République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1005
14. Proposition de motion de Mme et MM. Micheline Spoerri, Armand Lombard, Pierre Kunz, Jean-Philippe de Tolédo et Jean-Claude Vaudroz relative à la création d'une pépinière d'entreprises GENILEM (Génération Innovation Lémanique) pour les exercices 1996, 1997 et 1998. ( )M1005

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Un concept nouveau de l'emploi

Un concept de l'emploi doit prendre en considération trois instruments du développement économique:

1. le chômage comme temps intermédiaire de préparation à un nouvel emploi;

2. l'accueil d'entreprises extérieures;

3. la création d'entreprises régionales que cherche à activer le projet GENILEM. Le taux de natalité d'entreprises d'une région, en effet, doit constamment être stimulé grâce à un engagement actif de ses partenaires:

 économique (entreprises et réseaux d'emplois) pour le soutien, l'accueil et les capacités de financement;

 société civile (recherche, groupements d'intérêts, académie, médias) pour la dynamique de l'environnement social, culturel et technologique;

 public (institutions politiques) pour les conditions-cadres de développement proposées.

2. Le fondement économique de GENILEM

Huit entreprises sur dix disparaissent dans les quatre années qui suivent leur création, tant sont délicates les premières années d'existence, et tant des erreurs paraissant bénignes peuvent emporter des structures sans expérience ni réserves financières.

Le facteur principal d'échec d'une entreprise nouvelle est du domaine de la gestion: mésentente sur la méthode, objectifs de production définis sans clarté, clientèle mal ciblée, produits n'ayant pas de débouchés, trésorerie incertaine, etc. L'accompagnement par le contrôle serré des procédures de fonctionnement et la formation à des éléments spécifiques inconnus de l'entrepreneur sont les tâches à charge d'une pépinière telle que GENILEM, bâtie à l'image de la pépinière lyonnaise Novacité.

Le taux d'échec est alors inversé: sur dix entreprises en création, Novacité en amène neuf à passer le cap des quatre premières années, et le nombre d'emplois passe alors de deux à neuf personnes par entreprise.

Novacité traite, pour un bassin de population de 1,5 million d'habitants, dix nouvelles entreprises par an, pour trois ans d'apprentissage. Depuis 1988, elle a ainsi formé, ou est en train de le faire, soixante-dix entreprises avec une moyenne de sept employés, soit cinq cents emplois créés.

Le coût moyen de la structure de GENILEM est budgétisé à 500 000 F par an. Si GENILEM atteint le niveau de développement de Novacité, le coût de l'emploi créé sera de l'ordre de 8 000 F par poste de travail nouveau. Ce chiffre se compare au coût d'une rente de un à trois mois de chômage.

3. Genèse de GENILEM: un projet consensuel

GENILEM doit sa naissance aux auditions de la commission de l'économie du Grand Conseil discutant des problèmes de la relance, du chômage et de la création d'emplois au début de 1992.

Tant M. P.A. Rey, avec son projet d'office de création d'emplois, que le regretté Gilles Martin pour Adlatus ont incité quelques députés, signataires de ce projet de motion, à enquêter sur les possibilités offertes par le marché en matière de création d'entreprises.

Le département de l'économie publique, recherchant activement des solutions d'emplois pour la région genevoise, a participé à ce travail qui devait déboucher sur le concept de GENILEM. M. J.-C. Manghardt a suivi et accompagné de ses conseils la mise en place de cette association.

Kalvin K. Associates à Genève a étudié les divers types de pépinières régionales et a permis au groupe de se convaincre de la qualité de Novacité, pépinière lyonnaise soutenue par la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon. Dans un esprit d'ouverture, Novacité a offert de mettre à disposition de GENILEM son savoir-faire, essentiel pour le projet lémanique.

Un groupe de travail formé des signataires et de Mme A. Southam (KKA) a pu, grâce à l'aide efficace et au soutien financier des Chambres de commerce vaudoise et genevoise et de quelques membres actifs (CDE, PSE, BCV, BCG, etc.), élaborer le présent projet, lui assurer sa mise sur pied en 1995 déjà, et lui donner une assise régionale stable.

Les pépinières «classiques» aident les entreprises par la mise à disposition de locaux et d'une infrastructure à des prix préférentiels pendant les premières années de leur existence.

GENILEM poursuit des objectifs différents. Elle assiste les entreprises en création grâce à la formation et les accompagne en matière de gestion.

3.1. La sélection

Un comité de sélection de projets, composé d'entrepreneurs, d'industriels et de financiers de la région, décide de l'adhésion de l'entreprise candidate en tant que bénéficiaire des services de GENILEM.

