République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 41e séance -autres séances de la session
No 41
Vendredi 22 septembre 1995,
nuit
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 20 h 45.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Hervé Burdet, Hervé Dessimoz, Pierre Ducrest, Marlène Dupraz, Bénédict Fontanet, René Koechlin, Pierre Meyll, Jean-Pierre Rigotti et Micheline Spoerri, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
La présidente. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : Alain-Dominique Mauris, Barbara Polla, Vérène Nicollier, Claude Basset, Janine Berberat.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- la multiplicité d'instituts ou de programmes ou encore d'actions universitaires dont les objets de recherche ou d'enseignement se situent dans le domaine international et ont un rapport, direct ou indirect, avec la paix;
- la volonté de la Confédération d'oeuvrer en faveur de la paix, notamment sur le plan universitaire, en favorisant la création, à Genève, d'un institut pour la paix;
- les conclusions du Rapport Allan-Dupont du 30 août 1991, réalisé à la demande du Conseil d'Etat;
- les difficultés actuelles de l'Institut international de recherche pour la paix à Genève, quant à ses finances et à ses locaux;
- la nécessité pour Genève de maintenir son rôle international en se dotant d'atouts plus spécifiques que le nombre de m2 ou autres avantages matériels qu'elle peut mettre à disposition des organismes internationaux;
- l'occasion que constitue le 50e anniversaire de l'ONU,
invite le Conseil d'Etat
- à entreprendre une étude, en collaboration avec la Confédération, sur la création dans notre canton d'un institut universitaire de recherche sur et pour la paix;
- à analyser les opportunités d'intégrer dans cet institut les divers organismes qui oeuvrent aujourd'hui dans ce domaine à Genève.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Genève a vu naître, au fil de l'histoire, au gré des nécessités majeures telles qu'elles se sont manifestées en des moments différents, plusieurs instituts. Ainsi, l'Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI), au moment de la création de la SdN, le Centre européen de la culture (CEC), au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'Institut africain, au moment de la grande vague de décolonisations en Afrique, institut devenu ensuite l'Institut universitaire d'études du développement (IUED), et plus récemment, l'Académie de l'environnement.
Un nouvel institut est, semble-t-il, en train de naître, l'Institut d'études stratégiques, institut d'importance si l'on en croit la surface - 3000 m2 - qui lui a été attribuée dans le concours architectural lancé pour l'aménagement de la place des Nations et de ses abords (comprenant la Campagne Rigot).
Les instituts existants ont peu, voire pas de rapports organiques entre eux. Tous sont dotés d'un financement distinct, qui repose en partie sur le budget de notre canton. Chacun est doté d'une direction, d'une administration, d'une bibliothèque, etc.
De plus, ces instituts ne sont pas seuls à oeuvrer, sur le plan universitaire et dans le domaine international, dans une perspective qui s'ouvre sur la paix. Cette dernière étant comprise dans son sens le plus large: compréhension entre peuples différents, dialogue des cultures, équilibres économiques, équilibres naturels, etc.
Le Rapport Allan-Dupont, commandité par le Conseil d'Etat, a établi un inventaire, non exhaustif pourtant, qui souligne le foisonnement «des actions et des recherches pour et sur la paix à Genève» (août 1991). Quelques passages de ce rapport méritent d'être rappelés ici, tant ils restent d'actualité puisque ce rapport n'a été suivi d'aucun effet:
«... les actions et la recherche scientifique pour et sur la paix sont abordées selon des sensibilités, des méthodes et des objectifs extrêmement divers. Cette diversité est telle qu'un véritable fossé semble parfois séparer chercheurs et activistes. Si l'on souhaite promouvoir une Genève active sur le plan de la paix et non seulement une ville accueillant des rencontres internationales, il est nécessaire de trouver un projet commun permettant de rallier tant les associations et institutions activistes que les chercheurs scientifiques.»
Ou encore:
«Au vu du grand nombre d'institutions universitaires et para-universitaires actives dans le domaine à l'étranger, il est indispensable que Genève remplisse une véritable lacune en la matière et fournisse une contribution spécifique.»
Et ceci encore, dont le propos est grave:
«... Genève est perçue avant tout comme une ville accueillant des rencontres internationales et non comme une cité engagée dans la construction de la paix.»
Or, du côté de la Confédération, à la suite du postulat Arnold développé en octobre 1966, le Conseil fédéral a demandé l'étude d'un projet au Conseil suisse de la science. Quelques années plus tard, ce dernier a abouti à la conclusion qu'il était opportun d'envisager la création d'un institut pour la paix à Genève.
D'autres postulats ont suivi, celui de Ott, en 1983, puis de Muheim, sans que Genève ne réagisse, sinon en faisant la sourde et la muette. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir pourquoi et de connaître les influences qui ont pu se manifester pour enliser ce processus.
Le Rapport Allan-Dupont lui-même, en dépit de ses conclusions allant dans le sens de la création d'un tel institut, a été mis dans un tiroir. Il faut relire à ce sujet le mémorial de la séance de ce Grand Conseil du 18 septembre 1992.
Nous rappellerons pour mémoire la motion de la députation radicale, il y a quatre ans, demandant, elle aussi, la création d'une université de la paix; cette motion faisait suite à d'autres interventions, dans ce même Grand Conseil, de certains de nos collègues toujours présents.
Nous pouvons donc affirmer qu'il y a une volonté conjointe, à Berne et à Genève, qui n'arrive pas à s'imposer. Où sont donc les freins? Quelles carences ou quels intérêts occultes ont pu se manifester pour empêcher cette création?
Aujourd'hui, le GIPRI tire la sonnette d'alarme.
Le GIPRI mérite notre attention. Cet institut international de recherches pour la paix à Genève a été fondé en 1987, à l'initiative de diverses personnalités, pour donner vie à cet Institut de la paix fédéral qui, bien que conçu et voulu, tardait à naître. Parmi les personnalités qui ont soutenu ou soutiennent encore le GIPRI, citons Denis de Rougemont, Max Petitpierre, Monique Bauer-Lagier, Alexandre Berenstein, René Felber, Sadruddin Aga Khan, Victor Weisskopf.
Le GIPRI a voulu être le noyau de cet organisme confédéral, il se trouve aujourd'hui étouffé, faute de moyens, alors même, comme nous le relevions, qu'un nouvel institut s'apprête, lui, à voir le jour.
Nous sommes convaincus que le moment est venu d'y voir clair, de voir qui fait quoi, avec quelle efficacité, avec quel intérêt pour le rôle que Genève et la Suisse entendent jouer dans le domaine de la paix.
L'étude que nous vous demandons de faire entreprendre par le Conseil d'Etat devrait être confiée à des personnalités indépendantes, relevant du monde universitaire et du monde diplomatique. Nous souhaiterions qu'elle se profile dans la perspective tracée par le projet du Conseil fédéral et qu'elle se double d'une annexe financière, portant notamment sur le coût présent des multiples instituts, programmes, etc.
A l'heure où nous nous apprêtons à fêter le 50e anniversaire de la création de l'ONU, ne devons-nous pas renouer avec notre tradition, et mettre en valeur nos atouts, en décidant au moins d'étudier l'opportunité de donner vie à un institut ou une sorte «d'université de la paix»? Un institut qui rassemblerait, dans un effort de synergie, nos activités si nombreuses et si disparates, lesquelles, en dispersant les ressources disponibles, s'empêchent mutuellement de devenir marquantes.
On sait que le SIPRI, le Stockholm International Peace Research, jouit d'une réputation mondiale pour son action. Or, il a été créé par le Parlement suédois pour «marquer et célébrer le cent cinquantenaire de l'absence d'implication de la Suède dans un conflit armé».
Genève, elle, a vu naître le CICR. Il agit en aval des conflits. Osons imaginer un tel institut de la paix qui agira en amont. Il en existe déjà ailleurs, à Namur par exemple. A Genève, siège de l'ONU, dans cette magnifique Campagne Rigot qui jouxte la place des Nations, osons créer un lieu de dialogue, de recherche, de formation, sur le plan universitaire. Nous sommes convaincus que nous avons quelque chose à apporter à la paix sur ce plan-là.
En vertu de ce qui précède, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un accueil favorable à cette proposition de motion.
Débat
M. Roger Beer (R). Cette proposition de motion permet d'exposer un sujet cher aux radicaux : l'université de la paix. Les "anciens" se souviendront, sans doute, d'un projet instituant une université de la paix, présenté, sans succès, il y a quatre ans, par les radicaux à ce Grand Conseil.
Les années passent, le monde évolue, mais le désir de paix demeure. Aussi les radicaux ont-ils revu leur copie, retravaillé le dossier et se sont adjoint les lumières de députés venant d'autres horizons et siégeant dans cette honorable assemblée. Aujourd'hui, ils vous présentent une nouvelle motion.
Je m'étais personnellement impliqué dans les problèmes - j'utilise à dessein cet euphémisme - de l'ancien et, à l'époque, controversé Institut universitaire d'études européennes; la lecture du Mémorial vous donnera une idée de ce que j'ai vécu à cette occasion.
Le concours de l'aménagement de la place des Nations et l'ambitieux programme prévu dans ce périmètre nous offrent l'opportunité de revenir, aujourd'hui, sur la question des différents instituts universitaires de Genève. Faut-il rappeler qu'une surface importante de ce périmètre a été offerte à l'université de Genève, par le généreux Rockfeller, qui a tenu à ce qu'elle soit entièrement vouée aux activités universitaires ?
La paix à Genève ne tient pas du hasard. Genève, par son esprit et la présence de ses organisations internationales, est destinée à se consacrer à la paix. Citons le CICR ou l'ONU, pour ne prendre que les institutions les plus célèbres. D'autres organismes, plus discrets, éloignés des feux de la rampe, contribuent tout autant à notre réputation de métropole internationale et de cité oeuvrant pour la paix.
C'est vraisemblablement dans ce contexte que se sont développés, à Genève, ces différents instituts. Chacun d'eux, dans son domaine particulier, avec ses propres compétences, son cercle d'initiés et son fan-club, travaille sur une approche de la problématique de la paix. Sur ce point, Genève possède déjà une sérieuse avance ! Citons, pour mémoire, l'Institut universitaire des hautes études internationales (IUHEI), l'Institut universitaire des études pour le développement (IUED), le fameux GIPRI, l'Institut international de recherches pour la paix, qui se heurte, aujourd'hui, à de graves difficultés financières, l'Académie de l'environnement, ce jeune institut luxueux en pleine crise d'existentialisme et qui, déjà, se cherche une nouvelle voie, une nouvelle jeunesse, voire un deuxième souffle. Un autre institut, l'Institut d'études stratégiques, va naître, semble-t-il, et il sera d'envergure, si l'on considère la surface de 3000 m2 qui lui est réservée dans le concours de la place des Nations.
Dans la conjoncture financière que nous connaissons, vous admettrez qu'il est raisonnable d'imaginer que nous pourrions peut-être trouver une plus grande synergie entre ces différentes entités universitaires. En effet, chaque institut est autonome, "tourne" avec son budget, exploite ses propres subventions, utilise ses locaux, plus ou moins spacieux, plus ou moins bien situés. Il est incontestable que nous avons là des richesses, des capacités intellectuelles extraordinaires, des professeurs réputés, secondés d'assistants talentueux.
Aussi, ne pourrait-on pas envisager un regroupement de ces forces vives ? Les grands de ce monde, les intellectuels, les décideurs parlent de synergie. A Genève, nous avons la chance exceptionnelle de réunir les conditions favorables à cette synergie dynamique qui pourrait - je ne dis pas "qui devrait" - déboucher sur un regroupement complémentaire des forces oeuvrant pour la paix.
Une telle étude ne serait pas inédite. En effet, le rapport Allan-Dupont, du 30 août 1991, préconisait une voie similaire et jugeait inévitable ce genre de regroupement.
Notre proposition de motion demande que le Conseil d'Etat, fort du concours de la place des Nations et de son très vaste programme, approfondisse, en collaboration avec la Confédération, l'opportunité et la possibilité de la création, à Genève, d'un institut ou d'une structure universitaire regroupant les différentes études dans le domaine de la paix.
Pour toutes ces raisons, je vous serais reconnaissant de bien vouloir accorder un accueil favorable à cette proposition de motion et lui donner une suite positive, en la renvoyant à la commission de l'université.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Madame la présidente, au terme de nos interventions, je vous demanderai de donner lecture de la lettre du GIPRI, comme prévu au début de l'ordre du jour.
Comme Mme Mascherpa pouvait dire, hier, qu'à défaut d'une traversée de la rade ou d'un nouveau stade de football, les enfants de ce canton ne risquent pas de marcher sur une mine antipersonnel, nous pouvons dire, aujourd'hui, que, malgré nos petits soucis, nous vivons dans un pays immensément privilégié. Ces privilèges de paix et de richesse nous obligent à quelques responsabilités. "Verte et protestante" - on ne se refait pas ! - je m'engage pour cette motion, afin qu'elle aide à la réalisation d'un projet ambitieux. Tous ceux qui, une fois ou l'autre, ont revendiqué l'esprit de Genève devraient, pour le réactualiser, se joindre à la tentative que nous proposons.
En mai dernier, le forum des organisations non gouvernementales, section paix, réuni à Berne, établissait un programme national de la Suisse pour le cinquantième anniversaire de l'ONU. Les propositions de ce programme conviennent parfaitement au parti des Verts. Les ONG se déclarent prêtes à s'engager pour que se concrétise l'idéal d'une civilisation mondiale pacifique, telle que décrite dans la charte de l'ONU. En préliminaire, elles affirment qu'il n'y a pas de paix sans développement, pas plus qu'il n'y a de développement sans paix, le développement concernant la paix, l'économie, l'environnement, la société et la démocratie.
Reconnaissons que les ONG ont déjà développé une force innovatrice importante, lors de nombreuses conférences mondiales de l'ONU. De façon globale, de même que dans le cas particulier de notre pays, il faut oser dire que la paix ne s'obtient pas gratuitement et que, à ce titre, les dépenses militaires doivent être reconverties à son profit et à celui du développement social.
C'est pourquoi, et je cite les ONG : «Les organisations non gouvernementales demandent à tous les Etats du monde, y compris la Suisse, de réduire les dépenses militaires et de consacrer les sommes dégagées à promouvoir la paix et à assurer le développement social. Sans une reconversion massive des dépenses militaires en faveur de la paix, de l'environnement, de la démocratisation et du renforcement du statut des femmes, les défis mondiaux ne sauraient être relevés.» C'est pourquoi les Verts réitèrent leur avis de consacrer 0,7% du produit national brut à la coopération et au développement.
Le projet d'un institut sur et pour la paix est un élément de l'engagement demandé à la Confédération pour la paix et le développement. La politique de paix exige du personnel, des compétences, des formations, des idées et de l'argent. Gageons que, lors de l'examen du projet de motion en commission, les moyens mis à disposition par l'Etat et la Confédération se révéleront dérisoires, eu égard à la richesse de notre pays.
Nous souhaitons, par notre soutien à la motion, inviter notre canton et la Confédération, non seulement à une exigence d'accroissement de performances, ou à une déclaration d'intention, mais à un engagement dans une politique de paix qui va bien au-delà d'une défense nationale ou d'une recherche stratégique.
Nous souhaitons, par notre soutien, revitaliser l'image de la Suisse et de notre canton, siège d'organisations internationales, pour que nos propositions d'accueil des conférences internationales ne soient pas seulement concurrencées pour des motifs économiques mais que nos propositions d'accueil soient sous-tendues par un engagement authentique, qui légitime notre prétention à un certain esprit de Genève.
M. Armand Lombard (L). Nous recevons avec intérêt la motion 1014, et nous aimerions, avant de la renvoyer en commission, insister sur deux points importants, pour éviter le développement d'une discussion, éventuellement simpliste et manichéenne, à propos de l'Institut d'études stratégiques, auquel se réfère M. Beer, et de l'Institut de la paix plus proche du GIPRI.
Peut-être avez-vous lu le livre «Guerre et anti-guerre» d'A. Toeffler, sorti de presse ce printemps ? L'auteur y décrit les trois types de guerres actuels : les guerres de la première vague, qui sont celles des territoires et des ethnies; les guerres de la seconde vague, celles des nations pour les ressources, et qui relèvent du protectionnisme des XIXe et XXe siècles; enfin, ce nouveau type de guerre que Toeffler appelle "l'anti-guerre", c'est-à-dire celle où l'idée n'est plus de conquérir le territoire de son voisin, mais de remplacer la menace de la dissuasion par des contacts plus subtils, par une politique de sécurité, par des efforts qui permettent d'éviter le conflit.
Il s'agit d'études qui n'en sont qu'à leur début. En effet, il suffit de jeter un coup d'oeil sur ce qui nous entoure pour constater que les première et seconde vagues continuent à déferler, tandis que la troisième n'est pas encore perceptible. Mais c'est la seule qui permettra des stratégies débouchant sur des solutions pacifiques.
C'est pourquoi il ne faut pas parler d'un institut d'études stratégiques, qui relèverait du domaine militaire, et d'un institut de la paix, qui serait l'exclusivité des pacifistes.
A l'évidence, cet institut devrait s'occuper de mettre sur pied une politique de sécurité et apprendre aux gens la négociation internationale, c'est-à-dire discuter, s'écouter, trouver des synergies pour résoudre les problèmes, les conflits, ou encore concrétiser les projets qui se présentent.
L'institut mentionné par M. Beer est prévu par les autorités fédérales. Je crois que la cheffe du département de l'instruction publique aura des informations à nous donner à son sujet. Aussi me bornerai-je à dire que c'est un projet superbe et positif pour Genève.
Le deuxième point, développé par M. Beer, touche à une forme d'intégration, de réseau et de synergie des grands instituts universitaires genevois. Fort heureusement, M. Beer n'a pas parlé de fusion ! Il ne la recherche pas, et nous devons précisément l'éviter. Les solutions actuelles résident, effectivement, dans une mise en réseau, dans la recherche de synergies, mais en tenant compte des spécificités des instituts, afin que chacun préserve sa capacité d'inventer. Cet institut de politique de sécurité intéresserait, à l'évidence, les HEI, le mouvement Pugwash, le CICR, le Centre de négociations internationales et, sans doute, le GIPRI, qui réuniraient leurs efforts, mais sans, pour autant, tout coordonner et unifier.
Encore une remarque et j'en termine. J'ai souvenir, lors de la discussion en commission sur le GIPRI, que suite n'avait pas été donnée à la demande d'intégration formulée dans le rapport. Au contraire, la commission avait proposé de différencier les options, de disposer d'un mémoire de tout ce qui se faisait, à Genève, en faveur de la paix, de la négociation et d'une recherche de politique de sécurité, afin d'informer les uns et les autres des opérations menées. Je souhaite que soit évité l'affrontement, que je disais redouter au début de mon exposé. En effet, un contre-projet en faveur d'un institut d'une autre nature tuerait dans l'oeuf le projet extrêmement intéressant de la Confédération, que je me réjouis de discuter en commission.
M. René Longet (S). Dans le prolongement de ce qu'a dit Mme Maulini, concernant la nécessité de veiller à ce qui se passe avec le GIPRI, j'ajoute que je me réjouis de l'examen de cette motion en commission et attire l'attention de ce Grand Conseil sur le fait que les motionnaires, qui ont tout mon appui, veulent la réalisation d'un grand projet : celui de coordonner, comme le soulignait M. Lombard, mais peut-être aussi celui d'unir, selon le souhait des motionnaires radicaux, les forces qui, à Genève, oeuvrent à la recherche de la paix ou de la prévention des conflits.
J'observe que, en réclamant plus maintenant, on risque d'avoir moins d'ici quelques mois. Aussi, j'insiste sur l'existence du GIPRI. Fondé voici quinze ans, le GIPRI lutte et se bat pour faire avancer ses programmes et ses projets. Bien qu'ayant accumulé de nombreuses relations et expériences il se trouve actuellement dans une situation extraordinairement difficile. Malheureusement, le GIPRI - et j'espère que ce qui a été dit ce soir changera le cours des choses - n'a jamais réussi à décrocher un soutien effectif des pouvoirs publics. On a beaucoup parlé, dans cette enceinte, de la Genève internationale, mais on n'a jamais fait grand-chose pour le GIPRI. Plusieurs motions ont été déposées en sa faveur, des bonnes paroles ont été prononcées, mais il faut quand même savoir qu'a été supprimée, cette année, la subvention de 10 000 F destinée aux cours d'été, organisés par le GIPRI, pour des étudiants représentant plus d'une soixantaine de nationalités. D'habitude, ces étudiants, qui viennent du monde entier, étaient reçus par le Conseil d'Etat. Même cette petite réception a été supprimée : on se rend compte que ce qui existe encore pourrait disparaître !
Aussi, avant que les grands projets ne soient envisagés, je souhaite que l'on se soucie, en commission, de faire vivre ce qui existe déjà. Et je ne voudrais pas que ce débat se tienne sans que l'on soit conscient que le GIPRI est dans une situation d'extrême urgence. Grâce aux bons soins du département des travaux publics, le GIPRI était logé provisoirement dans l'ancien palais des expositions. D'ailleurs, plusieurs d'entre nous ont eu le plaisir de s'y rendre pour évaluer la situation, avec les responsables de cette fondation. Grâce encore à la compréhension du département des travaux publics, le GIPRI a pu quitter ce bâtiment, actuellement en voie de démolition, pour s'installer dans une école, en périphérie. Mais, par conséquent, il est aussi éloigné de ses sources universitaires et de la Genève internationale.
Je demande donc que l'examen de la motion inclue expressément, comme prévu par l'exposé des motifs, la situation du GIPRI et un soutien effectif de la collectivité publique genevoise à la survie de cette institution.
Encore une fois, il serait dommage qu'à vouloir plus on obtienne moins.
La présidente. Nous allons procéder à la lecture de la lettre du GIPRI, dont l'essentiel vient de vous être communiqué par M. Longet. Monsieur le secrétaire, veuillez procéder à la lecture de cette lettre.
Annexe : lettre du GIPRI
page 2
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Par le biais de vos différentes interventions, nous aurons passé de la définition de la paix aux voeux des uns et des autres, qui se traduisent, pour certains, par la création d'un institut universitaire.
Je vous informe ici de ce que je dirai en commission : une telle demande me paraît, d'ores et déjà, décalée par rapport à la réalité, un Institut d'études stratégiques n'entrant pas dans nos prévisions. Par contre - et ceci répondra sans doute aux souhaits de Mme Maulini-Dreyfus - il y a bel et bien de la part de la Confédération, de deux de ses départements, du canton, de l'ONU, des partenaires dans les domaines universitaire et humanitaire, la volonté commune de mettre sur pied un centre de formation et de recherches, qui collabore avec les autorités académiques, étatiques ou para-étatiques, et les institutions privées, afin de promouvoir la construction et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Europe et dans le monde.
C'est donc une activité plus ouverte qu'une simple recherche universitaire. Il s'agit aussi d'intégrer la nécessité de diplomatie, de négociation et des différentes composantes qui conduisent à la paix.
Aucun de nous n'ignore l'importance de la paix et chacun a eu, pour objectif, d'y tendre et de la faire régner. Mais, pour cela, il ne suffit pas d'articuler le mot "paix", comme on a articulé le mot "environnement", à un certain moment, puis de mettre sur pied des institutions que l'on rassemble en espérant que le tout fonctionnera. C'est pour cette raison que sera créée, d'ici la fin de l'année, une fondation qui remplira non seulement les divers critères que vous avez évoqués, mais qui répondra aussi aux objectifs que j'ai énumérés.
Dans le lieu où s'installera cette fondation - ce n'est pas, comme on l'a cru, la surface de 3 000 m2 citée tout à l'heure - le GIPRI aura sa place et des locaux pourraient être mis à sa disposition.
C'est vers cette solution que nous nous acheminons, mais sachez tout de même que ce n'est pas lors de la prochaine séance de la commission de l'université que nous résoudrons le problème. Pour pouvoir véritablement discuter de tous les aspects concrets de ce projet, je suggère, au contraire, d'attendre quelques semaines.
Il ne faudrait pas confondre le problème d'une institution et la façon dont des milieux privés ou étatiques peuvent lui venir en aide ponctuellement, par un projet qui réunit des partenaires et qui vise une politique cohérente et globale.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, dans l'ordre du jour de votre commission, à tenir compte de la nécessité de parler d'un projet exhaustif. Cela pourra être le cas d'ici quelques semaines.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'université.
La commission de l'enseignement de notre Conseil a étudié en date du 10 et du 17 mai, du 7, du 14, du 21 et du 28 juin 1995 la proposition de motion concernant les accueils familiaux déposés en date du 10 mai 1994 parMmes E. Reusse-Decrey, L. Maury Pasquier et MM. D. Hausser et Ph. Schaller. Les travaux ont été menés sous la présidence efficace et éclairée de Mme C. Howald, présidente.
Les accueils familiaux représentent une solution extrêmement intéressante pour la prise en charge d'enfants de parents se trouvant dans l'impossibilité permanente ou temporaire de s'en occuper à temps plein. Qu'il s'agisse de leur aspect de prise en charge dans un milieu familial, de leur souplesse en termes d'horaires d'accueil, de la possibilité d'accueil d'enfants même lorsqu'ils sont malades, les accueils familiaux représentent indis-cutablement une alternative de choix à d'autres systèmes de placement d'enfants (crèches ou parascolaire par exemple).
Auditions
Audition de M. J. Lehmann, directeur de l'office de la jeunesse,et de M me J. Horneffer, directrice de la protection de la jeunesse (PDJ)
La demande en matière d'accueils familiaux est en augmentation, entre autres en raison du manque relatif de places en crèche ou en garderie. Le rôle de la protection de la jeunesse en matière d'évaluation des familles d'accueil est essentiel. Néanmoins, la protection de la jeunesse ne dispose pas de toutes les ressources nécessaires pour assurer un suivi régulier des familles d'accueil. Il en va de même de la Croix-Rouge qui assure la formation des familles d'accueil, mais qui ne peut faire face à l'ensemble des demandes. Un certain risque existe dès lors de voir se développer des accueils «au noir», risque cependant difficilement chiffrable.
Mme Horneffer précise à la commission les procédures d'évaluation des familles d'accueil effectuées par la protection de la jeunesse: climat familial, options éducatives, limitation du nombre d'enfants accueilis, taille et tenue de l'appartement par exemple. Le tarif d'accueil recommandé s'élève à 35 F par jour, gains qui ne sont pas imposés en accord avec l'administration fiscale cantonale.
Audition de M me G. Maridat, assistante sociale à la PDJ, et de M me C. Kaenel, présidente de l'associationpour les accueils familiaux de Meyrin
Mme Maridat a été l'une des chevilles ouvrières de la création de l'association meyrinoise pour les accueils familiaux: crèche surchargée et rigide en termes d'horaires, demandes de formation des familles d'accueil, difficultés financières des familles placeuses sont autant d'éléments qui l'ont convaincue d'essayer de structurer les accueils familiaux à Meyrin depuis 1990. En accord avec sa hiérarchie, Mme Maridat a participé à un groupe de travail qui a débouché l'an dernier sur la création d'une association: l'association pour l'accueil familial «Le Nid», cela en collaboration étroite avec la commune, Pro Juventute, ainsi qu'avec des représentants des familles d'accueil et des familles placeuses. Cette association a pour buts de faire connaître et de développer l'accueil familial, de promouvoir un accueil de qualité, de rechercher des fonds, de former des coordinatrices, le tout en lien étroit avec les autorités communales. Mme Kaenel confirme ces objectifs, souligne le rôle de l'association dans la mise en relation des familles placeuses et des familles d'accueil, son rôle potentiel de «caissier» entre familles placeuses et familles d'accueil, et fait part de sa conviction de la nécessité d'un subventionnement des familles placeuses.
Enfin Mme Maridat précise à la commission que chaque commune a des attentes et des besoins spécifiques en matière d'accueils familiaux, ce qui nécessite des structures les plus souples possibles.
Audition de M me M. Bernasconi, conseillère administrativede la commune de Meyrin
La commune de Meyrin consacre 4 millions de francs par an pour crèche et jardin d'enfants (48 postes, 200 enfants par jour). Elle consacre depuis 1992 10 000 à 12 000 F par an pour les accueils familiaux (formation, coordination), et met des locaux à disposition de l'association pour des réunions mensuelles. En 1994, Meyrin comptait 84 familles d'accueil et203 demandes de familles placeuses (en augmentation de 25% par rapport à 1993). La commune ne contribue au financement de l'accueil familial que lorsqu'un enfant n'a pu être mis à la crèche. Cette aide est possible, mais ne doit en aucun cas être généralisée. La commune de Meyrin n'entend par pour le moment s'engager davantage en matière de financement des accueils familiaux compte tenu des priorités qu'elle a consenties dans d'autres domaines.
Audition de M me Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique
Le mandat d'évaluation des familles d'accueil par la PDJ doit être maintenu. Le rôle de l'Etat, concernant la mise en place de structures ayant trait aux accueils familiaux, sous une forme qui soit la plus légère possible, doit être d'en faciliter l'éclosion ou d'en encourager la création. Les services de la PDJ se tiennent d'ailleurs à disposition pour donner les «coups de main» nécessaires.
Travaux de la commission
La proposition de motion qui nous est soumise met bien l'accent, dans son exposé des motifs, sur les avantages des accueils familiaux: décharge de structures existantes (parascolaire, restaurants scolaires) et parfois saturées (crèches en particulier); organisation et horaires souples, y compris pendant les périodes de vacances; accueil d'enfants très jeunes, accueil d'enfants même malades; possibilités d'accompagnement aux activités scolaires ou périscolaires; enfin, «last but not least», ce type d'accueil permet un encadrement des enfants, en particulier des plus jeunes, dans ce qui reste la structure de base de notre société, la famille.
La commission tient également à relever la complémentarité de ce type d'accueil avec d'autres structures mises au service de la population genevoise: crèches, qui poursuivent pour les enfants d'âge préscolaire des objectifs pédagogiques et de socialisation différents, parascolaire, périscolaire, res-taurants scolaires pour les enfants plus grands.
En revanche, de l'aveu même d'une des motionnaires, on est «plus à l'aise» avec l'exposé des motifs de la motion qu'avec ses invites !
S'agissant de la première invite, la commission, comme la plupart des personnes auditionnées, pense qu'une structure de type fondation de droit public pour les accueils familiaux est trop lourde, trop centralisatrice, trop uniforme, en un mot étatique. Sans se prononcer sur un type unique de structure idéale pour la gestion des accueils familiaux, la commission constate qu'une association, comme celle créée à Meyrin ou celle qui vient de naître à Puplinge en collaboration avec d'autres communes, offre toute l'indépendance, le potentiel créatif et la souplesse nécessaires.
S'agissant de la deuxième invite, il n'est pas paru indispensable de demander ce qui se fait déjà sur la base d'une ordonnance fédérale. Tous les membres de la commission, et d'ailleurs Mme Brunschwig Graf nous l'a également confirmé, sont attachés à ce que le mandat d'évaluation et de surveillance des accueils familiaux reste du ressort des services de la protection de la jeunesse.
Alors, quels sont les buts poursuivis par cette motion ?
Tout d'abord, il s'agit de faire mieux connaître les accueils familiaux qui sont encore par trop méconnus, eu égard aux qualités qu'ils présentent, tout particulièrement en valorisant la famille comme noyau fondamental de notre société.
Cette motion veut à cet effet créer un déclic, c'est-à-dire faciliter la naissance d'associations locales, issues des besoins du terrain, et destinée à développer des accueils familiaux de qualité. Cela doit bien entendu se faire en collaboration avec les communes ou groupements intéressés, et avec le soutien d'organismes compétents, en particulier de Pro Juventute dont l'expérience dans ce domaine est immense.
Il convient aussi de pouvoir mettre à la disposition de ces associations naissantes, pour autant qu'elles en ressentent le besoin, l'expérience et les compétences des services de la protection de la jeunesse qui bénéficient d'une large expertise acquise en la matière, expertise acquise dans le cadre de leur mission d'évaluation et de surveillance aussi bien que par leur participation à la mise sur pied de l'association pour les accueils familiaux de Meyrin.
La commission prend le pari que de telles associations, nées d'initiatives locales, mises en place pour répondre aux besoins spécifiques de chaque commune ou groupement, animées par des familles d'accueil et des familles placeuses, mais pouvant se référer au professionnalisme tant de Pro Juventute que de la PDJ, sont les meilleurs garantes de la promotion des accueils familiaux, garantes aussi de leur qualité, et qu'elles impliqueront ainsi une limitation des accueils «au noir».
Mais la commission a aussi été attentive à ne pas trop réglementer en la matière !
Trop réglementer, cela pourrait consister à imposer «par le haut» des structures lourdes alors qu'elles se doivent d'être souples et individualisées de par la nature même des besoins qui sont différents et spécifiques dans chaque commune.
Trop réglementer, cela pourrait aussi consister à inventer de nouvelles charges pour l'Etat destinées à des tâches qui ne sont pas les siennes, ou à engendrer de nouvelles charges pour les communes auxquelles il appartient, individuellement, de définir leurs priorités budgétaires.
Trop réglementer, cela pourrait également consister à exiger une professionnalisation poussée des familles d'accueil: on pourrait en arriver à décourager des élans spontanés d'entraide entre voisins, amis ou membres d'une même famille (grands-parents le plus souvent), ce qui constituerait une absurdité.
