République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 11e séance
M 983
LE GRAND CONSEIL,
vu les mesures de circulation prises au centre-ville durant l'été 1993 après la mise en service de l'autoroute de contournement dans le but de diminuer le trafic automobile au centre-ville,
invite le Conseil d'Etat
à présenter un rapport au Grand Conseil:
indiquant la nature exacte des mesures de circulation prises au centre-ville à la suite de la mise en service de l'autoroute de contournement et les moyens mis en oeuvre pour les appliquer;
donnant un bilan sur effets de ces mesures comportant un rapport du groupe de suivi;
indiquant quand il mettra en place, comme prévu lors de l'adoption des mesures précitées, des horodateurs dans le quartier des banques selon le nouveau modèle permettant d'empêcher le parcage de longue durée dans ce quartier;
précisant qu'elles sont les mesures d'accompagnement prévues avec la mise en service du tram 13.
EXPOSÉ DES MOTIFS
A l'occasion de la mise en service de l'autoroute de contournement, le Conseil d'Etat a pris un certain nombre de mesures de circulation au centre-ville, afin d'y diminuer le trafic automobile, notamment de transit. Ces mesures ont fait l'objet d'un certain nombre de modifications, dont certaines sont intervenues encore à la fin de l'année dernière. Il conviendrait, pour y voir clair, que le Conseil d'Etat indique quel est l'état actuel de ces mesures et fasse connaître quelles sont les mesures qui ont été prises pour les appliquer et les faire respecter.
Il conviendrait également, maintenant que ces mesures ont été mises en place depuis 18 mois, que le Conseil d'Etat en fasse le bilan, indique sur la base de comptages quels sont les effets de ces mesures et fasse connaître l'appréciation du groupe de suivi, présidé par le professeur Philippe Bovy, mis en place à fin 1993 pour apprécier les effets des mesures précitées.
Enfin, il apparaît que l'une des mesures décidées en automne 1993 n'a malheureusement pas été exécutée: il s'agit de la mise en place dans le quartier des banques d'horodateurs d'un nouveau modèle, comme ceux mis en place à Meyrin, où l'automobiliste doit indiquer le numéro des plaques minéralogiques de sa voiture et qui, ainsi, ne lui permettent pas de bénéficier d'une deuxième autorisation de stationner dans le même quartier durant la même journée.
La décision de mettre en place de tels appareils était particulièrement bienvenue, car elle permettait de garantir le stationnement de courte durée dans le quartier des banques au profit des personnes venant faire des achats ou un déplacement de courte durée en ville, alors qu'il est notoire qu'actuellement les places de parking dans ce quartier sont essentiellement utilisées par des personnes travaillant dans ce secteur, qui déplacent leur voiture dans le quartier durant la journée, quand elles ne rechargent pas les parcomètres ou les horodateurs conventionnels mis en place au lieu du modèle retenu à l'époque. Une gestion correcte de ces places de parking répondrait non seulement aux objectifs que s'était fixés le Conseil d'Etat, mais encore rendrait inutile la construction d'un parking souterrain particulièrement onéreux à la place Neuve, sans parler des atteintes qu'un tel ouvrage apporterait à la plus belle place de Genève.
Débat
M. Pierre Meyll (AdG). L'exposé des motifs ne mentionne pas l'obligation fédérale de diminuer le trafic de 40% en ville de Genève et de 20% sur le canton.
Nous sommes contraints de respecter l'application des normes OPair et en cela les horodateurs modifieraient certainement le comportement des automobilistes et des conducteurs de voiture, que j'appellerai les voitures «ventouses-balladeuses». Il est clair que, ces voitures occupant le centre-ville, cela permettrait une meilleure utilisation ainsi qu'un meilleur accès à ce centre-ville qui, de toute façon, devra être interdit de transit. Cela nous aidera à respecter l'ordonnance fédérale sur la protection de l'air.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Si j'étais méchant, je dirais que cette motion arrive comme la grêle après la vendange. En effet, le rapport que vous demandez est sorti presque conjointement au dépôt de votre motion. De plus, un communiqué de presse fait état de l'ouverture de procédure sur les demandes de concession fédérale pour la création de nouvelles lignes de tram.
