République et canton de Genève

Grand Conseil

No 15

Jeudi 30 mars 1995,

nuit

Présidence :

Mme Françoise Saudan,présidente

La séance est ouverte à 21 h 15.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Claude Haegi, conseiller d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Boesch, Liliane Charrière Urben, Hervé Dessimoz, Luc Gilly, David Hiler, Alain-Dominique Mauris, Geneviève Mottet-Durand, Barbara Polla, Jean-Pierre Rigotti, Maria Roth-Bernasconi, Max Schneider, Jean Spielmann et Jean-Philippe de Tolédo, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

La présidente. Le projet de loi suivant est parvenu à la présidence :

PL 7229
de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey (S), Fabienne Bugnon (E), John Dupraz (R), Gilles Godinat (AG), Pierre-François Unger (DC) et Hervé Burdet (L) modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève. ( )   PL7229

Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

b) de propositions de motions;

La présidente. Les propositions de motions suivantes sont parvenues à la présidence :

M 995
de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey (S), Roger Beer (R), Florian Barro (L) et Pierre-François Unger (DC) concernant les cours d'éducation physique. ( )  M995
M 996
de Mmes et MM. Sylvia Leuenberger (E), Max Schneider (E), John Dupraz (R), Sylvie Châtelain (S) et Martine Roset (DC) encourageant l'agriculture genevoise, biologique et intégrée. ( )M996

Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

La présidente. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :

I 1932
de M. Bénédict Fontanet : Swissair et Genève, quel avenir ? ( )   I1932

Cosignataires : Claude Blanc, Nelly Guichard, Jean Opériol, Jean-Luc Ducret, Henri Duvillard.

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7220
4. Projet de loi de Mme et M. Elisabeth Häusermann et Roger Beer modifiant la loi instituant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée (B 5 16). ( )PL7220

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi instaurant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée, du 15 décembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Cette rente peut être calculée en tenant compte du taux moyen d'activité.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Dans son article 3, la loi instituant le nouveau Plend (B 5 16) stipule qu'une rente égale à 20% du dernier traitement mensuel de base peut être versée au fonctionnaire qui entend bénéficier des mesures accordées pour prendre une retraite anticipée.

Quant à la modalité d'application de cet article, en l'absence de toute autre précision, le département de l'instruction publique (DIP) a décidé de s'en tenir à la lettre de la loi, au pied de la lettre même.

L'indemnité d'un enseignant sera donc calculée non seulement sur la base de son dernier traitement mensuel comme la loi le stipule, mais encore sur celle du dernier poste assumé, c'est-à-dire du taux d'activité de sa dernière année d'enseignement.

Cette application à la lettre présente deux défauts majeurs :

Premièrement, elle conduit à des situations choquantes par leur inégalité. Imaginons un fonctionnaire qui aurait enseigné à plein temps pendant 25-30 ans et n'aurait enseigné à mi-temps qu'au cours d'une année ou deux en fin de carrière. Imaginons un autre fonctionnaire qui, après avoir enseigné pendant une dizaine d'années à mi-temps, aurait assumé un poste à plein temps seulement pendant sa onzième année d'enseignement.

Le premier ne recevrait que le 20% du traitement de son dernier mi-temps (malgré son service pendant 25-30 ans à plein temps), donc d'un salaire réduit de moitié déjà, alors que le second recevrait le 20% du traitement correspondant au plein temps de sa dernière année (assumé donc que peu de temps durant).

Le fonctionnaire ayant assumé la charge la plus lourde se trouverait ainsi prétérité. C'est d'ailleurs fort probablement ce fonctionnaire-là, celui ayant derrière lui la carrière la plus longue qui, pour continuer à pouvoir assumer son travail de la meilleure manière possible, aura réduit son poste à cinq ans de l'âge de l'AVS.

Le deuxième défaut est tout aussi inacceptable puisqu'il induit des effets qui sont exactement contraires à ceux attendus par la loi que le parlement a votée.

Par une application de la loi qui ne tiendrait pas compte du taux moyen d'activité, les enseignants qui auraient réduit leur poste en fin de carrière se trouvent encouragés à demander à réoccuper un poste «plus élevé» dans le cadre de la garantie d'emploi qui est la leur. Et cela précisément pour pouvoir bénéficier, au bout d'une année, d'une indemnité plus équitable. Il va de soi que ce n'est pas ce que le législateur a voulu. D'autant plus que c'est bien dans l'enseignement secondaire que la moyenne d'âge des enseignants est la plus élevée. Une des conséquences, souhaitable, des mesures d'encouragement à la retraite anticipée aurait été, à juste titre, le rajeunissement de ce corps professoral. C'était d'ailleurs un des arguments clés du projet de loi de MM. Roger Beer et Hervé Dessimoz (PL 6930), projet rejeté par le Grand Conseil le 17 septembre 1993.

Revenons à l'âge des enseignants et à leur travail:

Pour tenir compte de la particularité du travail du corps professoral, et du fait que les membres de ce dernier réduisent souvent volontairement leur poste après vingt ou vingt-cinq ans de carrière, leur rente doit être calculée en fonction du taux moyen d'activité, c'est-à-dire de la moyenne des postes occupés, et non sur la base seulement du dernier poste occupé.

A vrai dire, la loi telle qu'elle a été votée ne devrait pas empêcher le département de l'instruction publique (DIP) d'en faire une application conforme au but visé, c'est-à-dire favoriser la retraite anticipée.

Tout en prenant le dernier traitement mensuel lequel tient compte des annuités notamment comme base pour le calcul des indemnités, rien n'interdit de faire ce calcul en retenant le taux moyen d'activité.

Dans l'application que le DIP fait de cette nouvelle loi, il confond à notre humble avis le «dernier traitement mensuel de base», sorte de catégorie salariale, déterminée par la classe à laquelle le fonctionnaire appartient et par le nombre d'annuités acquises, avec le «dernier traitement mensuel», considéré en valeur absolue. Cette interprétation ne saurait être retenue puisqu'elle peut conduire aux effets que nous avons indiqués plus haut, dont l'un est exactement contraire à l'objectif recherché par cette loi.

Il est évident que notre propos ne s'arrête pas qu'aux seuls enseignants mais qu'il s'agit bien d'assurer à l'ensemble des fonctionnaires qui accepteraient de prendre une retraite anticipée des mesures qui, à la fois, les encouragent réellement à le faire et soient, par ailleurs, équitables.

Si l'application actuelle de la loi, erronée à notre sens, a pu conduire à des décisions injustes à l'égard de certains fonctionnaires, dans les années précédentes, il convient de restaurer «a posteriori» une juste indemnité de compensation.

Enfin, le délai imparti aux enseignants pour demander une retraite anticipée a été fixée au 28 février et l'organisation de la prochaine année scolaire va être entreprise sous peu au niveau des différentes directions d'écoles. Il est donc urgent d'adopter cette modification au plus vite afin qu'il soit encore possible d'empêcher les effets pervers de l'application exercée jusqu'ici.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, il nous apparaît nécessaire de préciser au Conseil d'Etat, par la modification que nous vous demandons d'adopter, comment nous entendons éviter que la loi soit estropiée par l'application qui en est faite. Nous vous remercions d'accueillir favorablement ce projet de loi.

Préconsultation

Mme Elisabeth Häusermann (R). Nous soumettons à votre approbation, ce soir, une modification de loi qui permettra de calculer le PLEND en tenant compte du taux moyen d'activité, ce qui nous semble être la manière correcte d'application de l'idée radicale, reprise et défendue en 1993 par mes collègues MM. Beer et Dessimoz.

Nous sommes bien conscients que la question soulevée dans ce projet de loi concerne l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat. Nous pensons particulièrement à l'enseignement, ce secteur de la fonction publique où l'emploi peut être plus fréquemment à temps partiel ou fractionné : partage du travail tout souhaité.

A en croire certains, le PLEND ne fait surtout que diminuer le nombre d'emplois dans ce canton.

Or, ce même PLEND présente deux avantages importants qui semblent facilement oubliés :

1) Le maintien d'une dynamique nécessaire à l'école genevoise passe aussi par un rajeunissement du corps professoral.

On sait que nous nous trouvons dans une situation particulière, notamment dans l'enseignement secondaire : celle d'un vieillissement généralisé du corps enseignant qui a déjà des conséquences très importantes sur l'ouverture de cette carrière à des jeunes, et en aura sous peu de très lourdes, puisque, dans une dizaine d'années, des départs massifs d'enseignants auront lieu - entre cent vingt et cent cinquante par an.

Si on ne prend pas les mesures adéquates, particulièrement utiles pour le corps enseignant secondaire, on se retrouvera dans la situation d'il y a vingt-cinq ans, où on devait engager à tour de bras, recourant même à des jeunes qui n'avaient pas encore achevé leur formation universitaire, ou en allant recruter en Belgique francophone...

La modification de la loi permettra d'éviter l'inégalité de traitement, comme illustrée dans l'exposé des motifs, et d'inviter les enseignants à planifier leur retraite en toute sérénité.

En effet, certains membres du corps professoral réduisent volontairement leur charge horaire dans les dernières années de leur carrière pour mieux répondre aux attentes et aux exigences cumulées et parfois croisées/contradictoires des élèves, des parents et des autorités. Ainsi, ces enseignants seront mieux armés contre le stress et toute autre atteinte à leur santé. En même temps, la diminution de la charge horaire des enseignants en fin de carrière et la libération de postes par d'autres profitant du PLEND permettront aux jeunes enseignants de trouver un emploi stable plus rapidement.

Aujourd'hui, il est difficile ou presque impossible pour un jeune d'être engagé dans un établissement public à l'issue de sa formation pédagogique. Preuve en est l'âge moyen des enseignants titularisés. Mme Brunschwig Graf, présidente du DIP, me corrigera, mais il doit tourner autour des trente-quatre ans. Quand on sait qu'un candidat peut faire sa licence normalement entre vingt-trois et vingt-cinq ans, ces réalités laissent perplexe et songeur...

Puisqu'on parle de chiffres, il serait intéressant, en plus de l'âge moyen des enseignants au moment de leur titularisation, d'en connaître aussi le nombre. Par la même occasion, nous aimerions savoir combien d'enseignants sont aujourd'hui à cinq ans de la retraite, donc en âge de préretraite et, de ce fait, susceptibles de pouvoir profiter du PLEND et combien l'ont concrètement demandé ?

2) Restrictions budgétaires obligent, la loi du PLEND, bien appliquée, donc encourageant véritablement à la retraite anticipée, favorisera l'engagement de plus de jeunes. C'est un secret de polichinelle : un jeune enseignant commence sa «carrière» financière en bas de l'échelle salariale. Il pèsera donc beaucoup moins lourd dans la balance du budget de fonctionnement de l'Etat que son collègue ayant un nombre considérable d'années de service à son compte !

En appliquant cette proposition radicale, avec la modification proposée, nous en tirerons des avantages économiques certains sans prétériter ceux qui étaient à plein-temps au service de notre jeunesse pendant toute leur vie professionnelle.

La motivation pour toutes les personnes concernées, des deux côtés de l'échelle d'âges, ne peut être que profitable pour les élèves, pour les parents, pour les autorités, et, en prime, pour la caisse de l'Etat.

Le vieillissement généralisé du corps enseignant est un problème à nos yeux si important, le chômage des jeunes aussi, que l'encouragement à la retraite anticipée doit être soutenue par l'application qui est faite de la loi plutôt que le contraire.

Vu l'urgence en la matière pour l'organisation de la prochaine rentrée scolaire, nous prions la commission des finances de traiter le sujet avec célérité. Merci.

M. Roger Beer (R). Ce projet de loi, conséquence du PLEND, appelle quelques remarques, dans la mesure où, en 1991 déjà, les députés de la précédente législature se souviennent de notre projet de départ anticipé des «profs», jouant sur la différence entre les salaires des «profs seniors» et des jeunes. M. Föllmi, conseiller d'Etat de l'époque, avait reçu ce projet relativement froidement, puisqu'il avait ignoré cette proposition pendant une année et demie. J'imagine qu'ensuite les six autres conseillers d'Etat s'en étaient inspirés pour établir le PLEND. Je suis content de voir qu'il a été appliqué deux ans et qu'il a permis à un certain nombre de fonctionnaires de l'Etat de partir avec des préretraites très généreuses; mais je précise tout de même que le projet radical coûtait nettement moins cher à l'Etat.

Je constate qu'il y a un retour en arrière après avoir examiné le coût de l'opération. La nouvelle proposition est plus raisonnable, ce qui est très bien. Mais il me semble que le fait de ne pas tenir compte du taux moyen d'activité est une erreur.

J'ai entendu dire que ce calcul était compliqué et qu'il fallait y réfléchir. Tant mieux si tout le monde est d'accord ! Les réactions - on le constate - sont les mêmes que celles qu'il y a eu vis-à-vis du projet de loi radical.

A mon avis, ce projet de loi très simple peut engendrer des économies. Il mérite donc toute votre attention.

Je remercie le Conseil d'Etat d'accepter le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances, car il est inutile de refaire le travail en commission de l'enseignement. En effet, le projet est connu et il est plus raisonnable que le PLEND. Il demande simplement d'examiner le cas des fonctionnaires qui décident de travailler un peu moins en fin de carrière. Il n'est, en effet, pas normal de calculer la prime de départ sur les deux dernières années pendant lesquelles un fonctionnaire aurait travaillé à 50%, par exemple, alors qu'il aurait travaillé à plein-temps tout le reste de sa carrière. L'inverse ne serait pas juste non plus. Le calcul du taux moyen pondéré de l'activité de la personne concernée sur l'ensemble de sa carrière me paraît donc la solution la plus équitable.

Pour toutes ces raisons, je vous remercie d'accueillir favorablement ce projet et de bien vouloir le renvoyer à la commission des finances.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie, levez clairement la main lorsque vous sollicitez la parole, parce qu'il est très difficile d'apprécier si vous demandez la parole ou non !

M. Pierre Meyll (AdG). J'ai consulté le règlement du Grand Conseil, mais....

La présidente. Je sais, Monsieur Meyll, vous voulez m'interpeller pour dire que nous étions en débat de préconsultation ! J'ai consulté la disposition. En effet, un seul député par groupe peut prendre la parole en débat de préconsultation, mais nous ne savons pas si cela s'applique aux auteurs d'un projet de loi. Dans le cas présent, nous avions deux auteurs, c'est la raison pour laquelle je leur ai laissé la parole.

M. Pierre Meyll. Oui, d'accord, Madame ! Mais, vous vous rendez compte que, si tout le groupe de l'Alliance de gauche signait un projet de loi, vous auriez droit à vingt et une interventions !

La présidente. Monsieur Meyll, je vous promets que le Bureau tirera cette interprétation au clair, s'agissant des auteurs de projet de loi. Dans le doute, j'interprète toujours le règlement en faveur des députés qui me demandent la parole !

