République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 41e séance
PL 7265
EXPOSÉ DES MOTIFS
La modification qui vous est proposée a trait à la clarification du statut des entreprises familiales au regard de la loi sur les heures de fermeture des magasins (LHFM), ainsi que du droit fédéral applicable.
Selon leur statut actuel, les entreprises dites familiales ne peuvent bénéficier d'un horaire d'ouverture plus souple qu'à la condition stricte qu'elles n'emploient jamais de personnel non familial. Cette condition avait été souhaitée par la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de modification de la LHFM en 1991.
Il s'avère qu'après plusieurs années d'expérience cette condition est inappropriée et produit des effets indésirables, notamment en pénalisant l'emploi. Des problèmes se posent également en cas de maladie ou d'absence de l'exploitant. On peut citer à titre d'exemple, notamment, la pétition 996 déposée en 1993 par un commerçant de Versoix, contraint de licencier son personnel afin de pouvoir maintenir son épicerie de quartier, pour qui l'ouverture dominicale est primordiale.
La modification que nous vous présentons prévoit de revenir à la situation prévalant avant 1991 en supprimant la référence au seul alinéa 1 de l'article 4 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964 (loi sur le travail - LT), pour viser désormais cet article dans son entier.
C'est en effet dans cet article 4 LT qu'il faut chercher une définition de l'entreprise familiale, au regard, cette fois, de la protection des travailleurs. L'article 4 LT prévoit en effet deux types d'entreprises familiales, selon qu'elles emploient ou non du personnel extérieur. Il en découle que les règles relatives à la durée du travail ne s'appliquent pas aux entreprises purement familiales, décrites à l'alinéa 1, mais seulement au personnel non familial si l'entreprise en emploie, hypothèse visée par l'alinéa 2.
En conséquence, l'adoption du projet de loi présenté ci-dessus permettra aux entreprises familiales une plus grande souplesse dans leurs horaires d'ouverture, condition nécessaire à leur compétitivité, tout en permettant l'engagement de personnel extérieur dont la protection est assurée par l'article 4, alinéa 2, LT. En d'autres termes, un commerce familial ne pourrait être ouvert au-delà des heures et jours prévus par la LHFM qu'à la seule condition qu'en cette circonstance il n'emploie pas de personnel.
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.
Préconsultation
M. Pierre Kunz (R). S'agissant de l'ouverture dominicale des entreprises familiales, le Conseil d'Etat nous propose donc d'en revenir à la situation précédant la malheureuse décision du Grand Conseil de 1991. Beaucoup d'évidences militent en faveur de cette correction légale.
Le projet de loi 7265 doit être adopté, à notre avis, en discussion immédiate. Pourtant, s'arrêter à cette mini-réforme de la LHFM serait déraisonnable, surtout si l'on considère la dégradation survenue... (Interruption de l'orateur. Brouhaha. Des voix entonnent l'Internationale.)
Une voix. Bravo, Ferrazino ! Bravo ! Merci Ferrazino !
Une voix. Demande la parole !
Une voix. Dis donc, y'a un dialogue là-bas !
Une voix. ...les étrangers, ils ne demandent pas la parole !
Une voix. Y'a du chahut ! Quand y'a du chahut, y'a la mère Chalut !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande un moment de silence. Il est vrai que M. Pierre Kunz est directeur du centre de Balexert, mais il est directeur administratif et non pas directeur de magasin ! (Protestations.) J'estime donc qu'il a le droit de prendre la parole.
Maintenant, je vous prie de bien vouloir écouter M. Pierre Kunz. (Huées et applaudissements.)
La présidente. Si vous avez envie de chahuter, nous siégeons jusqu'à minuit ! (Protestations.) Je suis à votre disposition ! (Brouhaha.)
Oui, je vais vous punir, Monsieur Hausser ! On verra la tête que vous ferez, si je vous fais revenir samedi matin ! (Chahut.)
Monsieur Dupraz, oui, pour une fois, vous n'avez rien dit ! (Rires.)
La récréation est terminée maintenant ! Monsieur Kunz, s'il vous plaît !