Certes, vous pouvez arguer que ces deux documents ne répondent pas à toutes vos questions. C'est pourquoi notre groupe acceptera cette proposition de motion. Elle permettra au gouvernement de préciser sa politique sur les mesures de circulation au centre-ville, car, il faut bien l'admettre, les prises de position du chef du département n'ont pas toujours été limpides et des choix clairs et précis doivent être faits.
Après le rapport sur la ligne 13, il faut bien préciser les mesures d'accompagnement et arrêter les mesures de circulation prises au centre-ville, sans ambiguïté. C'est dans cet esprit que nous soutiendrons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, ou à la commission des transports si cela est demandé.
M. Christian Grobet (AdG). Il est possible, Monsieur Genecand, que par un concours de circonstances des rapports qui se faisaient attendre soient enfin arrivés. Toutefois, je me permets de vous rappeler qu'ils ne sont pas venus devant ce Grand Conseil. Le but de la motion est que les questions traitées par celle-ci, et qui ont pu faire l'objet de rapports distribués à gauche et à droite, fassent surtout et d'abord l'objet d'un rapport devant ce Grand Conseil, afin qu'il puisse en être débattu publiquement dans notre enceinte et que les partis politiques puissent s'exprimer.
Par conséquent, il n'y a aucun doublon à ce sujet et, de toute manière, il est nécessaire que ces questions soient posées devant notre Grand Conseil, en tout cas celles qui ont déjà fait l'objet des rapports que vous évoquez.
En dehors de ce débat public et démocratique que nous souhaitons, un point de cette motion nous intéresse tout particulièrement, c'est celui du régime de stationnement dans le quartier des banques. Lorsqu'on a transformé les rues de connexion en rues commerçantes, la décision de remplacer les parcomètres dans le quartier des banques par le système de l'horodateur qui a été mis au point en France voisine avait été prise. Or, il semble que ce système est aujourd'hui fabriqué par une entreprise suisse. Du reste, des horodateurs de ce type se trouvent déjà en service à Meyrin. L'avantage de ce système est indéniable. Lorsque le conducteur de la voiture a pris un ticket dans un de ces appareils, il ne peut pas en reprendre un deuxième durant la même journée. On doit donner sa plaque minéralogique et, de cette manière, on peut garantir que les places de parc dans le quartier des banques servent véritablement à ce à quoi elles sont destinées, soit à du parcage de courte durée.
Je trouve regrettable que cette innovation, la plus intéressante, à mon avis, pour régler ce problème de parcage au centre-ville n'ait pas été mise en place. A l'époque, l'office des transports et de la circulation avait préconisé ce système. Je pense que l'OTC n'a pas changé d'avis à ce sujet. Mais je crois savoir, Monsieur Ramseyer, et c'est tout l'avantage d'avoir une double casquette, ou une casquette unique, pour s'occuper de l'ensemble des services, que les services de police se sont opposés à la mise en place de ces horodateurs. La demande de l'OTC n'a pas été satisfaite, car d'autres services de votre département s'y opposent pour des raisons assez obscures.
Nous désirerions savoir pourquoi cette innovation n'a pas été mise en place et si elle le sera dans l'avenir, car on risque de s'apercevoir que si les places de parc du quartier des banques sont effectivement réservées à du parcage de courte durée, dans ce cas, le parking de la place Neuve, particulièrement coûteux en raison de tous les problèmes qu'il posera, sera peut-être inutile. Nous entendons avoir des explications précises sur ce point.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Monsieur Grobet, seriez-vous devenu impatient ? Seriez-vous attaché à faire avancer les choses avec un enthousiasme que l'on aurait bien voulu enregistrer pendant les douze ans qui ont précédé ? (Rires.)