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Vous vous en souviendrez, il avait été décidé en 1993, au moment de l'introduction du PLEND, de mettre en place des dispositions incitatives et de faire les calculs, évidemment, sur le dernier traitement mensuel de base, à l'exception des indemnités. Bien sûr, c'est sur la réalité économique, au moment de leur départ, que les membres du personnel font leurs calculs pour envisager un départ anticipé ou non. C'est également sur cette réalité économique que les départements doivent geler les postes ainsi libérés.

L'application du PLEND pour les années 1993, 1994 et pour la première année du PLEND définitif 1995, n'a soulevé - je vous le signale, Madame et Monsieur les auteurs du projet de loi - aucun des problèmes que vous avez pu imaginer, vous qui souhaitez que le calcul du PLEND se fasse sur le taux moyen d'activité et non pas sur la base du dernier traitement.

Votre projet de loi évoque deux risques :

1) Que les membres du personnel à temps partiel soient tentés d'augmenter leur taux d'activité durant la dernière année d'activité dans le but de bénéficier du PLEND complet. Ce risque présuppose que l'employeur accepte qu'un collaborateur, âgé de cinquante-sept ans, voire plus, augmente son taux d'activité, sachant que celui-ci prendra sa retraite prochainement. Cette situation ne s'est jamais présentée à l'office du personnel. Nous avons - les auteurs du projet de loi le savent - interrogé également M. Rossi de l'office du personnel du DIP. Il a ainsi confirmé que de tels cas ne s'étaient jamais présentés et que s'il devait y en avoir ils seraient extrêmement limités.

2) Qu'un membre du personnel ayant diminué son taux d'activité durant les dernières années précédant le PLEND recevrait ainsi une indemnité calculée sur le dernier salaire et non pas sur la moyenne du taux d'activité. Cette hypothèse s'est très rarement présentée et elle a été considérée sous deux aspects : ou bien la personne avait réduit son taux d'activité par pure convenance personnelle et dans ce cas il n'y a pas de raison que l'employeur verse une indemnité supérieure au dernier taux d'activité, ou bien la personne a réduit son taux d'activité pour des raisons de santé, sans pour autant bénéficier d'une pension d'invalidité, et, dans ce cas-là, les offices du personnel, qu'il s'agisse de mon département ou de celui du DIP, ont toujours tenu compte du taux d'activité existant avant la réduction de l'activité professionnelle, si cette dernière était intervenue dans les deux dernières années précédant le PLEND. Mais ces cas, par rapport à tous ceux qui ont été réglés, relèvent de l'exception.

Je ne m'oppose pas du tout à ce que ce projet de loi soit renvoyé en commission des finances pour y être discuté, non pas pour vous convaincre de la qualité du projet mis en place par le Conseil d'Etat par rapport au vôtre, mais pour examiner les règles que vous préconisez, et les conséquences de leur application à l'ensemble de la fonction publique. Nous constatons que le système basé sur le taux d'activité est une notion inconnue de l'employeur, et qu'il faudrait donc se baser sur le taux d'activité moyen des fonds de prévoyance, CIA ou CEH. Ce taux moyen ne garantirait pas l'égalité de traitement. En effet, une personne dont le taux d'activité est réduit peut demander à cotiser sur son ancien taux d'activité et maintenir ainsi ses droits; ces cas sont nombreux. Par ailleurs, une personne peut racheter ultérieurement le taux moyen d'activité; nous avons également un certain nombre de ces cas.

C'est la raison pour laquelle, il nous semble que - mais encore une fois nous sommes prêts à creuser cette voie - par rapport aux normes incitatives et par rapport au système mis en place, le taux d'activité que vous prévoyez présente plus d'inconvénients que le système actuel mis en place.

Voilà ce qu'il me semblait important de vous dire dans ce débat de préconsultation, Mesdames et Messieurs les députés, tout en réitérant mon accord pour que ce projet soit renvoyé à la commission des finances.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

I 1929
5. Interpellation de M. Pierre Kunz : Réforme de l'administration publique : le Conseil d'Etat a-t-il caché ou simplement égaré les starting-blocks ? ( )I1929

M. Pierre Kunz (R). Mon interpellation s'adresse à M. Vodoz, président du Conseil d'Etat.

Il n'est pas exagéré de prétendre que le plus considérable échec des entreprises de nos sociétés occidentales modernes réside dans le sous-emploi généralisé des capacités intellectuelles, morales et techniques des hommes et des femmes qui les composent.

Cette constatation se vérifie en particulier au sein des services publics. Or, nous n'avons plus, nous n'avons pas les moyens de gaspiller ainsi plus longtemps le potentiel de nos fonctionnaires. Il est donc généralement admis, aujourd'hui, qu'il faut réformer ces services publics et repenser le rôle ainsi que le statut des cadres et des collaborateurs qui les font vivre, Genève ne faisant pas exception. En d'autres termes, il faut que l'Etat entreprenne de manière systématique de gérer ses ressources humaines plus intelligemment. Les auteurs du récent rapport de Coopers & Lybrand sur le fonctionnement du secteur hôtelier de l'hôpital cantonal ne me contrediront certainement pas !

La réforme de l'administration publique comporte, dès lors, deux volets :

1) Elle implique, d'une part, le «réinventement» en quelque sorte des structures et des liens hiérarchiques qui, à l'heure actuelle, dans ce canton comme ailleurs, tendent à gonfler l'esprit bureaucratique, à cultiver les dépendances, à tuer l'initiative et la créativité individuelle, à paralyser les intelligences et les énergies.

2) Cette réforme doit viser, d'autre part, à revitaliser le statut et les modes de rémunération des cadres et des employés de la fonction publique.

Ces deux volets de la réforme de l'administration publique sont d'égale importance. Mais le premier, c'est-à-dire la refonte des structures et des liens hiérarchiques au sein de la fonction publique, porte le sceau de la plus grande urgence. Elle vise, en effet, en concertation avec les fonctionnaires - je dis bien en concertation avec les fonctionnaires - ni plus ni moins à «tordre le cou» à un certain état d'esprit, à faire souffler un vent nouveau : l'esprit d'entreprise à l'intérieur des services publics et d'y introduire la gestion par objectif afin de les rendre plus performants, plus parcimonieux et plus proches des attentes des citoyens qui sont leurs clients !

En résumé, cette refonte des structures vise à mettre en oeuvre une nouvelle forme de gestion publique attendue depuis longtemps par les fonctionnaires eux-mêmes. L'Union des cadres de l'administration avait d'ailleurs, déjà en 1993, publié des propositions et formulé des exigences particulièrement pertinentes et quasiment exhaustives sur cette question.

Monsieur le président, à la fin du mois de janvier dernier, lors d'un débat organisé par le «Journal de Genève» sur ces questions, tous les orateurs : universitaires, politologues et économistes se sont accordés pour relever l'intérêt de ce qu'il est convenu d'appeler le «new public management» ou la «nouvelle gestion publique» ou, comme le disait M. Lombard, le «nouveau bon sens» sur l'urgence des réformes à engager; tous, si vous le permettez, sauf un : M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat genevois !

En effet, Monsieur le président, de vos propos l'assistance a surtout retenu les doutes, les limites et les mises en garde. Il faut le dire, ce public, composé pour une large part de fonctionnaires, a été surpris et un peu déçu - même déçu tout court - par vos explications qui contrastaient singulièrement avec les fortes convictions et l'enthousiasme de vos préopinants, à savoir M. Beat Kappler, M. Jean-Daniel Delley et M. Bernard Müller, chargé précisément de mettre en oeuvre, à Berne, la réforme de l'administration publique. Mais, peut-être, ce soir-là, avez-vous été mal compris !

Mon interpellation a pour but de vous donner l'occasion, Monsieur le président, de clarifier votre position et de préciser la politique du Conseil d'Etat dans ce domaine. J'aimerais vous poser trois questions, si vous voulez bien y répondre :

1) Le Conseil d'Etat est-il, oui ou non, décidé à engager la réforme de l'administration publique genevoise ?

2) Si oui, quels sont les services qu'il a choisis pour réaliser, en concertation avec les intéressés, les expériences-pilotes indispensables à cette réforme ?

3) Quels sont le calendrier précis, les délais que le Conseil d'Etat s'est fixé pour mener à bien, d'une part, ces expériences-pilotes et, d'autre part, la réforme dans son ensemble ?

Merci d'avance de vos réponses.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. C'est bien volontiers, Monsieur Kunz, que je réponds à vos trois questions, ce d'autant qu'il est évident que ce qui a suscité votre interpellation de ce soir procède d'une mauvaise interprétation de mes convictions. Ma volonté - et je m'y tiendrai - lorsque des idées doivent ou peuvent être réalisées, est de ne pas me cantonner à la beauté formelle de l'idée, mais d'examiner et d'exposer les éventuels obstacles à franchir pour que cette idée aboutisse à une réforme de qualité.

Oui, Monsieur le député, la réforme de l'administration est engagée. Mais, permettez-moi, tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, de vous rappeler que l'administration genevoise est l'une des plus décentralisées de Suisse. Il y a belle lurette que les hôpitaux sont autonomes à Genève, alors que, dans la plupart des autres cantons, les établissements médicaux sont des services de l'administration cantonale ou communale. Cela explique un certain nombre de réformes entreprises en vue d'une gestion par objectif dans d'autres cantons. Il y a bien longtemps également, vous le savez, que les Services industriels sont autonomes, alors que la municipalisation est généralement la règle partout ailleurs.

La régie des transports publics est une réalité; elle n'est souvent que projet dans d'autres cantons. Ni le domaine social, avec l'Hospice général, l'AGECAS, les foyers Feu vert ou Clairbois, ni le domaine de l'enseignement avec l'école du Bon Secours, les conservatoires de musique, la SGIPA, n'ignorent la gestion décentralisée, la délégation de compétences, en d'autres termes, une gestion par objectif.

Certes, Monsieur le député, ce n'est pas suffisant. Certes, de nombreux autres services publics doivent adopter les règles et les principes de la gestion d'entreprise. Des projets sont à l'étude, et nous n'avons pas abandonné, par exemple, l'idée de doter le service des automobiles et de la navigation - avec votre concours depuis un certain nombre de mois - de structures modernes de gestion qui lui permettent de développer son outil de travail, ce d'autant qu'il avait été l'un des premiers services de l'Etat à aller dans ce sens, il y a quelques années.

Monsieur le député, nous n'avons pas abandonné non plus le projet de confier à un opérateur indépendant de l'administration la charge de gérer les parkings du domaine public. Les communes sont elles aussi sollicitées et elles ont accueilli, plus ou moins bien, le projet de transfert des activités parascolaires. Elles ont été moins enthousiastes aussi à l'idée de gérer, par exemple, la taxe sur les chiens et la fourrière cantonale. Mais ce n'est peut-être que partie remise, et le Conseil d'Etat souhaite que nous trouvions très prochainement un accord entre tous les partenaires concernés pour réaliser l'autonomie du système de traitement des déchets et de celui du traitement des eaux usées.

Monsieur l'interpellateur, le registre foncier, le centre de formation de l'Etat et l'économat cantonal appliquent ou vont appliquer les principes du «management» dit «de la qualité totale». D'autres projets sont sur le point d'aboutir. L'un d'eux touche un projet essentiel, dont nous avons encore débattu toute la matinée d'aujourd'hui, celui de la gestion des ressources informatiques de l'Etat. D'autres sont à l'étude.

D'ailleurs, le 6 avril prochain, un séminaire est organisé à l'initiative de l'office du personnel sur la question du «new public management» qui accueillera près de soixante-dix cadres de l'Etat qui auront l'occasion d'entendre ceux qui déjà, dans le débat public auquel vous avez fait allusion à Lucerne ou à Berne, ont prôné un certain nombre de ces idées. Je vous invite volontiers, Monsieur l'interpellateur, si vous êtes libre, à participer à ce séminaire avec les cadres de tous les niveaux de l'administration.

Vous le constaterez donc, Monsieur le député, ni le Conseil d'Etat ni, bien entendu, moi-même ne sommes opposés à la nouvelle gestion publique. Nous en sommes même des fervents partisans, mais, Monsieur le député, je n'entends pas être aveugle ni naïf et je me méfie des modes et des panacées. La réforme administrative ne se décrète pas. Elle est le résultat d'un processus délicat qui nécessite une bonne dose de ténacité, un peu d'audace, une grande capacité d'écoute, de dialogue et de communication et, enfin, une volonté inébranlable et du temps.

Vous savez - et je le répète ici au vu de ce que je viens de vous dire - que ces types de réformes sont à l'étude dans de très nombreux secteurs de l'Etat. D'ailleurs votre Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, en a voté les fondements légaux en adoptant en automne 1993 la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat et, plus récemment en janvier 1995, la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques. Cette dernière loi est d'ailleurs certainement la plus innovatrice de Suisse.

La réforme de l'Etat, bien entendu, au surplus, ne s'arrête pas à la porte des seules administrations. L'opération «Caducée» a lancé les hôpitaux dans des opérations de restructuration, de rationalisation économique et d'amélioration de la qualité des prestations. Vous y avez d'ailleurs fait allusion. L'hôpital Belle-Idée conduit un projet de services, dont son journal interne s'est fait l'écho en février dernier. L'université, de son côté, a mis en place des processus d'évaluation de ses unités d'enseignement et de recherche. Ces processus très prometteurs vont être étendus à d'autres académies en Suisse, Genève ayant été pionnière à cette occasion, ce qui devrait renforcer la valeur d'orientation, comme l'indique le vice-recteur, M. le professeur Roulet, dans le numéro de mars de l'hebdomadaire «Campus».

Bref, ce sont de très larges pans de l'administration et des établissements autonomes qui sont saisis - et c'est heureux - de cette fièvre de la qualité, de l'attention due au public, du respect des délais, d'une prise de conscience non seulement des coûts mais surtout de la valeur des choses et des activités. C'est d'ailleurs, bien entendu, comme on l'a souvent dit, l'une des conséquences bénéfiques, parmi le cortège de difficultés que nous rencontrons, de la crise que nous ne finissons pas de traverser. Et le «new public management», dans toute cette foison de projets, n'en déplaise, Monsieur l'interpellateur, à ces thuriféraires des services publics, n'est qu'un des moyens parmi d'autres d'améliorer la gestion des services publics.

Nous nous engageons dans la voie de la gestion par objectif des projets et des moyens informatiques. Votre Grand Conseil pourra en mesurer les premiers effets dans le cadre du projet de budget 1996. Notre intention, en effet, est de créer un secteur fournisseur interne distinct des départements et d'instaurer progressivement des mécanismes réels de facturation des prestations informatiques entre les entités de ce secteur fournisseur et le secteur des départements. Ainsi, comme le demande d'ailleurs un projet de loi pendant devant la commission des finances et comme le souhaitent les députés de tous les partis dans cette même commission, nous obtiendrons une bien meilleure visibilité des efforts fournis dans le domaine de l'informatique et qui représentent aujourd'hui près de 100 millions de francs par année.