La sélection se fonde sur les critères de l'avantage compétitif, de la rapidité de développement du projet ainsi que de l'intégration de celui-ci dans la stratégie de développement régional.

3.2. La formation

Pour mieux aider les créateurs d'entreprises dans la réalisation de leurs projets, deux cycles de formation, l'un avant-création, l'autre après-création, sont proposés, qui traitent des problèmes commerciaux, financiers, juridiques et humains liés au développement d'une entreprise.

En parallèle à la formation, les entreprises sont suivies par les gestionnaires de GENILEM, notamment par le biais d'indicateurs commerciaux et financiers simples (tableau de bord). L'entrepreneur sera formé à l'utilisation de ces indicateurs, qui lui permettront d'identifier lui-même les points faibles de son entreprise et de prendre rapidement des mesures de redressement.

3.3. Le parrainage

Les activités de GENILEM sont soutenues par un réseau de parrains et partenaires qui s'engagent aussi bien financièrement (cotisations annuelles / subventions) que concrètement (conseils, contacts).

Les parrains sont des personnes physiques ou morales exerçant une activité économique. Ils s'engagent à ouvrir leur réseau relationnel aux entreprises membre de GENILEM. Les communes genevoises - Meyrin a formellement déjà adhéré au projet - pourront apporter leur appui à GENILEM et offrir leurs services aux entreprises de leur juridiction.

4. Structure de GENILEM

GENILEM est une association de droit privé suisse, dont le siège est à Genève.

Ses organes sont:

 l'Assemblée générale;

 le Conseil;

 l'Organe de contrôle;

 le Comité de sélection de projets.

GENILEM encourage les entreprises sélectionnées à s'installer sur l'un des sites avec lesquels l'Association collabore, soit, l'un à Genève, l'autre dans le canton de Vaud. GENILEM ne prend cependant pas en compte la gestion des surfaces immobilières mises à la disposition des entreprises.

5. Financement

GENILEM est une association sans but lucratif dont les membres assurent le financement sur la base de contributions annuelles de 500 F pour les membres du réseau, de 8 000 F pour les parrains et 15 000 F pour les fondateurs. Groupement «mécène économique», GENILEM prévoit pour tout gain, dans un délai de 5 à 10 ans, la création d'emplois, l'encouragement à la création d'entreprises, la stimulation au goût du risque de développement et d'innovation.

Le financement des exercices 1996, 1997 et 1998 sera assuré par quelques revenus propres, par des cotisations des partenaires fondateurs, des parrains et par des subventions cantonales. Ces dernières sont déterminantes dans la mesure où le canton est partenaire, financier et technique, dès le démarrage de l'entreprise.

Au fur et à mesure que le nombre de parrains augmentera et que les entreprises ayant bénéficié des prestations de GENILEM pourront assurer un rôle dans son financement, le besoin de recourir aux finances publiques diminuera jusqu'à se borner à une cotisation annuelle de 15 000 F.

6. La place des cantons de Genève et de Vaud

La création d'un concept d'accompagnement de jeunes entreprises implique l'accès à un réservoir de projets suffisant. Le bassin d'activité lémanique comprenant une population de 1,5 million d'habitants doit assurer la diversité des projets.

Avec une trentaine d'entreprises réparties sur deux sites, l'équipe minimum de travail se composera de trois gestionnaires-coaches qui devront contribuer à créer, dans les sites aussi bien que pour l'ensemble des personnes affiliées à GENILEM, une atmosphère de travail stimulante et efficace.

La part financière globale requise des cantons de Genève et de Vaud représente, pour chaque canton, 15% du budget des exercices 1996, 1997 et 1998, avec des subventions de 90 000 F versées annuellement par chaque canton.

Comme de tout partenaire fondateur, membre de l'Association GENILEM et siégeant dès lors à son Assemblée générale, il est demandé aux cantons une participation active et la mise à disposition du réseau des départements d'économie publique, afin que la procédure de création d'une entreprise soit aussi tentante et simple que possible.

La volonté de GENILEM est de promouvoir des projets innovateurs, de qualité, générateurs de richesse et d'emplois et ce, en bousculant la morosité actuelle de la région lémanique.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la présente motion.

Annexe: document de présentation de GENILEM

ANNEXE

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Débat

M. Armand Lombard (L). Ce projet de création d'une pépinière d'entreprises me paraît être très important aujourd'hui, surtout après la difficile discussion que nous avons eue sur un problème économique, lors de notre dernière réunion. Ce projet tente d'expliquer pourquoi notre groupe, et plus largement la droite, n'est pas entrée en matière sur une précédente motion socialiste.

