République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 15e séance
PL 7219
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit:
Art. 19, al. 1 (nouvelle teneur)
Autorité compétente
1 Le Conseil d'Etat fixe la date des opérations électorales cantonales et communales, 14 semaines avant le dernier jour du scrutin.
Art. 22 (nouvelle teneur)
Prises de position
1 Les partis politiques siégeant au Grand Conseil (pour les votations fédérales et cantonales) et au Conseil municipal (pour les votations communales), ainsi que les auteurs d'un référendum ou d'une initiative peuvent déposer au département, lors de chaque votation, leur prise de position. Ce dépôt doit s'effectuer au plus tard le lundi avant midi, 7 semaines avant le dernier jour de scrutin.
2 Les prises de position sont expédiées aux électeurs et affichées dans chaque isoloir.
Art. 30, al. 1 et 3 (nouvelle teneur)
Emplacements d'affichage
1 Les pouvoirs publics mettent gratuitement à la disposition de chaque parti politique, autre association ou groupement ayant déposé une liste de candidats, un nombre égal d'emplacements d'affichage de mêmes formes et surface, placés aux mêmes endroits, à partir du 11e jour précédant le dernier jour du scrutin.
3 La demande de pouvoir disposer de panneaux officiels doit être faite par écrit simultanément avec le dépôt de listes de candidats.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La nouvelle procédure du vote par correspondance introduite à Genève depuis 1991 n'a cessé de rencontrer un succès grandissant. Récemment, le Grand Conseil a d'ailleurs modifié la loi sur l'exercice des droits politiques afin d'en fixer l'exécution.
Pour mémoire, à l'occasion de la votation du 4 décembre 1994, 28 465 électrices et électeurs ont utilisé la possibilité du vote par correspondance; ils représentent 30% des votants («Tribune de Genève» du 2 décembre 1994). Il convient à ce propos de relever qu'en raison de la simplification de la procédure, le vote par correspondance enregistrera certainement une nouvelle augmentation dans les mois à venir.
Or, que faut-il constater aujourd'hui à ce propos? En fait, en raison des délais prévus par la législation, les électeurs qui recourent à cette possibilité de vote ne disposent pas des prises de position des partis politiques, ni de celles d'autres associations ou groupements. En effet, la loi fédérale sur l'exercice des droits politiques précise que les électeurs doivent être en possession de leur matériel électoral trois semaines avant le scrutin et la législation genevoise fixe que le dépôt des prises de position des partis et groupements n'intervient que le lundi, trois semaines avant le scrutin.
A la lecture des textes, on constate que les électeurs disposent, trois semaines avant le vote, simultanément du matériel électoral et des prises de position des partis et groupements. Mais en réalité, il faut 10 jours au service des votations et élections pour expédier le matériel de vote aux électeurs afin de respecter le délai de trois semaines fixé par la législation fédérale. Il est donc possible aux électeurs de voter quatre à cinq semaines avant le scrutin et donc une à deux semaines avant le dépôt des prises de position.
Le but du présent projet de loi est de proposer au Conseil d'Etat de fixer les objets soumis à votation 14 semaines avant celles-ci et de porter le délai de dépôt des prises de position à sept semaines avant le scrutin; ce délai laisserait aux partis et groupements sept semaines pour déposer leurs prises de position.
Cette modification du délai permettrait ainsi à l'Etat d'imprimer et d'expédier les prises de position des partis politiques, d'autres associations ou groupements à tous les électeurs, simultanément avec le reste du matériel électoral. Il est vrai que cette modification entraîne une légère croissance des coûts à la charge de l'Etat; en compensation et conformément aux exigences en matière budgétaire, le projet de loi propose de supprimer la mise à disposition gratuite de panneaux d'affichage lors des votations.
Il faut noter à ce sujet que la commission sur l'exercice des droits politiques a constaté que plus personne ne regardait ces affiches en raison de leur surnombre. Pour mémoire, rappelons que, lors des dernières votations, il y avait 40 m d'affiches devant chaque local de vote. De plus, le message unique est noyé ! A cette occasion, il paraît que l'Etat a même dû faire venir des panneaux du canton de Vaud pour un coût de plus de 55 000 F.
Il va de soi que les partis politiques comme d'autres associations ou groupement pourront toujours obtenir un emplacement d'affichage: cette possibilité restera à leurs frais pour les votations et gratuite pour les élections.