Trop réglementer, cela pourrait enfin consister à se mêler dans cette motion des aspects financiers liés aux accueils familiaux, alors que ces aspects financiers doivent s'inscrire dans une réflexion et une conception plus larges de la politique budgétaire de l'Etat. Doit-on subventionner les familles placeuses ? Doit-on prévoir un revenu minimum familial permettant aux familles, souvent monoparentales, qui en ont besoin de pouvoir payer 35 F par jour pour la garde de leur enfant ? Doit-on prévoir des incitations fiscales (par exemple la possibilité de déduction des montants versés par les familles placeuses de leur revenu imposable) ? Doit-on prévoir des allocations familiales plus importantes et peut-être différenciées en fonction du revenu ? Autant de projets à l'étude dans plusieurs commissions de notre Conseil et que cette motion n'entend pas aborder.
Ainsi donc la majorité de la commission entend-elle, au travers des nouvelles invites de cette motion, non seulement envoyer un signal en faveur des accueils familiaux, mais également affirmer à cette occasion la nécessité de laisser peu à peu l'Etat providence se muer en un Etat-stratège, Etat qui facilite au lieu d'obliger, qui met sa compétence au service d'associations nées du principe subsidiarité au lieu d'agir à leur place, qui évalue et contrôle au lieu d'ordonner.
Ces nouvelles invites, destinées à encourager les accueils familiaux de la manière la plus souple qui soit, ont été acceptées par 9 voix (1 L, 2 R, 2 PDC, 2 ADG, 1 S, 1 E), alors que 3 commissaires se sont abstenus (L) !
La commission vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le renvoi au Conseil d'Etat de la motion 923 ainsi amendée:
LE GRAND CONSEIL,
invite le Conseil d'Etat:
- à faciliter, avec l'aide des organismes compétents, la création d'associations locales (ou autres structures), chargées de la mise sur pied et de la gestion des accueils familiaux, en liaison avec les communes ou groupements qui en font la demande;
- à mettre à disposition, en cas de besoin, les compétences, l'expérience et la collaboration de la PDJ;
- à s'assurer du suivi de ces structures.
ANNEXE
Proposition de motion
concernant les accueils familiaux
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le nombre important de familles ayant recours à des accueils familiaux;
- le risque, en période de chômage touchant particulièrement les femmes, de voir s'étendre des accueils d'enfants «au noir», sans critères d'évaluation, sans suivi et sans sécurité;
- les coûts relativement élevés, pour les familles modestes, de tels placements, les incitant à confier leurs enfants en évitant les structures officielles;
- la difficulté pour les services chargés de la surveillance de ces placements d'assurer un suivi régulier (manque de postes);
- l'importance que ce type de placement dispose d'un maximum de garanties pour le bien-être et le développement harmonieux des enfants placés,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier, en collaboration avec les communes et les associations s'occupant de ce problème, la possibilité de créer une structure de type fondation de droit public pour les accueils familiaux;
- à maintenir le mandat de l'évaluation et de la surveillance aux services de la Protection de la jeunesse.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Je voudrais présenter mes excuses aux motionnaires pour ne pas avoir joint la motion originelle à mon rapport. Je supposais que les services du Grand Conseil l'avaient fait.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Rarement, j'aurais lâché autant de lest sur une motion. Rarement, je serais allée si loin dans l'affaiblissement d'une proposition, car c'est bien d'affaiblissement dont il faut parler aujourd'hui.
Etait-ce le bon choix ? Fallait-il refuser et tout perdre, n'ayant, pour consolation, que de belles et fortes déclarations dans un rapport de minorité ? Ou fallait-il accepter de négocier, de manière à gagner un peu de terrain en faveur d'une cause qui m'est chère ?
J'ai choisi la deuxième solution, tant il me semblait important, dans le domaine essentiel de l'accueil familial, de commencer à trouver rapidement des solutions, car il y a urgence !
Urgence, parce que l'accueil familial n'est pas reconnu. Il est le parent pauvre ou plutôt l'enfant pauvre parmi toute la panoplie des possibilités de prise en charge des enfants, alors qu'il en est un élément important, parce que conciliant prise en charge de l'enfant, accompagnement de type familial, assouplissement et adaptation des horaires, liens affectifs, etc. Par conséquent, cette forme d'accueil devait, de toute urgence, être remise à sa juste place et soutenue.
Urgence encore, car cette non-reconnaissance ouvrait la porte à des situations où l'enfant n'aurait pas bénéficié de bonnes conditions d'accueil, et même couru certains risques.
L'urgence et la perspective d'un manque d'informations, d'un manque de suivi, de difficultés financières et, en bout de chaîne, d'accueil au noir, m'ont fait accepter de voter - du bout des lèvres, il est vrai - cette nouvelle motion.
Quelques mots, maintenant, sur le rapport de M. Unger, qui plaide pour que l'on ne réglemente pas trop et souligne des points importants, ceux-là mêmes qui figuraient dans l'exposé des motifs de la motion : création de structures souples qui prennent en compte des problèmes spécifiquement locaux; préservation de la richesse des accueils spontanés entre amis, parents ou voisins; souci de ne pas faire porter une nouvelle charge à l'Etat, mais d'approcher l'accompagnement des enfants dans sa globalité; amélioration des possibilités d'accueil en famille pour décharger d'autres structures subventionnées par la collectivité, tels les crèches, les garderies, le parascolaire, etc. Tout cela, les signataires de la motion l'avaient déjà relevé. Mais ce n'est pas trop réglementer que de vouloir respecter ces points, tout en s'assurant quand même de la présence et de l'aide de l'Etat.
Entre l'Etat providence et l'Etat stratège, il y a une marge, à l'intérieur de laquelle nous aurions pu élaborer des projets intéressants. Mais la majorité de la commission ne l'a pas souhaité. Ne restent alors que les nouvelles invites qui vous sont faites, aujourd'hui, et qui m'amènent à préciser encore un dernier point :
Il faut être bien clair. Avec le travail qui incombe actuellement à la protection de la jeunesse, avec le nouveau mandat qu'elle s'est vu confier, il y a deux ans, consistant à assurer le suivi de tous les enfants en voie d'adoption, et cela sans que de nouvelles ressources lui soient attribuées, il faudra bien trouver les moyens de l'aider à assumer les prestations que nous lui demandons d'offrir par le biais de cette motion.
De même pour Pro Juventute, riche d'une grande expérience dans le domaine de l'organisation des accueils familiaux, cité à plusieurs reprises dans les rapports et les travaux de la commission, nous ne pouvons lui suggérer simplement de se mettre à la disposition des associations qui auraient besoin de ses services, sans lui apporter un appui.
C'est pourquoi nous voterons cette motion, mais resterons extrêmement attentifs à l'évolution de ce dossier, au cours des prochains mois.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Le projet des accueils familiaux est intéressant, car il s'intègre dans la mosaïque d'offres répondant aux demandes multiples des parents. En effet, cette alternative de garde d'enfants offre une prise en charge plus individuelle et plus adaptée à des horaires élargis. De plus, elle procure à de nombreuses femmes des activités complémentaires à leur vie familiale.
Néanmoins, il est indispensable de s'assurer de la qualité de la prise en charge du jeune enfant. Malgré la tendance actuelle à refuser tout cadre légal, trop de situations connues nous démontrent qu'accueillir un enfant contre paiement ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions, et je suis bien placée pour vous en parler.
C'est la raison pour laquelle il nous paraît que l'invite est un peu floue. En effet, l'organisme compétent en la matière, en l'occurrence Pro Juventute, qui a une expérience suisse, devra recevoir du Conseil d'Etat quelques appuis, pour lui permettre d'assurer la gestion de l'offre et de la demande, et son soutien de formation, très sollicité, par les familles d'accueil. Cet organisme a une vocation d'aide à la jeunesse, mais ne peut réaliser ses actions sans une aide concrète de l'Etat.
Malgré ces remarques pragmatiques, le groupe radical accepte de renvoyer la motion 923 au Conseil d'Etat.
Mme Janine Hagmann (L). Je trouve qu'il est superflu d'intervenir pour cette motion, mais je tiens à remercier le rapporteur, qui a fait un excellent travail en analysant avec objectivité le cheminement de réflexion de la commission, qui a mené à ces invites relativement souples.
Je me bornerai à expliquer la position de mon groupe pendant le travail de commission, qui a freiné quelque peu l'enthousiasme des autres groupes et suscité quelques réticences.
Mon groupe a vraiment redouté d'arriver à la conclusion de la création d'une structure de type fondation de droit public, qui serait lourde, centralisatrice, étatique. L'exemple de la réglementation des crèches et des garderies ne donne pas forcément l'envie de s'y référer. Quand on sait qu'ouvrir une crèche s'apparente au parcours du combattant et que son coût d'exploitation est exorbitant, nous n'étions pas disposés à entreprendre une démarche similaire.
Reste à savoir si le domaine de la petite enfance doit demeurer l'apanage de la famille ou si c'est à la collectivité de le prendre en charge ? C'est vrai qu'une unité, au niveau de toutes les associations pour l'accueil familial, devrait être créée. Les bases - je pense aux statuts, aux tarifs, aux familles d'accueil, aux subventions, aux familles placeuses, aux barèmes, à la formation - doivent être identiques, mais les spécificités de chaque commune doivent être respectées.
La création de deux groupements communaux, dont nous avons pris connaissance en commission, est exemplaire et doit servir de modèle.
Mon groupe vous propose pourtant de voter cette motion qui a démontré son utilité.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Cette motion, avec ses invites, tient au mieux la gageure d'être une garantie pour les enfants accueillis, tout en accordant une certaine liberté dans l'organisation et la pratique de leur accueil.
Aucun système ne sera jamais parfait. Quel qu'il soit, aucun système ne pourra garantir qu'il n'y ait que des familles d'accueil parfaites et des crèches sans problèmes.
C'est pourquoi nous recherchons, au DIP et particulièrement la protection de la jeunesse, une collaboration avec l'institution Pro Juventute, afin de pouvoir assurer les garanties nécessaires en matière de contrôle, tout en ménageant une certaine souplesse par rapport aux initiatives qui pourraient être prises.
En effet, aucune société ne peut vivre avec des structures extrêmement organisées, qui rendent toute initiative impossible.
J'ai pris note, Madame la représentante du groupe radical - et j'espère que votre groupe en a pris note aussi - que votre intervention, s'agissant de Pro Juventute, sous-entendait le versement de quelques subsides. J'attends donc avec intérêt la position de votre groupe, lorsqu'il s'agira de discuter des aspects budgétaires de la question.
La présidente. Je vous rappelle que le texte originel a été amendé en commission et que les changements, portant sur les invites, figurent en page 6 du rapport de M. Pierre-François Unger. En voici la teneur :
«LE GRAND CONSEIL,
invite le Conseil d'Etat:
- à faciliter, avec l'aide des organismes compétents, la création d'associations locales (ou autres structures), chargées de la mise sur pied et de la gestion des accueils familiaux, en liaison avec les communes ou groupements qui en font la demande;
- à mettre à disposition, en cas de besoin, les compétences, l'expérience et la collaboration de la PDJ;
- à s'assurer du suivi de ces structures.»
Mise aux voix, la motion ainsi corrigée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant les accueils familiaux
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le nombre important de familles ayant recours à des accueils familiaux;
- le risque, en période de chômage touchant particulièrement les femmes, de voir s'étendre des accueils d'enfants «au noir», sans critères d'évaluation, sans suivi et sans sécurité;
- les coûts relativement élevés, pour les familles modestes, de tels placements, les incitant à confier leurs enfants en évitant les structures officielles;
- la difficulté pour les services chargés de la surveillance de ces placements d'assurer un suivi régulier (manque de postes);
- l'importance que ce type de placement dispose d'un maximum de garanties pour le bien-être et le développement harmonieux des enfants placés,
invite le Conseil d'Etat:
- à faciliter, avec l'aide des organismes compétents, la création d'associations locales (ou autres structures), chargées de la mise sur pied et de la gestion des accueils familiaux, en liaison avec les communes ou groupements qui en font la demande;
- à mettre à disposition, en cas de besoin, les compétences, l'expérience et la collaboration de la PDJ;
- à s'assurer du suivi de ces structures.
Envoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation pour examen lors de la séance du Grand Conseil du 23 septembre 1994, la motion 934 a été traitée lors des séances du 1er février, 15 février et 3 mai 1995 sous la présidence de Mme Claude Howald.
Travaux de la commission - Auditions
M. Michel Ramuz, directeur des services administratifs et financiers. Jean-Pierre Ballenegger, adjoint à la direction des SAF du DIP, le 1er février 1995
Une brochure intitulée «Etat des lieux de l'édition à Genève» a été publiée en mars 1994 et portée à la connaissance du public lors d'un colloque mis sur pied par les éditeurs genevois dans le but de présenter au public, à la presse et aux pouvoirs publics le travail qui se fait dans l'ombre du livre pour qu'un livre, une collection, un ensemble éditorial puissent voir le jour.
M. Ramuz apporte des informations sur les réflexions et les démarches qui ont suivi le colloque organisé par les éditeurs. Une concertation a eu lieu entre le canton, par l'intermédiaire du DIP, et la Ville de Genève. Un groupe de travail 4 représentants des éditeurs, M. Ballenegger représentant le DIP, M. Bosson représentant, la Ville de Genève a été mandaté parMme Martine Brunschwig Graf et par M. Alain Vaissade
Un certain nombre de propositions ont été élaborées par ce groupe de travail, particulièrement celles qui touchent aux invites ayant trait à la diffusion, au soutien de l'édition dans le domaine scolaire, ainsi que celles qui visent à promouvoir des mesures d'encouragement sous forme de bourses et de prix. Ce groupe est donc arrivé assez rapidement à un certain nombre de propositions en matière de collaboration à instaurer.
Trois axes ont été retenus :
● création d'une commission consultative;
● constitution d'un groupe interface avec les écoles, comprenant les trois ordres d'enseignement;
● constitution d'un jury qui aurait à attribuer annuellement des bourses et un prix.
La Ville de Genève et le canton sont parvenus à un accord sur ces diverses propositions. En revanche, sur le plan intercantonal, des collaborations existent déjà, mais pour des actions ponctuelles.
M. Ballenegger souligne le fait que le DIP a, par ailleurs, soutenu, ponctuellement, des projets d'écriture pour la scène.
La commission consultative se réunit au moins deux fois par an, elle comprend:
● 2 éditeurs
● 1 représentant de l'université
● 2 représentants du DIP } dont un représentant des affaires culturelles
● 2 représentants de la Ville de Genève } + une personne travaillant dans une bibliothèque
municipale ou scolaire
● 1 libraire
● 1 critique littéraire ou journaliste
Le mandat de cette commission est le suivant:
- instaurer le dialogue;
- proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production genevoise du livre et à sa diffusion hors du canton;
- veiller à la cohérence des moyens déjà existants et des initiatives nouvelles;
- favoriser la présence du livre et la rencontre avec les auteurs dans les écoles, les bibliothèques et les médias;
- stimuler le goût de la lecture dans le public et auprès des jeunes en particulier;
- favoriser, par les choix d'attribution de bourses et de prix, l'écriture et l'émergence de jeunes auteurs;
- proposer des mesures pour renforcer le rôle du livre et de l'édition genevoise en Suisse et à l'étranger, en tant que porteurs de notre identité et de notre créativité, en relation avec Pro Helvetia.
Ladite commission, dont les membres sont nommés pour une période de deux ans renouvelables, est présidée, pour une durée d'un an, à tour de rôle par un représentant de l'Etat et un représentant de la Ville. Elle rend un rapport chaque année aux deux instances publiques, avec un bilan du travail effectué.
La création d'un groupe interface a également été planifiée entre les éditeurs et l'école.
Les éditeurs regrettent en effet d'avoir de la peine à entrer en contact avec les enseignants et ils estiment qu'il est difficile de présenter leurs livres ou d'envisager une rencontre avec les auteurs.
Le groupe interface est composé de :
● 1 représentant de la commission consultative;
● 3 enseignants (1 par ordre d'enseignement);
● 1 éditeur;
● 1 représentant des bibliothèques scolaires.
Ce groupe est en relation avec la commission consultative et il a pour but de :
- assurer une liaison régulière entre les éditeurs et les écoles;
- diffuser auprès des enseignants une information sur les publications romandes récentes;
- faire connaître le livre et favoriser le goût de la lecture;
- faciliter les rencontres et débats avec les auteurs romands;
- sensibiliser les enseignants aux vertus irremplaçables du livre par rapport aux photocopies.
Deux bourses sont mises à disposition du jury de l'écriture et un prix est décerné pour encourager des jeunes auteurs dans le roman, la poésie, les essais, les livres pour enfants, en alternant une de ces formules.
A ce sujet , M. Balleneger relève que le DIP a pour pratique d'aider la jeune création, ce qui se fait déjà pour le cinéma, la vidéo et le théâtre.
Le jury est composé de 5 personnes :
● 1 éditeur;
● 1 critique;
● 1 libraire;
● 1 représentant de l'édition;
● 1 représentant de la Ville de Genève.
Ce jury est chargé de sélectionner:
- les écrivains qui bénéficieraient des deux bourses DIP, l'une étant décernée après un appel d'offres, l'autre sur propositions;
- l'auteur recevant le prix annuel DIP (couronnant tour à tour un romancier, un essayiste, un poète, un auteur de livre pour enfants);
- le bénéficiaire du nouveau prix Ville de Genève.
Les membres du jury sont choisis par la commission consultative.
L'éditeur/trice préside le jury et assure le lien avec la commission consultative, ainsi que le secrétariat.
Ces différentes dispositions ont rencontré l'approbation des éditeurs genevois.
M. Ballenegger fait remarquer que le problème rencontré à Genève est le même que celui des provinces françaises où la concurrence des grands distributeurs est vive, les grandes régions ont plus de moyens et de rayonnement, sans compter l'attrait qu'exerce Paris. Le cinéma rencontre les même problèmes. De plus certains éditeurs et libraires ont peut-être des efforts à faire sur le plan de leur organisation.
M. Ramuz rappelle que l'encouragement à la lecture n'est pas seulement une préoccupation des libraires ou des éditeurs et des membres de la commission, mais que c'est un souci du DIP depuis de nombreuses années déjà. Beaucoup de choses sont faites et les crédits alloués aux bibliothèques ne sont que le signe tangible de cette préoccupation, tant de la part des enseignants que de la direction.
Quant aux débats soulevés par les photocopies, il faut aussi savoir qu'elles permettent de faire connaître un plus grand nombre d'ouvrages dont certains sont souvent achetés par la suite, si le texte a suscité un intérêt auprès du lecteur potentiel.
Sans aide ou crédit, il est très difficile de concurrencer les grandes maisons, une meilleure collaboration entre les cantons romands est évidemment souhaitable. Selon M. Ballenegger, des tentatives ont été faites pour essayer d'ouvrir les barrières, mais elles ont malheureusement échoué. Il convient de relever aussi que les éditeurs sont souvent des fous du livre, qui travaillent beaucoup pour la survie de leur entreprise locale et qu'ils n'ont souvent pas la possibilité de s'investir au-delà, pour une action plus large.
Certains commissaires s'étonnent tout de même que l'on n'ait pas songé à ouvrir la commission consultative à l'échelon romand. Les difficultés de collaboration sur le seul plan genevois semblent avoir dicté ce choix.
La production interne du DIP est remise en cause à plusieurs reprises, de même que celle de l'université. M. Ramuz fait remarquer qu'en ce qui concerne cette dernière, elle n'édite guère que des thèses de doctorat, qui, en général, n'assurent aucune rentabilité et, par conséquent, n'intéressent pas les éditeurs privés.
Plusieurs commissaires regrettent que le marché du livre scolaire paraisse fermé, puisque l'école édite elle-même du matériel didactique préparé par les enseignants ou qu'elle l'achète à l'extérieur.
Certains membres de la commission regrettent l'absence de toute statistique permettant une comparaison des coûts entre entreprise privée et secteur public. M. Ramuz reconnaît qu'aucune statistique n'a été établie à ce sujet. Par ailleurs, sa réalisation sur un plan romand prendrait beaucoup de temps.
Chacun se plaît à reconnaître et à souligner l'importance du Salon du livre qui, par son rayonnement, constitue un bon vecteur pour l'édition en général, et locale en particulier.
. .
M. Damien Malfat , libraire, président du Cercle de la librairie et de l'édition
M. Henri Weissenbach, éditeur et président de l'Association suisse des éditions de langue française, le l5 février 1995
Mme Pietri souligne à quel point la motion a été un encouragement pour ceux qui s'occupent des métiers du livre. Livres qui sont là pour transmettre des idées, des idéaux, alors que, dans la vie quotidienne, ceux qui s'en occupent doivent travailler avec les lois du marché.
Les livres sont à la base même de la connaissance. En Suisse, la grande tradition du livre est certainement liée au protestantisme. Il est important de relever qu'autrefois, en France, toute l'édition se faisait à Paris.
Dans notre pays, il y a très peu de reconnaissance et d'aide apportées à l'édition. Pendant les années d'expansion, la situation était déjà difficile. Aujourd'hui la question se pose de façon plus aiguë encore. La présente motion a, par conséquent, apporté un espoir de soutien des pouvoirs publics dans les démarches entreprises par les éditeurs et les libraires.
Mme Pietri regrette surtout qu'aucun dialogue ne soit établit avec le DIP et qu'aucune communication directe n'existe avec les professeurs. L'important travail du monde de l'édition est quasiment ignoré de tout le personnel enseignant. De plus, dans l'Encyclopédie des arts, par exemple, rien ne figure au sujet de l'édition.
Cette édition est par ailleurs très diverse: édition scientifique, édition de sciences humaines, édition de création, édition de livres pour enfants, édition de partitions de musique.
Elle fait allusion également à l'édition de matériel scolaire, aux problèmes soulevés par les innombrables photocopies, aux relations entre l'Economat cantonal et les libraires.
M. Weissenbach apprécie le fait qu'en Suisse romande on ait réussi à sauvegarder la diversité. Il se réjouit de constater que le DIP a pris des mesures, même si rien de concret n'est encore sorti à ce jour. La difficulté économique de l'édition réside dans la petite taille du marché. De plus, la Suisse est mal reconnue sur le marché français, sauf en ce qui concerne les publications sur les sciences exactes.
Il déplore aussi que l'édition scolaire échappe depuis une vingtaine d'années au marché de l'édition. De nombreuses démarches ont été tentées pour essayer de récupérer cette part du marché, mais en vain. Lui aussi met en exergue le fait que les élèves utilisent de nombreuses photocopies; il lui semble que le livre ne soit malheureusement plus un moyen indispensable. Les éditeurs n'ont pas su se faire entendre du DIP, ni de la CDIP (Conférence suisse des directeurs des départements de l'instruction publique). Les problèmes de droits n'ont donc pas été réglés à ce sujet. Cette situation entraîne une déperdition de l'information; par exemple, des revues scientifiques ont même cessé de paraître, faute de moyens.
Il souhaiterait que le DIP prenne conscience du problème que pose cette situation et mette un frein à l'utilisation massive de photocopies. Il est primordial d'évaluer l'importance du rôle que joue le livre dans la culture pendant qu'il en est encore temps.
Les éditeurs souhaitent que le livre, support culturel par excellence, soit exempté de la TVA, au même titre que d'autres produits jugés indispensables.
M. Malfat précise qu'à Genève, on compte 25 librairies. Dans une ville à population équivalente en France, on ne trouverait que 2 ou 3 points de vente. La librairie, qui emploie 150 personnes, joue un rôle économique à Genève. Vingt apprentis reçoivent une formation très pointue et après 3 ans, ils sont qualifiés pour perpétuer un métier pourtant peu rétribué.
Tous les vendeurs de livres sont contraints de vendre les livres au prix fixé par l'éditeur. En outre, les libraires sont confrontés à la concurrence des grandes surfaces. De plus en plus, les best-sellers échappent aux libraires, tout comme les bandes dessinées. Il ne leur reste alors que les ventes difficiles et malgré le travail demandé par la recherche d'un ouvrage, il sera vendu au prix fixé.
Les autorités pourraient jouer un rôle important en incitant les bibliothèques à se regrouper pour effectuer leurs achats.. Au niveau des bibliothèques municipales, la situation est assez bonne. Mais sur le plan de l'Economat cantonal, il y a dérégulation totale, ce dernier achetant directement aux diffuseurs de livres.
D'autre part, il souhaite une sensibilisation au niveau de l'école, car souvent, les élèves ne connaissent pas la différence entre une bibliothèque et une librairie. Cette sensibilisation aux lieux de vente revêt une grande importance, car ce sont aussi des lieux de rencontres, de culture.
La question est posée de savoir si, sur la base d'un cahier des charges du DIP, des privés pourraient fournir des ouvrages à meilleur marché que les éditions produites par l'Etat qui, semble-t-il, coûtent très cher.
M. Weissenbach considère que l'édition privée est à même de produire de tels ouvrages à meilleur marché. L'éditeur privé travaille par appel d'offres, alors qu'à l'Etat, il est payé d'avance. De plus, même si l'ouvrage n'est pas bon, il faut l'utiliser. Il propose qu'un expert-comptable établisse une comparaison entre les deux systèmes, public et privé, lors de la parution d'un prochain ouvrage, ce qui offrirait une réponse intéressante.
Le problème de la collaboration et de l'organisation quelquefois déficiente entre éditeurs, diffuseurs et libraires est soulevé par un membre de la commission.
Il se demande également, au moment de l'émergence de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles technologies, de nouveaux moyens médiatiques, si les milieux du livres n'évoluent pas, ne participent pas à cette dynamique, ont des chances de survie.
Les diffuseurs et libraires admettent que, vu les marges de bénéfice très faibles, tout le monde fait tout et le fait souvent mal.
M. Weissenbach relève que des investissements importants deviendront nécessaires dans le domaine de l'édition scolaire, tant sur le plan des logiciels que pour les questions de droits d'auteurs. Par ailleurs, le canton de Vaud dicte sa loi, vu sa clientèle importante.
De plus, en ce qui concerne l'édition scolaire, dit-il, il est très difficile d'établir des comparaisons de prix, l'Etat ne comptabilisant pas les salaires ou d'autres frais. Seul ce qui est acheté à l'extérieur est pris en compte.
M. .
M. Mahler rappelle que l'Economat cantonal est le service des achats de l'Etat de Genève.
En ce qui concerne plus particulièrement les livres, il relève que seules les bibliothèques des écoles primaires et enfantines sont approvisionnées par l'Economat. Pour les autres degrés d'enseignement et les bibliothèques municipales, ce sont les bibliothécaires qui achètent les ouvrages dont ils ont besoin directement chez des libraires de la place, auprès desquels ils obtiennent certaines conditions, en accord avec l'Economat.
Lorsqu'il s'agit d'éditions réalisées dans le cadre de la coordination romande, COROME (commission romande des moyens d'enseignement) informe les éditeurs de langue française qu'une édition est en préparation et leur propose de faire des offres.
A titre d'exemple, M. Mahler énumère les trois derniers ouvrages qui ont été édités:
● un livre sur l'histoire suisse en bande dessinée pour lequel l'Economat a fait appel a un éditeur privé;
● un livre de cuisine, pour lequel l'Economat s'est adressé à un éditeur genevois qui a jugé le livre trop scolaire;
● un livre de géographie édité par un éditeur privé.
Il y a aussi des cours spécialisés qui sont réalisés par offset ou photocopie. L'objectif qui dicte le choix étant toujours le coût le plus bas pour un très petit tirage.
M. Mahler signale que pour toutes les éditions d'une année, les éditeurs ont déclaré ne pas être intéressés. Chaque fois que la chose est possible, l'Economat fait appel à des éditeurs de la place ou de Suisse romande.
COROME, par l'intermédiaire de l'office romand des éditions scolaires, est un service chargé de distribuer aux écoles les nombreux ouvrages communs à tous les cantons romands. Cette collaboration intercantonale a démarré dans les années 70, avec les mathématiques, puis le français et l'allemand au CO. En ce moment, COROME prépare l'édition d'une refonte des manuels de mathématiques sur le plan romand.
Un commissaire relève que les éditeurs, lors de leur audition, ont précisé qu'ils n'allaient plus aux séances de présentation, car ils avaient l'impression de n'avoir aucune chance de pouvoir être compétitifs, affirmant que le DIP ne compte pas les heures de travail, ni la location des locaux, par exemple.
Dans le cadre des éditions romandes, M. Malher précise que tous les coûts de conception sont pris en compte. Les heures de décharge sont payées aux cantons, ainsi que les frais de déplacements, de locations de salles, de conception de texte, de mise en page, de graphisme, de même que les frais de poste. Si le prix est relativement avantageux, c'est parce que le nombre d'exemplaires est importants (40 000 à 50 000). Il estime qu'il s'agit là d'un mauvais procès et il regrette que les éditeurs genevois ne viennent plus aux séances, car toute forme de collaboration est envisageable.
Pour répondre à la question posée au sujet des nombreuses plaquettes que reçoivent les députés, M. Mahler regrette de devoir dire que l'Economat est souvent court-circuité parce que les entreprises auxquelles les personnes s'adressent n'ont pas le souci de faire imprimer à Genève.
Au sujet des photocopies, M. Mahler estime certes qu'il y a des abus et signale que Pro Literis, organisme chargé de défendre l'intérêt des auteurs, envisage de faire taxer chaque photocopie. Pour sa part, l'Economat établit des contrats avec les entreprises qui louent les photocopieuses et contrôle chaque appareil. On peut donc dire qu'il se fait 74 millions de photocopies par an. Mais au-delà de ce constat, il n'a pas prise sur le sujet. Sans compter que les communes mettent parfois des appareils à disposition. Il convient de relever aussi que ceci reste un outil de travail précieux pour les enseignants.
Discussions de la commission
Les photocopies restent un sujet préoccupant auquel personne n'est apparemment à même de répondre sur un plan global. Si elles peuvent avoir un rôle de révélateur, très utile et positif, pour les ouvrages littéraires, il n'en va pas de même pour les ouvrages scientifiques, revues, qui ne sont alors pas achetées. Le problème est particulièrement grave aussi en ce qui concerne les partitions.
Pour les enseignants, il convient cependant de reconnaître qu'elles sont un simple outil de travail, mais un outil précieux, dont ils se passeraient difficilement aujourd'hui.
Actuellement, beaucoup de maisons d'édition ne tiennent que grâce à la force et à l'enthousiasme de ceux qui y travaillent. Seule la passion fait vivre ces entreprises. Quand cet enthousiasme diminue, la maison risque de disparaître. Une meilleure collaboration et une manière dynamique d'aborder un marché qui évolue leur donneraient vraisemblablement plus de garanties de survie.
Comme l'ont souligné, à diverses reprises, plusieurs commissaires, Genève a une longue tradition dans le monde du livre et il convient de ne pas perdre la grande richesse de ce patrimoine. La production du livre mérite donc d'être soutenue en général et plus particulièrement sur le plan genevois.
Conclusions
Par la constitution d'une commission consultative, d'un groupe interface et d'un jury, il a été répondu à plusieurs invites de la motion 934 pour laquelle les membres de la commission, à l'unanimité, vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
L'ensemble des commissaires a donc estimé que la mise sur pied d'un groupe de travail, qui a permis la constitution d'une commission consultative, la création d'un groupe interface et d'un jury, apportait des réponses aux invites nos 2/3/4/5 et 6. Cependant, afin que le Grand Conseil puisse avoir connaissance des résultats obtenus grâce à la mise en place de ces différentes structures, les membres de la commission ont jugé nécessaires de conserver la première et la dernière invites de la motion 934. Le rapport ci-dessus tenant lieu d'exposé des motifs, les membres de la commission, à l'unanimité, vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la motion 934 amendée, qui devient la motion 1012.
(M 1012)
proposition de motion
concernant un soutien à l'édition,
à la production locale du livre et à sa diffusion
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le récent colloque consacré à Genève aux défis de l'édition;
- la précarité du métier d'éditeur et du statut du livre en Suisse romande;
- que la disparition des uns et des autres mettrait en danger la pérennité de notre culture ainsi qu'une activité économique qui ne doit pas être abandonnée;
- que le livre ne peut être considéré comme un simple produit soumis aux lois du marché;
- qu'il est la base et la source de tout enseignement;
- qu'une vraie politique du livre doit être engagée, politique à laquelle les cantons doivent participer dans la mesure de leurs moyens;
- le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture renvoyé en commission pour étude,
invite le Conseil d'Etat
à suivre les activités du groupe de travail ou de la commission consultative, réunissant des représentants de l'Etat, de l'université, de la Ville, des communes et du Cercle de la librairie et de l'édition à Genève, chargé-e d'étudier et de proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production locale du livre et à sa diffusion;
à veiller à la mise en oeuvre des propositions;
à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide aux jeunes créateurs à des auteurs du canton (bourse d'encouragement ou prix à la publication d'une première oeuvre, par exemple).
