission a été assistée par MM. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, président du département de justice et police et des transports, et Bernard Duport, secrétaire adjoint dudit département, ainsi que par Mme Yvette Daoudi Beuchat et M. Bernard Glassey, respectivement présidente et greffier de la Justice de paix et Chambre des tutelles, en qualité d'experts. Qu'ils soient remerciés de leur concours.
La commission a procédé le 28 septembre 1995 à l'audition des représentants du groupement des établissements de crédit de la place de Genève et à celle de Me Jean-Rodolphe Christ, président de la Chambre des notaires.
Les représentants des établissements de crédit se sont déclarés en faveur du maintien des compétences de la Justice de paix dans les domaines abordés par ces trois projets de loi. Selon eux, le juge de paix a un rôle de médiateur facilement accessible aux justiciables, quel que soit le rang social de celui-ci, et il est le dernier échelon permettant un contrôle impartial indépendant des dispositions testamentaires de la succession.
Confier ces compétences en matière successorale aux notaires risquerait d'entraîner des conflits d'intérêts et consacrerait l'abandon du rôle d'arbitre de juge de paix. Les représentants des établissements de crédit ont encore relevé une omission dans le projet de loi 7165, la modification de l'article 39 LACCS, qui prescrit que les testaments découverts après le décès du testateur sont remis au juge de paix, n'ayant pas été prévue.
Me Christ a précisé que la Chambre des notaires n'était pas demanderesse dans le cadre de ces projets de loi, auxquels elle avait accepté de collaborer à la demande de la Justice de paix. Les domaines abordés sont déjà en partie de la compétence des notaires et en cas d'acceptation des projets, les travaux seront effectués au même tarif que ceux de la Justice de paix. S'agissant du projet de loi 7164, l'avantage de la remise en garde auprès d'un notaire des testaments avant décès est que cet officier public contrôle le testament tant formellement que matériellement, ce qui évite de futurs litiges. Les notaires refusent les dépôts de testaments qu'ils n'ont pas vérifiés.
La remise en garde d'un testament auprès d'un notaire ne coûte rien, sauf si le notaire est appelé à le rédiger, auquel cas le tarif est de 100 F à 200 F. Actuellement, entre 20 000 et 25 000 testaments sont en dépôt chez le notaire contre 1 500 auprès de la Justice de paix. S'agissant de l'établissement des certificats d'héritiers, Me Christ a indiqué qu'actuellement la Justice de paix délivrait des certificats d'héritiers sur la base d'actes d'état civil, ce qui était facile lorsqu'il s'agissait de personnes d'origine suisse, puisque l'Etat civil de notre pays est remarquablement bien tenu.
En revanche, dans le cas de personnes de nationalité étrangère, on est souvent obligé de demander au notaire un acte de notoriété, qui est dressé à l'aide de deux témoins assermentés. Le nombre de certificats délivrés par la Justice de paix est minime en comparaison des actes de notoriété délivrés par les notaires. En cas d'acceptation du projet de loi, les notaires prépareront les certificats d'héritiers et la Justice de paix n'aura plus qu'à les avaliser, ce qui la déchargera d'un travail important. Au niveau du coût, la modification sera sans conséquence pour le justiciable, car les tarifs de la Justice de paix et des notaires sont équivalents.
Au sujet du projet de loi 7165, Me Christ a indiqué que le dépôt des testaments après décès auprès de la Justice de paix impliquait pour cette dernière un processus complexe d'analyse et de communication aux héritiers représentant un travail considérable. En cas d'acceptation du projet, ce travail sera effectué par les notaires au même coût. Il n'y aura pas de conflit d'intérêts, car le travail des notaires sera exécuté sous la surveillance de la Justice de paix.
S'agissant du projet de loi 7166, Me Christ a relevé que le fisc savait que les notaires encourageaient les héritiers à déclarer spontanément lors de l'inventaire fiscal tous les biens dont ils avaient connaissance, car les notaires, officiers publics, ne peuvent faire un inventaire notarié où ne figurent pas des biens dont ils ont connaissance. L'acceptation du projet de loi aura pour conséquence de décharger la Justice de paix, ainsi que les notaires.
I. Transfert aux notaires des compétences de la Justice de paix en matière d'établissement des attestations d'héritiers dans les successions ab intestat et de garde des testaments olographes (PL 7164)
a) Remise en garde du testament du vivant du testateur
Dans leur majorité, les commissaires se sont déclarés opposés à la suppression de la faculté de déposer un testament à la Justice de paix. Ils ont relevé qu'il s'agissait là d'une question de principe et que des motifs d'économie ne suffisaient pas à eux seuls à justifier la suppression de ce service public minimal pour les citoyens, de longue tradition à Genève. Il a également été relevé que cette prestation n'était pas gratuite, puisqu'un émolument de 100 F était réclamé au décès du testateur, ce qui, à raison de 150 testaments déposés chaque année à la Justice de paix représentait une recette non négligeable comparé au travail effectué. Dans un domaine aussi important que celui des successions, il conviendrait, le cas échéant, de doter la Justice de paix d'un juge supplémentaire plutôt que de lui permettre de se décharger sur les notaires.
Les commissaires ont encore relevé une différence entre le système actuel et celui proposé par le projet de loi:
La Justice de paix n'a pas l'obligation de vérifier la validité des testaments déposés auprès d'elle, alors que les notaires ont indiqué qu'ils n'accepteraient pas de prendre en garde des testaments, sans avoir au préalable vérifié leur validité.
Une minorité de commissaires a appuyé cette réforme, relevant qu'on se trouvait ici face à une tâche assumée concurremment par la Justice de paix et les notaires, et qu'on pouvait parfaitement transférer entièrement à ces derniers pour permettre au juge de se consacrer à des tâches plus importantes, conformément à l'intérêt général.
L'abrogation de l'article 1, lettre b, LACCS a été refusée par 6 voix (3 AdG, 1 Ve, 2 S) contre 4 (4 L) et 3 abstentions (2 R, 1 DC).
La Justice de paix restant l'autorité compétente pour le dépôt facultatif des testaments olographes, il était logique de refuser l'article 36 nouveau du projet de loi, qui attribuait cette compétence au notaire.
L'article 36 nouveau du projet de loi a été refusé, par 4 voix (2 L, 2 R) et 6 abstentions (2 L, 1 Ve, 1 S, 2 AdG).
b) Etablissement des attestations d'héritiers
Dans sa teneur actuelle, l'article 35 oblige la Justice de paix à délivrer les certificats d'héritiers qui lui sont demandés dans le cadre des successions ab intestat, ce qui lui prend un temps considérable au détriment de l'accomplissement de ses tâches principales en matière de protection des enfants et des adultes. Le département a soumis à la commission un amendement remaniant le texte de la nouvelle teneur de l'article 35.
Le nouvel alinéa 1 permettra à la Justice de paix de se décharger sur les notaires de l'établissement des certificats d'héritiers dans les successions ab intestat. Le nouvel alinéa 2 maintient l'intervention de la Justice de paix pour la délivrance des certificats d'héritiers dans les successions ab intestat, obligatoire en vertu du code civil, mais elle la simplifie en prévoyant une intervention préalable du notaire.
Le nouvel article 35 proposé a été accueilli favorablement par la commission, qui a cependant tenu à préciser à l'alinéa 2 que le délai d'opposition était le délai d'opposition au testament.
Cette proposition d'amendement, de même que l'article 35 dans son ensemble, ont été votés par la commission à l'unanimité, soit 8 voix pour (2 AdG, 2 R, 4 L) et 2 abstentions (1 S, 1 E).
La commission judiciaire vous recommande, par 6 voix (4 L, 2 R) contre 1 (1 AdG) et 3 abstentions (1 AdG, 1 S, 1 Ve), d'accepter le projet de loi 7164 ainsi modifié.
II. Transfert aux notaires des compétences de la Justice de paix en matière de mesures de sûreté relatives au dépôt et à la communication des testaments (PL 7165)
Mme Daoudi Beuchat a rappelé aux commissaires qu'à teneur de l'article 39, de la loi d'application du code civil, tous les testaments découverts après décès devaient être remis au juge de paix, à charge pour ce dernier de procéder, le cas échéant, à leur ouverture, ainsi qu'aux mesures propres à assurer la dévolution de l'hérédité.
Ces tâches occasionnaient pour la juridiction plus de 5 000 notifications par année, dont elle souhaitait être déchargée.
Après avoir rappelé qu'ils avaient décidé de conserver la faculté pour les administrés de remettre en garde leur testament de leur vivant à la Justice de paix, les commissaires ont estimé que pour les mêmes raisons de principe et d'ordre public, l'obligation de déposer auprès du juge de paix les testaments découverts après décès devait subsister.