En effet, nous proposons aujourd'hui un projet, non pas de discussions et d'études, mais un projet de réalisation pointu, réaliste et précis. J'espère que vous verrez la différence avec ce que nous ne souhaitions pas, lors de notre dernier débat, malgré la grande qualité du document proposé.

La création d'une pépinière découle d'une triple réflexion, née en commission de l'économie de ce Grand Conseil, en matière d'emploi et de recherche de solutions, au moment où une difficile crise structurelle sévit à Genève. Nous avons beaucoup discuté, en premier lieu, des problèmes d'assistance, de l'office de l'emploi, et des questions propres aux personnes qui n'ont plus de travail. Le deuxième axe d'une telle politique pour l'emploi, c'est l'accueil d'entreprises étrangères ou venant d'autres cantons. Le troisième axe de cette relance passe par la création d'entreprises.

La création d'entreprises est absolument nécessaire, car, sans elle, le tissu économique cessera de s'activer et de vivre. C'est avec de nouvelles sociétés qu'on crée de nouveaux emplois. Quand les entreprises deviennent très importantes, très mûres dirais-je, elles passent souvent par des périodes de restructuration difficiles, qui engendrent parfois un frein à la création d'emplois ou même leur suppression. Par conséquent, la création d'entreprises est absolument nécessaire.

L'aide à la création doit se faire par le travail conjoint des trois partenaires d'une communauté, et donc d'une république : par les entreprises, parce qu'elles ont leur expérience, en particulier celle du marché; par la société civile et ses experts, qui peuvent s'exprimer, donner des avis, juger, analyser; et, bien sûr, par l'Etat, car il a des moyens efficaces et la capacité d'insuffler une forte impulsion, parce qu'il représente une importante caution sur le marché : lorsqu'il s'engage, on sait que les institutions politiques ont la volonté d'aller de l'avant.

Créer une pépinière d'entreprises nécessite de travailler au niveau régional. Ce n'est plus seulement le plaisir de devenir régional, ni la nécessité de diminuer les coûts, mais le besoin de pouvoir compter sur un bassin de 1,5 million d'habitants, avec ses diversités, ses compétences, et l'ensemble de ses structures, de ses citoyens et de ses institutions politiques.

En plus de cela, pour convaincre de nouveaux entrepreneurs de monter des entreprises, il faut encore tout un réseau de gens qui croient à la création d'entreprises et qui sont prêts à l'encourager et à y participer. Dans le cas de GENILEM, nous avons l'appui des Chambres de commerce des cantons de Vaud et Genève et des banques cantonales de ces deux cantons. Nous souhaitons obtenir celui des départements de l'économie publique. Nous comptons aussi, parmi nos partenaires, le Cercle des dirigeants d'entreprises, l'Association des banques vaudoises, la Bourse de Genève, qui est devenue aujourd'hui la Bourse romande, plus de nombreux parrains, qui sont des entrepreneurs capables d'apporter leur soutien et leurs encouragements aux nouvelles entreprises.

GENILEM est une petite entreprise de deux à cinq personnes - cela dépendra de son rythme d'évolution - qui a pour but d'accompagner de nouvelles entreprises, à leur début. Vous savez que huit entreprises sur dix meurent durant les quatre premières années de leur existence. En suivant de près leur management, on peut inverser cette statistique et c'est alors neuf entreprises sur dix qui survivent et peuvent créer des emplois. En ce qui concerne NOVACITE - NOVACITE est l'exemple lyonnais qui a servi de modèle à GENILEM - et pour un bassin de population équivalent, la création d'emplois se chiffre à cinq cents postes, sur une durée de sept ans, pour une dizaine d'entreprises créées chaque année.

Ce n'est pas une réalisation monstrueuse, qui révolutionnera notre région, mais c'est une création utile. Espérons qu'un jour, une ou deux de ces nouvelles entreprises atteindront une grande dimension et seront ainsi créatrices d'un grand nombre d'emplois.

Le budget de GENILEM est de l'ordre de 500 000 F pour les prochaines années. La demande présentée au canton de Genève se monte à une participation de 90 000 F, soit en moyenne 14% du budget, les autres 86% étant partagés entre les partenaires privés, les parrains et les institutions dont je vous ai parlé.

