République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 avril 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 6e session - 16e séance
PL 7232
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit:
Art. 6 (nouvelle teneur)
Carte de vote
Tout citoyen ou citoyenne, inscrit au rôle électoral, reçoit pour chaque opération électorale une carte de vote dont l'usage est obligatoire pour le vote par correspondance. L'électeur est invité à présenter cette carte lorsqu'il vote dans un local de vote afin de faciliter son identification; l'usage de la carte n'est, toutefois, pas obligatoire pour pouvoir voter. Elle peut, le cas échéant, être remplacée par une pièce d'identité.
Art. 19, al. 1 (nouvelle teneur)
Autorité compétente
1 Le Conseil d'Etat fixe la date des opérations électorales cantonales et communales au moins 10 semaines avant le dernier jour du scrutin.
Art. 20 (nouvelle teneur)
Convocation des électeurs
Dès que le Conseil d'Etat a fixé la date des opérations électorales, le département fait immédiatement publier dans la Feuille d'avis officielle la convocation des électeurs et la date à partir de laquelle la notice explicative qui leur sera envoyée peut être consultée à la chancellerie. Le département fait simultanément procéder à l'affichage de la convocation sur les panneaux officiels.
Art. 22 (nouvelle teneur)
Prise de position
1 Les partis politiques siégeant au Grand Conseil (pour les votations fédérales et cantonales) et au Conseil municipal (pour les votations communales), ainsi que les auteurs d'un référendum ou d'une initiative peuvent déposer au département, lors de chaque votation, leur prise de position. Ce dépôt doit s'effectuer au plus tard le lundi avant midi, 5 semaines avant le dernier jour du scrutin.
2 Les prises de position sont immédiatement publiées dans la Feuille d'avis officielle. Elles sont jointes au matériel de vote adressé aux électeurs et affichées dans chaque local de vote ainsi que dans chaque isoloir.
Art. 30, al. 1 (nouvelle teneur)
Emplacements d'affichage
1 Les pouvoirs publics mettent gratuitement à la disposition de chaque parti politique siégeant au Grand Conseil, autre association ou groupement ayant déposé une liste de candidats à une élection ou une prise de position à l'occasion d'une votation, un nombre égal d'emplacements d'affichage de mêmes formes et surface placés aux mêmes endroits, à partir du 23e jour précédant le dernier jour du scrutin.
Art. 42, al. 1 (nouvelle teneur)
Fonction des jurés
1 Les jurés sont chargés du contrôle de l'identité des électeurs qui doivent leur remettre leur carte de vote avant de voter. Les jurés vérifient sur le rôle électoral si les électeurs, qui ne sont pas munis d'une carte de vote, y sont inscrits et s'ils n'ont pas déjà voté. Ils procèdent également à la surveillance de l'urne en veillant à ce que l'électeur n'y dépose qu'une seule enveloppe.
Art. 52 (nouvelle teneur)
Votations fédérales
L'Etat expédie à tous les électeurs à partir du 20e jour, mais au plus tard le 16e jour, avant le dernier jour du scrutin:
a) la convocation indiquant les lieux et modalités de vote;
b) la carte de vote;
c) les bulletins de vote avec l'enveloppe qui leur est destinée;
d) les textes soumis à la votation;
e) les prises de position;
f) les explications y relatives conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les droits politiques.
Art. 53 (nouvelle teneur)
Votations cantonales et communales
L'Etat pour les votations cantonales, les communes pour les votations communales, expédient à tous les électeurs à partir du 20e jour, mais au plus tard le 16e jour, avant le dernier jour du scrutin:
a) la convocation indiquant les lieux et modalités de vote;
b) la carte de vote;
c) les bulletins de vote avec l'enveloppe qui leur est destinée;
d) les textes soumis à la votation;
e) les prises de position;
f) les explications y relatives, qui doivent être rendues publiques 2 semaines au moins avant leur expédition aux électeurs et qui comportent, en cas de référendum ou d'initiative, un commentaire des autorités, d'une part, et des auteurs de l'initiative ou du référendum, d'autre part.