En outre, nous avons l'ambition, Monsieur l'interpellateur, avec votre appui, de constituer à Genève, d'ici un ou deux ans, quelques pôles d'excellence dans le secteur de cette informatique publique capables de répondre aux besoins stratégiques de l'Etat, capables aussi, à terme, de rivaliser d'ingéniosité avec les meilleurs spécialistes de la branche. Ce sera pour le secteur public un véritable défi que de démontrer sa capacité d'être un fer de lance industriel dans un secteur en forte mutation. Lorsque je dis que le «new public management» n'est pas une panacée, c'est que, évidemment, ce mode de gestion - vous devez bien vous en rendre compte ici au Grand Conseil - est fondé sur une délégation, par le pouvoir politique, d'une partie de ses responsabilités à un pouvoir administratif dans le cadre d'un mandat de prestations régulièrement négocié. Mais il est vrai que cette forme de gestion par objectif a le mérite de poser une série de bonnes questions :

- Qu'est-ce que la prestation publique ?

- Comment la mesurer ?

- Comment dimensionner l'enveloppe budgétaire ?

- Comment gérer les fonds d'équilibrage, lorsqu'ils présentent d'importants écarts ?

- Comment maintenir une « tutelle politique», notamment celle de votre parlement, sans réduire à néant l'autonomie des agences que vous souhaitez ?

Autant de questions qu'on ne saurait retrancher et auxquelles on ne saurait répondre d'un revers de main !

Lors de la conférence publique à laquelle vous avez fait allusion, Monsieur l'interpellateur, j'ai fait part d'un certain nombre de questions pour exprimer dans ce débat important - d'ailleurs, je n'ai été contredit ni par M. Delay ou M. Beat Kappler que vous avez évoqués, ni par quiconque - que le passage de la théorie à la pratique systématique posait quelques problèmes.

Pour moi, parmi les problèmes que j'avais évoqués et sur la base desquels vous avez considéré que j'étais pessimiste, ce qui est une erreur, trois me paraissent essentiels : 1) la définition des prestations; 2) savoir comment créer et gérer des instruments de mesure des prestations; 3) des résultats pertinents acceptés par ceux et celles qui les produisent et par ceux et celles qui reçoivent les prestations. On peut imaginer qu'il est peut-être facile, dans le domaine du nettoiement de nos voiries, de fixer des critères, mais il est combien plus difficile et délicat de le faire dans le domaine social, par exemple, ou le domaine de la formation et de l'éducation.

Enfin, comment créer des standards d'application dans une matière difficile. Si j'ai posé ces questions lors du débat public, c'est qu'elles se posent réellement et qu'on doit y répondre avant de décréter que nous faisons du «new public management». C'est la raison pour laquelle je voulais que toutes celles et ceux qui brandissent ces nouvelles théories réfléchissent avec nous, car il y a un pas difficile à franchir. Mais nous le franchirons, car nous en avons la volonté au Conseil d'Etat. Nous voulons le faire en analysant précisément, et en répondant en priorité à ces questions.

J'espère que vous ne verrez pas dans ma réponse à votre interpellation une nouvelle source pour faire une interpellation sur mon pessimisme. Encore une fois, je ne le suis pas. Mais, dans un domaine aussi important que celui-ci, il me semble que l'on doit, au nom de la probité intellectuelle, répondre aux questions qui se posent avant de faire des déclarations péremptoires.

Plus fondamentalement, la «nouvelle gestion publique» met notre canton et ses autorités politiques au défi d'une véritable révolution quasiment copernicienne, celle d'abandonner un peu de la tutelle exercée par l'Etat, qu'on le veuille ou non, sur la société, au nom d'une tradition républicaine. L'affaire est moins banale qu'elle pourrait en avoir l'air, car, si la gestion d'un service de voirie municipale - pour reprendre cet exemple donné par le représentant bernois, qui évoquait cette réforme à l'occasion de cette manifestation publique - ne paraît pas d'emblée soulever des passions politiques, il n'en va pas de même au niveau d'un canton dont les services exercent des fonctions d'autorité et de police sur la société dans de très multiples domaines.

En matière de fiscalité, de lutte contre le bruit et des diverses pollutions, de sécurité, de prévention et de justice, les citoyens réclament de l'Etat et de ses agents un service respectueux des principes de neutralité, d'impartialité et d'égalité de traitement et, simultanément - comme vous le demandez à juste titre, et comme nous nous y efforçons - un souci de gestion et d'économie des coûts. Par conséquent, l'exigence du rendement économique s'impose certes - et ce n'est pas le ministre des finances qui va vous démentir sur ce plan - mais elle ne peut pas prétendre être le seul critère de gouvernement.

Voilà pourquoi, Monsieur le député, j'ai considéré, dans le débat public qui a eu lieu et auquel vous avez fait allusion pour construire votre interpellation, que la volonté manifestée depuis un certain temps déjà - je vous ai donné des exemples - et qui se développera au cours des mois et des années, ne signifie pas que nous ne devons pas mesurer les écueils qui se présentent et que nous ne devons pas répondre à la question de fond qui se pose : l'évaluation des prestations, et celle notamment des standards.

Je vous remercie de m'avoir écouté et de nous faire confiance.

M. Pierre Kunz (R). Je voudrais faire une ou deux remarques à M. le conseiller d'Etat.

J'avais crainte qu'il ne me répète ce qu'il m'avait déjà dit lors d'une intervention quelque peu intempestive de ma part, en fin d'exercice dernier, et je m'étais préparé à lui faire une proposition concrète. Pas mal de starting-blocks sont en liquidation chez Volvo; je m'étais promis de lui en parler, comme une contribution de ma part, mais ce n'est pas nécessaire, puisque, manifestement, il a démarré !

Cela dit et pour en revenir à quelque chose de plus sérieux, j'aimerais vous remercier de vos explications qui ont au minimum deux mérites :

- Le premier est de mettre en évidence l'engagement formel du Conseil d'Etat de réformer le fonctionnement de l'administration publique. A ce sujet, je n'éprouve qu'un seul regret, celui de constater que le Conseil d'Etat n'a pas pu ou pas voulu adopter un calendrier précis indiquant les services des différents départements qui seront réformés. Il semble bien que s'il en est ainsi, ce n'est pas de la volonté de M. Vodoz, mais parce que la façon dont fonctionnent les institutions dans ce canton constitue un frein considérable à l'engagement des grandes réformes de l'Etat. Cette constatation, ajoutée à d'autres urgences, devrait inciter ce Conseil d'Etat à reprendre à son compte et sans délai la proposition radicale de modifier la constitution cantonale en vue de faire élire par le peuple un véritable gouverneur dans ce canton... (Cette suggestion déclenche un rire tonitruant.) ...parce que, manifestement, à l'heure actuelle, il semble bien que les départements continuent à naviguer individuellement. (Le brouhaha s'intensifie, entremêlé de rires et de quolibets.)

- Le deuxième mérite de vos propos est que vous avez clairement défini la volonté de votre gouvernement, et il est heureux que vous l'ayez fait pour que les Genevois en prennent conscience. Ce volontarisme gouvernemental, cette détermination politique, des priorités clairement définies, me paraissent indispensables pour entraîner l'adhésion populaire dont le gouvernement a besoin. Ce n'est pas l'enquête «Sofia 1995» qui a fortement rappelé les réalités du moment qui m'incitera à dire le contraire.

Monsieur le président, vous et vos collègues avez, semble-t-il, engagé une réforme titanesque. Alors, permettez-moi d'emprunter à Tom Peters, auteur d'un livre intitulé «L'entreprise libérée» deux conseils qu'il donne aux chefs d'entreprise :

1) «Fuyez la modération en tout. Ce qui vaut la peine d'être fait mérite que l'on s'y adonne avec excès, avec passion.»;

2) «Prenez ensuite de longues vacances !». (Rires.)

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je vous remercie pour ces conseils. Je ne demanderais pas mieux - je ne vous le cache pas - de prendre des vacances, mais j'ai à coeur de conduire un certain nombre de réformes.

Puisque vous me donnez des conseils, je vous en donne un également, Monsieur l'interpellateur : lisez l'excellent article du «Courrier international», dont je vous recommande l'édition de la deuxième semaine du mois de mars, intitulé «Débloquer l'Etat». On peut y lire une phrase que je ne résiste pas à vous transmettre : «La réforme de l'administration est devenue le leitmotiv de la Maison Blanche et des républicains majoritaires au Congrès. Mais changer l'Etat est plus difficile que restructurer les entreprises. L'exemple américain est aussi un contre-exemple.».

Je vous remercie.

Cette interpellation est close.

IU 83
6. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Max Schneider : Le Conseil d'Etat peut-il s'immiscer dans la campagne électorale française ? ( ) IU83
 Mémorial 1995 : Développée, 1003.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. J'ai l'impression que M. Max Schneider est las - ce que je peux comprendre, du reste - je serai donc bref, ce d'autant que son interpellation urgente m'a paru être téléguidée par celle qui la précédait et à laquelle il a été répondu en fin d'après-midi.

Par conséquent, je me bornerai à vous dire que le Conseil d'Etat a approuvé la prise de position arrêtée par votre Bureau et dont vous nous avez fait part la semaine dernière. Au demeurant, bien entendu, le Conseil d'Etat n'entend pas s'immiscer dans des campagnes électorales qui se déroulent au-delà des ses frontières naturelles. Je vous remercie.

Cette interpellation urgente est close.

 

PL 7218
7. Projet de loi de Mmes et MM. Anne Briol, Hervé Burdet, Claire Chalut, Sylvie Châtelain, John Dupraz et Martine Roset instituant une commission de la nature, regroupant les actuelles commissions consultatives de la faune, des forêts et de la pêche. ( )PL7218

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Commission de la nature

Article 1

Composition

1 Il est créé une commission de la nature (ci-après commission), dont les membres sont nommés pour une période de 4 ans, au début de chaque législature, à raison d'un représentant par parti siégeant au Grand Conseil et élu par lui et de 15 représentants nommés par le Conseil d'Etat.

2 Les membres nommés par le Conseil d'Etat doivent comprendre:

a) 2 représentants des milieux de protection de la nature;

b) 2 représentants des milieux universitaires concernés;

c) 2 représentants des milieux agricoles;

d) 2 représentants des communes;

e) 1 représentant des Services industriels;

f) 1 représentant des milieux cynégétiques;

g) 1 représentant des milieux de protection des animaux;

h) 1 représentant des milieux forestiers;

i) 1 botaniste;

j) 2 représentants des pêcheurs.

Art. 2

Compétences

1 La commission est consultative. Elle assiste le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (ci-après département), dans les différentes tâches relatives à l'application de la loi sur la faune, du 7 octobre 1993, de la loi sur les forêts publiques et privées, du 2 juillet 1954 et de la loi sur la pêche, du 20 octobre 1994.

2 Elle préavise notamment:

a) les mesures régulatrices de la faune;

b) les défrichements dans l'aire forestière;

c) les décisions relatives à l'exercice de la pêche, le coût des permis, les requêtes en vertu de l'article 8 de la loi fédérale sur la pêche, du 21 juin 1991.

3 Elle est consultée pour tous les projets susceptibles d'avoir une incidence sur la faune et la flore indigènes.

4 Elle propose toute mesure appropriée à la protection et à l'aménagement de biotopes, à l'équilibre et au maintien de la faune et de la flore indigènes.

5 Elle veille à la bonne utilisation du fonds tel que défini à l'article 5 et notamment à une juste répartition des ressources entre les différents objets de sa compétence.

Art. 3

Bureau

1 La commission organise librement son bureau.

2 Les services concernés sont représentés aux séances de la commission.

Art. 4

Organisation

La commission peut désigner des sous-commissions pour étudier de manière approfondie certains objets.

Art. 5

Rapport d'activité

1  Pour chaque législature, la commission soumet au Grand Conseil un rapport sur ses activités durant l'exercice écoulé.

2 Le Grand Conseil en prend acte après l'avoir étudié.

CHAPITRE II

Mesures financières

Art. 6

Fonds

1 Il est créé un fonds en faveur de la faune et de la flore indigènes, destiné principalement à financer l'aménagement et la préservation de biotopes favorables à leur préservation.

2 Le fonds finance également le repeuplement en poissons des rivières, ainsi que certaines mesures d'aménagement et d'amélioration des forêts.

Art. 7

Ressources

Le fonds est alimenté par:

a) une attribution annuelle inscrite au budget de fonctionnement du département;

b) les prélèvements perçus lors de la non-réalisation de mesures compensatoires;

c) le produit des amendes revenant à l'Etat pour les infractions aux lois et règlements sur la faune, les forêts et la pêche;

d) le produit des animaux tirés par les agents officiels;

e) le produit des séquestres;

f) les dommages-intérêts;

g) les dons et subventions.

Art. 8

Gestion

Le fonds est géré par le département.

** *

Art. 9

Modification à d'autres lois (M 8 1)

1 La loi sur la faune, du 7 octobre 1993, est modifiée comme suit:

Art. 34 à 36 (abrogés)

Rapport de gestion

Art. 38, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Pour chaque législature, la commission constitutionnelle soumet au Grand Conseil un rapport sur son activité durant l'exercice écoulé.

Art. 39 à 41 (abrogés)

** *

(M 8 4)

2 La loi sur la protection générale des rives du Rhône, du 27 janvier 1989, est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'aménagement de chemins pédestres et d'emplacements pour les promeneurs peut, sur préavis de la commune intéressée, de la commission de la nature et de la commission des monuments, de la nature et des sites, être réalisé en dehors des réserves naturelles.

** *

(M 8 5)

3 La loi sur les forêts publiques et privées, du 2 juillet 1954, est modifiée comme suit:

Art. 2, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Le Conseil d'Etat, avec le concours de la commission de la nature, fixe l'étendue et les limites de ces périmètres. Il édicte les prescriptions nécessaires à la conservation des limites de périmètres et fait établir un état de la nature des parcelles.

3 La commission de la nature est complétée par des représentants locaux pour les questions intéressant leur région.

Art. 6 (abrogé)

Art. 13 B, al. 2 et 4 (nouvelle teneur)

2 Le département des travaux publics et de l'énergie peut, après consultation de la commune, de la commission de la nature et de la commission des monuments, de la nature et des sites, accorder des dérogations pour:

a) des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination;

b) l'agrandissement et la transformation des bâtiments existants.

4 Ces plans sont adoptés après consultation de la commune, de la commission de la nature et de la commission des monuments, de la nature et des sites.

** *

(M 7 10)

4 La loi sur la pêche, du 20 octobre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 3 (abrogé)

Art. 17 (nouvelle teneur)

Le département, après avoir requis le préavis de la commission de la nature, arrête les mesures d'application destinées à atteindre les buts.

Plan directeur

Art. 18, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Le service établit en collaboration avec la commission de la nature un plan directeur pour le repeuplement des cours d'eau et du lac.

Art. 26 et 27 (abrogés)

Art. 51 à 53 (abrogés)

Art. 10

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi a pour objet de regrouper diverses commissions consultatives dont les compétences sont proches et dont les sujets abordés ont une interdépendance marquée. Il apparaît en effet aujourd'hui difficile que des commissions s'occupant de la faune, des forêts et de la pêche puissent travailler chacune dans leur coin, en ignorant ce que font les autres.