D'autres institutions ont déjà été établies pour soutenir la création et l'innovation, mais j'aimerais souligner, ici, en deux mots, la différence entre GENILEM et ce qui a pu être fait, dans d'autres cas, par d'autres groupes de ce Grand Conseil. Bien souvent, les institutions créées, comme AGIP-FONGIT, Y-PARC, ou bien d'autres encore, travaillent à partir d'une innovation, de l'idée d'une personne. Ces institutions, grâce à leurs investissements, mènent l'innovation à bon port, jusqu'à ce qu'elle soit un produit.

GENILEM ne fait pas cela. Elle intervient plus tard, au moment où le produit existe avec son marché, avec le désir d'un entrepreneur de créer une entreprise. C'est un autre stade, moins risqué, puisqu'il ne requiert pas de mise de fonds en faveur de l'innovateur, qui a déjà créé son produit. GENILEM aide à trouver une clientèle. A partir de là, elle lui donne des conseils de management. Elle est une sorte de «coach» d'entreprise qui, par son accompagnement et par des conseils simples mais pointus, permet à l'entreprise de progresser.

La demande présentée au Conseil d'Etat se chiffre à 90 000 F pour trois ans. A partir de la quatrième année, les montants devraient se limiter à 15 000 F, c'est-à-dire simplement à une contribution de partenaire dans le cadre de GENILEM. Nous espérons que c'est cette voie qui sera suivie.

J'aimerais mentionner, pour finir, le souhait des motionnaires de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, même s'il aurait été agréable et intéressant de pouvoir en parler en commission de l'économie. En effet, je suis sûr que cette commission se serait penchée avec intérêt sur un projet aussi concret, qui touche de près tous les problèmes sur lesquels elle «planche» si souvent, en matière de promotion et d'innovations économiques.

Toutefois, je demanderai à ce Grand Conseil de bien vouloir renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, principalement pour deux raisons :

1) Inciter le canton de Vaud à participer au même programme, en montrant aux Vaudois que ce projet en vaut la peine, qu'il va dans une direction souhaitable, et est porteur de bons espoirs. Par cette démonstration de notre Grand Conseil, je souhaiterais que nous montrions l'intérêt que porte notre canton à la création d'emplois.

2) Donner un signe important, de la part des autorités politiques, à la population, favorisant leurs espoirs et leur confiance dans un projet naissant - GENILEM devrait démarrer dans le courant de l'été - plutôt que de le rejoindre en cours de route.

C'est donc pour ces deux raisons que je vous prierai de bien vouloir renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, quitte - comme je l'ai mentionné à certains de mes collègues - à l'occasion d'une prochaine motion déposée auprès du Grand Conseil et renvoyée en commission de l'économie, à reprendre la discussion et à examiner les choses plus en détail à cette occasion.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a été surpris, en lisant ce projet de motion, par la liste des auteurs de ce projet !

En effet, presque tous ses auteurs sont des partisans du laisser-faire en matière économique, des adeptes du libéralisme pur et dur, mais qui, tout à coup semble-t-il, découvrent que l'Etat peut et doit jouer un rôle dans le domaine économique. Ce sont les mêmes qui, lors de la dernière séance du Grand Conseil, ont refusé vigoureusement les propositions socialistes visant à la création d'entreprises, mais proposent aujourd'hui une intervention, notamment financière, de l'Etat pour aider à la création d'une pépinière d'entreprises.

Cette motion renforce notre conviction que notre proposition n'avait qu'un défaut : elle était proposée par des socialistes ! Mais nous, les socialistes, sommes capables d'analyser des propositions sur leur contenu et non par rapport à leurs auteurs !

Cette remarque préliminaire étant faite, le groupe socialiste accueille avec un certain intérêt cette proposition. Certes, des points devront être précisés en commission, mais l'idée d'encadrer les personnes qui désirent se mettre à leur compte est une bonne idée, même si nous ne partageons pas la totalité des propos et des affirmations contenus dans l'exposé des motifs. En effet, nous connaissons tous des personnes, notamment des chômeurs, qui ont tenté de créer une entreprise et ont connu un échec parfois dramatique. Je pense, en particulier, à des personnes dans la cinquantaine, qui ont investi tout leur deuxième pilier pour créer une entreprise, qui, finalement, a échoué, et ont perdu à la fois leur gagne-pain et leur future retraite. Si un projet de ce type pouvait éviter de tels échecs, ce serait une bonne chose !

Toutefois, il ne faut pas oublier que la conjoncture économique est déjà difficile pour les entreprises existantes. Par conséquent, il n'est pas facile de créer des entreprises nouvelles actuellement. Cependant, la difficulté ne doit pas empêcher les tentatives.