En revanche, les commissaires ont admis qu'obligation soit faite aux notaires d'informer eux-mêmes les héritiers institués dans les testaments déposés auprès d'eux, ce qui soulagera la Justice de paix des trois quarts de son travail de communication, à charge pour elle de surveiller les communications faites par les notaires.
Les commissaires ont donc décidé à l'unanimité la suppression des articles 497 a) et 497 b) LPC proposés dans le projet de loi et ont demandé au département de prévoir des amendements à l'article 39 LACCS.
L'article 39 LACCS ainsi amendé a été accepté à l'unanimité (1 Ve, 2 S, 2 R, 1 DC et 3 L), moins deux abstentions (1 AdG, 1 L).
La commission judiciaire vous recommande d'accepter le projet de loi 7165 ainsi modifié.
III. Modification de la procédure en matière d'inventaires fiscaux (PL 7166)
Mme Daoudi Beuchat a confirmé aux commissaires que, dans les faits, les juges de paix étaient suppléés par des notaires lors de l'établissement des inventaires fiscaux.
Les commissaires se sont demandé pourquoi l'administration fiscale n'avait pas la possibilité de commettre elle-même un notaire. La raison en est qu'il est toujours délicat que revienne à un service administratif - dans l'intérêt duquel un service est demandé - la charge de nommer la personne destinée à rendre ce service, car il devient alors en quelque sorte juge et partie. De plus, une telle faculté offerte au fisc aurait pour conséquence, dans certains cas, d'imposer aux héritiers un notaire dont ils ne veulent pas.
Entendus par la commission, Mme Catherine Neuenschwander, sous-directrice à la direction de l'enregistrement des successions et des impôts fonciers, et M. Michel Devillard, contrôleur dans la même division, ont précisé aux commissaires que, lors de l'établissement d'un inventaire fiscal, les parties en présence étaient le fisc et les héritiers, le juge de paix ou le notaire n'étant pas partie, mais un élément conciliateur, un arbitre.
Les représentants du fisc ont insisté pour que la loi réserve les mêmes droits à l'administration et au contribuable, tout en confirmant qu'ils ne s'opposaient jamais à ce que le notaire désigné par la Justice de paix soit celui pressenti par les héritiers. Ils ont aussi insisté pour que leur administration garde la possibilité de demander à la Justice de paix la désignation d'un notaire.
L'administration fiscale a proposé un amendement concernant l'alinéa 6, qui tient compte des observations faites par les commissaires quant au mauvais découpage des alinéas 6 et 7. Par rapport au projet de loi, l'amendement précise encore qu'il est procédé à l'inventaire de la succession, non pas dans les 8 jours, mais dans les 2 semaines qui suivent le décès, conformément aux exigences du droit fédéral.
L'alinéa 6 ainsi amendé a été accepté à l'unanimité (11 voix pour, 1 abstention).
Les commissaires ont également souhaité changer la fin de l'alinéa 7, qui prévoit qu'en cas d'absence de tous les héritiers et à défaut d'un représentant légal ou d'un mandataire régulièrement constitué, le fisc prend toute disposition pour faire procéder à l'inventaire. Les commissaires ont estimé que cette formulation ne protégeait que l'administration fiscale et qu'il convenait de protéger également les héritiers, même pour le cas où ils ne sont pas connus.
A cet effet, les commissaires ont modifié la fin de l'alinéa 7, en remplaçant les termes «prend toutes dispositions pour faire procéder à l'inventaire» par «fait procéder à l'inventaire en demandant à la Justice de paix de commettre un notaire à cette fin».
Pour dissiper toute ambiguïté, les commissaires ont encore décidé de remplacer la mention «en cas d'absence de tous les héritiers» par «en cas d'absence de tout héritier» et de compléter l'alinéa 7 par la mention que lorsque les héritiers sont connus, l'administration fiscale procède au préalable à une nouvelle convocation.
L'alinéa 7 dans cette teneur a été adopté à l'unanimité, de même que l'alinéa 11 (8 voix pour, 5 abstentions), l'alinéa 13, l'alinéa 14 (2 abstentions) et l'alinéa 15.
La commission judiciaire vous recommande à l'unanimité, moins 1 abstention (AdG), d'accepter le projet de loi 7166 ainsi amendé.
PL 7164-A
Premier débat
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur. Je signalerai tout d'abord à notre cher collègue Lacour que son amendement se rapporte à ces projets de lois-là ! Evidemment, s'il n'a pas le texte, il ne va pas nous faciliter la vie ! Sans vouloir vous ennuyer avec une matière fort technique, même si la technique n'échappe pas aux excellents députés et députées, je préciserai que ces projets visent à simplifier et à décharger la Justice de paix d'un certain nombre de tâches en transférant aux notaires - que vous connaissez bien, Monsieur le président - des activités qui lui étaient dévolues.
Il s'agit d'un deuxième train de projets de lois, qui suit le premier voté lors de nos séances de fin décembre, sauf erreur. Je vous invite à les voter. Ils ont donné lieu en commission à un débat très technique, auquel - je l'espère - nous échapperons en plénière, nonobstant les amendements de M. Lacour, que je me réjouis déjà d'entendre !
Ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur. Pour la bonne compré-hension du Mémorial et nos arrière-arrière-petits-enfants, j'aimerais juste mentionner - afin qu'un érudit juriste dans deux siècles ne les recherche pas - que M. Lacour semble avoir renoncé à ses amendements !
Article 1 (souligné)
M. Claude Lacour (L). Je ne renonce pas du tout à mon amendement que j'ai déposé, et qui est d'une telle simplicité, que même mon honorable confrère pourra le comprendre ! (Rires.) Dans le texte original de la proposition de loi 7164 relatif au dépôt des testaments, il était prévu et demandé par la Justice de paix qu'elle soit déchargée de recevoir et de garder les testaments déposés volontairement auprès d'elle.
Permettez-moi un bref résumé de la situation actuelle. Une fois le testament rédigé, il faut bien en faire quelque chose en attendant de mourir ! Généralement, il est déposé auprès d'une personne de confiance ou à domicile, dans un tiroir, en espérant qu'il soit retrouvé au décès. Si vous n'avez confiance en personne, le code civil vient à votre secours, en donnant aux cantons la responsabilité de transmettre l'acte, ouvert ou clos, à l'autorité chargée d'en recevoir le dépôt. A Genève, cette autorité est la Justice de paix.
On pourrait en conclure que la majorité des testaments sont déposés à la Justice de paix, mais tel n'est pas le cas. Seuls 4% le sont, soit cent cinquante testaments par an. Dans la pratique, 75% sont déposés auprès de notaires, 16,5% auprès de particuliers, parents, amis ou à domicile, 3,5% auprès d'avocats, 1,5% dans les banques. Maintenir un service à la Chambre des tutelles, à la Justice de paix, pour recevoir cent cinquante testaments par an, semble un travail bien inutile. La Justice de paix, elle-même, est de cet avis. L'administration des remises de testaments, l'établissement d'un procès-verbal transmis au testateur et la mise à jour représentent un important travail quotidien, que le projet de loi permettrait de consacrer à d'autres tâches prioritaires au regard de l'intérêt public. En effet, la Justice de paix doit procéder à la nomination et à la surveillance de plus de cinq mille tutelles et curatelles, avec des procédures longues et difficiles. Elle doit examiner des problèmes de couples concernant le droit de visite, ainsi que des décisions d'enquêtes sur toutes sortes de mesures protectrices de l'union conjugale.
J'ajoute encore les arguments suivants : si le testament est déposé ouvert, la Justice de paix ne regarde que la forme. Mais s'il est déposé chez un notaire, ce dernier regarde et la forme et le fond, ce qui évite - et le cas est fréquent - le dépôt d'un testament nul et inutilisable. La Justice de paix ne donne pas de conseils, alors que les notaires, eux, en donnent, et les coûts sont exactement les mêmes, puisqu'ils se sont engagés à pratiquer ceux de la Justice de paix. Pour la sécurité, la Justice de paix n'a qu'un fichier cantonal des testaments, non informatisé, alors que les notaires ont un registre cantonal obligatoire et informatisé, ainsi qu'un registre de la Fédération suisse des notaires, informatisé lui aussi, ce qui permet des comparaisons intercantonales. Le système proposé par la Justice de paix, elle-même, a été adopté par six cantons, dont Zurich et Bâle-Ville.
L'adoption de cet article 36 du projet de loi permettra de décharger la Justice de paix d'un travail administratif ne concernant que les volontés de privés et n'ayant aucun caractère réel d'ordre public. Elle évitera de maintenir un service cher et pratiquement inutilisé. Ça ne coûtera pas plus à la collectivité et aux privés, car les notaires se partagent déjà ce surcroît de travail, qui passera de 75 à 79%. Les prestations s'en trouveront améliorées. Je vous demande donc de rétablir et de voter l'article 36 du projet de loi 7164.