Les activités des trois commissions regroupées par ce projet de loi doivent nécessairement être complémentaires à l'avenir, de manière à considérer la nature dans son ensemble, sans délimiter de barrières entre faune, forêts et pêche. Ces vocables appartiennent tous trois à la nature et il est indispensable de favoriser la collaboration entre les «spécialiste» des différents domaines, afin de dégager des synergies et des complémentarités dans l'objectif d'une meilleure protection de l'environnement naturel.

Le fonctionnement des commissions serait d'autre part simplifié par ce regroupement. Le nombre de membres prévus 21 commissaires, au lieu de 51 actuellement apparaît suffisant au regard des différentes tâches qui incomberont à la nouvelle commission. Cette dernière pourra d'ailleurs s'entourer d'experts, appartenant au secteur public ou privé, toutes les fois où elle le jugera utile en fonction des objets traités.

De plus, les trois commissions se réunissent aujourd'hui à une fréquence très variable: fréquemment pour la commission de la pêche, une fois tous les deux mois pour celle de la faune et épisodiquement pour celle des forêts. En regroupant les activités de ces trois commissions, les différents thèmes concernés pourront être évoqués régulièrement, notamment en fonction des problèmes d'actualité.

Ainsi, en instituant une commission unique de la nature, il pourra être fait plus souvent appel à ses compétences pour des préavis nécessaires aux différents départements. Par une plus grande polyvalence et rapidité dans les décisions, une meilleure efficacité dans les choix concernant la nature à Genève sera assurée.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.

Préconsultation

Mme Sylvie Châtelain (S). Si, à la lecture, ce projet de loi peut sembler quelque peu complexe, puisqu'il a été nécessaire de modifier toute une série d'articles dans des lois existantes, il vise cependant à concrétiser un objectif fort simple, celui de regrouper en une commission unique de la nature diverses commissions consultatives s'occupant chacune d'un thème spécifique. Je veux parler de la commission consultative de la faune, de celle des forêts et de celle de la pêche.

Cette idée de regroupement est déjà dans l'air depuis un certain temps. Elle a d'ailleurs été évoquée au sein des commissions de la faune et des forêts, à plusieurs reprises. Le lien entre les sujets traités dans les commissions concernées est évident et il ne peut être que profitable pour l'environnement naturel de les aborder d'une manière globale.

Le regroupement des commissions permettrait, d'une part, une meilleure coordination et concertation entre les spécialistes des différents domaines. On n'en arriverait pas, comme cela s'est produit récemment, à ce qu'une commission demande à être auditionnée par une autre sur un sujet les concernant toutes les deux.

Ce regroupement permettrait, d'autre part, d'éviter d'oublier certains thèmes. Par exemple, il existe une commission des forêts qui ne traite que des forêts, le reste de la flore étant laissé pour compte.

Une commission unique amènera, par ailleurs, une simplification au niveau du fonctionnement, une approche globale des problèmes touchant la nature et une meilleure efficacité dans les choix et les préavis. C'est pourquoi je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement ce projet de loi.

M. John Dupraz (R). Après les propos de Mme Sylvie Châtelain, il n'y a pas grand-chose à rajouter...

Mme Michèle Mascherpa. Eh bien, écrase-toi !

M. John Dupraz. Oui, Madame, je vais écraser... (Rires.) ...mais, ça sera peut-être vous... en passant ! (Les rires redoublent et la présidente fait sonner sa cloche.)

Cette modeste proposition fait partie d'un train de mesures qui consiste à réformer le fonctionnement des institutions et de l'Etat. Ces trois commissions nous paraissaient totalement désuètes, et nous pensons qu'une seule commission suffit pour assumer leurs tâches.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Mme Châtelain a raison de dire que l'idée était dans l'air, car, au moment de la présentation du Conseil de l'environnement, j'avais eu l'occasion de vous dire que si nous proposions un tel conseil c'était également dans le but de supprimer des commissions. Vous avez annoncé qu'un projet était prêt : vous avez été plus rapide et c'est bien ! Le nôtre est prêt également; je le remettrai en commission directement pour que nous puissions en discuter. Toutefois le texte que vous proposez présente un certain nombre de points faibles sur le plan juridique. La commission sera le cadre approprié pour pouvoir en parler.

Il était indispensable, après la création du Conseil de l'environnement, de supprimer un certain nombre de commissions. Il faudra peut-être même aller un peu plus loin que ce que vous proposez 

Ce projet est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

 

PL 7219
8. Projet de loi de Mme et MM. Michèle Wavre, Roger Beer, Hervé Dessimoz et John Dupraz modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 1). ( )PL7219

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit:

Art. 19, al. 1 (nouvelle teneur)

Autorité compétente

1 Le Conseil d'Etat fixe la date des opérations électorales cantonales et communales, 14 semaines avant le dernier jour du scrutin.

Art. 22 (nouvelle teneur)

Prises de position

1 Les partis politiques siégeant au Grand Conseil (pour les votations fédérales et cantonales) et au Conseil municipal (pour les votations communales), ainsi que les auteurs d'un référendum ou d'une initiative peuvent déposer au département, lors de chaque votation, leur prise de position. Ce dépôt doit s'effectuer au plus tard le lundi avant midi, 7 semaines avant le dernier jour de scrutin.

2 Les prises de position sont expédiées aux électeurs et affichées dans chaque isoloir.

Art. 30, al. 1 et 3 (nouvelle teneur)

Emplacements d'affichage

1 Les pouvoirs publics mettent gratuitement à la disposition de chaque parti politique, autre association ou groupement ayant déposé une liste de candidats, un nombre égal d'emplacements d'affichage de mêmes formes et surface, placés aux mêmes endroits, à partir du 11e jour précédant le dernier jour du scrutin.

3 La demande de pouvoir disposer de panneaux officiels doit être faite par écrit simultanément avec le dépôt de listes de candidats.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La nouvelle procédure du vote par correspondance introduite à Genève depuis 1991 n'a cessé de rencontrer un succès grandissant. Récemment, le Grand Conseil a d'ailleurs modifié la loi sur l'exercice des droits politiques afin d'en fixer l'exécution.

Pour mémoire, à l'occasion de la votation du 4 décembre 1994, 28 465 électrices et électeurs ont utilisé la possibilité du vote par correspondance; ils représentent 30% des votants («Tribune de Genève» du 2 décembre 1994). Il convient à ce propos de relever qu'en raison de la simplification de la procédure, le vote par correspondance enregistrera certainement une nouvelle augmentation dans les mois à venir.

Or, que faut-il constater aujourd'hui à ce propos? En fait, en raison des délais prévus par la législation, les électeurs qui recourent à cette possibilité de vote ne disposent pas des prises de position des partis politiques, ni de celles d'autres associations ou groupements. En effet, la loi fédérale sur l'exercice des droits politiques précise que les électeurs doivent être en possession de leur matériel électoral trois semaines avant le scrutin et la législation genevoise fixe que le dépôt des prises de position des partis et groupements n'intervient que le lundi, trois semaines avant le scrutin.

A la lecture des textes, on constate que les électeurs disposent, trois semaines avant le vote, simultanément du matériel électoral et des prises de position des partis et groupements. Mais en réalité, il faut 10 jours au service des votations et élections pour expédier le matériel de vote aux électeurs afin de respecter le délai de trois semaines fixé par la législation fédérale. Il est donc possible aux électeurs de voter quatre à cinq semaines avant le scrutin et donc une à deux semaines avant le dépôt des prises de position.

Le but du présent projet de loi est de proposer au Conseil d'Etat de fixer les objets soumis à votation 14 semaines avant celles-ci et de porter le délai de dépôt des prises de position à sept semaines avant le scrutin; ce délai laisserait aux partis et groupements sept semaines pour déposer leurs prises de position.

Cette modification du délai permettrait ainsi à l'Etat d'imprimer et d'expédier les prises de position des partis politiques, d'autres associations ou groupements à tous les électeurs, simultanément avec le reste du matériel électoral. Il est vrai que cette modification entraîne une légère croissance des coûts à la charge de l'Etat; en compensation et conformément aux exigences en matière budgétaire, le projet de loi propose de supprimer la mise à disposition gratuite de panneaux d'affichage lors des votations.

Il faut noter à ce sujet que la commission sur l'exercice des droits politiques a constaté que plus personne ne regardait ces affiches en raison de leur surnombre. Pour mémoire, rappelons que, lors des dernières votations, il y avait 40 m d'affiches devant chaque local de vote. De plus, le message unique est noyé ! A cette occasion, il paraît que l'Etat a même dû faire venir des panneaux du canton de Vaud pour un coût de plus de 55 000 F.

Il va de soi que les partis politiques comme d'autres associations ou groupement pourront toujours obtenir un emplacement d'affichage: cette possibilité restera à leurs frais pour les votations et gratuite pour les élections.

C'est pour ces différentes raisons que nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir faire bon accueil à ce projet de loi.

Préconsultation

M. Roger Beer (R). Ce projet de loi ressort directement de l'expérience très brève des dernières votations et des problèmes liés aux délais, car nous nous sommes rendu compte que les citoyens qui votent par correspondance le font sans être informés des différentes positions des partis. C'est un sérieux problème pour la démocratie.

La semaine dernière, nous avons eu l'occasion d'aborder d'autres problèmes qui se régleront probablement d'eux-mêmes avec l'habitude. Par contre, le sujet évoqué dans notre projet de loi est un peu différent, car il lié à une habitude, qui, après les modifications instaurées, va devenir de plus en plus importante. Le 4 décembre - on a pu le lire dans «La Tribune» - 30% des personnes ont utilisé le vote anticipé.

Le problème qui se pose est qu'en votant à la maison on reçoit l'information des prises de position du Conseil d'Etat, des partis, des groupes et des initiants, trois semaines seulement avant les élections. Nous proposons simplement que ces informations soient envoyées avant, soit sept semaines avant, pour que les personnes qui votent par anticipation aient connaissance des prises de position des uns et des autres. En effet, actuellement, la date d'une élection est décidée quatorze semaines avant et les informations doivent parvenir chez les gens trois semaines avant. Cela fait que, pendant une ou deux semaines, des gens peuvent voter sans avoir reçu les informations. Or, nous estimons que la démocratie exige que les citoyens votent en connaissance de cause. Cela obligerait également les partis, qui sont malgré tout un des éléments essentiels de cette démocratie, à prendre position et à la communiquer aux citoyens par l'intermédiaire de la Chancellerie ou par le service des votations. Il ne s'agit donc que d'un déplacement de quelques semaines, en agissant sur les délais.

L'exposé des motifs de notre projet de loi indique que cela peut engendrer des frais supplémentaires, mais nous avons osé suggérer la gratuité des panneaux d'affichage lors des votations. Personnellement, cela ne me plaisait pas tellement, mais on ne voulait pas s'entendre dire dans cette honorable enceinte qu'on ne pouvait pas déposer un projet de loi sans couverture financière. Nous avons proposé ce projet en pensant que nous en discuterions en commission. En effet, il y aura des coûts supplémentaires, mais, d'un autre côté, la démocratie a un prix. La gratuité des panneaux d'affichage doit être conservée pour les élections, mais la multiplication des prises de position et donc des panneaux d'affichage pour les votations, comme l'année dernière, nous amène à nous poser la question de l'efficacité de ces affiches. C'est ce qui nous a poussés à suggérer une modification des délais pour l'envoi des informations.

Je vous invite donc à accueillir favorablement ce projet de loi et à le renvoyer à la commission des droits politiques où nous pourrons en discuter avec le Conseil d'Etat, avec le service des votations, avec tous les groupes, notamment avec les socialistes qui travaillent sur un projet similaire. Nous devrions réussir à trouver une solution réaliste par rapport à la démocratie.

M. Christian Grobet (AdG). Nous avons pris connaissance avec intérêt du projet de loi déposé par les députés du groupe radical. Monsieur Beer, l'un de ses points rejoint nos préoccupations, à savoir qu'il paraît effectivement souhaitable, en raison de l'extension du vote par correspondance, que les électrices et les électeurs aient connaissance des prises de position des différents groupements politiques ou autres associations, lors de votations.

Vous le savez, nous avons préparé un autre projet de loi que nous déposerons sur un certain nombre de points qui nous paraissent insatisfaisants dans le cadre de la loi actuelle sur les droits politiques. Nous avons fait la même analyse que la vôtre, et nous trouvons souhaitable que les prises de position soient déposées plus rapidement, pour permettre aux électeurs d'en prendre connaissance avant de voter.

J'ai pris note avec intérêt des nuances que vous avez apportées dans votre intervention, parce que nous ne pensons pas que la communication de ces prises de position, qui pourraient être intégrées à la notice explicative que le Conseil d'Etat adresse aux électrices et électeurs à cette occasion, entraîne un supplément de coût. Même s'il y avait une augmentation de coût - à mon avis inexistante - cela ne justifierait pas la suppression des panneaux d'affichage mis à disposition lors des élections et votations.

J'ai noté aussi avec satisfaction que vos explications sont nuancées. Je tiens tout de même à dire que, s'il y a effectivement eu, lors de la votation du mois de décembre, une prolifération excessive d'affichage due à la multiplicité des groupements qui avaient pris position, cela reste un cas exceptionnel. Ce mode de faire est quand même un moyen démocratique important pour des groupements qui ont peu de moyens financiers. Cela leur permet de s'exprimer sur la voie publique.

Notre groupement est extrêmement préoccupé par la disparité des moyens en présence lors des votations et des élections. Certains groupes, comme ceux d'en face, bénéficient d'un journal hebdomadaire pour véhiculer leur propagande gratuitement. Nous, nous ne pouvons pas nous payer ce genre de journal... (Contestation houleuse de l'Entente.) Vous avez beaucoup de chance d'avoir un journal porte-parole du parti libéral, même s'il est vrai qu'il prêche la bonne parole pour le parti démocrate-chrétien et le parti radical.

Lors des votations du mois de décembre sur les nocturnes, les milieux économiques ont investi 200 000 F dans cette campagne. (Forte manifestation.) C'est un simple constat. Je sais bien que pour vous, Monsieur Fontanet, cela n'est rien. Je conçois que les milieux économiques sont derrière vos partis et que cette somme est une bagatelle. Mais beaucoup de groupements ne disposent pas de tels moyens financiers ! L'affichage est donc un moyen très important pour que les petits partis puissent s'exprimer démocratiquement, car les annonces dans la presse et les tracts coûtent cher.

Par contre, nous estimons que la durée de cet affichage est trop courte par rapport à la dépense que représente l'impression d'une affiche. Nous pensons donc que cette durée devrait être portée à trois semaines.

Enfin, dernière remarque, votre projet de loi exige un délai relativement long de trois mois et demi pour fixer la date d'une votation. C'est un avantage, car il donne aux groupements le temps de se préparer, mais, par contre, si une votation est urgente, ce délai de trois mois et demi peut se révéler un peu long. C'est la raison pour laquelle il faudra examiner en commission dans quelle mesure ce délai se justifie. Il faudrait peut-être fixer un délai intermédiaire pour le dépôt des prises de position, afin de pouvoir les envoyer en temps voulu aux électrices et aux électeurs.

