République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 14e séance
PL 7173-A
La commission de la santé a étudié le projet de loi 7173 lors de ses séances des 27 janvier et 3 février 1995, sous la présidence de M. Jean-Philippe de Tolédo. La commission a procédé à l'audition du conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond.
Objet du projet de loi
Le but du projet de loi 7173 est d'établir un plan directeur qui définisse les objectifs de la politique de la santé, qui précise les activités sanitaires et les organismes qui doivent accomplir ces activités ainsi que leurs répercussions au niveau financier. Si le plan directeur est censé donner les grands axes des activités de santé publique et servir d'outil de planification, il ne se veut pas contraignant juridiquement, cela, entre autres, en raison de la clause du besoin.
Discussions de la commission
Les discussions de la commission ont porté tout d'abord sur la répartition des activités de promotion/prévention de la santé par opposition aux activités de soins. Le plan directeur devrait permettre de préciser ces différents axes, alors qu'à l'heure actuelle la prévention n'émarge pas en tant que telle au budget de l'Etat - ce qui, bien évidemment, ne signifie pas que le budget dévolu à la prévention soit insignifiant !
Par ailleurs, la commission a débattu de la place qu'il fallait donner aux activités privées dans un tel plan directeur. Elle a considéré que les activités privées influencent sans aucun doute les activités publiques et leur financement, mais qu'elles ne peuvent pas être incluses en tant que telles dans un plan directeur. La formule retenue sera «tenant compte des activités privées».
Finalement, la commission a discuté de la meilleure façon de présenter dans le temps ce plan directeur et du délai accordé au Grand Conseil pour l'adopter. Tenant compte de l'échéance du DASS (rapport sur l'aide à domicile, adoption de la LAMAL, élections), la présentation de ce plan directeur pour mars 1996 et un délai de 6 mois pour l'adoption sont retenus.
Votes
Le titre du projet de loi 7173 est modifié comme suit (par 14 oui, une abstention):
«Projet de loi instituant un plan directeur des prestations sanitaires».
Le projet de loi est ensuite accepté à l'unanimité des membres de la commission.
Premier débat
Mme Micheline Spoerri (L), rapporteuse. Je représente Mme Polla qui désire ajouter les commentaires suivants :
Le projet de loi 7173, émanant du groupe socialiste, a été d'emblée reconnu par l'unanimité de la commission comme un objet important. Et si mon rapport est particulièrement concis, ce n'est nullement en reflet du peu d'importance du projet, mais du fait que les discussions ont été consensuelles à son égard, hormis quelques points comme la question de la clause du besoin et la place attribuée, dans un tel plan directeur, aux activités privées.
Le projet de loi, tel qu'il est libellé actuellement et présenté aujourd'hui, émane donc de la commission de la santé dans son ensemble.
Il ouvre une porte à la réflexion, à savoir quel type de politique sanitaire nous souhaitons, un débat qui s'avérera très important et dont je souhaite qu'il prenne en compte, bien sûr et en premier lieu, la qualité des prestations sanitaires que nous voulons à l'avenir et, évidemment, en regard, leurs coûts, mais aussi un point que l'on a tendance à oublier : leurs bénéfices.
Les prestations sanitaires ne coûtent pas seulement. Elles sont aussi génératrices de bénéfices, particulièrement en termes d'emploi. La quantité d'emplois générée par les prestations sanitaires, et les bénéfices réels, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, devront être, eux aussi, pris en compte dans notre réflexion.
Finalement, il est intéressant que ce projet de loi soit présenté à un moment où la réflexion sur l'organisation et la répartition des prestations de la santé devient urgente. D'une certaine façon, ce projet offre un cadre concret à nos réflexion et discussions à venir.
M. Dominique Hausser (S). Comme vous vous en doutez, le groupe socialiste accueille favorablement ce projet de loi dont les auteurs, socialistes, sous la plume de la rapporteuse, sont demeurés anonymes.
Avec ce projet de loi, le parlement se dote d'un outil qui lui permettra de débattre de la ligne que le canton souhaite suivre en matière de prestations de santé et de soins, ce d'une manière globale tant dans le secteur public que privé.
Par ailleurs, ce parlement pourra ainsi voter les budgets afférents en connaissance de cause.
M. Philippe Schaller (PDC). Le terme de planification, en matière de santé, reste un sujet tabou, sensible, échauffant rapidement les esprits et, pour certains, synonyme d'étatisation, vieux relent d'un système économie dont on connaît les limites.
Ceci est si vrai qu'il suffit de lire le rapport de Mme Polla pour s'apercevoir qu'il n'a de substance que de vouloir rassurer que le projet ne cherche pas à étatiser la médecine, mais tend à une meilleure répartition entre promotion et prévention de la santé et activités de soins.
Mais aujourd'hui, maîtriser les dépenses de santé s'affirme comme un objectif politique majeur, dans notre canton comme d'ailleurs dans d'autres contrées.
Parler de la politique de la santé suppose qu'il en existe une. Et pour qu'il en existe une, il faut des projets, des objectifs et des stratégies. Or, malheureusement, force est de constater que dans ce canton, comme dans les pays qui nous entourent, l'on n'arrive pas à se mettre d'accord sur ce projet.
Nous butons toujours sur la notion de médecine publique et de médecine libérale. Nous butons toujours sur les formes de financement par le biais de budgets publics ou par le biais d'assurances sociales. Nous butons toujours sur l'hospitalo-centrisme et la médecine ambulatoire. Nous butons toujours...