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mme Claire Torracinta-Pacheet M. René Longet
Dépôt: 24 juin 1994
M 934
proposition de motion
concernant un soutien à l'édition,à la production locale du livre et à sa diffusion
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- le récent colloque consacré à Genève aux défis de l'édition;
- la précarité du métier d'éditeur et du statut du livre en Suisse romande;
- que la disparition des uns et des autres mettrait en danger la pérennité de notre culture ainsi qu'une activité économique qui ne doit pas être aban-donnée;
- que le livre ne peut être considéré comme un simple produit soumis aux lois du marché;
- qu'il est la base et la source de tout enseignement;
- qu'une vraie politique du livre doit être engagée, politique à laquelle les cantons doivent participer dans la mesure de leurs moyens;
- le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture renvoyé en commission pour étude,
invite le Conseil d'Etat
à constituer un groupe de travail ou une commission, réunissant des représentants de l'Etat, de la Ville, des communes et du Cercle de la librairie et de l'édition à Genève, chargé-e d'étudier et de proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production locale du livre et à sa diffusion;
à étudier, en collaboration avec les départements de l'instruction publique romands, des mesures permettant de mieux faire participer les éditeurs romands à la réalisation de matériel pédagogique;
à étudier la possibilité de diffuser auprès des enseignants la liste des publications des éditeurs romands, en particulier des éditeurs genevois;
à encourager les enseignants à développer au maximum le goût du livre chez l'enfant et à favoriser l'accès des élèves au livre, dans son intégralité;
à sensibiliser les enseignants au côté pernicieux de l'usage systématique de la photocopie en lieu et place du livre;
à inciter l'université à intensifier ses efforts pour mieux faire connaître les publications éditées en Suisse romande;
à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide aux jeunes créateurs à des auteurs du canton (bourse d'encouragement ou prix à la publication d'une première oeuvre, par exemple).
Débat
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. Si le colloque de mars 1994, «Les défis de l'édition», a eu le mérite de réunir éditeurs et libraires, de les sensibiliser à l'obligation impérieuse de collaborer, il a suscité, auprès du DIP, une prise de conscience de l'importance de l'édition pour Genève, et surtout de la nécessité de la soutenir.
La motion 934, déposée en juin 1994 par nos collègues Claire Torracinta et René Longet, a eu le mérite de convaincre les députés de l'importance du monde de l'édition et de la librairie à Genève, de la richesse culturelle qu'il représente et du rôle que joue le livre dans notre cité.
Je me réjouis donc de constater que cet état des lieux de l'édition a été suivi d'actions concrètes : la création d'une commission consultative réunissant des représentants des éditeurs, de l'université, du DIP et de la Ville de Genève, commission dont le mandat est explicité dans le rapport; soit la mise sur pied d'un groupe interface d'éditeurs, de libraires et d'enseignants de tous les ordres d'enseignement; et la création d'un jury. Par conséquent, comme relevé dans le rapport, il a été répondu à plusieurs des invites de la motion 934.
Nous vous proposons donc d'approuver la motion amendée. Son numéro étant modifié, j'invite Mme Claire Torracinta-Pache et M. René Longet à être cosignataires de la motion 1012.
La présidente. Il ne s'agit pas d'une motion amendée, mais d'une nouvelle motion. Vous invitez donc les précédents motionnaires à retirer leur motion, si je vous ai bien comprise ?
Mme Nelly Guichard, rapporteuse. Exactement, Madame la présidente ! Je les invite également à cosigner la nouvelle motion.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Mon collègue René Longet et moi-même remercions Mme Guichard de son rapport très complet. Nous remercions également la commission de l'enseignement et le Conseil d'Etat d'avoir pris au sérieux les problèmes soulevés par notre motion. Ils ont ainsi manifesté leur volonté de soutenir une activité culturelle typiquement genevoise, qui a sa place dans notre histoire et dont la disparition mettrait en péril une activité économique certaine ainsi que notre identité culturelle genevoise et romande.
Aussi ai-je le plaisir de vous faire part de la reconnaissance des éditeurs, dont nous avons porté les revendications dans ce parlement. Ce sont souvent des gens qui, à tort ou à raison, restent un peu à l'écart du monde politique. Ils nous ont manifesté clairement leur satisfaction et je tenais à vous en informer.
Toutefois, nous avons été un peu surpris par les conclusions du rapport de la commission, parce qu'à notre avis, et pour autant que nous maîtrisions la procédure normale, il aurait suffi de modifier un tant soit peu notre motion, afin qu'elle ne soit pas retirée. En effet, la nouvelle motion reprend textuellement nos considérants et change quelques invites. Il nous aurait donc semblé plus élégant de reprendre notre motion modifiée. Quoi qu'il en soit, nous ne voulons pas en faire une affaire d'Etat, l'important étant que les choses avancent.
Créer une commission consultative, c'est bien. Il s'agissait, d'ailleurs, de l'une des revendications des éditeurs que nous avons transmises à ce parlement. Créer un groupe interface, c'est bien aussi, mais faudrait-il encore qu'il se réunisse. A ma connaissance, cela n'a pas été fait à ce jour. Enfin, il faudra que ces réunions communes débouchent assez rapidement sur des propositions concrètes.
A la page 3 du rapport, il est dit que la commission consultative devra rendre «...un rapport chaque année aux deux instances politiques, avec un bilan du travail effectué». A ce propos, j'aimerais proposer un amendement à votre nouvelle motion qui consisterait à ajouter l'invite suivante :
«à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an.».
Nous souhaiterions, effectivement, être informés de ce qui se fera dans cette commission. Un rapport devant, de toute façon, être présenté à l'Etat et à la Ville, je ne vois pas d'impossibilité à ce que nous en prenions connaissance.
M. Armand Lombard (L). Le travail présenté par la commission est si brillant et finit sur une si belle note que je ne puis m'empêcher d'y apporter ma petite touche supplémentaire. En effet, les objectifs décrits sont louables, et il est bon que le département de l'instruction publique s'occupe de l'édition genevoise.
Certes, c'est une bonne chose de collaborer avec l'Etat, de conclure un partenariat à chaque fois que cela est possible, mais, à l'évidence, les éditions genevoises et romandes sont de petites entreprises qui doivent absolument revoir leur gestion. Parallèlement à ces aides multiples que sont les commissions, les groupes interface, etc., il leur faut monter des réseaux communs de clients, d'annonceurs et de travail pour vendre les ouvrages édités et non se contenter de demander simplement des subventions pour les publier.
Mme Torracinta-Pache a parlé de l'édition à Genève, née voici des siècles. Je peux vous garantir que si elle est réputée bien au-delà de nos frontières, c'est parce qu'elle a su trouver son dynamisme à Genève même, en dehors de l'aide de l'Etat, en appelant aux compétences de la place internationale, de la place humanitaire, de la place financière aussi. Il y a partout à dire et à faire, dans ce domaine. Comme je viens de le dire, ces entreprises doivent tout d'abord se mettre en réseau, collaborer et aller sur le marché pour vendre leurs livres.
Avec deux éléments de ce type et l'aide qui pourra être fournie, grâce à cette motion, mais surtout grâce aux moyens propres qu'elle se donnera, l'édition genevoise retrouvera son dynamisme et son efficacité.
M. Bernard Lescaze (R). il est évident que l'on ne peut que soutenir l'intention louable et les travaux qui ressortent du rapport de la commission de l'enseignement. Mes remarques ne sont pas des critiques : elles ouvrent simplement des pistes complémentaires, parce qu'il semble que l'on en est resté, parfois, à un aspect beaucoup trop institutionnel du soutien du livre, comme vient de le faire remarquer, en partie, M. le député Lombard.
Normalement, à la base d'un livre, avant même son édition et sa publication, il y a un auteur ou une "autrice". Or, malheureusement, dans ce rapport, dans la composition de commission interface et des jurys proposés, je constate que l'on a fait totalement abstraction de la notion des auteurs. Il existe une Société genevoise des écrivains, à laquelle on pourrait faire appel. Il existe également un certain nombre de fondations privées qui distribuent des prix, des encouragements financiers. Je le sais d'autant mieux que je suis le président de l'une d'entre elles, et que je n'ai jamais jugé bon d'en faire état. Les éditeurs genevois nous connaissent bien et nous envoient des livres pour recevoir, éventuellement, des prix.
Je pense qu'il conviendrait de nommer un ou deux représentants des auteurs dans la commission interface. Et il n'est pas difficile de trouver de bons auteurs genevois.
Des voix. Lescaze, Lescaze !
M. Bernard Lescaze. Non, non... je ne me considère pas comme écrivain, mais Mme la présidente du département de l'instruction publique sait très bien ce qu'il faut entendre par cela.
D'autre part, on distribue un certain nombre de prix littéraires à Genève. Le plus important porte le nom d'un écrivain genevois illustre, c'est le prix Rousseau. Il est effectivement attribué par un jury entièrement privé, et la Ville de Genève se contente d'en fournir le montant. Je tiens à signaler que ce prix, qui n'a encore jamais été décerné à un écrivain genevois, l'a été deux fois à des traductions et une fois pour l'un de ces enregistrements qui sont saisis, puis publiés, et que l'on prétend être des livres. Je souhaite, là aussi, que la commission interface puisse faire du bon travail.
Dernière remarque, très importante avant le budget : ce rapport fait allusion au problème des photocopies. Vous savez que la loi suisse sur le droit d'auteur vient d'être révisée et que les sociétés, qui défendent prétendument les intérêts des auteurs, sont devenues très gourmandes. Si bien que dans le budget des bibliothèques, comme dans celui du département de l'instruction publique, ces postes vont se chiffrer en plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers de francs. Il en va d'ailleurs de même pour les droits sur les vidéocassettes.
Tout ceci est bel et bon, mais, comme le laisse entendre le rapport, ce sont effectivement des ouvrages scientifiques, ou des articles scientifiques, historiques, géographiques ou physiques, qui sont photocopiés. Malheureusement, le système de redistribution du droit de 3,5 centimes par photocopie fonctionne selon les tirages. Par conséquent, les auteurs des écrits photocopiés sont généralement des scientifiques qui ne touchent que peu de droits, alors que le montant important des photocopies ira aux auteurs de romans de gare. Il y a là un problème auquel personne n'a pensé. Pour résumer, c'est Horace Bénédict de Saussure contre Barbara Cartland.
Fort de ces remarques, je félicite la commission de l'enseignement de ce rapport. A mon avis, c'est une première démarche, le sujet de l'aide à l'édition genevoise et à l'édition romande étant complexe et délicat. Je pense que nous aurons l'occasion, au vu des rapports successifs d'activité de cette future commission, d'en redébattre. Je voulais simplement faire ces remarques pour vous montrer qu'il s'agit d'un sujet délicat et qu'il faut avancer avec une extrême prudence.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je suis sensible à l'honneur que me font ce Grand Conseil et surtout la commission de l'enseignement en étant satisfaits des démarches que nous avons entreprises.
Néanmoins, je tiens à souligner ce qui suit :
L'Etat de Genève et le département de l'instruction publique n'ont pas pour vocation - ils ne l'auront jamais - de soutenir des métiers. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'aide aux éditeurs, mais de démarches dans le sens de la mission culturelle de l'Etat et du département de l'instruction publique, consistant à soutenir le livre, à aider à sa publication et à inciter à la lecture. Je souhaiterais, par conséquent, que l'on replace les dispositions qui ont été prises dans ce cadre.
Monsieur le député Lescaze, j'ai pris note avec intérêt de votre suggestion. Compte tenu de la démarche précitée, quelques auteurs pourraient, effectivement, participer aux discussions de ces différentes commissions.
Le 9 octobre prochain, Ville et Etat "installeront", puisque c'est l'expression consacrée, la fameuse commission consultative qui va commencer ses travaux. Je veux bien que vous modifiiez une invite, mais je vous rends attentifs au fait qu'il s'agit de travaux sur la durée. Cela ne signifie donc pas, à terme, des progrès ou des résultats chiffrés. La contribution financière du DIP, dans le cadre de ses crédits habituels, concerne la mise à disposition de prix pour encourager la production de jeunes auteurs, de la même façon que, pour d'autres supports culturels, nous encourageons la vidéo, la musique, le théâtre ou la danse. C'est ainsi qu'il faut comprendre ce qui a été décidé et déterminé.
Madame la députée, les éditeurs vous ont fait savoir, je crois, qu'ils étaient satisfaits. J'espère que les propositions, pas seulement celles des éditeurs mais également celles des auteurs - car ce sont eux, comme l'a rappelé M. Lescaze, qui font vivre le livre - se concrétiseront en éléments intéressants pour le futur rapport que nous vous adresserons en temps voulu.
M 1012
La présidente. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote de l'amendement proposé par Mme Claire Torracinta-Pache et M. René Longet, visant à ajouter un alinéa à l'invite de la proposition de motion, et dont la teneur serait la suivante :
«à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, la motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant un soutien à l'édition,
à la production locale du livre et à sa diffusion
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le récent colloque consacré à Genève aux défis de l'édition;
- la précarité du métier d'éditeur et du statut du livre en Suisse romande;
- que la disparition des uns et des autres mettrait en danger la pérennité de notre culture ainsi qu'une activité économique qui ne doit pas être abandonnée;
- que le livre ne peut être considéré comme un simple produit soumis aux lois du marché;
- qu'il est la base et la source de tout enseignement;
- qu'une vraie politique du livre doit être engagée, politique à laquelle les cantons doivent participer dans la mesure de leurs moyens;
- le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture renvoyé en commission pour étude,
invite le Conseil d'Etat
à suivre les activités du groupe de travail ou de la commission consultative, réunissant des représentants de l'Etat, de l'université, de la Ville, des communes et du Cercle de la librairie et de l'édition à Genève, chargé-e d'étudier et de proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production locale du livre et à sa diffusion;
à veiller à la mise en oeuvre des propositions;
à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide aux jeunes créateurs à des auteurs du canton (bourse d'encouragement ou prix à la publication d'une première oeuvre, par exemple);
à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an.
M 934
La présidente. Madame Torracinta-Pache, auriez-vous l'obligeance de retirer votre première proposition de motion ?
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je la retire, tout en le regrettant, Madame la présidente.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.
Le 21 avril 1995, le sautier du Grand Conseil recevait, sous pli recommandé, la lettre suivante signée de Mme V. Azzarello-Huser et de M. B. Huser afin qu'elle soit transmise au Grand Conseil pour être traitée sous forme de pétition.
PÉTITION
concernant un différend avec l'instruction publique
Par la présente, je vous demande de transformer ma lettre du 21 mars 1995 en pétition qui sera contresignée.
Département de l'instruction publique
à l'intention de Mme Perrin
case postale 3925
rue de l'Hôtel-de-Ville 6
1211 Genève 3
Concerne: V/Réf.: JP/cgr/huser, 040205
Madame,
J'accuse réception de votre lettre du 14 mars 1995.
Vous m'affublez de tous les mots de la terre, de plus vous mettez en doute la véracité de mes dires, donc vous m'accusez de menteur par votre grand étonnement et quant à «mes affirmations» qui seraient à vous entendre, inventées de toutes parts. Je vous rappelle que la diffamation fait en général l'objet de plainte pénale. Je réitère ce qui a été déjà dit, en ce sens que je ne me sens pas concerné, personnellement et professionnellement, par les faits que vous évoquez dans votre missive du 14 mars 1995.
D'une part, le courrier est centralisé au Centre de Sophrologie des Bugnons à Meyrin et à mon cabinet où mes 4 collaboratrices se partagent les tâches dont celle d'ouvrir le courrier et de le diriger vers la personne responsable à qui il appartient.
D'autre part, les faits et dates dont vous vous étonnez, soit le 14 mars 1993: «Vous sollicitez la Direction de l'enseignement primaire ...». Désolé, je n'ai jamais rien sollicité du tout. Que mon épouse ait sollicité quelque chose, c'est un fait. Mais, il ne s'agit pas de moi, personnellement, m'occupant de la défense de l'affaire en cours.
Or, le «Vous» est superflu et ne rentre pas en ligne de compte.
Il en va de même pour les faits du 13 mars 1993, 29 avril 1993 et 19 février 1993 où là, j'ai contresigné une lettre que m'a soumise mon assistante et épouse, seul et unique fait où je suis au courant sans avoir lu la lettre d'ailleurs qui impliquait la réponse que j'ai signée.
Comme le dit notre juriste, je ne peux pas être praticien à la disposition d'une nombreuse clientèle et m'occuper de l'administration. Je m'occupe de ma fille Eva, en tant que père, thérapeute et praticien, c'est tout.
Je précise que dans cette affaire, j'agis professionnellement et vous réitère ma désapprobation totale en me retranchant derrière la loi qui spécifie: «que l'Ecole enfantine n'est pas obligatoire».
Donc, une mise à l'amende ne se justifie pas, puisqu'il n'y a aucun fondement.
Enfin, quant à vos menaces citées en fin de lettre: «Vous renvoyant par ailleurs, à l'entière responsabilité des propos que vous tenez à l'égard de mes collaboratrices».
J'en fais part à notre juriste, M. Herel.
Dans l'intervalle, je vous présente, Madame, mes salutations distinguées.
N.B. : 2 signatures
Bernard Huser
Physiothérapeute
Psychanalyste
rue des Bugnons 8
Champs-Fréchets
1217 Meyrin
La pétition, selon l'article 57 de la constitution fédérale et l'article 11 de la constitution genevoise, est une demande écrite adressée à une autorité sur un objet, quel qu'il soit. L'autorité est en demeure de la recevoir et d'y répondre, même si elle ne lui donne aucune suite.
C'est pourquoi, malgré l'incohérence de la lettre publiée ci-dessus, la commission des pétitions, présidée par Mme Liliane Johner, a décidé d'étudier ce dossier. M. B. Huser a été convoqué par la commission pour être auditionné le 22 mai 1995. Entre-temps, les commissaires avaient obtenu du département de l'instruction publique (DIP) la lettre de Mme J. Perrin, directrice générale de l'enseignement primaire, lettre qui a valu l'ire deM. B. Huser puisque ce dernier a recouru devant le Tribunal administratif pour contester la décision du DIP. (Documents annexés au rapport.)
En résumé, il s'avère que M. B. Huser aurait dû payer une amende de 100 F infligée par le DIP pour absences répétées de sa fille Eva à l'école le samedi matin. Avant de prendre une décision sur la manière dont cette pétition allait être traitée, la commission aurait voulu entendre de vive voix les doléances du pétitionnaire. Hélas, sans un mot d'explication, M. B. Huser ne s'est pas rendu à la commission des pétitions.
En conséquence, la commission des pétitions a décidé, à l'unanimité des membres présents, de classer cette pétition.
Elle espère cependant que la petite Eva pourra suivre avec régularité sa scolarité dans l'école publique genevoise.
ANNEXE
page 5
page 6
page 7
page 8
page 9
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition) sont adoptées.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La modification qui vous est proposée a trait à la clarification du statut des entreprises familiales au regard de la loi sur les heures de fermeture des magasins (LHFM), ainsi que du droit fédéral applicable.
Selon leur statut actuel, les entreprises dites familiales ne peuvent bénéficier d'un horaire d'ouverture plus souple qu'à la condition stricte qu'elles n'emploient jamais de personnel non familial. Cette condition avait été souhaitée par la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de modification de la LHFM en 1991.
Il s'avère qu'après plusieurs années d'expérience cette condition est inappropriée et produit des effets indésirables, notamment en pénalisant l'emploi. Des problèmes se posent également en cas de maladie ou d'absence de l'exploitant. On peut citer à titre d'exemple, notamment, la pétition 996 déposée en 1993 par un commerçant de Versoix, contraint de licencier son personnel afin de pouvoir maintenir son épicerie de quartier, pour qui l'ouverture dominicale est primordiale.
La modification que nous vous présentons prévoit de revenir à la situation prévalant avant 1991 en supprimant la référence au seul alinéa 1 de l'article 4 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964 (loi sur le travail - LT), pour viser désormais cet article dans son entier.
C'est en effet dans cet article 4 LT qu'il faut chercher une définition de l'entreprise familiale, au regard, cette fois, de la protection des travailleurs. L'article 4 LT prévoit en effet deux types d'entreprises familiales, selon qu'elles emploient ou non du personnel extérieur. Il en découle que les règles relatives à la durée du travail ne s'appliquent pas aux entreprises purement familiales, décrites à l'alinéa 1, mais seulement au personnel non familial si l'entreprise en emploie, hypothèse visée par l'alinéa 2.
En conséquence, l'adoption du projet de loi présenté ci-dessus permettra aux entreprises familiales une plus grande souplesse dans leurs horaires d'ouverture, condition nécessaire à leur compétitivité, tout en permettant l'engagement de personnel extérieur dont la protection est assurée par l'article 4, alinéa 2, LT. En d'autres termes, un commerce familial ne pourrait être ouvert au-delà des heures et jours prévus par la LHFM qu'à la seule condition qu'en cette circonstance il n'emploie pas de personnel.
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.
Préconsultation
M. Pierre Kunz (R). S'agissant de l'ouverture dominicale des entreprises familiales, le Conseil d'Etat nous propose donc d'en revenir à la situation précédant la malheureuse décision du Grand Conseil de 1991. Beaucoup d'évidences militent en faveur de cette correction légale.
Le projet de loi 7265 doit être adopté, à notre avis, en discussion immédiate. Pourtant, s'arrêter à cette mini-réforme de la LHFM serait déraisonnable, surtout si l'on considère la dégradation survenue... (Interruption de l'orateur. Brouhaha. Des voix entonnent l'Internationale.)
Une voix. Bravo, Ferrazino ! Bravo ! Merci Ferrazino !
Une voix. Demande la parole !
Une voix. Dis donc, y'a un dialogue là-bas !
Une voix. ...les étrangers, ils ne demandent pas la parole !
Une voix. Y'a du chahut ! Quand y'a du chahut, y'a la mère Chalut !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande un moment de silence. Il est vrai que M. Pierre Kunz est directeur du centre de Balexert, mais il est directeur administratif et non pas directeur de magasin ! (Protestations.) J'estime donc qu'il a le droit de prendre la parole.
Maintenant, je vous prie de bien vouloir écouter M. Pierre Kunz. (Huées et applaudissements.)
La présidente. Si vous avez envie de chahuter, nous siégeons jusqu'à minuit ! (Protestations.) Je suis à votre disposition ! (Brouhaha.)
Oui, je vais vous punir, Monsieur Hausser ! On verra la tête que vous ferez, si je vous fais revenir samedi matin ! (Chahut.)
Monsieur Dupraz, oui, pour une fois, vous n'avez rien dit ! (Rires.)
La récréation est terminée maintenant ! Monsieur Kunz, s'il vous plaît !
M. Pierre Kunz. Excusez-moi, madame la présidente, mais je n'ai pas mes lunettes ! Serait-ce M. Ferrazino qui est intervenu tout à l'heure ? (Chahut.)
La présidente. Je vous en prie, Monsieur Kunz ! Revenez-en au sujet !
Une voix. Assis, Ferrazino !
Une voix. C'est les soldes...!
M. Pierre Kunz. Je ne serai pas long, Monsieur Ferrazino !
Je disais donc que s'arrêter à cette mini-réforme de la LHFM serait déraisonnable, si l'on se réfère à la dégradation survenue dans le commerce genevois. Le groupe radical - ce n'est pas seulement Pierre Kunz ! - estime que le moment est venu d'adapter plus fondamentalement la loi, ceci pour faire face aux urgences du moment et aux nécessités de demain.
Nous apprécierions que le département de l'économie publique confirme que le "toilettage" de la LHFM a bien été entrepris et que, sous peu, ce Grand Conseil - y compris M. Ferrazino - se verrait soumettre un texte modernisé.
En résumé, les radicaux voteront le projet de loi 7265, en débat immédiat, et remercient d'avance M. Maitre de donner à ce parlement les quelques informations que je viens de réclamer.
La présidente. Si je comprends bien, Monsieur le député, vous avez demandé la discussion immédiate de ce projet. Bien ! Le premier vote portera sur cette proposition.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est gêné par le brouhaha.)
La présidente. Monsieur Genecand, une minute ! Il faut quand même mettre les choses au point...
Si à chaque fois qu'un problème d'ouverture de magasins se pose, les commerçants ne peuvent pas s'exprimer; si à chaque fois qu'un problème touche une construction, un ingénieur ou un architecte ne peut pas prendre la parole; si à chaque fois qu'un problème juridique est soulevé, un avocat ne peut pas parler, alors je vous propose de dissoudre ce parlement ! (Exclamations.)
M. Jean-Claude Genecand. Bravo, Madame la présidente ! Vous avez tenu des propos pleins de sagesse !
Lors de la révision de la loi sur les heures de fermeture des magasins, en 1991, notre Grand Conseil avait autorisé les entreprises familiales à adopter un régime plus souple leur permettant d'ouvrir le dimanche. Dans l'intitulé, il avait cependant été précisé que l'autorisation d'ouvrir le dimanche ne devait être accordée qu'aux seuls membres d'une même famille exploitant un commerce. Dans leur volonté de légiférer en vue de cet assouplissement, les partenaires ont omis de prendre en compte les entreprises de type familial, avec un, voire deux employés, qui avaient obtenu depuis des décennies la possibilité d'ouvrir le dimanche.
Cette omission a eu des conséquences graves pour ces entreprises qui ont été contraintes, du jour au lendemain, soit de licencier leur personnel, soit de fermer le dimanche. Or, je puis vous l'assurer pour avoir constaté l'état de certaines comptabilités, le choix n'existait pas ! En effet, ces commerces réalisent, le dimanche, entre 25% et 38% de leur chiffre d'affaires global. Supprimer ce négoce, c'est les condamner !
Qu'ont-ils donc fait ? Ils ont licencié leur personnel, ce qui a provoqué un surcroît de travail au couple exploitant et, dans bien des cas, ils ont dû renoncer à certaines préparations, ce qui a péjoré leur revenu. Un commerce artisanal est ouvert soixante à septante-deux heures par semaine. De plus, il faut compter les achats matinaux et, occasionnellement, la paperasserie à liquider. Comment peut-on imaginer alors être au service de la clientèle et assurer à deux la présence permanente ? L'utilité d'une aide est indispensable dans bien des cas.
Mesdames et Messieurs, il y a aussi une question d'égalité de traitement. Pourquoi une station-service située dans la périphérie frontalière ne subirait aucune restriction quant au nombre de personnes employées, alors qu'un commerce situé 50 mètres plus loin se verrait soumis à un interdit absolu ?
Soyons clairs ! Il ne s'agit pas d'une dérégulation à tout prix. Le département propose de permettre l'engagement d'un ou deux employés, tout en préservant le congé dominical. Compte tenu du fait que ce projet de loi ne fait que rétablir une situation antérieure, notre groupe vous propose la discussion immédiate, afin que le département puisse légiférer dans les meilleurs délais.
Je laisse à M. le président Jean-Philippe Maitre le soin de s'expliquer sur ce point.
La présidente. La parole est à M. Max Schneider. (Protestations.)
M. Jean-Claude Genecand. Au nom de...
Une voix. Il y a du parti pris !
La présidente. Pardon ! Excusez-moi, Monsieur le député !
M. Jean-Claude Genecand. Ce n'est rien, Madame !
La présidente. Je vous en prie, continuez, Monsieur le député !
M. Jean-Claude Genecand. Au nom de la Fédération des artisans et commerçants, je tiens à vous remercier, Mesdames et Messieurs, de la compréhension dont vous ferez preuve, du soutien que vous apporterez à ce projet de loi et de votre accord de le traiter en discussion immédiate.
Vous pouvez y aller, Madame la présidente !
La présidente. Merci, Monsieur le député !
M. Max Schneider (Ve). Je renonce à prendre la parole, Madame la présidente.
M. Bernard Clerc (AdG). N'étant ni avocat, ni architecte, ni commerçant, j'ai heureusement fort peu l'occasion de me récuser devant ce parlement.
Je voudrais intervenir non pas sur le fond mais sur la demande de discussion immédiate. Je trouve extraordinaire de décider un vendredi soir, à 22 h, d'étudier ce projet en catimini, alors que l'exposé des motifs ne nous fournit aucune indication sur le nombre de commerces concernés, sur les personnes touchées, ou sur les employés travaillant dans ces commerces, indications nécessaires pour porter un jugement un tant soit peu objectif sur cette question.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, même s'il y a urgence, on doit traiter ce projet de loi en commission de l'économie. Or, je ne vois pas comment on pourrait effectuer un travail de commission maintenant, en cette fin de soirée. Nous nous opposerons donc à la demande de discussion immédiate.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il faut se rendre à une évidence : le statut actuel des entreprises familiales, tel qu'il a été voulu par votre Grand Conseil et contre l'avis du Conseil d'Etat, lors de la réforme de 1991, a produit des effets contraires au maintien de l'emploi.
En effet, à teneur de la LHFM, peuvent être considérées comme entreprises familiales celles qui n'emploient pas d'autres employés que des membres de leur famille en ligne directe. Cela concerne donc peu de monde.
Dans un certain nombre de situations, des commerçants se sont vus contraints de licencier la ou les deux personnes qu'ils employaient, pour la simple raison qu'ils réalisaient l'essentiel de leur chiffre d'affaires en fin de journée ou le dimanche. Il s'agit de petits commerces du secteur alimentaire. Vous avez même été saisis d'une pétition qui a attiré votre attention sur cet élément défavorable.
Le but est donc de revenir à l'ancienne conception de la loi sur les heures de fermeture des magasins et de considérer que l'appellation «entreprise familiale» s'applique aussi à des entreprises employant une ou deux personnes, en dehors des membres de la famille. Celles-ci seront alors contraintes, si elles restent ouvertes en dehors des heures d'ouverture usuelles de la LHFM, de ne pas employer de personnel : seule la famille au sens strict aura le droit de tenir le commerce. C'est important pour aider les petites entreprises familiales, qui se trouvent actuellement dans des difficultés extrêmes.
Cette réforme est soumise à votre appréciation avec le plein accord des syndicats. Nous avons négocié cette modeste réforme avec eux, dans le cadre du conseil de surveillance du marché de l'emploi. Ils ont eux-mêmes relevé l'intérêt d'une décision sans délai de votre Grand Conseil, car, même en tenant compte des délais référendaires et de publication, la loi pourrait entrer en vigueur encore cette année. Cela permettrait aux petits commerces de bénéficier d'un chiffre d'affaires supplémentaire, vraiment bienvenu, en particulier à l'époque des fêtes de fin d'année.
Il n'y a vraiment aucun inconvénient à aller de l'avant sans délai.
Pour le surplus, je confirme à M. Kunz que, dans le cadre d'une commission consultative sur le commerce de détail, réunissant les associations patronales concernées, les syndicats et les représentants des consommateurs, nous avons mis en chantier une révision plus fondamentale de la loi sur les heures de fermeture des magasins.
Je dois vous dire, Monsieur Kunz, qu'il ne faut pas vous faire d'illusions. Vous avez souhaité que ce parlement soit saisi, à bref délai, d'un nouveau projet de loi à ce propos, mais il est de mon devoir de vous informer que cela prendra du temps, parce que vous savez que c'est un sujet délicat, complexe et, de surcroît, conflictuel. Si nous voulons travailler avec une chance d'aboutir, il faudra prendre le temps nécessaire d'une concertation approfondie : c'est ce à quoi nous nous sommes engagés.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Excusez-moi de reprendre la parole après M. le conseiller d'Etat, mais ce léger retard est dû au charme de mon collègue Chaïm Nissim, qui m'a distraite. (Manifestation.) Tout arrive !
Le groupe socialiste n'est pas opposé au projet de loi 7265. Par contre, nous avons quelques réticences sur la proposition de discussion immédiate, car nous pensons qu'il devrait être étudié en commission de l'économie.
Quant au fond, après ces propositions, il ne nous reste plus qu'à modifier les procédures d'adoption et de raccourcir la publication des bans de manière que les épiciers puissent plus facilement épouser leurs vendeuses !
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
M. Bernard Clerc (AdG). Puisque vous souhaitez la discussion immédiate, abordons le débat de fond. (Manifestation.)
Je trouve très touchant que le directeur de Balexert prenne la défense du petit commerce, car... (Brouhaha.) ...il me fait penser à ce brigand qui étrangle une personne sans défense et appelle ensuite une ambulance. Il y a quelque chose de paradoxal dans cette attitude ! (Protestations.)
Mais enfin, quand j'entends M. Kunz parler de la dégradation du commerce genevois, j'aimerais lui poser la question suivante : quelle est l'augmentation du chiffre d'affaires du centre de Balexert depuis le début de l'année ? Votre chiffre d'affaires, lui, a bien augmenté, n'est-ce pas ? (Manifestation.)
Une voix. Y'a quelques emplois à Balexert !
M. Bernard Clerc. S'il a augmenté, ce n'est pas parce que le pouvoir d'achat des habitants de ce canton a augmenté, mais bien parce que nous assistons à un transfert de parts du marché des petits commerces vers les grands, comme nous l'avions déjà dit, lors du débat sur les ouvertures nocturnes. La naïveté de certains est particulièrement étonnante dans ce domaine.
On nous dit que les syndicats ont accepté ce projet de loi, ce qui est exact. Je trouve d'ailleurs curieux que tout à coup on fasse appel aux syndicats, alors que, quelques heures auparavant, la majorité de ce parlement a rejeté leur initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» de manière dédaigneuse.
J'aimerais rappeler, à M. Maitre en particulier, que les organisations syndicales de ce secteur ont effectivement donné leur accord à ce projet de loi, en précisant bien que, pour eux, il ne s'agissait plus à l'avenir d'aller de l'avant, en direction de nouvelles nocturnes. Or, que s'est-il passé depuis lors ? Chacun le sait et, pour ceux qui ne le sauraient pas, je les en informe : la Migros, en la personne de M. Hausser, également président du Conseil économique et social... (Protestations.) ...propose une nouvelle nocturne le vendredi soir, jusqu'à 21 h 30.
Cela nous ramène au débat de l'année dernière sur la première nocturne. Un certain nombre d'intervenants avaient bien dit que c'était un premier pas, une première mesure timide qui devrait être suivie d'autres. Eh bien, progressivement, on va effectivement plus loin !