M. Laurent Moutinot (S). M. Beer se demande où en est le projet socialiste sur le même sujet. Monsieur Beer, il se trouve en grande partie dans votre propre projet, parce que, lors de la session de février, Mme Roth-Bernasconi et M. René Longet ont fait circuler dans les différents groupes des projets dans le but de modifier la loi s'agissant des délais de publication et d'affichage. (Les commentaires vont bon train.) Vous anticipez, Mesdames et Messieurs les députés, sur ce que vous imaginez que je vais dire ! Monsieur Grobet, c'est vrai qu'il y a aussi un projet de l'Alliance de gauche ! Toujours est-il que, lorsque ces discussions ont commencé en février, l'un des éminents membres de la députation radicale nous a répondu que le sujet était délicat, qu'il fallait réfléchir et qu'on ne pouvait rien déposer tout de suite. Alors, nous avons repris notre projet pour y réfléchir. (Les députés interpellent l'orateur qui a du mal à s'exprimer.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en préconsultation. Chaque député n'a droit qu'à cinq minutes, alors, si vous interrompez les orateurs... (La présidente s'étouffe littéralement.) ...cela devient ingérable. Monsieur Moutinot, je vous rends une minute !

Une voix. Tape-lui dans le dos, Jean-Luc !

M. Laurent Moutinot. Merci, Madame.

Ce projet de loi pose une simple question de délais qui doit être résolue assez rapidement. Monsieur Fontanet, vous connaissez la solution des délais ! (Rires.) En tout cas, votre parti la connaît ! A défaut, la propagande et la publicité faites par les partis s'avèrent inopérantes dès lors qu'elles sont reçues après que les électrices et les électeurs ont fait leur devoir électoral.

Tout autre est, en revanche, le projet consistant à rendre payant la publicité par affichage pour les votations. Cela n'a rien rigoureusement rien à voir avec l'amélioration que nous devons apporter au système de vote par correspondance, et nous le condamnons.

Lorsque nous essayerons de trouver une solution à ces problèmes de délais, nous devrons veiller à ce que la législation fédérale en la matière soit respectée. En effet, nous n'avons pas pris garde aux délais au niveau fédéral, s'agissant notamment de l'envoi du matériel de vote par correspondance.

Il faut éviter, dans toute cette affaire, que de trop longs délais rendent le débat politique permanent. En effet, s'il est excellent de discuter de politique le plus souvent possible, un arrosage continu et permanent de nos concitoyennes et de nos concitoyens aurait certainement pour effet déplorable de les lasser et de les dégoûter encore plus qu'ils ne le sont actuellement de la chose publique. Il faudra, par conséquent, en examinant ce projet de loi veiller à trouver des solutions simples, qui ne soient pas du replâtrage et qui assurent un débat politique dans les meilleures conditions possibles.

M. Andreas Saurer (Ve). Les deux premiers changements d'article ne posent pas de problèmes majeurs. En revanche, le changement que vous proposez à l'article 30, qui signifie, comme vous le dites par ailleurs dans l'exposé des motifs : «...de supprimer la mise à disposition gratuite de panneaux d'affichage lors des votations.» pose évidemment un grave problème; vous l'avez dit vous-même, Monsieur Beer. Je trouve quelque peu dangereux de vouloir pénaliser les droits démocratiques au nom de l'équilibre budgétaire. Je suis d'accord que celui-ci a son importance, mais je crois que nous sommes tous conscients que la lutte contre l'abstentionnisme est également une priorité de notre activité politique.

Je me suis renseigné, par ailleurs, sur les coûts des panneaux : environ 20 F par panneau d'affichage. Vous savez que nous avons près de trois cents panneaux à notre disposition, cela fait donc à peu près 6 000 F par votation pour les organisations qui veulent faire coller des affiches, par rapport aux 300 F que nous payons aujourd'hui pour la mise à disposition gratuite des panneaux. Selon les ressources des organisations et des partis politiques ces 6 000 F peuvent représenter un problème de financement plus ou moins important. Pour un parti comme le nôtre et pour toute une série d'associations dans lesquelles je milite, c'est une somme tout à fait exorbitante. Cette mesure serait donc un frein pour toutes ces associations qui ne pourraient plus participer aux campagnes, ce qui n'est certainement pas le but de votre projet de loi.

Nous sommes tout à fait d'accord d'envoyer ce projet de loi en commission, mais, au nom des droits politiques, nous émettons les plus grandes réserves en ce qui concerne l'article 30. Je suppose que vous êtes conscients, vous-mêmes, de cette problématique.

M. Bénédict Fontanet. Nous n'allons pas disputer la paternité de ce projet de loi au groupe socialiste ou au groupe radical. Toujours est-il que c'est le groupe radical qui a reconnu, le cas échéant, l'enfant illégitime ! Nous avions été invités à signer cette proposition. J'avais été interpellé par M. Moutinot à ce sujet, mais il m'a semblé que le libellé n'était pas tout à fait adéquat, aussi l'avais-je renvoyé à ses études, ainsi que d'autres de mes collègues. Son projet a été repris par les radicaux qui l'ont pris de vitesse. Hélas, les quelques préoccupations que nous avons tous en ces temps ne sont peut-être pas totalement étrangères à ce résultat !

Je tiens juste à signaler que ce projet semble poser quelques problèmes, notamment l'article 30 que vous proposez. En effet, à teneur de cet article, on pourrait afficher à partir du onzième jour précédant le scrutin. Cela aboutirait à ce que l'on puisse voter pendant quinze jours en Ville de Genève et dans les communes, alors que l'affichage n'aurait pas encore lieu. Il semble que votre proposition à ce niveau-là ne soit pas judicieuse.

Par contre, je n'ai absolument pas compris - mais peut-être n'était-ce pas à ma portée - les remarques de M. Grobet. Il semblait situer le problème au niveau du financement de l'activité politique, de la campagne et de l'affichage en matière politique, mais je crois que tel n'était pas le débat de ce soir. Il est vrai que M. Grobet a essayé à deux reprises de mettre la main sur un quotidien, mais en vain, heureusement pour nous... (Eclat de rire et applaudissements de la droite.)

Mesdames et Messieurs nous ne sommes accusés que d'avoir essayé de circonvenir un hebdomadaire avec lequel un certain nombre d'entre nous n'ont que des liens très distants, voire ténus, et, jusqu'à présent, nous n'avons pas tenté d'OPA sur un journal, parce que, nous, nous n'en avons pas les moyens.

Cela étant c'est bien volontiers que le groupe démocrate-chrétien étudiera ce projet de loi en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques.

PL 7120-A
9. Rapport de la commission des droits politiques chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Bernard Clerc, Liliane Johner, Maria Roth-Bernasconi, Laurent Moutinot, Andreas Saurer, Roger Beer et Jean-Claude Genecand modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 1) (liens d'intérêts). ( -) Mémorial 1994 : Projet, 4019. Renvoi en commission, 4030. PL7120
Rapport de Mme Michèle Wavre (R), commission des droits politiques

Sous les présidences successives de Mmes Anne Chevalley et Fabienne Bugnon, la commission des droits politiques s'est réunie à cinq reprises pour traiter le projet et a bénéficié des compétences de M. René Kronstein, directeur, division intérieur du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, et de M. Patrick Ascheri, chef du service des votations et élections, du même département, qu'elle remercie vivement.

Le 9 novembre 1994, la commission a auditionné M. Gilbert Coutau, conseiller aux Etats.

Introduction

Un groupe de députés, de toutes les tendances représentées au Grand Conseil sauf du parti libéral, avait déposé un projet de loi sur les liens d'intérêts, le 24 juin 1994. Dans l'esprit des auteurs du projet, il s'agissait d'introduire dans la législation genevoise un texte de loi qui était déjà en vigueur au niveau fédéral, pour les parlementaires, et dont ils avaient entièrement repris la teneur. Avec cette nuance qu'ils entendaient étendre aux candidats des élections cantonales des obligations que Berne ne fait qu'aux élus.

Le but de ce projet était d'exiger des candidats et des élus des renseignements sur leurs activités professionnelles et extra-professionnelles, sur leurs liens économiques et autres, susceptibles d'éclairer les électeurs sur leur situation exacte. Naturellement, dans cette optique, les renseignements obtenus devaient être publiés - et mis régulièrement à jour - sous peine de perdre leur raison d'être.

Le maître mot définissant le projet, qui est revenu souvent dans la bouche des divers intervenants lors des travaux de la commission est: TRANSPARENCE.

Pour se faire une idée précise de la façon dont la loi était appliquée aux parlementaires fédéraux, la commission a souhaité entendre M. Gilbert Coutau, conseiller aux Etats.

Audition de M. Coutau

M. Coutau note d'emblée qu'au niveau fédéral, l'obligation de dévoiler ses liens avec le monde économique découle de l'élection et ne concerne donc pas les candidats. Chaque élu remplit un questionnaire lui demandant d'indiquer son activité professionnelle, ses éventuelles fonctions au sein d'organes de direction ou de surveillance d'importants établissements, sociétés ou fondations suisses ou étrangers, de droit public ou privé, et de les nommer. De même, il doit dire s'il exerce des fonctions permanentes de direction ou de consultation pour le compte d'importants groupes d'intérêts suisses ou étrangers, et les nommer. Son appartenance à d'autres fonctions au sein de commissions extra-parlementaires ou d'autres organes de la Confédération intéresse également le bureau. Enfin, la déclaration est signée et engage son auteur.

Cette déclaration sera alors inscrite dans un registre, que chaque citoyen pourra consulter librement, et qui sera mis à jour annuellement.

C'est au bureau de chaque Conseil (national ou des Etats) qu'il revient de vérifier si ces déclarations sont exactes et complètes. Dans le cas contraire, le bureau « peut sommer les membres du conseil de se faire inscrire dans le registre » (article 3 quater, alinéa 2, de la loi sur la procédure de l'Assemblée fédérale).

Lorsqu'une affaire, à laquelle un parlementaire est lié, vient à être traitée en commission, il est d'usage que le député s'abstienne ou se fasse remplacer (se récuse dit un rapport du Conseil national). Pareillement, en plénière, un député qui prend la parole sur un sujet qui est proche de ses intérêts doit annoncer ses liens avant de poursuivre (certains députés genevois verraient d'un bon oeil que notre Grand Conseil adoptât cette habitude courtoise !).

On peut légitimement penser que des problèmes d'appréciation quant à l'importance de telle ou telle société se posent à l'élu: certains n'hésitent pas à indiquer leurs plus petits liens économiques, d'autes omettent des liens qu'ils considèrent comme strictement privés. D'autres encore sont liés par le secret professionnel. Dans ce cas, ils sont tenus par un devoir de réserve, qui les obligera à s'abstenir ou à s'absenter.

M. Coutau ne pense pas que l'obligation qui est faite aux parlementaires d'annoncer leurs divers liens ait dissuadé quiconque de se présenter à une élection. Quelques-uns, qui voyaient des incompatibilités entre leur activité professionnelle et leur activité politique, n'ont pas balancé: ils ont choisi la politique. D'autres renoncent à leur mandat. Mais il ne semble pas qu'on se soit privé de bons éléments en introduisant la règle sur les liens d'intérêts.

Tant que les parlementaires, fédéraux et cantonaux, seront des miliciens, le problème se posera de connaître leurs liens économiques. C'est le système qui l'exige. On demande aux députés, à Berne, de consacrer une grande partie de leur temps à leur mandat. En plus de cela, la plupart ont une profession à côté, qui joue forcément un rôle dans leurs options politiques. De là vient ce souci de transparence et de publicité. M. Coutau ajoute que, même sans la réglementation sur les liens d'intérêts, la situation économique de chaque parlementaire est généralement bien connue de ses collègues, et, fait important, de la presse. Dans ces conditions, pourquoi essayer de la dissimuler ?

On voit que le système est basé sur la confiance, et sur le jugement des élus. Ceux-ci ont une obligation morale de remplir une déclaration exacte et complète. La sanction d'une éventuelle transgression de leur devoir sera, d'une part, l'inscription forcée de l'indication omise au registre, et, d'autre part, une sanction politique, l'opinion publique se chargeant d'eux.

M. Coutau conclut que l'obligation de signaler ses liens d'intérêts répond au goût actuel de la transparence, et il s'en félicite.

Travaux de la commission

Ce souci de transparence, de clarté, a été bien compris de la commission. Un consensus s'est du reste rapidement dégagé autour de la nécessité pour les élus de faire état de leurs liens d'intérêts.

Il semble nécessaire de noter que l'exigence de transparence n'est pas seulement un moyen de satisfaire la curiosité - légitime - des concitoyens ou des collègues du député, c'est aussi pour l'élu une solide garantie que sa bonne foi, son honnêteté et sa loyauté seront reconnues officiellement. C'est une façon de jouer cartes sur table et d'éviter les catastrophes qu'on a vues se produire dans des pays voisins du nôtre (et même chez nous): accusations de corruption, poursuites judiciaires contre des hommes politiques, doutes, soupçons... Ces phénomènes minent la vie publique et nuisent à la classe politique tout entière, en la déconsidérant.

Au contraire, le projet de loi que nous vous soumettons permettra, en montrant un tableau exact de la situation de chacun, de revaloriser l'ensemble du monde politique aux yeux de l'opinion publique, et d'éliminer les éventuelles « brebis galeuses ». Elle aura un effet préventif, qui se déploiera déjà au stade des candidatures.

En effet, la commission, suivant en cela les initiants, a jugé nécessaire de soumettre aussi les candidats aux élections cantonales à un questionnaire, simplifié sur leurs liens économiques ou autres. En raison du nombre des candidats, donc de la difficulté qu'il y aurait à contrôler toutes leurs déclarations (et qui aurait la charge de le faire ?), ainsi qu'à cause du coût que cela entraînerait pour l'Etat de publier le curriculum vitae détaillé de chacun, la commission a préféré se limiter à l'essentiel. Il ne sera donc demandé au futur député, outre les indications déjà exigées maintenant (nom, prénom, âge, adresse, etc.) que sa formation et son activité professionnelle actuelle, ainsi que les conseils professionnels ou civils importants dans lesquels il siège. On voit qu'il est laissé au candidat une certaine liberté d'appréciation quant à l'importance de ses liens. La sanction d'une déclaration mensongère ou lacunaire ne pourra être que politique. Ce sera aux partis de veiller à ce que le questionnaire soit rempli de façon exacte. Profitons-en pour remarquer que plusieurs commissaires, d'horizons idéologiques différents, regrettent que l'influence des partis politiques s'amenuise régulièrement, dans divers domaines. Les partis devront, dans le cadre des élections, faire preuve de sagacité et de fermeté, et contrôler sévèrement leurs candidats, ce qui ne peut être, on en conviendra, que positif.

Pour que chaque électeur puisse les connaître, les informations recueillies seront publiées dans la Feuille d'avis officielle, qui fera l'objet d'une édition spéciale « tous-ménages », trois semaines avant les élections. Le coût supplémentaire de cet envoi est estimé à 50 000 F. Rappelons que ce genre d'opération se fait déjà depuis plusieurs années, et que la somme indiquée plus haut ne concerne que l'impression des pages en supplément.