Art. 54 (nouvelle teneur)
Elections nationales
1 L'Etat expédie à tous les électeurs à partir du 20e jour, mais au plus tard le 16e, avant le dernier jour du scrutin portant sur l'élection du Conseil national et du Conseil des Etats:
Elections cantonales et communales
2 L'Etat pour l'élection du Grand Conseil et du Conseil d'Etat et les communes pour l'élection du Conseil municipal et du Conseil administratif ou du maire et de ses adjoints, expédient à tous les électeurs à partir du 20e jour, mais au plus tard le 16e, avant le dernier jour du scrutin:
Art. 55, al. 2 (abrogé)
Art. 61 (nouvelle teneur)
Vote par correspondance
1 L'électeur peut voter par correspondance dès qu'il reçoit le matériel de vote. Les bulletins de vote ou les bulletins électoraux, mis dans une enveloppe spéciale envoyée à cet effet à l'électeur, doivent parvenir au département, accompagnés de la carte de vote signée par l'électeur, à 18 heures au plus tard le vendredi précédant la clôture du scrutin.
2 Le département ouvre les enveloppes qui lui sont adressées devant les contrôleurs désignés en vertu de l'article 73, sans toutefois ouvrir les enveloppes contenant les bulletins de vote ou les bulletins électoraux, qui sont mises dans les urnes des locaux de vote concernés.
3 A cette occasion, les délégués du département tracent sur les rôles électoraux les noms des électeurs qui ont voté par correspondance.
Art. 62 (abrogé)
Art. 73, al. 1 (nouvelle teneur)
Récapitulation générale
1 La récapitulation générale des votes se fait publiquement, dans les meilleurs délais, par les soins de la chancellerie, sous le contrôle d'électeurs désignés par le Conseil d'Etat, dont un par parti représenté au Grand Conseil complétés, s'il y a lieu, par un représentant des auteurs d'un référendum ou d'une initiative, en présence de délégués du département.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi du 20 octobre 1994 modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques avait comme but principal de faciliter le vote par correspondance, qui était déjà très utilisé en raison de l'assouplissement apporté ces dernières années aux conditions pour exercer ce mode de vote.
La mise en pratique du nouveau mode de vote lors de la votation du 12 mars 1995 a encore augmenté le pourcentage des électrices et électeurs recourant au vote par correspondance, alors même que ce pourcentage était déjà très élevé lors des votations référendaires de décembre dernier.
Le nouveau mode de vote a, par contre, eu des conséquences imprévisibles pour les électrices et électeurs se rendant dans les locaux de vote et cela en raison de l'introduction de la carte de vote obligatoire. En effet, faute de pouvoir présenter cette carte au moment du vote, de très nombreuses citoyennes et citoyens, habitués à voter sans qu'il soit nécessaire de présenter une telle carte, n'ont pas pu voter, la possibilité d'obtenir un éventuel duplicata de leur carte de vote auprès de l'office cantonal de la population étant extrêmement dissuasive.
Un président de local de vote a déclaré lors de la conférence de presse du Conseil d'Etat, le soir de la votation du 12 mars, qu'une personne au moins sur 20 (c'est-à-dire 5% des votants) s'était présentée sans sa carte de vote et n'avait donc pas pu voter. Ce pourcentage a été estimé à au moins 10% dans un autre local de vote. De tels pourcentages de citoyennes et citoyens privés de leur droit de vote, alors qu'ils se sont donné la peine de se déplacer, sont inacceptables et ne font qu'aggraver l'abstentionnisme, beaucoup de personnes ayant été choquées de ne pas pouvoir voter et certaines ayant déclaré ne plus vouloir voter.
En étendant le vote par correspondance, le Conseil d'Etat a voulu faciliter l'exercice du droit de vote. Il ne faudrait, toutefois, pas que, par d'autres mesures, il le rende plus difficile et aille jusqu'à empêcher l'exercice de ce droit fondamental de notre démocratie.
Il est évident que tout nouveau système de vote prend un certain temps à être assimilé, surtout s'il modifie des pratiques anciennes et rend obligatoire une carte de vote, facultative jusqu'à présent ! Cette innovation n'aurait en soi pas eu de conséquences, si le Conseil d'Etat n'avait pas décidé de renoncer simultanément au traçage sur les rôles électoraux des noms des personnes ayant voté soit par correspondance, soit en se rendant à un local de vote. Si le système de contrôle des électeurs appliqué jusqu'à la votation référendaire de décembre dernier avait été appliqué lors de la votation du 12 mars, les personnes qui n'avaient pas leur carte de vote sur elles, ou qui tout simplement ne l'avaient pas reçue, auraient pu voter.
