République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 36e séance
PL 7242-A
La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, présidée par Mme Fabienne Bugnon, s'est penchée sur le PL 7242 les 14 et 28 juin 1995. Elle a été assistée dans son travail par M. Yves Martin, secrétaire général du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales et par M. Robert Hensler, chancelier.
Introduction
Les membres de l'actuel bureau du Grand Conseil, comme tous leurs prédécesseurs, d'ailleurs, ont été frappés par la brièveté du délai accordé aux députés pour lire et assimiler les textes qui leur sont soumis à chaque session. Souvent, en effet, les parlementaires reçoivent les projets de loi, motions et rapports à l'ordre du jour moins d'une semaine avant la séance plénière. Ils doivent consacrer leur week-end et leurs loisirs à la lecture des différents textes, afin d'être au courant pour les caucus, qui ont lieu généralement en début de semaine, dans les divers groupes qui constituent le Grand Conseil genevois.
Ceci est évidemment une conséquence du parlementarisme de milice.
Les membres du bureau ont donc unanimement présenté ce projet de loi qui vise à allonger les délais de lecture, dans le but d'améliorer le confort des députés, et, par suite, leurs compétences et leur efficacité.
Discussion de la commission
A dire vrai, les auteurs du projet avaient espéré allonger encore plus les délais de lecture. Ils avaient proposé 13 jours. De même, ils proposaient le dépôt des textes à la Chancellerie 23 jours avant la séance. Mais des objections, d'ordre technique principalement, ont été soulevées en commission. L'administration, qui a la charge de gérer l'activité législative, doit en effet faire face à diverses difficultés pratiques.
Les délais d'impression, par exemple, sont actuellement de trois jours et paraissent incompressibles. Le délai de distribution postale, tributaire du volume de la correspondance, n'est pas de la compétence des instances cantonales.
Dans un autre domaine, il faut relever que tous les députés ne maîtrisent pas l'informatique, il s'en faut de beaucoup. Et même les initiés à l'ordinateur ne sont pas à l'abri d'erreurs, de « virus », de pannes ou de malentendus. Car tous les textes sont revus, parfois corrigés ou retapés avant de passer à l'imprimerie, ce qui mange encore du temps.
Il apparaît en outre que l'allongement trop important des délais poserait à l'administration de délicats problèmes de planification et de préparation du travail du législatif et de l'exécutif.
Certains commissaires ont vivement souhaité qu'une collaboration intense soit instaurée entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, notamment son bureau, afin de résoudre au mieux d'agaçants petits problèmes techniques ou administratifs qui alourdissent et compliquent la tâche des députés.
C'est d'ailleurs dans cette optique que le chancelier, M. Hensler, a annoncé son intention d'installer dans l'enceinte de l'Hôtel de Ville, au rez-de-chaussée, des sortes de boîtes aux lettres où chaque député pourrait retirer son courrier, en venant assister aux séances de commission, par exemple. On pourrait aussi y déposer des documents destinés à la Chancellerie, en dehors des heures d'ouverture des bureaux.
C'est un premier pas. Les députés souhaitent que soient prises d'autres décisions pratiques propres à leur faciliter la tâche.
Finalement, la commission, par 9 oui contre 3 non (L) et 1 abstention (Verts) vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, que tous les textes utiles à la discussion en plénière parviennent aux parlementaires 10 jours ouvrables avant la séance (article 8, alinéa 2).
L'article 8, alinéa 3, demeure tel qu'il est actuellement (le bureau doit être en possession des textes 16 jours avant la séance).
Elle propose également de fixer l'entrée en vigueur du nouvel article 8, alinéa 2, au 9 novembre 1995.
Premier débat
M. Jean-Luc Ducret (PDC). Il s'agit, par souci de cohérence, de modifier le délai prévu à l'article 8, alinéa 3, en le portant à vingt et un jours, c'est-à-dire cinq jours de plus que celui prévu actuellement. Pourquoi pas quatre jours ? Simplement parce qu'il s'agit de permettre à la chancellerie et, en particulier, au service du Grand Conseil, de bénéficier du week-end pour imprimer les textes.
Mme Evelyne Strubin (AdG). Il faut rappeler tout d'abord que ce projet de loi provient du Bureau du Grand Conseil qui a constaté, à l'instar de tous les groupes de ce parlement, le manque de temps mis à disposition des députés pour prendre connaissance des textes qu'ils doivent voter.
En effet, les textes leur parviennent le vendredi précédant les séances plénières. Passé le week-end, dès le lundi, voire le mardi pour certains, ils doivent être assimilés et analysés pour les caucus. Les deux ou trois jours restant sont superflus, car, une fois les décisions prises en caucus, les textes ne sont plus forcément lus.