La question s'est posée de savoir si les informations sur les candidats, publiées, pourraient avoir des effets indésirables (positifs, de propagande, ou négatifs) pour ceux-ci. La majorité de la commission a jugé que l'intérêt public à la clarté prime sur tout intérêt privé. Le candidat inquiet pour sa vie privée ou professionnelle, peut toujours renoncer à se présenter. Insistons encore une fois sur le fait que cette loi a un but préventif.

En ce qui concerne les élus, cela a été dit plus haut, une loi sur les liens d'intérêts est déjà en vigueur au niveau fédéral. En effet, les Chambres sont un parlement de milice, tout comme notre Grand Conseil. Les députés, comme les parlementaires à Berne, exercent en général une profession à côté de leur mandat politique et, par leur goût de la chose publique ou leurs compétences particulières, sont souvent amenés à être des membres importants de divers organismes, publics ou privés, parfois très puissants économiquement ou très influents, ou les deux à la fois. Cela ajoute à l'expérience, donc à l'efficacité des députés, mais implique un risque de conflits d'intérêts non négligeable et peut donner lieu à des pressions. C'est ce risque qui a poussé les Chambres à légiférer.

Notre commission a estimé qu'il était nécessaire de prendre également des mesures législatives, pour les mêmes raisons, à Genève.

C'est pourquoi elle a repris, à quelques détails près, le texte de la loi fédérale.

L'élu genevois devra donc, comme le parlementaire fédéral, remplir et signer une déclaration mentionnant ses divers liens, économiques ou autres, assez importants pour être signalés. Le bureau du Grand Conseil sera chargé de vérifier que la déclaration est exacte et complète. Ces informations seront portées dans un registre spécial, publiées au début de la législature dans le Mémorial, et revues chaque année. Les modifications seront, elles aussi, publiées.

L'élu conserve une relative liberté d'appréciation quant à l'importance de ses liens d'intérêt (voir, à ce sujet, en annexe, la circulaire fédérale d'interprétation accompagnant le questionnaire). La commission veut croire en sa loyauté et en son bon sens. Soulignons que l'Etat ne peut et ne doit être tenu pour responsable du contenu des informations données par les candidats et les élus.

Au cas où le bureau, en comparant par exemple avec le Registre du commerce, constaterait qu'une déclaration est fausse ou incomplète, il peut sommer le fautif de se faire inscrire, sans qu'un recours soit possible contre sa décision.

La commission a débattu du problème de secret professionnel, qui lie de nombreuses professions. La loi fédérale prévoit qu'il est réservé. Cela signifie que celui qui y est astreint ne devra pas faire état de ces liens particuliers dans le questionnaire. Le projet de loi genevois ne dit rien à ce sujet. Mais il n'est pas inutile de rappeler ici que le député qui verra aborder une affaire qu'il connaît professionnellement devra se récuser. Cette règle déontologique s'applique déjà à ceux dont les intérêts privés sont en jeu (se référer à l'arti-cle 24 du règlement du Grand Conseil).

La commission a maintenu, à l'article 24, alinéa 2, lettre b, du projet, la mention de groupes d'intérêts étangers qui lui a semblé s'imposer dans un canton que sa situation dans une zone transfrontalière et sa vocation mondiale obligent à de nombreux échanges internationaux.

Le terme « liens d'intérêts » heurtait un des commissaires. Il n'a été conservé qu'en quelques points de la loi et dans le présent rapport, pour des raisons de commodité, car il est compréhensible par tous.

Conclusion

Les liens d'intérêts existent, ils jouent un rôle, c'est la logique du système parlementaire genevois (et suisse) qui l'exige. Ceux qui font partie d'organes influents, ceux qui ont une fonction dans l'économie ou appartiennent à des groupes de pression n'ont pas à en concevoir de la honte, ou, inversement , de l'orgueil. Mais il faut vivre avec. Le texte légal que nous vous soumettons autorise à le faire et permet même de revaloriser le mandat politique, en clarifiant les choses.

Les citoyens, comme les députés, ne peuvent qu'y gagner et c'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter cette loi.

Commentaire du projet, article par article

L'entrée en matière sur le projet de loi a été votée par 11 voix contre 2 (L) et 1 abstention (L).

La commission a accepté par 8 oui (AdG, S, R, E), 6 non (PDC, L) et 1 abstention (L) de légiférer sur le cas des candidats.

L'article 24, alinéa 4 nouveau, lettre a est adopté par 12 oui et 3 abstentions.

Un amendement socialiste proposant d'adopter la même formulation pour les candidats que pour les élus est refusé par 6 oui contre 6 non et 3 abstentions.

L'article 24, alinéa 4, lettre b, est adopté par 7 oui, 5 non et 2 abstentions.

L'article 54, alinéa 3, est accepté par 13 oui et 2 abstentions.

L'article 29 A, alinéas 1 et 2, est adopté à l'unanimité.

L'article 29 A, alinéa 1, lettre a, également.

L'article 29 A, alinéa 2, lettre b, a fait l'objet d'un amendement qui voulait supprimer la mention «suisses et étrangers». L'amendement est refusé par 8 non contre 7 oui (5 L, 2 PDC).

L'article 29 A, alinéa 2, lettre c, alinéas 3, 4 et 5, est adopté par 14 oui et 1 abstention (L).

Le projet de loi dans son ensemble est accepté par 9 oui, 2 non (L) et 3 abstentions (L et PDC).

Annexe 1 page 1

Annexe 1 page 2

Annexe 2

Premier débat

Mme Michèle Wavre (R), rapporteuse. En préambule, je voudrais dire que je n'ai pas féminisé tous les mots de mon texte. Je sais que ce détail a de l'importance pour certaines, mais qu'elles considèrent que c'était dans le but de ne pas alourdir le texte.

Il paraît que peu de gens lisent les rapports, alors je vais faire un petit résumé du mien...

Une voix. Oh non !

Mme Michèle Wavre, rapporteuse. Il ne faut pas être à cheval sur les principes, mais il faut faire les choses bien !

M. Claude Blanc. Ah, voilà un cheval qu'on ne connaît pas !

Mme Michèle Wavre, rapporteuse. Ce rapport traite donc des problèmes de liens d'intérêts. Vous savez que la loi en la matière est déjà appliquée au niveau fédéral et qu'elle donne satisfaction. D'ailleurs, M. Coutau qui a été auditionné par la commission l'a lui-même reconnu. Nous avons tenté de l'appliquer au plan genevois en ajoutant les candidats aux élections de sorte que les candidats soient soumis à un questionnaire sur les liens d'intérêts et que ceux-ci, naturellement, une fois déclarés, soient publiés pour être connus de tous les électeurs.

J'ajoute que nous, politiques, avons là une occasion unique de montrer que nous voulons la transparence. Cela ne peut que revaloriser notre fonction. Nous devrions saisir cette occasion, et j'appelle tous ceux qui seraient opposés à cette loi à y réfléchir encore une fois avant de se risquer à prendre la parole.

Toute l'assemblée en choeur. Ooooohhhh !

Des voix. Réfléchis !

M. Olivier Lorenzini (PDC). Le groupe démocrate-chrétien a travaillé avec le même souci de transparence que l'ensemble de la commission, et il ne s'opposera pas à l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Comme la majorité des partis politiques représentés dans cette enceinte, nous sommes convaincus de la nécessité de transparence pour une femme ou un homme qui assume un mandat public. Notre système de milice a pour conséquence inévitable de trouver dans une arène telle que celle-ci des personnes qui sont, pour une raison ou pour une autre, impliquées dans leur vie professionnelle ou associative avec des groupes de pression qui doivent être connus de la population.

Cela dit, ce souci de transparence ne se justifie pas pour les candidats à une élection au Grand Conseil. En effet, s'il me paraît fondamental que les candidats ne soient pas l'objet de poursuites judiciaires ou l'objet d'accusations de corruption, comme le cite la rapporteuse, il me semble, par contre, que ce problème doit être réglé par les partis politiques et uniquement par eux.

En outre, trop d'informations est une mauvaise information. Lorsque l'on sait - ce n'est pas moi qui le dit, mais le journaliste Cornu, lors de son audition à la commission des droits politiques - que seuls 10% des lecteurs de nos quotidiens préférés lisent les rubriques reflétant les débats de notre Grand Conseil, je n'ose pas imaginer le nombre de nos concitoyens qui se passionneront pour la tartine que certains candidats se plairont à citer sous leur identité, sans compter la couleur de leur cravate et la hauteur au garrot de leur cheval ! A part dégoûter le peu d'électeurs qui nous restent, Mesdames et Messieurs les députés, ce souci de transparence aura pour conséquence qu'ils en oublieront l'essentiel.

D'autre part, quant aux moyens de communication que la loi nous propose afin de véhiculer cette information, il ne me semble pas nécessaire de publier cette liste des liens d'intérêts dans le premier Mémorial de chaque année. A mon avis, le Mémorial du Grand Conseil n'est pas une source de renseignements, il relate nos débats au Grand Conseil. A voir le nombre de personnes qui sont abonnées à cette merveilleuse revue, il me semble, pour l'avoir lue quelquefois, que celles et ceux qui s'y abonnent passent plus à mon avis pour des mécènes que pour des passionnés de l'activité politique de notre République.

Un registre de liens d'intérêts, régulièrement mis à jour et à disposition de notre population sera, Mesdames et Messieurs les députés, tout aussi efficace et évitera ainsi de rendre notre Mémorial encore moins passionnant. Je vous remercie.

M. Michel Halpérin (L), rapporteuse. J'ai réfléchi, Madame la rapporteuse; je me risque, une fois de plus... (Rires.)

La cravate de M. Barro ou celle de M. Dupraz ou encore celle de M. Schaller attestent de l'harmonie champêtre qui règne au sein de l'Entente... (Rires.) Mais, après avoir bien réfléchi et malgré cette harmonie, je ne suis pas entièrement convaincu par ce projet.

Les raisons qui font que cette conviction ne me vient pas tout naturellement sont plurielles. La transparence, c'est bien et tout le monde la souhaite, tout le monde la proclame ! Reste à savoir si ce qu'on nous suggère aujourd'hui relève véritablement d'un souci d'information nouveau. Après tout le texte préconise que les élus de ce Grand Conseil donnent publiquement connaissance de leurs liens importants avec des groupes d'intérêts. Au fond - et la liste énumérative est plus précise sur ce point - il s'agira probablement, pour l'essentiel, d'appartenance à des conseils d'administration. C'est effectivement un renseignement intéressant, mais il existe déjà dans des registres publics, à la fois sous l'identité des sociétés concernées et sous celle des membres des conseils d'administration qu'on peut retrouver par recoupement avec toute la liste de leurs conseils d'administration.

Cela m'amène à formuler plusieurs remarques.

Premièrement, il semble que l'on enfonce une porte ouverte, puisque le but est de rendre publics des renseignements qui le sont déjà, du moins pour tout ce qui relève du registre du commerce. On a vu dans le rapport de la commission que c'est par ce dernier que l'on pourra, cas échéant, vérifier l'exactitude, la véracité, la sincérité des déclarations qui ont été faites à ce sujet. Il y a donc un côté un peu artificiel à cette transparence. C'est une première source de retenue dans l'adhésion à ce texte.

Deuxièmement, cette proposition est très orientée vers une réflexion à caractère économique et essentiellement économique. En d'autres termes, on créera là - et c'est un point de vue qui n'est pas partagé, je le sais - une scission plus importante entre les mondes de la politique et de l'économie, par opposition à d'autres mondes très actifs en politique et ailleurs que dans la vie économique au premier degré, et je ne suis pas tout à fait sûr que cette dissociation soit bienvenue.

Permettez-moi de vous donner très rapidement un exemple à la mode. Parmi les liens importants, on devrait déclarer le fait d'être supporter d'une association de fournisseurs de fourrures. De la même manière, l'association des gens hostiles à la fourrure devront-ils faire une déclaration du même type ? Je n'en suis pas entièrement convaincu ! La raison en est que le texte nous parle de liens d'intérêts sur le plan économique, avec les établissements, les fondations; en revanche, le terme d'association n'est mentionné nulle part; pourtant, les associations peuvent représenter des liens d'intérêts d'une certaine importance, non seulement parce qu'il existe des associations importantes mais aussi parce qu'elles ne sont pas forcément - et même rarement - inscrites au registre du commerce. Il n'est donc pas évident de faire partie d'une association aux buts socio-politiques sans que cela représente un intérêt pour les électeurs, au même titre que les liens entretenus avec un groupement d'intérêts économiques.

Troisièmement. Le texte laisse une très grande appréciation sur ce qui est important et ce qui ne l'est pas. L'exemple cité sur l'appartenance au conseil d'administration de Swissair n'est pas très éloquent sur ce qui cesse d'être important.

Quatrièmement. Le secret professionnel doit être respecté. Or, qui contestera qu'un certain nombre de titulaires de secret professionnel - et j'en sais quelque chose - ont des liens d'intérêts qu'ils ne peuvent pas révéler et dont on dira un jour s'ils étaient importants ou non ? Et puis, ceux qui ne sont pas titulaires d'un secret professionnel pourront révéler des choses que d'autres auront l'air de dissimuler parce qu'ils n'ont pas le choix. On créera, là aussi, une espèce de différenciation entre les uns et les autres.

Cinquièmement. Ce projet est un début et non une fin. La prochaine étape aura probablement, elle aussi, un caractère économique et elle comportera la proposition de déclaration portant sur les revenus et sur le patrimoine. Peut-être est-ce souhaitable ? Peut-être est-ce aussi de nature à dissuader un certain nombre de potentiels membres de ce parlement pour l'avenir ? Cela mérite également une réflexion.

Enfin - et ce n'est pas par hasard que le sujet a été abordé dans le même rapport - il n'est pas complètement indifférent de lier le problème des liens d'intérêts avec celui des causes de récusation. Là aussi nous avons eu l'occasion, tout à l'heure, d'échanger quelques propos à ce sujet avec M. Lyon. La doctrine est loin d'être faite; pourtant, elle mériterait de l'être, mais je ne crois pas que ce texte l'approfondisse un tant soit peu. Ceux qui ont naturellement la pudeur de se retenir continueront. Ceux qui mettent leur pudeur à un degré un peu moins élevé d'intensité ou de sensibilité ne s'abstiendront pas plus qu'ils ne l'ont fait par le passé. De sorte que ce texte, même vu sous l'angle de la transparence, ne nous paraît pas très convaincant.

Ce sont les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, sans que notre groupe en fasse une fièvre de cheval, il ne soutiendra pas ce projet.

M. Laurent Moutinot (S). Je remercie tout d'abord Mme Wavre pour son excellent rapport, et, notamment, pour avoir indiqué, au-delà des liens strictement réglementés par l'article 24 de la loi sur le Grand Conseil, les règles de courtoisie sur lesquelles nous ne légiférerons jamais. Celles-ci veulent que les députés qui s'expriment sur des sujets qui les touchent l'annoncent dans un souci de clarté.

