République et canton de Genève

Grand Conseil

M 991
21. Proposition de motion de Mmes et MM. Liliane Johner, Gilles Godinat, Laurent Moutinot, Maria Roth-Bernasconi, Andreas Saurer, Fabienne Bugnon, Claude Blanc et Bénédict Fontanet concernant la réintroduction du contrôle de vote avec les registres électoraux. ( )M991

EXPOSÉ DES MOTIFS

La loi du 20 octobre 1994 modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques avait comme but principal de faciliter le vote par correspondance, qui était déjà très utilisé en raison de l'assouplissement apporté ces dernières années aux conditions pour exercer ce mode de vote.

La mise en pratique du nouveau mode de vote lors de la votation du12 mars 1995 a encore augmenté le pourcentage des électrices et électeurs recourant au vote par correspondance, alors même que ce pourcentage était déjà très élevé lors des votations référendaires de décembre dernier.

Le nouveau mode de vote a, par contre, eu des conséquences imprévisibles pour les électrices et électeurs se rendant dans les locaux de vote et cela en raison de l'introduction de la carte de vote obligatoire. En effet, faute de pouvoir présenter cette carte au moment du vote, de très nombreux citoyens et citoyennes, habitués à voter sans qu'il ne soit nécessaire de présenter une telle carte, n'ont pas pu voter, la possibilité d'obtenir un éventuel duplicata de leur carte de vote auprès de l'office cantonal de la population étant extrêmement dissuasive.

Un président de local de vote a déclaré, lors de la conférence de presse du Conseil d'Etat le soir de la votation du 12 mars, qu'une personne au moins sur 20 (c'est-à-dire 5% des votants) s'était présentée sans sa carte de vote et n'avait donc pas pu voter. Ce pourcentage a été estimé à au moins 10% dans un autre local de vote. De tels pourcentages de citoyennes et citoyens privés de leur droit de vote, alors qu'ils se sont donné la peine de se déplacer, sont inacceptables et ne font qu'aggraver l'abstentionnisme, beaucoup de personnes ayant été choquées de ne pas pouvoir voter et certaines ayant déclaré ne plus vouloir voter.

En étendant le vote par correspondance, le Conseil d'Etat a voulu faciliter l'exercice du droit de vote. Il ne faudrait toutefois pas que, par d'autres mesures, il le rende plus diffficile et aille jusqu'à empêcher l'exercice de ce droit fondamental de notre démocratie.

Il est évident que tout nouveau système de vote prend un certain temps à être assimilé, surtout s'il modifie des pratiques anciennes et rend obligatoire une carte de vote, facultative jusqu'à présent ! Cette innovation n'aurait en soi pas eu de conséquence, si le Conseil d'Etat n'avait pas décidé de renoncer simultanément au traçage sur les rôles électoraux des noms des personnes ayant voté soit par correspondance, soit en se rendant à un local de vote. Si le système de contrôle des électeurs appliqué jusqu'à la votation référendaire de décembre dernier avait été appliqué lors de la votation du 12 mars, les personnes qui n'avaient pas leur carte de vote sur elles, ou qui tout simplement ne l'avaient pas reçue, auraient pu voter.

L'usage obligatoire de la carte de vote ne se justifie, en fait, que pour le vote par correspondance, comme le Conseil d'Etat le relevait lui-même (voir ci-dessous), ce d'autant plus que ce mode de vote peut dorénavant être utilisé par tous les électeurs, même s'ls n'en ont pas fait la demande, ce qui pose effectivement un problème de contrôle de l'authenticité du votant, auquel le renvoi de la cate de vote signée approte un début de solution.

Par contre, il n'y a pas de raison de rendre l'usage de la carte de vote obligatoire pour la personne qui se rend à un local de vote. Elle devrait pouvoir voter comme par le passé, cette carte devant uniquement faciliter le contrôle des électrices et électeurs, notamment lors des votes anticipés. A noter, que le contrôle des votants sur les rôles électoraux, afin d'éviter qu'une personne ne vote à la fois par correspodance et dans un local de vote, est aujourd'hui plus facile par rapport au passé, du fait qu'il n'y a plus de votes anticipés le jeudi et que les locaux de vote ne sont plus ouverts le samedi, de sorte que le service des votations, en récupérant les rôles électoraux, le mercredi et le vendredi soir, peut procéder aux mises à jour nécessaires de ces rôles pour prévenir toute tentative de fraude.

Il faut relever que les rôles électoraux n'ont pas été supprimés et n'ont en tout cas pas été remplacés par la carte de vote, comme l'indique manifestement à tort l'article 2, alinéa 2, du nouveau règlement d'application de la loi sur l'exercice des droits politiques, qui dispose que la «carte de vote constitue le rôle électoral» ! Il convient donc de rétablir le contrôle des électrices et électeurs comme cela se faisait jusqu'à présent grâce aux rôles électoraux.

Il n'est pas inutile de rappeler que, dans l'exposé des motifs du projet de loi à l'origine des modifications législatives votées le 20 octobre 1994 par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat présentait l'introduction de la carte de vote comme une facilité et non une contrainte, puisqu'il écrivait ce qui suit:

«L'introduction de la carte de vote, actuellement nécessaire pour le vote par correspondance et le vote anticipé, est généralisée pour le vote au local de vote. Cette mesure, qui pourra être allégée par des dispositions réglementaires, lors de situations particulières, est introduite. Elle permettra, d'une part, d'envisager à l'avenir un vote informatisé généralisé et, d'autre part, d'aider l'électeur dans l'exercice de son droit de vote. Il ne s'agit par conséquent pas d'une mesure contraignante supplémentaire, la carte étant actuellement utilisée comme adressage à l'électeur, pour l'envoi de documentation. Elle représente en plus une mesure permettant de mieux garantir l'authenticité du vote» (voir mémorial du Grand Conseil 1993, p. 4035).