M. Pierre Kunz. Excusez-moi, madame la présidente, mais je n'ai pas mes lunettes ! Serait-ce M. Ferrazino qui est intervenu tout à l'heure ? (Chahut.)
La présidente. Je vous en prie, Monsieur Kunz ! Revenez-en au sujet !
Une voix. Assis, Ferrazino !
Une voix. C'est les soldes...!
M. Pierre Kunz. Je ne serai pas long, Monsieur Ferrazino !
Je disais donc que s'arrêter à cette mini-réforme de la LHFM serait déraisonnable, si l'on se réfère à la dégradation survenue dans le commerce genevois. Le groupe radical - ce n'est pas seulement Pierre Kunz ! - estime que le moment est venu d'adapter plus fondamentalement la loi, ceci pour faire face aux urgences du moment et aux nécessités de demain.
Nous apprécierions que le département de l'économie publique confirme que le "toilettage" de la LHFM a bien été entrepris et que, sous peu, ce Grand Conseil - y compris M. Ferrazino - se verrait soumettre un texte modernisé.
En résumé, les radicaux voteront le projet de loi 7265, en débat immédiat, et remercient d'avance M. Maitre de donner à ce parlement les quelques informations que je viens de réclamer.
La présidente. Si je comprends bien, Monsieur le député, vous avez demandé la discussion immédiate de ce projet. Bien ! Le premier vote portera sur cette proposition.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est gêné par le brouhaha.)
La présidente. Monsieur Genecand, une minute ! Il faut quand même mettre les choses au point...
Si à chaque fois qu'un problème d'ouverture de magasins se pose, les commerçants ne peuvent pas s'exprimer; si à chaque fois qu'un problème touche une construction, un ingénieur ou un architecte ne peut pas prendre la parole; si à chaque fois qu'un problème juridique est soulevé, un avocat ne peut pas parler, alors je vous propose de dissoudre ce parlement ! (Exclamations.)
M. Jean-Claude Genecand. Bravo, Madame la présidente ! Vous avez tenu des propos pleins de sagesse !
Lors de la révision de la loi sur les heures de fermeture des magasins, en 1991, notre Grand Conseil avait autorisé les entreprises familiales à adopter un régime plus souple leur permettant d'ouvrir le dimanche. Dans l'intitulé, il avait cependant été précisé que l'autorisation d'ouvrir le dimanche ne devait être accordée qu'aux seuls membres d'une même famille exploitant un commerce. Dans leur volonté de légiférer en vue de cet assouplissement, les partenaires ont omis de prendre en compte les entreprises de type familial, avec un, voire deux employés, qui avaient obtenu depuis des décennies la possibilité d'ouvrir le dimanche.
Cette omission a eu des conséquences graves pour ces entreprises qui ont été contraintes, du jour au lendemain, soit de licencier leur personnel, soit de fermer le dimanche. Or, je puis vous l'assurer pour avoir constaté l'état de certaines comptabilités, le choix n'existait pas ! En effet, ces commerces réalisent, le dimanche, entre 25% et 38% de leur chiffre d'affaires global. Supprimer ce négoce, c'est les condamner !
Qu'ont-ils donc fait ? Ils ont licencié leur personnel, ce qui a provoqué un surcroît de travail au couple exploitant et, dans bien des cas, ils ont dû renoncer à certaines préparations, ce qui a péjoré leur revenu. Un commerce artisanal est ouvert soixante à septante-deux heures par semaine. De plus, il faut compter les achats matinaux et, occasionnellement, la paperasserie à liquider. Comment peut-on imaginer alors être au service de la clientèle et assurer à deux la présence permanente ? L'utilité d'une aide est indispensable dans bien des cas.
Mesdames et Messieurs, il y a aussi une question d'égalité de traitement. Pourquoi une station-service située dans la périphérie frontalière ne subirait aucune restriction quant au nombre de personnes employées, alors qu'un commerce situé 50 mètres plus loin se verrait soumis à un interdit absolu ?