Pour revenir au projet 7265, M. Maitre nous a dit qu'il ne concernait que les commerçants contraints de licencier leurs employés, ce qui n'est pas exact, car sont aussi concernés les petits commerces qui ont actuellement des employés, puisque l'autorisation leur est donnée, à condition qu'ils ne fassent pas travailler ces personnes aux heures d'ouverture prolongée et le dimanche.
Cela pose un certain nombre de problèmes. Nous savons fort bien que, pour plusieurs de ces commerces qui rencontrent des difficultés économiques, en fonction des heures supplémentaires d'ouverture, la possibilité d'engager du personnel n'existe pas parce que le chiffre d'affaires réalisable à ce moment-là ne compense pas les frais liés à l'engagement de ce personnel.
Qui voit-on travailler dans ces commerces ?
Vous pouvez secouer la tête, Monsieur Lombard ! Vous faites comme si vous n'alliez jamais dans une épicerie ! Comment cela se passe-t-il ? On y trouve des travailleurs au noir - vous le savez bien ! - des requérants d'asile, des enfants de ces familles aussi, des enfants mineurs, parce que le propriétaire, même avec son épouse, n'arrive pas à tenir toute la plage d'ouverture !
On se retrouve dans le cas d'espèce où, après avoir créé des conditions de concurrence déloyale par rapport au petit commerce, on justifie des changements législatifs. Même si l'on peut comprendre la position des petits commerçants sur cet objet, je pense déceler une certaine hypocrisie dans la démarche, non seulement de ce projet-ci mais aussi de tous les prochains qui ne manqueront d'arriver devant nous !
M. Pierre Kunz (R). M. Clerc ayant demandé au directeur de Balexert de s'exprimer, c'est un vrai plaisir pour moi de lui répondre qu'effectivement la fréquentation du centre est en hausse de 5% depuis le début de l'année. Malheureusement, le chiffre d'affaires est stable.
Il faut savoir qu'au cours des huit dernières années la société Centre de Balexert SA a investi 30 millions pour améliorer la qualité de ses installations, notamment pour accueillir un certain nombre de petits commerçants genevois qui sont bienheureux d'avoir un magasin à Balexert, faute de quoi ils auraient déjà mis la clé sous le paillasson.
Cela dit, si le petit commerce a des problèmes, la moindre des choses que vous pourriez faire, c'est avoir une attitude positive quand il vous demande de prolonger ses horaires d'ouverture le dimanche et en soirée.
Dernier point - vous me l'accorderez Monsieur Clerc ! - j'ai toujours défendu l'idée qu'une seule ouverture en soirée, jusqu'à 20 h, était insuffisante. Je l'avais déjà dit avant les votations concernant cette question et je le maintiens : il nous faudra bien envisager deux ou trois ouvertures en soirée, jusqu'à 21 h ou 21 h 30. (Applaudissements.)
M. John Dupraz (R). Je comprends les préoccupations de M. Clerc qui veut préserver...
Une voix. Tu ratisses large, Dupraz ! (Rires.)
M. John Dupraz. C'était le chant du cygne d'un dinosaure en fin de carrière, Madame la présidente ! (Rires.)
Je comprends les préoccupations de M. Clerc : les droits des employés doivent être préservés. Or, ce projet de loi ne met pas en cause les conditions de travail des employés.
Actuellement, la Suisse est commercialement sinistrée. Suite aux accords du GATT, la plus grande escroquerie politico-économique de tous les temps... (Rires.)
La présidente. Vous sortez du sujet, Monsieur Dupraz !
M. John Dupraz. Absolument pas, Madame la présidente !
...accords du GATT par lesquels on a privilégié le négoce et les échanges commerciaux au détriment de tous les aspects sociaux et environnementaux, il arrive maintenant que les pays qui profitent de ces accords, notamment les Etats-Unis, règlent les différences de protection à la frontière par une dévaluation de leur monnaie.
Le franc suisse, valeur refuge puisque tout le monde vient placer son argent chez nous, devient trop cher. On transforme la Suisse en un pays de banques, de chômeurs et de candidats à l'asile politique. Genève est d'autant plus sensible à cette situation que nous avons plus de 100 km de frontières communes avec la France. Le commerce à Genève est sinistré, parce que, en raison du fort pouvoir d'achat du franc suisse, les gens ont de plus en plus tendance à aller acheter à l'étranger. C'est pourquoi nous devons adapter nos conditions de vente et de commerce pour essayer de garder les clients chez nous.
Vous savez bien qu'en France les commerces sont ouverts jusqu'à 20 h ou 21 h, ainsi que le samedi soir jusqu'à 19 h, le dimanche jusqu'à 12 h, voire 14 h. Comment voulez-vous que le commerce et l'économie puissent continuer à vivre à Genève, si nous ne leur accordons pas quelque souplesse pour qu'ils puissent être compétitifs ?
Ce projet de loi va dans le bon sens. Voilà pourquoi je le soutiendrai !
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Comme l'a dit Mme Fabienne Blanc-Kühn, le parti socialiste était en principe favorable à ce projet de loi. Néanmoins, nous trouvons inacceptable qu'il soit traité en discussion immédiate.
Vous parlez toujours de la compétitivité de la Suisse, mais on sait pourtant que l'industrie d'exportation se porte bien. C'est le commerce interne qui fonctionne mal. Pourquoi ? Ce n'est pas parce que les magasins ne sont pas ouverts assez longtemps, mais plutôt parce que les salaires et le pouvoir d'achat des travailleurs et des travailleuses ont baissé de plusieurs points, ces dernières années. (Protestations.)
Premièrement, le franc suisse est beaucoup trop cher. Voilà pourquoi les commerces ont de la peine en Suisse. Même si vous ouvrez les magasins toute la nuit, comme les gens n'ont pas d'argent à dépenser, ils n'iront pas acheter.
Deuxièmement, on dit que les membres de la famille pourraient travailler le dimanche ou le soir dans l'entreprise familiale. J'aimerais qu'on me définisse la notion de "famille" dans ce cadre-là. Ma grand-mère et mon petit enfant pourront-ils aussi travailler ou la famille se limite-t-elle au père, à la mère, au fils et à la fille ?
Une voix. Et le Saint-Esprit ! (Rires.)
Mme Maria Roth-Bernasconi. Nous avons fait preuve d'une certaine ouverture, mais nous regrettons vraiment que cette discussion ait lieu un vendredi soir, à 22 h 15. Je vous propose de rejeter ce projet de loi pour cette raison. (Brouhaha.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous acheminons vers une suspension de séance !
Des voix. Ouais ! Ah ! (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Rassurez-vous, je serai très bref !
Je connais un épicier, à côté de chez moi, au Grand Montfleury : celui qui avait présenté la pétition dont notre Grand Conseil s'était occupé, il y a une année. Il avait, en effet, été obligé de licencier son employé, parce qu'il devait rester ouvert le dimanche, car c'était la seule façon pour lui de tourner.
La loi l'avait obligé à licencier son employé; maintenant grâce à ce projet, il pourra le réembaucher. C'est tout ce que contient cette loi. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! On peut la voter tranquillement.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Bernard Clerc (AdG). Puisque vous voulez faire des débats de commission en séance plénière, on les fait. (Manifestation.)
C'est vous qui êtes responsables ! Désolé !
Le projet de loi 7265 nous dit que les commerces qui seront autorisés à prolonger les heures d'ouverture ne devront pas occuper de personnel les dimanches et jours fériés légaux, ainsi qu'au-delà des heures de fermeture normales des magasins.
J'aimerais que le chef du département nous explique comment il va contrôler cette disposition. J'ai cru qu'on irait dans le sens d'une diminution des contrôles tatillons, mais on nous propose, au contraire, un système de contrôle de plus. J'aimerais savoir comment il sera appliqué concrètement. J'attends la réponse de M. Maitre sur ce point.
Le règlement adopté par le Conseil d'Etat permettant des ouvertures supplémentaires à l'occasion de diverses fêtes est un aspect, que je n'ai pas soulevé tout à l'heure, mais qui n'aura échappé à personne. C'est un point que nous n'avons pas eu l'occasion de discuter dans ce Grand Conseil. Ces fêtes ont d'ailleurs tendance à se multiplier à l'infini, ce qui ajoute de nombreuses ouvertures nocturnes en plus de celle du jeudi, prévue par la loi. Vous avez vu à cet égard que les syndicats du secteur - dont M. Maitre nous dit qu'ils sont de tout coeur avec lui dans ce projet - ont recouru au Tribunal fédéral contre cette réglementation.
M. Dominique Hausser (S). Il est fait mention à l'article 4, lettre h, nouvelle teneur, d'une référence à l'article 4 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964, concernant la définition des entreprises familiales. Or, dans l'exposé des motifs, l'explication est des plus succinctes. Aussi, avant de voter ce projet de loi, j'aimerais connaître la teneur précise de l'article en question.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Certains députés demandent beaucoup d'explications pour un projet que, de toute façon, ils ne voteront pas. Néanmoins, je vais les leur donner très volontiers.
Vous souhaitez savoir, Monsieur Clerc, de quelle manière l'autorité compétente, c'est-à-dire l'inspection du commerce et contrôle des prix, instituera ses contrôles. La réponse est assez simple, quand on a connaissance de la pratique en la matière et quand on veut bien résister un seul instant à la tentation - à laquelle vous avez cédé - de conduire des débats stratosphériques sur une réalité élémentaire !
Les commerces qui ouvrent le dimanche, parce qu'ils sont susceptibles de remplir les conditions - a fortiori les conditions nouvelles - de la loi, sont très peu nombreux. Il est aisé de procéder par sondages et par contrôles. Ces derniers sont souvent effectués a posteriori, sur la base de dénonciation, pour vérifier ce qui s'est passé dans le magasin en question.
Lorsqu'il s'agit d'un petit commerce familial, nous connaissons bien les patrons, parce que ce sont des entreprises de quartier ou de village. Si, par impossible, un employé travaillait à un moment non autorisé, précisément parce qu'il n'est pas membre de la famille, on le saurait tout de suite. En tout cas, à Genève, cela est tout de suite dénoncé !
Les contrôles, à cet égard, sont extrêmement aisés, qu'ils le soient a priori par sondage ou, a posteriori, sur dénonciation. Il n'y aura donc pas de problèmes.
M. Hausser a demandé la définition précise de la notion d'entreprise familiale. A teneur de la loi fédérale sur le travail, une distinction a été établie. Les entreprises familiales sont considérées comme des entreprises "pilotées" par le noyau de la famille et ayant le droit d'avoir des employés; mais, dans certains cas, lorsqu'il s'agit des heures allant au-delà des possibilités de dérogation, la notion d'entreprise familiale est utilisée au sens strict, c'est-à-dire une entreprise qui n'emploie personne en dehors du cercle étroit de la famille. Ce projet de loi entend revenir à la première notion, prise au sens large.
Mesdames et Messieurs, le gouvernement est quand même surpris de constater les hésitations ou oppositions à propos d'un débat vraiment simple, dont la question se résume à savoir si votre Grand Conseil est à même de faire un tout petit geste pour favoriser des entreprises familiales, pour lesquelles la possibilité d'ouvrir en particulier le dimanche représente un moyen essentiel d'existence, sans risque aucun que la situation du personnel s'en trouve péjorée, puisqu'on n'a pas le droit de l'employer à ces heures-là. Je trouve consternant, a fortiori de la part de ceux qui donnent toujours de bons conseils sur l'emploi, qu'on n'arrive pas à régler ce problème simple dans des délais rapides afin d'aider des entreprises familiales à retrouver une situation et des conditions d'existence auxquelles elles peuvent légitimement prétendre.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins
(J 3 14)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les heures de fermeture des magasins, du 15 novembre 1968, est modifiée comme suit:
Art. 4, lettre h (nouvelle teneur)
h)
Les magasins et les étalages de marchés considérés comme entreprises familiales au sens de l'article 4 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, à condition qu'ils n'occupent pas de personnel les dimanches et jours fériés légaux, ainsi qu'au-delà des heures de fermeture normales des magasins, et qu'ils observent au moins un jour de fermeture hebdomadaire.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale, du 16 décembre 1983, sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, du 20 juin 1986, est modifiée comme suit:
Art. 3, lettre b, 2o (nouvelle teneur)
Art 3, lettre b, 3o (nouveau)
2o un immeuble en construction.
3o
un immeuble de construction récente, ou qui fait l'objet d'une rénovation lourde, soit un immeuble de 5 ans au plus à partir de la date d'entrée moyenne des locataires.
Art. 4, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
al. 1, lettre d (abrogée)
al. 2 (nouvelle teneur)
c)
en cas d'acquisition du capital-actions d'une société immobilière, dépôt des actions auprès d'un établissement soumis à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, durant la période d'interdiction d'aliéner.
2 Dans le cas de rigueur, la charge prévue sous lettre b peut être levée par l'autorité cantonale compétente.
Art. 5, lettre a (nouvelle teneur)
a)
séjour durable de l'acquéreur, avec une autorisation de la police des étrangers, ou en vertu d'un autre droit;
Art. 7, lettre b (nouvelle teneur)
b)
en cas d'acquisition du capital-actions d'une société immobilière, dépôt des actions auprès d'un établissement soumis à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, durant la période d'interdiction d'aliéner;
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Partie générale
Lors de la votation du 25 juin 1995, le corps électoral genevois a nettement approuvé les modifications de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (Lex Koller) alors que le peuple suisse, dans son ensemble, les a malheureusement rejetées.
Rappelons que le projet soumis à votation proposait divers assouplissements de la loi actuellement en vigueur (Lex Friedrich)
Pour l'essentiel, ces modifications visaient à permettre la libre acquisition d'un immeuble par une personne physique s'étant légalement constitué un domicile en Suisse ou antérieurement domiciliée dans notre pays pendant cinq ans au moins, de même que l'acquisition par une entreprise d'un immeuble destiné à l'exercice de son activité économique.
Par ailleurs, certains placements de capitaux interdits par la Lex Friedrich pouvaient sous condition être autorisés.
Rappelons également que les autorités de notre canton ont à diverses reprises demandé l'assouplissement des dispositions sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger.
A la suite du vote négatif du 6 décembre 1992 sur l'Espace Economique Européen, le Grand Conseil, sous forme d'une résolution, a exercé le droit d'initiative du canton de Genève et, en application de l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale, a demandé au Conseil fédéral de proposer à l'Assemblée fédérale l'abrogation de la Lex Friedrich.
Cette initiative, votée par le Grand Conseil le 1er avril 1993, a été transmise au Conseil fédéral qui, bien que n'étant pas opposé au principe de la suppression de cette loi, a préféré procéder par étapes et a confié au département fédéral de justice et police le mandat de préparer sans délai une révision de la Lex Friedrich. On peut ainsi considérer l'initiative genevoise comme étant l'une des démarches à l'origine de la révision précitée.
Par ailleurs, depuis plusieurs années déjà, et dans le strict respect des dispositions fédérales, le département de l'économie publique, autorité compétente en la matière à Genève, s'est efforcé dans sa pratique d'alléger les démarches administratives imposées par la loi fédérale. Il a notamment publié des directives d'interprétation de la Lex Friedrich et a établi en accord avec le Registre foncier une procédure simplifiée pour constater le non-assujettissement des fonctionnaires internationaux pouvant être assimilés à des titulaires de permis C. Il a également simplifié la procédure permettant d'obtenir la suppression des charges imposées à une personne n'étant plus soumise au régime de l'autorisation (acquisition d'un permis C ou de la nationalité suisse).
Compte tenu de ce qui précède et de la volonté récemment exprimée par le corps électoral genevois en faveur d'un assouplissement de la Lex Friedrich, le Conseil d'Etat est d'avis qu'il convient d'utiliser les possibilités qui lui sont conférées par le droit fédéral - et bien entendu dans le strict respect de celui-ci -, pour proposer de nouvelles adaptations de la loi genevoise d'application actuellement en vigueur, en supprimant les dispositions inutilement restrictives.
Les principales modifications qui vous sont proposées ci-après concernent:
- la suppression du séjour préalable d'un an en Suisse imposé actuellement à une personne physique avant qu'elle ne puisse solliciter l'autorisation d'acquérir un bien immobilier pour son logement. Cette condition, inscrite dans le droit cantonal genevois, n'a plus de raison d'être; elle n'est par ailleurs pas imposée dans les autres cantons suisses;
- l'assouplissement des dispositions concernant l'acquisition de logements d'utilité publique, afin de faciliter les investissements dans le logement social. Il s'agit en effet d'une tradition très ancienne dans notre canton et c'est à sa demande qu'avait été introduit, à l'article 9, alinéa 1, lettre a, de la loi fédérale, ce motif d'autorisation cantonale relatif à l'acquisition d'immeubles à caractère social.
Les modifications qui vous sont proposées à cet égard concernent le type d'immeubles qu'il est possible d'acquérir, ainsi que l'obligation de réaffecter le produit d'une vente éventuelle à un immeuble du même type (obligation de réemploi). Ces adaptations répondent aux besoins qui se sont, depuis plusieurs années, fait sentir dans la pratique.
II. Commentaire article par article
Article 3, lettre b, chiffre 2: acquisition de logements d'utilité publique
Les conditions d'acquisition d'un logement d'utilité publique, déjà existant dans notre législation cantonale d'application de la LFAIE, sont assouplies sur deux points:
1. L'article 3, lettre b, chiffre 2, inclut désormais expressément les immeubles ayant subi une rénovation lourde. Selon la pratique, lorsque tous les locataires ont quitté leur logement, pour précisément permettre une rénovation lourde, l'immeuble a alors à juste titre été considéré comme étant de construction récente et pouvant faire l'objet d'une autorisation d'acquérir.
2. La disposition précitée porte en outre de trois à cinq ans le délai permettant de qualifier l'immeuble «de construction récente» (condition posée par le droit fédéral). Cette modification a pour but de faciliter l'investissement de fonds étrangers dans le logement d'utilité publique. Elle se justifie par le délai souvent très long qui s'écoule entre la date d'entrée moyenne des locataires, le bouclement des comptes de construction et la prise de l'arrêté du Conseil d'Etat mettant définitivement l'immeuble au bénéfice de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (voir RLGL, art. 78, I 5 1,5).
Articles 4, alinéa 1, lettre c, et 7, lettre b: dépôt des actions de sociétés immobilières auprès d'un établissement bancaire
Il s'agit d'une modification purement formelle, qui découle de la révision du droit des sociétés en vigueur depuis le 1er juillet 1992. La terminologie actuelle de ces alinéas, calquée sur l'ancien droit de la société anonyme, a été adaptée à la formulation du nouvel article 633 du Code des obligations.
Article 4, alinéa 1, lettre d: obligation de réemploi
L'obligation pour l'aliénateur de réinvestir le produit de la vente de l'immeuble dans la construction d'autres logements d'utilité publique, qui figurait à l'article 4, alinéa 1, lettre d, est supprimée.
Cette obligation posait en effet souvent des problèmes pratiques en raison de son manque de souplesse. Ainsi, même lorsque l'économie immobilière connaissait un fort développement, il est arrivé à maintes reprises que le vendeur d'un immeuble comprenant des logements à caractère social ne puisse pas réaffecter le produit de l'opération «à la construction d'autres logements d'utilité publique sur un fonds dont il dispose et équipé pour la construction». A fortiori, la difficulté de trouver une nouvelle opération immobilière correspondant à ces critères augmente encore à une époque où les investissements immobiliers sont peu soutenus.
Le réinvestissement se révélait également impossible lorsque la vente avait pour motif d'assainir la situation d'endettement du vendeur.
Par ailleurs, la solution adoptée par l'administration, consistant à bloquer le produit de l'opération sur un compte bancaire en attendant le réinvestissement, conduisait à des situations économiquement peu acceptables lorsque le blocage se poursuivait pendant de nombreux mois, voire plusieurs années.
Enfin, cette obligation créait une inégalité de traitement pour le vendeur - qu'il soit suisse ou étranger - d'un immeuble d'utilité publique, selon que la vente se faisait à une personne assujettie ou non à la Lex Friedrich.
Article 4, alinéa 2: cas de rigueur
La nouvelle formulation de l'alinéa 2 tient simplement compte de l'abrogation de la lettre d de l'alinéa 1 précité.
Article 5, lettre a: conditions d'acquisition par une personne physique domiciliée sur le territoire du canton
La condition d'un séjour préalable d'une année en Suisse est supprimée. Ainsi, l'acquéreur qui obtient un titre de séjour lui permettant de se créer valablement un domicile en Suisse pourra désormais acheter un bien immobilier, pour y constituer sa résidence principale, dès le début de son séjour. L'administration continuera toutefois à vérifier que les conditions de la création d'un domicile au sens du droit civil suisse sont remplies, ainsi que le rappelle l'article 5 de l'ordonnance d'exécution de la LFAIE (OAIE). Dans cette optique, la condition de la durabilité du séjour pour l'avenir est maintenue, conformément à l'article 5, lettre b, de la loi cantonale. L'administration continuera également à vérifier que les revenus du requérant lui permettent de financer raisonnablement les charges liées aux fonds empruntés de manière à ce qu'un manque de ressources financières ne le contraigne pas - sous réserve de cas de rigueur qui pourraient survenir - à revendre l'immeuble, l'acquisition pouvant alors être assimilée à un placement de capitaux prohibé par la loi.
* * *
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.
Préconsultation
M. Laurent Moutinot (S). Ce projet de loi est l'un des éléments d'une longue histoire. A l'origine, des acquisitions massives de terrains par des étrangers avaient justifié l'adoption, en quelques jours, d'une législation d'urgence qui a porté, par la suite, le nom des différents conseillers fédéraux qui l'ont remaniée. Actuellement, ce risque conjoncturel est inexistant.
La question qui nous est posée est de substituer un critère que nous, socialistes, refusons, celui de la nationalité ou du séjour, pour intervenir dans un problème qui est, en définitive, du ressort de l'aménagement du territoire.
Nous sommes par conséquent favorables au projet de loi 7290, dans la mesure, cependant, où les règles d'aménagement du territoire permettent d'éviter que, par un afflux de capitaux massifs, à un moment précis, l'ensemble de notre système ne vienne à basculer. C'est la raison pour laquelle il convient que la LALAT en particulier reste stricte dans son texte et dans son application et qu'une politique laxiste ne vienne pas la vider de son sens, car, à ce moment-là, la suppression ou l'assouplissement des règles sur l'acquisition des immeubles par des étrangers pourraient avoir des conséquences regrettables dans le domaine de l'aménagement du territoire.
Sur le principe, nous saluons cet assouplissement, car les critères proposés par la loi fédérale en la matière ne correspondent pas à la situation actuelle, mais il faut veiller à notre aménagement du territoire.
La présidente. Le projet de loi 7290 est renvoyé à la commission judiciaire. (Contestation.)
C'est ce qui avait été décidé par le Bureau et les chefs de groupe. Moi, j'attends vos propositions.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je crois qu'il serait erroné à double titre de renvoyer ce projet à la commission judiciaire : d'une part, parce que la loi actuelle d'application de la lex Friedrich a été traitée par la commission de l'économie; d'autre part, parce que la commission judiciaire, à teneur des renseignements qui nous sont parvenus, est actuellement surchargée. Par conséquent, ce projet-là serait étudié dans des délais beaucoup trop longs, alors qu'il s'agit d'une révision ponctuelle.
Je salue l'ouverture de M. Moutinot et je partage son souci concernant les garanties qu'il souhaite obtenir. C'est un débat qui doit avoir lieu en commission, mais, s'il vous plaît, en commission de l'économie où nous pourrons le traiter plus rapidement.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- la nouvelle loi sur l'assurance-chômage et indemnisation (LACI);
- que cette nouvelle loi constitue une régression sur certains aspects, notamment en ce qui concerne le système des occupations temporaires appliqué dans notre canton;
. .
invite le Conseil d'Etat
à présenter un rapport sur les conséquences de la LACI par rapport aux prestations cantonales en matière de chômage et faire en sorte que les occupations temporaires soient maintenues afin que les chômeurs genevois puissent continuer à bénéficier des prestations de l'assurance-chômage une fois qu'ils ont épuisé leurs droits après la première période de chômage.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En vertu de la loi fédérale sur le chômage, les chômeurs ont épuisé leur droit aux indemnités s'ils n'ont pas trouvé un emploi de six mois à compter de leur perte d'emploi et à l'échéance du premier délai-cadre.
Le canton de Genève a mis au point un système d'occupations temporaires, qui permet aux chômeurs, une fois qu'ils ont épuisé leurs droits, de bénéficier à nouveau des indemnités versées par l'assurance-chômage.
Avec l'entrée en vigueur de la LACI, le canton devra, toutefois, augmenter son effort financier, car la durée de cotisation va doubler avant de donner à nouveau droit aux indemnités de chômage.
Cette régression de la loi fédérale sur le chômage est particulièrement regrettable et met une fois de plus en évidence une politique détestable consistant à apporter des améliorations à nos lois sociales en contrepartie de réductions de prestations qui souvent frappent les personnes les moins favorisées.
Tel est le cas en l'espèce, puisque ce sont les chômeurs de longue durée qui sont touchés par cette nouvelle mesure, soit plusieurs milliers de personnes à Genève. Il importe que des mesures soient prises pour que ceux qui ont perdu leur emploi sans leur faute ne se trouvent pas dans la situation de s'adresser à l'assistance publique.
Débat
M. Gilles Godinat (AdG). En préambule, une remarque sur le premier paragraphe de l'exposé des motifs, où une erreur s'est glissée. Il faut corriger ce premier paragraphe de la manière suivante - je le relis en entier pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté :
«En vertu de la loi fédérale sur le chômage, les chômeurs ont épuisé leur droit aux indemnités s'ils n'ont pas trouvé un emploi de six mois à compter de leur perte d'emploi et à l'échéance du premier délai-cadre.».
Sinon, ce premier paragraphe n'est pas compréhensible.
La loi cantonale en matière de chômage de novembre 1983 prévoit dans les prestations complémentaires cantonales, au titre 3, chapitre 3, articles 22 à 26, des occupations temporaires. Le système genevois a donc permis, jusqu'à maintenant de limiter en partie les dégâts sociaux du chômage, en ouvrant un deuxième délai-cadre pour les prestations de chômage prévues dans la législation fédérale.
Avec l'arrêté fédéral urgent et la nouvelle LACI, le droit aux indemnités a été modifié sur le plan qualitatif, dans le sens d'une régression par rapport aux prestations cantonales actuelles. En particulier pour notre canton, les nouvelles exigences de la LACI impliquent de doubler la durée des occupations temporaires de six à douze mois pour avoir droit à un second délai-cadre. Il faudra donc que les chômeurs aient cotisé pendant douze mois avant l'ouverture du deuxième délai-cadre, le 1er janvier 1997, pour bénéficier à nouveau de prestations de chômage. Un délai d'attente de douze mois sera imposé aux jeunes, aux veufs, veuves, divorcés, ou Suisses de l'étranger qui n'ont pas pu cotiser.
Dans la nouvelle répartition des mesures actives prévues au niveau fédéral, la part du quota des vingt-cinq mille places attribuée à Genève se monte à mille neuf cent dix places d'emplois temporaires, alors que, en décembre 1994, notre canton employait, sous contrat d'occupation temporaire, deux mille neuf cent cinquante-sept chômeurs. L'observatoire universitaire de l'emploi doit nous apporter, fin 1996, les premières informations utiles sur l'évolution du chômage et le suivi institutionnel, mais, pour le moment, nous sommes convaincus que l'effort doit se concentrer sur la réinsertion professionnelle, en tenant compte du chômage structurel qui s'est installé.
Nous devons donc éviter la mise à l'écart des chômeurs en fin de droit à tout prix. Comme le demandait la pétition de l'Association genevoise des chômeurs, forte de ses deux mille signatures en mai 1994, ainsi qu'une récente motion déposée au Conseil municipal de la Ville, un effort supplémentaire doit être fait pour lutter contre la persistance d'un chômage important à Genève, notamment contre l'augmentation des chômeurs en fin de droit.
Outre la possibilité de prolonger les OT de six à douze mois, toutes les mesures évitant une croissance du nombre des chômeurs en fin de droit doivent être prises. Le maintien, voire le développement, des occupations temporaires est indispensable. Telle est l'invite que la motion propose au Conseil d'Etat et que nous vous demandons de soutenir.
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste soutiendra cette motion, même s'il a constaté un certain nombre d'inexactitudes dont l'une a déjà été corrigée par M. Godinat.
Dans la nouvelle loi fédérale sur le chômage, les mesures dites actives, c'est-à-dire de formation et d'occupations temporaires pendant le délai d'indemnisation fédérale, représentent un progrès pour l'ensemble de la Suisse mais, pour le canton de Genève, posent problème par rapport à la loi cantonale sur les occupations temporaires. En effet, celles qui existent aujourd'hui selon la loi genevoise constituent, pour le chômeur, un vrai travail avec un vrai salaire sur lequel sont prélevées les cotisations sociales, dont celle du chômage, ce qui permet au chômeur de bénéficier à nouveau d'indemnités fédérales au terme de son occupation temporaire. C'est ce système qui a permis à Genève de retarder le développement du phénomène des chômeurs de longue durée et, également, de constater une augmentation plus faible de l'assistance que dans d'autres cantons, notamment romands.
La nouvelle loi fédérale va nous poser un certain nombre de problèmes, ce qui ne signifie pas que des solutions d'adaptation de notre loi genevoise ne soient pas possibles. Le groupe socialiste travaille et réfléchit à cette question, et nous espérons, dans un proche avenir, pouvoir vous présenter des propositions pour adapter notre législation cantonale à la législation fédérale, de telle sorte que les chômeurs et les chômeuses ne soient pas pénalisés par ces modifications législatives fédérales.
Pour conclure, l'expérience genevoise a montré que les occupations temporaires étaient effectivement une bonne mesure et qu'il vaut mieux payer les gens à faire quelque chose que de leur verser simplement des indemnités de chômage. C'est revalorisant pour le chômeur et évite la déqualification qui surgit lors des longues périodes d'inactivité.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous invite à accepter cette motion.
M. Philippe Schaller (PDC). Comme vous l'avez compris, cette motion soulève la douloureuse question du chômage de longue durée.
La nouvelle révision de l'assurance-chômage, acceptée par le parlement fédéral en juin 1995, a l'immense avantage d'ancrer dans la loi l'intégration active des chômeurs dans des programmes d'emploi et de formation continue. Cela ouvre la voie à un véritable changement de système. Cette nouvelle LACI est d'ailleurs un compromis entre les différents partenaires sociaux.
Depuis janvier 1994, le nombre total de chômeurs a tendance à diminuer tandis que le nombre de chômeurs de longue durée augmente. Actuellement, un chômeur sur trois est resté sans emploi pendant plus d'une année; il y a un an, la proportion était de un sur quatre.
Ce chômage de longue durée a des conséquences graves non seulement pour le chômeur mais également pour le marché du travail. Le défi posé à notre société - de même qu'à la nouvelle LACI - est de réintégrer les chômeurs le plus rapidement possible dans la vie professionnelle. En examinant les origines et les causes de ce chômage de longue durée, on se rend compte que les gens les plus touchés par ce phénomène sont les personnes sans qualification professionnelle, les étrangers, ou les gens d'un certain âge. En effet, seulement un nouveau chômeur sur dix a plus de cinquante ans, mais, par contre, près d'un chômeur de longue durée sur trois, fait désormais partie de cette tranche d'âge.
Il ne faut pas, Messieurs les motionnaires, que la manière dont est aménagée l'assurance-chômage favorise le chômage de longue durée. C'est cela qui est difficile à accepter dans votre proposition de motion, car l'organisation qu'elle propose va installer un certain nombre de personnes dans ce chômage de longue durée. C'est ce qui risque d'arriver, même si le souci que vous soulevez est bien réel.
Il faut aussi augmenter l'effectif des personnes chargées du placement, pour permettre à chaque chômeur d'avoir un contact étroit avec le service de placement. C'est le but de la LACI et c'est ce que vous avez aussi apprécié dans cette nouvelle loi.
Il faut trouver des solutions souples pour les catégories de chômeurs cités plus hauts - les étrangers, les gens sans qualification, les personnes âgées - et ne pas les abandonner. Je suis sûr que le canton trouvera des solutions pour ces personnes.
Plus largement, les problèmes que posent votre motion et la révision de la LACI sont plus fondamentaux. Ce sont des questions de choix de société. Un travail mal payé est-il préférable à un chômage illimité ? Une lutte efficace contre le chômage de longue durée n'exige-t-elle pas une période d'indemnisation plus réduite ? La baisse du coût du travail ne génère-t-elle pas des emplois ? Telles sont les vraies questions. Le Parlement fédéral, pour sa part, a tranché.
Je pense qu'il faut effectivement renvoyer votre motion à la commission de l'économie, où nous pourrons discuter des meilleures solutions à trouver pour les chômeurs de longue durée. Peut-être trouverons-nous des solutions particulières pour ces cas qui, tout compte fait, sont particuliers.
M. Pierre Kunz (R). Les radicaux accueillent avec intérêt la proposition de motion 1015, mais certainement pas parce que notre groupe soutient ses considérants, ses invites et son exposé des motifs - d'autant que, comme l'a rappelé M. Schaller, ce texte favorise en fait le chômage de longue durée.