Pour compléter les remarques de M. Lombard sur les différents moyens utilisés pour lutter contre le chômage - dont le traitement social du chômage, les occupations temporaires, la loi sur le chômage et la relance favorisée soit par une intervention de l'Etat, soit par la création d'entreprises - je crois qu'il a oublié de mentionner un troisième axe particulièrement important si l'on veut vraiment lutter contre ce fléau, c'est celui du partage du travail.

Enfin, je l'ai dit tout à l'heure, cette proposition est intéressante, mais toutefois, à notre avis, elle devrait être examinée plus en détail, en commission, pour discuter notamment des conditions de l'aide financière de l'Etat, pour connaître les statuts de cette fondation et avoir connaissance de son budget. Nous regrettons aussi de ne pas voir figurer les partenaires sociaux, notamment les syndicats, dans la liste des différents partenaires associés à ce projet.

Tous ces aspects mériteraient un examen en commission. C'est d'ailleurs l'usage dans ce parlement, à l'occasion d'une demande de prestations financières, que celle-ci soit étudiée par une commission, à l'exception des demandes d'aide pour des interventions en cas de catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre, dans un pays étranger. Visiblement les arguments avancés par M. Lombard pour demander le vote immédiat de cette motion n'ont pas l'urgence d'une opération de secours après un tremblement de terre.

En conclusion, nous pensons qu'il est judicieux de la renvoyer à la commission de l'économie et nous sommes prêts à entrer en matière plus avant dans le cadre des travaux de la commission.

M. Max Schneider (Ve). Cette motion se veut consensuelle mais, hélas, elle ne l'est pas ! Pour suivre régulièrement les commissions de l'économie du Grand Conseil, je sais qu'on avait parlé de cette idée, suite aux motions socialistes, ou écologistes, notamment quand notre ami Andràs November était présent. Il avait souvent souligné ce problème, notamment concernant la FONGIT, qui étudiait des plans d'innovation, la sortie d'un produit et les difficultés au moment de la fabrication ou de la commercialisation à plus long terme.

Les objectifs et les buts de cette association sont très intéressants. On nous demande en fait d'en devenir partenaire. Or, si on le veut vraiment, alors il faut s'y intéresser et l'étudier avec beaucoup de sérieux. Voilà pourquoi, moi aussi, je m'engagerai, ainsi que le groupe écologiste, à soutenir le renvoi en commission, afin de créer un consensus, tel que vous l'avez souligné à la page 3.

Je constate qu'actuellement le consensus n'est pas réalisé complètement au sein des membres de la commission, tandis que, si votre projet avait été étudié, non pas en un petit groupe de trois partis, mais par l'ensemble de la commission, nous n'aurions plus besoin aujourd'hui de l'étudier encore. M. Manghardt qui a suivi et accompagné de ses conseils la mise en place de cette association, telle qu'elle est décrite dans l'exposé des motifs, aurait pu aussi nous la présenter en commission.

Voilà pourquoi nous avons certaines inquiétudes que vous comprendrez très bien. Nous pensons que la création de micro ou de petites PME est une bonne piste à suivre pour générer des emplois, mais nous ne sommes pas prêts à cautionner «l'emploi pour l'emploi». Je m'explique : nous voulons des emplois avec des industries respectueuses de l'environnement; nous n'accepterons pas de soutenir des projets d'innovations concernant le domaine de l'armement; nous refuserons aussi de favoriser des projets pour des emplois indignes de la personne humaine. C'est pour cela que nous voulons avoir une explication en commission et connaître les limites à l'intérieur desquelles cette association fonctionnera. Limites qui seront certainement acceptées par tous, mais pour lesquelles nous souhaitons fixer des conditions, avant d'y adhérer. Voilà pourquoi je vous invite à accepter ce renvoi en commission.

M. Pierre Kunz (R). L'exposé des motifs de la motion 1005 est suffisamment détaillé pour vous permettre, contrairement à ce que certains ont sous-entendu, de vous familiariser précisément avec les objectifs de GENILEM, avec la genèse de cette association en formation, avec les structures et le fonctionnement de cette pépinière d'entreprises.

Par ailleurs, les informations fournies par les auteurs, principalement M. Lombard qui s'est exprimé tout à l'heure, ont pu répondre à une bonne majorité des interrogations qui pouvaient subsister. Par conséquent, je voudrais n'insister que sur deux aspects importants de GENILEM.