Soyons clairs ! Il ne s'agit pas d'une dérégulation à tout prix. Le département propose de permettre l'engagement d'un ou deux employés, tout en préservant le congé dominical. Compte tenu du fait que ce projet de loi ne fait que rétablir une situation antérieure, notre groupe vous propose la discussion immédiate, afin que le département puisse légiférer dans les meilleurs délais.
Je laisse à M. le président Jean-Philippe Maitre le soin de s'expliquer sur ce point.
La présidente. La parole est à M. Max Schneider. (Protestations.)
M. Jean-Claude Genecand. Au nom de...
Une voix. Il y a du parti pris !
La présidente. Pardon ! Excusez-moi, Monsieur le député !
M. Jean-Claude Genecand. Ce n'est rien, Madame !
La présidente. Je vous en prie, continuez, Monsieur le député !
M. Jean-Claude Genecand. Au nom de la Fédération des artisans et commerçants, je tiens à vous remercier, Mesdames et Messieurs, de la compréhension dont vous ferez preuve, du soutien que vous apporterez à ce projet de loi et de votre accord de le traiter en discussion immédiate.
Vous pouvez y aller, Madame la présidente !
La présidente. Merci, Monsieur le député !
M. Max Schneider (Ve). Je renonce à prendre la parole, Madame la présidente.
M. Bernard Clerc (AdG). N'étant ni avocat, ni architecte, ni commerçant, j'ai heureusement fort peu l'occasion de me récuser devant ce parlement.
Je voudrais intervenir non pas sur le fond mais sur la demande de discussion immédiate. Je trouve extraordinaire de décider un vendredi soir, à 22 h, d'étudier ce projet en catimini, alors que l'exposé des motifs ne nous fournit aucune indication sur le nombre de commerces concernés, sur les personnes touchées, ou sur les employés travaillant dans ces commerces, indications nécessaires pour porter un jugement un tant soit peu objectif sur cette question.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, même s'il y a urgence, on doit traiter ce projet de loi en commission de l'économie. Or, je ne vois pas comment on pourrait effectuer un travail de commission maintenant, en cette fin de soirée. Nous nous opposerons donc à la demande de discussion immédiate.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il faut se rendre à une évidence : le statut actuel des entreprises familiales, tel qu'il a été voulu par votre Grand Conseil et contre l'avis du Conseil d'Etat, lors de la réforme de 1991, a produit des effets contraires au maintien de l'emploi.
En effet, à teneur de la LHFM, peuvent être considérées comme entreprises familiales celles qui n'emploient pas d'autres employés que des membres de leur famille en ligne directe. Cela concerne donc peu de monde.
Dans un certain nombre de situations, des commerçants se sont vus contraints de licencier la ou les deux personnes qu'ils employaient, pour la simple raison qu'ils réalisaient l'essentiel de leur chiffre d'affaires en fin de journée ou le dimanche. Il s'agit de petits commerces du secteur alimentaire. Vous avez même été saisis d'une pétition qui a attiré votre attention sur cet élément défavorable.
Le but est donc de revenir à l'ancienne conception de la loi sur les heures de fermeture des magasins et de considérer que l'appellation «entreprise familiale» s'applique aussi à des entreprises employant une ou deux personnes, en dehors des membres de la famille. Celles-ci seront alors contraintes, si elles restent ouvertes en dehors des heures d'ouverture usuelles de la LHFM, de ne pas employer de personnel : seule la famille au sens strict aura le droit de tenir le commerce. C'est important pour aider les petites entreprises familiales, qui se trouvent actuellement dans des difficultés extrêmes.
Cette réforme est soumise à votre appréciation avec le plein accord des syndicats. Nous avons négocié cette modeste réforme avec eux, dans le cadre du conseil de surveillance du marché de l'emploi. Ils ont eux-mêmes relevé l'intérêt d'une décision sans délai de votre Grand Conseil, car, même en tenant compte des délais référendaires et de publication, la loi pourrait entrer en vigueur encore cette année. Cela permettrait aux petits commerces de bénéficier d'un chiffre d'affaires supplémentaire, vraiment bienvenu, en particulier à l'époque des fêtes de fin d'année.