Cependant, ce projet de motion donnera à notre Grand Conseil l'occasion de se prononcer sur l'opportunité - plus exactement, sur la possibilité - de maintenir en matière de chômage la prestation la plus généreuse de ce pays, les occupations temporaires "à la genevoise".
La loi fédérale sur le chômage a bénéficié d'améliorations impressionnantes dans ses objectifs, ainsi que d'une réorientation très favorable aux occupations temporaires et à la réinsertion des chômeurs. Il n'est pas exagéré de dire que la Confédération, dès le début de l'année prochaine, aura très largement rattrapé Genève, dans les objectifs que ce canton s'était fixés en matière d'occupations temporaires, à l'époque où elles avaient été établies, c'est-à-dire bien avant les arrêtés fédéraux urgents.
La question qui se pose à nous est la suivante. Faut-il que Genève où, longtemps, rien n'a semblé ni trop beau, ni trop cher, reprenne à tout prix et de loin la tête des cantons helvétiques en matière d'aide aux chômeurs ? C'est en fait ce que demande la motion présentée par l'Alliance de gauche. Faut-il au contraire admettre, comme le fera la quasi-totalité des cantons helvétiques, que le système fédéral suffit aux besoins et répond aux possibilités financières de notre canton ?
Je crois, pour ma part, qu'il convient de renoncer très largement aux occupations temporaires genevoises telles qu'elles ont été conçues à l'époque et qui seront rendues obsolètes dès l'introduction de la nouvelle loi, si l'on s'en tient aux objectifs que le législateur avait en tête, lorsqu'il a créé les occupations temporaires.
Il s'agira de faire notre choix, à la lumière de la situation financière de ce canton. Rappelons que le projet de budget 1996 prévoit 130 millions de dépenses liées au traitement du chômage et que les occupations temporaires, sauf erreur, représentent près de 70 millions.
Il conviendra aussi d'envisager cette question, à l'éclairage de la philosophie et de l'éthique. Est-il bon, est-il sain, comme le proposent les motionnaires, de cultiver, d'accroître la dépendance des individus à l'égard d'un Etat "nounou" et déresponsabilisant ?
Les radicaux vous engagent à renvoyer la proposition de motion 1015 à la commission de l'économie où elle devra être traitée rapidement, car, permettez-moi de vous le rappeler, nous devons trouver 30 millions d'économies sur le budget de l'année prochaine !
M. Christian Grobet (AdG). Les auteurs de la motion contestent formellement que celle-ci aurait pour but - pour reprendre les termes utilisés par certains députés - de favoriser le chômage de longue durée. Je m'étonne du reste que certains des intervenants aient pu avancer de tels propos, dès lors que ce système existe depuis de nombreuses années à Genève. Certains des préopinants viennent même de dire qu'il est exemplaire. Nous n'avons jamais entendu de critiques à son égard, bien au contraire.
Que demande cette motion ? Simplement de maintenir ce qui a été mis en place depuis un certain nombre d'années. Nous n'inventons rien du tout. Nous demandons simplement la poursuite de ce qui existe. S'il est vrai que la nouvelle loi sur l'assurance-chômage, la LACI, amène un certain nombre de progrès et introduit la possibilité des occupations temporaires, inexistantes dans d'autres cantons - sans vouloir trop se flatter, peut-être en s'inspirant de l'exemple genevois - il faut bien reconnaître qu'en rattrapant le modèle genevois elle engendre des effets négatifs dans notre canton.
Il y a progrès pour les cantons qui étaient en retard et des effets négatifs pour les cantons qui ont donné l'exemple. Ce n'est du reste pas la première fois qu'on trouve ce paradoxe dans notre législation fédérale.
Le but principal, qui nous préoccupe en matière de chômage de longue durée - parce que, hélas, avec la situation de l'emploi, cette catégorie de chômeurs augmente - c'est que ces derniers ne tombent pas à la charge de l'assistance. Je pense que chacun d'entre vous a eu l'occasion de côtoyer des chômeurs. Chacun a donc pu se rendre compte que c'est un choc psychologique très fort de ne pas pouvoir travailler, de se sentir inutile, rejeté par la société. Il serait encore plus dramatique pour ces gens de devoir s'adresser à l'assistance publique.
Monsieur Schaller, il y a peut-être d'autres solutions que celles que nous préconisons à travers notre motion, et nous ne prétendons pas détenir la vérité...
M. Claude Blanc. Ce serait bien la première fois !
M. Christian Grobet. Nous sommes un petit peu plus modestes que vous, Monsieur Blanc !
Nous admettons, par voie de conséquence, le renvoi de cette motion en commission, en espérant qu'elle sera traitée rapidement, en raison, précisément, des incidences budgétaires rappelées tout à l'heure dont nous sommes bien conscients, au vu des nouvelles exigences légales. Nous pensons qu'il faut, en dehors du problème social, également examiner d'autres conséquences, économiques notamment. On sait que pour un certain nombre de services, voire d'établissements comme les hôpitaux, les prestations dépendent pour beaucoup du maintien de ces occupations temporaires. Il y a aussi un intérêt budgétaire à la conservation de ces prestations qui ne sont pas uniquement des prestations sociales. Finalement, les personnes bénéficiant d'occupations temporaires assument souvent des fonctions éminemment utiles sur le plan social et permettent aux services et établissements de fonctionner tant bien que mal, malgré les restrictions de personnel qu'ils subissent.
C'est un élément qui doit être pris en considération et c'est la raison pour laquelle nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous donnerez une suite favorable aux propositions de cette motion.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. La nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage, telle qu'elle est issue des décisions du parlement fédéral du 25 juin dernier, représente véritablement une nouvelle philosophie. Il s'agit de privilégier les mesures actives, soit l'ensemble du dispositif qui permet de favoriser la réinsertion professionnelle d'un chômeur, plutôt que de mettre l'accent sur les seules indemnisations. Celles-ci ne sont pourtant pas à négliger, puisque constitutives du maintien du pouvoir d'achat des personnes qui ont perdu leur emploi.
Ces mesures actives représentent une nouvelle philosophie, non seulement du fait de l'éventail des nouvelles dispositions qui, de par le droit fédéral, recoupent ce qui se fait déjà à Genève, mais également sur le plan quantitatif, en regard des délais pris en considération. Cette motion n'a donc pas suffisamment pris en compte ces nouvelles données.
Aujourd'hui, un chômeur a droit à quatre cents indemnités journalières, à l'issue desquelles le droit fédéral ne lui offre plus rien. C'est alors aux cantons de prendre le relais. Certains cantons n'ont d'autre solution à offrir que des prestations d'assistance. A Genève, canton responsable en la matière, des mesures actives sont prises, notamment par le biais des emplois temporaires, à l'échéance desquels, si l'intéressé n'a pas retrouvé une place, un nouveau délai-cadre d'indemnisation est ouvert.
Aujourd'hui, le délai maximum est de quatre cents jours, en droit fédéral. Demain, il sera de cinq cent vingt jours. Certes, le nouveau droit fédéral prévoit que des emplois temporaires ne peuvent ouvrir un nouveau délai-cadre que si leur durée est au minimum de douze mois, et cela sans qu'un sou de la Confédération n'ait contribué à leur financement, ce qui fait une différence avec la situation actuelle.
Alors que constater ? Aujourd'hui, le Conseil d'Etat tire une légitime fierté du système genevois. Sur tous les bancs, il est considéré comme très bon et l'on regrette que le nouveau droit fédéral puisse, prétendument, en amoindrir la portée. D'aucuns ont dit qu'il était exemplaire. Cela nous rassure, parce que nous avions entendu, çà et là, un certain nombre de critiques, mais à la lumière du nouveau droit fédéral, chacun admet qu'elles étaient infondées.
Je rappelle aussi qu'au-delà du dispositif prévu par le droit cantonal les mécanismes d'assistance interviennent dans un tout autre concept. C'est le système du revenu minimum cantonal d'aide sociale, que vous avez voté avec l'allocation d'insertion. Certes, ce n'est pas le Pérou et il ne faut pas s'en glorifier, mais ce système actif, adopté par Genève et le canton du Tessin, est incontestablement un système pionnier dans notre pays.
On a parlé d'environ deux mille occupations temporaires à Genève. Il faut considérer ces chiffres pour ce qu'ils sont. En réalité, sur la base du nombre global de vingt-cinq mille mesures actives prévues pour la totalité du pays à se répartir par quota entre cantons, le canton de Genève devrait en mettre environ deux mille à disposition, par personne et par an. Je suis navré de m'exprimer d'une façon quelque peu mathématique, alors qu'il s'agit de situations humaines, mais tels sont les chiffres.
Or, aujourd'hui, nous proposons des occupations temporaires d'une durée de trois ou six mois, voire même douze mois pour les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. Nous organisons aussi des stages et encourageons les mesures d'initiation au travail, les mesures de recyclage, etc. Evidemment, ces mesures sont d'une durée beaucoup plus courte : moins d'une année. Pour parvenir à mettre en place le quota de deux mille mesures actives par personne et par an, il faut fournir un grand effort. Nous ne sommes pas encore au bout de notre lutte, mais nous fournirons cet effort, parce que nous sommes déterminés à atteindre ce quota.
Ce qui me frappe, dans cette motion, c'est ce qui n'y est pas dit, c'est-à-dire l'expression d'un pessimisme fondamental sur l'efficacité de la nouvelle loi sur l'assurance-chômage, le doute très net au sujet de cette nouvelle philosophie qui privilégie les mesures actives et les mesures de réinsertion. A vous écouter, tout cela ne servirait à rien en termes de réinsertion professionnelle, et il conviendrait mieux de maintenir l'ancien système en continuant à indemniser les gens.
Pour ma part, je suis convaincu que des mesures actives intervenant, je le rappelle, à l'issue de cent cinquante indemnités, avec effet obligatoire, vont être un levier extrêmement puissant - c'est le but de la réforme - pour que celles et ceux qui ont perdu leur travail retrouvent un emploi. Je ne partage pas votre pessimisme, sauf, évidemment, à imaginer que la conjoncture ne se dégrade davantage.
Je précise également ceci : les mesures auxquelles vous faites allusion n'entreront pas en vigueur au 1er janvier 1996, mais au 1er janvier 1997. Autrement dit, nous avons encore un peu de temps pour adapter et cibler le système genevois là où il doit l'être. Je voudrais dire à M. Kunz, qui s'inquiète de ce que Genève est toujours à la pointe, que, bien au contraire, nous souhaitons que notre canton soit toujours le premier sur le plan de la solidarité, mais de manière lucide.
Qu'est-ce que cela signifie ? En matière de solidarité, nous voulons cibler le dispositif cantonal pour celles et ceux qui en ont véritablement besoin, mais nous voulons, de manière lucide, éviter une sorte de "mouvement perpétuel" qui dissuaderait les chômeurs de rechercher un emploi, en adoptant un dispositif cantonal qui compléterait, avec effet automatique, ce que prévoit le droit fédéral, créant ainsi de nouveaux délais-cadres de cinq cent vingt jours.
Qu'envisageons-nous, d'ores et déjà, en fait de solidarité ? Il est clair que les chômeurs âgés de cinquante-cinq à cinquante-huit ans, difficiles à replacer dans le marché de l'emploi...
La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, je suis navrée, cela fait plus de dix minutes que vous vous exprimez.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Madame la présidente, le sujet est suffisamment important pour qu'on prenne le temps de le traiter ! D'ailleurs, je termine. Je disais donc que les chômeurs âgés présentent une situation tout à fait particulière. Il est clair que des personnes de soixante ans, qui se voient privées de leur travail, sont souvent - il ne faut pas dire toujours - implaçables. Pour ces personnes, il me paraît indispensable que le dispositif cantonal soit assorti de mesures actives d'accompagnement et de solidarité jusqu'à l'âge de la retraite, soit soixante-cinq ans pour les hommes, soixante-deux, puis soixante-quatre ans pour les femmes, le peuple en ayant décidé ainsi.
Dans ledit contexte, nous ferons des propositions que nous sommes en train, d'ailleurs, d'évaluer. Autant vous dire d'emblée que l'effort budgétaire ne sera pas moindre, mais nous entendons nous montrer solidaires ! En effet, un Etat qui veut assumer sa responsabilité sociale se doit d'être véritablement généreux. C'est tout autre chose que l'Etat providence ! Ce dernier utilise la technique de l'arrosoir et ce n'est pas efficace. L'Etat généreux, lui, pratique la véritable solidarité en ciblant son aide à ceux qui ont besoin de lui : c'est ce que nous voulons.
Nous aurons donc l'occasion d'approfondir ces questions en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
C'est dans sa session de mai 1994 que le Grand Conseil avait décidé d'envoyer à la commission de l'économie la proposition de motion 919. Le texte de celle-ci est annexé à ce rapport.
Entre le 16 janvier et le 3 avril 1995, au cours de huit séances de travail, la commission de l'économie a étudié le texte des motionnaires sous la présidence de Mme Micheline Spoerri, relayée en une occasion par M. Pierre-Alain Champod. Lors de ses travaux, la commission a entendu trois conseillers d'Etat, M. Olivier Vodoz, chef du département des finances (DF), Mme Martine Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique (DIP), et M. Gérard Ramseyer, chef du département de justice et police et des transports (DJPT). Elle a pu, par ailleurs, compter sur la présence quasi permanente et les informations de MM. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique (DEP), et Jean-Claude Manghardt, secrétaire général de ce département.
Les débats de la commission ont débouché non seulement sur des invites considérablement remaniées mais aussi sur une formulation parlementaire différente, celle de la résolution. La proposition de remplacer la motion par une résolution a été présentée par le chef du DEP. Constatant que l'objectif des motionnaires, soulignés par ceux-ci à de nombreuses reprises, était de «permettre un grand débat politique du législatif sur le visage qu'il entend donner à la Genève de demain», le chef du DEP a relevé que la forme de la résolution était la mieux appropriée. La commission s'est rangée à cette suggestion et a adopté la transformation de la motion en résolution à l'unanimité moins 5 abstentions (3 AdG, 2 PS).
Préalablement, la commission, au vu de l'objectif poursuivi par les motionnaires et de l'utilité du débat politique de fond dont la motion fournit l'occasion, avait rejeté deux propositions visant, l'une, à subdiviser celle-ci plusieurs motions nouvelles, l'autre, à faire suivre le texte original au Conseil économique et social.
Le texte de la résolution a été adopté par la commission.
Les auditions
M. .
C'est au sujet des invites 1 et 2 de la motion que M. Olivier Vodoz a été prié de s'exprimer. La question qui a été globalement posée au chef du DF et à M. P. Sansonetti qui l'accompagnait était la suivante: quels sont les handicaps dont souffre Genève sur le plan fiscal?
Pour le chef du DF, la faiblesse majeure de la fiscalité genevoise réside dans le déséquilibre de la répartition de l'impôt entre bas et hauts revenus par rapport à la moyenne helvétique et notamment par rapport au barème vaudois. La fiscalité genevoise est plus avantageuse que la fiscalité vaudoise pour les personnes physiques disposant d'un revenu brut inférieur à 80 000 F. Au-delà c'est l'inverse et la différence peut aller jusqu'à 30%. Il existe donc une attractivité manifeste du canton de Vaud pour les moyens et hauts revenus (voir tableau 1).
S'agissant des revenus inférieurs à 80 000 F, les documents fournis par le chef du DF montrent qu'à Genève, en 1994, 24% des contribuables ont payé moins de 500 F d'impôt cantonal et que 47,4% ont versé moins de 3 800 F.
TABLEAU 1
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M. Olivier Vodoz a également souligné que la structure des revenus dans le canton s'est considérablement modifiée au cours des vingt dernières années. Si la part des revenus salariaux et de la propriété est restée stable, celle des revenus de transferts a explosé (de 8,1% en 1971 à 13,1% en 1991) et la part de ceux déclarés par les entreprises a chuté fortement (de 16,8 % en 1971 à 10,0% en 1991).
Cette évolution a largement contribué, surtout depuis la réformefiscale de 1985, généralement favorable au contribuable grâce à l'accroissement des déductions autorisées sur leur revenu brut mais particulièrement avantageuse pour les bas revenus, à la baisse du rendement fiscal dans le canton. (voir tableau 2).
En conclusion, le chef du DF a relevé que la priorité doit rester à la compression des dépenses publiques et à la réduction des déficits. Ces objectifs doivent primer sur une éventuelle réduction de la fiscalité. Mais il serait a contrario très déraisonnable d'accroître encore le poids de cette fiscalité sur les hauts revenus, une telle opération ne pouvant que gonfler encore le chiffre des actifs non résidents qui dépasse actuellement la barre des 15 000 contribuables, compte non tenu des frontaliers français.
Quant à la fiscalité pesant sur les personnes morales, si, selon le chef du DF, elle mériterait une certaine modernisation, elle n'en demeure pas moins généralement concurrentielle en regard de ce qui se passe dans d'autres cantons.
. .
La commission a souhaité entendre la présidente du DIP au sujet de la troisième invite de la motion. Les commissaires désiraient généralement savoir comment, selon la cheffe du DIP, il convient d'organiser l'enseignement dans le canton et quels fondements il faut lui donner dans le monde en mutation qui est le nôtre.
Pour Mme Martine Brunschwig Graf, à Genève comme dans le reste du monde occidental, on a longtemps vécu dans une société rassurante où les perspectives étaient prévisibles à moyen terme. Nous connaissons aujourd'hui de grandes mutations qui nous conduisent vers de profonds et nouveauxchangements. Les exigences actuelles et futures de la société et particulièrement celles de la vie professionnelle s'en trouvent fortement modifiées. La politique de formation doit tenir compte de cette profonde évolution.
Il s'agit de mettre en place des structures et des programmes scolaires prvilégiant le développement de l'autonomie des élèves, leur flexibilité, leur
TABLEAU 2
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envie et leur capacité d'apprendre. Armés d'un large bagage de culture générale et, suivant la voie choisie, de solides connaissances professionnelles, les jeunes seront aptes à faire face aux exigences de leur future vie professionnelle dont chacun sait qu'elle imposera, qu'elle impose déjà, des remises en question et des efforts de reformation permanents. Cette constatation se vérifie quels que soient le type et la longueur de la formation acquise. Elle est vraie pour la filière de l'apprentissage comme pour celle des études universitaires.
L'école n'a pas pour vocation de former des chômeurs. Elle doit donc veiller à ce que les jeunes puissent acquérir les compérences et les connaissances nécessaires à leur intégration dans la vie professionnelle, culturelle et sociale.
M. .
Les invites 4, 5 et 6 concernent le DEP. La commission a demandé au chef de celui-ci de rappeler quels sont les problèmes que son département doit affronter dans les domaines abordés par ces invités et quelles sont les mesures qu'il prend pour les surmonter. M. Jean-Philippe Maitre et son secrétaire général, M. Jean-Claude Manghardt, ont insisté sur les points suivants.
L'un des deux piliers de la promotion économique menée par le DEP concerne les entreprises et les organisations non encore établies dans le canton. Bien évidemment, le caractère international de Genève, c'est-à-dire la renommée qu'elle a acquise en abritant moult organisations internationales publiques et privées, constitue un atout déterminant lorsqu'il s'agit de faire la promotion du canton. Cela est vrai aussi bien pour l'accueil de sociétés multinationales que pour obtenir l'organisation de congrès, de foires ou de grandes expositions.
En ce qui concerne les négociations avec les organisations internationales et les sociétés multinationales, il est certain que Genève n'a pas été habituée à faire face à la concurrence féroce que lui livrent désormais des villes concurrentes. Il s'agit d'aborder les négociations avec détermination mais aussi avec réalisme et souplesse. On ne saurait dépasser certains niveaux de concessions et d'arrangements sans nuire aux intérêts à long terme à Genève. Oui à la flexibilité et la souplesse car les retombées économiques de l'installation de ces organisations et de ces sociétés sont considérables et immédiates, notamment sur l'emploi, mais non au bradage et à la démesure.
Le deuxième pilier de l'action promotionnelle du DEP concerne les entreprises locales qui restent, bien sûr, les plus grandes pourvoyeuses d'emplois. D'ailleurs, ces entreprises locales prennent une part de plus en plus grandes dans les efforts déployés par le DEP. Ces entreprises locales, existantes ou en formation, doivent être soutenues, notamment au moyen d'une simplification des procédures administratives. Il se révèle impossible, selon M. Jean-Philippe Maitre, d'envisager une procédure unique qui répondrait à l'ensemble des besoins des créateurs d'entreprises. Mais c'est le rôle du DEP d'assurer l'interface entre les diverses administrations concernées et le requérant, évitant ainsi à celui-ci de passer d'un office à l'autre.
Au sujet du marché du travail, il faut relever qu'à l'heure actuelle, à cause des rigidités existant dans son fonctionnement, de nombreuses entreprises ne trouvent pas le personnel compétent qu'elles aimeraient engager. En particulier, la politique suivie par Genève en ce qui concerne les frontaliers reste généralement assez dure. Mais chaque fois que, manifestement, une entreprise ne peut trouver sur le marché local le collaborateur spécialisé qu'elle recherche, le DEP délivre le permis B ou F permettant à un étranger d'occuper l'emploi offert.
M. .
Au sujet des invites 7, 8 et 9 de la motion, la commission a entendu M. Gérard Ramseyer, chef du DJPT, ainsi que MM. F. Wittwer, directeur de l'OTC, et André Bingelli, chargé de la prévention au sein de la police genevoise. Elle a cherché à déterminer si la politique suivie par le DJPT dans les domaines couverts par ces invites correspondait aux objectifs des motionnaires.
En matière de circulation et de mobilité, le chef du DJPT a souligné que la politique suivie par le Conseil d'Etat est fondée sur un postulat évident: personne n'a envie de lutter contre la mobilité des citoyens. Celle-ci se développe, à Genève comme ailleurs, corollairement à l'augmentation du niveau de vie. Il s'agit donc de gérer intelligemment et dans l'intérêt général ces exigences de mobilité.
Cela étant admis, le chef du DJPT a rappelé que le Conseil d'Etat se conforme aux concepts C2000 et TC2005. Ces concepts visent d'abord la réduction du trafic de transit en ville, ensuite l'amélioration de l'accessibilité du centre-ville et enfin le transfert modal. Les objectifs sont de détourner journellement 30 000 véhicules grâce à l'autoroute de contournement, 30 000 véhicules grâce à la future traversée de la rade, et à inciter journellement 30 000 automobilistes à utiliser les transports en commun, en particulier grâce au développement des transports publics, un développement auquel contribueront le tram 13, le métro léger et l'extension du réseau des Transports publics genevois.
En ce qui concerne le trafic à destination du centre-ville, l'objectif consiste à accroître de 2 250 unités le nombre des places de parking enterrées et de continuer à réduire autant que faire se peut les places de surface.
M. Gérard Ramseyer a insisté sur le caractère global et sur la complémentarité des deux plans susmentionnés. Les priver d'une de leurs composantes reviendrait à vider la stratégie pousuivie de sa substance et de son équilibre.
S'agissant de la sécurité régnant dans notre canton, le chef du DJPT a relevé que, d'une façon générale, la situation à Genève peut être considérée comme bonne, surtout si on la compare à celle d'autres villes du pays et du continent.
Débats de la commission, synthèse
Pour les motionnaires, autour desquels s'est rapidement formée une majorité au sein de la commission, Genève, au cours des dernières décennies, a accumulé un certain nombre de handicaps importants qui mettent en péril les atouts considérables dont bénéficie notre canton. La cause de ces hanicaps, qui s'ajoutent aux difficultés entraînées par les bouleversements géopolitiques et économiques de la planète, doit être largement recherchée dans les excès législatifs et l'imprévoyance financière dont nous avons fait preuve au cours des trente années, placées sous le signe de la facilité et de l'illusion, qui se sont achevées vers 1990.
Le tissu économique du canton s'en est trouvé affaibli, les entreprises entravées dans leur action, les finances publiques déséquilibrées, les services publics gonflés à l'excès. Le climat d'euphorie qui régnait alors a par ailleurs, bien évidemment, contribué à multiplier les attentes et les «droits» des citoyens de ce canton.
Le réveil, comme chacun le sait, s'est avéré brutal. Durant la longue période de croissance séparant 1960 de 1990, le consensus, mot magique d'alors, constituait l'instrument principal de la vie politique et économique. Chacun trouvait, même dans les compromis les plus lourds de dangers potentiels, matière à se réjouir. Les parts toujours plus larges d'un gâteau en constante augmentation satisfaisaient chacun et bien peu nombreux étaient ceux qui voyaient le potentiel de rupture et de désillusion masqué par les inerties, les rigidités et les coûts demesurés que ces compromis entraînaient.
Des réformes profondes s'imposent, précisément définies et clairement expliquées aux Genevois. Sur le plan économique, il s'agit de remettre en marche une société orientée d'abord vers la création de la richesse collective, plutôt que préoccupée avant tout par la redistribution, voire le gaspillage de celle-ci. Il s'agit de remettre au centre de nos réflexions et de notre action politique concrète les facteurs, les conditions-cadres qui favorisent la compétitivité de notre économie. Car seule une économie forte et compétitive garantit, en dernière analyse, le niveau de vie des citoyens, le développement de l'emploi et le fonctionnement d'un Etat social efficace, c'est-à-dire un Etat capable d'aider les moins favorisés d'entre nous.
Se fondant sur cette analyse générale de la situation et au vu des bouleversements auxquels le monde a été soumis au cours de ces dernières années, au vu notamment de l'effondrement extraordinairement rapide de toutes les économies planifiées européennes, au vu aussi de l'incapacité évidente des pays continuant d'entretenir l'Etat providence de rétablir leur santé financière et économique, la majorité de la commission pensait pouvoir trouver un accord général au sujet de la formulation des invites de la résolution. Elle a dû malheureusement déchanter, la minorité de la commission, incluant les représentants de la gauche modérée, persistant à défendre les recettes et les schémas anciens. En témoignent les citations suivantes glanées au cours des débats:
- «Les gens ne consomment pas parce que les salaires sont bloqués. Il faut redistribuer pour redonner confiance.»
- «Il faut réadapter tous les salaires à la hausse afin de favoriser la consommation.»
- «Il faut cesser de parler de la charge fiscale qui pèse sur les hauts revenus car cela les fait fuir.»
- «La haute technologie ne crée pas assez d'emplois.»
- «Ce n'est pas en améliorant la compétitivité et les conditions-cadres de l'économie qu'on améliorera l'emploi.»
- «Il faut cesser de donner l'avantage au tertiaire.»
- «L'investissement n'est pas toujours favorable à l'emploi. Aucun emploi supplémentaire ne serait créé par la construction de parkings.»
Ces quelques «perles» enfilées par les représentants de la minorité sont inquiétantes pour ceux qui veulent continuer de croire qu'aujourd'hui il est possible de rassembler l'ensemble des forces du parlement genevois autour d'un projet socio-économique fort pour Genève. Et il faut se demander si un tel consensus est tout simplement réalisable, même sur des questions qui touchent pourtant aux fondements de notre système économique, puisque les membres de l'opposition ne comprennent pas ou n'admettent pas ce dernier.
Les discussions de la commission relatives à la formulation des diverses invites ont parfaitement illustré cette constatation regrettable, de même que les votes qui ont suivi.
Les invites de la résolution
Première invite
Elle est identique au texte de la motion et a été adoptée par 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) contre 5 (3 AdG, 2 PS) avec 1 abstention (PEG) après le rejet d'un amendement socialiste qui a été largement repris à l'invite no 8.
Deuxième invite
C'est une proposition radicale qui a donné naissance à cette invite. Elle a été adoptée par 8 voix (5 L, 2 R, 1 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG), avec 1 abstention (PDC).
Troisième invite
La résolution reprend l'invite de la motion. Après le rejet d'un amendement socialiste, ce texte a été accepté par 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) contre 5 (3 AdG, 2 PS), avec 1 abstention (PEG).
Quatrième invite
L'invite de la motion a été considérablement remaniée. Le texte figurant dans la résolution a été adopté à l'unanimité.
Cinquième invite
Il s'agit d'une invite nouvelle, proposée par le groupe radical, qui met en évidence l'atout que constituent pour Genève et son économie des prestations médicales et sanitaires de haute qualité. Cet amendement a été voté par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC); 6 commissaires se sont abstenus (3 AdG, 2 PS, 1 PEG).
Sixième invite
Elle est identique au texte de la motion. Après le rejet d'un amendement socialiste cette invite a été adoptée par 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG).
Une proposition présentée par le groupe socialiste consistait à ajouter ici les mots «à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne toutes démarches en vue d'un rapprochement avec l'Union européenne». Cet amendement a été écarté non pas pour des raisons de fond mais formelles, le rapprochement de la Suisse et de l'Union européenne ne faisant manifestement pas partie de l'objet traité.
Septième invite
Elle correspond à la première partie de l'invite plus générale figurant dans la motion. Elle a été adoptée par 12 voix (5 L, 2 R, 2 PDC, 2 PS, 1 PEG) contre 1 (AdG), avec 2 abstentions (AdG).
Huitième invite
Ce texte, très largement inspiré d'un amendement socialiste, remplace la deuxième partie de l'invite des motionnaires. L'invite a été adoptée à l'unanimité.
Neuvième invite
Cette invite, reprise telle quelle du texte de la motion, a été adoptée par 10 voix (5 L, 2 R, 2 PDC, 1 PEG) contre 5 (3 AdG, 2 PS).
Dixième invite
Elle est également identique au texte de la motion et a été adoptée par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG) après le rejet d'un amendement socialiste.
Onzième invite
A la demande des commissaires libéraux, le texte de la motion a été complété par les mots «et la création de zones piétonnes». Ainsi amendée l'invite a été acceptée par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG) après le rejet d'un amendement socialiste.
Douzième invite
C'est un texte légèrement modifié à la suite d'une proposition libérale qui a été adopté par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 5 (3 AdG, 2 PS), avec 1 abstention.
Des réformes, pourquoi?
Le texte de la résolution adoptée par la commission de l'économie doit, aux yeux de ceux qui l'ont votée, être considéré non seulement comme un appui du Grand Conseil à l'action réformatrice du gouvernement mais encore comme une incitation à renforcer et à accélérer celle-ci.
En premier lieu, la majorité de la commission est convaincue que l'amélioration des conditions-cadres de l'économie reste, à long terme, le seul moyen de restituer à Genève la compétitivité requise pour garantir la création d'un nombre d'emplois suffisant au bien-être de ses citoyens. Cette conviction ne sous-entend pas que la création des emplois dont Genève a besoin pour assurer le meilleur niveau de vie possible à ses habitants devrait intervenir selon des recettes puisées dans un libéralisme débridé. La majorité de la commission est d'ailleurs très consciente que l'économie de marché ne constitue pas une fin en soi, qu'elle doit servir les intérêts profonds de la société, non l'inverse, et qu'elle est un instrument essentiel de l'intégration sociale.
Cette conviction se fonde sur la constatation que l'interventionnisme de l'Etat ne constitue pas une réponse au défi de l'emploi. Les pouvoirs publics doivent au contraire réduire leur emprise sur l'économie privée et favoriser la renaissance chez les individus du sens des responsabilités personnelles et des devoirs sociaux ainsi que du goût d'entreprendre.
Au cours des dernières décennies, les mesures législatives et réglementaires prises par les pouvoirs publics, à Genève probablement plus qu'ailleurs dans le pays, ont contribué largement à entraver le fonctionnement naturel du marché et à imposer une allocation insuffisamment efficace des ressources de la collectivité. En ont résulté des déséquilibres profonds dans de multiples domaines. Quelques exemples:
- La spéculation immobilière effrénée des années quatre-vingt a été alimentée surtout par la raréfaction, artificiellement organisée dans la loi, de terrains constructibles.
- Le mauvais fonctionnement du marché du logement s'explique très largement aujourd'hui par un ensemble législatif ahurissant d'inco-hérences économiques et sociales.
- Les rigidités du marché du travail sont pour une bonne part responsables du trop faible taux de rencontre entre les demandeurs d'emploi et ceux qui pourraient en offrir.
- La fiscalité des personnes physiques, qui a perdu depuis longtemps sa neutralité, chasse du canton les bons contribuables et multiple le nombre des actifs non résidants.
Cet interventionnisme à tous crins s'est accompagné, bien sûr, par un gonflement de la fonction publique sans exemple dans ce pays. En 1991, les services publiques cantonaux et communaux représentaient 15,2% des emplois offerts dans le canton, le secteur privé ne comptant plus que pour 73,3% de ces emplois.
Notre long aveuglement nous a conduits à croire que Genève pouvait s'offrir, au nom de la solidarité et du progrès social, un interventionnisme aussi tentaculaire et une économie aussi bridée. Les déficits publics qui se succèdent depuis plusieurs années, la hauteur de la dette publique qui atteint désormais 8 milliards de francs montrent qu'il n'en est rien.
Renoncer aux excès de l'interventionnisme est par conséquent, pour la majorité de la commission, le premier pas vers la revitalisation de l'économie genevoise. Elle est, par contre, d'avis que l'Etat peut contribuer efficacement à l'orientation des activités économiques du canton. C'est le cas lorsqu'il favorise l'investissement en général, la recherche, l'innovation, le développement ou l'implantation d'entreprises utilisant les technologies de pointe.
Cette action, si elle se veut cohérente et efficace, impose une vision prospective et une stratégie globale couvrant de multiples domaines tels que l'aménagement du territoire, l'urbanisme, la fiscalité et l'enseignement. Il paraît utile dès lors de rappeler ici le projet du Conseil d'Etat, figurant dans son rapport de décembre 1994 concernant les motions 803, 911 et 932. Le Conseil d'Etat notait qu'il envisageait de mettre sur pied «un groupe de personnalités de haut niveau qui se livrerait à une réflexion à titre purement prospectif sur l'avenir de Genève en général». Ce projet mérite, en vertu de ce qui précède, de trouver sans délai sa concrétisation.