Le président. Monsieur le député, s'agissant de l'abrogation de l'article 1, lettre b), êtes-vous d'accord de déposer un nouveau projet de loi, puisque cette abrogation a été omise dans l'examen de la commission ?
M. Claude Lacour. Si l'on adopte l'article 36, il va de soi que l'article 1, lettre b) doit être abrogé.
Le président. Mais on ne peut pas amender un article qui ne fait pas l'objet de la discussion !
Une voix. Si, on peut tout faire !
Le président. Monsieur le député, vous parlez de l'article 36...
M. Claude Lacour. ...du projet de loi.
Le président. Exclusivement ?
M. Claude Lacour. Qui implique simultanément, si son adoption est admise, de remettre l'article qui prévoyait l'abrogation de l'article 1, lettre b).
Le président. Donc vous intervenez deux fois : à l'article 1 pour proposer l'abrogation, et à l'article 36, pour le réintroduire ?
M. Claude Lacour. C'est la raison pour laquelle je l'ai fait maintenant, mais c'est un tout.
Le président. Mais nous voterons en deux fois.
M. Bernard Lescaze (R). Cette discussion doit vous paraître quelque peu obscure. Pourtant, elle a toute son importance et a retenu l'attention de la commission judiciaire. M. Lacour essaie de revenir au projet original, présenté par Mme Daoudi-Beuchat au nom de la Justice de paix, qui a été longuement analysé par la commission judiciaire et par des personnalités de tous les partis, de l'Alliance de gauche, en tout cas, au parti radical.
Je ne me souvenais pas qu'il y avait eu en commission une telle opposition libérale. C'est dire avec un euphémisme qu'alors il n'y avait pas eu d'opposition à ce sujet.
Il est important que ces projets de lois facilitent le travail de la Justice de paix, soit, mais il ne faut pas prétendre que garder 4% des testaments, soit cent cinquante testaments dans un lieu fermé, ouverts au bout de quelques années, donne du travail à la Justice de paix. Tout cela n'est qu'un prétexte.
Je désire rappeler que, pour la privatisation d'une partie du travail de la Justice de paix et son transfert au notaire, la Chambre des notaires a très clairement dit qu'elle n'était pas demanderesse, et que, au contraire, il s'agissait d'une surcharge de travail. Et, n'étant pas demanderesse, elle nous a clairement fait savoir qu'elle imposait une cautèle, soit qu'elle n'accepterait plus le dépôt de testaments olographes fermés et qu'elle voulait contrôler leur validité au plan du droit.
Alors, j'en viens à la question de principe. En réalité, par ce biais, on introduirait un contrôle préalable des testaments olographes au-delà des dispositions légales du code civil. Alors, je suis consterné d'entendre un député libéral nous proposer, d'une part, une limitation sur le plan de la liberté individuelle, et, d'autre part, sur le plan historique.
Dans le projet du code civil d'Eugène Huber, le testament olographe avait été supprimé. Il n'existait plus conformément à la tradition du droit germanique, et, précisément, au Conseil des Etats de l'époque, Adrien Lachenal, ancien conseiller fédéral, avait plaidé avec succès devant les chambres pour le maintien de cette tradition genevoise du testament olographe que l'on ne contrôlait pas. Finalement, les testateurs n'ont qu'à prendre conseil librement, pour s'assurer de la pleine validité de leur testament. Il a plaidé avec succès. Eugène Huber n'y croyait pas, et on constate aujourd'hui que cette manière de faire un testament est une forme tout à fait populaire.
D'autre part, et c'est une question de principe, la façon dont une partie des juges de paix veut se décharger de cette tâche avec ce projet de loi est anormale. A mon avis, c'est à bon droit que la commission judiciaire a établi le projet qui vous est présenté, et je vous demande de refuser les deux petits amendements juridiques : soit l'abrogation d'un article et la réintroduction d'un autre, proposés par M. Lacour, car, en réalité, il touche un principe très important.
M. Christian Grobet (AdG). Tout d'abord, je remercie notre président de porter sa casquette d'historien et de rappeler non seulement l'origine du maintien du testament olographe dans notre code civil mais le fait aussi que la possibilité de déposer un testament à la Justice de paix constitue une très ancienne tradition genevoise. Même si le nombre de personnes qui recourent à cette possibilité n'est pas considérable, il n'y a pas lieu de supprimer cette tradition.
J'ajoute que les députés, membres de l'Alliance de gauche, réticents à toute privatisation de la justice qui est, par essence, un service public, ont admis, dans le cadre de l'ensemble des projets de lois déposés en relation avec le fonctionnement de la Justice de paix, que certaines tâches soient confiées aux notaires. Mais nous avons conclu au sein de la commission qu'il fallait laisser la possibilité de déposer son testament à la Justice de paix.
Si le dépôt de ce testament auprès de la Justice de paix devait représenter une charge administrative, il serait toujours possible, au moment du dépôt du testament, de réclamer une somme au citoyen. Nous l'avons souligné, mais le Conseil d'Etat est libre de fixer un tel émolument qui couvrirait, en quelque sorte, les frais de gardiennage.
Par voie de conséquence, l'élément économique à l'origine de toute cette affaire n'existe pas si l'on applique le régime de la participation aux frais de gardiennage. Enfin, je désire souligner qu'un certain nombre de citoyens, qu'on le veuille ou non, outre le fait qu'ils ont le désir de rédiger un testament olographe, ne souhaitent pas s'adresser à un notaire. C'est leur droit de pouvoir déposer leur testament en un lieu public. On peut certainement l'avoir chez soi, mais l'avantage d'être déposé à la Justice de paix est la sécurité de le retrouver au moment du décès.
J'estime qu'il s'agit d'un droit fondamental, soit de pouvoir déposer son testament auprès d'une autorité et de n'être pas obligé de le confier à un notaire privé. Sans entrer dans l'anecdote, en ce qui concerne une affaire personnelle que je traite au sujet d'un testament déposé chez un notaire, une dispute a éclaté entre deux notaires pour savoir qui doit finalement s'en occuper.
Les craintes que j'avais exprimées en commission se concrétisent par des cas réels. Je ne dis pas qu'ils soient insolubles, mais on peut comprendre les motifs pour lesquels une personne veut déposer son testament à la Justice de paix. Je vous recommande de suivre la décision de la majorité.
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur. Pour ne pas en rajouter après ce que mes préopinants ont pu dire, le vote de la commission sur cette affaire des testaments remis au notaire, respectivement à la Justice de paix, a fait l'objet d'une forme de compromis en commission.
La commission judiciaire du Grand Conseil a voulu maintenir la faculté donnée aux administrés de déposer des testaments, le cas échéant, fermés sous forme olographe en main de la Justice de paix. Il nous est apparu que cela ne représentait pas une surcharge de travail énorme, que, par ailleurs, nous avions déchargé la Justice de paix d'un certain nombre de tâches et qu'elle pouvait conserver celle-là.
En effet, garder cent cinquante testaments par an n'est pas un exercice très difficile. Les testaments ne vont pas s'échapper. Ils ne partiront pas aux quatre coins du monde. Il s'agit de quelques enveloppes dans une armoire, et, par voie de conséquence, il faut maintenir cette possibilité à laquelle il semble que nos concitoyens sont attachés.
Je ne crois pas qu'il soit bon d'instituer l'obligation pour ceux qui souhaitent déposer un testament de le faire en les mains des seuls notaires, même si les notaires exécutent très bien cette tâche.
Je vous demanderai de bien vouloir voter le projet tel qu'il ressort des travaux de la commission, et de ne pas entrer en matière sur l'amendement de M. Lacour.
M. Claude Lacour (L). Je désire rectifier quelques inexactitudes. Bien sûr, le fait de conserver des testaments n'est pas une tâche insurmontable pour la justice, mais elle est inutile. Le fait n'est pas d'avoir une armoire pour déposer des testaments, mais, comme je vous l'ai expliqué, il faut qu'un fonctionnaire fasse un procès-verbal de réception, qu'un système de gardiennage soit permanent et, pour chaque décès, retrouver et sortir ces testaments au moment voulu. Cela représente tout de même un grand travail totalement inutile.
Vous avez dit que les notaires n'en veulent pas. Bien entendu qu'ils n'en veulent pas, car c'est un travail supplémentaire. Mais, par esprit civique, ils sont d'accord de le faire. (Rires.) Ils sont d'accord de prendre cette tâche pour décharger l'administration. Cela ne leur rapportera rien. Il le font de bon gré, sans en avoir vraiment envie.
On ne remet pas en question la forme du testament olographe, car il s'agit d'un monument de notre droit. Par conséquent, si quelqu'un fait un testament olographe et veut le remettre ouvert - si on le remet ouvert, cela permet simplement de vérifier s'il est valable et bien fait, je ne pense pas qu'il existe dans cette République quelqu'un qui tienne à déposer un testament nul par avance - il sera très heureux de savoir qu'on peut corriger une éventuelle erreur.