De fait, l'introduction de la carte de vote obligatoire pour le vote dans les locaux de vote s'est révélée contraignante, contraitement aux assurances données à l'époque par le Conseil d'Etat et n'a pas «aidé l'électeur» puisqu'elle a empêché un nombre important de ceux-ci d'exercer leur droit de vote ! Quant aux mesures réglementaires prises pour alléger cette contrainte, elles n'ont manifestement pas donné satisfaction. Il convient donc de revenir au système antérieur en ce qui concerne la carte de vote, ce qui ne met pas en cause le droit de vote généralisé par correspondance. Tel est le but d'un projet de loi visant à modifier la loi sur l'exercice des droits politiques déposé simultanément à la présente proposition de motion.

En attendant que le Grand Conseil ait pu examiner ce projet de loi et devant l'urgence de trouver une solution permettant, lors des prochaines élections municipales, que des électeurs soient à nouveau privé, de l'exercice de leur droit de vote, la présente motion vise à ce que le Conseil d'Etat réintroduise à cette occasion et lors des prochaines votations le traçage sur les rôles électoraux du nom des électeurs lorsque ceux-ci exercent leur droit de vote, afin que ceux d'entre eux qui se présentent à un local de vote en l'absence de leur carte de vote puissent néanmoins voter.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous ferez bon accueil à notre proposition de motion.

Débat

M. Gilles Godinat (AdG). En effet, suite aux votations du week-end dernier du 12 mars, notre groupe est très préoccupé par le fait que de nombreux citoyens n'ont pas pu voter lors de ces votations, car la nouveauté n'avait pas été intégrée. M. Lescaze lui-même, président d'un local de vote, a reconnu qu'une personne sur vingt n'avait pas sa carte de vote obligatoire. D'autres témoignages confirment un taux qui s'élève à 10% de personnes n'ayant pas pu voter. Certaines sont retournées chez elles, mais rien ne permet d'établir combien sont revenues voter. Ce sont surtout les personnes âgées qui ont été pénalisées par cette nouvelle obligation. Certaines affirment même ne pas avoir trouvé leur carte dans la boite aux lettres ! Cette situation a été très mal ressentie par les personnes qui n'ont pas pu voter.

L'influence du nombre de ces non-votants sur les résultats nous semble négligeable, vu que les résultats ont été très tranchés. Par contre, nous sommes très préoccupés pour les prochaines élections, car nous savons que les écarts de voix entre les différents candidats sont parfois très faibles. Si, à l'occasion de ces élections, nous n'avons pas la possibilité de maintenir la précédente procédure, il est évident que cela faussera les résultats.

Par conséquent, nous demandons la réintroduction du biffage des noms sur les registres électoraux selon l'ancienne méthode, afin que l'intégration du nouveau système puisse se faire dans une période transitoire en maintenant parallèlement les deux systèmes de vote.

M. Claude Blanc (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'est rallié à la proposition de motion de l'Alliance de gauche - une fois n'est pas coutume - parce que nous avons, nous aussi, conscience que le suffrage universel doit être vraiment à la portée de tous. Si des personnes sont mal informées, même si c'est de leur faute - nul n'est censé ignorer la loi, mais nous savons bien que tout le monde ne la connaît pas, même ici dans ce Grand Conseil - ou si elles ont égaré leur carte d'électeur, il n'est tout de même pas normal de les priver de leur droit de vote, sous prétexte qu'elles se présentent au local de vote sans ce document. Cela nous semble inadmissible !

Vous me répondrez que tout le monde a été prévenu et que les explications sont claires. Le secrétaire général du département de l'intérieur me disait tout à l'heure que, lors du dernier scrutin fédéral, on avait même conduit des gens dans les bureaux électoraux pour qu'ils puissent voter de manière à réparer dans toute la mesure du possible les difficultés entraînées. Cela a été le cas en ville dans certains bureaux de vote, mais, moi, je connais des bureaux de vote à la campagne où des personnes âgées, qui se sont présentées sans leur carte électorale, n'ont pas pu voter. Je trouve cela inadmissible ! Je n'accuse personne, mais nous avons le devoir d'essayer d'améliorer la situation, tout au moins pendant une période transitoire.

La proposition de motion ne pourra probablement pas entrer définitivement dans la loi, mais elle devrait être appliquée provisoirement, le temps que les gens s'habituent et qu'ils puissent accomplir leur devoir électoral pour ces prochaines élections municipales. Il faut donc parer au plus pressé pour que tout le monde puisse voter.

M. Christian Ferrazino (AdG). L'objectif de ce Grand Conseil, lorsque nous avons procédé à ces modifications législatives, était de lutter contre l'abstentionnisme et de faire en sorte que les gens puissent voter par correspondance. Force est d'admettre que, finalement, la concrétisation de ces nouvelles mesures va précisément à l'inverse de ce que nous avions souhaité, puisque - cela a été rappelé tout à l'heure - dans certains bureaux de vote, un électeur sur vingt n'a pas pu voter selon les présidents de bureaux de vote, cette proportion étant encore plus grande dans certains bureaux !

Par conséquent, il est urgent à nos yeux, en vue des prochaines échéances municipales, de modifier ce mode de faire qui est manifestement insatisfaisant. Les difficultés matérielles existent et la solution proposée par cette motion est très simple et permet d'y remédier.

Nous avions adressé au Conseil d'Etat une demande allant dans ce sens, parallèlement au dépôt de cette motion. Le Conseil d'Etat nous a répondu par un courrier - dont nous avons pris connaissance aujourd'hui - que la solution proposée par cette motion ne pouvait pas être concrétisée dans l'immédiat pour les deux raisons suivantes :

1) Si le rôle des électeurs était réintroduit, il faudrait biffer tous les votes, tant par correspondance que ceux du local de vote. Cela est évident, puisque c'est le but recherché !