L'usage obligatoire de la carte de vote ne se justifie, en fait, que pour le vote par correspondance comme le Conseil d'Etat le relevait lui-même (voir ci-dessous), ce d'autant plus que ce mode peut dorénavant être utilisé par tous les électeurs, même s'ils n'en ont pas fait la demande (contrairement à ce qui est indiqué à tort dans l'article 62 dont l'abrogation est proposée), ce qui pose effectivement un problème de contrôle de l'authenticité du votant, problème auquel le renvoi de la carte de vote signée par l'électeur apporte un début de solution. Par contre, il n'y a pas de raison de rendre l'usage de la carte obligatoire pour la personne qui se rend à un local de vote. Elle devrait pouvoir voter comme par le passé, cette carte devant uniquement faciliter le contrôle des électrices et électeurs, notamment lors des votes anticipés. Pour les électeurs n'ayant pas reçu ou ayant égaré leur carte de vote, il faut maintenir un mode de contrôle d'après les rôles électoraux, comme cela s'est fait dans certains locaux de vote lors des élections municipales du 2 avril, afin de leur permettre de voter, tout en évitant qu'une personne ne vote à la fois par correspondance et dans un local de vote. Dans le but de faciliter ce contrôle, le projet de loi prévoit que les bulletins de vote par correspondance doivent parvenir au département, à 18 heures au plus tard, le vendredi précédant la clôture du scrutin.
Il faut relever que les rôles électoraux n'ont pas été supprimés et n'ont en tout cas pas été remplacés par la carte de vote, comme l'indique manifestement à tort l'article 2, alinéa 2, du nouveau règlement d'application de la loi sur l'exercice des droits politiques, qui dispose que la «carte de vote constitue le rôle électoral»! Il convient donc de rétablir le contrôle des électrices et des électeurs comme cela se faisait jusqu'à présent grâce aux rôles électoraux.
Il n'est pas inutile de rappeler que, dans l'exposé des motifs du projet de loi à l'origine des modifications législatives votées le 20 octobre 1994 par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat présentait l'introduction de la carte de vote comme une facilité et non une contrainte, puisqu'il écrivait ce qui suit:
«L'introduction de la carte de vote, actuellement nécessaire pour le vote par correspondance et le vote anticipé, est généralisée pour le vote au local de vote. Cette mesure, qui pourra être allégée par des dispositions réglementaires, lors de situations particulières, est introduite. Elle permettra, d'une part, d'envisager à l'avenir un vote informatisé généralisé et, d'autre part, d'aider l'électeur dans l'exercice de son droit de vote. Il ne s'agit par conséquent pas d'une mesure contraignante supplémentaire, la carte étant actuellement utilisée comme adressage à l'électeur, pour l'envoi de la documentation. Elle représente en plus une mesure permettant de mieux garantir l'authenticité du vote» (voir mémorial du Grand Conseil, 1993, page 4035).
De fait, l'introduction de la carte de vote obligatoire pour le vote dans les locaux de vote s'est révélée contraignante, contrairement aux assurances données à l'époque par le Conseil d'Etat et n'a pas «aidé l'électeur», puisqu'elle a empêché un nombre important de ceux-ci d'exercer leur droit de vote, même si le nombre des électeurs privés de ce droit étaient nettement moins important lors des élections municipales que lors de la votation du 12 mars 1995. Il n'empêche qu'il restera toujours des cas, espérons-le toujours moins nombreux, où des électeurs se présenteront sans carte de vote à leur local de vote et il convient donc d'adopter un système leur permettant néanmoins de voter, sans que la loi y fasse obstacle et sans pour autant remettre en cause le nouveau système de vote par correspondance.
Le présent projet de loi propose de modifier l'article 6 de la loi à cet effet et de prévoir en son article 42, alinéa 1, le contrôle possible sur les rôles électoraux des électeurs qui se présentent à un local de vote sans leur carte de vote.