Il n'y a vraiment aucun inconvénient à aller de l'avant sans délai.
Pour le surplus, je confirme à M. Kunz que, dans le cadre d'une commission consultative sur le commerce de détail, réunissant les associations patronales concernées, les syndicats et les représentants des consommateurs, nous avons mis en chantier une révision plus fondamentale de la loi sur les heures de fermeture des magasins.
Je dois vous dire, Monsieur Kunz, qu'il ne faut pas vous faire d'illusions. Vous avez souhaité que ce parlement soit saisi, à bref délai, d'un nouveau projet de loi à ce propos, mais il est de mon devoir de vous informer que cela prendra du temps, parce que vous savez que c'est un sujet délicat, complexe et, de surcroît, conflictuel. Si nous voulons travailler avec une chance d'aboutir, il faudra prendre le temps nécessaire d'une concertation approfondie : c'est ce à quoi nous nous sommes engagés.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Excusez-moi de reprendre la parole après M. le conseiller d'Etat, mais ce léger retard est dû au charme de mon collègue Chaïm Nissim, qui m'a distraite. (Manifestation.) Tout arrive !
Le groupe socialiste n'est pas opposé au projet de loi 7265. Par contre, nous avons quelques réticences sur la proposition de discussion immédiate, car nous pensons qu'il devrait être étudié en commission de l'économie.
Quant au fond, après ces propositions, il ne nous reste plus qu'à modifier les procédures d'adoption et de raccourcir la publication des bans de manière que les épiciers puissent plus facilement épouser leurs vendeuses !
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
M. Bernard Clerc (AdG). Puisque vous souhaitez la discussion immédiate, abordons le débat de fond. (Manifestation.)
Je trouve très touchant que le directeur de Balexert prenne la défense du petit commerce, car... (Brouhaha.) ...il me fait penser à ce brigand qui étrangle une personne sans défense et appelle ensuite une ambulance. Il y a quelque chose de paradoxal dans cette attitude ! (Protestations.)
Mais enfin, quand j'entends M. Kunz parler de la dégradation du commerce genevois, j'aimerais lui poser la question suivante : quelle est l'augmentation du chiffre d'affaires du centre de Balexert depuis le début de l'année ? Votre chiffre d'affaires, lui, a bien augmenté, n'est-ce pas ? (Manifestation.)
Une voix. Y'a quelques emplois à Balexert !
M. Bernard Clerc. S'il a augmenté, ce n'est pas parce que le pouvoir d'achat des habitants de ce canton a augmenté, mais bien parce que nous assistons à un transfert de parts du marché des petits commerces vers les grands, comme nous l'avions déjà dit, lors du débat sur les ouvertures nocturnes. La naïveté de certains est particulièrement étonnante dans ce domaine.
On nous dit que les syndicats ont accepté ce projet de loi, ce qui est exact. Je trouve d'ailleurs curieux que tout à coup on fasse appel aux syndicats, alors que, quelques heures auparavant, la majorité de ce parlement a rejeté leur initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» de manière dédaigneuse.
J'aimerais rappeler, à M. Maitre en particulier, que les organisations syndicales de ce secteur ont effectivement donné leur accord à ce projet de loi, en précisant bien que, pour eux, il ne s'agissait plus à l'avenir d'aller de l'avant, en direction de nouvelles nocturnes. Or, que s'est-il passé depuis lors ? Chacun le sait et, pour ceux qui ne le sauraient pas, je les en informe : la Migros, en la personne de M. Hausser, également président du Conseil économique et social... (Protestations.) ...propose une nouvelle nocturne le vendredi soir, jusqu'à 21 h 30.
Cela nous ramène au débat de l'année dernière sur la première nocturne. Un certain nombre d'intervenants avaient bien dit que c'était un premier pas, une première mesure timide qui devrait être suivie d'autres. Eh bien, progressivement, on va effectivement plus loin !
Pour revenir au projet 7265, M. Maitre nous a dit qu'il ne concernait que les commerçants contraints de licencier leurs employés, ce qui n'est pas exact, car sont aussi concernés les petits commerces qui ont actuellement des employés, puisque l'autorisation leur est donnée, à condition qu'ils ne fassent pas travailler ces personnes aux heures d'ouverture prolongée et le dimanche.