2) Rien n'empêcherait un électeur de voter deux fois : par exemple, le vendredi soir en se présentant au bureau de vote et le même jour en adressant par correspondance une autre carte d'électeur, qui serait reçue le lendemain seulement par la chancellerie.

Monsieur Haegi, il faut vous dire qu'il y a une manière très simple de pallier cette difficulté. En effet, le nouveau système que nous avons adopté a eu pour conséquence de supprimer deux jours de vote : le jour du vote anticipé, c'est-à-dire le jeudi, et un jour de vote dans les ouvertures normales : le samedi. Par conséquent, il est possible de récupérer le registre des électeurs à la fin des votes anticipés pour procéder, précisément, au biffage de tous les votes par correspondance et réintroduire le rôle des électeurs en vue des votes qui auront lieu le dimanche matin.

Tous les courriers reçus par la chancellerie jusqu'au samedi - pour ceux qui continuent à voter par correspondance - seront tracés par la suite. Bien évidemment, si la chancellerie devait remarquer qu'un citoyen avait déjà voté physiquement dans un bureau de vote, il suffirait d'annuler le vote par correspondance.

Non seulement ce n'est pas impossible matériellement mais, de plus, cela donne une garantie supplémentaire par rapport au problème soulevé par M. Dupraz avec le système du vote par correspondance. Le Conseil d'Etat ne semble pas très enclin à prendre des mesures pour faire en sorte que personne ne soit privé de son droit de vote aux prochaines élections.

Le deuxième argument évoque le fait que les jurés ont déjà été convoqués et qu'il faudrait convoquer deux mille jurés supplémentaires dans un délai relativement restreint. Tout le monde s'accorde à reconnaître que ce délai est court, Monsieur Haegi, mais, franchement, il ne me semble pas très difficile de convoquer ces jurés d'ici demain pour les prochaines élections municipales ! C'est tout à fait faisable, et je ne crois pas que cet argument soit sérieux ni suffisamment fort, eu égard au fait que notre préoccupation doit, précisément, faire en sorte qu'aucun citoyen ne soit privé de son droit de vote en fonction des prochaines élections municipales.

J'attire l'attention du Conseil d'Etat sur les résultats serrés qui peuvent intervenir dans certaines communes, et vous connaissez déjà les risques de recours qui pourront intervenir si on peut expliquer que ces résultats serrés sont dus au fait que certains électeurs n'ont pas pu se prononcer pour ne pas avoir leur carte électorale sur eux.

Vous nous dites qu'il est possible de se rendre au bureau que l'office cantonal de la population met à la disposition des électeurs. Il faut tout de même savoir que dans une commune comme celle d'Anières il nous a été indiqué que le parti radical - pour ne pas le nommer - avait mis sur pied un système de taxis, afin de permettre aux électeurs, qui venaient sans leur carte de vote, de se rendre le plus rapidement possible à l'office cantonal de la population pour chercher le duplicata et revenir au bureau de vote - en taxi radical - pour voter ! (Manifestation de réprobation.)

Plutôt que de laisser aux différentes formations politiques le soin d'organiser des transports en taxi pour que les électeurs sans carte puissent voter, il serait beaucoup plus simple, Monsieur Haegi, de faire en sorte que les personnes qui se rendent au bureau de vote - il y en a encore un certain nombre, bien heureusement - avec ou sans carte d'électeur, puissent voter. La motion ne demande rien d'autre !

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le groupe socialiste est cosignataire de cette motion, car il nous semble très important que tout le monde puisse voter lors d'élections serrées.

Néanmoins, permettez-moi de vous rappeler, en tant que rapporteuse de ce projet de loi, que nous avons débattu, pendant deux séances de commission, pour déterminer l'entrée en vigueur de cette loi. Le département responsable nous avait demandé que cela se fasse seulement en 1996, vu que ce changement de système est tout de même difficile et compliqué et qu'il change, de ce fait, les habitudes des Genevoises et des Genevois. Mais, lorsque nous avions voté sur son entrée en vigueur, je vous signale que seuls les «verts» et les «roses», c'est-à-dire les écologistes et les socialistes, avaient soutenu cette proposition, car nous étions conscients, justement, que l'entrée en vigueur de cette loi l'année où ont lieu deux grandes élections engendrerait des problèmes. Je trouve un peu navrant de devoir présenter une motion, parce que le travail n'a pas été bien fait en commission.

Malgré tout, nous soutenons cette motion, même si cela nous prend du temps et de l'argent, car nous sommes persuadés que le bon fonctionnement de la démocratie en vaut la peine !

M. Bernard Lescaze (R). Effectivement, le nouveau système de vote, comme tout nouveau système, a entraîné quelques ratés !

Mais, dans l'ensemble, en tant que président d'un local de vote - je signale pour les amateurs de mathématiques qu'un électeur sur vingt, lorsque la moitié a déjà voté par correspondance, cela représente 2,5% et non pas 5% - j'ai constaté qu'un certain nombre d'électeurs n'avaient pas pris leur carte de vote. Malheureusement, le parti radical ne peut quand même pas souscrire entièrement à la proposition de motion qui nous est faite, alors que le problème est bien réel et que nous en sommes conscients.