La loi prévoit, par ailleurs, que le matériel de vote doit être envoyé aux électeurs trois semaines au moins avant le dernier jour du scrutin. De fait, l'envoi de ce matériel a débuté six semaines à l'avance lors de la votation du 12 mars 1995 avec pour conséquence fâcheuse que les citoyennes et citoyens ont pu commencer à voter dès la réception de ce matériel, alors même que la campagne relative à cette votation était à peine engagée et que les électeurs n'avaient donc pas connaissance de l'ensemble des arguments en présence. Cette situation est non seulement très «péjorante» pour ceux qui font les frais d'un tract tous ménages ou d'une affiche, ou pour la presse qui présente les objets mis en votation, mais encore elle va à l'encontre de l'objectif, confirmé par le Tribunal fédéral, que l'électeur puisse former librement son opinion grâce notamment à la libre expression des diverses opinions et non sur la base uniquement de la seule notice explicative que lui adressent les autorités.
Il n'est pas normal qu'un scrutin soit ouvert si longtemps à l'avance et celui-ci doit se dérouler sur un laps de temps normal. Il est du reste significatif que l'article 61 de la loi, qui n'a pas été respecté lors du scrutin du 12 mars 1995, dispose que «l'électeur peut voter par correspondance dès la troisième semaine qui précède le jour d'ouverture officielle du scrutin», délai qui, à notre avis, est déjà trop long.
C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi prévoit en ses articles 52 à 54, que le matériel de vote ne doit pas être envoyé avant le 20e jour, et au plus tard , le 16e jour, précédant le dernier jour du scrutin, ce qui abrège légèrement les délais prévus actuellement dans la loi, tout en les rendant contraignant et en laissant néanmoins une bonne dizaine de jours, ce qui paraît amplement suffisant, à ceux qui veulent voter par correspondance.
Le projet de loi prévoit, d'autre part, en son article 22, que les prises de positions à l'occasion de votations doivent être déposées suffisamment de temps à l'avance pour qu'elles puissent être envoyées aux électeurs en même temps que le matériel de vote (voir articles 51 et 52), ce qui paraît d'autant plus nécessaire avec la généralisation du droit de vote par correspondance, afin, précisément, que les électeurs bénéficient d'une information aussi complète que possible.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit en son article 30, alinéa 1, que les emplacements d'affichage mis à disposition des partis et groupements ayant déposé une prise de position ou participant à une élection soient mis à leur disposition trois semaines à l'avance, d'une part parce que la durée actuelle d'affichage de 10 jours est manifestement trop courte par rapport aux frais engagés et, d'autre part, parce qu'en raison du vote par correspondance généralisé, les électeurs commencent à voter plus tôt par rapport à la date du scrutin.
Le projet de loi prévoit encore, en son article 53, que les explications envoyées aux électeurs avant une votation soient rendues publiques deux semaines au moins avant leur expédition, afin que ceux-ci puissent, le cas échéant, faire usage du droit de recours prévu à l'article 180 de la loi pour violation éventuelle des opérations électorales cantonales et communales, dans l'hypothèse où ces explications ne respecteraient pas le droit d'objectivité qu'impose la jurisprudence du Tribunal fédéral. La situation actuelle résultant de la nouvelle jurisprudence du Tribunal administratif selon laquelle la notice explicative des autorités, quel que soit son contenu, ne peut pas faire l'objet d'une décision du Tribunal administratif, imposant rectification éventuelle de celle-ci, est totalement insatisfaisante vu l'importance que revêt cette brochure sur la formation de l'opinion de l'électeur et va à l'encontre de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle une telle rectification doit intervenir avant une votation pour éviter l'annulation éventuelle de celle-ci dans un cas où l'opinion de l'électeur aurait été faussée.
Pour les motifs exposés ci-dessus, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous ferez bon accueil à ce projet de loi, qui propose encore un certain nombre d'adaptations mineures à la loi actuelle visant à réparer certaines omissions survenues lors de sa modification intervenue le 20 octobre 1994.
Préconsultation
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Brièvement, voici le cadre dans lequel s'inscrit le dépôt de ce projet de loi. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a travaillé très longuement sur le projet de loi, déposé par le Conseil d'Etat et préalablement soumis en consultation. Ce projet de loi avait un but extrêmement louable, celui de lutter contre l'abstentionnisme. A part des divergences sur quelques points, les travaux en commission ont été plutôt consensuels, et le bon rapport de Mme Roth-Bernasconi a relaté l'ambiance dans laquelle nos travaux se sont déroulés.
Cependant, il y a eu quelques points de divergence que j'aimerais vous rappeler.