En premier lieu, GENILEM n'est pas une institution destinée à approvisionner les entreprises en capital-risque, ni d'ailleurs en capital tout court. Ce n'est pas non plus une concentration de jeunes entreprises à la recherche de locaux bon marché ou d'avantages financiers ou autres. GENILEM est une association qui vise à accompagner les jeunes entrepreneurs dans le démarrage de leur société, dont ils ont eux-mêmes assuré le financement, mais qui ne disposent pas d'une formation ou d'une expérience suffisante en matière de gestion. C'est donc un lieu d'apprentissage, une sorte d'école, au demeurant payante. L'apport demandé de l'Etat à GENILEM est limité dans le temps, puisque, après trois ans, les jeunes entreprises doivent essaimer.

En second lieu, l'Etat a un rôle utile et indispensable à jouer dans GENILEM. Cette pépinière devrait devenir, en effet, un des instruments particulièrement utiles d'un Etat dont nous attendons tous, Monsieur Champod, qu'il se manifeste dans une politique économique active et qu'il favorise - vous l'avez dit vous-même - l'emploi par l'aide qu'il peut apporter à la création d'entreprises, particulièrement dans les secteurs innovants.

A ce sujet, je répondrai à une formule qui a été employée, pour relever la contradiction qui existerait chez des personnes, libérales de caractère et d'idées, qui réclament aujourd'hui l'interventionnisme de l'Etat. Je ferai remarquer que, quelques semaines auparavant, nous parlions des entreprises en général, de celles qui ont une existence normale, celles qui ne sont pas en phase de démarrage, et celles qui ne sont pas non plus à l'agonie. M. Jean-Philippe Maitre a, d'ailleurs, insisté sur le rôle utile d'intermédiaire et de conseil que joue l'Etat, son département en particulier, en vue de sauver, si possible, les entreprises en difficulté. J'ai, pour ma part, souligné, en bon radical, qu'il est d'intérêt général que l'Etat s'engage activement dans la promotion et le soutien aux jeunes entreprises. Il n'y a pas contradiction mais continuité dans la réflexion.

Il est donc bon que l'Etat contribue, en collaboration avec le secteur privé, au lancement de cette pépinière d'un genre et d'une efficacité nouveaux et qu'il participe ensuite activement à son fonctionnement, ne serait-ce que pour veiller à l'intégration, au maintien, de GENILEM dans le développement des activités économiques de la région.

Cette motion, nous dit-on encore, n'est pas consensuelle. Permettez-moi de prétendre le contraire. Motion et pépinière sont les fruits d'un très long travail dans lequel le département de l'économie publique, les chambres économiques vaudoise et genevoise, les entreprises et les députés motionnaires se sont fortement engagés. Vous voyez aujourd'hui le résultat d'un travail d'équipe, de collaboration et de consensus.

Par conséquent, j'insisterai pour que cette motion soit effectivement renvoyée directement au Conseil d'Etat.

M. Bernard Clerc (AdG). Cette motion nous parle d'un concept nouveau de l'emploi. C'est d'autant plus nouveau que, lorsqu'on parle de prendre en considération trois instruments de développement économique, le premier évoqué, c'est le chômage ! Je trouve que considérer le chômage comme un élément de développement économique est un concept plutôt particulier. A vrai dire, cela ne me surprend pas vraiment dans la logique d'une économie capitaliste de marché.

Dans l'exposé des motifs, on nous dit que 80% des nouvelles entreprises disparaissent quatre ans après leur création. Evidemment, ce n'est pas le fruit du hasard ou, a priori, en raison de l'incompétence de leurs créateurs, mais bien le résultat de ces mêmes mécanismes qui président à l'économie capitaliste de marché : la concurrence, rien que la concurrence !

Le concept GENILEM feint d'avoir trouver LA solution, puisque, selon les auteurs de la motion, 90% des entreprises survivent après quatre ans. Cela n'a rien d'étonnant, car le concept prévu par GENILEM prévoit, au préalable, une sélection des entreprises. Il s'ensuit obligatoirement que ce sont celles qui ont le plus de chances de succès qui sont retenues, ce qui permet d'affirmer un tel taux de réussite. Prenons un exemple : imaginons qu'un médecin sélectionne ses patients : en n'acceptant que des personnes de moins de trente ans, le taux de mortalité de sa clientèle serait effectivement très faible. Voilà pour l'illusion statistique !

L'objectif de la motion est d'obtenir un subventionnement public. Il est pour le moins curieux que ceux qui, à longueur d'année, plaident pour une non-intervention de l'Etat dans l'économie, souhaitent une participation des pouvoirs publics à GENILEM.

En ce qui nous concerne, nous pensons que le premier stade et le plus urgent d'une politique de l'emploi passe d'abord par le maintien des entreprises existantes, car chacun sait que la disparition d'une entreprise existante constitue une perte économique et de savoir-faire considérable, en regard du temps nécessaire à une nouvelle entreprise pour engendrer un apport similaire.