En effet, il y a, notamment pour les élections municipales du 2 avril, des problèmes pratiques dont aucun des préopinants - à croire qu'ils ne se sont jamais occupés d'un local de vote - ne semble être conscient. Lorsque M. Ferrazino nous dit qu'il est très facile de convoquer des jurés supplémentaires, il semble parfaitement ignorer que, quel que soit le nombre des jurés supplémentaires, plus le week-end approche et plus la météo s'annonce favorable, plus les excuses les plus farfelues surviennent. Nous sommes, bien entendu, par respect de la vie privée des électrices et des électeurs, contraints de les accepter, si bien que, généralement, on se retrouve avec un nombre relativement limité de jurés. Je tiens à la disposition de tous ceux que cela intéresse une liasse d'excuses diverses recueillies au cours de ces dernières années. Une dit, je cite : «Je ne peux absolument pas venir aujourd'hui, car je dois nourrir ma jument.» ! (Rires et remarques.) Convoquer des jurés supplémentaires me semble donc une chose impossible. C'est bien cela qui nous amène à considérer qu'entre deux maux il faut choisir le moindre. Quel est le plus ennuyeux ? Que certains électeurs sans carte ne puissent pas voter ou qu'il y ait du désordre parce que les gens ne sauraient plus - c'est le risque que présente votre motion - s'il faut ou non se présenter au bureau de vote avec la carte d'électeur. au moment des élections municipales du 2 avril ?

Lorsque ce Grand Conseil a accepté le changement de la loi, je n'ai pas pris la parole et je n'ai pas voté, car, personnellement, j'étais nostalgique de l'estampille. Je dois aujourd'hui reconnaître que le nouveau système de vote est plus rapide et plus pratique, pour ceux qui savent s'en servir. Je suis convaincu que tous les électeurs sauront s'y adapter très rapidement. Dans tous les cantons suisses on vote avec une carte électorale, qu'elle soit permanente ou non. Personnellement, je pensais que les électeurs sans carte seraient beaucoup plus nombreux. D'ailleurs, la plupart des gens ont pris la chose avec beaucoup de bonhomie, et, lorsqu'ils en ont eu le temps, ils ont été rechercher leur carte ou ils se sont rendus à l'office de la population.

L'important est, que ce soit ou non par la voie d'une motion, d'essayer, d'ici au 2 avril, de trouver pour les élections municipales un système qui autoriserait une certaine souplesse, puisque l'on sait - d'après ce que j'ai constaté avec d'autres collègues présidents de locaux de vote en ville - que le nombre de ceux qui viennent sans carte était à peu près le même partout. Si tout d'un coup on constatait qu'il y avait une énorme proportion d'électeurs sans carte de vote dans un arrondissement électoral, on pourrait soupçonner une irrégularité.

Pour la bonne marche du nouveau système que la grande majorité de ce Grand Conseil a voté, je pense qu'il faut rester fermes sur les principaux axes de ce système. Effectivement, pour l'instant, la carte de vote doit rester obligatoire. En revanche, l'idée de réintroduire un registre, notamment grâce à un crayon magnétique qui pourrait lire un code-barres me paraît tout à fait efficace, mais il est évident que ce n'est pas dans les dix jours qui viennent que cela peut être fait.

M. Christian Grobet (AdG). Comme M. Lescaze vient de le souligner, la loi qui a été votée au mois d'octobre a introduit plusieurs innovations. On peut reconnaître que certaines ont bien marché, même si nous continuons, quant à nous, à craindre que l'usage généralisé du vote par correspondance ne puisse entraîner des abus; mais ce n'est pas notre propos aujourd'hui. On constate que beaucoup de citoyens sont satisfaits de cette facilité.

Le remplacement de l'estampille par une enveloppe, qui avait conduit au problème dont vous vous souviendrez, Monsieur Lescaze, il y a quinze ans et qui avait amené le retour à l'estampille, suite à un recours consécutif à une mémorable votation, a marché cette fois, et il faut s'en féliciter, car cela facilite grandement le dépouillement.

Par contre, les conséquences de l'introduction de la carte de vote obligatoire, qui n'a pas suscité, à mon souvenir, de débat, en tout cas en séance plénière, ont visiblement été sous-estimées. Qui aurait pu s'imaginer - cela ne doit pas être votre cas, Monsieur Lescaze, ni le vôtre, Monsieur Haegi - qu'autant de personnes se présentent au bureau de vote sans leur carte de vote ? Lorsqu'un fait imprévu se présente, il faut en tenir compte ! On ne peut pas se contenter de prôner la fermeté, si cela pose des problèmes, en baissant les bras, parce que de toute façon on ne peut rien faire. Ce n'est pas vrai, on peut faire quelque chose !

La solution proposée par la motion n'est peut-être pas la meilleure, mais je n'ai pas l'ambition d'avoir l'imagination du service des votations, qui connaît toutes ces questions. Monsieur Lescaze, j'ai également été président d'un local de vote à une période où les citoyennes et citoyens étaient plus assidus et plus respectueux des convocations qu'ils ne le sont aujourd'hui, mais il y avait déjà, à l'époque, passablement de défaillances, raison pour laquelle - vous devez certainement le savoir en tant que président d'un local de vote - on convoque deux fois plus de jurés qu'il n'en faut. Et, en réalité, dans beaucoup d'élections ou de votations où la participation est faible, les jurés ne croulent pas sous le travail ! En tenant compte de l'importance du nombre d'électrices et d'électeurs qui recourent au vote par correspondance, on peut en déduire que la participation dans les locaux de vote ne sera pas considérable et qu'il ne faudra donc pas un régiment de jurés pour chaque local de vote, Monsieur Lescaze ! Tout est une question de bonne volonté : si demain les convocations sont envoyées, nous aurons les jurés nécessaires à disposition. Objectivement, cela me semble possible.

Cela étant dit, devant les difficultés on peut encore imaginer autre chose. D'abord, le biffage des noms sur les registres des électrices et électeurs qui ont fait usage de leur vote par correspondance. Donc le biffage au service des votations - vous en conviendrez - ne doit pas poser de problème, puisque lors des votations référendaires du mois de décembre, un nombre considérable d'électrices et d'électeurs - à peu près la moitié des votants - avaient usé de ce vote par correspondance. Leurs noms ont été biffés sur les registres; ce travail peut donc être fait. Biffer les noms le vendredi soir ne devrait pas poser trop de problèmes non plus.