En second lieu, s'agissant de la formation à donner à la jeunesse, la commission est unanime pour constater que la tâche du système éducatif consiste fondamentalemnt à former une jeunesse disposant d'un solide bagage de base, autonome et au bénéfice d'une forte capacité d'adaptation. Il convient donc de faire évoluer les structures scolaires, de formation professionnelle et universitaire dans ce sens.
Il apparaît en effet désormais clairement à tous que l'idée d'une «formation acquise pour la vie» constitue une relique du passé. A l'évidence, le monde nouveau impose à chacun de se sentir plus responsable de sa formation de base comme de sa formation continue. Cette prise de conscience, l'ambition personnelle, la curiosité, la motivation et le goût de l'effort requis pèsent bien davantage dans une vie professionnelle réussie que les structures du système éducatif.
Ainsi armés, professionnellement et moralement, nos enfants trouveront leur place plus aisément dans l'économie du canton et seront plus aptes à apporter leur contribution à l'effort de la collectivité.
En troisième lieu, en ce qui concerne les questions de circulation, la majorité de la commission constate que le problème auquel Genève est confrontée, à savoir de gérer la mobilité croissante d'une population extrêmement motorisée, impose une planification à long terme dont les composantes sont intimement liées. Réduire la circulation en centre-ville sans nuire à l'activité économique de ce dernier impose donc de poursuivre la réalisation des grands travaux destinés, d'une part, à améliorer l'infrastructure des transports publics, d'autre part, à détourner en périphérie le trafic de transit, enfin à accroître la capacité du parcage enterré aux abords ducentre-ville.
Conclusion
A l'ensemble de la commission, il paraît évident que le plus grand défi qu'affronte Genève aujourd'hui, défi qui demeurera demain, est celui de l'emploi. Il est vrai aussi que le problème qui se pose à nous, comme aux autres sociétés occidentales, consiste fondamentalement à passer d'une société dont l'action sociale est fondée sur l'indemnisation à une action sociale visant la réinsertion.
Or, réinsérer signifie redonner de l'utilité sociale, de la citoyenneté aux victimes des processus d'exclusion et bien évidemment l'emploi constitue le vecteur le plus efficace de la réinsertion.
Pour la majorité de la commission, la difficulté de cette réinsertion ne se trouvera donc surmontée que si l'économie parvient à créer des emplois en nombre suffisant. D'où la nécessité de conditions-cadres favorables au développement des activités économiques.
Bien sûr, d'autres voies doivent être défrichées parallèlement. La majorité de la commission est très consciente, par exemple, qu'une baisse notable du taux de chômage ne pourra intervenir sans partage du travail. Ce partage a d'ailleurs déjà commencé, de façon naturelle, avec l'accroissement du nombre des emplois à temps partiel et du travail temporaire, avec les départs en retraite anticipée, avec le retrait du marché du travail de certains de ses acteurs, avec l'allongement pour la jeunesse de la durée des études. Le partage du travail peut aussi trouver sa concrétisation dans certaines entreprises, privées et publiques, avec la réduction des horaires de travail. Pour la majorité de la commission, il est évident également que le temps libre ainsi dégagé pour les uns et les autres trouve et continuera de trouver à s'engager de façon quasiment illimitée dans les indispensables activités de solidarité et d'actions communautaires.
Mais pour la majorité de la commission, il est vital de souligner que parcelliser les emplois n'apporte aucune valeur ajoutée et n'accroît en aucune manière le revenu global. Une opération de cette nature ne saurait intervenir de façon linéaire, autoritaire, imposée aux travailleurs. Une telle parcellisation, en dernière analyse, ne peut se traduire par des réductions correspondantes des rémunérations. Dans l'économie ouverte, mondialisée que nous connaissons, il y va en effet de la survie des entreprises et de l'Etat social.
Ces préoccupations, si elles sont en permanence dans l'esprit des commissaires de la majorité, n'ont néanmoins pas été débattues car la motion et la résolution faisant l'objet de ce rapport ne leur sont pas consacrées.
Par cette résolution la commission de l'économie entend donc fournir au Grand Conseil l'occasion de manifester clairement son attachement à l'économie de marché et son accord avec les grands axes auxquels se conforme le Conseil d'Etat dans son action politique depuis le début de la législature. Le Grand Conseil est également invité à marquer sa volonté de voir le gouvernement renforcer et accélérer son action réformatrice, cela, faut-il le rappeler ? en vue de donner la priorité à l'emploi par l'amélioration des conditions-cadres offertes à l'économie genevoise.
C'est dans cet esprit que la majorité de la commission de l'économie a adopté en vote final la résolution figurant dans ce rapport par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG). Elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à l'adresser au Conseil d'Etat.
PROPOSITION DE MOTION
concernant la priorité donnée à l'emploi par l'améliorationdes conditions-cadres offertes à l'économie genevoise
LE GRAND CONSEIL
invite le Conseil d'Etat
- à poursuivre et à accélérer le travail entrepris pour renforcer la compétitivité de Genève sur les plans économique, administratif et fiscal;
- à poursuivre et à renforcer sa politique d'accueil afin de garder les personnes actives sur le territoire du canton pour des raisons économiques etfiscales;
- à poursuivre ses efforts pour donner à la jeunesse une formation plus en phase avec les besoins de l'économie;
- à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève;
- à poursuivre le travail entrepris pour stimuler les rencontres internationales, les salons, les foires et tout ce qui vise à associer le nom de Genèveaux technologies de pointe et à la découverte de nouveaux créneaux de production;
- à poursuivre et à accélérer la révision des procédures administratives afin de faciliter la création de petits commerces, de petites entreprises de service et d'emplois de proximité;
- à poursuivre les efforts entrepris pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité et du libre choix du mode de transport;
- à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville ou à autoriser la construction de ces derniers par des privés afin de faciliter l'accès aux commerces;
- à veiller au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la propreté, plus spécialement dans les zones sensibles du centre-ville.
«Est-ce ainsi que les hommes vivent» (L. Aragon)
«Dis, papa, quand est-ce qu'y passe
le marchand de cailloux....» (Renaud)
RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ
(ALLIANCE DE GAUCHE)
«Depuis la fin des années soixante, les processus d'internationalisation des marchés et de mondialisation de l'économie transforment profondément les économies nationales, restreignent les marges de manoeuvre des Etats, et font ressortir les limites de l'Etat providence. C'est sans doute pourquoi l'économie est devenue la composante dominante des sciences humaines» (page 1985 et suivantes, Mémorial No 20, débat sur la motion 919), telles sont les premières lignes de l'exposé des motifs de la motion.
Ainsi donc, l'économie est devenue la «composante dominante» face à un Etat dont l'action ne devrait se cantonner qu'à des gestes simples. Mais avant d'aborder ce problème, permettez-nous, à notre tour, de faire nos observations sur l'économie dite «libérale», d'en exposer ses excès, ses échecs.
En préambule, il convient de préciser que la majorité de la commission de l'économie a cédé à la demande de M. le président du département de l'économie, M. Jean-Philippe Maitre, et a transformé la motion en résolution. Le maintien de la motion 919 aurait obligé le Conseil d'Etat à produire un rapport, ce qui n'est évidemment plus le cas avec cette résolution qui devient une pure déclaration d'intention.
«Le mensonge fondamental»
L'exposé des motifs y fait largement allusion faisant appel, pour soutenir la thèse des auteurs de cette résolution, aux économistes du XIXe ou duXXe siècle. En effet, que les systèmes, tels qu'ils se sont imposés, quelques années après la Révolution d'octobre, à l'est de l'Europe, aient été un échec n'aura échappé à personne, sauf, peut-être, à quelques irréductibles ! Ceux-là mêmes qui prétendaient s'inspirer de la pensée de Marx - pour ne pas le nommer - en ont fait un principe coercitif, de domination, de répression au lieu de s'en inspirer pour tendre vers le développement, la démocratie, la citoyenneté en et hors des entreprises. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles le système a très rapidement échoué. Au lieu du «libre développement de chaque individu» qui est «la condition du libre développement de tous» souhaité par Marx, une nomenklatura mercantile a exercé une mainmise totale sur l'avenir de ces pays qui ne devait souffrir d'aucune contestation. Mais... peut-on dire, parce qu'une forme de «communisme» a échoué, que les idées, dont il est porteur, sont devenues caduques et que c'est la «fin de l'histoire» ? Au contraire, nous pensons que les idées de justice, de citoyenneté, ont plus que jamais gardé leur actualité et vont, nous en sommes certains, devoir s'imposer.
«Les succès de l'économie...
La chute du mur de Berlin a, sans aucun doute, réjoui, pour des raisons diverses, beaucoup de monde. En effet, tous les espoirs étaient permis, mais c'était sans compter sur les prédateurs, qui, tapis dans l'ombre, n'attendaient que ça: la ruée vers l'Est ! Et, c'est le désastre, les illusions perdues, les espoirs légitimes des citoyens dans une vie meilleure, anéantis en quelques années. C'est à celui qui se «servira» le plus rapidement... Même si certains de ces pays s'en «sortent» un peu mieux que d'autres, on peut constater, là aussi, les effets des ajustements structurels de l'économie, tels que les impose le FMI et qui ont largement fait leurs «preuves» dans d'autres pays. Ils ont entraîné la liquidation de larges pans de l'économie, les privatisations sont menées tambour battant, jetant des personnes par milliers à la rue. En marge de la pauvreté qui touche une grande majorité de la population, on assiste à un enrichissement insolent de quelques-uns. Cette fracture de la société a déjà entraîné conflits et tensions de toutes sortes: les vieux démons se sont réveillés, des guerres fratricides éclatent aux quatre coins de la Russie, de la Yougoslavie ou ailleurs encore... au nom d'un «nationalisme» étroit. Une fois de plus, l'économie de marché n'a pas apporté avec elle le climat social serein dont elle devrait avoir besoin pour son développement. Ce n'est indéniablement pas un succès du système de l'économie «libérale» !
... dite de marché !»
Ce n'est pas le capitalisme qui a «inventé» le marché: celui-ci a toujours existé. Depuis que le monde est monde, et bien avant que l'économie ne devienne une «science», il y a eu échange de marchandises, soit contre quelques écus, soit contre une autre marchandise, lorsque l'argent faisait défaut. La monnaie d'échange, lorsqu'il y en avait, n'était qu'un moyen et non un but. L'attribution d'une valeur à la marchandise a modifié profondément le rapport avec celle-ci et sa rareté fait augmenter encore cette valeur. Donc, il serait plus juste de dire que nous vivons dans un système capitaliste de marché. De plus, l'argent, à son tour, est aussi devenu une marchandise qui s'échange. C'est même devenu la principale marchandise, avant les biens manufacturés. En effet, l'argent tourne sur lui-même, toujours plus vite, en circuit fermé, induisant une concentration de pouvoirs et de richesses qui échappent totalement au contrôle démocratique des citoyens. Ce système s'impose au monde et lui dicte la politique économique qu'il doit conduire. Un exemple, que l'on pourrait multiplier, le Mexique est passé sous la tutelle des USA, qui contrôle, aujourd'hui, l'une de ses principales richesses: le pétrole. Mais, aujourd'hui, nous dit-on, les «remèdes» de la Banque mondiale et du FMI ont redressé la situation économique de ce pays... mais au prix d'un coût social défiant toute concurrence !
Ce sont des facteurs déstabilisateurs de nombreuses nations d'une gravité encore jamais connue jusqu'ici. Le pouvoir sur les populations glisse de plus en plus entre les mains de clan (ou mafia) ou de groupes financiers. La ligne de démarcation entre les élites politiques et ces derniers n'est, par ailleurs, pas toujours visible.
Ces déséquilibres socio-économiques, ces «guerres» économiques qui déchirent les nations, ont, aussi, des répercussions irréversibles sur la qualité de l'environnement et amenuisent, là où elle existe encore, la «démocratie» d'un grand nombre de pays. En effet, quel sens peut-on donner au mot «démocratie» lorsque, pour des raisons d'ajustements structurels de l'économie imposés, les besoins les plus élémentaires des populations ne sont pas satisfaits, pire, se détériorent encore, alors que les «gouvernements» de tels pays possèdent, en revanche, les armements les plus sophistiqués ? Laissez-moi m'étonner, Messieurs les «résolutionnaires», lorsque vous invoquez Milton Friedman, pour dire, avec quelque frivolité, qu'il a inspiré «les gouvernements qui créent le plus d'emplois» (page 1986, MémorialNo 20). Quels emplois ? Comme on vient de le démontrer, de nombreuses populations dans le monde survivent, et non pas vivent, «grâce» à l'économie informelle, et à des emplois aléatoires, etc.
Plus près de chez nous, les quelques pays encore nantis mais où la pauvreté, l'exclusion, le chômage prennent des proportions toujours plus importantes, ont conduit les hommes politiques, «pour éviter l'éclatement social, à sécréter des solutions pragmatiques qui ne collent pas à leur doctrine» (G. Roustang, «L'emploi, un choix de société», Ed. Syros, 1987). En effet, il a fallu «inventer», chez nous, un RMCAS et, chez nos voisins, des TUC, des RMI, des subventions même... pour l'achat d'une voiture ! (doctrine Balladur !).
Devons-nous continuer à faire confiance «aux forces spontanées», comme vous le suggérez dans la résolution, pour finalement constater que les résultats des théories de l'ultra-libéralisme sont un échec ? Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est le refus de reconnaître ses erreurs. Heureusement, quelques voix - et non des moindres - s'élèvent: récemment, le «Wall Street Journal», pourtant la «bible» de l'économie, publiait un article dans lequel deux économistes américains n'hésitaient pas à affirmer que le système a des «ratés» et qu'il serait temps d'y apporter des corrections !...
Des scientifiques s'alarment également face à l'ampleur des dégâts et prennent courageusement position: «... comme tous les intégrismes, l'intégrisme libéral pratique le prosélytisme. Détenteur de la seule vérité, il adopte une organisation de la société supposée la seule efficace et n'a de cesse que de la transmettre et de l'imposer à tous». (A. Jacquard, «L'économie triomphante», Ed. Calmann-Lévy, 1995).
Nous référant à votre remarque au sujet de la «planification», nous observons que le système capitaliste repose également sur une forme de planification.
Les différents groupes d'entreprises se livrent, afin de préserver leur part de marché, à une concurrence acharnée, voire exacerbée, en revanche, l'organisation interne de chacun d'eux, repose sur une planification solide. Cette dernière se réalise, en effet, à la fois dans le temps et dans l'espace. C'est, précisément, elle qui permet aux groupes d'entreprises de posséder des secteurs de production dans un pays, de recherche dans un autre, de commercialisation encore ailleurs, etc. Les exemples foisonnent: nous n'en citerons que deux, Swissair «exporte» sa comptabilité, «Pilatus» fabrique dans différents pays, sans que cette «division» du travail ait une quelconque incidence sur l'emploi ici.
«Genève est un PRODUIT moteur»
Dans son rapport sur l'économie genevoise de 1989, le Conseil d'Etat (page 10) assurait (ou se rassurait) qu'à «plusieurs égards, Genève bénéficie d'une situation relativement privilégiée qui l'a mise à l'abri des difficultés économiques sérieuses auxquelles d'autres régions de Suisse ou de nombreuses nations ont été confrontées récemment». Cela ne vous a, semble-t-il, pas tout à fait convaincu puisque, en 1995, vous faites exactement le constat inverse. Rappel: «... l'analyse rapide des données statistiques confirme sans ambiguïté que la situation économique y est moins bonne que dans d'autres cantons de notre pays...» (page 1987, Mémorial No 20).
Cependant, entre la première et la seconde affirmation, il y avait tout de même déjà quelques signes qui ne trompaient pas: par exemple, que le nombre d'emplois du secteur secondaire (entre 1985 et 1991) a diminué, passant de 49 894 unités à 47 096, alors que, déjà, le secteur tertiaire prenait des allures de géant, représentant, en 1991, le 80% des emplois. Tous les emplois industriels ne se sont pas transformés en emploi de services. (in: OCSTAT No 95, «Evaluation de l'emploi à Genève entre 1985 et 1991»). Malgré ce constat, les auteurs de cette résolution se sont montrés très ambitieux pour eux-mêmes, mais très exigeants à l'égard de l'Etat. Ils restent, curieusement, discrets quant à l'avenir de l'emploi qui ne se trouve qu'à la 6e place des invites. Nous y reviendrons.
Et si, comme on nous l'affirme, la croissance est à bout touchant, peut-on dire qu'elle commence aussi à avoir des effets sur l'emploi ? Sur la consommation ? Sur les salaires ? Malgré les assurances évoquées ici ou là, sur la reprise de la croissance, il n'en reste pas moins qu'à Genève le chômage continue de croître. En effet, la moyenne annuelle de 1993 du nombre de chômeurs s'élevait à 14 850 pour atteindre fin 1994 la moyenne de 15 680 chômeurs. On constatera, par ailleurs, également une progression du nombre de personnes au chômage depuis une année ou plus, dont la moyenne annuelle de 1994 s'élève à 4 550. Depuis l'entrée en vigueur de la loi,695 personnes ont, à fin mai de cette année, bénéficié du revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS) (in: OCSTAT, «Résultats statistiques, le marché du travail à Genève», mai 1995).
Ce sont les chiffres officiels des personnes cataloguées, enregistrées, mais combien d'autres «disparaissent» dans la nature ?
Voilà en quelques mots le constat et les faits: comme vous, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas de recettes toutes faites dans notre musette ! Alors que faire ? Faut-il développer encore les occupations temporaires ? Certes, mais c'est évidemment un remède à court terme ! L'Etat ne saurait être le seul à en supporter les coûts. Par conséquent, nous ne pouvons partager l'avis de M. Balestra lorsqu'il dit «... qu'il (l'Etat) devrait se contenter de servir et représenter (les citoyens)» (page 1993, MémorialNo 20, débat). Aurait-il voulu nous suggérer que ce dernier ne devrait que supporter les charges et l'économie les bénéfices, fût-ce au détriment de l'emploi ?
Les «invites» !
La résolution souhaite des conditions-cadre pour le libéralisme de l'économie... mais dans la continuité ! En effet, l'ensemble des invites - et les amendements qui y ont été apportés, ne changeront, hélas, pas grand-chose - ne disent-elles pas qu'il faut: poursuivre, accélérer, veiller à, maintenir à ... le tout tendant exclusivement vers «l'économisme», alors que l'on prétend donner la priorité à l'emploi ? En effet, on veut à la fois le beurre et l'argent du beurre et, à y regarder de plus près, peut-être aussi bien la vache et la laitière... Le discours dominant exige, à la fois, des facilités fiscales et administratives, mais en même temps, on n'a pas assez de voix pour tonner qu'il faut réduire les finances de l'Etat, c'est-à-dire, en réduisant avant tout les postes de travail. Comme c'est curieux ! N'entend-on pas s'exclamer à tout instant, la main sur le coeur, que l'Etat ne doit pas se mêler des affaires privées... que l'entreprise doit avoir les coudées franches, etc. On peut, dès lors, se demander pourquoi, lorsqu'un grain de sable vient gripper les rouages de la machine, l'on se tourne vers l'instance la plus décriée - l'Etat - pour lui demander des sous ?...(voir à ce propos la motion 1005 concernant GENILEM).
Pour le libellé complet des « invites », nous vous renvoyons à la résolution.
Invite No 1
Avec quelle compétitivité Genève veut-elle se mesurer ? Avec celle de l'Asie du Sud-Est ? Les îles Bahamas pour la fiscalité ? Avec quel autre pays où la pratique des salaires les plus bas et les plus aléatoires est courante ?
Parlant des finances du canton, qui devrait participer à l'équilibrage souhaité ?
Invite No 2
L'invite ne précise pas qui serait le bénéficiaire de cet accueil: est-ce réservé aux plus fortunés ? A quel prix cet accueil devrait-il se faire ? Au prix de vagues promesses d'emploi ? du territoire qu'on brade ?
Invite No 3
Cette invite proposerait de «poursuivre ses efforts» pour donner à la population adulte une formation «plus en phase avec les besoins de l'économie», ce dernier élément de phrase ayant été amendé, il est vrai, de la manière suivante: donner à la jeunesse un «maximum de chance pour s'insérer dans la vie professionnelle» auquel nous nous sommes ralliés. Pourtant, cela ne suffit pas ! Une vie n'est-elle faite que de travail ? La formation, fût-elle scolaire, ne doit-elle pas justement former des citoyens libres, ouverts au monde, critiques et responsables dans la vie où ils apprennent aussi la tolérance et la solidarité ? Toutes ces choses que «l'économisme» voudrait, et est en train de, faire disparaître ? En guise de proposition, nous nous permettons de vous rappeler l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, qui est très précise à ce sujet.
Invite No 4
Nous ne sommes pas contre la présence d'organisations internationales et leur développement à Genève, mais faut-il entendre que ce développement se fasse au prix fort ? Exemption de la TVA, mise à disposition de locaux gratuits (OMC) ? Au prix du silence sur les conditions de travail faites aux employés de maison des missions diplomatiques ? Nous vous renvoyons, à ce sujet, à la motion 1003 et à la résolution 295, débattues lors du Grand Conseil du 8 juin dernier.
Invite No 5
Cette invite parle de stimuler les foires, les salons et autres rencontres internationales, ce qui est sans doute intéressant. Cependant, la tenue de foires et celle de salons sont, par définition, des activités très volatiles et ne constituent pas une base économiquement solide.
Invite No 6
Comme indiqué plus haut, la création de petites entreprises peut être intéressante dans la mesure où celles-ci sont réellement considérées comme étant un apport économique important qu'il ne faut pas négliger. Leur création ne peut se faire à n'importe quel prix.
Quant à l'emploi dit «de proximité» tel qu'indiqué dans la résolution, de quel type d'emploi s'agit-il ? Doivent-ils échapper à toute réglementation ? Quelle flexibilité ? Remplaceront-ils ceux perdus dans l'industrie ? (voir SIP, Tavaro). La résolution ne dit mot quant au devenir des conventions collectives de travail ? Qu'en sera-t-il ?
Invite No 7
En ce qui concerne la «mobilité», il s'agit pour nous plutôt de tendre vers la diminution du besoin de mobilité. Il faudrait rapprocher l'habitat du lieu de travail, ce qui éviterait un gaspillage de temps, d'énergie (dans tous les sens du terme). Quant à la création de zones piétonnes, en effet, à ce jour il n'y en a pas de telles à Genève et les rues Basses ne sauraient en être. De telles zones doivent être libres de tout véhicule, exception faite des transports publics et de service.
Invite No 8
Cette invite entre en contradiction avec la précédente: vouloir augmenter le nombre de parkings conduit précisément à l'immobilité, en attirant un nombre croissant de voitures au centre-ville.
Pour nous, la construction de parkings supplémentaires n'est pasla priorité. En revanche, ce qui l'est, c'est la poursuite du développementdes transport publics tel que souhaité par la population ainsi que par lamotion 1004 que ce Grand Conseil vient d'accepter d'envoyer en commission des transports.
Invite No 9
Cette «invite» demande de «veiller au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la propreté» afin de retrouver une qualité de vie à Genève. Cela sous-entend que les toxicomanes font tache devant certains commerces. Nous ne vous suivrons pas dans votre politique d'exclusion. A ce propos, le Grand Conseil vient d'accepter les termes du rapport de la «commission mixte en matière de toxicomanie» (RD 227). Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ce sujet. Le travail dans ce domaine va maintenant se poursuivre et nous ne pouvons que vous renvoyer aux décisions qui ont été prises.
S'agissant, en revanche, de «préserver la qualité de vie», est-elle pour les signataires de la résolution synonyme de courses effrénées dans les magasins le jeudi soir ?
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le consensus espéré à travers cette résolution n'aura pas eu lieu et nous ne la voterons pas !
RAPPORT DE LA DEUXIÈME MINORITÉ
Les motionnaires avaient été dûment avertis par le conseiller d'Etat M. Jean-Philippe Maitre, qui d'entrée de cause, et de manière fort courtoise, exprima sa perplexité face à leur texte-fleuve. Cette motion, de par son caractère général, avait même quelques similitudes avec des textes «de la gauche». Ce qui se voulait peut-être une critique est resté sans effet. Et c'est ainsi que pas moins de 4 membres du Conseil d'Etat ont dû être auditionnés, seuls MM. Segond, Haeggi et Joye ayant été épargnés. Même les motionnaires se sont «auto-épuisés» puisqu'ils ont été contraints de se relayer au long de ces 9 séances. Voilà l'atmosphère dans laquelle la motion «Les libéraux parlent aux libéraux» a été examinée !
Le groupe socialiste vous présente les invites telles qu'elles figurent dans la motion 919 et les amendements qu'il a proposés au cours des débats dans la commission de l'économie.
Sur les plans économique, administratif et fiscal, buts généraux (1re invite)
Cette proposition a été rejetée par le groupe socialiste vu son caractère général, nous lui avons opposé un amendement qui sera développé dans le cadre de la 5e invite
En matière de politique fiscale (2e invite)
Les motionnaires ont un but: éviter qu'un nombre trop important de «bons contribuables» - soit les revenus annuels supérieurs à 80 000 F - migrent dans le canton de Vaud, où le taux d'imposition est plus bas dès ce montant. Environ 15 000 contribuables sont concernés. Le moyen proposé pour garder les personnes actives sur le territoire du canton est évidemment de baisser leur taux d'imposition. A nos yeux, la politique fiscale vaudoise plus favorable n'est pas la seule raison de cet exode. La question du logement, et plus particulièrement le prix du terrain à Genève, compte certainement dans le budget de ces contribuables.
D'autres éléments nous ont amenés à rejeter cette 2e invite. D'une part, une modification de la loi générale sur les contributions publiques a été approuvée par l'ensemble du Grand Conseil en septembre 1994. Ainsi, le souci des motionnaires libéraux, qui ne détiennent pas la primeur en la matière d'ailleurs, de trouver de nouvelles ressources au budget de l'Etat devrait être écarté. En effet, cette mini-réforme a permis de modifier, en le modernisant, le mode de calcul de l'impôt qui se base maintenant sur une progression du taux d'imposition calculé pour chaque franc supplémentaire. Cette modification du système, bien que modeste dans ces résultats, répond à des critères égalitaires puisque basé sur un taux progressif. D'autre part, si des ressources nouvelles doivent être trouvées, il faut les chercher. Or de toute évidence, elles ne sont pas du côté de ces migrants vers le canton de Vaud. En 1991, la moitié la plus riche des contribuables dispose de 82% du revenu imposable total, alors que la moitié la plus défavorisée n'en a que le 18%. Toujours en 1991, 181 ménages déclaraient un revenu supérieur à 1 million de francs de revenu imposable. En 1993, Genève comptait 216 millionnaires, soit 19% de plus en 2 ans. Le même phénomène a été rapporté en ce qui concerne la fortune. C'est en regard de cette analyse-là que l'on peut réellement mesurer la volonté politique de vouloir trouver de nouvelles ressources pour pallier le déficit budgétaire de l'Etat. Notre choix est fait. Il nous semble difficilement soutenable de vouloir alléger la charge fiscale des hauts revenus alors que ceux-ci sont plus nombreux d'année en année et que l'écart se creuse entre bas et hauts revenus.
Le «désastre» annoncé par une hypothétique augmentation du nombre des contribuables migrant vers le canton de Vaud s'est révélé être infondé, digne d'une déclaration de Nostradamus; les motionnaires, rappelés à l'ordre, se sont rabattus sur une version «soft» bien édulcorée... et fort peu contraignante en matière de recherche de nouvelles ressources.
Le groupe socialiste estime que de nouvelles ressources sur le plan fiscal se créent par la création de nouveaux emplois et de lutter ainsi contre le chômage. Les propositions mentionnées dans l'initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» de la Communauté genevoise d'action syndicale et du SIT portent, notamment, sur une réforme de la fiscalité envers les entreprises - car pourvoyeuses d'emplois - ainsi que sur des mesures visant à limiter le chômage qui ne peut pas être uniquement abordé sur le plan du traitement social. Nous avons donc proposé l'amendement suivant: à prendre des mesures pour favoriser l'emploi et lutter contre le chômage.
Cet amendement a été refusé.
Sur le plan de la formation (3e invite)
Les débats ont repris de plus belle à propos de la formation. Celle-ci doit-elle être en phase - c'est-à-dire répondant au plus près aux besoins de l'économie - ou doit-elle donner à l'individu les moyens nécessaires pour un épanouissement tant professionnel que personnel? Pour le groupe socialiste, la formation de base dispensée doit assurer une solide culture générale permettant d'accéder à une formation professionnelle débouchant sur un emploi. La formation professionnelle doit pouvoir aussi répondre à des changements d'activités. Les travailleuses et travailleurs de demain seront amenés à changer de profession, soit par obligation, soit par choix personnel. La formation professionnelle peut aussi se construire sur des bases communes permettant ainsi des réorientations qui seront inévitables ou indispensables ces prochaines décennies. Ces réorientations seront décidées d'abord par les individus qui aspirent plus certainement à une prise d'emploi qu'à un passage obligé par le chômage. Les buts d'une formation professionnelle sont liés à la nécessité de trouver un emploi. Pourquoi ouvrir une multitude de classes d'apprenties alors que le secteur d'activités est visiblement, et pour longtemps, en régression? La formation professionnelle sera revalorisée quand les jeunes sauront que, dans tel ou tel secteur d'activités, s'offrent des possibilités d'emploi accompagnées de conditions de travail respectables. Elle le sera aussi quand les chef-fes d'entreprises mettront davantage de places d'apprentissage à disposition des jeunes candidat-e-s.
Certains secteurs d'activités méritent d'être réhabilités car ils sont créateurs d'emplois et offrent des possibilités de perfectionnement professionnel. Ils souffrent encore du poids de l'histoire jalonnée par des périodes de crises. Favoriser l'accès à des formations professionnelles est de la compétence cantonale. Ainsi, l'allusion faite en commission de former davantage d'horlogers - mais surtout d'horlogères - met en évidence une nécessité. Le canton peut, en application de l'article 41 de la loi fédérale sur la formation professionnelle, favoriser l'accès à cette formation professionnelle. Des jeunes et moins jeunes - non qualifié-e-s - auront accès à une formation professionnelle et à un emploi. Il suffit de décider que davantage de classes soient ouvertes pour cette formation. A l'inverse, certaines formations professionnelles débouchent sur le chômage bien que les lauréat-e-s- aient obtenu un CFC. Il est donc nécessaire que des filières professionnelles peu connues - donc peu utilisées - soient mises en valeur par une implication plus importante des entreprises. Une politique plus incitative des services de l'orientation et de la formation professionnelles envers les milieux professionnels serait justifiée.
L'ensemble des groupes a accepté l'amendement du groupe socialiste dont le texte figure à l'invite No 4 de la résolution.
Sur le plan du soutien de la Confédération au développement des activités internationales à Genève ( 4e invite )
Bien que favorable au contenu de cette 4e invite, le groupe socialiste a proposé l'ajout «dans le respect des législations existantes»; cette précision permettait d'éviter des interprétations fantaisistes et contraires à l'aménagement du territoire et aux plans d'utilisation du sol. Cette précision n'a pas rencontré l'approbation des commissaires de l'Entente. Nous ne nous demandons pas pourquoi ! Le point 6 de la résolution n'a donc pas rencontré notre agrément.
Sur le plan du commerce international que Genève souhaite développer (5e invite)
La question du renforcement du lien de Genève avec le commerce international doit se régler d'abord par le renforcement - donc par l'adhésion - de la Suisse à l'Union européenne. Au vu des prises de position des différents partis politiques ( sauf l'Alliance de gauche ) sur l'initiative «Oui à l'Europe», nous avons donc estimé nécessaire de réaffirmer ici notre volonté d'intégration, volonté d'ailleurs à nouveau exprimée par la résolution 287 approuvée par le Grand Conseil en mai dernier. Nous avons proposé l'amendement suivant qui a été rejeté: «à poursuivre auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne toutes les démarches en vue d'un rapprochement avec l'Union européenne».
Les vives critiques sur le caractère trop global - expression polie pour éviter le terme «bateau» - ont amené les motionnaires à reformuler la 5e invite et à la scinder en 2 volets. Ainsi, le groupe socialiste a voté la formulation figurant au point 7 de la résolution.
La deuxième partie de la 5e invite, reformulée par 1 amendement libéral, a semé une grande confusion. En effet, la reprise du contenu d'une motion socialiste rejetée en une demi-séance par la même commission de l'économie quelques semaines plus tôt a fait renaître un sentiment désagréable dans le groupe socialiste. Tout laisse à croire que les partis de l'Entente ne peuvent admettre que le groupe socialiste fasse des propositions intéressantes en matière de développement économique et qu'ils rejettent par principe nos propositions. Ce blocage tactique met en évidence la faiblesse de la réflexion de ceux qui veulent que «Genève gagne». De toute évidence, les questions posées par le groupe socialiste tout au long des débats ont porté. Nous étions perplexes sur la volonté clairement exprimée par les commissaires de l'Entente de vouloir développer encore le secteur tertiaire, sachant qu'il occupe déjà le 80% des secteurs d'activités à Genève. Nous avons rappelé que nous soutenons, comme les motionnaires, le maintien du secteur tertiaire mais que celui-ci n'est pas à l'abri de restructurations entraînant de nombreux licenciements. La raison du dépôt de cet amendement est probablement liée à des motifs tactiques qu'il convient de dénoncer. Le groupe socialiste a fait preuve de cohérence et a voté l'amendement libéral, estimant, d'une part, que les propositions faites dans la motion 936 avaient été reprises et que, d'autre part, le parlement avait le devoir de doter le canton d'instruments utiles au développement plutôt que de mauvaises tactiques politiciennes.