Cela pose un certain nombre de problèmes. Nous savons fort bien que, pour plusieurs de ces commerces qui rencontrent des difficultés économiques, en fonction des heures supplémentaires d'ouverture, la possibilité d'engager du personnel n'existe pas parce que le chiffre d'affaires réalisable à ce moment-là ne compense pas les frais liés à l'engagement de ce personnel.
Qui voit-on travailler dans ces commerces ?
Vous pouvez secouer la tête, Monsieur Lombard ! Vous faites comme si vous n'alliez jamais dans une épicerie ! Comment cela se passe-t-il ? On y trouve des travailleurs au noir - vous le savez bien ! - des requérants d'asile, des enfants de ces familles aussi, des enfants mineurs, parce que le propriétaire, même avec son épouse, n'arrive pas à tenir toute la plage d'ouverture !
On se retrouve dans le cas d'espèce où, après avoir créé des conditions de concurrence déloyale par rapport au petit commerce, on justifie des changements législatifs. Même si l'on peut comprendre la position des petits commerçants sur cet objet, je pense déceler une certaine hypocrisie dans la démarche, non seulement de ce projet-ci mais aussi de tous les prochains qui ne manqueront d'arriver devant nous !
M. Pierre Kunz (R). M. Clerc ayant demandé au directeur de Balexert de s'exprimer, c'est un vrai plaisir pour moi de lui répondre qu'effectivement la fréquentation du centre est en hausse de 5% depuis le début de l'année. Malheureusement, le chiffre d'affaires est stable.
Il faut savoir qu'au cours des huit dernières années la société Centre de Balexert SA a investi 30 millions pour améliorer la qualité de ses installations, notamment pour accueillir un certain nombre de petits commerçants genevois qui sont bienheureux d'avoir un magasin à Balexert, faute de quoi ils auraient déjà mis la clé sous le paillasson.
Cela dit, si le petit commerce a des problèmes, la moindre des choses que vous pourriez faire, c'est avoir une attitude positive quand il vous demande de prolonger ses horaires d'ouverture le dimanche et en soirée.
Dernier point - vous me l'accorderez Monsieur Clerc ! - j'ai toujours défendu l'idée qu'une seule ouverture en soirée, jusqu'à 20 h, était insuffisante. Je l'avais déjà dit avant les votations concernant cette question et je le maintiens : il nous faudra bien envisager deux ou trois ouvertures en soirée, jusqu'à 21 h ou 21 h 30. (Applaudissements.)
M. John Dupraz (R). Je comprends les préoccupations de M. Clerc qui veut préserver...
Une voix. Tu ratisses large, Dupraz ! (Rires.)
M. John Dupraz. C'était le chant du cygne d'un dinosaure en fin de carrière, Madame la présidente ! (Rires.)
Je comprends les préoccupations de M. Clerc : les droits des employés doivent être préservés. Or, ce projet de loi ne met pas en cause les conditions de travail des employés.
Actuellement, la Suisse est commercialement sinistrée. Suite aux accords du GATT, la plus grande escroquerie politico-économique de tous les temps... (Rires.)
La présidente. Vous sortez du sujet, Monsieur Dupraz !
M. John Dupraz. Absolument pas, Madame la présidente !
...accords du GATT par lesquels on a privilégié le négoce et les échanges commerciaux au détriment de tous les aspects sociaux et environnementaux, il arrive maintenant que les pays qui profitent de ces accords, notamment les Etats-Unis, règlent les différences de protection à la frontière par une dévaluation de leur monnaie.
Le franc suisse, valeur refuge puisque tout le monde vient placer son argent chez nous, devient trop cher. On transforme la Suisse en un pays de banques, de chômeurs et de candidats à l'asile politique. Genève est d'autant plus sensible à cette situation que nous avons plus de 100 km de frontières communes avec la France. Le commerce à Genève est sinistré, parce que, en raison du fort pouvoir d'achat du franc suisse, les gens ont de plus en plus tendance à aller acheter à l'étranger. C'est pourquoi nous devons adapter nos conditions de vente et de commerce pour essayer de garder les clients chez nous.