Par contre, s'il est sûr de son texte - et ce n'est pas difficile de l'être - et qu'il ne veut pas divulguer le contenu il fera un testament fermé et le donnera à quelqu'un d'autre : à un ami ou à une banque, à un avocat, comme cela se fait couramment.
M. Bernard Lescaze (R). Comme Me Lacour a l'air d'insister très lourdement, nous allons lui rappeler que le droit élémentaire du citoyen est de pouvoir confier son testament olographe à une institution publique qui l'accepte.
Bien entendu, il peut le laisser sur le coin d'un secrétaire. Et je rappellerai à cet homme de culture qu'est Me Lacour qu'il existe une superbe gravure de Greuze où l'on voit un mourant sur son lit qui se dresse en disant à un héritier en train de farfouiller pour déchirer le testament paternel : «Malheureux, respecte les dernières volontés de ton père !».
C'est ce que nous ne voulons pas, Monsieur Lacour, et c'est pour cela que nous faisons confiance aux greffes de la Justice de paix pour conserver ces testaments olographes. (Applaudissements.)
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Lacour qui consiste à supprimer la lettre b) de l'article 1 de la loi d'application du code civil et du code des obligations :
1. «Article 1, lettre b, (abrogée)»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Je mets aux voix le deuxième amendement de M. Lacour, dont la teneur est la suivante :
2. «Art. 36 (nouveau) le dépôt facultatif du testament olographe (art. 505 du CCS) s'opère en main d'un notaire.»
(Remarque : 1 et 2 sont liés)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 35 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7164)
LOI
modifiant la loi d'application du code civil et du code des obligations
(E 1 1)
(Transfert aux notaires des compétences de la Justice de paix en matière d'établissement des attestations d'héritier dans les successions ab intestat)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application du code civil et du code des obligations, du 7 mai 1981, est modifiée comme suit:
Art. 35 (nouvelle teneur)
Certificat d'héritier
1 Dans les successions ab intestat, la qualité d'héritier est attestée par un certificat d'héritier dressé par le notaire, soi sur la base des actes d'état civil pertinents, soit sous forme d'un acte signé par au moins deux témoins majeurs ayant connu le de cujus et ne tombant pas, par rapport à ce dernier, sous le coup d'une incompatibilité prévue à l'article 503 du code civil.
2 En cas d'existence de dispositions pour cause de mort, la qualité d'héritier est attestée, dans le cadre de l'article 559 du code civil, par un certificat d'héritier dressé par la Justice de paix sur la base d'une expédition d'un certificat d'héritier établi selon les modalités prévues à l'alinéa 1, complété par la mention des dispositions pour cause de mort et de l'attestation que le délai d'opposition au testament est échu.
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
PL 7165-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7165)
LOI
modifiant la loi d'application du code civil et du code des obligations
(E 1 1)
(Transfert partiel aux notaires des compétences de la Justice de paix relatives à la communication des testaments)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application du code civil et du code des obligations, du 7 mai 1981, est modifiée comme suit:
Art. 39 (nouvelle teneur)
Ouverture des testaments
1 Tout testament découvert lors du décès est remis sans délai au juge de paix qui procède à son ouverture (art. 557 du code civil); lorsque le testament est public, le notaire qui en a la minute en remet une expédition au juge de paix (art. 556, al. 2, du code civil).
2 Le juge de paix avise l'exécuteur testamentaire (art. 517, al. 2, du code civil), ordonne l'envoi en possession provisoire ou l'administration d'office (art. 556, al. 3, du code civil), procède à la communication aux ayants droit (art. 558 du code civil) et, sur requête, à l'établissement du certificat d'hérédité (art. 559 du code civil).
3 Le notaire procède lui-même aux communications prévues aux articles 517, alinéa 2, et 558 du code civil, pour les testaments déposés en ses mains; il remet au juge de paix une attestation des notifications faites.
4 Le Juge de paix enregistre les renonciations aux mandats d'exécuteur testamentaire et les oppositions aux testaments.
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
PL 7166-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7166)
LOI
modifiant la loi sur les droits de succession
(D 3 5,5)
(modification de la procédure en matière d'inventaires fiscaux)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les droits de succession, du 26 novembre 1960, est modifiée comme suit:
Art. 46, al. 6, 7, 11, 13, 14 et 15 (nouvelle teneur)
Procédure
6 Dans les deux semaines qui suivent le décès, l'administration de l'enregistrement et du timbre procède à l'inventaire de la succession ou y fait procéder en demandant à la Justice de paix de commettre un notaire à cette fin. Cette administration peut prolonger ce délai. Ces dispositions s'appliquent également aux successions de personnes domiciliées dans le canton de Genève mais dont le décès est survenu hors du canton. Les héritiers connus et domiciliés dans le canton de Genève sont convoqués par lettre au moins 48 heures à l'avance. La convocation précise que les héritiers ont le droit de se faire assister par un mandataire professionnellement qualité ou de demander à la Justice de paix la commission d'un notaire à des fins d'inventaire.
7 En cas d'absence de tout héritier et à défaut d'un représentant ou d'un mandataire régulièrement constitué, l'administration de l'enregistrement et du timbre fait procéder à l'inventaire, en demandant à la Justice de paix de commettre un notaire à cette fin. Lorsque les héritiers sont connus, l'administration fiscale procède au préalable à une nouvelle convocation.
11 Le fonctionnaire délégué du département ou le notaire procède conformément aux articles 494 à 497 de la loi de procédure civile et consigne toutes observations faites par les héritiers ou l'Etat.
13 L'inventaire est signé par les personnes ayant assisté à l'opération, le notaire et le fonctionnaire délégué de l'administration de l'enregistrement et du timbre. Les héritiers doivent déclarer, avant la signature, que l'inventaire est sincère, exact et complet. La signature de l'inventaire officiel par les héritiers n'emporte pas pour eux acceptation de la succession.
14 L'inventaire dressé par le fonctionnaire délégué du département est conservé à l'administration de l'enregistrement et du timbre. Une expédition timbrée de l'inventaire dressé par le notaire est remise à l'administration de l'enregistrement et du timbre, si celle-ci le demande.
15 Les frais, débours, émoluments et vacations, soit pour les inventaires dressés par le fonctionnaire délégué du département, soit pour les inventaires dressés par le notaire, sont supportés par les héritiers.
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Le projet de loi cité en titre est une proposition du Conseil d'Etat déposée le 3 mai 1995 et renvoyée par le Grand Conseil à la commission judiciaire.
La commission l'a étudié en date du 8 février 1996, sous la présidence de notre collègue Bernard Lescaze, en présence de M. Nicolas Bolle, secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports.
Ce projet a pour objet de permettre le prélèvement d'un émolument en cas de rejet d'un recours dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale.
En l'état actuel, la loi ne permet pas de prélever des émoluments en cas de rejet d'un recours dans ce domaine. Les recours sont nombreux et l'exposé des motifs précise: «Les personnes physiques et morales recourantes sont fréquemment étrangères au canton et il s'agit souvent de plaideurs parfaitement à même de supporter financièrement les conséquences d'une démarche qui s'avérerait infondée.»
Le Conseil d'Etat complétera l'article 10 du règlement fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale, au cas où le projet serait accepté.
Le dépôt de ce projet a suscité une réaction de la part de l'Ordre des avocats (lettre en annexe) et des juges de la Chambre d'accusation (audition).
Lettre de l'ordre des avocats du 22 septembre 1995
L'ordre des avocats exprime dans un premier temps ses regrets quant à la teneur de l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi, notamment en ce qui concerne la notion de «justice rentable».
Le conseil de l'Ordre estime ensuite qu'un émolument ne doit pas requérir une volonté d'effet dissuasif, ni avoir pour but la sanction déguisée dès lors que le seul échec d'une démarche judiciaire infondée doit rester le déboutement.
De plus, le simple fait que cet émolument ne soit pas quantifié dans la proposition de loi incite l'Ordre à émettre des réserves.
Le conseil de l'Ordre des avocats sous la signature de son bâtonnier, Me Pascal Maurer, conclut en ne s'opposant pas radicalement au projet de loi, mais en estimant que ce projet ne s'inscrit pas dans une juste philosophie de la justice, qu'il risque d'attenter pour partie au libre accès de la justice et qu'il consacre une inégalité de traitement entre les parties à la procédure d'entraide.
Audition de M. Christian Reymond, juge à la Chambre d'accusation
L'initiative de ce projet de loi vient de la Chambre d'accusation, les juges estimant inégal le fait qu'il existe des émoluments pour les recours contre les décisions de classement du procureur général, qui concernent souvent des petites affaires, alors qu'il n'en existe pas pour des affaires d'entraide internationale, qui concernent souvent des affaires portant sur plusieurs dizaines de millions de francs.