La comparaison des invites de la motion 936 et de l'amendement libéral figurent en annexe sous forme de tableaux extrêmement explicites!
Sur le plan des démarches administratives facilitées (6e invite)
Le groupe socialiste a refusé ce semblant de projet de développement des activités économiques du canton qui est, en fait, un autre exemple de redéploiement du secteur tertiaire à l'aide de procédures accélérées.
La relance des activités économiques du canton passe par un plan de développement avant une déréglementation à tout va.
Sur plan de la circulation dans le centre-ville (7e invite)
Nous avons soutenu la mise en place et l'application de Circulation 2000, le développement de lieux de parcage d'échange dans les zones frontalières et l'extension du réseau des transports publics. Nous persistons à affirmer que le respect des rues marchandes appartient à la police et leur animation aux commerçants. Il est en effet de leur responsabilité de rendre ces rues attrayantes afin que Genevoises et Genevois aiment à y flâner et à y acheter. Un nombre croissant de lieux de parcage d'échange conjugué à des transports publics rapides séduiront les frontaliers et frontalières. Un effort soutenu pour renforcer les lignes déjà existantes de transports publics ainsi que le développement de nouveaux réseaux - par tram, bus et/ou métro léger - remplaceront pour nous tous les ponts et tunnels. Ceux-ci ne répondent pas à un besoin vital des habitant-e-s du canton.
Si la mise en place de Circulation 2000 est faite, bien que nécessitant des mesures pour la faire respecter, la priorité actuelle doit porter sur l'accessibilité de la population aux transports publics, notamment par des prix incitatifs
Nous avons proposé l'amendement: à poursuivre les efforts pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité des modes de transports. Celui-ci a été rejeté.
Sur le plan de la politique de stationnement dans le centre-ville(8e invite)
L'étude menée par l'office des transports et de la circulation (DJPE) et du service d'urbanisme de la Ville de Genève réalisée en 1990 sur le stationnement dans le centre de l'agglomération genevoise a mis en évidence quelques conclusions intéressantes. Ainsi, la politique de stationnement doit viser d'abord les 20 % de pendulaires utilisant des places de stationnement de courte durée essentielles pour le développement des activités économiques. L'offre de stationnement au lieu de travail, le développement des voitures de service (tant dans les administrations que dans le secteur privé), l'incitation ferme à l'usage des transports publics lors d'activités professionnelles au centre-ville étaient des mesures proposées dans cette enquête. Le comportement humain se modifie quand les règles de vie sont claires; l'homo genevensis modifiera le sien quand le sport consistant à stationner illicitement au détriment d'un usage collectif de mode de transport se verra systématiquement lourdement pénalisé.
Cette invite a été examinée au lendemain de l'acceptation par le peuple du maintien de la salle de l'Alhambra, ce résultat rendant la construction d'un nouveau lieu de parcage dans le centre-ville aussi impopulaire qu'inadaptée. Les fables de La fontaine et les votations ont un point commun: leur morale. Les motionnaires n'ont pas retenu la morale de la votation puisqu'ils ont persisté dans leur invite, nous amenant à déposer l'amendement suivant: à développer les zones piétonnes dans le centre-ville.
Cet amendement a été rejeté par les commissaires de l'Entente lors du vote sur la motion mais repris dans la 11e invite de la résolution!
Sur le plan salubrité, sécurité et propreté du centre-ville (9e invite)
Les précieux renseignements recueillis lors des auditions ont mis en évidence l'absence de zones sensibles au centre-ville, le nombre stationnaire de toxicomanes et la diminution du nombre de cambriolages. Si le sentiment d'insécurité est présent dans la population, il reste difficilement définissable. L'inexistence du problème posé et, par voie de conséquence, des mesures proposées nous ont amenés à rejeter cette invite.
En conclusion, la commission de l'économie a consacré autant de séances à l'examen de la motion-fleuve libérale que de ses invites. La morale majoritaire des commissaires de l'Entente - friands des fables de La Fontaine - rappelle celle de la grenouille s'obstinant à vouloir être aussi grosse que le boeuf. Aussi, les partis de l'Entente ont déposé une résolution comprenant 12 points réconfortant la politique du Conseil d'Etat par des invitations telles que «continuez» ou «poursuivez».
Le groupe socialiste, malgré l'acceptation des amendements portant sur:
- la formation;
- le soutien à la création de zones piétonnes - conjugué à la construction de parkings;
- la récupération du contenu de la motion 936,
a rejeté cette résolution.
ANNEXE
Comparaisons des propositions figurant dans les motions 936 et l'amendement libéral
Rejetée en une demi-séance
Accepté en quelques minutes
Motion 936de M. Calmy-Rey etP.-A Champod
Pour une politique économiqueactive
- réaliser une étudeprospective sur la structureet l'avenir des secteurs économiques genevois ainsique sur les conditions de leur maintien et de leur développement;
- d'étudier la création d'une garantie cantonale contre les risques à l'innovation;
- définir des mesures en faveur de l'investissement industriel;
- voir position du groupe socialiste dans lesMémoriaux depuis des décennies !
- mettre sur pied un Conseil cantonal de la productivité et de l'innovation dans le cadredu Conseil économique et social.
Amendement à la motion 919de N. Brunschwig
à poursuivre et accélérer une politique économique active
- favoriser l'innovation, la recherche du capital-risque, la commercialisation et l'exportation;
- favoriser l'investissement dans la production industrielle, la reconversion industrielle et des services;
- favoriser l'introduction des nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME;
- invite de la motion 936 non reprise par le parti libéral.
Débat
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Etant donné l'heure tardive, je vais essayer d'être bref.
J'aimerais faire deux commentaires.
Mme Chalut admet - elle le dit clairement dans son rapport - qu'elle n'a pas de recette miracle dans sa musette. Je lui ferai une confidence : la majorité de ce parlement n'en dispose pas non plus ! Mais cette majorité dispose, elle, de ce qui fait - il faut bien l'admettre désormais - défaut à l'opposition, à savoir un système de référence qui, contrairement aux modèles marxistes qui ont implosé et aux modèles de l'Etat providence qui suffoquent un peu partout, a fait ses preuves depuis des siècles.
C'est sur la solidité et la qualité de ce système et sur le bien-être qu'il a permis d'acquérir, à Genève et à ses citoyens, que nous fondons nos convictions et notre conception du rôle de l'individu dans la collectivité, de ses responsabilités, de ses devoirs et de ses droits. Ce sont ces convictions qui, sur ces bases, nous poussent à entreprendre, à poursuivre, à renforcer l'indispensable action réformatrice qui permettra à Genève de s'adapter aux conditions et aux exigences nouvelles de son environnement, donc, en dernière analyse, de fournir les emplois dont les Genevois ont besoin.
Ma deuxième remarque concerne les finances publiques. Les radicaux ont tenu à ce que figure dans cette résolution une invite qui concerne les finances publiques. Pourquoi ? Eh bien, parce que, à notre avis, rétablir des finances équilibrées est une opération bien plus symbolique que ce qui pourrait paraître. Des finances publiques saines sont, en effet, le reflet d'une société saine, dans laquelle les rôles se répartissent de manière équilibrée entre un Etat social, des individus responsables et des entreprises pourvoyeuses d'emplois.
La société que nous avons créée entre 1950 et 1990 - il faut l'admettre - est malade ! Erich Fromm aurait dit, elle est "aliénée" ! Et l'état de nos finances publiques n'est rien d'autre que le révélateur de cette maladie sociale et de cette aliénation - si j'ose dire - des individus. Ce qui est fondamentalement bon dans le rétablissement des finances publiques, n'est pas la qualité esthétique de deux comptes qui balancent, mais que ce rétablissement passe obligatoirement par la reconstruction d'une structure sociale plus conforme à l'essence des individus. Quand une société ne demande plus rien, en effet, à ses citoyens, ceux-ci ne se demandent plus rien à eux-mêmes, et c'est alors que naît l'angoisse !
Voilà la raison fondamentale de mon attachement au respect absolu du plan financier quadriennal.
Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de première minorité ad interim. Je voudrais faire quelques remarques au sujet de ce rapport.
Avec la résolution 294, soit l'ex-motion 919, les libéraux souhaitaient sans doute frapper un grand coup et pourquoi pas un grand coup médiatique, si l'on se réfère aux débats suscités par cette motion ici même, avant qu'elle n'échoue sur la table des commissionnaires ! Mais le "bébé" n'a pas été gâté ! En effet, ses géniteurs ne l'ont que mollement défendu en commission, et c'est avec empressement qu'ils ont accepté la proposition de M. Jean-Philippe Maitre de la transformer en résolution.
Ce qui devait constituer, dans l'esprit des motionnaires, une révolution industrielle s'est terminé en "eau de boudin" ! L'Alliance de gauche, dans son rapport de minorité, que vous aurez - je n'en doute pas une seconde - lu avec grand intérêt, a aussi tenu à répondre aux arguments développés dans l'exposé des motifs de la résolution. Je n'y reviendrai donc pas.
En effet, depuis la rédaction de ce rapport, les faits et les constats que nous y avons développés ont gardé toute leur actualité. En revanche, je me suis livrée, depuis, à une intéressante revue de presse. En effet, notre collègue, M. Kunz, écrit beaucoup et probablement avec grand plaisir - ce qui est tout à son honneur, d'ailleurs.
Dans une revue, luxueuse, publiée par la Société privée de gérance, M. Kunz nous livre un récit de fiction sous le titre de "Scénario pour Genève : 15 février 2015". Ce qu'il nous révèle n'est pas vraiment "folichon", mais sachez tout de même qu'en 2015 les Genevois auront depuis longtemps accepté et fait construire - dans l'enthousiasme général, bien sûr - la traversée "sous" la rade !
De nombreuses prestations publiques seront, nous dit-il, «réaménagées, fortement diminuées, voire purement et simplement supprimées». Et cela ne nous étonnera guère, puisque M. Kunz nous informe que «la société à deux vitesses - que les milieux de la gauche helvétique, soit par démagogie soit par aveuglement, prétendaient ne jamais accepter - existe bel et bien aujourd'hui». En effet, elle n'avait pas besoin d'attendre jusque-là. Et voilà le travail ! Merci pour votre franchise, au moins, avec vous, on sait où l'on va !
En plus, il faut savoir qu'en 2014 on ne comptera plus que «seize mille vingt-quatre emplois dans la fonction publique, contre vingt-cinq mille trente en 1993». Cela aura, dit-il, «des effets considérables sur le volume des prestations et sur l'affectation de celles-ci». Ah, bon !
Plus loin, il évoque que «le tiers de ce qui était alors l'hôpital cantonal a été réaffecté à d'autres activités principalement universitaires». Lesquelles ? Mystère ! «Quant aux services hospitaliers non médicaux, ils ont intégralement été privatisés», etc. On pourrait encore continuer : pensez donc les rêves de l'Entente se réalisent enfin, sous la plume de M. Pierre Kunz ! Tous les parkings, les privatisations, la société à deux vitesses, la Genève qui sera tertiaire ou moins riche, tout cela sera réalisé le 15 février 2015, selon la volonté du prince !
Dans la «Tribune de Genève», du 20 février 1995, la chronique de M. Claude Monnier, dont M. Kunz fait par ailleurs une description dithyrambique, le qualifiant dans son récit, sans l'ombre d'une hésitation, comme étant «le plus talentueux éditorialiste genevois de la fin du XXe siècle» - rien que cela ! - parle du retour de l'esclavage. Cela n'est pas une fiction. Voici, en substance, ce que dit ce journaliste : «J'ai discuté l'autre jour avec un professionnel de bon niveau, employé dans une très grande entreprise suisse, qui m'expliquait - sans d'ailleurs s'en plaindre - qu'il travaillait à la demande, au total, toutes prestations mises bout à bout, quelque chose comme deux cents jours par an. Le reste du temps, eh bien, il peut faire ce qu'il veut : se reposer, voyager s'il en a les moyens, étudier, réfléchir, réflexion souvent interrompue, d'ailleurs, car les trous - c'est bien connu - se creusent quand ça veux, où ça veut et sans crier gare ! Dans l'entreprise en question, ils sont des dizaines à connaître ce statut».
Vous en conviendrez, le tableau de l'avenir est nettement moins idyllique que vous ne le pensiez ! Poursuivons : dans une publication de la Banque cantonale genevoise. Les banques disent - on n'est jamais si bien servi que par soi-même ! - que : «la vitesse est aujourd'hui un aspect essentiel de la survie d'une entreprise». En effet, à force de vouloir toujours aller plus vite que son voisin, on ne voit évidemment plus le monde que l'on a écrasé sur son passage !
Je pourrai aussi vous renvoyer à un excellent article paru dans «Le Courrier», qui observe que : «...en Suisse aussi le fossé entre riches et pauvres se creuse dangereusement».
Enfin, pour terminer ce tour de presse, je ne résiste pas à l'envie de vous citer «Le Carougeois», la bible locale du parti radical carougeois, qui tend sa plume pour permettre à M. Jacques Perroux, qui s'était pourtant réjoui de la chute du mur de Berlin et du communisme, de s'exprimer.
Voici ce qu'il dit : «Or, depuis que cette menace a disparu - la chute du communisme - certains capitaines d'industrie s'en donnent à coeur joie. Redevenu leur seul credo, le profit justifie tous leurs abus. Ils restructurent - comme ils disent pudiquement - c'est-à-dire qu'ils débauchent, mais tout en maintenant la même quantité de production. Résultat : leurs employés sont contraints de travailler davantage pour un salaire, parfois, diminué. Trop heureux d'avoir conservé leur place, ils sont prêts à n'importe quelle concession. Bien entendu, c'est tout profit pour les grands chefs, lesquels, après avoir dégraissé l'entreprise, peuvent s'engraisser eux-mêmes !
»Quant aux chômeurs, ils sont confiés à la charge de l'Etat, un Etat que ces exploiteurs ne cessent d'attaquer en s'en prenant à la fonction publique. Sous leur pression, on la dégraisse également, si bien que les services fonctionnent à la limite et que les citoyens en font déjà les frais».
«Permettez-moi maintenant de risquer une prophétie : si ces abus continuent, si ces néolibéraux ne mettent pas un frein à leur boulimie, les exploités finiront par se révolter. Ils créeront alors un mouvement totalitariste - qu'ils appelleront peut-être "néocommunisme" - et rebâtiront un mur. Et tout recommencera !» Ce n'est pas moi qui le dit, c'est un citoyen dont le nom est Jacques Perroux ! (Manifestation.) Patientez, j'arrive au bout ! (Remarques.) Oh, mais si voulez, je peux encore prolonger ! Je n'en avais pas l'intention, mais si vous continuez, je serais tentée de le faire !
La présidente. Madame Claire Chalut, vous êtes tout de même soumise à la limite de temps de dix minutes. Vous pouvez reprendre la parole le nombre de fois que vous le voulez, mais...
Mme Claire Chalut, rapporteuse de première minorité. Oui, comme je suis souvent interrompue, je me réserve le droit de reprendre la parole !
Voilà, en quelques mots, les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas être d'accord avec le système économique, tel qu'il s'impose aujourd'hui au monde, ni avec une société qui consiste à privilégier la vitesse, le mensonge, le monétarisme, au mépris de l'humanisme, de la paix et du respect de l'environnement.
Vous avez dit, Monsieur Kunz, dans votre fiction, qu'il faut laisser le temps au temps. Cela tombe bien, j'allais vous le proposer ! En effet, il serait temps que l'on se souvienne que c'est bien d'abord - à moins que l'on me prouve le contraire - les hommes et les femmes, dans leur grande majorité, qui produisent la richesse des entreprises, richesse dont on s'acharne à vouloir les exclure, pour des raisons de compétitivité et de profits exorbitants.
Voyez-vous, la question qui me préoccupe est de savoir si l'on veut s'acheminer vers une société de "sous-hommes" surexploités, contre lesquels on retourne les fusils à la moindre velléité de révolte, ou bien si la volonté politique est de se tourner vers une société dans laquelle on estime que l'humanité mérite mieux que ce qu'elle a aujourd'hui et qu'elle doit toujours être considérée au premier plan de nos stratégies économiques.
Je vous montre cette image, à titre d'exemple, assez révélatrice.
La présidente. Madame Claire Chalut, avez-vous terminé votre intervention ?
Mme Claire Chalut, rapporteuse de première minorité. Oui, j'ai terminé !
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse de deuxième minorité. J'apporterai simplement une petite précision, car une erreur de mise en page s'est glissée à la page 34.
En effet, les motionnaires n'ont pas présenté l'amendement demandant de : «réaliser des études prospectives sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois, ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement». Ils en auraient été bien incapables !
M. Max Schneider (Ve). Cette motion, transformée en résolution, est du "bouillon pour les morts", comme le soulignait un membre de l'Entente, il y a quelques minutes !
Il est évident que cela n'a aucune portée, puisque la plupart des sujets qui sont traités, notamment pour le rééquilibrage durable des finances du canton, font l'objet de résolutions, en suspens depuis de nombreuses années, auxquelles il n'a toujours pas été répondu. Les invites de cette résolution vont peut-être avoir le même destin que celles qui traînent depuis des années dans les tiroirs du Conseil d'Etat !
Penser globalement et agir localement : on ne retrouve plus trace des belles paroles de ceux qui prônent le mariage entre l'écologie et l'économie dans les invites qui sont sous nos yeux !
Mesdames et Messieurs les députés, la page 34 de ce rapport illustre le climat qui règne depuis des mois dans ce Grand Conseil, dès que l'on parle d'économie. Je suis intervenu une première fois sur ce sujet, lors d'une séance précédente, car je trouve tout de même assez triste que des propositions de même teneur soient balayées, lorsqu'elles sont présentées par les écologistes, par l'Alliance de gauche ou par les socialistes ! Il est tout de même singulier que les mêmes propositions soient acceptées lorsqu'ils les proposent, eux ! Nous nous trouvons donc confrontés à des débats tout à fait stériles, ce qui ne fait pas avancer les choses. Il est ainsi bien difficile de trouver un consensus.
En page 11, le rapporteur de majorité dit : «...ceux qui veulent continuer de croire qu'aujourd'hui il est possible de rassembler l'ensemble des forces du parlement genevois autour d'un projet socio-économique fort pour Genève». Pour ma part, je crois franchement que les milieux de l'Entente n'ont pas envie de rassembler. Ils veulent appliquer leur politique, développer leurs dogmes et procéder à des votes tactiques en commission de l'économie, comme en plénière, d'ailleurs. Je trouve cela complètement aberrant et bien dommage ! Ce n'est pas comme cela que l'on ira de l'avant.
Nous avons assisté, en commission, à un débat sur la glorification du libéralisme sauvage, et puis, parfois, nous nous sommes opposés à des dogmes sur l'économie planifiée. Nous avons passé ainsi huit séances à écouter, de temps en temps, les conseillers d'Etat qui nous ont donné de très intéressantes informations, mais, pour le reste, nous n'avons strictement rien fait ! C'est tout à fait regrettable ! Pour ce qui est de ce "rapport-torchon", les propositions traînent déjà dans les tiroirs du Conseil d'Etat sous forme de résolution, même si leur teneur est un peu plus "écolo" et qu'elles tiennent compte des coûts sociaux, notamment de la lutte contre l'exclusion !
Nous nous opposerons, évidemment, à la onzième invite demandant : «...à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville», qui est tout à fait inacceptable !
M. Pierre-Alain Champod (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il convient tout d'abord de s'interroger sur les objectifs poursuivis par cette motion, assez vite surnommée, motion : "les libéraux parlent aux libéraux" !
En effet, pourquoi la plus forte formation de l'Entente, celle qui impose ses vues à ses partenaires, et qui, de plus, compte trois conseillers d'Etat, a-t-elle décidé de rédiger ce texte ? En y réfléchissant, la seule explication plausible est que les libéraux ont rédigé cette motion, car ils ne sont pas satisfaits de la politique économique menée par le conseiller d'Etat, Jean-Philippe Maitre !
Mais fallait-il mobiliser le Grand Conseil, la commission de l'économie pendant plusieurs séances pour cela ? Je ne le pense pas ! Il me semble que s'ils avaient invité Jean-Philippe Maitre à un "intergroupe" on aurait évité tout ce travail.
Cela étant dit, venons-en au contenu de cette motion qui, finalement, s'est résumée à une simple résolution, certes, avec des invites assez longues. Effectivement, ce type de motion purement idéologique comporte toujours le risque que le débat en commission relève du débat style "café du commerce" ! Les propos de M. Kunz sur l'économie corroborent cette image. Il nous donne l'impression de puiser ses théories économiques dans une boutique de "prêt-à-penser" d'une grande surface de la périphérie genevoise ! (Rires.)
M. Bernard Lescaze. Quel humour !
M. Pierre-Alain Champod. Le débat théorique sur l'économie n'est pas forcément inintéressant - il peut même être très passionnant - mais je ne suis pas convaincu que c'est dans l'enceinte de ce Grand Conseil qu'il soit possible de le mener de la meilleure manière. Les problèmes théoriques et économiques sont importants. On sait que, dans les années 30, Keynes avait trouvé le moyen d'expliquer le mécanisme de la crise et de proposer des solutions. Il faudrait, aujourd'hui, qu'un théoricien de la trempe de Keynes nous explique les difficultés économiques dans lesquelles nous nous trouvons et nous propose de vraies solutions.
Pour en revenir au texte même de cette résolution, les socialistes ont proposé un amendement pour chaque invite. Deux seulement ont été partiellement acceptées, et vous n'en serez pas surpris. En effet, et si vous m'autorisez cette image, je dirai qu'on n'enfile pas facilement un pied gauche dans une chaussure de droite et réciproquement. Un des amendements acceptés concerne l'enseignement. Il est vrai que la teneur de l'invite originelle de la motion était très idéologique et bêtement polémique. Cet amendement ne comportait en tout cas pas les éléments d'un véritable projet, dans un domaine aussi important que celui de la formation.
L'autre amendement, qui a été partiellement accepté, figure à la page 34 du rapport de ma collègue, Mme Fabienne Blanc-Kühn, et, comme on a déjà eu l'occasion de le dire, c'était la reprise d'une motion qui avait été "shootée" en quelques minutes en commission, il y a quelque temps.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous ne pouvons pas accepter le texte final de cette résolution. Nous sommes fermement pour une économie au service de la population et non l'inverse ! Pour sortir de la crise, il faut faire preuve d'imagination et avoir le courage de sortir des sentiers battus; or, cette résolution réchauffe de vieilles recettes qui datent du siècle dernier !
Il faut trouver des solutions pour un développement durable, lutter contre le chômage en partageant le travail et les richesses et mener une politique active de développement économique, favorisant l'innovation dans tous les secteurs d'activité. Nous avons constaté, au début de cette soirée, que lorsque les syndicats de Genève font des propositions constructives en matière de politique économique et de lutte contre le chômage, vous ne les votez pas !
Pour conclure, nous dirons qu'il faut trouver autre chose que les propositions contenues dans cette motion, qui ne fait qu'une apologie simpliste du libéralisme. Qui peut aujourd'hui sérieusement penser qu'avec deux ou trois parkings en plus, et un cadeau fiscal aux plus riches, nous allons sortir de la crise ?
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Pendant de nombreuses années, nous avons été à l'abri des difficultés économiques et financières internationales. Nous avons traversé cette période sans réaliser notre chance, comme dans un rêve. Aujourd'hui, il nous faut nous réveiller rapidement devant l'urgence de la situation économique, inquiétante pour notre canton.
Cette résolution ambitieuse - nous vous l'accordons - a pour objectif de redonner à l'Etat un rôle propulsif. Il est certain que toutes ces invites tendent à redonner confiance aux investisseurs et à créer de nouveaux emplois.
Je prendrai pour exemple l'installation récente à Lausanne de Medtronics qui a trouvé, dans le canton de Vaud, les conditions-cadres optimales correspondant à la spécificité de sa production.
En effet, sa localisation près de l'EPFL et du CHUV a contribué à la décision de son implantation, et permettra ainsi la création, à moyen terme, de deux cents emplois. A cet instar, la cinquième invite, proposée par le groupe radical, insiste sur le développement des prestations médicales, sanitaires et technologiques de haute qualité. Cette résolution visant à concrétiser un grand nombre de conditions-cadres, propositions nouvelles ou réaffirmées, a pour ambition de créer une dynamique nouvelle pour l'économie genevoise. Elle démontrera ainsi que les élus que nous sommes se sont donné des défis fondamentaux pour une prospérité regagnée.
En acceptant cette résolution, vous ferez souffler un air frais et revitalisant sur notre économie genevoise !
M. Nicolas Brunschwig (L). Mesdames et Messieurs les députés, les discussions qui ont animé la commission de l'économie, au sujet de l'étude de cette motion, devenue par la suite résolution, ont été quelquefois intéressantes, parfois même sereines, et, si l'on se prenait à oublier ce que pourrait être le vote final, on pourrait imaginer, à un certain moment et en entendant les divers acteurs politiques, que l'homme peut comprendre l'homme et que, quelquefois, quand les circonstances le demandent, il est possible de se rapprocher au prix de certaines concessions.
L'objectif des motionnaires était de débattre de l'orientation politique de notre parlement, concernant l'emploi dans l'économie genevoise, et, sur la base d'invites clairement énoncées, d'aller, en quelque sorte, à la recherche du consensus le plus large possible. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, la valeur représentée par le travail et la capacité d'y accéder devraient être - je ne peux en douter - le souci unanime de ce parlement. Lorsqu'une telle valeur est en danger, nous devons, bien que nos approches politiques resteront divergentes entre partis de gauche et partis de droite, faire en sorte d'écarter ce danger.
Pour cela, nous pensons, nous, qu'un certain nombre de conditions doivent être réunies préalablement à toute autre démarche, pour permettre à quiconque, à quelque entreprise que ce soit, de respirer, de s'engager et, finalement, d'engager des collaborateurs. Comme l'a souligné M. Pierre Kunz, rapporteur de majorité, l'économie de marché ne constitue pas une fin en soi. Aujourd'hui, au rôle primordial de l'entreprise, soit celui de générer une richesse, s'est ajouté celui d'assumer et d'assurer la pérennité sociale. Ce n'est pas une mince affaire, et cette résolution vise à les y aider.
Mesdames et Messieurs les commissaires socialistes, lorsque vous avez présenté vos amendements, nous pouvions imaginer que tel était également votre souci. En examinant votre prise de position, invite par invite, nous constatons, entre autres, que vous êtes opposés à la compétitivité de Genève, au rééquilibrage des finances publiques, à faciliter la création de petites entreprises, au maintien de la sécurité et de la propreté. Et, pire encore, vous vous abstenez lorsque nous vous proposons de continuer à offrir des prestations médicales et sanitaires de haute qualité !
Mesdames et Messieurs les socialistes, il me semble que vous prenez des risques, en particulier celui de ne pas être compris par la population ! Que vous soyez attentifs à ce que les conditions-cadres ne génèrent pas d'abus : oui, nous pouvons vous comprendre et, oui, nous pouvons vous retrouver sur ce point ! Mais que, pour éviter les abus, vous renonciez à l'indispensable rénovation de nos structures : non, nous ne vous comprenons pas; non, le consensus n'est pas possible !
Vous restez au milieu du terrain entre l'idéologie de l'Alliance de gauche et la volonté d'agir des partis de l'Entente, et nous ne savons toujours pas, aujourd'hui, après ce débat, de quel côté vous pencheriez, si, par hypothèse et par malheur, la pression du chômage devait encore augmenter. Il n'est donc pas question, comme vous le prétendez, de sous-estimer vos propositions en matière d'économie, mais force est de constater que vos réticences et vos refus au moment de faire des choix nous laissent totalement perplexes.
Quant au rapport de première minorité, celui de Mme Claire Chalut, irais-je jusqu'à dire que je l'ai préféré à celui de Mme Blanc-Kühn qui tente, elle, de faire tourner le débat en dérision. A propos, Madame, je tiens à vous dire que je n'ai pas du tout compris votre tableau comparatif, mais, depuis lors, j'ai appris qu'une erreur de "couper/coller" s'était glissée, ce qui évidemment rend les choses assez difficilement lisibles. (Rires.)
Le rapport de première minorité a le mérite de jouer le jeu de la dialectique. Malheureusement, cette idéologie se traduit trop souvent par les contestations stériles dont vous martelez ce parlement. A force de palabrer, notre canton ratera son entrée dans le XXIe siècle, et, cela, nous ne le voulons pas !
Nous soutenons cette résolution, car elle nous donne l'occasion de réaffirmer à ce parlement et à nos concitoyens, sans ambiguïté, où nous voulons les conduire et de soutenir notre gouvernement dans l'action courageuse qu'il a entreprise. Celui-ci, appuyé par sa majorité parlementaire, doit permettre des progrès sensibles, capables de redonner l'espoir et l'envie de créer et de travailler. Les douze termes de cette résolution soulignent les axes déjà entrepris depuis deux ans et ne constituent pas un simple verbiage, comme le laissent supposer les rapports de minorité. Ils sont intelligibles et cohérents. Ils constituent ainsi un message clair que nos concitoyens peuvent comprendre et entendre.
Bien entendu, le groupe libéral soutiendra cette résolution.
M. Bernard Clerc (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, dans le rapport de majorité, nous pouvons lire que les motionnaires, tous membres du groupe libéral, désiraient, je cite : «...permettre un grand débat politique du législatif sur le visage qu'il entend donner à la Genève de demain». Voilà qui n'était pas pour nous déplaire, ce parlement s'enfermant parfois dans des débats qui ressortent davantage de la gestion que de l'orientation de fond.
Si le débat de préconsultation a permis d'exposer les thèses politiques des principaux groupes, il n'en a pas été de même en ce qui concerne les discussions en commission. La fameuse "main invisible" évoquée par les libéraux, dans leur exposé des motifs, s'est rapidement transformée en justification d'intérêts immédiats par trop évidente. Pour prendre un exemple, nous ne trouvons pas un mot sur la politique régionale ou transfrontalière, alors que, dans les débats sur ce thème, chacun se plaît à déclarer qu'il faut collaborer avec nos voisins français et vaudois; les invites de la motion tendent toutes vers un développement autocentré sur Genève : attirer dans notre canton tout ce qu'on peut : les foires, les salons, les organisations internationales, les contribuables fortunés et j'en passe.
La majorité ne s'est pas posé la question de savoir, Monsieur Maitre, si ce type de développement, largement soutenu depuis des décennies, n'est pas partiellement responsable de la fragilité de l'économie cantonale et des pertes d'emplois que nous connaissons !
Il est révélateur de constater que onze invites sur douze commencent par le verbe "poursuivre" ou "continuer". De même, la transformation de la motion en résolution, sur proposition de M. Jean-Philippe Maitre, qui n'a cessé de nous dire que tout ce qui est dans la motion se faisait déjà, ne vise pas autre chose qu'à conforter l'exécutif. Ce que vous faites est dans la droite ligne des principes libéraux : continuez ainsi !
On nous avait promis un changement de cap sur la base des prémisses néolibérales, on se retrouve avec le changement dans la continuité ! On avait cherché à nous faire croire, comme le dit le rapporteur de majorité, que la cause de tous nos malheurs résidait dans les compromis de ces trente dernières années, et l'on s'aperçoit, en fin de compte, que ces compromis se sont toujours effectués dans le cadre d'une économie guidée par les principes libéraux.
Indirectement, et sans le vouloir, le rapporteur de majorité fait l'autocritique des partis de l'Entente. Je cite : «La cause de ces handicaps doit être largement recherchée dans les excès législatifs et l'imprévoyance financière dont nous avons fait preuve au cours des trente années, placées sous le signe de la facilité et de l'illusion qui se sont achevées vers 1990».
En effet, qui était majoritaire au parlement pendant cette période ? L'Entente ! Qui était majoritaire au sein du Conseil d'Etat ? Encore l'Entente ! Nous prenons note, Monsieur le rapporteur de votre aveu : votre majorité a fait preuve d'imprévoyance financière et a développé à l'excès l'arsenal législatif !
M. Bernard Lescaze. Ah ça c'est fort ! Quel culot ! (Rires et remarques.)
M. Bernard Clerc. Quel est donc, en fin de compte, le but de cette résolution ? De notre point de vue, son objectif est d'unifier les partis de l'Entente sur les postulats libéraux. Mme Blanc-Kühn a appelé cette motion : "les libéraux parlent aux libéraux" ! C'est vrai, mais avec cette nuance que les premiers sont radicaux et démocrates-chrétiens ! L'espace au centre se rétrécit singulièrement.
Venons-en à quelques éléments des arguments développés dans le rapport de majorité. S'agissant des revenus dans le canton, il est dit que la part de ceux déclarés par les entreprises a fortement chuté de 1971 à 1991, alors que la part des revenus salariaux et de la propriété est restée stable. Pourquoi, Monsieur Kunz, vous êtes-vous arrêté à l'année 1991 ? Je vais vous le dire ! Parce que si vous aviez pris les données de 1994, basées sur les revenus de 1993, vous auriez constaté qu'entre 1993 et 1994 le revenu imposable des sociétés a connu une hausse de 27% et celui de leur capital de 20% ! Chacun sait, aujourd'hui, qu'une des causes du déficit public provient de la baisse des rentrées fiscales sur les personnes physiques, en raison notamment de la diminution des revenus salariaux, alors que le produit de l'impôt sur les personnes morales progresse.