Monsieur Lescaze, s'il y a un problème de jurés on pourrait s'abstenir de procéder au biffage le dimanche et se contenter de voir si le nom de la personne qui se présente a été biffé par le service des votations dans le cadre du vote par correspondance. En effet, la personne qui se présenterait sans carte de vote le dimanche matin serait «gonflée» d'avoir voté une demi-heure avant avec sa carte de vote ! Le dimanche, on pourrait donc se contenter de vérifier les noms de ceux dont les noms ont été biffés par le service des votations. Je crois que vous pouvez être d'accord, Monsieur Lescaze !

Si tous les noms n'ont pas été biffés et que l'on a un doute, on peut faire, Monsieur Haegi, ce qui se fait dans certaines circonstances par le président du local de vote : faire signer des déclarations sur l'honneur aux intéressés qu'ils n'ont pas déjà voté. En cas de resquille, ils seraient passibles d'une contravention. Si on n'arrive pas à obtenir les jurés en nombre nécessaire, il est possible de mettre en place ce système. Je demande instamment que cela soit fait, parce que l'on ne peut pas admettre que des électeurs en si grand nombre soient privés de leur droit de vote. Tout nouveau système fonctionne en parallèle avec l'ancien pendant une certaine période pour donner aux gens le temps de s'habituer, comme les régies lorsqu'elles ont dû passer au système informatique.

Avec un peu de bonne volonté et l'imagination dont fait preuve le Conseil d'Etat, je ne doute pas, Monsieur Haegi, que vous pourrez mettre en place le système que nous vous recommandons !

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Lescaze semble craindre que la réintroduction des registres électoraux ne jette le trouble dans l'esprit des électrices et électeurs. Mais, en réalité, le trouble dans lequel ont été jetés certains électrices et électeurs, suite aux innovations apportées, a été nettement plus important. Je ne suis pas sûre qu'il faille une seule élection pour dissiper ce trouble.

Souvent les gens les plus mal instruits de la nouvelle disposition électorale se recrutent parmi les gens les moins instruits en général. Nous en sommes plus proches, ici, dans les partis de l'Alliance de gauche. Ce sont souvent des personnes âgées également. Leur trouble est surtout dû au fait que le vote par correspondance leur apparaît comme une atteinte au secret de leur vote, et il sera bien difficile de dissiper ce doute, car il est tout à fait exact que le secret n'est plus garanti. C'est pourquoi, la plupart des personnes âgées refuseront d'utiliser la voie du vote par correspondance. Il faut donc faciliter le vote au bureau, avec la garantie que ces personnes puissent voter.

M. Armand Lombard (L). Le système mis en place par le Conseil d'Etat pour les élections et les votations amène un certain nombre de nouveautés qui ont été bien accueillies et qui ont bien fonctionné dans l'ensemble. Ce succès n'a rien de révolutionnaire, mais cela améliore la façon de voter, ce qui est une bonne chose. Nous soutenons vivement ce projet, comme la plupart des députés l'ont fait.

Je suis frappé par le blocage de l'Alliance de gauche vis-à-vis d'une nouvelle procédure, du conservatisme dont elle fait preuve par rapport aux acquis, comme c'est son habitude depuis un certain temps ! (Brouhaha.) Elle pleure les coutumes ancestrales et voudrait remettre les vieux systèmes en vigueur pour ne pas changer les habitudes. Elle considère que les personnes âgées ne peuvent pas changer les leurs, alors que c'est elle qui ne le peut pas. C'est grotesque ! (Remarques et quolibets.)

Ce Grand Conseil a récemment voté une loi comportant des modifications. Il est bien évident que ce n'est pas au bout de quinze jours que nous allons accepter de remodifier cette loi en raison d'un manque d'adaptation. Etes-vous malades ? Est-ce si difficile que l'on ne puisse s'y habituer ? Si vous ne pouvez pas vous adapter à un si petit changement, comment allons-nous faire pour changer quoi que ce soit dans cette République ! Vous êtes complètement endormis, complètement braqués et complètement conservateurs !

A entendre M. Grobet, je me demande s'il se croit déjà de retour à l'exécutif. Pour l'instant, il n'est qu'un député du législatif ! (Un rire sonore jaillit.) C'est l'exécutif qui gère. Le Grand Conseil a donné des fonctions à l'exécutif, a voté une loi pour remédier à un certain nombre de choses. Nous ne demandons à personne, et surtout pas à M. Grobet, de nous refaire une loi avec de nouvelles idées et combines de son crû, suggérant à M. Haegi ce qu'il devrait faire ! Mais ce n'est pas de votre ressort, Monsieur Grobet, et nous nous opposerons à cette motion, car nous faisons pleinement confiance au Conseil d'Etat pour régler la situation au mieux, pour voir quels sont les cas lamentables qui se sont présentés et dans quelle proportion.

M. Pierre Meyll (AdG). Bien que doyen de cette assemblée, je ne prendrai pas ma voix chevrotante, et j'espère ne pas être aussi long... barbant... que mon prédécesseur ! (Rires.)

Monsieur Lescaze, j'ai également été vice-président - en effet, dans ma commune j'ai toujours été dans le vice, je ne suis jamais arrivé à la présidence ! - d'un local de vote. J'ai donc eu l'occasion de constater que parfois les excuses données pouvaient être rigolotes. Mais parfois, des personnes âgées ont de la peine à s'adapter à la nouvelle méthode. Je ne crois pas que ce soit mon cas, n'en déplaise à M. Lombard, j'arrive à m'adapter ! Mais il est vrai aussi que la carte d'électeur présente un petit problème au point de vue du contrôle d'identité. Je pense que M. Ramseyer suivra mon allusion à une certaine élection administrative où on avait été jusqu'à confondre notre conseiller d'Etat actuel avec un quidam qui avait voté à sa place ! C'est vous dire qu'à Versoix il n'est pas si populaire que ça ! (Rires.)