M. Reymond précise que ces émoluments n'ont pas un but dissuasif et qu'il ne pense pas qu'ils vont freiner la recourite.
Il précise qu'en 1995, il y a eu 189 recours, que beaucoup de ces recours sont dilatoires et qu'ils concernent généralement les grosses affaires, les petites donnant rarement lieu à des recours.
L'émolument prévu est de 100 F à 20 000 F.
M. Reymond répond aux différentes questions, que le seul but visé est de pallier une inégalité de traitement.
Discussion de la commission et conclusions
Les commissaires partagent l'avis de l'Ordre des avocats au sujet de l'exposé des motifs, avis également exprimé par le juge Reymond. Il n'est en effet pas souhaitable de proposer une modification «de nature à augmenter les recettes de l'Etat» lorsque l'on fait référence à la justice. Elle doit en tout temps rester accessible à tout un chacun et son exercice ne doit pas avoir pour but de permettre des recettes financières.
D'autre part, le fait que cet émolument ne soit pas chiffré est gênant, la fourchette proposée par le juge Reymond (entre 100 F et 20 000 F) n'est pas très précise.
Certains commissaires pensent que si l'on veut procéder à une égalité de traitement, il n'est pas indispensable de la faire dans ce sens. On pourrait supprimer tous les émoluments dans tous les cas de recours.
D'autres pensent que cet émolument pourrait avoir un effet dissuasif dans le cas de certains gouvernements étrangers qui ne pourraient recourir faute de moyens suffisants.
Il est rappelé que cet émolument ne sera pas une obligation, les modifications proposées contenant la notion de «pouvoir» et non «devoir».
Votes de la commission
Entrée en matière: 7 oui (1 PDC, 2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 S);
2 abstentions (L).
Modification de l'article 33, alinéa 3 (nouveau)
Art. 33, al. 3 (nouveau)
3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.
Cet article est accepté par 6 oui (2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 PDC);
3 abstentions (2 L, 1 S).
Modification de l'article 45, alinéa 3 (nouveau)
Art. 45, al. 3 (nouveau)
3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.
Cet article est accepté par 6 oui (2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 PDC);
3 abstentions (2 L, 1 S).
Le projet de loi 7241 est accepté dans son ensemble par 6 oui (2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 PDC), et 3 abstentions (2 L,1 S).
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'adopter tel qu'il ressort des travaux de la commission judiciaire.
Annexe : lettre de l'Ordre des avocats de Genève, du 22 septembre 1995.
ANNEXE
page 7
page 8
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7241)
LOI
modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale
(Création d'une base légale permettant le prélèvement d'un émolument en cas de rejet d'un recours dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale)
(E 3 3)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit:
Art. 33, al. 3 (nouveau)
3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.
Art. 45, al. 3 (nouveau)
3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.
12. Rapport de la commission législative chargée d'étudier les objets suivants :
La commission législative s'est réunie à trois reprises, sous la présidence de notre collègue Laurent Moutinot, le 12 janvier, le 2 et le 9 février 1996, pour étudier le projet de loi n° 7307 du Conseil d'Etat sur l'adaptation du droit cantonal à l'abaissement de la majorité civile et matrimoniale, ainsi que la proposition de motion n° 1038 de Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus etMM. Roger Beer et Laurent Moutinot, portant sur le même sujet, que le Grand Conseil lui avait renvoyé en date du 26 janvier 1996. Il a été décidé qu'un seul rapport serait consacré à ces deux objets.
La commission a été assistée dans ses travaux par M. Raphaël Martin, directeur des affaires juridiques de la chancellerie. Qu'il soit remercié ici pour sa compétence et sa disponibilité.
La commission a également bénéficié de la présence de Mme Claire Rihs, directrice adjointe de l'office de la jeunesse, dans le cadre de la motion 1038, ainsi que de celle de M. Jean Favarger, directeur du service des allocations d'études, et de son collaborateur M. Pierre Tripet, pour le problème plus spécifique de l'attribution des allocations.
La commission a enfin auditionné Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, plus particulièrement au sujet de la motion.
But du projet de loi
Il vise essentiellement à apporter à quelques lois cantonales les modifications formelles qu'appelle l'abaissement à 18 ans de la majorité civile et matrimoniale.
Rappelons à cet effet les motifs qui ont amené le législateur fédéral à abaisser l'âge de la majorité:
1. obtenir une concordance entre les âges de la majorité civile et de la majorité civique;
2. harmoniser le droit suisse à celui de la plupart des Etats européens;
3. concrétiser le principe constitutionnel de l'égalité des droits entre hommes et femmes en ce qui concerne la fixation de la majorité matrimonial;
4. le législateur fédéral a considéré qu'à notre époque, favorable à toute forme d'émancipation, les jeunes gens et jeunes filles sont plus rapidement indépendants et que l'on devait tenir compte de cette évolution.
La principale conséquence de cet abaissement est que les jeunes gens et les jeunes filles disposent dès lors d'une pleine autonomie sur le plan juridique dès leur 18e anniversaire. Cela implique évidemment la possibilité de conclure des contrats (bail, achat, cautionnement, travail), d'actionner ou d'être actionnés en justice, d'être contribuables, etc. En bref, d'être en possession de tous les droits et devoirs réservés jusqu'au 1er janvier 1996 aux jeunes ayant atteint l'âge de 20 ans.
Le droit fédéral ayant été modifié, il incombe aux cantons d'adapter leur propre législation.
Le projet de loi soumis à la commission législative propose la modification de certaines lois et dresse, en annexe, la liste des principales lois que, selon le Conseil d'Etat, il n'est pas nécessaire de modifier.
En effet, lorsqu'une loi prévoit une limite d'âge déterminée, le nouveau droit n'a aucune incidence sur la matière régie, la limite considérée restant applicable, mais en revanche l'âge déterminant sera uniformément 18 ans, lorsque la loi se réfère à la notion de majorité.
Travaux de la commission sur le projet de loi 7307
Ce projet de loi, qui aurait pu être considéré comme un pur exercice de technique législative, a donné lieu à une discussion nourrie et intéressante, démontrant qu'il fallait avant tout admettre que les jeunes gens et les jeunes filles sont désormais majeurs à 18 ans non seulement en droit, mais aussi dans les faits, et partir de l'idée qu'ils sont aptes à en assumer les conséquences.
Les modifications proposées concernent cinq lois. Pour plusieurs d'entre elles, le changement est formel; il s'agit par exemple d'abroger les termes «moins de 18 ans» qui n'ont plus de sens.
En ce qui concerne l'explication détaillée des propositions - celles-ci ayant été acceptées à l'unanimité et sans modification -, la rapporteuse vous renvoie à l'exposé des motifs du projet de loi 7307.
1.eLoi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989 (C 1 1,5)
Les modifications des articles 16 et 17 concernent la définition du groupe familial et du revenu familial, qui sont déterminants pour l'octroi d'allocations d'études.
Il s'agit de remplacer le terme de «mineurs» par «de moins de 20 ans», pour éviter de modifier les bases du calcul de ces allocations. En particulier, il faut prendre en compte l'effet financier du jeune salarié âgé de 18 à 20 ans et la charge que représente un tel jeune non salarié. Il n'y a pas de raison de sortir de tels jeunes du groupe familial à la sortie de leur minorité.
Les modifications concernant la loi C 1 1,5 sont acceptées à l'unanimité.
2.eLoi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des 2.ejeunes gens, du 21 juin 1985 (C 2 1)
Il s'agit ici de modifier les dispositions qui définissent les notions de groupe familial et de revenu déterminant, afin de prévenir une réduction de prestations.
Les termes de «mineurs» et «majeurs» sont remplacés par «de moins de 20 ans» et «de plus de 20 ans».
A l'article 92, alinéa 2, on choisira le terme «intéressé» pour l'ayant droit.
Les modifications concernant la loi C 2 1 sont acceptées à l'unanimité.
3.eLoi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985 2.e(I 3 11)
Les deux modifications proposées visent à remplacer l'âge de 20 ans par 18 ans révolus, en ce qui concerne les conditions d'engagement des agents de sécurité privés.
C'est en particulier pour prévenir une inégalité puisque l'obtention d'une autorisation d'exploiter une agence de sécurité relève de la majorité, alors que l'engagement d'agents de sécurité ne peut se faire si ceux-ci ont moins de20 ans. Pour respecter l'esprit de la loi, il convient de permettre l'engagement d'agents de sécurité privés âgés de 18 ans révolus, puisque l'exploitant pourra avoir cet âge.
Cette modification a donné lieu à une discussion importante sur les professions autorisant le port d'une arme. Il est rappelé à cet effet que deux permis existent actuellement à Genève: celui qui est délivré aux conditions du règlement d'exécution du Concordat sur les armes et le permis délivré à des conditions plus sévères pour les agents de sécurité privés.