D'abord, le groupe de l'Alliance de gauche s'opposait à l'abandon de l'estampille. Quant à nous, les verts, nous étions opposés aux privilèges accordés aux partis représentés au Grand Conseil par rapport à ceux qui ne l'étaient pas, surtout en ce qui concernait les prises de position.
Par ailleurs, comme pour toute nouveauté concernant l'ensemble des citoyens, il fallait attendre l'application de la loi, afin d'en corriger quelques erreurs.
Je passerai maintenant au constat, puisque cette loi est appliquée depuis le 12 mars.
Première observation : de nombreuses personnes n'ont pas pu voter, car elles n'avaient pas pris leur carte de vote. Cela a été constaté par les présidents de locaux de vote, quelle qu'ait été leur appartenance politique. Suite à cela, une motion urgente a été déposée au Grand Conseil pour éviter que pareille situation ne se reproduise lors des élections municipales.
Deuxième observation : l'électeur peut voter dès qu'il reçoit la documentation, laquelle comprend la note explicative du Conseil d'Etat. Et si cette note donne matière à recours - cela est déjà arrivé - les électeurs peuvent voter avant que le recours ne soit tranché.
La clause qui permettrait d'annuler le vote en cas de résultats serrés, due à la note explicative, n'est pas une solution acceptable. Elle laisse trop de marge à l'interprétation.
Troisième constat : les délais, entre le moment où l'électeur peut voter et la date de la votation, sont si longs que le citoyen peut déjà voter, alors que la campagne des partis politiques n'a même pas commencé. Cela affaiblit considérablement les partis, qui n'en ont vraiment pas besoin.
Forts de ces constats et motivés par le même souci que le Conseil d'Etat de lutter contre l'abstentionnisme, nous avons décidé de proposer un projet de loi comportant quelques modifications, somme toute assez mineures, mais susceptibles d'améliorer le système.
Ces modifications sont basées sur les constats que je viens de vous énumérer.
Premièrement, la carte de vote. Notre projet propose qu'elle reste obligatoire pour le vote par correspondance, mais que, pour le vote dans un local de vote, elle soit demandée, certes, mais qu'elle puisse aussi être aussi remplacée par une pièce d'identité. Cela évitera de renvoyer les gens chez eux et de décourager les citoyens qui ont égaré leur matériel de vote. La plus grande modification consistera donc à revenir à l'utilisation du rôle électoral.
Deuxièmement, la note explicative. Notre projet suggère qu'elle puisse être consultée à la chancellerie, dès son établissement et avant qu'elle ne soit adressée aux électeurs. Ceux-ci devront être avisés de cette possibilité et informés de la date à laquelle ils pourront l'utiliser, par le biais des panneaux officiels.
Les autres modifications concernent principalement les délais. Le temps me manque ici pour les détailler, les expliquer, mais nous le ferons volontiers en commission. Elles visent à éviter, d'une part, que les électeurs puissent voter avant que la campagne ait débuté. Elles visent également à prolonger le délai d'affichage.
Enfin, d'autres modifications mineures vous sont également proposées, concernant le contrôle et la récapitulation des votes.
Mais, je le répète, le temps limité en préconsultation ne me permet pas d'entrer plus dans les détails.
Je vous demande donc de bien vouloir accepter de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques, qui vient de traiter la loi et qui a également été saisie de réactions de citoyens. Elle pourra traiter rapidement ce projet de loi, afin que les modifications, si elles sont acceptées, entrent promptement en vigueur pour éviter de nouvelles confusions.
M. René Longet (S). Ce projet de loi a pour but de permettre de faire le point sur les innovations récemment introduites dans l'exercice des droits politiques.
Je rappelle, à cet égard, que notre groupe s'était montré favorable à la proposition de M. Haegi d'en fixer l'entrée en vigueur à la fin de cette année seulement. La majorité du Grand Conseil en avait décidé autrement et, aujourd'hui, nous revenons avec ce projet de loi, pour poser un certain nombre de questions.
Il ne s'agit pas pour nous de remettre en discussion l'essentiel des innovations qui ont fait l'objet de cette révision et du rapport de Mme Roth-Bernasconi, s'agissant principalement du développement du mode de scrutin par correspondance; nous ne souhaitons pas remettre en question cette innovation.
En revanche, il s'agit de corriger, à partir des expériences faites ces deux derniers mois, un certain nombre de dysfonctionnements. Je me dispenserai de vous présenter les innovations, Mme Bugnon venant de le faire pour l'essentiel. Vous trouverez dans le texte des propositions d'amélioration du fonctionnement actuel.