Vous savez bien qu'en France les commerces sont ouverts jusqu'à 20 h ou 21 h, ainsi que le samedi soir jusqu'à 19 h, le dimanche jusqu'à 12 h, voire 14 h. Comment voulez-vous que le commerce et l'économie puissent continuer à vivre à Genève, si nous ne leur accordons pas quelque souplesse pour qu'ils puissent être compétitifs ?
Ce projet de loi va dans le bon sens. Voilà pourquoi je le soutiendrai !
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Comme l'a dit Mme Fabienne Blanc-Kühn, le parti socialiste était en principe favorable à ce projet de loi. Néanmoins, nous trouvons inacceptable qu'il soit traité en discussion immédiate.
Vous parlez toujours de la compétitivité de la Suisse, mais on sait pourtant que l'industrie d'exportation se porte bien. C'est le commerce interne qui fonctionne mal. Pourquoi ? Ce n'est pas parce que les magasins ne sont pas ouverts assez longtemps, mais plutôt parce que les salaires et le pouvoir d'achat des travailleurs et des travailleuses ont baissé de plusieurs points, ces dernières années. (Protestations.)
Premièrement, le franc suisse est beaucoup trop cher. Voilà pourquoi les commerces ont de la peine en Suisse. Même si vous ouvrez les magasins toute la nuit, comme les gens n'ont pas d'argent à dépenser, ils n'iront pas acheter.
Deuxièmement, on dit que les membres de la famille pourraient travailler le dimanche ou le soir dans l'entreprise familiale. J'aimerais qu'on me définisse la notion de "famille" dans ce cadre-là. Ma grand-mère et mon petit enfant pourront-ils aussi travailler ou la famille se limite-t-elle au père, à la mère, au fils et à la fille ?
Une voix. Et le Saint-Esprit ! (Rires.)
Mme Maria Roth-Bernasconi. Nous avons fait preuve d'une certaine ouverture, mais nous regrettons vraiment que cette discussion ait lieu un vendredi soir, à 22 h 15. Je vous propose de rejeter ce projet de loi pour cette raison. (Brouhaha.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous acheminons vers une suspension de séance !
Des voix. Ouais ! Ah ! (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Rassurez-vous, je serai très bref !
Je connais un épicier, à côté de chez moi, au Grand Montfleury : celui qui avait présenté la pétition dont notre Grand Conseil s'était occupé, il y a une année. Il avait, en effet, été obligé de licencier son employé, parce qu'il devait rester ouvert le dimanche, car c'était la seule façon pour lui de tourner.
La loi l'avait obligé à licencier son employé; maintenant grâce à ce projet, il pourra le réembaucher. C'est tout ce que contient cette loi. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! On peut la voter tranquillement.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Bernard Clerc (AdG). Puisque vous voulez faire des débats de commission en séance plénière, on les fait. (Manifestation.)
C'est vous qui êtes responsables ! Désolé !
Le projet de loi 7265 nous dit que les commerces qui seront autorisés à prolonger les heures d'ouverture ne devront pas occuper de personnel les dimanches et jours fériés légaux, ainsi qu'au-delà des heures de fermeture normales des magasins.
J'aimerais que le chef du département nous explique comment il va contrôler cette disposition. J'ai cru qu'on irait dans le sens d'une diminution des contrôles tatillons, mais on nous propose, au contraire, un système de contrôle de plus. J'aimerais savoir comment il sera appliqué concrètement. J'attends la réponse de M. Maitre sur ce point.
Le règlement adopté par le Conseil d'Etat permettant des ouvertures supplémentaires à l'occasion de diverses fêtes est un aspect, que je n'ai pas soulevé tout à l'heure, mais qui n'aura échappé à personne. C'est un point que nous n'avons pas eu l'occasion de discuter dans ce Grand Conseil. Ces fêtes ont d'ailleurs tendance à se multiplier à l'infini, ce qui ajoute de nombreuses ouvertures nocturnes en plus de celle du jeudi, prévue par la loi. Vous avez vu à cet égard que les syndicats du secteur - dont M. Maitre nous dit qu'ils sont de tout coeur avec lui dans ce projet - ont recouru au Tribunal fédéral contre cette réglementation.