Effectivement, il me paraît très simple de rétablir l'usage des registres, à moins que les électeurs aient beaucoup changé de domicile ces derniers temps. Dans les communes, on pourrait admettre, puisqu'on considère que le nombre d'électeurs ayant oublié leur carte est minime, comme nous le faisions parfois, de procéder à des consultations téléphoniques avec le bureau central de votations qui pourrait nous indiquer si les personnes dans ce cas ont effectivement voté ou non. A Versoix, nous n'avons pas les moyens d'affréter des taxis pour aller en ville et revenir, et lorsque les électeurs se présentent à midi moins le quart, nous n'avons plus la possibilité de les faire voter. Un simple coup de fil pour effectuer un contrôle permettrait de résoudre ce problème. Un petit effort doit être fait pour que cette adaptation se fasse sans pénaliser certains électeurs. Il n'est pas nécessaire de faire de la publicité au sujet de ces règlements pour assouplir la nouvelle loi. Cela permettra de faciliter le vote des personnes qui auront oublié leur carte et cela évitera de les décourager.

Merci, Monsieur Lombard, de m'avoir contraint à ne pas être long !

M. Bénédict Fontanet. Je rappelle à M. Lombard, au cas où il ne l'aurait pas remarqué, que les députés de l'Alliance de gauche ne sont pas les seuls à avoir signé cette proposition de motion. Jusqu'à plus ample informé, je ne fais pas partie de la formation de M. Ferrazino !

Une voix. Sous-marin !

M. Bénédict Fontanet. Je pourrais être un sous-marin, effectivement, mais, rassurez-vous, ce n'est pas le cas !

Lorsque M. Lombard nous dit que nous sommes malades, à part une grippe sous-jacente, je n'ai pas le sentiment d'être particulièrement malade du fait que j'ai signé cette motion. Je poserai la question aux quelques docteurs de mon groupe, mais je ne pense pas que ce soit rédhibitoire. (Remarques et quolibets fusent.) J'en parlerai à Schaller, mais il risque de m'achever ! (Eclats de rire.) Je n'ai pas non plus mangé de champignons hallucinogènes qui m'auraient fait signer cette motion dans un accès de delirium !

Cela étant, et plus sérieusement, le droit de vote est, dans notre démocratie semi-directe, quelque chose qui confine au sacré pour certains d'entre nous. C'est un élément essentiel de la démocratie. Les autorités : Grand Conseil, Conseil d'Etat, autorités judiciaires même, lorsqu'il faut corriger un certain nombre de travers, ont le devoir de faire en sorte que le droit de vote puisse être exercé par tous les concitoyens.

Qu'avons-nous tous constaté dans les arrondissements électoraux ? Que des personnes qui voulaient voter n'ont pas pu le faire ! En règle générale, les choses se sont mal passées vers 11 h 15, 11 h 30, dans les bureaux de vote le dimanche. Les pauvres présidents de bureaux - cela n'a peut-être pas été le cas de M. Lescaze qui a su désamorcer les «bombes» auxquelles il a eu affaire - ont passé un mauvais moment ! En tout cas, cela a été le cas dans le bureau de vote où j'ai été voter et dans lequel les responsables se sont fait traiter de «pourris» et «d'épouvantables personnages» !

Nous devons améliorer le fonctionnement du nouveau système de vote, car il a été mis en place peut-être un peu rapidement. Nous avons le devoir de tout faire pour faciliter le vote des électeurs, d'autant que les deux échéances électorales qui viennent sont très importantes, puisqu'il s'agit de renouveler nos autorités municipales et administratives.

S'il n'est pas possible d'appliquer le système préconisé par la motion que l'on en trouve un autre, mais que l'on fasse tout, absolument tout, pour rendre le vote plus facile à ceux qui ont oublié leur carte, qui l'ont égarée, ou qui l'ont jetée avec les publicités à la poubelle, pour qu'ils puissent s'exprimer démocratiquement ! Il en va de la crédibilité des opérations électorales qui auront lieu dans le cadre des élections municipales et administratives à venir.

Par contre, nous ne pensons pas - comme l'a dit M. Blanc - qu'il faille mettre des cautèles à cet égard pour une durée indéterminée. Nous devrions permettre à ceux qui ont oublié leur carte électorale de voter, tout au moins pendant une période transitoire. Cette mesure devrait être doublée d'une bonne campagne d'information, car, manifestement, la nôtre n'a pas été suffisante.

La loi pose aussi d'autres problèmes en matière d'abus, parce qu'on a retrouvé des dizaines d'enveloppes qui auraient pu être utilisées par des citoyens malhonnêtes dans les casiers destinés à jeter les imprimés de certains immeubles. Il faudra donc que le Grand Conseil examine rapidement ce point dans un proche avenir.

Nous devons tout faire pour que nos élections municipales soient crédibles et pour faciliter les opérations de vote. Nous faisons confiance au service des élections, qui a su s'adapter très rapidement, pour trouver une solution, qu'il s'agisse de registres ou de tout autre moyen pour que nos concitoyens puissent s'exprimer.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Tout à l'heure, M. Grobet a rappelé cet épisode, qui date de quinze ans, où Genève, tentant d'introduire cette réforme - cette révolution, devrais-je dire - consistant à passer de l'estampille à la carte de vote, avait fait rire la Suisse. Je n'ai pas pris les risques de mon prédécesseur en partant aux Maldives le week-end de cette nouvelle tentative, et j'ai pris certaines sécurités. Pour ceux qui ne le sauraient pas, mon prédécesseur avait dû rentrer d'urgence de l'île en question sur laquelle il se trouvait au moment de cet épisode.