En particulier, nous avons constaté, au fil des discussions avec les électeurs et d'autres personnes, que la plupart des cantons suisses pratiquaient bel et bien le système que nous avons introduit, mais assorti de modalités d'application relativement variables. Il serait donc intéressant, dans le travail de commission, de disposer d'une étude comparative des modalités concrètes, parce que ce sont toujours les détails qui font problème. Et, comme nous venons d'introduire un changement, cette étude nous permettrait de profiter au mieux des expériences faites ailleurs.
J'insisterai encore sur un point qui, pour nous, politiques, est des plus problématiques, comme l'a d'ailleurs relevé Mme Bugnon. Il s'agit de la fixation des délais résultant de l'innovation récemment votée. Nous ne voulons plus d'une situation où la moitié des électeurs ont voté, alors que les affiches n'ont pas encore été posées. Nous insistons donc pour un temps de campagne plus long et un temps de vote plus court. C'est pourquoi nous avons souscrit à des propositions d'adaptation des délais dans les deux sens.
Nous savons et en avons fait l'expérience, les uns et les autres, au cours de ces deux derniers mois que l'exercice des droits politiques est un thème très délicat, vu qu'il est au coeur du fonctionnement démocratique. Il nous appartient donc de le régler tout en finesse et de prendre le temps de le faire. Nous attendons du travail de commission une analyse précise et des propositions mûrement réfléchies. C'est pourquoi je vous remercie de renvoyer ce projet de loi en commission.
Mme Michèle Wavre (R). Le parti radical a pris connaissance de ce projet avec intérêt et étonnement. Intérêt, parce qu'il contient des propositions qui méritent examen. Etonnement surtout à cause de l'article 6 nouveau, qui nous paraît un retour en arrière d'autant plus regrettable que la grande majorité des électeurs s'est dite satisfaite, voire enthousiaste, du nouveau système d'élection et de votation.
Je vois que l'on veut revenir à ces bonnes vieilles listes dont on biffe les noms, un à un, et je le regrette.
La commission des droits politiques avait, comme l'a rappelé Mme Bugnon, bien et longuement travaillé. Elle a mis sur pied un système comparable à celui de nombreux cantons suisses, lequel a facilité le scrutin à tout le monde. Il a été expérimenté deux fois à Genève et, d'après une étude effectuée par le service des votations et élections, environ 95% des votants l'ont approuvé. La plupart des présidents de bureaux ont apprécié ce système, parce que plus rapide, plus sûr et plus pratique.
D'autre part, si l'on doit revenir à l'ancien système, on devra recruter à nouveau des jurés toujours très difficiles à trouver.
Ces réserves faites, notre groupe accepte volontiers le renvoi en commission de ce projet de loi qui rejoindra un projet de loi radical sur le même sujet. Cela permettra une réflexion complète et, nous l'espérons, exhaustive.
M. Armand Lombard (L). Je pourrais reprendre ce que j'ai dit à propos du projet de loi 7229. La maladie du changement a frappé à nouveau et, plutôt que d'être créatifs, inventifs et de faire fonctionner la cité, nous en sommes à ratiociner et à ressasser de vieilles procédures.
En fait, la vieille procédure ne l'est pas tellement, puisque la loi, critiquée par les auteurs du présent projet, n'est appliquée que depuis quatre mois. Elle n'a été utilisée que deux ou trois fois dans le canton. Donc, je ne dirai pas que ce projet de loi nous permet de faire le point après quatre mois. Tout simplement, nous sommes en train de reculer.
Nous irons en commission des droits politiques si vraiment nous devons y aller. Simplement, nous considérons cela comme une retenue d'application d'un système qui est bon, qui fonctionnera bien, une fois les plâtres essuyés et les aspects négatifs redressés, et, bien sûr, une fois que les gens s'y seront habitués.
S'il s'agit, comme le propose Mme Bugnon, d'échanger la carte de vote contre une pièce d'identité, c'est vraiment vert bonnet et bonnet vert, c'est piétiner sur place et ne rien savoir prévoir de nouveau pour notre République !
Nous ne pourrons rien faire de mieux en l'état de ce projet, et puisque la démocratie requiert d'aller en commission, nous irons !