Ce projet de loi, à l'origine, a été calqué sur le droit fédéral. Nous avons essayé, il est vrai, d'aller un peu plus loin, et après les longs travaux de la commission, nous en sommes revenus à une version assez proche de celle du droit fédéral. L'audition de M. Coutau a très certainement orienté les travaux de la commission sur la version qui vous est soumise aujourd'hui.

Je m'étonne des amendements proposés par le parti démocrate-chrétien, qui reviennent ni plus ni moins à mettre cette loi à néant. Je préfère très nettement l'intervention de M. Halpérin qui exprime clairement le rejet de cette loi. Si les amendements réduisent les indications que les députés devront fournir à ce qui se fait aujourd'hui, voire moins, et que de surcroît elles ne sont pas publiées, ce projet de loi n'a aucun sens. Dans ce cas, il conviendrait bien évidemment de le rejeter. (M. Lescaze réagit.)

Monsieur Lescaze, je sais que nous sommes en débat d'entrée en matière, mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire un tour complet des problèmes soulevés par cette loi ! Ces amendements ont été déposés, ils sont connus, alors, Monsieur Lescaze, prenez la peine de les lire !

M. Bernard Lescaze. Mais, je les ai aussi !

M. John Dupraz. Alors, tais-toi !

La présidente. (Très agacée.) Oh, Monsieur Lescaze ! (Remarques et quolibets fusent.) Vous allez avoir la parole, tout de suite après M. Moutinot !

M. Laurent Moutinot. J'ai l'impression que certains souhaitent chausser des lunettes à double foyer pour voir certaines choses clairement et d'autres moins clairement. Mais, en matière de politique, on ne peut avoir qu'une seule vision : la plus grande transparence possible ! Cette conception des choses a été partagée par la majorité de la commission. Si les auteurs du projet de loi ont souhaité une loi plus avant-gardiste, aujourd'hui, néanmoins, ils ne présenteront aucun amendement parce que le projet, tel qu'il est libellé, reflète l'accord trouvé par la majorité de la commission. Cet accord mérite d'être soutenu.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous entrerons en matière, pour faire plaisir à M. Lescaze. Pour la suite, vous devinez la position que nous soutiendrons !

M. Bernard Lescaze (R). Je me bornerai effectivement à parler de la question de principe sur l'entrée en matière.

Le groupe radical, bien entendu, accepte ce projet de loi, car il fait une grande part à la transparence. En effet, même en politique, la transparence doit être un moyen et non pas un but. Il me semble important de dénoncer les sophismes avancés par M. Halpérin. Certes, les liens d'intérêts qui doivent être clarifiés concernent avant tout le domaine économique. Mais comment ne pas voir, dans les exemples donnés, qu'il existe, d'une part, des causes idéales et, d'autre part, des causes intéressées. Dans l'exemple même qu'il a donné, l'une des causes était directement intéressée, alors que l'autre était ce qu'on pourrait qualifier d'«idéale».

De la même manière, il y a des incompatibilités politiques qui sont inscrites dans la loi, mais je crois que personne dans ce Grand Conseil ne peut nier qu'il y a aussi des incompatibilités morales. Nous arrivons aujourd'hui à un stade de la vie démocratique où certaines choses qui étaient acceptées jadis, ou même naguère, ne le sont plus. Maintenant, nous vous proposons de faire un premier pas dans cette ouverture. Le but n'est pas de mettre autour des milieux économiques une cravate de chanvre les empêchant ainsi de faire de la politique. Pas du tout ! Au contraire, nous pensons - contre l'avis du Conseil d'Etat - en Suisse et à Genève en particulier, que la société civile, économique, ne doit pas être séparée de la société politique, mais les citoyens ont le droit de connaître les liens d'intérêts de leurs élus et encore plus de leurs candidats, pour pouvoir exercer un choix judicieux. Si jamais quelqu'un devait se sentir quelque peu gêné aux entournures, personne ne le contraindrait à se lancer dans une carrière politique. D'ailleurs, à Genève, qui oserait parler - à l'exception peut-être du Conseil d'Etat - de carrière politique ?

M. John Dupraz. Grobet ! (Rires.)

M. Bernard Lescaze. Il a été conseiller d'Etat, il a donc effectivement fait carrière. Mais nous ne sommes pas à cheval sur ces termes.

Dans ces conditions, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, en conservant à l'esprit le but de ce projet de loi qui reste modeste, de bien vouloir entrer en matière.

M. Christian Ferrazino (AdG). Quand le bon sens vient du parti radical, malheureusement, il semble que le parti démocrate-chrétien ne puisse pas le partager ! Je reviendrai sur les amendements tout à l'heure, puisque je ne veux pas intervenir à ce propos maintenant, s'agissant du débat d'entrée en matière.

La rapporteuse a dit dans son excellent rapport écrit et oral que ceux qui combattraient ce projet prendraient des risques. Monsieur Halpérin vous les avez pris, ce qui est votre droit, mais si vous aviez lu ce rapport avec toute l'attention requise, vous auriez constaté que la rapporteuse plaçait le fond du problème en montrant que nous devions procéder à une pesée des intérêts entre l'intérêt public d'une véritable transparence et l'intérêt privé de certains à cacher leurs liens économiques.

En intervenant comme vous l'avez fait, vous avez montré votre position. Personne ne s'en étonne véritablement - ce n'est donc pas un scoop - mais, au moins, vous avez eu le mérite de nous montrer que vous avez opté pour défendre les intérêts privés de ceux qui veulent cacher leurs liens avec l'économie. Vous avez peur de dévoiler une réalité avec laquelle nous devons composer. Précisément c'est la raison d'être d'un projet de loi de cette nature. Je vous rappelle que les Chambres fédérales l'ont adopté depuis plus de dix ans. Chaque élu aux Chambres fédérales inscrit dans un registre l'ensemble de ses qualités tant professionnelles que d'intérêts dans le cadre de ses activités annexes. Votre collègue, M. Coutau, s'en félicite d'ailleurs.

Et l'exemple que vous avez donné, comme l'a relevé M. Lescaze, démontre justement le paradoxe que vous cultivez avec beaucoup d'aisance. Pour reprendre l'exemple de l'association qui lutterait contre le commerce des fourrures, celle-ci précisément a tout intérêt à faire connaître son intérêt qui est de lutter pour ce but idéal. Elle ne va surtout pas se cacher, et il n'y a pas besoin de légiférer, Monsieur Halpérin, pour l'obliger à indiquer la cause qu'elle défend. On ne court absolument aucun risque, car ces déclarations se font très spontanément. Par contre, vous avez raison de dire que ceux qui ont des intérêts privés bien compris dans certains domaines, eux, vont tenter de les cacher.

La transparence est indispensable. Il en va de la crédibilité des institutions que nous défendons et que nous représentons. Il en va également de l'information que nous devons donner aux électeurs qui doit être aussi fournie que possible, non pas seulement sur les élus mais, surtout, sur les candidats. Il me semble important de rappeler à ceux qui n'ont pas participé aux travaux de la commission que le projet de loi qui nous est soumis ce soir est un projet minimaliste. Cela signifie qu'il est le résultat des concessions qui ont été faites de part et d'autre des membres de la commission.

Le texte, notamment en ce qui concerne les candidats, est très succinct. Comme vous l'aurez constaté, la liste visée à l'article 24 pour les candidats est bien moindre que celle qui est retenue dans la disposition de l'article 29 pour les élus. C'est donc un minimum sur lequel la majorité de la commission s'est accordée pour donner une information - je le répète - minimum aux gens qui doivent choisir leurs futurs représentants au sein de ce parlement. Effectivement, comme l'a dit M. Moutinot, si les amendements présentés devaient être acceptés, ils videraient ce projet de loi de sa substance à tel point qu'il conviendrait tout simplement de le refuser.

S'agissant de la publication annuelle, des renseignements sont demandés à chaque députés et consignés sur un registre. Si ce registre n'a pas un effet de publicité, il est totalement inutile de le dresser. Bien évidemment, on peut aujourd'hui, en potassant différents annuaires statistiques, le «Savoir» et autres, se renseigner plus ou moins sur les activités et les liens économiques de l'un ou l'autre d'entre nous. Mais qui va faire ce travail ? Précisément, puisque l'information - vous l'avez reconnu vous-même - est déjà accessible, autant centraliser dans un registre ces éléments, puisque, tout le monde s'accorde apparemment à le reconnaître, les hommes politiques n'ont rien à cacher. Monsieur Halpérin, un homme politique devient un homme public.

M. Claude Blanc. Et les femmes ?

M. Christian Ferrazino. C'est assez cocasse que ce soit M. Blanc qui fasse allusion aux femmes ! (Eclat de rire.) Je vois que vous évoluez très rapidement, ce qui est tout à fait bon signe.

Les conditions posées par rapport à l'établissement de ce registre seraient vidées également de leur sens sans la publication de ce registre prévue par ce projet de loi.

M. Bénédict Fontanet. Je suis tout à fait navré d'attrister M. Ferrazino, mais j'espère qu'il s'en remettra. A voir sa large mine réjouie et sa moustache conquérante, je pars du principe que tel n'est pas le cas ce soir ! (Une remarque lancée par M. Lescaze fait rire la salle.) Et on disait que M. Halpérin faisait des sophismes. Vous, vous êtes tout simplement au ras des pâquerettes, si je puis me permettre, ou au ras du gazon, mais c'est autre chose.

N'en déplaise à M. Lescaze, la transparence est à la mode, c'est devenu un véritable leitmotiv et il en va des leitmotive, pour reprendre les propos de M. Halpérin, comme des cravates, on en change en fonction de l'air du temps, de l'ambiance et des circonstances ! D'aucuns voudraient au travers de ce projet de loi prendre indirectement la main dans le sac ou la main dans le Grand Conseil les capitaines ou les crypto-capitaines de l'industrie et de l'économie du capitalisme triomphant; à mon sens, c'est tout à fait inutile ! En effet, si vous voulez connaître la liste des conseils d'administration, par exemple, de M. Halpérin ou ceux que j'occupe, il vous suffit de lire ces excellentes publications que chacun d'entre vous connaît certainement par coeur, je veux parler du «Savoir», de l'«Annuaire genevois» ou encore de l'«Annuaire suisse du registre du commerce». Vous y trouverez toutes ces indications sans que nous fassions dépenser à notre République des deniers si durement et si chèrement acquis.

Par voie de conséquence, et puisque ce sont les liens économiques qui vous intéressent, Monsieur Ferrazino, la publication de ces liens ne changera rien, puisque de toute manière celle-ci existe de fait déjà aujourd'hui. C'est pour cela - Monsieur Beer, si vous voulez bien me laisser terminer, vous verrez que j'arrive à une conclusion proche de la vôtre - qu'il n'y a pas de raison de s'y opposer en ce qui concerne les élus. Ceux qui y voient le cheval de Troie de la politique dans l'économie privée en seront pour leurs frais !

Si donc, pour les élus, je veux bien admettre l'exigence d'une déclaration solennelle, sur l'honneur, en se frappant la coulpe pour indiquer à quelles organisations économiques, para-économiques, écologiques, para-écologiques...

M. Christian Grobet. Vous avez honte !

M. Bénédict Fontanet. Mais, je n'ai pas honte, Monsieur Grobet, contrairement à vous, de participer à certains conseils d'administration. (Rires.)

M. Christian Grobet. Vous le supportez ?

M. Bénédict Fontanet. Oui, je le supporte très bien. Cela me permettra, Monsieur Grobet, de faire quelques chèques pour des publications qui vous sont chères, mais c'est là un autre débat.

Une voix. Tu veux l'acheter ?

M. Bénédict Fontanet. Non, non, je ne tente pas d'acheter M. Grobet, il est de toute façon incorruptible, l'expérience le prouve !

La présidente. Ce dialogue pourrait-il cesser, Monsieur Grobet et Monsieur Fontanet ?

M. Bénédict Fontanet. C'est l'illustration, Madame la présidente, de l'affection que je porte à M. Grobet. (Exclamations et rires fusent.)

Plus sérieusement, si je pense que l'on peut exiger des élus qu'ils se livrent au petit exercice consistant à énumérer les activités qui sont les leurs...

M. Jean-Pierre Lyon. Dupraz, prête-lui ta cravate !

M. Bénédict Fontanet. Elle a des petits lions aujourd'hui, ma cravate...

La présidente. Non, mais écoutez, franchement ! (Le ton de la présidente est tout à fait désespéré, et c'est sans conviction qu'elle fait sonner la cloche.)

M. Bénédict Fontanet. (L'orateur pouffe de rire et la salle s'amuse bien.) Si je conçois tout à fait que l'on puisse exiger des élus... (Le charivari est intense.) Dupraz, lui, a des cochons sur sa cravate, ce qui montre la différence entre lui et moi ! (Les rires redoublent.) Chacun retrouve les siens ! (Des rires à gorge déployée se font entendre.)

La présidente. Monsieur Fontanet ! (La présidente reprend M. Fontanet, en se retenant de rire avec peine.)

M. Bénédict Fontanet. Excusez-moi, Madame la président, mais c'est plus fort que moi... (Un rire inextinguible prend l'orateur, ce qui déclenche, de plus belle, les rires de toute la salle.)

Madame la présidente, donc, et pour ne pas mélanger les torchons et les serviettes, à défaut de mélanger les lions et les cochons... (Rires.) ...si je veux bien concevoir, pour ne pas être à cheval sur des principes, qu'on soit en droit d'exiger des élus une certaine transparence en leur demandant d'énumérer la liste de leurs intérêts, il m'apparaîtrait très contre-productif de demander aux candidats d'en faire de même.

C'est pour cela que nous proposerons tout à l'heure des amendements qui n'ont pas du tout pour but - ne vous en déplaise, Monsieur Moutinot - de tenter de vider le projet de loi de sa substance. Mais l'exercice qui consiste à convaincre des gens de se présenter sur des listes, notamment au Grand Conseil, n'est déjà pas facile. Il me semble qu'un interrogatoire sur les activités des candidats : leurs déplacements, leurs actions et leurs intentions ne fera que décourager ces personnes de se présenter pour exercer une activité politique. Cela est limitatif et pourrait nous priver, le cas échéant, d'un certain nombre de compétences.

C'est pour cela que nous voterons l'entrée en matière sur ce projet de loi, mais que nous serons très circonspects, voire plus même, s'agissant de la partie du projet qui concerne les candidats. Je vous remercie de votre attention.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je vais avoir un peu de peine à intervenir après les petits cochons, les petits lions, les cravates et le cheval ! Néanmoins, je vais essayer de faire au mieux.

Tout d'abord, je remercie Mme Wavre pour son rapport, qui reflète extrêmement bien les travaux de la commission, ce qui n'est pas le cas du débat de ce soir. J'apprécie tout particulièrement l'attitude du parti radical, qui nous évite sur ce sujet un stupide débat gauche/droite qui ne devrait pas être, puisque les liens d'intérêts devraient tous nous réunir.