Les modifications concernant la loi I 3 11 sont acceptées à l'unanimité.
4.eLoi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement, du4.e17 décembre 1987 (I 3 20)
Il s'agit d'une modification formelle d'un terme devenu pléonastique, à savoir «mineurs de moins de 18 ans».
La modification concernant la loi I 3 20 est acceptée à l'unanimité.
5.eLoi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-5.evieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968 5.e(J 9 7)
Pour prévenir toute réduction de la protection sociale, l'expression «moins de 20 ans» doit être substituée au mot «mineurs».
Le législateur fédéral a d'ailleurs retenu la même solution dans cette matière.
La modification concernant la loi J 9 7 est acceptée à l'unanimité.
Les principales lois qu'il n'est pas nécessaire de modifier suite à l'abaissement de la majorité civile et matrimoniale à 18 ans sont annexées au projet de loi.
La commission a passé toutes ces lois en revue.
Certaines d'entre elles ont donné lieu à de brèves discussions, les questions posées ont trouvé des réponses satisfaisantes auprès du juriste de la chancellerie.
Une seule a réellement posé problème, il s'agit de la loi régissant l'office de la jeunesse. La non-modification de la loi a d'ailleurs donné lieu au dépôt de la motion 1038 et la commission a décidé de traiter ce point dans le cadre de la motion.
Il est tout de même à relever qu'en matière d'assistance publique une modification d'importance survient puisque le système prévoit que l'assistance octroyée avant la majorité ne doit pas être remboursée. Elle devra donc l'être entre 18 et 20 ans et il est très important que les bénéficiaires en soient clairement informés. M. Martin indique, à cet égard, que le Conseil d'Etat s'est engagé à faire donner cette information; la poursuite du versement des prestations implique d'ailleurs une discussion avec l'intéressé, qui permettra d'attirer son attention sur le changement.
Travaux de la commission sur la motion 1038
L'inquiétude exprimée par les motionnaires, rejoints par l'Association des directeurs d'institutions genevoises d'éducation spécialisée, concerne les jeunes adultes en difficulté.
La motion demande que soit étudiée «l'opportunité que les institutions d'éducation spécialisée conservent à l'avenir les ressources pour poursuivre leur tâche en faveur des jeunes adultes, selon les modalités appropriées au nouveau droit».
Audition de l'Association des directeurs d'institutions genevoises d'éducation spécialisée (ADIGES)
MM. Serge Angst et Jean-Jacques Grob, président et représentant de l'ADIGES - Vendredi 2 février 1996
Cette association regroupe 30 directeurs de foyers et elle a pour but de défendre les intérêts des jeunes en difficulté et de réfléchir aux mesures éducatives nécessaires.
M. Grob constate que passablement de jeunes de 18 ans ne sont pas suffisamment armés pour faire face à la réalité de la vie. L'abaissement de l'âge de la majorité fera que l'office de la jeunesse ne s'occupera plus des jeunes en difficulté de 18 à 20 ans, mais qu'ils seront dirigés vers d'autres structures d'encadrement dépendant du département de l'action sociale et de la santé (DASS.) Il pense que certains jeunes ne seront pas prêts pour cette démarche et qu'il serait souhaitable que la loi sur l'office de la jeunesse soit complétée pour mentionner que les jeunes majeurs jusqu'à 20 ans peuvent bénéficier de ses prestations.
L'inquiétude est également motivée par le fait que l'introduction de la nouvelle majorité transformera en dettes le financement de certaines aides socio-éducatives. Pour éviter cette situation, l'aide devrait être assimilée à une forme de couverture sociale. M. Grob propose que l'aide économique accordée aux jeunes adultes à fin d'assistance ou de prise en charge éducative ne constitue pas une dette et pour ce faire que l'article 23, alinéa 4, de laloi J 6 1 soit élargi en faveur des jeunes adultes.
Les représentants de l'ADIGES remettent aux commissaires une note rédigée à leur attention. Cette note figure en annexe au présent rapport (Annexe I).
Mme Claire Rihs, directrice adjointe de l'office de la jeunesse, fait part aux commissaires de la démarche du Conseil d'Etat. Celle-ci est double: d'une part prendre acte que les jeunes deviennent majeurs à 18 ans, d'autre part sauvegarder les intérêts des personnes fragilisées. Les lois actuelles apparaissent suffisantes, mais il conviendra toutefois de veiller au bon fonctionnement des relais entre le département de l'instruction publique (DIP) et le DASS. La pratique permettra une certaine souplesse et la situation sera suivie avec beaucoup d'attention.
Un commissaire remarque qu'il est particulièrement difficile de légiférer dans un domaine qui n'est fait que de cas particuliers ! D'où l'importance de la souplesse et de l'évaluation de chaque situation pour éviter que certains jeunes en difficulté se trouvent dans des situations impossibles à gérer au lendemain de leurs 18 ans.
Les directives de l'office de la jeunesse concernant la prise en charge des jeunes au-delà de leur majorité est annexée au présent rapport (Annexe II).
Audition de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique - Vendredi 9 février 1996
Mme Brunschwig Graf explique avoir longuement travaillé sur cette question. La limite actuelle, concernant les jeunes en difficulté, est fixée à 20 ans, mais il arrive, lorsque le besoin s'en fait sentir, qu'un suivi plus long soit effectué. Elle se dit très confiante dans la collaboration entre le DIP et le DASS et confirme qu'une évaluation sera effectuée au bout d'une certaine période, sans doute une année. Changer la loi reviendrait à créer une nouvelle catégorie d'adultes, ce qui n'est pas souhaitable. Le but essentiel à viser restant l'autonomie de la personne. Mme Brunschwig Graf rappelle l'existence de la commission d'éducation spécialisée, qui constitue un lieu de discussion, d'analyses et d'évaluation adéquat. L'ADIGES y est représentée.
A l'inquiétude d'un commissaire mettant en évidence la nature différente existant entre l'intervention du DIP de nature éducative et celle du DASS de nature palliative, Mme Brunschwig Graf répond qu'il ne faut pas confondre éducation et formation. La formation pourra se poursuivre avec l'objectif de déboucher sur un emploi. Les jeunes resteront dans le circuit, ils ne seront pas propulsés dans un système psychiatrique. Le risque de mauvaises prises en charge devrait être extrêmement rare du fait du suivi et de l'évaluation. Si des corrections doivent être opérées, elles le seront sans avoir besoin de changer la loi en vigueur, mais en réglant les problèmes au cas par cas.
Au mois de septembre 1995, le service de protection de la jeunesse suivait 1950 personnes dont 380 étaient âgées de 18 à 20 ans. Le tuteur général s'occupait de 1500 personnes dont 170 étaient âgées de 18 à 20 ans. Le service d'aide pédagogique suivait 3150 personnes dont 270 étaient âgées de 18 à 20 ans.
Mme Brunschwig Graf insiste sur le fait que les traitements en cours ne seront pas interrompus le jour de l'accession à la majorité. C'est aux institutions de mettre en place des échéances dans la préparation des jeunes suivis. La loi actuelle offre la latitude nécessaire pour traiter les cas. Elle suggère donc aux commissaires de ne pas la changer.
Vote de la commission sur la motion 1038
Le maintien de la motion se justifie dans le cadre de l'évaluation. Les invites doivent toutefois être légèrement modifiées, cela avec l'accord de l'un des motionnaires et par ailleurs président de la commission, Laurent Moutinot.
Les deux invites initiales sont remplacées par une seule:
«à rendre un rapport au Grand Conseil sur les conséquences, pour les jeunes adultes et les institutions d'éducation spécialisée, de l'abaissement de la majorité à 18 ans, après deux ans, soit au31 mars 1998».
Les considérants et l'exposé des motifs sont maintenus tels quels.
Dans sa nouvelle version, la proposition de motion est acceptée à l'unanimité.
Ainsi, le projet de loi sur l'adaptation du droit cantonal à l'abaissement de la majorité civile et matrimoniale a pu être accepté dans son ensemble à l'unanimité.
Il est simplement précisé, eu égard à l'écoulement du temps, que la loi entre en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 1996.
Annexes:NIIINNote de l'ADIGES.
Annexes:NIIINDirectives concernant la prise en charge des jeunes au-delà deAnnexes:NIIINleur majorité par les services de la jeunesse.
Annexes:NIIINProposition de motion 1038.