Je vous fais remarquer, Mesdames et Messieurs les députés, que nous fournirons le rapport demandé avec beaucoup de plaisir, parce que notre désir de vous informer est bien connu. Mais nous butons sur un problème, c'est celui de faire comprendre la complémentarité existant entre transports publics et circulation, la réalité de concepts clairs et, ensuite, l'échelonnement de mesures cohérentes et complémentaires entre elles.
M. Genecand vient de rappeler que nous avons déjà informé assez largement la commission des transports. Le rapport de l'OTC sur la politique de stationnement en ville vient de sortir de mes services, il sera transmis très prochainement avec le rapport que vous réclamez.
Je me réjouis du renvoi en commission de ce texte. Mais un élément est totalement erroné dans l'exposé des motifs, c'est celui qui met en relation exclusive le parking de la place Neuve avec le quartier des banques. Le parking de la place Neuve fait partie du concept «Circulation 2000». Il est le complément indispensable d'une zone piétonne dans le secteur de la Corraterie. C'est la raison pour laquelle nous défendons ce parking. Je suis persuadé qu'une fois revu l'ensemble des différents éléments du concept, nous en conviendrons tous en parfaite harmonie.
Je me réjouis donc du renvoi en commission de cette motion et, d'autre part, de collaborer à la rédaction du rapport que vous nous demandez.
M. Gilles Godinat (AdG). Dans ces conditions, il faut la renvoyer au Conseil d'Etat.
La présidente. Monsieur Godinat, je suis désolée, mais un de vos collègues a demandé le renvoi à la commission des transports.
M. Gilles Godinat (AdG). Je ne pense pas.
La présidente. Non ? Ah bon !
M. Bernard Annen (L). Comme il y a doute, Madame la présidente, je propose le renvoi à la commission des transports.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est rejetée.
M. Pierre Meyll (AdG). Non, écoutez, Madame la présidente, cela tourne à la farce ! Nous avons une proposition de M. Ramseyer de nous donner les renseignements demandés. Il y a tout de même certains renseignements qui peuvent être donnés directement. Mais qu'il le fasse avant le vote sur cette motion et qu'il réponde à nos préoccupations. (L'orateur s'énerve.) C'est tout à fait logique ! (La présidente essaie de l'interrompre mais l'orateur continue.)
M. Pierre Meyll. Je suis d'accord, Madame la présidente, je n'ai peut-être pas droit à la parole maintenant, mais je considère cette manière de procéder et les blocages qui sont effectués en face comme absolument faux.
La présidente. Non, Monsieur Meyll, nous avons voté et vous n'avez plus la parole !
M. Pierre Meyll. Je regrette, Madame, je conteste ce vote et considère que l'on doit voter par assis debout, et même par appel nominal, car la situation est inacceptable.
L'assemblée. Ouhh ! (Grand vacarme.)
La présidente. Monsieur Meyll, je vous en prie, calmez-vous ! Je suis...
M. Pierre Meyll. Je suis calme, Madame, tout à fait calme, Madame !
La présidente. Je considère que le vote est définitif. Le Conseil d'Etat peut faire des propositions mais c'est le Grand Conseil qui dispose. Vous avez disposé, je considère donc cette affaire comme close. (Applaudissements.)
10. Proposition de motion de Mmes et MM. Anne Briol, Fabienne Bugnon, David Hiler, Sylvia Leuenberger, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Chaïm Nissim, Andreas Saurer et Max Schneider pour des zones piétonnes mixtes ou pour que Genève, qui veut être la capitale de l'environnement, devienne la capitale des déplacements écologiques. ( )
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
que Genève veut se doter du titre de capitale de l'environnement;
que la pollution de l'air ne diminue guère;
que le bruit a tendance à augmenter;
que le transfert modal se fait «à l'envers»;
que l'utilisation des Transports publics genevois (TPG) reste stationnaire;
que la diminution de la circulation au centre-ville est à peine perceptible,
invite le Conseil d'Etat
à déclarer zones piétonnes mixtes les quartiers des Pâquis, des Grottes, de Saint-Gervais, de la Jonction, de Plainpalais, des Eaux-Vives et de la Vieille-Ville.