Ce manque de temps révèle les difficultés d'un parlement de milice et la disparité entre les parlementaires professionnels et les autres. C'est pourquoi cette proposition du Bureau a beaucoup intéressé les membres de la commission des droits politiques.
Néanmoins, il est vite apparu que modifier les délais de dépôt des textes poserait des problèmes. En effet, il aurait fallu prévoir des exceptions pour le budget et les comptes, et entrevoir la possibilité de nombreuses demandes de dérogation pour clause d'urgence, ce qui aurait pu aboutir à d'inutiles chamailleries en cas de refus.
De plus, trop avancer les délais équivaudrait à ne plus suivre l'actualité et on arriverait à perdre d'un côté le temps de réflexion gagné de l'autre, ce qui est une mauvaise opération. MM. Hensler et Vodoz ont d'ailleurs relevé en commission que cela pourrait aller jusqu'à nous empêcher de siéger ou qu'il faudrait alors nous envoyer des polycopiés qui reviendraient cher, les délais d'impression et de livraison étant, comme le mentionne le rapport, incompressibles.
Devant ces éléments, la commission a jugé préférable de ne pas toucher au délai de dépôt et à renoncer aux treize jours proposés dans le projet de loi du Bureau. Cependant, considérant que les députés ne doivent pas seulement «trouver» le temps de lire les textes mais l'«avoir» et que la connaissance des sujets traités relève de l'équilibre des pouvoirs, nous avons jugé utile de procéder au basculement en amont des jours moins nécessaires pour nous après les caucus. Nous n'avons donc demandé que dix jours ouvrables avant les plénières, ce qui a été accepté par neuf voix pour, deux contre et deux abstentions.
Etant donné que M. Haegi a lui-même souligné «que ce projet de loi ne vise pas à autre chose que l'efficacité du Grand Conseil, qu'il n'y a pas d'opposition entre le législatif et l'exécutif, et qu'il est du rôle du Conseil d'Etat d'exécuter les demandes du Grand Conseil», et étant donné que nous avions fait un pas vers le Conseil d'Etat en comprenant les raisons de son opposition aux modifications du délai de dépôt et en restreignant nos demandes, nous avons pensé pouvoir obtenir sa mise en pratique. Ce d'autant plus que le vote du projet n'a pas soulevé d'objections techniques de la part de M. Martin, représentant du département. D'ailleurs le Conseil d'Etat bénéficie de plusieurs pistes pour atteindre ce but, comme M. Hensler et certains députés l'ont relevé en commission, par exemple l'utilisation optimale du réseau informatique, l'amélioration de l'organisation du service de la législation, la réduction du délai de remise des textes, les envois fractionnés, un service de boîte aux lettres ou autres.
Il est également important de relever que les textes du Conseil d'Etat constituent 95% du volume à étudier et qu'ils arrivent parfois en retard, empiétant ainsi sur le délai imparti aux députés. Il serait donc aisé, pour le Conseil d'Etat, d'apporter déjà une grande amélioration en respectant les délais. Nous pouvons d'ailleurs l'y aider nous-mêmes en ne nous y prenant pas juste à la dernière limite et en faisant preuve d'indulgence, si la mise en vigueur de cette loi s'avère chaotique. A ce que je sache, aucun député n'a jamais traîné le Conseil d'Etat au Tribunal pour un peu de retard.
Nous sommes persuadés qu'en collaborant cela doit être possible. En tout cas, si cela ne l'était pas, je me poserai de sérieuses questions sur l'avenir des réformes du parlement en cours à la commission des droits politiques, réformes auxquelles bon nombre de groupes ont participé en renvoyant des motions ou des projets de lois à cette commission.
S'il fallait, pour mettre en place cette amélioration, déplacer le délai de dépôt malgré tous les désagréments déjà exprimés, nous serions contraints de devoir y renoncer, ce qui nous navrerait. C'est pourquoi nous voterons la proposition, telle que sortie de la commission, sans l'amendement de M. Ducret, et nous souhaitons que vous agissiez de même.
Mme Michèle Wavre (R), rapporteuse. Je vous suggère de refuser cet amendement de M. Ducret, parce que la commission a longuement discuté du problème et a réussi à trouver un consensus tout à fait satisfaisant, d'une part, et parce que nous n'avons pas eu la chance de lire cet amendement avant la séance, d'autre part. Nous aurions apprécié le connaître plus tôt afin de pouvoir nous décider à son sujet, mais, en principe, nous nous y opposons.