ANNEXE I
page 16
page 17
ANNEXE II...
page 19
ANNEXE III
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mme et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Roger Beer et Laurent Moutinot
Dépôt: 15 décembre 1995
Disquette
M 1038
proposition de motion
concernant les conséquences de la majorité à 18 ans pour certains jeunes adultes en difficultés
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que le nouvel âge de majorité civile est un droit pour tous;
- que le Conseil d'Etat a proposé des modifications de lois visant à garantir la pérennité de prestations acquises pour les jeunes de 18 à 20 ans (PL 7307);
- que la nouvelle majorité peut avoir comme effet indésirable de limiter l'aide éducative aux jeunes adultes en difficulté familiale ou sociale grave,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier les conséquences de la majorité civile à 18 ans pour les jeunes adultes en difficultés;
- à étudier l'opportunité que les institutions d'éducation spécialisée conservent à l'avenir les ressources pour poursuivre leur tâche en faveur des jeunes adultes, selon des modalités appropriées au nouveau droit.
Premier débat
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je souscris à la conclusion de la commission, étant donné que, qui veut le plus, veut le moins.
Il est inutile de demander un rapport pour connaître, dans un an, les conséquences de la majorité à 18 ans sur les jeunes en institution d'éducation spécialisée. Je peux, d'ores et déjà, vous en donner deux qui ont motivé cette motion.
La première conclusion est en rapport avec l'âge charnière de sortie de ce genre de structure éducative, qui se situera autour de 18 ans au lieu de se situer autour de 20 ans. D'ailleurs, on peut lire, à ce sujet, les directives en annexe de ce rapport. Le jeune est suivi dans le service depuis au moins six mois et peut donc y rester une année au maximum.
La deuxième conclusion concerne le fait que le jeune de 18 ans, au lieu du jeune de 20 ans, passera d'un système financé par le budget cantonal à un système d'assistance publique avec une dette remboursable. Pour ma part, je suis favorable à la majorité civile à 18 ans, et pour la protection des personnes les plus défavorisées. Or, selon la motion, le Conseil d'Etat doit considérer que, d'une part, à 18 ans, on peut encore profiter d'une structure d'éducation, plutôt que d'une structure d'aide sociale, et, d'autre part, on peut préférer être mis à l'assistance publique avec une dette d'assistance à 20 ans, plutôt qu'à 18 ans, et que les personnes concernées n'ont aucun avantage à voir l'âge de la majorité civile abaissé.
Je pense que nous devrions voter la motion et la renvoyer au Conseil d'Etat. Ces deux conclusions sont obligatoires, et je vous propose de vous rallier au texte de la motion, à savoir que soit étudiée l'opportunité pour les institutions d'éducation spécialisée de conserver, à l'avenir, leurs ressources, afin de poursuivre leur tâche en faveur des jeunes adultes, selon les modalités appropriées au nouveau droit.
Ce fonctionnement existe pour les jeunes placés par les pouvoirs judiciaires. Ils sont mis dans une structure éducative jusqu'à 25 ans, au titre de jeunes adultes. Je ne vois pas pourquoi des gens qui n'ont commis aucun délit, si ce n'est que d'appartenir à une famille à problèmes, ne pourraient pas profiter des mêmes dispositions.
PL 7307-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
sur l'adaptation du droit cantonal à l'abaissementde la majorité civile et matrimoniale
(C 1 1,5 - C 2 1 - I 3 11 - I 3 20 - J 9 7)
LE GRAND CONSEIL,
vu l'abaissement de la majorité civile et matrimoniale à 18 ans dès le 1er janvier 1996,
Décrète ce qui suit:
Article 1
C 1 1,5
1 La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989, est modifiée comme suit :
Art. 16, al. 2, lettres c et d (nouvelle teneur)
c) des autres enfants de moins de 20 ans non salariés;
d) des enfants de moins de 20 ans salariés qui n'ont pas un domicile séparé.
Art. 17, lettre b (nouvelle teneur)
b) du total des revenus bruts des enfants de moins de 20 ans qui font ménage commun, des apprentis et étudiants, après déduction d'une franchise égale à autant de fois 7460 F que la famille compte d'enfants âgés de plus de 15 ans mais de moins de 20 ans, d'apprentis et d'étudiants, qui font ménage commun;
Art. 18, al. 1 et 2 sous-notes marginales (nouvelle teneur)
Etudiant de moins de 20 ans suivant un 1er cycle
de formation
Etudiant de plus de 20 ans suivant un 2e cycle de formation
Art. 32, al. 1 et 3 notes marginales (nouvelle teneur)
Etudiant de moins
de 20 ans
1er cycle de formation
Etudiant de plus de 20 ans
** *
C 2 1
2 La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985, est modifiée comme suit :
Art. 92, al. 2 (nouvelle teneur)
2 La nature et la durée de cette formation sont fixées de cas en cas; le département peut délivrer à l'intéressé une attestation mentionnant la formation acquise.
Art. 98, al. 4, lettres c et d (nouvelle teneur)
c) les autres enfants de moins de 20 ans non salariés;
d) les enfants de moins de 20 ans salariés qui n'ont pas un domicile séparé.
Art. 98, al. 5, lettre b (nouvelle teneur)
b) du total des revenus des enfants de moins de20 ans qui font ménage commun, des apprentis et des étudiants, après déduction d'une franchise égale à autant de fois 7460 F que la famille compte d'enfants âgés de plus de 15 ans mais de moins de 20 ans qui font ménage commun, d'apprentis et d'étudiants;
Art. 99, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)al. 3 (abrogé)
Limite du revenu déterminant
1 Pour le calcul de l'allocation d'un apprenti âgé, au début de son apprentissage, de moins de 20 ans, la limite du revenu (reste: inchangé).
2 Pour le calcul de l'allocation d'un apprenti âgé, au début de son apprentissage, d'au moins 20 ans, la limite du revenu (reste: inchangé).
Art. 101, al. 2 (nouvelle teneur)
2 L'allocation est de 10 700 F par an pour l'apprenti âgé d'au moins 20 ans au début de son apprentissage.
Art. 121, al. 1 (nouvelle teneur)
Jeunes gens assujettis
1 Au sens des dispositions du présent titre, les jeunes gens sont aussi bien les apprentis et apprenties jusqu'à 20 ans révolus que les jeunes travailleurs des deux sexes jusqu'à 19 ans révolus.
I 3 11
3 La loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, est modifiée comme suit :
Art. 4, al. 2, lettre b (nouvelle teneur)
b) ait 18 ans révolus;
Art. 5, al. 2, lettre b (nouvelle teneur)
b) ait 18 ans révolus;
I 3 20
4 La loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement, du 17 décembre 1987, est modifiée comme suit :
Art. 29, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Les mineurs n'ont pas accès aux cabarets-dancings. Toutefois, si la nature des attractions présentées le permet, le département peut fixer une limite d'âge inférieure à l'âge de la majorité, limiter l'heure de fermeture de l'établissement et, au besoin, assortir sa décision de charges et conditions.
** *
J 9 7
5 La loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968, est modifiée comme suit :
Art. 5, al. 6, lettre b (nouvelle teneur)
b) pour les veuves non invalides et n'ayant pas d'enfants de moins de 20 ans à charge.
Art. 2
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 1996.
M 1038-A
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(M 1038)
MOTION
concernant les conséquences de la majorité à 18 ans
pour certains jeunes adultes en difficulté
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que le nouvel âge de majorité civile est un droit pour tous;
- que le Conseil d'Etat a proposé des modifications de lois visant à garantir la pérennité de prestations acquises pour les jeunes de 18 à 20 ans (PL 7307);
- que la nouvelle majorité peut avoir comme effet indésirable de limiter l'aide éducative aux jeunes adultes en difficulté familiale ou sociale grave;
invite le Conseil d'Etat
- à rendre un rapport au Grand Conseil sur les conséquences, pour les jeunes adultes et les institutions d'éducation spécialisée, de l'abaissement de la majorité à 18 ans, après deux ans, soit au 31 mars 1998.
Lors de sa séance plénière du 26 janvier 1996, le Grand Conseil a renvoyé à la commission judiciaire le projet de loi 7396, lequel a été étudié le 1er février 1996 sous la présidence de M. Bernard Lescaze. Assistaient aux travaux de la commission judiciaire: M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, président du département de justice et police et des transports (DJPT) ainsi que M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT.
Préambule
Il ressort clairement de l'exposé des motifs relatifs à ce projet de loi que la Chambre des notaires a estimé nécessaire d'étayer les obligations générales des notaires et de renforcer les mécanismes de protection des clients ainsi que ceux de contrôle de la comptabilité des études.
Travaux de la commission
Audition de Me Jean-Rodolphe Christ, président de la Chambre des notaires
Me Christ, après avoir rappelé que ce n'est pas de gaieté de coeur que les notaires ont dû se pencher sur les questions présentement étudiées et tout en déplorant que, contre la malhonnêteté patente, l'on ne puisse rien faire, est convaincu que les nouvelles dispositions permettront vraisemblablement de «limiter les dégâts».