M. Dominique Hausser (S). Il est fait mention à l'article 4, lettre h, nouvelle teneur, d'une référence à l'article 4 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964, concernant la définition des entreprises familiales. Or, dans l'exposé des motifs, l'explication est des plus succinctes. Aussi, avant de voter ce projet de loi, j'aimerais connaître la teneur précise de l'article en question.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Certains députés demandent beaucoup d'explications pour un projet que, de toute façon, ils ne voteront pas. Néanmoins, je vais les leur donner très volontiers.
Vous souhaitez savoir, Monsieur Clerc, de quelle manière l'autorité compétente, c'est-à-dire l'inspection du commerce et contrôle des prix, instituera ses contrôles. La réponse est assez simple, quand on a connaissance de la pratique en la matière et quand on veut bien résister un seul instant à la tentation - à laquelle vous avez cédé - de conduire des débats stratosphériques sur une réalité élémentaire !
Les commerces qui ouvrent le dimanche, parce qu'ils sont susceptibles de remplir les conditions - a fortiori les conditions nouvelles - de la loi, sont très peu nombreux. Il est aisé de procéder par sondages et par contrôles. Ces derniers sont souvent effectués a posteriori, sur la base de dénonciation, pour vérifier ce qui s'est passé dans le magasin en question.
Lorsqu'il s'agit d'un petit commerce familial, nous connaissons bien les patrons, parce que ce sont des entreprises de quartier ou de village. Si, par impossible, un employé travaillait à un moment non autorisé, précisément parce qu'il n'est pas membre de la famille, on le saurait tout de suite. En tout cas, à Genève, cela est tout de suite dénoncé !
Les contrôles, à cet égard, sont extrêmement aisés, qu'ils le soient a priori par sondage ou, a posteriori, sur dénonciation. Il n'y aura donc pas de problèmes.
M. Hausser a demandé la définition précise de la notion d'entreprise familiale. A teneur de la loi fédérale sur le travail, une distinction a été établie. Les entreprises familiales sont considérées comme des entreprises "pilotées" par le noyau de la famille et ayant le droit d'avoir des employés; mais, dans certains cas, lorsqu'il s'agit des heures allant au-delà des possibilités de dérogation, la notion d'entreprise familiale est utilisée au sens strict, c'est-à-dire une entreprise qui n'emploie personne en dehors du cercle étroit de la famille. Ce projet de loi entend revenir à la première notion, prise au sens large.
Mesdames et Messieurs, le gouvernement est quand même surpris de constater les hésitations ou oppositions à propos d'un débat vraiment simple, dont la question se résume à savoir si votre Grand Conseil est à même de faire un tout petit geste pour favoriser des entreprises familiales, pour lesquelles la possibilité d'ouvrir en particulier le dimanche représente un moyen essentiel d'existence, sans risque aucun que la situation du personnel s'en trouve péjorée, puisqu'on n'a pas le droit de l'employer à ces heures-là. Je trouve consternant, a fortiori de la part de ceux qui donnent toujours de bons conseils sur l'emploi, qu'on n'arrive pas à régler ce problème simple dans des délais rapides afin d'aider des entreprises familiales à retrouver une situation et des conditions d'existence auxquelles elles peuvent légitimement prétendre.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins
(J 3 14)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les heures de fermeture des magasins, du 15 novembre 1968, est modifiée comme suit:
Art. 4, lettre h (nouvelle teneur)
h)
Les magasins et les étalages de marchés considérés comme entreprises familiales au sens de l'article 4 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, à condition qu'ils n'occupent pas de personnel les dimanches et jours fériés légaux, ainsi qu'au-delà des heures de fermeture normales des magasins, et qu'ils observent au moins un jour de fermeture hebdomadaire.