Par «zone piétonne mixte» nous entendons une zone où les piétons et les véhicules peuvent utiliser toute l'aire de circulation, mais les conducteurs doivent accorder la priorité aux piétons et ne peuvent circuler qu'à l'allure du pas.
Le réseau primaire et secondaire ainsi que les rues utilisées par les TPG sont exclus des zones piétonnes mixtes.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En matière de circulation, tout le monde s'accorde à dire que nous devons rendre le centre-ville plus accessible et admet que nous devons respecter la législation fédérale en matière de protection de l'air et du bruit, à savoir l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair) dont les normes devraient être respectées depuis 1994 et l'ordonnance sur la protection du bruit (OPB) qui doit être appliquée en 2002.
Pour atteindre ces objectifs, le Conseil d'Etat a présenté le «Plan OPair» (1991), «Circulation 2000» (1992) et «Transports Publics 2005» (1992). Si ces documents ont été élaborés lors de la législature précédente, plus particulièrement sous l'impulsion de l'ancien conseiller d'Etat Bernard Ziegler, force est de constater que le nouveau Conseil d'Etat a réaffirmé, et continue à réaffirmer régulièrement, qu'il fait siens ces documents et la ligne politique qui y est développée. Rappelons que la notion clé autour de laquelle toutes les propositions sont articulées est le transfert modal, un transfert qui ne peut être atteint que moyennant la conjonction des mesures suivantes:
le développement des TPG et des déplacements à pied et à bicyclette;
la restriction de la circulation au centre de la ville;
la construction de parkings d'échange à la périphérie et en ville, la limitation de l'offre des places de stationnement pour pendulaires, le développement du système des macarons pour habitants et des zones bleues pour les visiteurs.
Les mesures préconisées dans ces rapports sont donc appliquées depuis quelques années. Par conséquent, il nous a semblé judicieux de voir jusqu'à quel point les objectifs intermédiaires fixés dans ces mêmes rapports ont effectivement pu être atteints. Ces objectifs sont au nombre de quatre: la pollution de l'air, le bruit, l'utilisation des TPG et la diminution de la circulation au centre de la ville.
1. La pollution de l'air ne diminue guère
L'évolution de la courbe du polluant le plus représentatif de la circulation motorisée privée, le dioxyde d'azote (NO2), laisse entrevoir une discrète diminution au centre-ville; à l'Ile, il s'élève cependant toujours à 60 ug/m3. Selon le service d'écotoxicologie, cet abaissement est davantage attribuable à la généralisation du catalyseur qu'aux mesures «Circulation 2000» et «Transports Publics 2005».
Le retard est absolument énorme. En effet, selon le «Plan OPair», les émissions de NO2 de devraient pas dépasser 40 ug/m3 au centre-ville en 1994.
2. Le bruit a tendance à augmenter
Quant au bruit, le Conseil d'Etat a présenté en 1994, 7 ans après l'adoption de l'ordonnance fédérale, un cadastre du bruit. En comparaison avec les mesures effectuées en 1984, on ne constate cependant pas une diminution du niveau sonore, mais plutôt une augmentation.
Rappelons que pour respecter les normes de l'OPB en 2002, la circulation sur la petite ceinture et les pénétrantes doit diminuer de 3 dB (A), ce qui implique une diminution du trafic motorisé privé de 50%.