Nous sommes, par ailleurs, étonnés que la Chambre de commerce et d'industrie qui n'hésite pas à dépenser des dizaines de milliers de francs pour des campagnes de nature politique, ou pour favoriser l'élection d'un Conseil d'Etat monocolore, vienne quémander une subvention pour GENILEM. Cela frise le mauvais goût.

Je relèverai cependant le seul aspect positif de ce projet, celui de l'avoir envisagé sous l'angle de la région, car il nous semble qu'il est bon d'aller dans le sens d'une décentralisation de l'emploi. Encore faut-il que ce concept de région ne se limite pas à implanter de nouvelles entreprises à Genève ou à Lausanne et dans sa périphérie !

Quelques remarques encore au sujet des éléments avancés par M. Lombard. Vous parlez, Monsieur Lombard, d'une subvention de 90 000 F pour trois ans. Je pense que votre langue a fourché, car il s'agit bien de 90 000 F par an. Vous avez aussi parlé d'un budget de 500 000 F ; or, selon un calcul basé sur les indications de l'exposé des motifs, il s'agit d'un budget de 600 000 F. Dans ces conditions, je vois mal comment nous pourrions traiter cette motion directement maintenant et la renvoyer au Conseil d'Etat.

Je rappelle qu'en ce qui concerne les subventions celles-ci sont toujours examinées dans le cadre de la commission, et que nous demandons aux organismes solliciteurs de présenter un budget, ce qui est tout à fait normal : je rappelle, à cet égard, les demandes examinées en commission des finances se référant aux institutions sociales. Je trouve pour le moins curieux qu'on puisse voter les yeux fermés cette motion, alors que nous ne disposons d'aucun budget dans l'exposé des motifs, et ceci indépendamment des questions de fond que j'ai abordées tout à l'heure.

C'est pourquoi nous nous opposons à la discussion et au vote immédiats de cette motion.

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). J'avoue que je suis surpris, entre autres, des propos de M. Clerc.

Tout d'abord, je souhaiterais apporter quelques explications supplémentaires, quant au fait qu'une période de chômage, comme nous la vivons aujourd'hui, puisse être un bassin un peu plus important pour des créateurs d'entreprises. Oui, Monsieur Clerc, à une époque où nous comptons seize mille chômeurs, cette période peut être l'occasion, pour un certain nombre de chômeurs qui font preuve d'initiative, de créer leur propre entreprise.

Vous avez parlé également du fait que nous sélectionnons les candidats à cette pépinière d'entreprises. Monsieur Clerc, c'est une évidence de constater que ces créateurs d'entreprises ont justement besoin d'un certain support pour essayer d'analyser, ou éventuellement prévoir, un échec de leur projet. Vous faites une comparaison très malheureuse avec la médecine, mais j'aimerais vous rappeler que la médecine préventive existe.

En fait, GENILEM est une condition-cadre qui est non seulement utile mais absolument indispensable. Elle est nécessaire, car elle est complémentaire à une multitude d'activités développées dans notre canton : activités du département de l'économie publique, activités de l'AGIP-FONGIT - M. Lombard en a parlé tout à l'heure - qui s'occupent plus particulièrement de l'innovation technologique. Créer son entreprise aujourd'hui - au sens large, soit depuis un certain nombre d'années déjà - c'est par moment le parcours du combattant, parce que l'expérience d'un futur chef d'entreprise étant souvent réduite, il rencontre un certain nombre de difficultés à créer son entité, non seulement au niveau du financement mais aussi des structures.

Grâce à l'expérience de ses partenaires - départements de l'économie publique, chambres de commerce - celle de ses parrains qui surveilleront les projets, et par les acteurs eux-mêmes, cette Génération Innovation Lémanique leur apportera un certain nombre d'informations et un soutien logistique. Bien sûr, qu'elle ne résoudra pas tous leurs problèmes, mais elle aidera à résoudre les premières difficultés; celles-ci une fois surmontées, on obtiendra une meilleure garantie de réussite de l'entreprise. En effet, je vous le rappelle Monsieur Clerc, il n'existe aucune école de créateurs d'entreprise. Pour parvenir à ce but, il n'existe pas de formation adéquate mais seulement des formations complémentaires, pour améliorer la compréhension d'un certain nombre de sujets afférents à la création d'entreprise.