Nous travaillons ensemble sur un changement de l'exercice des droits politiques depuis longtemps. Jamais nous n'avons pratiqué une concertation aussi poussée que celle-ci. Les partis, les députés y ont été invités et des démonstrations ont été effectuées. Tous les effets des nouveautés que nous suggérions ont donc pu être appréciées.

L'un de vous, Mesdames et Messieurs, avait-il imaginé que nous allions introduire ces modifications sans que cela ne perturbe de quelque manière que ce soit le comportement de tel ou tel électeur ? Aujourd'hui, le constat est totalement positif. Les électeurs consultés par sondage - vous avez peut-être vu qu'un questionnaire se trouvait dans l'enveloppe - ont exprimé leur satisfaction pour ce nouveau système : 80% le trouvent très bon, 18% le trouvent satisfaisant et 2% le trouvent mauvais. La presse, qui a été attentive quant à la mise en place de ce système, a reflété la sensibilité des habitants de ce canton pour dire qu'il était excellent.

On peut toujours imaginer des changements, puisque tout est perfectible, mais je suis inquiet à l'idée des propositions qui sont faites et qui sont de nature à semer le doute, alors que nous avons engagé une campagne d'information extrêmement forte pour que les gens comprennent bien le nouveau système. Je ne nous vois pas, à quelques jours des élections, que dis-je, alors que celles-ci ont déjà commencé depuis une dizaine de jours, dire aux électeurs que s'ils oublient leur carte de vote ils pourront quand même voter !

J'aborderai tout à l'heure le côté pratique du problème. La campagne d'information a été reconnue comme étant excellente, mais si nous nous en éloignons de quelque manière que ce soit nous l'affaiblissons, et il nous faudra encore un peu plus de temps pour que les gens comprennent ce qu'ils doivent faire. Cela va de soi ! En matière de marketing ce sont des choses évidentes. Dans un domaine comme celui des droits politiques, nous avons la responsabilité de faire en sorte que les électeurs puissent voter, mais en toute sécurité. Aujourd'hui, il ne faudrait pas - je ne le voudrais pas et je ne l'imagine même pas - que l'on puisse modifier la loi que vous avez votée.

L'exposé des motifs - vous me permettrez de le dire, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alliance de gauche - confirme ce que vous aviez dit en commission, puisque vous étiez contre cette réforme. Je n'utiliserai pas les propos de M. Lombard, mais il est vrai que vous vous êtes systématiquement opposés à cette réforme. Vous avez continuellement répété qu'il était important pour vous que le local de vote soit maintenu, car il représente en quelque sorte un lieu social où l'on pouvait se rassembler et recueillir parfois quelques signatures. D'ailleurs, c'est peut-être pour échapper à cette récolte de signatures que certaines personnes préfèrent utiliser le vote par correspondance. Quoi qu'il en soit vous avez rejeté ce système dès le départ.

Par conséquent, je ne suis pas étonné d'entendre vos propos. Vous déclarez qu'un nombre important d'électrices et d'électeurs ont été privés de leur droit. C'est faux ! Ils n'en ont pas été privés : ils n'ont pas utilisé un droit qu'ils pouvaient légitimement accomplir s'ils s'étaient donné la peine de lire le contenu de l'enveloppe qu'ils ont reçue. Il est impossible de quantifier les personnes concernées par cette situation, et rien ne nous permet d'affirmer qu'elles étaient nombreuses. Si elles avaient été aussi nombreuses que cela les réactions auraient été autres !

Vous dites qu'il suffit de réintroduire le contrôle des votants. Le considérant de la motion est donc bien une proposition de retour en arrière. Changer le système nous placerait dans une situation d'insécurité. Nous avons réuni les jurés pour leur expliquer le système. Tout à l'heure, M. Lescaze a parlé d'eux en connaissance de cause. Non seulement on a de la peine à les trouver mais 50% d'entre eux, au mieux, répondent aux convocations. Alors, cela me fait sourire lorsque j'entends dire que je pourrais envoyer une convocation demain matin et qu'ils vont arriver en courant et en masse pour répondre à la prestation demandée. Tel n'est malheureusement pas le cas !

La chose la plus importante est qu'il n'y a plus de rôles électoraux papier. Ils ont été remplacés par une base de données informatique et c'est la carte de vote, signée par l'électeur, qui permet de barrer informatiquement le nom du votant. Les enveloppes contenant les bulletins arrivant encore jusqu'au samedi à midi sont réparties, portées dans les locaux pour y être dépouillées avec l'ensemble des autres votes. Nous essayons, en effet, de faire le maximum pour que les choses se déroulent normalement.

Vous avez été à peu près tous en contact avec le service des votations et élections. Vous savez que tout est entrepris lorsque cela est possible. C'est la raison pour laquelle, lorsque M. Ferrazino nous dit qu'il suffirait d'un peu de bonne volonté pour pouvoir répondre à cette demande, je vous dis très sereinement : cela ne suffit pas ! Je suis incapable de prendre l'engagement devant votre Conseil de modifier quoi que ce soit aux dispositions prises en assurant la sécurité du vote, et ce n'est pas par manque de volonté. Je suis responsable du bon déroulement des élections, et ce dans des conditions juridiquement satisfaisantes. Je ne peux pas imaginer une improvisation, en séance plénière de ce parlement, pour trouver des solutions plus ou moins judicieuses. Ce n'est pas sérieux, et je crois que vous êtes capables de comprendre cela !

Je peux seulement m'engager à examiner avec attention ce qui se passera au cours du deuxième scrutin, de manière à procéder à des aménagements qui se révéleront peut-être nécessaires. La perspective de ce scrutin est d'améliorer l'information. Nous avons pris, influencés en partie par vos remarques, des initiatives, notamment en passant régulièrement des messages sur Radio-Lac invitant la population à aller voter et leur recommandant de prendre leur carte de vote. Hier, j'ai écrit à l'ensemble de la presse genevoise pour lui demander son appui, pour insister sur cette recommandation.