3. L'utilisation des TPG reste stationnaire
Depuis 1990, le nombre annuel des voyageurs transportés par les TPG est resté constant (1990). Cette stagnation est attribuable, entre autres, à l'augmentation des tarifs. En effet, le coût des abonnements a augmenté de plus de 10% entre 1991 et 1993, et, en 1994, les prix des billets à tarif réduit sont même passés de 1 F à 1,40 F et les cartes multiparcours correspondantes (tarif jeune et AVS) de 10 F à 13,50 F, ce qui constitue une augmentation de 30 à 40%. Les TPG l'admettent par ailleurs tout à fait ouvertement: «C'est sans surprise que l'on constate la stagnation du nombre des voyageurs transportés. Si la crise a sans nul doute sa part dans cette faible évolution, d'autres facteurs sont à invoquer, notamment l'augmentation des tarifs intervenue en début d'année» (rapport de gestion des TPG, 1993).
Il n'est donc pas surprenant que les vétérans de l'Union des syndicats du canton de Genève (USCG) s'en plaignent, qu'une pétition de l'AVIVO munie de 3 116 signatures ainsi qu'une autre du Parlement des jeunes de la Ville de Genève munie de 1 840 signatures aient été déposées ce printemps au Grand Conseil.
La direction des TPG en est par ailleurs tellement consciente qu'elle prévoit même, avec l'augmentation des tarifs suite à l'introduction de la TVA, une légère diminution des recettes voyageurs dont le montant passe de 81,8 millions à 81,3 millions de francs, et cela malgré la mise en service de la ligne du tram 13 prévue pour mai 1995.
Il faut également mentionner que, depuis de nombreuses années, la vitesse commerciale est restée stationnaire; selon M. Stucki, directeur général des TPG, elle a même diminué. On est donc loin des 18 km/h pour les lignes empruntant le réseau routier. Ce recul s'explique par le manque de voies de bus, par le parcage illicite des automobilistes et par une synchronisation insuffisante des feux aux carrefours; cette dernière cause est à mettre en relation avec les restrictions budgétaires.
Enfin, sur certaines lignes, comme par exemple celle de Meyrin, l'offre en transports publics reste souvent insuffisante, surtout aux heures de pointe.
Ainsi, à la place des 360 000 personnes transportées chaque jour en 1994, comme c'était prévu par le «Plan OPair», les TPG n'ont transporté que 280 000 personnes, ce qui constitue un retard de plus de 20% par rapport à l'objectif fixé. Ce constat est d'autant plus désespérant que le professeur Bovy a dû réaffirmer, une fois de plus, lors d'une audition par la commission des transports du Grand Conseil le 17 janvier 1995, que «la Suisse romande, en ce qui concerne les transports en commun, enregistre un retard de 20 ans sur les villes suisses allemandes».
4. Et au centre-ville, on attend toujours la diminution de la circulation
Le «Plan OPair» (1991) comme le document «Circulation 2000» (1992) prévoyaient une diminution du trafic de transit au centre-ville; le nombre des véhicules en transit aurait dû passer, entre 1990 et 1994, de 200 000 à 160 000 avec l'ouverture de l'autoroute de contournement et les mesures d'accompagnement.
Ces mesures n'ont été prises que très partiellement et il n'est guère très surprenant que le projet «Tout doux les Pâquis» n'avance pas non plus; ce n'est pas le communiqué de presse à ce sujet, publié par le Conseil d'Etat le 23 décembre 1994, qui laisse apparaître une réelle volonté politique pour aller de l'avant.
Ainsi, la diminution du nombre de voitures ne s'élève pas à 40 000 véhicules mais seulement à 12 000-15 000 véhicules, c'est-à-dire à un tiers de l'objectif visé !
En ce qui concerne le transfert modal, nous assistons pratiquement à un transfert modal «à l'envers». En effet, en ce qui concerne l'évolution des visiteurs du centre-ville, nous aurions dû assister, entre 1990 et 1994, à un transfert modal en faveur des visiteurs en TPG, à pied et à deux roues (de 150 000 visiteurs en 1990 à 205 000 visiteurs en 1994 alors que le nombre des visiteurs en voiture aurait dû passer de 65 000 à 71 500). Selon les études présentées par le Conseil d'Etat en juillet 1994, le phénomène inverse s'est produit; la part des visiteurs en voiture a augmenté plus que celle des autres visiteurs.