A ce jour, la mondialisation des marchés rend absolument indispensable l'établissement d'un business-plan au moment de la création d'une entité, business-plan qui devient de plus en plus complexe et nécessite très souvent un accompagnement par des gens spécialisés. Les besoins en investissement, de même que les coûts de fonctionnement, sont de plus en plus lourds, ce qui justifie de créer des budgets, d'avoir des plans financiers. Une organisation comme GENILEM est destinée à apporter un support et une transparence vis-à-vis des partenaires financiers, ainsi qu'une logistique adaptée aux besoins des jeunes entrepreneurs. Bien sûr, si l'on parle de locaux, cela paraît moins évident, surtout quand nous avons entre 100 000 et 200 000 m2 de locaux disponibles dans ce canton, mais il faut savoir qu'il est très difficile pour un créateur d'entreprise de trouver une surface aménagée de 50 m2 à un prix raisonnable.

L'élément le plus important est que GENILEM va apporter, à ces nouveaux entrepreneurs, une formation en cours d'activité, tant sur le plan financier que sur le plan commercial - par exemple, pour les marchés, la recherche de partenaires, sujets souvent difficiles à traiter. Puisque vous êtes aussi préoccupés par les problèmes sociaux, GENILEM pourra aussi fournir son aide concernant la recherche et l'engagement de personnel, qui sont des domaines nécessitant une certaine expérience.

Depuis deux ans, un groupe de travail a collaboré à la mise en place de ce projet. Le département de l'économie publique en a été un des éléments fondamentaux, ainsi que la Chambre de commerce et d'industrie, la Banque cantonale genevoise et Kalvin K. Associates. Ce projet va dans le sens d'une solution en faveur de l'emploi, aussi modeste soit-elle. Je vous propose donc, comme le groupe démocrate-chrétien, de le renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. A ce stade de notre débat, nous pouvons dire que ce projet est concret : c'est l'une de ses caractéristiques, par rapport à un certain nombre de discussions plus «abstraites» que nous avons eues. Il est incontestablement intéressant, encore qu'il ne faille pas en surestimer la portée. Il intervient dans un créneau qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été, en tant que tel, exploité. Le département de l'économie publique a été amené à y coopérer par un certain nombre de conseils techniques, dès ses premiers pas.

Toutefois, il faut être bien conscients que, s'agissant en particulier de petites entreprises destinées à être accompagnées dans leur phase de démarrage par la structure que GENILEM souhaite leur offrir, ces entreprises ne valent que par la qualité de leurs produits ou leurs services, en fonction des marchés sur lesquels elles souhaitent se placer, ainsi que par la qualité des personnes qui les animent.

Il est vrai, à cet égard, qu'un certain nombre de jeunes créateurs d'entreprises doivent être des femmes et des hommes polyvalents - surtout lorsqu'il s'agit de minuscules entreprises - et qu'ils sont parfois laissés dans une grande solitude à la phase de démarrage, solitude qui peut donner lieu à des erreurs qui compromettront l'avenir de leur entreprise, comme on l'a vu, en particulier, dans le cadre de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, qui est un autre projet mis sur pied par l'Etat avec un autre partenaire.

Il faudra que ce projet soit coordonné de manière optimale avec d'autres instances, qui ne visent pas exactement les mêmes buts, mais interviennent de manière complémentaire, aussi bien en amont qu'en aval du travail accompli par GENILEM. Il s'agit, par exemple, de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique déjà évoquée, ou de l'Office genevois de cautionnement mutuel pour artisans et commerçants, qui, indépendamment, de sa mission de cautionnement en tant que telle, a une activité de conseil, d'appui, relativement à la mise en route d'un projet de petite entreprise. Il faudra à cet égard coordonner les activités des uns et des autres.

Le Conseil d'Etat, au niveau de l'idée, peut accepter ce projet mais nous devons, en l'état, faire les réserves d'usage concernant les implications budgétaires. Qu'il me soit ici permis de dire que la préparation du budget 1996 est extrêmement difficile à ce stade ! Or, vous me proposez une dépense supplémentaire. En conséquence, il ne m'est pas possible, pour des motifs que vous comprendrez aisément, d'engager le Conseil d'Etat, sans que nous ayons pu effectuer les évaluations d'ensemble sur les différents aspects du budget 1996 et procéder aux arbitrages qui s'imposent.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

relative à la création d'une pépinière d'entreprises GENILEM (Génération Innovation Lémanique) pour les exercices 1996, 1997 et 1998

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

1. à soutenir GENILEM, Association d'accompagnement à la formation et à la gestion de jeunes entreprises lémaniques;

2. à prévoir, dans le cadre des budgets du département de l'économie publique, un crédit annuel à GENILEM de 90 000 F pour 1996, 1997 et 1998.