M. Jean-Luc Ducret (PDC). Cet amendement me semble indispensable concernant ce délai dans la mesure...
M. Claude Blanc. Marie-Laure Beck ne serait pas d'accord !
M. Jean-Luc Ducret. ...où il avait été envisagé d'envoyer les textes en photocopie. Le Bureau du Grand Conseil a tenté ce genre d'envois et s'est rendu compte que les plis adressés à tous les députés étaient beaucoup trop lourds et que les frais postaux ainsi induits devenaient exagérés. Il fallait donc donner la possibilité au service du Grand Conseil d'imprimer les textes, comme cela se fait actuellement et de maintenir cette pratique. Voilà pourquoi le délai de vingt et un jours est indispensable au service du Grand Conseil.
Il s'agit simplement de nous donner un autre rythme de travail. Cela a été dit en commission et je le répète ici : en principe, il n'y a aucun texte sérieux qui ne mérite d'être débattu dans une urgence telle que l'on ne puisse donner quatre, voire cinq jours de plus, pour son impression. Il s'agit là de la qualité de notre travail, de notre crédibilité. Nous ne devons pas travailler dans la précipitation. Le service du Grand Conseil ne peut pas faire de miracles, et ne peut pas travailler jour et nuit. Il faut lui donner ce délai de quatre jours supplémentaires.
M. Bernard Annen (L). Nous suivrons les conseils du rapporteur, parce que les délais proposés ressortent des discussions et d'un consensus de la commission qui a certainement étudié tous les cas de figure.
Faisons attention, parce que trop allonger le délai pourrait se retourner contre nous, et je ne crois que cela soit uniquement en fonction de tel ou tel pouvoir. Il faut trouver un équilibre de manière que nous puissions être le plus efficaces possible. On doit essayer d'appliquer ce règlement avec une certaine souplesse d'interprétation, et faire confiance au Bureau du Grand Conseil pour qu'il puisse être le mieux à même d'exécuter son travail. Ce projet a été étudié de telle manière qu'il a donné satisfaction à l'ensemble de la commission. Il ne me semble pas judicieux de revenir à la dernière minute sur un délai de ce type.
Pour terminer, je préciserai qu'un projet de loi est évolutif et que si, réellement, celui-ci ne donne pas satisfaction, nous pourrons toujours rajouter les jours nécessaires à la modification du délai. Nous devons à tout prix conserver de la souplesse les uns et les autres et c'est si vrai, Monsieur Ducret, qu'il n'y aurait pas de possibilité de discussion immédiate dans le cadre de nos travaux si nous devions nous cantonner à un carcan de dates. Je vous suggère donc, pour le moment, de respecter les résultats issus des travaux de la commission et de maintenir les délais qui ont été décidés.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Une fois n'est pas coutume, nous sommes d'accord avec le groupe libéral et nous voterons ce projet de loi tel quel.
Je ne me rappelle pas, Monsieur Ducret, que vous ayez jamais présenté cet amendement en commission. Rien n'est écrit dans le rapport à ce sujet, et je trouve que ce n'est pas très sérieux de revenir avec des amendements en séance plénière, après le travail en commission. Vous auriez pu proposer ces amendements en commission. Vous auriez dû vous préparer pour être à jour dans les séances de commission et présenter vos propositions à cette occasion.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter les conclusions du rapport de Mme Wavre.
M. Jean-Luc Ducret (PDC). Vous l'aurez bien compris, je l'espère : ce n'est pas mon amendement personnel, mais le fruit de l'expérience faite depuis l'adoption du rapport de Mme Wavre. Le Bureau du Grand Conseil a examiné comment, dans la pratique, on peut envoyer ces textes dans les délais prévus.
Si vous voulez maintenir le texte tel que proposé, faites-le ! Je le voterai comme vous ! Simplement, on se rendra compte, à l'expérience, que nombre de vos textes seront refusés par le Bureau du Grand Conseil, parce qu'ils n'auront pas pu être distribués dans les délais.
Ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Art. 8, al. 3 (nouveau)
La présidente. M. Ducret a déposé un amendement visant à introduire à l'article 8, un alinéa 3, dont la teneur serait la suivante :
«3 Pour être inscrits à l'ordre du jour, les divers textes doivent être en possession du Bureau 21 jours avant la séance.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Ce projet est adopté en deuxième débat.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi portant règlement du Grand Conseilde la République et canton de Genève
(B 1 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 8, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Tous les documents utiles à la discussion doivent parvenir aux députés 10 jours ouvrables avant la séance du Grand Conseil, sauf urgence motivée par le bureau.
Art. 2
La présente loi entre en vigueur le 9 novembre 1995.