En début d'après-midi, nous avons eu une séance d'information au service des votations pour montrer comment nous pratiquions pour garder la sécurité du secret du vote, car cette question avait été posée à plusieurs reprises. Grâce à des collaborateurs motivés et compétents les votations et élections se déroulent dans de bonnes conditions dans ce canton. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de continuer à leur faire confiance et de ne pas voter la motion parce que, telle qu'elle est rédigée, je me trouve dans l'incapacité de l'appliquer.

Je vous assure des efforts que nous fournirons tant au niveau de l'information qu'au niveau des modifications si nous étions amenés à les entreprendre au vu de l'examen serein de la situation, lors de ces prochaines élections, c'est-à-dire sur des bases sérieuses. Il en va en effet du bon fonctionnement de nos institutions, et je vous remercie d'y penser.

M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Haegi, la motion ne demande pas d'improviser, mais simplement d'utiliser, comme l'a souligné M. Fontanet, momentanément... (L'orateur détache chaque syllabe de ce mot pour le souligner.) ...c'est-à-dire jusqu'à la fin de cette année, les registres des électeurs tels que nous les connaissions. Il n'y a absolument rien de nouveau, et il ne s'agit donc pas d'improvisation, rassurez-vous sur ce point, Monsieur le président ! Les registres existent et, si vous ne les aviez plus, il serait facile de tirer des listings à l'aide de l'informatique. Quant à votre souci concernant le marketing politique que vous avez engagé, il n'est nullement remis en cause dans la mesure où il ne se posera aucun problème si les gens respectent les conditions posées, mais avec l'avantage que ceux qui n'auront pas leur carte d'électeur pourront tout de même voter dans les bureaux de vote. Nous garantissons ainsi pour tout un chacun la possibilité de pouvoir voter.

La proposition de motion est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

La motion est adoptée par 50 oui contre 39 non.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant la réintroduction du contrôle de voteavec les registres électoraux

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 qu'un nombre important d'électrices et d'électeurs ont été privés de leur droit de vote lors de la votation populaire du 12 mars 1995 du fait de l'introduction de la carte de vote obligatoire et du fait qu'ils ne l'avaient pas avec eux pour des motifs les plus divers lorsqu'ils se sont présentés à leur local de vote;

 que cette conséquence très grave et imprévue de cette nouveauté porte atteinte à l'exercice du droit de vote des citoyens et va à l'encontre de la volonté de faciliter celui-ci;

 qu'il faut impérativement éviter qu'une telle situation ne se reproduise lors des prochaines élections municipales;

 qu'il suffit, à cet effet, de réintroduire le contrôle des votants selon le système pratiqué jusqu'à la votation du 12 mars 1995 et qui avait donné entière satisfaction, à savoir le traçage du nom des électeurs sur les rôles électoraux lorsque ceux-ci exercent leur droit de vote, système de contrôle de l'exercice du droit de vote que la modification apportée le20 octobre 1994 à la loi sur l'exercice des droits politiques n'avait pas aboli,

invite le Conseil d'Etat

à réintroduire le traçage sur les rôles électoraux du nom des électeurs lorsque ceux-ci exercent leur droit de vote, afin que ceux d'entre eux qui se présentent à un local de vote sans leur carte de vote puissent néanmoins voter.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je vous ai déjà dit que la réintroduction des registres est absolument irréalisable. Je vous confirme et vous assure que nous entreprendrons tout ce que nous pouvons pour améliorer les choses, mais nous ne pouvons pas appliquer la motion telle qu'elle est rédigée ! (Commentaires.)

M. Pierre Meyll (AdG). Monsieur Haegi, je vous demande de faciliter les choses, au moins pour les communes. Si nous nous référons aux registres des électeurs, nous pouvons voir si les électeurs ont voté ou non par anticipation ou correspondance. Ceux qui se présentent sans carte d'électeur sont une infime minorité, mais elle a son importance dans les communes, car parfois les résultats se jouent à quelques voix près. Je pense que tous ceux qui votent dans une commune sont d'accord pour que nous puissions procéder aux contrôles par téléphone. Cela nous faciliterait la tâche et régulariserait le scrutin.

M. Christian Ferrazino (AdG). La réaction de M. Haegi n'est pas acceptable !

Une décision a été prise par ce parlement. Elle a été mûrement réfléchie après une discussion nourrie. Les uns et les autres ont soulevé les difficultés, mais aussi la possibilité de réaliser ce que le Grand Conseil souhaite. C'est en connaissance de cause que cette décision est prise, et je suis tout de même sidéré d'entendre le représentant du gouvernement nous dire que nous pouvons bien voter ce que nous voulons : il n'y donnera pas suite, parce qu'il ne peut pas le faire !

Monsieur Haegi, il est tout à fait possible de réintroduire un système que nous avons utilisé pendant des années. (L'orateur est interpellé par M. Haegi qui fait des commentaires.) Vous n'avez plus de papier ? Monsieur Haegi, pour avoir des listings informatiques, il suffit d'appuyer sur un bouton ! C'est dans l'ordinateur ! Ne me dites pas que c'est une question de papier !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Vous êtes un bricoleur, et on ne bricole pas avec les élections !

La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, s'il vous plaît, laissez terminer M. Ferrazino ! Je vous donnerai la parole ensuite si vous désirez la prendre !

M. Christian Ferrazino. Il est tout simplement inadmissible d'entendre de votre part qu'il n'est pas possible de donner suite à une décision majoritaire de ce parlement ! Je le répète, vous avez les moyens de le faire, et nous comptons véritablement à ce qu'une suite soit donnée dans ce sens par le Conseil d'Etat.