Me Christ précise que tous les notaires sont membres de la Chambre, que celle-ci est de droit privé, à l'inverse de la plupart des pays étrangers où elle est une Chambre de droit public, et qu'il a pu constater que plus de la moitié de ses membres sont favorables à la transformation de la Chambre des notaires en Chambre de droit public.
Me Christ relève ensuite que le notaire a le devoir de protéger les intérêts de l'Etat, même s'il doit aller à l'encontre de l'intérêt de ses clients, que le notaire n'a en principe pas le droit de garder les fonds qu'il reçoit, à moins qu'un blocage ait été prévu dans un acte, que le notaire a surtout différentes obligations, notamment le paiement de l'impôt sur les bénéfices immobiliers ainsi que les droits d'enregistrement et qu'un contrôle de l'affectation de l'argent s'impose.
En ce qui concerne l'article 2, alinéa 3 (nouveau), relatif au comportement des notaires dans l'exercice de leurs fonctions comme en dehors de leur ministère, Me Christ rappelle que l'origine se trouve dans la loi de ventôse, datant de la Révolution française, qui précise que le notaire est un officier public, qu'il n'est pas aussi libre que l'avocat mais plus proche du juge et qu'il doit, même dans sa vie privée, adopter un comportement moral adéquat.
Les termes qualifiant le comportement des notaires sont repris des us et coutumes de la Chambre des notaires afin de les légaliser et leur conférer, en conséquence, une portée moins symbolique.
Enfin et pour rendre plus efficaces les mesures proposées, Me Christ précise qu'il y a lieu de pouvoir saisir plus facilement la commission de surveillance. En effet, le projet de loi permet au Conseil d'Etat de convoquer cette commission sur dénonciation et non plus de manière limitative sur la base d'une plainte émanant d'un lésé.
Entrée en matière
Après un premier tour de table, les commissaires ont été convaincus de la nécessité de renforcer la loi sur le notariat afin de mieux prévenir les irrégularités professionnelles éventuelles et l'entrée en matière a été votée par 9 oui (3 L, 2 R, 1 PDC, 2 PS, 1 Ve), pas d'opposition et une abstention (PDC).
Discussion
Si les dispositions relatives au contrôle de la comptabilité des études de notaires ainsi qu'à la saisine facilitée de la commission de surveillance sont apparues adéquates à l'ensemble de la commission, il n'en fut pas tout à fait de même des termes employés pour qualifier le comportement du notaire dans ses relations avec ses clients, le public et les autorités.
En effet, la question s'est posée de savoir si les termes relativement vagues n'allaient pas affaiblir plutôt que renforcer le serment du notaire.
Il a toutefois été relevé qu'il y avait une certaine cohérence entre la légalisation des termes employés dans les us et coutumes et le renforcement de la commission de surveillance.
Commentaires article par article
Article 2, alinéa 3 (nouveau)
Cet alinéa vient compléter les obligations générales du notaire en précisant que ces obligations doivent être respectées non seulement pendant l'exercice de leurs fonctions, mais également en dehors.
Les notaires doivent faire preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession. Il faut comprendre le mot «délicatesse» par opposition à «indélicatesse». Les termes «dignité et délicatesse» sont mentionnés ici dans le but d'éviter que le notaire ne devienne donataire de ses propres clients.
Article 2, alinéa 4 (nouveau)
Cette disposition oblige les notaires à garder leur indépendance, notamment matérielle, dans l'exercice de leur fonction d'officier public.
Bien que la sujétion matérielle soit difficile à contrôler, il n'est pas inutile de la rappeler aux personnes concernées.
L'article 2, alinéas 3 et 4, a été accepté par 7 oui (1 Ve, 1 PS, 2 R, 3 L), pas d'opposition et 3 abstentions (2 PDC, 1 PS).
Article 49, alinéas 1, 2 et 4 (nouvelle teneur)
Expérience faite, il apparaît que le contrôle annuel de la comptabilité des études de notaires n'est pas suffisante et qu'un contrôle bisannuel permettrait de mettre plus rapidement en lumière des irrégularités.
Article 49, alinéa 5 (nouveau)
La commission de surveillance se voit donc octroyer le pouvoir d'ordonner le contrôle d'une étude et non pas seulement celui d'investiguer sur dénonciation.
L'article 49, alinéas 1, 2, 4 (nouvelle teneur) et 5 (nouveau) a été accepté par 9 oui (3 L, 2 R, 1 PDC, 2 PS, 1 Ve), aucune opposition et une abstention (PDC).
Article 52 (nouvelle teneur)
Cette disposition a trait à l'élargissement des possibilités de saisir la commission de surveillance, laquelle selon la loi actuelle ne pouvait être convoquée que sur plainte d'un lésé, donc uniquement dans l'hypothèse où il y avait lésion réalisée.
Il apparaît en effet, dans l'hypothèse où l'on veut renforcer le contrôle de la profession de notaire, de faciliter la saisine de la commission de surveillance. En conséquence, quiconque a des raisons de craindre qu'un notaire a manqué à ses obligations peut s'adresser au Conseil d'Etat afin qu'il convoque ladite commission.
Les commissaires ont relevé que cette disposition était l'innovation principale du projet de loi proposé.
L'article 52 (nouvelle teneur) a été accepté à l'unanimité.
Article 57, alinéa 1 (nouvelle teneur)
La modification en l'espèce consiste à supprimer les termes «après le dépôt de la plainte» et permettre, en conséquence et en cas d'urgence, au Conseil d'Etat de suspendre provisoirement un notaire de ses fonctions.
Cette modification s'inscrit dans la suite logique des précédentes dispositions.
L'article 57, alinéa 1 (nouvelle teneur) a été accepté à l'unanimité.
Vote d'ensemble: unanimité.
Conclusion
Les différentes dispositions proposées s'inscrivent dans les chapitres I et VII de la loi sur le notariat, respectivement intitulés «Fonctions et devoirs des notaires» et «Surveillance et discipline». Bien qu'il paraisse, de prime abord, quelque peu surprenant de devoir renforcer la loi en la matière, il y a lieu de se rappeler que c'est à l'initiative de la Chambre des notaires.
C'est pourquoi, après avoir étudié attentivement ce projet de loi et s'être fait expliquer, à satisfaction, la pertinence de certains termes employés, la commission judiciaire a accepté à l'unanimité et sans amendement le présent projet de loi; elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur le notariat
(E 5 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le notariat, du 25 novembre 1988, est modifiée comme suit:
Art. 2, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 Dans l'exercice de leurs fonctions comme en dehors de leur ministère, les notaires font preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession, ainsi que des égards et de la courtoisie auxquels ils sont tenus dans leurs relations avec leurs clients, le public et les autorités.
4 Les notaires évitent tous actes pouvant les placer dans la sujétion matérielle de leurs clients ou de tiers et toute opération mettant en danger leur crédit ou leur indépendance.
Art. 49, al. 1, 2 et 4 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)
Contrôle
1 Le notaire a l'obligation de faire contrôler, au 30 juin et au 31 décembre de chaque année, la comptabilité de son étude par une fiduciaire ou un expert-comptable agréés par le département chargé de la justice (ci-après le département).
2 Les conclusions du rapport de la fiduciaire ou de l'expert-comptable sont communiquées au département dans les 3 mois suivant les échéances mentionnées à l'alinéa 1. Tout changement de contrôleur pour le même exercice annuel doit être dûment motivé.
4 Le notaire est tenu de fournir à l'organe de contrôleet, le cas échéant, à la commission de surveillance, les renseignements et documents requis par eux. De plus, il doit confirmer à l'organe de contrôle, qui en fait mention dans les conclusions de son rapport, que toutes les dettes exigibles dues par lui, à titre professionnel et privé, en capital et intérêts, ont été acquittées à la date de la rédaction desdites conclusions.
5 La commission de surveillance peut ordonner le contrôle d'une étude lorsqu'elle estime que les circonstances le justifient. Ce contrôle peut porter sur les actes, procédures, registres, répertoires et archives de l'étude.
Art. 52 (nouvelle teneur)
Saisine de la commission
1 La commission est convoquée par le Conseil d'Etat lorsque celui-ci a des raisons de craindre qu'un notaire a manqué à ses obligations, notamment suite à une dénon-ciation émanant d'un lésé, d'une autorité judiciaire ou administrative, d'un membre de la commission ou de la Chambre des notaires. Son instruction peut s'étendre à d'autres faits que ceux dont elle a été saisie.
2 La commission ne peut valablement délibérer que si 4 membres ou suppléants au moins sont présents. Le notaire mis en cause doit être entendu ou avoir été dûment appelé.
Art. 57, al. 1 (nouvelle teneur)
Mesures provisionnelles
1 En cas d'urgence, le Conseil d'Etat peut suspendre provisoirement un notaire de ses fonctions.
La séance est levée à 19 h 5.