C'est pour ces différentes raisons que nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir faire bon accueil à ce projet de loi.
Préconsultation
M. Roger Beer (R). Ce projet de loi ressort directement de l'expérience très brève des dernières votations et des problèmes liés aux délais, car nous nous sommes rendu compte que les citoyens qui votent par correspondance le font sans être informés des différentes positions des partis. C'est un sérieux problème pour la démocratie.
La semaine dernière, nous avons eu l'occasion d'aborder d'autres problèmes qui se régleront probablement d'eux-mêmes avec l'habitude. Par contre, le sujet évoqué dans notre projet de loi est un peu différent, car il lié à une habitude, qui, après les modifications instaurées, va devenir de plus en plus importante. Le 4 décembre - on a pu le lire dans «La Tribune» - 30% des personnes ont utilisé le vote anticipé.
Le problème qui se pose est qu'en votant à la maison on reçoit l'information des prises de position du Conseil d'Etat, des partis, des groupes et des initiants, trois semaines seulement avant les élections. Nous proposons simplement que ces informations soient envoyées avant, soit sept semaines avant, pour que les personnes qui votent par anticipation aient connaissance des prises de position des uns et des autres. En effet, actuellement, la date d'une élection est décidée quatorze semaines avant et les informations doivent parvenir chez les gens trois semaines avant. Cela fait que, pendant une ou deux semaines, des gens peuvent voter sans avoir reçu les informations. Or, nous estimons que la démocratie exige que les citoyens votent en connaissance de cause. Cela obligerait également les partis, qui sont malgré tout un des éléments essentiels de cette démocratie, à prendre position et à la communiquer aux citoyens par l'intermédiaire de la Chancellerie ou par le service des votations. Il ne s'agit donc que d'un déplacement de quelques semaines, en agissant sur les délais.
L'exposé des motifs de notre projet de loi indique que cela peut engendrer des frais supplémentaires, mais nous avons osé suggérer la gratuité des panneaux d'affichage lors des votations. Personnellement, cela ne me plaisait pas tellement, mais on ne voulait pas s'entendre dire dans cette honorable enceinte qu'on ne pouvait pas déposer un projet de loi sans couverture financière. Nous avons proposé ce projet en pensant que nous en discuterions en commission. En effet, il y aura des coûts supplémentaires, mais, d'un autre côté, la démocratie a un prix. La gratuité des panneaux d'affichage doit être conservée pour les élections, mais la multiplication des prises de position et donc des panneaux d'affichage pour les votations, comme l'année dernière, nous amène à nous poser la question de l'efficacité de ces affiches. C'est ce qui nous a poussés à suggérer une modification des délais pour l'envoi des informations.
Je vous invite donc à accueillir favorablement ce projet de loi et à le renvoyer à la commission des droits politiques où nous pourrons en discuter avec le Conseil d'Etat, avec le service des votations, avec tous les groupes, notamment avec les socialistes qui travaillent sur un projet similaire. Nous devrions réussir à trouver une solution réaliste par rapport à la démocratie.
M. Christian Grobet (AdG). Nous avons pris connaissance avec intérêt du projet de loi déposé par les députés du groupe radical. Monsieur Beer, l'un de ses points rejoint nos préoccupations, à savoir qu'il paraît effectivement souhaitable, en raison de l'extension du vote par correspondance, que les électrices et les électeurs aient connaissance des prises de position des différents groupements politiques ou autres associations, lors de votations.
Vous le savez, nous avons préparé un autre projet de loi que nous déposerons sur un certain nombre de points qui nous paraissent insatisfaisants dans le cadre de la loi actuelle sur les droits politiques. Nous avons fait la même analyse que la vôtre, et nous trouvons souhaitable que les prises de position soient déposées plus rapidement, pour permettre aux électeurs d'en prendre connaissance avant de voter.
J'ai pris note avec intérêt des nuances que vous avez apportées dans votre intervention, parce que nous ne pensons pas que la communication de ces prises de position, qui pourraient être intégrées à la notice explicative que le Conseil d'Etat adresse aux électrices et électeurs à cette occasion, entraîne un supplément de coût. Même s'il y avait une augmentation de coût - à mon avis inexistante - cela ne justifierait pas la suppression des panneaux d'affichage mis à disposition lors des élections et votations.