Ce transfert modal «à l'envers» est d'autant plus inquiétant que l'acheteur genevois est déjà un des plus motorisés de Suisse; en effet, 27% des personnes qui font des achats au centre de Genève s'y rendent en voiture (sondage du Trade Club, Migros, 1993) contre seulement 12% pour le centre de Berne.
5. Pour des zones piétonnes mixtes
Cette «modération» politique contraste singulièrement avec les propositions formulées dans le document «Circulation 2000» (août 1992) qui consistaient à transformer pratiquement la totalité de la ville de Genève en une vaste zone de 30 km/h et la région entre la Vieille-Ville et Saint-Gervais en une zone piétonne.
Rappelons encore une fois quelques phrases pleines de sagesse du professeur Bovy, auditionné le 17 janvier 1995 par la commission des transports du Grand Conseil:
«Le trafic doit s'adapter à la ville et non pas la ville au trafic.»
«Il faut éliminer le transit au centre de la ville.»
Bien sûr, Genève est le canton le plus motorisé de Suisse depuis 1902 et ce n'est que ces dernières années qu'il a été dépassé dans ce domaine par le Tessin (professeur Bovy), bien sûr, une politique du transfert modal ne peut se faire contre les commerçants, les associations d'automobilistes et autres transporteurs… mais on ne peut plus se «hâter lentement», formule chère à un politicien français quelque peu soporifique. Il devient urgent de parler un langage clair, de prendre les moyens nécessaires pour convaincre la population de la nécessité absolue d'appliquer les mesures qui se trouvent dans ces différents documents pour que la population concernée puisse faire concrètement l'expérience de leur pertinence et de leur utilité.
Nous sommes donc en faveur de l'introduction du 30 km/h. Force est cependant de constater que cette mesure soulève deux problèmes. D'une part, sans contrôle elle n'est guère très efficace et, d'autre part, le piéton n'est toujours pas prioritaire et les voitures continuent à «dominer» les rues du centre-ville. Cette mesure est donc avant tout symbolique.
La création de zones piétonnes mixtes offre l'avantage de n'interdire l'accès à aucune voiture ! La seule condition est de rouler au pas et d'accorder la priorité aux piétons. Il s'agit, en fait, d'une zone piétonne ouverte aux automobilistes.
Nous la limitons aux anciens quartiers de la ville de Genève qui ont une très forte densité d'habitation et des rues étroites, à l'exclusion des grands axes tels que la rue des Eaux-Vives, la rue du Stand, l'avenue du Mail, le boulevard Saint-Georges, la rue de la Servette, etc.
Ainsi, nous pourrons non seulement diminuer les nuisances atmosphériques et sonores mais aussi, voire surtout, créer un climat propice à la convivialité et aux achats. Les rues du centre-ville doivent être «dominées» par les piétons et non pas par les voitures.
Les conditions de déplacement, le plaisir de déambuler qu'on éprouve en visitant une ville, constituent un aspect essentiel de la carte de visite d'une ville. Dans ce domaine, Genève, qui veut être la capitale mondiale de l'environnement, se fait dépasser malheureusement par de nombreuses villes étrangères et suisses.
Si Genève veut gagner, particulièrement sur le plan international, l'écologie urbaine est un atout infiniment plus crédible que le créneau ringard du «tout à la voiture».
Enfin, n'oublions pas que la voiture constitue un moyen de déplacement terriblement coûteux. En effet, en ne tenant compte que des coûts financiers directs pour l'individu, une voiture de classe moyenne parcourant 15 000 km par année coûte environ 1 000 F par mois ! Si, de surcroît, on tenait compte de tous les frais induits (accidents, utilisation des surfaces, charge sur l'environnement), ce coût augmenterait singulièrement car on devrait faire passer le prix du litre d'essence à 3,50 F.
Débat