M. Claude Blanc (PDC). Le groupe démocrate-chrétien, pour sa part, propose également le renvoi en commission, car il sera intéressant, après la mise en application de cette loi, que la commission puisse se pencher rapidement sur ses défauts de jeunesse, notamment sur celui qui avait fait l'objet de la motion votée, il y a quelque temps déjà, et sur le problème des gens qui votent avant d'avoir pu recevoir toute documentation utile. C'est gênant pour les partis qui devront élargir le temps, déjà difficile à gérer, de leur campagne électorale. Ils devront donc trouver des solutions pour ce faire.
Nous n'entrerons pas en matière sur tous les articles de ce projet de loi. En revanche, il est d'autres problèmes qui n'apparaissent pas dans le projet et qui pourraient être abordés en commission.
Lors des dernières élections municipales, j'ai fonctionné en tant que contrôleur du parti démocrate-chrétien en remplacement de notre contrôleur habituel, qui était candidat dans une commune. A cette occasion, j'ai constaté des choses bizarres, par exemple des noms biffés et soulignés sur les bulletins de vote. Il paraît que c'est admis depuis toujours. Si un nom est marqué avec un stabilo transparent jaune ou vert, l'on considère que l'électeur a voulu marquer sa préférence. En revanche, s'il l'est avec un feutre noir... C'est ainsi que l'on apprécie si un nom est biffé ou souligné... Alors si, pour biffer des noms, je prends la première arme venue et s'il se trouve que c'est un stabilo, je soulignerai des noms que j'entendais écarter ! Encore heureux, dans ce cas, que l'on ne considère pas que j'ai voulu les cumuler !
Un autre problème se pose aussi avec plusieurs bulletins dans une même enveloppe. Conformément à des instructions données, certaines communes nous ont expédié des enveloppes contenant plusieurs bulletins et, conformément à la loi, nous les avons tous annulés. La commune de Dardagny a mal interprété les directives. Les enveloppes ont été ouvertes, tous les bulletins ont été mis sur la table, si bien qu'on ne pouvait plus distinguer les bons de ceux qui ne l'étaient pas, d'où la décision du Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales dans la commune de Dardagny.
Mais le dimanche, on s'est aperçu que tous les bureaux de vote n'avaient pas envoyé ces enveloppes avec tous les bulletins. Aussi, je trouve étrange qu'il y ait eu des bureaux où l'on n'a pas trouvé d'enveloppes contenant plusieurs bulletins. On pourrait encore l'imaginer, si je n'avais appris, les jours suivants, que dans une commune, on ouvrait les enveloppes; s'il y avait plusieurs bulletins, on jetait le surplus à la corbeille après en avoir gardé un. Je ne sais pas comment on le choisissait... (Rires.) C'est un député, ici présent, qui a constaté le fait dans sa commune. Il ne pourra plus intervenir, le groupe libéral s'étant déjà exprimé. Mais je trouve aberrant que l'on n'ait pas pris garde à ce genre de dérive, parce que ce qui s'est passé dans cette commune est beaucoup plus grave que ce qui s'est passé à Dardagny où les opérations électorales ont été annulées.
Tout cela vaut la peine que la commission des droits politiques se penche à nouveau sur cette loi, afin de voir ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne mal.
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Blanc a très clairement répondu à M. Lombard qui parlait d'un bonnet vert qu'il semble avoir descendu sur ses yeux ! Effectivement, tous les problèmes, tels que ceux développés par Mme Bugnon, M. Longet, Mme Wavre ou M. Blanc, existent véritablement, et vous êtes le seul, Monsieur Lombard, à ne pas vous en rendre compte.
Je vous rappellerai simplement que le but, à l'origine, de cette modification était de lutter contre l'abstentionnisme. Alors, vous comprendrez, Monsieur Lombard, que l'on ne lutte pas contre l'abstentionnisme en rendant plus difficile le mode de vote, voire en le rendant impossible.
Il n'est pas proposé de revenir à un système antérieur, mais simplement de garder le mode de vote avec carte obligatoire pour le vote par correspondance, qui - le président nous le dira tout à l'heure - se développe très rapidement. Dès lors, l'on peut penser qu'il sera pratiqué, dans un proche avenir, par les deux tiers des votants.