Les prémisses libérales de la motion présupposent qu'une amélioration de la santé des entreprises va automatiquement engendrer la création d'emplois. Cette vision simpliste de la réalité économique est contredite par les faits. Non seulement il n'y a pas création d'emplois, mais suppression de nombre de ceux-ci, condition de l'amélioration des marges bénéficiaires des entreprises qui ont résisté à la crise !
Mais le rapport de majorité se veut soucieux des sans-emploi : il proclame qu'il faut les "réinsérer". D'un côté, on crée les conditions-cadres aggravant la compétitivité et, donc, l'expulsion des processus économiques de milliers de travailleurs et, de l'autre, on prétend viser la réinsertion. Curieuse logique ! Ne vaudrait-il pas mieux intervenir pour maintenir, autant que faire se peut, les emplois existants et éviter ainsi l'exclusion.
Au chapitre de ce que vous appelez le partage du travail, sous la forme de sa parcellisation, vous commettez, Monsieur Kunz, un oubli significatif : en haut de la page 17 de votre rapport, vous écrivez que : cette «...parcellisation, ne peut se traduire par des réductions correspondantes des rémunérations». Votre oubli est révélateur ! Vous vouliez dire : ne peut se traduire que par des réductions correspondantes des rémunérations. N'est-ce pas ? Exact !
Vos options néolibérales conduisent, effectivement, à des baisses de salaires, mais vous n'avez même pas le courage politique de l'écrire !
Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, je terminerai par une citation qui résume parfaitement l'orientation de cette résolution. Elle est tirée du livre de l'économiste René Passet, intitulé "Une économie de rêve", je cite : «Ecoutons les versets tyranniques de l'économisme triomphant, l'opulence par le libre jeu du marché, le plein emploi par la croissance, la vigueur du système par la compétition, la compétition par la productivité, la rentabilité pour critère unique et la richesse monétaire comme valeur suprême. Les résultats : le chômage et la décomposition sociale, la surexploitation de la planète, la marchandisation du corps humain, l'écrasement des faibles et le règne de la canaille. Tout cela, nous dit-on, parce que nous n'allons pas assez loin. Ce n'est pas le système qui est responsable, mais ses imperfections héritées du passé. Il faut les extirper».
Voilà parfaitement résumée, votre pensée politique ! Nous n'y souscrirons pas.
M. Pierre-François Unger (PDC). Vous l'aurez remarqué ce débat est gouleyant !
La motion 919 avait déjà - et ce soir le confirme - lors de sa présentation, donné lieu à un de ces sublimes débats idéologiques nourri des dogmes auxquels droite/droite et gauche/gauche restent attachés et qui possèdent deux points communs. Le premier est de dater d'un autre siècle et le deuxième de légitimer, s'il en était besoin, l'existence et la force des partis du centre.
Notons à la lecture de cette motion qu'il est heureux que les motions ne soient pas, elles, soumises à l'unité de matière. En revanche, elles invitent à un acte législatif, et il est dès lors heureux que la motion 919 ait été, sur la proposition d'un magistrat éclairé, transformée en résolution. Je vous rappelle la définition de la résolution, article 150 de notre règlement : «La résolution est une déclaration qui n'entraîne aucun effet législatif».
Cela étant dit, le groupe démocrate-chrétien partage, bien entendu, la plus grande partie de ces invites... (Aahhh de l'assemblée.) ...car, Monsieur Clerc, notre groupe est persuadé qu'une économie forte est nécessaire, non pas comme un but en soi mais comme un moyen et un outil du développement de l'équité sociale.
C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien pourra voter cette résolution qui aura permis un de ces grands débats stériles qui permettent de ne conclure à rien en ayant parlé de tout !
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai cherché en vain en lisant cette résolution une quelconque originalité ou un quelconque intérêt. Il paraît que je ne l'aurais pas lue suffisamment attentivement, pourtant, je m'y suis reprise à plusieurs fois. J'ai surtout relevé dans le texte les mots "poursuivre", "continuer", accélérer" dans le sens de ce qui se fait déjà maintenant, c'est-à-dire pas grand-chose !
Et on espère trouver un consensus autour de "ça" ! Mais plus personne aujourd'hui ne peut croire aux vertus du marché comme seul instrument de régulation de l'économie, à part le groupe libéral au Grand Conseil ! M. Kunz nous dit qu'il faut mettre les conditions-cadres et la compétitivité des entreprises au sein de notre réflexion. Jusque-là nous sommes d'accord. Le problème surgit au moment où M. Kunz et la majorité de la commission définissent les conditions-cadres. Dans leur esprit, elles répondent à des préoccupations de rentabilité immédiate, qui sont les leurs, je veux parler de déréglementation, de pressions sur les salaires et les conditions de travail, d'ouvertures nocturnes et j'en passe.
Et pourtant, Mesdames et Messieurs, la solidarité n'est pas un obstacle : c'est une des conditions-cadres de l'économie ! Vous avez donc tort d'opposer le salaire à l'emploi. Un franc versé en salaire n'est pas un franc perdu. Un franc versé en salaire est soit un franc consommé, c'est dire qu'il soutient l'économie, soit un franc épargné, il est alors générateur d'investissement. Dans ce sens, vous avez tort - je le répète - d'opposer ces deux éléments.
Une des raisons de la faiblesse de la conjoncture actuelle en Suisse est, précisément, la faiblesse de la demande intérieure. Pendant les bonnes années, jusqu'à très récemment, la demande intérieure augmentait, bon an mal an, de 2%. Et même pendant les années les plus difficiles, cette demande intérieure n'a jamais stagné. Or, au mois de septembre, nous arrivons à une croissance de la demande intérieure de 0,4% - un petit 0,4% ! - ce qui, compte tenu de l'augmentation de la population signifie une stagnation. Il est donc juste de revendiquer une revalorisation du pouvoir d'achat. Et ce n'est pas une "perle", Monsieur Kunz, comme vous vous permettez de le dire dans votre rapport. Il est juste de le faire, en particulier, pour les plus petits salaires, parce que vous n'avez sur ce point aucune évasion sur l'épargne, et que, donc, l'effet sur la demande est le plus fort et le plus direct.
Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse et Genève n'auront d'avenir qu'en étant compétitifs et ouverts. Cela signifie que nous n'aurons de chance que si nous investissons dans l'avenir, dans les communications, dans la formation, dans la recherche et le développement, dans l'innovation et les nouvelles technologies. Mais la Suisse et Genève ne peuvent sortir de la crise par le bas : elles ne peuvent en sortir que par le haut ! Nous ne serons jamais suffisamment compétitifs pour entrer en concurrence avec les salaires de l'Asie du Sud-Est.
Par conséquent, il faut viser le perfectionnement, l'innovation, la formation, la qualité, et tous vos beaux discours ne changeront rien à ces faits. C'est la raison pour laquelle votre résolution n'est qu'un fourre-tout sans intérêt !
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je vous avoue franchement que je n'ai pas tout compris des propos de Mme Calmy-Rey et M. Clerc... (Rires.) ...mais il est vrai que les longues veillées encrassent les cerveaux; j'imagine que ce n'est pas seulement le cas pour le mien !
Ce qui est sûr, c'est que des carrières entières se sont construites sur la volonté de ne pas reconnaître ses erreurs. Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vos milieux regorgent de ces exemples de telles carrières. Nous, au moins, nous reconnaissons que ce qui a été fait au cours de ces vingt, trente dernières années n'était pas parfait, et nous avons, plus que le désir, la volonté ardente de corriger ce qui n'a pas été fait correctement !
J'aimerais dire que le Conseil d'Etat s'est effectivement engagé dans la voie des réformes - à mon goût un peu lentement, mais reconnaissons ce qui est fait - que nous soutenons. Si vous vous étonnez de notre désir de le voir "poursuivre", "renforcer", "continuer", c'est que vous n'avez pas observé correctement ce qui est en train de se passer.
En conclusion, croire - ou faire croire, comme vous le faites - qu'il est possible de maintenir les emplois, les niveaux de rémunération et les mêmes taux d'efforts des individus, cela dans l'agriculture, dans le commerce, dans la fonction publique, dans l'industrie, la banque et l'assurance, et, simultanément, une zone agricole intouchable, une protection sociale inchangée, des prestations sanitaires et scolaires identiques - par exemple, refuser les taxes universitaires ou exiger une HES à Genève - l'âge de la retraite à son niveau actuel, eh bien cela, Mesdames et Messieurs les députés, c'est du conservatisme borné ! C'est le conservatisme de personnes qui n'ont pas compris le monde dans lequel nous vivons !
Croyez-moi, j'en suis le premier navré pour vous, parce que ce sont les gens que vous défendez qui souffriront de votre aveuglement, bien avant les gens qui font partie des millions... (Rires et exclamations.) ...des milieux dont je fais partie !
Une voix. C'est un aveu !
M. Pierre Kunz, rapporteur de majorité. Absolument, je l'admets !
R 294
La proposition de résolution est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant la priorité donnée à l'emploi par l'améliorationdes conditions-cadres offertes à l'économie genevoise
LE GRAND CONSEIL
invite le Conseil d'Etat
1. à poursuivre et à accélérer le travail entrepris pour renforcer la compétitivité de Genève sur les plans économique, administratif et fiscal;
2. à continuer de prendre les mesures requises pour le rééquilibrage durable des finances du canton et à mettre ensuite en oeuvre les moyens destinés à réduire la dette publique cantonale;
3. à poursuivre et à renforcer sa politique d'accueil afin de garder les personnes actives sur le territoire du canton pour des raisons économiques et fiscales;
4. à poursuivre ses efforts pour offrir à la jeunesse et à la population adulte le maximum de chance pour s'insérer dans la vie professionnelle, notamment par
a) une formation de base développant notamment les capacités d'autonomie et d'adaptation,
b) des formations professionnelles et universitaires permettant d'acquérir des connaissances professionnelles de haut niveau tout en favorisant le développement personnel,
c) de filière de perfectionnement professionnel permettant d'adapter les connaissances de base à l'évolution technologique;
5. de continuer à offrir des prestations médicales et sanitaires de haute qualité et spécificité dans les secteurs publics et privés;
6. à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève;
7. à poursuivre le travail entrepris pour stimuler les rencontres inter-nationales, les salons et les foires;
8. à poursuivre et à accélérer une politique économique active en prenant notamment les mesures pour:
a) favoriser l'innovation, la recherche du capital-risque, la commercialisation et l'exportation,
b) favoriser l'investissement dans la production industrielle et la reconversion industrielle et des services,
c) favoriser l'introduction des nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME,
d) réaliser des études prospectives sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement;
9. à poursuivre et à accélérer la révision des procédures administratives afin de faciliter la création de petits commerces, de petites entreprises de service et d'emplois de proximité;
10. à poursuivre les efforts entrepris pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité et du libre choix du mode de transport;
11. à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville ou à autoriser la construction de ces derniers par des privés afin de faciliter l'accès aux commerces et la création de zones piétonnes;
12. à veiller au maintien de la sécurité et de la propreté, spécialement dans les zones sensibles du centre-ville, afin de préserver la qualité de la vie à Genève.
M 919-A
M. Nicolas Brunschwig (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nous retirons la motion 919.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.
En date du 26 juin 1995, le Grand Conseil a adopté la motion 1008, invitant le Conseil d'Etat, à propos des artistes, danseurs ou danseuses de cabaret, à:
- fixer un nombre d'autorisations précises par cabaret;
- exiger que les danseuses soient engagées sur la base d'un contrat écrit;
- exiger comme condition d'attribution d'autorisation que les danseuses soient mises au bénéfice de conditions de travail et d'un salaire décents.
En substance, comme le signale l'exposé des motifs, le but de cette motion est d'instaurer un contrôle en ce qui concerne les autorisations données par les autorités cantonales et de s'assurer que les femmes concernées ne vivent pas dans des conditions insoutenables.
Pour sa part, le Conseil d'Etat entend signaler d'emblée que le problème soulevé par les motionnaires est déjà en bonne voie de résolution, dans la mesure où, par courrier du 6 juin 1995 adressé aux gouvernements cantonaux, les départements fédéraux de l'économie publique (DFEP) et de justice et police (DFJP) ont mis en oeuvre une procédure de consultation, concernant la révision partielle de l'ordonnance fédérale limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre 1986 (OLE). Or, parmi les points soumis à consultation, figure précisément une réglementation nouvelle sur les «artistes de cabaret», prévoyant spécifiquement:
- la fixation de nombres maximums d'autorisations de courte durée par établissement;
- le maintien de la durée du séjour de huit mois au total par année civile;
- des conditions très strictes d'octroi desdites autorisations.
A cette occasion, il nous semble opportun de citer les quelques dispositions nouvelles de l'OLE proposées pour les autorités fédérales compétentes, soit:
Article 9 - Conditions d'engagement, contrat de travail
Alinéa 5 (nouveau)
Des autorisations ne peuvent être accordées à des danseurs de cabaret (art. 20, 4e al.) que lorsque:
a. l'étranger est âgé de 20 ans au moins;
b. une activité d'au moins trois mois consécutifs en Suisse peut être prouvée;
c. le salaire net versé, après déduction des frais accessoires (logement, nourriture, transports, etc.) atteint un montant minimum fixé par l'autorité cantonale du travail.
Les départements fédéraux cités plus haut justifient cette disposition comme une réponse à la nécessité d'introduire dans la réglementation certaines dispositions aux fins de lutter contre les abus constatés dans le secteur des cabarets, dancings et autres établissements nocturnes en offrant ainsi aux personnes en provenance de l'étranger qui y sont occupées de meilleures garanties en matière de conditions de travail et de rémunération.
L'âge minimal pour obtenir une autorisation de séjour en qualité d'artiste de cabaret est fixé à 20 ans. Cette précaution supplémentaire se justifie en raison des conditions et de l'environnement particulier dans lequel ce genre d'activités nocturnes sont exercées, mais surtout du fait que les personnes recrutées sont, dans une très large majorité, originaires de pays lointains.
Par ailleurs, et dans le même esprit, il s'agira de prouver, avant son entrée en Suisse et contrats signés à l'appui, que l'étranger a la possibilité de travailler trois mois consécutifs dans notre pays, chez un ou plusieurs employeurs, dans un ou plusieurs cantons.
En troisième lieu, l'instance cantonale compétente devra déterminer, selon les normes en vigueur dans le canton, le salaire minimum net qui devra revenir au travailleur. Cette règle, dont le respect devra être assuré par des contrôles réguliers, doit permettre d'éviter que le travailleur ne soit contraint de subir des déductions injustifiées, voire abusives, qui le réduisent à percevoir un salaire bien inférieur à celui convenu ou qui devrait normalement lui revenir.
Article 20 - Nombres maximums dont disposent les cantons
Alinéa 4 (nouveau)
Les cantons fixent, selon les directives du Département fédéral de justice et police et du Département fédéral de l'économie publique, des nombres maximums pour les établissements qui engagent des danseurs de cabaret pour une courte période; ces nombres maximums doivent être approuvés par l'autorité fédérale compétente, conformément à l'article 50, lettre a.
Selon les départements susvisés, le nouvel alinéa 4 entend répondre à la nécessité d'adopter une formule de limitation quantitative pour les «artistes de cabaret», limitation qui s'impose du fait de l'augmentation considérable du nombre d'autorisations qui leur sont octroyées. Cette mesure paraît être une solution adéquate - dans un premier temps en tout cas - pour atteindre l'objectif poursuivi et peut donc être retenue pour l'ensemble de la Suisse.
D'entente avec la police cantonale des étrangers, l'office cantonal de l'emploi devra fixer pour chaque établissement le nombre maximal de personnes, mises au bénéfice de cette disposition, qui pourront y être occupées. Les ressortissants suisses, les étrangers au bénéfice d'une autorisation d'établissement et les titulaires d'une autorisation de séjour permettant l'exercice d'une activité à l'année ne devront par contre pas être comptés dans ces contingents.
Ce mode de contingentement par entreprise devra être opéré selon un principe restrictif, le but recherché étant de limiter, voire diminuer, le nombre des autorisations accordées jusqu'ici.
Les cantons disposeront à cette fin de directives fédérales édictées par les départements fédéraux de justice et police et de l'économie publique. Le contingent déterminé dans chaque cas devra par la suite être approuvé par l'OFIAMT qui l'examinera d'entente avec l'Office fédéral des étrangers. Une augmentation, ou un dépassement occasionnel, du contingent fixé ne sera possible, et donc autorisé, que si des raisons valables peuvent être apportées. La mise en oeuvre de cette réglementation requérant un certain temps, il est proposé de fixer au 1er mars 1996 le délai limite pour la fixation et l'approbation des contingents des établissements.
Alinéa 5 (nouveau)
Les cantons peuvent accorder des autorisations de séjour jusqu'à concurrence des nombres maximums fixés selon l'alinéa 4, pour une durée de huit mois au maximum par année civile, à des danseurs de cabaret, qui se produisent dans un spectacle; le séjour sans activité lucrative en Suisse est imputé à ce délai et ne peut s'élever qu'à un mois au maximum.
Article 26 - Renouvellement
Alinéa 5 (nouveau)
Lorsqu'une autorisation accordée à un danseur de cabaret pour un séjour de courte durée (art. 20, 5e al.) s'étend sur deux années civiles, la durée totale du séjour ne peut pas excéder huit mois au maximum; un séjour à l'étranger d'au moins deux mois doit ensuite être effectué.
Si un «artiste de cabaret» obtient une autorisation en vertu de l'article 20, alinéa 5, dont la durée porte sur deux années civiles, le séjour ne pourra pas dépasser, au total, les huit mois consécutifs. Le nouvel alinéa 5 fixe qu'après un tel séjour, l'étranger doit quitter la Suisse pour deux mois au minimum. Cette disposition est nécessaire pour éviter qu'une personne puisse travailler 16 mois sans interruption, ce qui correspond à l'esprit qui régit l'article 26.
Article 30 - Demandes de remplacement
Alinéa 3 (nouveau)
Les demandes de remplacement de danseurs de cabaret engagés pour un séjour de courte durée (art. 20, 5e al.) ne peuvent être admises que lorsqu'ils ont renoncé à l'avance à prendre leur emploi et que la demande de remplacement a été présentée avant la date prévue pour la prise d'emploi.
Les commentaires fédéraux précisent ici qu'une pratique assez large en matière de remplacements des étrangers engagés en qualité d'artistes de cabaret a conduit à de nombreux abus: licenciements, voire menaces de licenciement, après quelques jours seulement et souvent pour des motifs injustifiés qui correspondent à des situations de contrainte inacceptable. La nouvelle disposition entend donc assurer une meilleure protection aux travailleurs.
A l'avenir, les demandes de remplacement ne pourraient être acceptées que si l'étranger initialement prévu a renoncé à son engagement en Suisse et que si la demande de remplacement est déposée avant la date à laquelle il devait prendre son emploi.
Article 49 - Offices cantonaux de l'emploi (compétences)
Alinéa 1, lettre b (nouveau)
Les offices cantonaux de l'emploi sont compétents en matière de:
b. Fixation par établissement des nombres maximums pour les danseurs de cabaret, d'entente avec les autorités cantonales de police des étrangers (art. 20, 4e al.).
Article 50 - OFIAMT
Lettre a (nouvelle)
L'OFIAMT est compétent en matière de:
a. Approbation, d'entente avec l'Office fédéral des étrangers, des nombres maximums par établissement fixés par les cantons pour les danseurs de cabaret (art. 20, 4e al.).
En fait, ces nouvelles dispositions précisent la compétence des autorités au niveau cantonal et fédéral.
Sur le plan cantonal, ce sera l'office cantonal de l'emploi qui, d'entente avec la police cantonale des étrangers et éventuellement d'autres instances compétentes, devra fixer, selon les directives fédérales, le nombre maximum d'autorisations qui peuvent être accordées à chaque établissement.
Au niveau fédéral, il appartiendra à l'OFIAMT, agissant d'entente avec l'OFE, d'approuver les contingents fixés par les cantons pour chacun des établissements sis sur leur territoire. Ces deux offices sont en effet chargés de surveiller l'exécution de l'ordonnance (art. 56 OLE).
Comme on peut le constater, les nouvelles dispositions fédérales appelées à réglementer l'activité des danseurs de cabaret répondent aux préoccupations des auteurs de la motion déposée devant le Grand Conseil.
C'est d'ailleurs dans le même esprit que le Conseil d'Etat a, par courrier du 15 août 1995, clairement donné son appui aux propositions contenues à cet égard dans le projet de révision de l'OCE pour lequel une procédure de consultation avait été ouverte. Dès que les directives fédérales seront en notre possession, nous inviterons les services cantonaux compétents à mettre en place le dispositif d'application et de contrôle prévu par le droit fédéral nouveau; comme cela est souhaité, l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux danseurs de cabaret devrait avoir lieu le 1er mars 1996.
En conclusion, et nous fondant sur les remarques et explications qui précèdent, nous estimons que la révision en cours du droit fédéral régissant le séjour des étrangers en Suisse (OLE) - en particulier en ce qui concerne les danseuses de cabaret - constitue une réponse appropriée et satisfaisante aux préoccupations des auteurs de la présente motion.
Débat
M. Laurent Moutinot (S). Je vous demande de cesser nos travaux à ce point de l'ordre du jour pour deux raisons :
La première est que l'ordre du jour de notre prochaine séance n'est pas chargé, et, ainsi, nous aurons tout le loisir d'examiner les autres points. En effet, les délais pour les textes sont fixés à mardi et les rapporteurs n'ont pas fait grand-chose, eu égard aux séances du Grand Conseil de ces deux dernières semaines. Je le répète, nous ne serons pas surchargés en octobre.
La deuxième - plus importante - est que nous avons pris, tout à l'heure, la résolution de : «...remplir consciencieusement notre mandat»... (Rires.) ...qu'à partir d'une certaine heure je ne suis pas certain que nous soyons capables d'y parvenir, pas plus moi que vous !
La présidente. Que celles et ceux d'entre vous qui approuvent la proposition de cesser nos travaux veuillent bien lever la main !
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé. (Contestation.)
La présidente. Je suis navrée, il m'appartient encore de prendre certaines décisions !
Le sautier compte les suffrages.
Cette proposition est rejetée.
La présidente. Nous continuons donc nos travaux ! (Contestation.)
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Madame la présidente, ce n'est franchement pas sérieux ! Vous ne voulez pas nous faire travailler à une heure aussi tardive !
Une voix. Si !
Mme Micheline Calmy-Rey. Non, ce n'est pas sérieux de nous faire travailler à minuit moins le quart ! Mais quel genre de députés êtes-vous ?
La présidente. Madame Calmy-Rey, moi je n'ai qu'une possibilité ! Vous le savez, puisque vous avez occupé ce poste; c'est à l'assemblée du Grand Conseil de prendre cette décision; elle ne m'appartient pas !
Mme Micheline Calmy-Rey. Madame la présidente, vous avez la responsabilité de faire fonctionner ce Grand Conseil correctement !
La présidente. C'est justement pour cela que je vous ai posé la question ! (Brouhaha.)
La parole n'étant pas demandée, il est pris acte du rapport du Conseil d'Etat. (La présidente est interpellée par M. Grobet.) Ecoutez, Monsieur Grobet, vous avez levé la main pour demander la parole, ou non ?
M. Christian Grobet. Madame la présidente, nous étions en discussion !
La présidente. Non, nous n'étions pas en discussion ! Ce Grand Conseil s'est prononcé sur une proposition. Je regrette, je ne reviendrai pas dessus !
M. Christian Ferrazino (AdG). Madame la présidente, afin d'éviter que les débats ne prennent une tournure que personne ne souhaite dans ce parlement, et comme nous l'avons dit à plusieurs reprises à l'occasion d'autres débats : il n'y a que les sots qui ne changent pas d'avis ! Je pense donc que nous avons tous eu l'occasion de réfléchir : il ne serait pas sain pour le bon fonctionnement de notre parlement que nous en arrivions à des attitudes que tout le monde déplorerait.
Je vous demanderai, par une nouvelle motion d'ordre, que nous revotions pour cesser nos débats immédiatement. Il n'est, en effet, pas acceptable, Madame la présidente, après quatre séances de parlement en quinze jours, que vous nous demandiez d'avoir de telles discussions à minuit moins le quart.
Je peux vous dire que notre groupe - je crois que ceux d'à-côté sont du même avis - n'acceptera pas de débattre dans de telles conditions !
M. John Dupraz (R). Madame la présidente, je m'étonne !
Habituellement, M. Ferrazino fait appel aux règles de la démocratie, et il y a eu un vote : la majorité a demandé de poursuivre les débats. Nous devons donc les poursuivre, point à la ligne, que cela lui plaise ou non !
La présidente. Je compte bien procéder ainsi, Monsieur le député !
Une voix. Nous allons chahuter !
La présidente. Eh bien, vous chahuterez ! Je suspendrai la séance et nous la reprendrons plus tard ! (Contestation de M. Hausser.) Ecoutez, Monsieur Hausser, gardez vos réflexions pour vous !
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je constate que ce rapport donne un certain nombre d'indications sur des modifications législatives qui sont en cours. Ces explications ne me paraissent pas tout à fait complètes. Le Conseil d'Etat pourrait-il nous donner des explications complémentaires, pour nous préciser quand ces nouvelles dispositions fédérales entreront en vigueur, puisque vous faites, en définitive, dépendre le sort de cette motion à l'entrée en vigueur de ces dispositions fédérales ?
Je me réserve, Madame la présidente, si vous me le permettez, de reprendre la parole, une fois que le Conseil d'Etat m'aura répondu.
La présidente. Vous en avez parfaitement le droit, Monsieur le député !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, c'est fort simple : le Conseil d'Etat a répondu à une consultation ouverte par le Département fédéral de justice et police et le Département fédéral de l'économie publique sur la nouvelle ordonnance en matière de limitation de main-d'oeuvre étrangère. (M. Grobet discute en aparté.) Monsieur Grobet, si vous vouliez prendre la peine de m'écouter, vous auriez la réponse à la question que vous m'avez posée ! (Remarques.) Cette procédure de consultation est maintenant terminée et le Conseil fédéral, comme cela se fait chaque année, va sortir la nouvelle ordonnance. Cela se fera probablement dans le courant du mois d'octobre, puisque celle-ci doit régulièrement entrer en vigueur le 1er novembre de chaque année. Donc, à partir de cette date, les nouvelles dispositions entreront en vigueur. Nous espérons bien qu'elles prendront en considération les résultats de la procédure de consultation, dans le sens où nous nous sommes exprimés, et, dans ce cas, d'ici à la fin de l'année, les dispositions d'applications nécessaires sur le plan cantonal seront mises en vigueur.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je vais poser une question s'agissant du rapport du Conseil d'Etat. Il y est indiqué que, selon les directives de la Confédération, la durée de séjour doit être de huit mois, au total, par année civile. Pouvez-vous m'expliquer la différence entre ce statut et celui de saisonnier ?
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. J'ignorais que le Grand Conseil, surtout à une heure si tardive, devait se transformer en cours de formation permanente ! (Manifestation.)
Mais je vais volontiers vous donner la réponse. Le statut de saisonnier ne s'applique précisément pas aux danseuses de cabaret. Ces dernières ayant un statut d'artistes, elles peuvent aller et venir dans notre pays, à l'intérieur d'une sorte de délai-cadre, qui devrait être de huit mois, au maximum, par année.
Les saisonniers sont soumis à des conditions et à des restrictions beaucoup plus limitatives : interdiction de regroupement familial dans le cadre de professions dites saisonnières. (Brouhaha.) Mais, comme personne n'écoute, cela ne vaut même pas la peine que je termine l'explication ! Je m'arrête donc là !
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
13. Ordre du jour.
(La présidente annonce le point suivant, soit la résolution 284-A, et appelle les députés concernés à la table des rapporteurs.)
La présidente. Madame Calmy-Rey, si vous ne voulez pas vous rendre à la table des rapporteurs, je vous laisserai vous exprimer depuis votre place ! Je n'y vois aucun inconvénient !
Mme Micheline Calmy-Rey(S). Excusez-moi, mais vous voulez traiter ce point important de l'ordre du jour à une heure où tout le monde est fatigué !
Une voix. Eh bien, va te coucher ! (Rires.)
Mme Micheline Calmy-Rey. Vous avez tellement de choses à cacher que vous n'osez même pas aborder ce point à une heure décente ! (Remarques.)
La présidente. Madame Calmy-Rey, j'avais proposé au Bureau et aux chefs de groupe de fixer une heure pour ce débat. C'est à l'unanimité que l'on a estimé qu'il n'était pas judicieux de le faire !
M. Laurent Moutinot(S). Je suis navré, cela n'a pas été décidé à l'unanimité !
La présidente. Oui, il y a eu une ou deux abstentions, mais je n'ai pas été suivie dans ma proposition ! Je regrette ! J'ai suivi la procédure : j'ai proposé, comme ce fut le cas pour la traversée de la rade, de fixer une heure pour ce débat, et cette proposition n'a pas été suivie.
Il reste un point à l'ordre du jour et nous le terminerons que cela vous plaise ou non !
Une voix. Ça va prendre deux heures !
La présidente. Eh bien, cela durera deux heures, Madame ! Cela nous est déjà arrivé ! Moi, vous savez, j'ai tout mon temps. Nous aurons une motion d'ordre demandant de revoter, mais question de procédure je crois que cela suffit !
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes un parlement de milice, nous sommes des hommes et des femmes qui devons travailler professionnellement pour pouvoir assurer notre entretien. Nous avons tous des enfants, et nous devrons nous lever demain matin pour l'école. Je trouve parfaitement indécent que l'on nous oblige à débattre sur un sujet aussi important, à une heure aussi tardive ! Vous savez pertinemment que cette résolution va provoquer un long débat !
C'est indécent, inacceptable et cela démontre bien le respect que vous portez aux minorités, sur les bancs d'en face ! C'est scandaleux, triste et cela montre votre sens de la démocratie "à la bourgeoise" ! (Bravos et applaudissements.)
M. Pierre Vanek(AdG). Il n'y a rien à rajouter à ce qui vient d'être dit. Ce ne sont pas des conditions acceptables pour débattre. Vous avez indiqué que le Bureau et les chefs de groupe n'avaient pas voulu fixer d'heure pour ce débat. On peut en tout cas exclure une heure aussi tardive, pour débattre d'une telle résolution, vu le degré de controverse politique et le caractère sensible de son contenu. Il est minuit moins cinq ! A l'évidence il n'est pas possible de débattre d'un tel sujet maintenant.
Je propose donc à nouveau une motion d'ordre pour suspendre cette séance. Aucune raison impérative ne nous oblige à traiter cet objet ce soir, si ce n'est la volonté de certains d'escamoter ce débat, d'utiliser la pression de l'heure pour "liquider" cette affaire discrètement et en vitesse ! Nous n'avons pas l'intention de "marcher dans cette combine" !
La présidente. Monsieur Vanek, je n'ai pas d'autre possibilité que de faire voter ce Grand Conseil sur les propositions qui sont faites ! Alors, revotons !
Mme Erica Deuber-Pauli (AG). Madame la présidente, je demande l'appel nominal. (Appuyé.) (Rires.)
La présidente. Eh bien, nous procéderons, Madame, à l'appel nominal !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, de toute évidence, compte tenu du climat qui règne, vous n'arriverez pas à traiter cet objet ce soir ! (Applaudissements.) Il me semble plus sage de le faire à la prochaine séance.
La présidente. Vous voyez quelle est ma situation ? Moi, je ne peux que vous faire voter !
M. Bernard Annen(L). Je n'ai pas peur, Madame Calmy-Rey, de confronter les idées auxquelles vous avez fait allusion, à n'importe quel moment et devant n'importe qui !
C'est la raison pour laquelle, Madame, et pour la paix dans ce parlement, je propose à mon groupe de cesser nos travaux ce soir ! (Manifestation.)
M. Bernard Lescaze (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je constate que l'ordre de ces débats a été perturbé de tous les côtés. Je regrette que nous ne puissions pas traiter cet objet ce soir, alors que la plupart d'entre nous sommes restés pour cela ! (Huées.) Nous cédons à la contrainte, et je regrette que le Conseil d'Etat, par la voix du représentant du département de l'économie publique... (Brouhaha. La présidente fait sonner sa cloche.)
La présidente. Ecoutez, je vous ai laissé vous exprimer, alors, laissez M. Lescaze s'exprimer aussi !
M. Bernard Lescaze. Je regrette que le conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique ait cédé ! Les cris qui se font jour dans ce Grand Conseil montrent que ce débat, même la prochaine fois, n'aura pas lieu de manière sereine !
Pour ma part - je le dis, notamment en raison de l'attitude du chef du département - je n'assisterai pas à ce débat, la prochaine fois ! (Acclamations et bravos.)
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais remercier le député Lescaze d'être intervenu comme il l'a fait ! En effet, il démontre de manière pertinente qu'il doit aller se coucher d'urgence ! (Rires et applaudissements.)
La présidente. Je ne vous souhaite pas une bonne rentrée chez vous, Mesdames et Messieurs les députés ! (Rires et quolibets.)
La séance est levée à 0 h 5.