Il faut une véritable stratégie et la planification en est l'une des facettes. J'aimerais simplement reprendre les propos de M. Emmenegger dans son premier rapport sur la planification dans notre canton, rapport datant de juin 1991 : il dit que la planification est finalement et simplement l'art du probable, du possible et du souhaitable. Cette planification est un instrument d'aide à la décision. Elle est absolument nécessaire, mais si l'on veut qu'elle soit utile, il faut prendre en compte toutes les activités médicales, et y exercer un certain pouvoir.
L'important n'est pas que les fournisseurs de soins soient publics ou privés, mais qu'ils soient soumis à des règles qui les incitent à se comporter dans le sens de l'intérêt de tous, c'est-à-dire dans le sens de l'intérêt collectif. Le rôle de l'Etat, Monsieur Segond, n'est pas de se substituer aux producteurs et aux assureurs, mais de mettre en place des règles, des mesures incitatives devant lesquelles les différents acteurs choisiront eux-mêmes des comportements compatibles avec l'intérêt collectif.
L'Etat, en matière de santé, doit être garant de l'accessibilité des soins à tous et de leur haute qualité. Il doit, avec les associations concernées, évaluer les pratiques. Il doit optimaliser les dépenses de santé. Si l'Etat n'en est pas capable, s'il ne peut maîtriser les dépenses, il n'y aura pas de politique de solidarité, il n'y aura pas une politique de justice sociale.
Je ne peux que regretter la défiance et la méfiance des uns et des autres. Je ne peux que regretter que cette proposition n'apporte, finalement, qu'une amélioration mineure au système de santé dans notre canton.
Je regrette également la position du parti socialiste sur le rapport Gilliand, car le dénigrement systématique de ce rapport, qui n'est qu'un instrument d'aide à la décision, qui n'est qu'une compilation de données statistiques et démographiques - c'est d'ailleurs ce qu'on lui demandait - est un document important pour la planification.
Ce dénigrement se veut, certes, politique, mais il ne fait qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui ne veulent pas de planification, de ceux qui ne veulent pas faire des choix. Aussi difficiles qu'ils soient, ces choix, aujourd'hui, s'imposent, parce qu'il faudra bien décider de quelle manière nous voulons affecter les ressources, de plus en plus rares, à des priorités collectives nombreuses.
Il est vrai qu'aujourd'hui la politique de santé demande d'être audacieux, de proposer des innovations et d'identifier de nouveaux défis. Mais, malheureusement, l'engluement politique, la défense corporatiste et les intérêts divergents font que nous sommes incapables d'avoir une vision globale, afin de dégager des perspectives d'avenir.
M. Pierre Froidevaux (R). Ce projet de loi est une mise en conformité de notre législation cantonale vis-à-vis de la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie adoptée, par le peuple et les cantons, le 6 décembre dernier. L'article 39 de cette loi demande expressément une planification cantonale et intercantonale avec, comme but, d'améliorer la coordination entre fournisseurs de prestations de soins, d'en utiliser les ressources de façon optimale et d'en réduire les coûts.
Notre volonté législative, en commission de la santé, s'exprime explicitement dans le rapport dense de Mme Polla.
Ce projet de loi, accepté par les radicaux comme par l'unanimité des membres de la commission, nous donnera notamment l'occasion d'un débat, dans cette enceinte, sur la politique hospitalière, et ce dès l'année prochaine.
Nous nous réjouissons déjà de pouvoir disposer d'un outil de travail, notamment statistique, qui puisse éclairer notre parlement sur l'activité du plus gros employeur du canton. Nous aurons ainsi l'occasion de nous familiariser avec une des branches de l'économétrie : la médicométrie; de connaître enfin, non seulement les coûts, mais aussi les bénéfices induits par les prestations de santé.
Ce débat, attendu par la population et les autorités médicales, sera aussi important que délicat. Les choix d'aujourd'hui seront les réalités de demain, et je nous souhaite pour bientôt un travail constructif !
M. Dominique Hausser (S). Monsieur Schaller, le parti socialiste n'a pas attaqué le rapport Gilliand, mais a regretté que le mandat, donné à M. Gilliand, soit très similaire à celui qui avait été confié à M. Emmenegger quelques années auparavant. Le parti socialiste a regretté que le mandat donné à M. Gilliand n'ait pu permettre, effectivement, de définir une politique de prestations de soins et de santé dans le canton.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7173)
LOI
instituant un plan directeur des prestations sanitaires
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Plan quadriennal
1 Le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil, tous les4 ans, un plan directeur de l'ensemble des prestations sanitaires publiques (promotion de santé et soins) et tenant compte des activités privées.
2 Ce plan directeur, qui porte également sur la collaboration régionale, indique les objectifs, les activités, les organismes responsables et les financements.
3 Pour chacune des activités financées par l'Etat, un budget quadriennal est établi. Il est répercuté de manière explicite dans le budget annuel de l'Etat.
Art. 2
Effets juridiques et adoption
1 Le plan directeur n'a pas d'effets juridiques contraignants.
2 Le Grand Conseil dispose de 6 mois pour l'adopter sous forme de résolution.
Art. 3
Le premier plan directeur quadriennal est présenté par le Conseil d'Etat au Grand Conseil avant le 31 mars 1996.