Je suis très étonnée de la dureté du parti libéral à l'égard de ce projet, étant donné que l'on a entendu l'avis de M. Coutau, lequel, que je sache, n'a pas forcément le coeur très à gauche. Il nous a dit à quel point ces liens d'intérêts ne lui posaient aucun problème. Alors, s'il faut enfoncer une porte ouverte, Monsieur Halpérin, enfonçons-la ! Ce ne sera pas un grand dommage, me semble-t-il, pour aucun d'entre nous. Vous estimez qu'il y a une grande marge d'interprétation d'après le questionnaire. C'est vrai, mais c'est parce qu'il est basé sur la confiance. Or, c'est de la confiance seule qu'on peut obtenir la transparence.

Vous vous trompez, Monsieur Halpérin, le registre ne concerne pas uniquement les liens d'intérêts économiques. Celui du Conseil national, qui est à votre disposition, comporte les liens avec le monde économique, mais aussi avec le monde syndical, le monde environnemental, ou encore les appartenances à des oeuvres caritatives.

Lorsque vous évoquez la déclaration de patrimoine et de revenus, vous faites fausse route. Le syndrome de la politique française a frappé tout le monde ici.

Notre groupe soutiendra l'entrée en matière de ce projet. Il s'opposera aux amendements présentés par M. Fontanet, dont le seul but est de vider ce projet de loi de sa substance.

M. Bernard Clerc (AdG). J'ai été un peu interloqué par l'intervention de M. Lorenzini. En effet, il prétend qu'il a le même souci de transparence que l'ensemble des députés de ce parlement. A mon avis, visiblement, il veut bien la transparence pour autant qu'elle reste un peu opaque tout de même ! Il me semble que ce n'est pas très clair. (Rires.) C'est le mot !

J'ai l'impression dans ce débat que tout d'un coup les personnes censées représenter les milieux économiques ont honte de leur appartenance à ces milieux économiques. Je me demande quelle honte il y a à déclarer ces liens d'intérêts en matière économique, de même qu'il n'y a aucune honte à déclarer ces liens d'intérêts en matière syndicale ou en matière associative. Il me semble que cela permet à l'électeur de faire son choix plus judicieusement.

Pour prendre un exemple, mon ami Vanek est membre de Contratom et y joue un rôle important. Il faut absolument que l'électeur fanatique du nucléaire le sache, pour ne pas voter pour lui. Cela me paraît le minimum pour les électeurs. La majorité de la population semble acquise aux modes de fonctionnement de notre économie, telle qu'elle est aujourd'hui. Il est donc important que les électeurs choisissent en connaissance de cause des représentants de cette économie pour siéger dans notre parlement. Messieurs les libéraux, de quoi avez-vous honte ? C'est le sentiment que vous donnez en tenant de tels propos !

Tout le monde a intérêt à la transparence. Elle permet de lever toute une série d'ambiguïtés et évite les doutes sur la volonté des candidats et des élus dans ce parlement.

La présidente. Monsieur Meyll, s'il vous plaît, levez la main à temps !

M. Pierre Meyll (AdG). Il fallait que je me documente un peu, Madame !

J'ai pris le «Savoir», puisqu'il est évident que je n'en manque pas...

M. David Revaclier. Il est périmé ! (Rires et quolibets fusent.)

M. Pierre Meyll. Non, il est de 1994 ! Peut-être faudrait-il le remettre à jour !

Les noms des sociétés figurent dans le «Savoir», mais on ne sait pas ce qu'elles représentent. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on voudrait ! Nous, on voudrait davantage, et c'est pour cela que nous le trouvons incomplet. Nous voudrions connaître le capital de ces sociétés, pour savoir combien pèse dans l'économie le député qui se présente aux élections. C'est cela qui est important. (Contestation des libéraux.) J'irai encore un peu plus loin. Je ne sais pas ce que représentent certaines sociétés, comme la Cofisa Trading, la Régie Presse, la SI Meyrin ou la Tricquel. Il serait intéressant de le savoir et il serait bon que ces informations soient répertoriées. La transparence, c'est aussi cela ! (L'orateur est interpellé par certains députés.) Je vous en prie !

M. Michel Halpérin (L). A partir du moment où vous aurez voté ce texte dans l'enthousiasme, je m'offre pour donner un cours de lecture rapide à M. Meyll... (Rires.) ...sur le bon usage du «Savoir» ! La lecture des quelques conseils d'administration dont je suis membre, qu'il vient de vous faire, prouve qu'il a trouvé la bonne page, et prouve, donc, que ces informations existent. S'il n'a pas su déceler les montants du capital de ces sociétés, c'est parce qu'il n'avait pas mis ses lunettes, mais ils s'y trouvent. Merci, Monsieur Meyll !

M. Pierre Meyll (AdG). Pas besoin de lunettes ! Cela démontre aussi que la lecture du «Savoir» n'est pas suffisante pour des ignares comme moi ! Malheureusement, ils sont nombreux ! Il est donc nécessaire que l'explication soit claire, nette et diffusée !

M. Michel Halpérin. Les analphabètes le resteront dans tous les registres !

M. Bénédict Fontanet. Monsieur Meyll, je vous signale que les administrateurs figurent sur certaines pages, et que les sociétés et les renseignements que vous cherchez, s'agissant du capital, figurent sur d'autres pages. C'est très difficile, je vous le concède, mais je me joins aux efforts qui seront faits par M. Halpérin pour vous expliquer une saine et rapide lecture du «Savoir» ! (Rires.)

M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais simplement dire qu'il est très facile pour des messieurs qui voyagent dans les conseils d'administration et qui nagent dans ces milieux de faire de l'ironie vis-à-vis d'un simple citoyen qui ne sait pas trouver des renseignements aussi facilement qu'ils peuvent le faire ! Je trouve vos propos parfaitement déplacés ! Nous souhaitons simplement que tout un chacun puisse trouver ces renseignements plus facilement. C'est tout ce que nous voulons !

Ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

 Art. 24, al. 4 (nouveau, l'al. 4 ancien devenant l'al. 5)

M. Bénédict Fontanet. Nous souhaitions non pas supprimer toute information pour les candidats, mais supprimer la lettre b de l'article 24, alinéa 4, qui consiste à demander à chaque candidat d'indiquer par écrit «les conseils professionnels ou civils où il siège.».

Ce n'est pas que nous désirions l'opacité s'agissant des candidats, mais nous nous sommes aperçus, dans le cadre de l'activité politique qui est la nôtre, qu'il n'est pas facile de trouver des candidats pour la fonction de député et qu'en outre il y a beaucoup de candidats au Grand Conseil - il y en avait plusieurs centaines la dernière fois. Déjà qu'il n'est pas toujours aisé de convaincre nos concitoyens à accepter de prendre une charge politique, il ne nous semble pas souhaitable de les livrer à un véritable interrogatoire, par parti interposé, pour les inviter à indiquer leurs qualités, outre celles, légitime, qui consistent en leur formation professionnelle et leur activité.

M. Roger Beer (R). M. Fontanet n'a pas dû écouter ce qui a été dit précédemment. Il n'est pas d'accord d'indiquer les conseils professionnels ou civils importants. Mais je rappelle que si lui ne trouve pas de candidats, ce n'est pas le cas de tout le monde.

Sur les douze dernières années le nombre de candidats au Grand Conseil variait de quelques unités pour les municipales. M. Coutau, contrairement à ce qui a été sous-entendu avant, est toujours libéral. Cela n'a rien changé pour le Conseil national, sur le nombre de candidats et le nombre d'élus. A mon avis, cet amendement tente sournoisement de supprimer une des volontés de transparence de ce projet de loi. Bien entendu, le parti radical le refusera !

Même si aujourd'hui à Genève les renards prolifèrent, je ne vois pas du tout la comparaison qu'on tente d'établir entre la défense des fourrures et un conseil d'administration. On peut imaginer qu'un député, membre du conseil d'administration de Reuters, se retrouve à la commission de l'aménagement : il pourrait avoir un intérêt évident à défendre sa société. Je ne dis pas que ce n'est pas son droit, mais il faut au moins que les gens le sachent.

M. Bénédict Fontanet. Monsieur Beer, je ne suis pas aussi ignorant que vous ne le laissez supposer ! M. Coutau s'exprimait par rapport au Conseil national ou au Conseil des Etats où ce sont les élus qui doivent faire la déclaration dont vous avez fait état et à laquelle vous vous êtes référé dans le cadre de votre intervention. Il ne s'agit bien sûr pas des candidats; le sujet est donc différent.

J'indiquais qu'il me semblait exagéré d'exiger de chacun des candidats fort nombreux - vous l'avez aussi relevé - une telle déclaration. Elle me paraît inutile et à même de décourager certaines personnes. Par contre, s'agissant des élus, mon groupe n'a aucune objection à ce que ces renseignements figurent dans un registre. Cette exigence - je le répète - s'agissant des candidats ne nous semble ni nécessaire ni souhaitable.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 24, al. 4 (nouveau, l'al. 4 ancien devenant l'al. 5) est adopté, de même que l'art. 54, al. 3 (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Art. 2 (souligné)

 Art. 29 A (nouveau), al. 2, lettre b)

M. Bénédict Fontanet. Cet amendement consiste, comme chacun aura pu le voir en lisant le petit document qui lui a été remis, à supprimer les deux adjectifs : «suisses ou étrangers» qui nous semblent tout à fait superfétatoires. Que les groupes d'intérêts, établissements ou sociétés, soient suisses ou étrangers importent peu, en l'occurrence !

M. Bernard Lescaze (R). Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter le texte tel qu'il figure dans le rapport. En effet, la mention «suisses ou étrangers» n'est pas une mention inutile dans la mesure où il est facile de vérifier la déclaration des intérêts, lorsqu'il s'agit d'intérêts suisses. En revanche, lorsque ces intérêts sont étrangers, cette vérification est plus difficile, et peut-être que certains élus pourraient omettre de le signaler. J'imagine fort bien que M. Blanc pourrait omettre un conseil aux Iles Vierges, par exemple ! (Immense éclat de rire.) Je pense donc qu'il convient de maintenir cette mention.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

 Art. 29 A (nouveau), al. 4

M. Bénédict Fontanet. Non, moi, j'arrête, c'est Lorenzini qui prend la parole !

Une voix. Retire-le !

M. Olivier Lorenzini (PDC). Non, non, je ne le retire pas ! (Rires.)

La présidente. Monsieur Lorenzini, je peux venir à votre secours. En effet, vous aviez déposé un deuxième amendement concernant l'article 29 A, alinéa 4 pour supprimer...

M. Olivier Lorenzini. ...concernant l'efficacité de la communication telle que prévue dans la loi. Il nous a semblé possible de supprimer : «...et publiées annuellement.», puisque le registre est à la disposition de la population.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

M. Michel Balestra (L). Nous demanderons l'appel nominal sur le vote de cette loi. (Appuyé.) (Cette demande déclenche une immense contestation.)

La présidente. Monsieur Balestra, vous demandez cet appel nominal sur l'article 29 A ou sur le troisième débat ?

M. Michel Balestra. Excusez-moi, sur le troisième débat !

Mis aux voix, l'article 29 A (nouveau) est adopté.

L'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).

Troisième débat

M. Bénédict Fontanet. Vous devrez me souffrir encore quinze secondes, Madame la présidente.

La présidente. Mais, je vous écoute avec plaisir, Monsieur Fontanet !

Des voix. Oouuuhhhh!

M. Bénédict Fontanet. Surtout à cette heure avancée de la soirée, je suis disposé à vous faire quelque aparté tout à l'heure, si vous le souhaitez vraiment, Madame la présidente ! (Rires et exclamations.)

Plus sérieusement, notre groupe votera tout de même le projet de loi en question malgré ses imperfections indéniables.

Une voix. Ça valait bien la peine ! (Manifestation et applaudissements.)

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent le projet répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Ce projet est adopté par 56 oui contre 23 non et 4 abstentions.

Ont voté oui (56):

Roger Beer (R)

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Anne Briol (E)

Thomas Büchi (R)

Fabienne Bugnon (E)

Matthias Butikofer (AG)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Daniel Ducommun (R)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

Henri Duvillard (DC)

René Ecuyer (AG)

Catherine Fatio (L)

Christian Ferrazino (AG)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Claude Genecand (DC)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Nelly Guichard (DC)

Elisabeth Häusermann (R)

Dominique Hausser (S)

Liliane Johner (AG)

Pierre Kunz (R)

Bernard Lescaze (R)

Sylvia Leuenberger (E)

René Longet (S)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Andreas Saurer (E)

Christine Sayegh (S)

Philippe Schaller (DC)

Evelyne Strubin (AG)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre-François Unger (DC)

Pierre Vanek (AG)

Michèle Wavre (R)

Ont voté non (23):

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Janine Berberat (L)

Nicolas Brunschwig (L)

Hervé Burdet (L)

Anne Chevalley (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Claude Lacour (L)

Michèle Mascherpa (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean Opériol (DC)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Se sont abstenus (4):

Florian Barro (L)

Henri Gougler (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Etaient excusés à la séance (13):

Jacques Boesch (AG)

Liliane Charrière Urben (S)

Hervé Dessimoz (R)

Luc Gilly (AG)

David Hiler (E)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Barbara Polla (L)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Max Schneider (E)

Jean Spielmann (AG)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Etaient absents au moment du vote (3):

Claude Blanc (DC)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Armand Lombard (L)

Présidence:

Mme Françoise Saudan, présidente.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques

(liens d'intérêts)

(A 5 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit:

Art. 24, al. 4 (nouveau,l'al. 4 ancien devenant l'al. 5)

4 Pour les élections cantonales, chaque candidat doit indiquer par écrit, outre son acceptation prévue par l'ali-néa 2 de la présente disposition:

a) sa formation professionnelle et son activité actuelle;

b) les conseils professionnels ou civils importants où il siège.

Art. 54, al. 3 (nouveau)

3 Pour l'élection du Grand Conseil, les liens d'intérêts décrits à l'article 24, alinéa 4, sont publiés au moins 3  semaines avant les élections dans la Feuille d'avis officielle.

Art. 2

Modificationà une autre loi   (B 1 1)

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:

Art. 29 A (nouveau)

Registre des liens d'intérêts

1 Le bureau du Grand Conseil établit un registre des intérêts liant le député, registre que chacun peut consulter.

2 Au début de chaque législature, le bureau du Grand Conseil porte pour chaque député, dans un registre, la liste de ses intérêts établie selon les indications suivantes:

a) sa formation professionnelle et son activité actuelle;

b) les fonctions permanentes qu'il assume au sein d'organes de direction et de surveillance de fondations, de sociétés, d'établissements ou de groupes d'intérêts importants, suisses ou étrangers, de droit privé et de droit public;

c) les fonctions qu'il occupe au sein de commissions extraparlementaires ou d'autres organes de la Confédération, du canton et des communes;

3 Les indications contenues dans le registre sont publiées dans le Mémorial du Grand Conseil la première année de la législature.

4 Les modifications intervenues sont indiquées par chaque député au début de chaque année civile. Ces modifications sont portées par le bureau du Grand Conseil dans le registre et publiées annuellement.

5 Le bureau du Grand Conseil veille au respect de cette disposition. Il peut sommer les députés de se faire inscrire au registre. Sa décision est définitive.

Art. 3

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

 

La séance est levée à 23 h 10.