J'ai noté aussi avec satisfaction que vos explications sont nuancées. Je tiens tout de même à dire que, s'il y a effectivement eu, lors de la votation du mois de décembre, une prolifération excessive d'affichage due à la multiplicité des groupements qui avaient pris position, cela reste un cas exceptionnel. Ce mode de faire est quand même un moyen démocratique important pour des groupements qui ont peu de moyens financiers. Cela leur permet de s'exprimer sur la voie publique.
Notre groupement est extrêmement préoccupé par la disparité des moyens en présence lors des votations et des élections. Certains groupes, comme ceux d'en face, bénéficient d'un journal hebdomadaire pour véhiculer leur propagande gratuitement. Nous, nous ne pouvons pas nous payer ce genre de journal... (Contestation houleuse de l'Entente.) Vous avez beaucoup de chance d'avoir un journal porte-parole du parti libéral, même s'il est vrai qu'il prêche la bonne parole pour le parti démocrate-chrétien et le parti radical.
Lors des votations du mois de décembre sur les nocturnes, les milieux économiques ont investi 200 000 F dans cette campagne. (Forte manifestation.) C'est un simple constat. Je sais bien que pour vous, Monsieur Fontanet, cela n'est rien. Je conçois que les milieux économiques sont derrière vos partis et que cette somme est une bagatelle. Mais beaucoup de groupements ne disposent pas de tels moyens financiers ! L'affichage est donc un moyen très important pour que les petits partis puissent s'exprimer démocratiquement, car les annonces dans la presse et les tracts coûtent cher.
Par contre, nous estimons que la durée de cet affichage est trop courte par rapport à la dépense que représente l'impression d'une affiche. Nous pensons donc que cette durée devrait être portée à trois semaines.
Enfin, dernière remarque, votre projet de loi exige un délai relativement long de trois mois et demi pour fixer la date d'une votation. C'est un avantage, car il donne aux groupements le temps de se préparer, mais, par contre, si une votation est urgente, ce délai de trois mois et demi peut se révéler un peu long. C'est la raison pour laquelle il faudra examiner en commission dans quelle mesure ce délai se justifie. Il faudrait peut-être fixer un délai intermédiaire pour le dépôt des prises de position, afin de pouvoir les envoyer en temps voulu aux électrices et aux électeurs.
M. Laurent Moutinot (S). M. Beer se demande où en est le projet socialiste sur le même sujet. Monsieur Beer, il se trouve en grande partie dans votre propre projet, parce que, lors de la session de février, Mme Roth-Bernasconi et M. René Longet ont fait circuler dans les différents groupes des projets dans le but de modifier la loi s'agissant des délais de publication et d'affichage. (Les commentaires vont bon train.) Vous anticipez, Mesdames et Messieurs les députés, sur ce que vous imaginez que je vais dire ! Monsieur Grobet, c'est vrai qu'il y a aussi un projet de l'Alliance de gauche ! Toujours est-il que, lorsque ces discussions ont commencé en février, l'un des éminents membres de la députation radicale nous a répondu que le sujet était délicat, qu'il fallait réfléchir et qu'on ne pouvait rien déposer tout de suite. Alors, nous avons repris notre projet pour y réfléchir. (Les députés interpellent l'orateur qui a du mal à s'exprimer.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en préconsultation. Chaque député n'a droit qu'à cinq minutes, alors, si vous interrompez les orateurs... (La présidente s'étouffe littéralement.) ...cela devient ingérable. Monsieur Moutinot, je vous rends une minute !
Une voix. Tape-lui dans le dos, Jean-Luc !
M. Laurent Moutinot. Merci, Madame.
Ce projet de loi pose une simple question de délais qui doit être résolue assez rapidement. Monsieur Fontanet, vous connaissez la solution des délais ! (Rires.) En tout cas, votre parti la connaît ! A défaut, la propagande et la publicité faites par les partis s'avèrent inopérantes dès lors qu'elles sont reçues après que les électrices et les électeurs ont fait leur devoir électoral.
Tout autre est, en revanche, le projet consistant à rendre payant la publicité par affichage pour les votations. Cela n'a rien rigoureusement rien à voir avec l'amélioration que nous devons apporter au système de vote par correspondance, et nous le condamnons.
Lorsque nous essayerons de trouver une solution à ces problèmes de délais, nous devrons veiller à ce que la législation fédérale en la matière soit respectée. En effet, nous n'avons pas pris garde aux délais au niveau fédéral, s'agissant notamment de l'envoi du matériel de vote par correspondance.