Mais pour le tiers restant, c'est-à-dire pour les gens qui feront encore la démarche de se rendre au bureau de vote, il n'y a aucune raison de rendre la carte de vote obligatoire, puisque c'est précisément cette contrainte, dont le Conseil d'Etat ne voulait pas, qui est à l'origine du projet de loi.
Cette contrainte peut avoir pour conséquence d'empêcher des citoyens de voter, et c'est cela que nous devons éviter à tout prix. Nous le pouvons, avec des moyens faciles à disposition, d'où l'objet de ce projet de loi que je vous invite à analyser en commission.
Reste encore un aspect qui a été rapidement souligné mais qui mérite que l'on s'y arrête trente secondes au moins : c'est la notice explicative envoyée par le Conseil d'Etat à tous les électeurs.
Avec le vote par correspondance, on envoie tout en même temps. On n'envoie non seulement la carte de vote, mais aussi la notice explicative. C'est dire que le jour de la réception de l'enveloppe, n'importe quel citoyen peut déjà faire usage de son droit de vote. S'il devait y avoir des problèmes, comme cela s'est produit lors de la votation sur l'Alhambra, avec le contenu de la notice explicative, n'importe quel citoyen qui voudrait faire valoir ses droits politiques devant le tribunal administratif ne le pourrait plus, parce que, nous en avons eu l'expérience avec la votation précitée, le Tribunal administratif a déclaré ne pas pouvoir intervenir, puisqu'avant d'avoir été saisi des citoyens s'étaient déjà prononcés.
Dès lors, nous devons attendre le résultat de la votation et, s'il y a un résultat très serré, le Tribunal examinera alors les violations des droits politiques invoquées et pourra, le cas échéant, annuler la votation et demander que l'on vote une deuxième fois. Cela, personne ne le souhaite et il y a un moyen très simple de l'éviter : prévoir que la notice explicative soit consultable, par les partis politiques et les électeurs qui le désirent, deux semaines avant son envoi aux citoyens. Cela permettra, le cas échéant, que d'éventuels recours puissent intervenir avant l'adressage de cette notice. Voilà encore un élément qui fera que soit respecté l'ensemble des droits démocratiques des citoyens, ce que la loi actuelle n'assure pas.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Comme le rappelait votre collègue, M. Longet, je vous avais suggéré une entrée en vigueur le 1er janvier 1996, sachant à quel point un tel sujet est sensible et suscite des réactions multiples. Cela s'est produit chaque fois que l'on a tenté de modifier la moindre des choses dans le cadre des exercices des droits démocratiques.
Vous avez décidé d'une entrée en vigueur le 1er janvier 1995. Aujourd'hui, après avoir vécu cette expérience de quelques mois, je dirai que vous avez eu raison, en dépit de remarques concernant un nombre infime de cas qui ne sauraient voiler la réussite du résultat.
Maintenant, vous présentez un projet de loi. Cela me paraît tout à fait prématuré, d'autant plus que je vous avais dit, avant la votation, que je souhaitais que la commission des droits politiques se réunisse pour faire le point et que je puisse vous transmettre toute une série d'informations allant, comme le relevait le député Blanc, au-delà de ce projet de loi, de manière à envisager, si nécessaire, les adaptations qui pourraient s'imposer. Toute est perfectible, cette loi également.
Vous avez choisi une autre méthode, qui s'inscrit dans le prolongement des démarches que vous aviez engagées avant même que la votation ait eu lieu. Depuis, vous avez pu enregistrer les déclarations de satisfaction des 99,9% de la population et l'on aurait pu penser que cela vous inciterait à participer à cette commission des droits politiques, de prendre note de la situation et de voir ensuite s'il était nécessaire de légiférer.
C'est donc en commission que je développerai les arguments que j'ai à vous faire connaître ou à vous rappeler concernant, notamment, l'usage de la carte d'électeur. Je souhaite que l'on n'y revienne pas et je vous en dirai la raison. Certains, en disant qu'une carte d'identité est analogue, banalisent certains problèmes informatiques, mais je crois qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin ce soir. Nous reprendrons la discussion en commission, avec la satisfaction d'avoir à traiter d'une réforme dont les premiers succès sont réels et ont été largement reconnus.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
La présidente. Conformément à l'annonce que je vous ai faite en début de séance, le point 22 sera traité lorsque le Grand Conseil se sera prononcé sur le point 33. Nous passons donc au point 23 qui sera traité conjointement avec le point 24.