Il faut éviter, dans toute cette affaire, que de trop longs délais rendent le débat politique permanent. En effet, s'il est excellent de discuter de politique le plus souvent possible, un arrosage continu et permanent de nos concitoyennes et de nos concitoyens aurait certainement pour effet déplorable de les lasser et de les dégoûter encore plus qu'ils ne le sont actuellement de la chose publique. Il faudra, par conséquent, en examinant ce projet de loi veiller à trouver des solutions simples, qui ne soient pas du replâtrage et qui assurent un débat politique dans les meilleures conditions possibles.
M. Andreas Saurer (Ve). Les deux premiers changements d'article ne posent pas de problèmes majeurs. En revanche, le changement que vous proposez à l'article 30, qui signifie, comme vous le dites par ailleurs dans l'exposé des motifs : «...de supprimer la mise à disposition gratuite de panneaux d'affichage lors des votations.» pose évidemment un grave problème; vous l'avez dit vous-même, Monsieur Beer. Je trouve quelque peu dangereux de vouloir pénaliser les droits démocratiques au nom de l'équilibre budgétaire. Je suis d'accord que celui-ci a son importance, mais je crois que nous sommes tous conscients que la lutte contre l'abstentionnisme est également une priorité de notre activité politique.
Je me suis renseigné, par ailleurs, sur les coûts des panneaux : environ 20 F par panneau d'affichage. Vous savez que nous avons près de trois cents panneaux à notre disposition, cela fait donc à peu près 6 000 F par votation pour les organisations qui veulent faire coller des affiches, par rapport aux 300 F que nous payons aujourd'hui pour la mise à disposition gratuite des panneaux. Selon les ressources des organisations et des partis politiques ces 6 000 F peuvent représenter un problème de financement plus ou moins important. Pour un parti comme le nôtre et pour toute une série d'associations dans lesquelles je milite, c'est une somme tout à fait exorbitante. Cette mesure serait donc un frein pour toutes ces associations qui ne pourraient plus participer aux campagnes, ce qui n'est certainement pas le but de votre projet de loi.
Nous sommes tout à fait d'accord d'envoyer ce projet de loi en commission, mais, au nom des droits politiques, nous émettons les plus grandes réserves en ce qui concerne l'article 30. Je suppose que vous êtes conscients, vous-mêmes, de cette problématique.
M. Bénédict Fontanet. Nous n'allons pas disputer la paternité de ce projet de loi au groupe socialiste ou au groupe radical. Toujours est-il que c'est le groupe radical qui a reconnu, le cas échéant, l'enfant illégitime ! Nous avions été invités à signer cette proposition. J'avais été interpellé par M. Moutinot à ce sujet, mais il m'a semblé que le libellé n'était pas tout à fait adéquat, aussi l'avais-je renvoyé à ses études, ainsi que d'autres de mes collègues. Son projet a été repris par les radicaux qui l'ont pris de vitesse. Hélas, les quelques préoccupations que nous avons tous en ces temps ne sont peut-être pas totalement étrangères à ce résultat !
Je tiens juste à signaler que ce projet semble poser quelques problèmes, notamment l'article 30 que vous proposez. En effet, à teneur de cet article, on pourrait afficher à partir du onzième jour précédant le scrutin. Cela aboutirait à ce que l'on puisse voter pendant quinze jours en Ville de Genève et dans les communes, alors que l'affichage n'aurait pas encore lieu. Il semble que votre proposition à ce niveau-là ne soit pas judicieuse.
Par contre, je n'ai absolument pas compris - mais peut-être n'était-ce pas à ma portée - les remarques de M. Grobet. Il semblait situer le problème au niveau du financement de l'activité politique, de la campagne et de l'affichage en matière politique, mais je crois que tel n'était pas le débat de ce soir. Il est vrai que M. Grobet a essayé à deux reprises de mettre la main sur un quotidien, mais en vain, heureusement pour nous... (Eclat de rire et applaudissements de la droite.)
Mesdames et Messieurs nous ne sommes accusés que d'avoir essayé de circonvenir un hebdomadaire avec lequel un certain nombre d'entre nous n'ont que des liens très distants, voire ténus, et, jusqu'à présent, nous n'avons pas tenté d'OPA sur un journal, parce que, nous, nous n'en avons pas les moyens.
Cela étant c'est bien volontiers que le groupe démocrate-chrétien étudiera ce projet de loi en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques.