République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 7e séance -autres séances de la session
No 7
Vendredi 17 février 1995,
soir
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Hervé Dessimoz, Erica Deuber-Pauli, Luc Gilly, Nelly Guichard, Michèle Mascherpa, Alain-Dominique Mauris, Jean-Pierre Rigotti et Jean Spielmann, députés.
3. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
Cette lettre sera traitée au point 53 de notre ordre du jour.
La présidente. Je vous signale que nous avons le plaisir de recevoir à la tribune, M. René, ancien président de l'île Nosy Be à Madagascar. (Applaudissements.)
M. Stéphane Esposito est assermenté. (Applaudissements.)
5. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Comme cette motion est étroitement en rapport avec le projet de loi sur la loi d'application sur les mesures de contrainte, je souhaiterais qu'elle puisse être traitée en même temps.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
La présidente. Les questions écrites suivantes sont parvenues à la présidence :
Elles seront transmises au Conseil d'Etat.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
que les mesures de prévention sont d'autant plus efficaces qu'elles sont précoces;
que le lien entre toxicomanie et enfance maltraitée est reconnu par les milieux spécialisés;
que l'intérêt de l'enfant est prépondérant,
invite le Conseil d'Etat
à étudier avec les instances concernées (maternité, cliniques privées, école «Bon Secours», Sascom, etc.) comment renforcer les procédures existantes ou comment en instaurer de nouvelles pour permettre ou faciliter un premier contact entre parturientes et personnel qualifié pour apporter un soutien à la famille.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La naissance d'un enfant amène beaucoup de changements dans une (nouvelle) famille. Pères et mères doivent revoir l'organisation quotidienne de leur vie pour l'adapter aux exigences rapidement changeantes de leur bébé. En plus, il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre les exigences personnelles, la relation du couple et les demandes d'attention pour le bébé.
Cette période de sollicitations continuelles peut dépasser les limites de résistance physique et psychique des parents et surtout de la mère. Il est dès lors important de pouvoir compter sur un encadrement social et médical fiable. En plus, il devrait être possible de s'appuyer sur des échanges entre parents vivant la même expérience.
Pour sa réflexion sur les éventuelles mesures préventives et curatives à prendre dans la lutte contre la toxicodépendance, un groupe de travail du parti radical genevois a auditionné des spécialistes de notre canton, qui, dans leur domaine, de près ou de loin, s'occupent de la prévention de cette maladie ou de l'aide aux toxicomanes.
Cette réflexion a amené le groupe de travail à rechercher les causes qui font que des jeunes ont des problèmes tels, que les seules issues envisageables soient la toxicodépendance ou le suicide. Ces causes sont bien entendu nombreuses, mais certaines remontent au plus jeune âge de l'enfant.
Le rapport de la commission mixte (canton de Genève) propose des mesures de prévention par une information ciblée sur la période charnière de l'adolescence pour mettre en garde cette jeune génération contre des méfaits de la drogue. Le rapport de la commission fédérale suggère quant à lui d'intégrer la prévention primaire «dans la réflexion sur les conditions de vie des jeunes dans le cadre d'une politique de la jeunesse autant que d'une politique de drogues».
Le groupe de travail radical propose une prévention fondamentale de manière ciblée dans un cadre précis. Partant de l'idée que l'enfant a des droits, notamment celui à l'aide de la société en général, l'action politique devrait avoir comme but la mise en place de moyens permettant l'apport de soutiens aux familles, dès la naissance des enfants. En effet, les premiers mois voire années de la vie d'un enfant sont déterminants pour assurer le passage à l'âge adulte, pour lui permettre de développer harmonieusement sa personnalité et apprendre à gérer conflits et difficultés.
Tout parent ou futur parent devrait donc avoir la possibilité, dans sa commune, de recevoir conseils et avis de personnes compétentes (pédiatre, psychologue, infirmière, ...) dont la formation devrait être complétée (relations humaines, prises de contact), afin de permettre un travail de groupe ainsi que la gestion d'un lieu de rencontres avec d'autres parents.
Nous suggérons, entre autres, l'étude des mesures suivantes :
systématisation du premier contact entre service de santé et parturiente dans les jours suivant l'accouchement :
Une première visite à la clinique après l'accouchement, par exemple par une infirmière travaillant sur la commune, établirait le contact direct entre la famille et le «service de santé» communal et permettrait d'expliquer les possibilités de conseils et, éventuellement, l'orientation vers d'autres services compétents. D'autres visites, à domicile, pourraient être suggérées à cette occasion.
Ce mode de faire permettrait certainement, dans bien des cas, aux professionnels concernés de déceler assez tôt les situations ou les familles «à risques» afin de mettre en place des mesures d'encadrement adéquates.
cours de préparation à l'accouchement:
Ces cours pourraient être mis à profit pour accentuer l'importance d'un réseau social en dehors du réseau du travail de la maman pour qu'elle ne se retrouve pas complètement isolée après l'accouchement, une fois rentrée à la maison.
formation des soignants concernés:
Une approche adéquate des mamans et des familles (apprentissage à inclure aussi bien dans la formation initiale et la formation continue) permettra d'ouvrir le dialogue et de déceler les signes avant-coureurs de situations à risques.
Pour toutes les raisons évoquées, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de soutenir cette proposition.
Débat
Mme Elisabeth Häusermann (R). La proposition de motion que nous soumettons à votre approbation, aussi anodine soit-elle, représente une petite révolution.
En effet, dans le cadre de la lutte contre la toxicodépendance, le mot «prévention» a toute sa raison d'être. Or, la prévention, de nos jours, se rapporte en premier lieu, et pour parer au plus urgent, aux personnes directement concernées, c'est-à-dire aux adolescents. C'est à eux, aux jeunes entre 12 et 18 ans, pense-t-on, qu'il faut s'adresser avec informations et explications de tout genre pour éviter qu'ils s'exposent aux dangers des dépendances de toute drogue. Nous y incluons, bien sûr, le tabac et l'alcool.
Avec notre proposition, qui ne se veut pas du tout interventionniste, nous préconisons une prévention dans un cadre beaucoup plus large et à long terme. En effet, les problèmes de l'enfant ne se réduisent pas à des problèmes de drogue. Pour devenir un adulte responsable, tout enfant a besoin d'avoir, dès sa naissance, un entourage harmonieux, rassurant.
Je m'explique. Les premiers mois, voire années, de la vie d'un enfant, sont déterminants pour assurer le passage à l'âge adulte. C'est à ce moment que se prépare un développement harmonieux de la personnalité de l'adulte en devenir. C'est à ce moment-là que se prépare la gestion des conflits et des difficultés du futur adulte.
Dès lors, donnons-nous les moyens d'aider les parents d'aujourd'hui à remplir leur «profession» de parents en toute sérénité, pour des générations futures mieux à même d'affronter les défis de notre époque.
Admettez qu'il est plus facile de contacter quelqu'un que vous avez déjà vu, avec qui vous avez déjà discuté une première fois, pour lui poser des questions ou demander conseil. Admettez que, généralement, ceux qui ont le plus besoin d'aide ou de soutien sont aussi ceux qui n'osent pas s'adresser aux personnes compétentes. Systématiser un premier contact entre le service de santé de la commune et les parturientes ne veut en aucun cas dire «plus d'Etat» mais servira à établir un lien de confiance basé sur la relation personnelle. Nous laisserons à l'appréciation de la personne du service de santé et à la volonté de la «cliente» de gérer ce moment précieux ou précis. Il peut, suivant la disponibilité de l'une ou de l'autre, se restreindre à un simple bonjour et la transmission d'une carte de visite tout comme il peut s'étendre à une longue discussion sur toutes les attentes, mais aussi les craintes de cette nouvelle famille en devenir.
Toujours est-il que ce premier contact devra permettre à chaque maman de se souvenir, le cas échéant, d'un visage, d'une aide qui existe, pas très loin, dans sa commune. Il n'est certainement pas nécessaire d'attirer votre attention sur les affichettes alarmantes de nos quotidiens, qui dénoncent régulièrement la maltraitance de bébés ou de petits enfants, pour vous dire à quel point il est important de connaître une main tendue au bon moment, surtout en cas de crise, pour éviter des accidents de ce genre.
Ce petit service d'une visite en clinique peut facilement être organisé par les organes concernés déjà existants. Il n'engendrera pas de coûts supplémentaires mais peut, à nos yeux, prévenir beaucoup de malheur, et pour les familles, et pour les enfants concernés. De ce fait, ce sera, à plusieurs titres, une économie non négligeable.
Les coûts de la prise en charge médicale d'un toxicomane sont connus et certainement beaucoup plus grands que ceux occasionnés par les mesures proposées soit dans le cadre de cette motion, soit dans celui de l'autre motion issue des réflexions radicales sur la toxicodépendance, qui propose, quant à elle, un élargissement des cours d'éducation à la santé. Elle est toujours régie par le même souci, celui d'une prévention beaucoup plus large que celle préconisée de nos jours.
En même temps, ce petit service permettra de motiver encore plus les différents intervenants, puisque les contacts ne se feront pas uniquement dans des moments de crise, mais surtout, nous l'espérons, dans une ambiance positive, constructive.
Un dernier mot. A part les instances déjà évoquées dans l'invite de cette motion, nous pensons qu'il serait judicieux d'inclure aussi dans l'étude les expériences et constats du programme d'encadrement des jeunes femmes enceintes, mères, jeunes parents toxicomanes ou ex-toxicomanes faits par le service ambulatoire de la rue Verte des doctoresses Krokar et Delacoux. Nous espérons que vous pourrez souscrire à nos réflexions et vous prions donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Dans les coûts de la santé, devenus sujets à controverses, la part dévolue à la prévention est minime par rapport à celle dévolue au traitement. Au stade de développement médical où nous nous situons, les gains marginaux sont pourtant favorables à la prévention au sens large, c'est-à-dire aux conditions de vie et à l'environnement.
Puisque le rapport coût / efficacité est favorable aux politiques ou aux mesures de prévention, et que cet avantage se conjugue parfaitement avec l'intérêt particulier, on peut bien évidemment proposer une motion concernant un soutien à la famille. Il faut cependant tenir compte, comme les auteurs l'écrivent, de ce qui existe déjà. A ce propos, les auteurs sont bien en dessous de la réalité. Ils oublient notamment la pratique des pédiatres privés qui ont, pour certains, institué la consultation prénatale. Ils oublient aussi de mentionner l'Association des sages-femmes qui vient d'ouvrir à Genève une arcade tout en maintenant la possibilité d'appels téléphoniques à toute heure.
Or, l'Association des sages-femmes est l'exemple même, dans son accompagnement personnalisé des parturientes, de ce que peut être une action de prévention. En résumé, nous avons à Genève, comme dans beaucoup d'autres domaines, de nombreuses structures et de nombreux professionnels engagés dans l'action demandée par la motion. Ici, de nouveau, comme dans d'autres domaines, la question est plutôt de savoir si les informations y relatives sont à la disposition des uns comme des autres ou si, au contraire, les offres publique et privée ne rencontrent pas prioritairement les personnes les mieux à même de comprendre l'intérêt des démarches proposées au détriment de personnes moins favorisées. Dans ces conditions, proposer une systématisation du premier contact semble être une solution, mais alors là, attention ! Attention à ne pas confondre prévention et contrôle social ! Attention aussi à la solution simpliste ou au totalitarisme en matière de prévention !
Pour terminer, écrire que le lien est avéré entre toxicomanie et enfance maltraitée est une déduction que les parents de toxicomane, au milieu des souffrances qu'ils endurent, apprécieront plus ou moins. La psychiatrie à le petite semaine a déjà suffisamment attiré notre attention sur la responsabilité des parents à l'égard des troubles de leurs enfants. Comme si les auteurs, notamment médecins, ne savaient pas que l'être humain est légèrement plus complexe et qu'il est partenaire des relations qui le structurent. A cause de tous les défauts du texte, nous ne soutiendrons pas son renvoi au Conseil d'Etat, mais, étant donné le thème de la proposition et le caractère de proximité qu'il entend développer, nous ne nous opposerons pas à un renvoi en commission.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le métier de parents est un des métiers les plus difficiles. L'apprentissage de ce métier commence avec le début de la grossesse et finit lorsque l'enfant, devenu adulte, est capable de voler de ses propres ailes.
En lisant cette motion, nous avons eu un peu de peine à voir le lien entre les considérants et la mesure proposée. Prenons, dès lors, une chose après l'autre.
En premier lieu, on parle de l'encadrement des mères parturientes, c'est-à-dire des mères qui accouchent. C'est à ce moment privilégié que les premiers contacts se nouent entre le bébé et ses parents. La motion propose de faciliter un premier contact entre parturientes et personnel qualifié, et uniquement cette mesure-là. Mesdames et Messieurs les députés radicaux, cette possibilité existe déjà. Citons, par exemple, les soins à domicile, l'école des parents ou les cours de préparation à la naissance.
Il est grave que vous ayez oublié de mentionner les premières professionnelles concernées par cette problématique, je veux parler des sages-femmes.
Savez-vous qu'une association de sages-femmes à domicile existe et qu'elle a ouvert récemment une arcade d'informations et d'accompagnement des parents et de leurs nouveau-nés ? Savez-vous que sur cinq mille naissances à Genève, mille cinquante-huit ont été suivies avant, pendant ou après l'accouchement par des sages-femmes de cette association ? Est-ce un oubli voulu ou n'avez-vous pas étudié cette question à fond ? N'avez-vous aucune sage-femme au sein du parti radical ? On peut se le demander !
A notre avis, la réflexion concernant l'encadrement des jeunes parents et de leurs enfants doit mener un peu plus loin encore. En effet, il ne suffit pas de donner de bons conseils aux jeunes parents et ensuite croire que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour le groupe socialiste, toutes les mesures possibles doivent être prises pour permettre aux mères et aux pères d'avoir le temps de faire connaissance avec leur enfant, de l'accompagner durant les premiers mois, primordiaux, de sa vie. Pour ce faire, les parents doivent être déchargés de soucis financiers. Il s'agit dès lors d'instaurer une assurance-maternité afin que les mères ayant une activité lucrative puissent réellement rester avec leur bébé durant quelques mois. Un congé parental doit également être créé permettant aux deux parents de nouer cette relation privilégiée, mais également difficile, avec leur bébé.
De plus, les employeurs devraient permettre aux jeunes parents de réduire leur temps de travail durant un certain laps de temps, si il ou elle le désire, tout en leur laissant la possibilité de continuer leur carrière professionnelle. Pères et mères doivent par ailleurs avoir la possibilité d'inclure dans leur cursus professionnel le temps qu'ils ou elles consacrent à l'éducation de leurs enfants. Des plans de carrière, les profils demandés par les entreprises pour leurs employés doivent prendre en considération les qualités acquises par l'éducation de leur enfant.
En dernier lieu, vous invoquez la prévention de la toxicodépendance qui aurait guidé vos réflexions par rapport à cette motion. A ce sujet, la motion est plutôt réductrice. D'accord, c'est un premier pas, mais il ne suffira jamais. A notre avis, cette question doit être incluse dans le débat qui a actuellement lieu au sein des deux commissions parlementaires.
A titre personnel, j'aimerais dire que nous pourrons proposer toutes les mesures que nous voudrons, tant que nous ne changerons pas notre mode de vie, que nous courrons derrière le profit et le fric et que nous ne développerons pas une meilleure écoute des uns et des autres, les jeunes auront de la peine à ne pas éprouver un malaise face à cette société qui ne leur inspire aucunement confiance ni sécurité. Notre groupe soutient les mesures de prévention prises par l'Etat, mais il aimerait que l'on n'oublie pas la réflexion générale sur notre mode de vie et les effets que celui-ci a sur nos enfants.
En conclusion, le groupe socialiste soutient le renvoi de cette motion en commission tout en suggérant d'y mettre un peu plus de substance. On pourra, par exemple, ajouter une invite qui demande au Conseil d'Etat de prendre clairement position en faveur de l'assurance-maternité et de transmettre le soutien de ce Grand Conseil aux Chambres fédérales. En effet, cela fait cinq cent nonante et un mois, ce qui correspond à soixante-cinq grossesses humaines, que nous attendons que l'article constitutionnel voté en 1945 soit mis en application !
M. Philippe Schaller (PDC). Mmes Roth-Bernasconi et Maulini-Dreyfus ont dit un peu de mal de cette motion. J'aimerais, pour ma part, la défendre. Elle a en tout cas le mérite de rappeler que le progrès que l'on peut obtenir des systèmes du service de santé viendra bien plus de l'amélioration, de la prévention et de la promotion de la santé que des systèmes et des structures de soins en général. Aussi, force est de constater que la prévention n'est aujourd'hui qu'une activité secondaire dans une politique fondée principalement sur la consommation de soins curatifs.
Dans un budget aujourd'hui limité, il faudra bien planifier et déterminer ce qui est prévention et promotion de la santé, les autres soins et en cela je vous remercie, Madame et Messieurs les motionnaires. L'autre mérite de cette motion est de soulever le lien existant entre fragilité familiale et individu membre de ce réseau, entre fragilité familiale et coûts sociaux et malheurs humains. Mais la bonne réponse, Madame et Messieurs les motionnaires, n'est pas d'intervenir et de mettre sous tutelle ces familles, comme vous le proposez. Il faut avoir une politique familiale respectant la liberté et la responsabilité des familles en leur accordant une meilleure chance d'accomplir leur fonction irremplaçable dans des conditions d'égale dignité.
C'est de là que viennent le problème de l'égalité des chances et le problème de la prévention au sein des familles. Il est bien d'essayer d'avoir une politique familiale volontariste contre la paupérisation et contre le chômage, une politique législative en faveur de la femme, une politique économique en faveur du travail à temps partiel de la femme. Il faudra en discuter - nous en discuterons au prochain point - et j'espère que vous serez d'accord avec notre proposition de motion sur le revenu minimum d'aide sociale pour les familles, parce que c'est là le véritable enjeu et c'est là que nous aurons une action de prévention majeure.
Quant aux liens que vous tissez entre les travaux de la commission mixte, la toxicomanie et votre motion, il est vrai qu'il y a un abîme que je ne saurais franchir. Je vous remercie, par ailleurs, de donner le petit coup de pouce à l'Association des sages-femmes. Comme cela a été dit, elles font déjà ce travail, il faut seulement qu'elles soient reconnues et financées pour cela. J'apprécie aussi l'importance que vous donnez aux centres sociaux, parce que je sais que certains des motionnaires ont combattu l'extension des soins à domicile et la mise en place de ces centres sociaux. Je vois qu'aujourd'hui vous êtes positifs par rapport à leur rôle dans la prévention. Finalement, cette proposition est intéressante, parce qu'elle nous paraît aller un petit peu plus loin. Mme Roth-Bernasconi a parlé de l'assurance-maternité, nous y tenons beaucoup et nous attendons de pouvoir étudier cette motion en commission.
M. Gilles Godinat (AdG). Je ne vais pas répéter les observations faites par mes préopinants. Pour l'essentiel, nous partageons ces observations. Notre groupe demande que la motion soit renvoyée en commission pour les raisons suivantes. D'une part, l'encadrement, notion principale dans la motion, pose un problème par rapport à la politique de prévention. Ce problème doit être débattu même si la prévention doit être une priorité en matière de politique de santé. Deuxième observation. L'initiative sur les soins à domicile, qui a donné lieu à la loi sur les soins à domicile, mettait l'accent sur la prévention dans les différentes structures que nous voulions coordonner. A mon avis, cette motion doit s'intégrer dans le débat général sur la politique de santé de notre canton en tenant compte des dispositions en place.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- qu'il existe des formes hétérogènes de familles;
- que les familles en situation de vulnérabilité économique sont non seulement les familles de chômeurs, souvent de longue durée, mais aussi les familles à faible revenu du travail;
- que le système des droits dérivés est en général conçu en fonction d'un modèle familial traditionnel et perd une partie de son efficacité lors d'un divorce ou d'une séparation;
- que dans ces cas, les revenus d'un travail à temps partiel ne permettent pas de subvenir aux besoins du ménage alors que le temps partiel constitue une possibilité de concilier la vie professionnelle et la vie familiale;
- que la politique de lutte contre la pauvreté peut pallier les carences de la politique familiale, en faveur des familles les moins favorisées;
- qu'à Genève, le statut de rentier AVS/AI de condition modeste et le statut de chômeur en fin de droit ouvrent déjà un droit à un revenu minimum d'aide sociale;
- que ces droits ne concernent qu'une partie des personnes à l'assistance;
- qu'il convient de procurer aux familles des moyens convenables d'existence,
invite le Conseil d'Etat
- à procéder à une analyse des aides financières déjà apportées aux familles défavorisées;
- à étudier l'opportunité d'introduire pour cette population un revenu minimal d'aide sociale basé sur les mêmes principes que ceux d'ores et déjà en vigueur;
- à transformer à ce titre l'assistance sociale en aide sociale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Par définition, une politique familiale englobe toutes les mesures qui ont pour but de créer un climat favorable à la famille en vue de son développement harmonieux et du maintien de sa cohérence. Ce principe s'applique à ce qu'il est convenu de désigner par l'expression de «constellations familiales», tant l'évolution des liens conjugaux bouscule la forme traditionnelle du modèle familial en multipliant les formes possibles de familles.
Par les soins et l'éducation qu'elle donne aux enfants, la famille apporte une contribution très importante à la société. Les mesures de compensation des charges familiales ont pour but de reconnaître ces prestations de la famille. Cette compensation est l'expression d'une solidarité entre générations, d'une part, et en adultes qui élèvent des enfants et ceux qui n'en ont pas, d'autre part. Les mesures de compensation allègent au moins les charges financières incombant aux familles et contribuent à donner aux enfants les chances les meilleures pour leur développement.
Or, malgré une référence à la famille, à l'article 34 de la constitution, la Suisse ne dispose, à l'échelon fédéral ou cantonal, ni d'une politique familiale, ni d'une politique de lutte contre la pauvreté.
Malgré tout, en comparaison internationale, notre pays est de ceux dont le taux de pauvreté infantile est le moins élevé. La Suisse étant dans les pays les moins généreux en matière de politique sociale et, particulièrement, en matière de politique familiale, ce résultat indique clairement que le bien-être des familles est directement fonction de l'existence de revenus du travail.
Dans l'actuelle crise économique, les conditions de vie des familles pourraient se détériorer de façon plus prononcée que pour la moyenne de la population. Ce phénomène observé dans les pays confrontés plus précocement que nous aux difficultés économiques ne saurait nous épargner.
La pauvreté est multidimensionnelle et ses causes le sont généralement aussi, mais des observations concordantes permettent de sérier les situations conduisant à la précarité et/ou à la pauvreté.
En effet, c'est du travail que dépendent essentiellement les revenus des ménages. Lors de la survenance de certains événements, un appareil de protection sociale vient compléter le salaire ou prendre la relève du marché de l'emploi. Les situations de précarité économique apparaissent donc comme la conséquence
- soit de l'insuffisance des revenus du travail,
- soit d'une carence du système de protection sociale.
Concernant, les revenus du travail, l'analyse des bénéficiaires de l'action 700e, rappelle que «... malgré les dettes souvent importantes de ces ménages, et quel que soit le type de dettes, le problème crucial réside dans l'insuffisance chronique des revenus et non pas dans les dépenses excessives: les salaires sont trop bas pour vivre, trop précaires et trop irréguliers pour prévoir. Pour des raisons structurelles l'accès à l'emploi stable et assuré est difficile: pas de qualification professionnelle, trop longue absence du marché du travail, discrimination, chômage.»
Remarques à propos des groupes sociaux concernés:
1. 40% des pauvres classés dans les catégories les plus défavorisées vivent dans des familles de travailleurs salariés (on leur a trouvé un nom: les «working poors»). Chez eux, les imprévus (accident de santé, frais dentaires, séparation, etc.) compromettent vite leur équilibre précaire;
2. les familles monoparentales (dont les chefs sont presque toujours des femmes) sont plus vulnérables économiquement. La conciliation d'une vie professionnelle assurant un revenu décent, avec la charge d'enfants, n'est pas chose aisée, même là où de bonnes conditions de formation existent. Les structures d'accueil de la petite enfance sont insuffisantes. Le fait qu'il n'existe pas de droit clairement identifiable à une allocation de remplacement des pensions alimentaires quand l'ex-partenaire ne peut s'en acquitter constitue un facteur de vulnérabilité supplémentaire.
Le bilan de l'action 700e observe à ce propos que la moitié exactement des bénéficiaires de l'action 700e, qui ne peuvent se passer d'une aide matérielle pour équilibrer leur budget, sont des femmes élevant seules des enfants.
3. dans certains cas, la présence de handicap chez l'enfant n'est pas entièrement couvert par l'AI, alors que dans de telles situations la disponibilité professionnelle est souvent restreinte avec des répercussions obligées sur les possibilités de gain;
4. dans le contexte économique actuel, les bas salaires des personnes peu ou pas qualifiées diminuent parfois fortement.
Développement du concept de revenu minimal garantisur le plan politique
En 1993, en réponse à une motion écologiste «concernant le minimum social garanti» (M 684), la commission des affaires sociales a proposé de renvoyer au Conseil d'Etat une motion «concernant la pauvreté à Genève et les moyens d'y remédier». Le Grand Conseil l'a acceptée et la motion est toujours pendante devant le Conseil d'Etat. Simultanément, sur la base du projet de loi socialiste «instituant une allocation d'insertion» (PL 6629), la commission a décidé de donner priorité au traitement du problème des revenus des chômeurs en fin de droit. Le RMAS pour les chômeurs en fin de droit (assorti d'une exigence d'évaluation) a été accepté par notre Conseil, le 18 novembre 1994.
Lors de la présentation du projet, les Verts, nous avions déjà annoncé que selon la démarche pragmatique adoptée dans ce canton, les familles devraient être les prochains bénéficiaires d'un revenu minimal d'aide sociale.
Auparavant, Genève avait déjà introduit la notion de revenu minimum à propos des prestations complémentaires cantonales pour les bénéficiaires des rentes AVS/AI lors de la révision de la loi sur les presatations complémentaires cantonales pour les rentiers AVS /AI.
Le Tessin a, lui, adopté (15 jours avant l'introduction genevoise d'un revenu minimum d'aide sociale pour les chômeurs en fin de droit) un «revenu d'insertion» pour tous ceux qui font appel à l'assistance publique.
Au terme de son bilan de l'action 700e, l'institut d'études sociales recommande notamment de rendre non remboursables les dettes de d'assistance.
Dans le même sens, la très célèbre commission d'experts chargée de la refonte de la loi sur les allocations familiales, rappelait, sous la plume de sa présidente Hélène Braun, que «la politique familiale en Suisse et à Genève est lacunaire, éclatée: la volonté politique fait gravement défaut. Il est urgent de prendre conscience de la nécessité impérieuse de réaliser une politique digne de ce nom, non seulement pour nos aînés, mais également pour les jeunes et leurs familles... Les efforts doivent porter plus particulièrement sur la fiscalité des familles nombreuses, le logement, les structures de garde pour les enfants et les familles monoparentales.
»En matière de revenu minimum d'aide sociale, la commission rappelle... qu'une proportion importante de bénéficiaires de prestations d'assistance sont des mères élevant seules leurs enfants. Par conséquent, dans une deuxième étape, les familles monoparentales devront elles aussi être mises au bénéfice de RMAS, ce qui évacuera le poids de la dette d'assistance des familles les plus vulnérables.»
Enfin, la majorité du Conseil national a refusé une initiative parlementaire concernant un revenu minimum généralisé en estimant que l'assistance publique est du ressort des cantons et des communes. Rappelons qu'en matière de sécurité sociale, l'histoire montre que la Confédération intervient rarement avant que des cantons aient pris l'initiative dans les limites de leurs compétences.
Revenu minimal d'aide sociale
Sans refaire le débat engagé sur le bien-fondé du concept de revenu minimal, ses différentes formes possibles, ses limites, voire ses effets pervers, les auteurs de la présente motion tiennent pour acquis qu'aucune réponse technique, telle que le revenu minimum, n'est suffisante pour résoudre les problèmes d'intégration sociale qui se trouvent en aval des phénomènes de marginalisation et d'exclusion sociale, mais ils tiennent également pour acquis que la persistance de pauvreté au sein d'une société aussi prospère que la nôtre est inacceptable.
Si les services qui peuvent prioritairement contribuer à faire reculer la pauvreté sont les services de santé, les services de logements, les services d'éducation et de formation ainsi que les services de l'emploi, l'important ce sont aussi les ressources pécuniaires immédiates, régulières. Comme le faisait observer une responsable des prestations de l'OCPA, le versement des prestations complémentaires règle parfois automatiquement une série de problèmes. Nul doute que la tension due à des revenus insuffisants, irréguliers, précaires, joue en défaveur de toute prise de responsabilité ou de projet. Nul doute que la situation précaire de ces ménages n'entrave l'objectif décrit par l'OFAS (office fédéral des assurances sociales) en 1982, à savoir que «tout enfant a le droit de bénéficier de mesures et de moyens lui permettant de s'épanouir sainement et librement sur les plans physique, psychique, intellectuel et social».
Ce risque est d'autant plus présent que l'on sait que la charge que représentent les enfants se définit de manière pertinente par rapport à un revenu déterminé et que plus le revenu est bas, plus la part relative des dépenses de première nécessité (alimentation, logement et assurance) est élevée. Dans ces circonstances toute difficulté matérielle devient significative.
Au vu des considérations qui précèdent, le revenu minimal pour les familles (monoparentales ou conjugales) consiste bien en une solution partielle, minimale comme son nom l'indique, mais cependant sérieuse et nécessaire. C'est dans ce sens qu'il faut entendre le soutien du mouvement populaire des familles déclaré au moment du RMAS pour les chômeurs en fin de droit: soutien à l'intention de transformer l'assistance en un droit à un revenu minimal.
C'est dans cette perspective que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à cette motion.
Débat
Mme Liliane Maury Pasquier (S). Comme le précédent débat vient de le démontrer, tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance des premières années de la vie pour la construction de l'identité, pour la solidité de cette construction qui conditionne tellement les capacités à faire face aux problèmes de la vie en général et, en particulier, de l'adolescence : toxicomanie, délinquance, violence.
Ces premières années de la vie se passent dans le cadre de la famille et c'est la raison pour laquelle toute fragilisation de cette famille peut être problématique pour le futur adulte autant que pour la société. Nous devons nous soucier d'assurer aux familles des conditions de vie décentes garantissant autant que possible une image positive de tous ses membres. Le jour où, en raison d'un accident - entendez par accident tout événement imprévisible ou inattendu, que ce soit un traitement dentaire ou le remplacement de sa cuisinière - l'argent manque pour les autres frais courants - alimentaires, vestimentaires ou autres - l'image positive en prend un coup et ce coup-là peut avoir de lourdes conséquences.
Ces situations précaires que je viens d'évoquer sont malheureusement une réalité à Genève, à cause de la crise et, bien sûr, du chômage, mais aussi, et nous ne le dirons jamais assez, à cause des salaires scandaleusement bas, notamment ceux des femmes, pratiqués dans certaines branches. Combien de familles sont-elles touchées par ce problème d'insuffisance de revenus dans notre canton ? Les chiffres de l'Hospice général pour 1994 sont à ce titre assez édifiants, puisque, sur trois mille cinq cent septante-quatre dossiers d'assistance financière traités l'an dernier, mille trois cent septante-huit, soit près de la moitié, concernaient des familles, huit cent septante et un pour des familles monoparentales et cinq cent sept pour des couples avec enfant. Si certains dossiers peuvent être déduits de ces chiffres en raison de l'entrée en vigueur du revenu minimum d'aide sociale, il reste toujours un nombre important de situations précaires pour des familles.
Si le revenu minimum, qu'il soit d'aide sociale pour les familles ou pour tout le monde, n'est pas une solution en tant que telle, c'est néanmoins une possibilité parmi d'autres de soutien, en l'occurrence aux familles. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accueillir favorablement cette motion.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). La question d'un revenu minimal d'aide sociale a déjà occupé notre parlement à plusieurs reprises. Les transformations socio-économiques que nous connaissons ici ou ailleurs incitent à la réflexion et à l'action dans ce domaine.
Comme rappelé dans l'exposé des motifs, une motion écologiste et un projet de loi socialiste ont ouvert les feux en 1990. Simultanément, l'expression même de revenu minimal a été inscrite pour la première fois dans notre législation cantonale à propos des prestations complémentaires cantonales AVS/AI. L'année dernière, nous avons accepté une loi pour un revenu minimal cantonal pour les chômeurs en fin de droit, reconnaissant par là que le traitement social du chômage ne répondait plus à la situation nouvelle du chômage longue durée.
L'avance politique pas à pas, ou dite des «tranches de saucisson», a cela de positif qu'elle permet d'obtenir une large adhésion sur des problèmes devenus évidents. La même démarche pas à pas a toutefois cela de regrettable :
1. En désignant des ayants droit catégorie par catégorie elle signale des catégories moins méritantes, moins acceptables politiquement.
2. Elle perdure dans l'idée du transitoire ou du marginal sans voir que l'organisation sociale a besoin d'une nouvelle définition de redistribution et du travail et des revenus.
A cet égard, les «verts» estiment toujours - comme ils l'ont écrit dans leur motion de 1990 - qu'il faut introduire une notion plus générale d'un minimum d'existence permettant de couvrir les besoins des bénéficiaires en logement, en soins de santé et en formation. Les «verts» soutiennent, à terme, la notion de revenu de citoyenneté, c'est-à-dire le droit à un revenu d'existence généralisé et déconnecté, au moins partiellement, de la situation du travail ou du chômage. Les réalités concrètes pourraient bien, sous peu, renforcer l'intérêt pour un tel revenu, puisque même l'OCDE estime que les mutations technologiques et les gains de productivité observés génèrent un relâchement des liens entre production et emploi, d'une part, et entre emploi et chômage, d'autre part.
La politique des petits pas, quant à elle, nous conduira à examiner toutes sortes d'autres populations précarisées. Après les familles, les jeunes devraient être les prochains bénéficiaires. En effet, nombre d'études en Suisse ou à l'étranger révèlent la surreprésentation des jeunes personnes parmi les pauvres. Au moment où, par cette aide sociale, groupe par groupe, nous réaliserons que le partage du travail et des revenus s'est bien concrétisé de la pire manière, nous pourrons reprendre la discussion sur le revenu d'existence avec une adhésion politique plus large. En attendant, nous vous prions d'apporter toute votre attention au présent projet de motion.
L'année de la famille est terminée, les familles demeurent. En préliminaire, disons que pour les familles, plus que pour toute autre catégorie sociale peut-être, la solution d'un revenu minimal est partielle. Ici, plus que dans tout autre domaine, les politiques doivent porter d'abord sur le logement, la garde d'enfants, l'instruction, la formation, la culture, l'égalité entre hommes et femmes, la santé et l'emploi. Il s'agit, ni plus ni moins, que de partager l'avenir. Il n'empêche que le revenu minimal pour les familles est une nécessité, la nécessité minimale pour garantir toute autre possibilité de liberté.
Comme l'a dit Liliane Maury Pasquier, un revenu insuffisant pour les familles a deux origines possibles : soit l'insuffisance des revenus du travail, soit une carence des systèmes de protection sociale existants. Nous savions déjà, en proposant le légitime revenu minimal cantonal d'aide sociale pour les chômeurs en fin de droit, que cela ne concernerait qu'une minorité des ménages s'adressant d'ores et déjà à l'assistance. Dans une société à salaire libre, l'autorité publique est donc contrainte d'entrer en matière sur l'insuffisance des revenus du travail. Nous insistons sur le fait que le projet doit concerner toutes les familles, même si la plupart des revenus familiaux insuffisants concernent des familles monoparentales.
En effet, diverses législations étrangères privilégiant les familles monoparentales font actuellement l'objet d'analyses critiques quant à l'incitation à la non-cohabitation. De plus, il s'agit tout simplement d'une question d'égalité de traitement, le calcul d'un revenu minimal pour une famille ne peut discriminer les membres de cette famille.
En conclusion, l'instauration d'un revenu minimal pour les familles est une mesure d'urgence tant il est vrai que les petits salaires sont, avec les chômeurs, les laissés-pour-compte de la reprise. Revenu minimal, condition nécessaire mais pas suffisante. Revenu minimal et mesure d'urgence signifient, en conséquence, que nous ne sommes pas quittes de développer une véritable politique familiale, pas plus que nous ne sommes quittes d'instaurer des véritables mesures de lutte contre la pauvreté en reconsidérant notamment nos modes de partage.
M. Daniel Ducommun (R). Permettez-nous d'être surpris de la démarche des motionnaires. Nous ne comprenons pas leurs motivations, sauf s'il s'agit d'un cri du coeur faisant abstraction de tout considérant rationnel ou économique. Notre parlement vient de voter un RMAS pour nos chômeurs. Certains ont émis quelques réserves sur l'incertitude des demandeurs et des besoins pouvant entraîner une explosion de nouvelles charges non maîtrisées et, surtout, non couvertes par l'Etat.
Pour cela, nous avons mis un garde-fou consistant en une évaluation dans deux ans. Cela nous paraît être la moindre des sagesses. Alors, de qui se moque-t-on quand, deux mois après, on vient avec un élargissement fondamental des mêmes prestations ? Nous n'allons pas ce soir reprendre la totalité des dépenses consacrées aux transferts sociaux. Rappelons le chiffre global de 950 millions - près d'un milliard - 40% de plus qu'en 1991.
Alors, quels objectifs animent ceux qui veulent encore et toujours plus ? Nous sommes actuellement sollicités dans diverses commissions, qu'elles soient sociale ou fiscale, pour un nouveau fonds de solidarité, pour un fonds de création d'emplois d'utilité publique et écologique, pour une contribution sociale généralisée pour la réforme des allocations familiales, et j'en passe, et ce soir, pour un nouveau revenu minimum d'aide sociale. Et qui paie ? Il nous manque 400 millions pour le fonctionnement des prestations courantes. Les moyens de production suffoquent.
Mesdames et Messieurs les motionnaires, et la gauche en général, pourquoi ne faites-vous pas plus confiance à l'individu, à ses capacités de réaction, d'entreprendre ou de créer ? Vous voulez un Etat d'assistés sous un immense «machin» étatique. Nous n'en voulons pas et refusons cette proposition de motion. Nous ne restons pas, toutefois, opposés à une poursuite du dialogue, mais, s'il vous plaît, dans deux ans. (Applaudissements.)
Mme Anne Chevalley (L). Le but de mon intervention est de dire l'étonnement du groupe libéral de voir cette motion proposée à notre Grand Conseil trois mois seulement après l'adoption du troisième volet du projet de loi 6629 concernant le revenu minimum d'aide sociale en faveur des chômeurs en fin de droit.
J'aimerais rappeler la position exprimée par les commissaires libéraux lors des travaux de la commission des affaires sociales à laquelle je participais à l'époque. S'il est vrai que, conscients des problèmes existentiels auxquels font face nombre de nos concitoyens, ils ont accepté le principe de l'institution d'un revenu minimum d'aide sociale, ils ont clairement déclaré vouloir donner une priorité aux chômeurs en fin de droit dont la situation devenait préoccupante.
Je ne reviendrai sur les débats difficiles du mois d'octobre que pour déplorer le manque de crédibilité des estimations qui ont été faites, notamment sur le plan du nombre probable de bénéficiaires. Preuve en est que le nombre de dossiers actuellement à l'étude approche le millier, que, sur les coûts même approximatifs qui en découleront, aller aujourd'hui au-delà, c'est-à-dire dans le sens de la motion qui demande la généralisation du RMAS, sans encore connaître les conséquences financières des décisions prises en faveur des chômeurs serait à nos yeux faire preuve d'incurie.
Les dispositions finales du volet du RMAS, voté en octobre, stipulent qu'une évaluation de ses effets serait faite tous les deux ans. Avant d'aller plus loin, et dans l'attente de la première réévaluation, le groupe libéral s'opposera à toute extension de cette aide. C'est la raison pour laquelle, en rappelant que notre canton va consacrer en 1995 près d'un milliard et demi au budget du DASS, en augmentation de 5,6% en raison de l'accroissement de l'aide prévue en faveur des plus démunis, le groupe libéral refusera cette motion.
M. Bernard Clerc (AdG). Il faut aborder cette motion sur le problème de fond, à savoir qu'aujourd'hui un certain nombre de nos concitoyens doivent recourir à l'assistance publique. Voilà le problème essentiel et cela pose des questions en termes de politique d'emplois et de politique familiale. Il convient d'agir en amont de l'assistance et pas en aval. Voilà l'orientation générale de notre groupe.
Cela étant, nous sommes favorables au principe de l'extension du revenu minimum remplaçant l'assistance publique actuelle. Mais cette motion présente certains dangers. Elle risque de créer des catégories. Nous allons avoir d'un côté les bons pauvres et, de l'autre, les mauvais. Nous avons eu les premiers bons pauvres, c'était les chômeurs en fin de droit, même si, Madame Chevalley, ils ne sont pas au nombre du millier dont vous parlez. A fin janvier, il y en avait exactement deux cent cinquante-deux. Vous confondez les demandes et les prestations accordées; évidemment, ce n'est pas tout à fait la même chose ! (Contestations de M. Brunschwig.)
M. Jean-Pierre Lyon. Tais-toi, Brunschwig !
M. Bernard Clerc. En outre, je pense qu'il est dangereux de créer des catégories à l'intérieur de la population assistée. Je rappelle, contrairement à ce qui a été dit, que la majorité des personnes assistées sont des personnes seules et que l'introduction par «tranche de saucisson», comme cela a été dit tout à l'heure, engendre des risques de stigmatisation de ceux qui restent dans le système de l'assistance. En conséquence, nous ne sommes pas favorables à cette tactique dite de la «tranche de saucisson».
Nous pensons qu'il faut un débat politique global sur l'ensemble de la problématique pour le passage à terme de la population assistée au système du revenu minimum. Cette motion soulève en partie ce problème, elle le soulève mal, mais nous sommes favorables à en discuter, et c'est pour cela que nous appuierons son renvoi en commission.
M. Philippe Schaller (PDC). Monsieur Ducommun, c'est un cri du coeur mais également de la vérité et de la justice. Vous dites que certaines personnes en veulent toujours plus et il est vrai que nous ne pouvons pas faire confiance au mécanisme de l'économie de marché. Des motions et des propositions sont faites à la commission fiscale, mais elles aboutissent toujours au même résultat. On ne veut pas augmenter les impôts.
J'espérais que ce parlement serait convaincu par les explications contenues dans l'exposé des motifs, par les interventions de mes deux collègues, Gabrielle Maulini-Dreyfus et Liliane Maury Pasquier, convaincu qu'aujourd'hui il faut sortir ces familles injustement mises à l'assistance, parce que notre système de sécurité sociale ne les protège pas, parce que le filet de sécurité sociale que nous avons mis en place ne permet pas de les retenir.
Ce ne serait que justice, face aux carences envers les femmes de notre système social de protection, que de donner un coup de pouce à ces familles, car sur les mille citées ayant recours aux services de l'Hospice général, il s'agit, dans la plupart des cas, de femmes vivant seules ou cheffes de famille. Mme Chevalley dit qu'en commission nous nous étions mis d'accord sur un revenu minimum d'aide sociale en faveur des chômeurs en fin de droit et que nous avions demandé que ce projet soit traité dans l'urgence, parce qu'il y avait urgence compte tenu de la législation sur le chômage existant dans notre pays. Mais nous avions aussi dit qu'il fallait s'y attaquer rapidement et, en ce qui concerne l'urgence, je reprends les termes du rapport de Mme Saudan :
«Toutes les personnes auditionnées relèvent l'importance et l'urgence d'une telle réflexion. Elles sont d'accord sur le fait que la pauvreté a changé de nature. De phénomène lié à l'urbanisation, elle touche maintenant plus spécifiquement les jeunes et les femmes et de manière générale toutes les couches de la population qui peuvent être confrontées à une perte d'emploi, à la dure réalité de la crise économique, à un endettement excessif ainsi qu'à des problèmes de santé.».
Il est apparu lors des travaux de la commission - qui ont duré deux ans, je vous le rappelle - qu'il était également urgent de discuter des autres personnes touchées par la précarité et la pauvreté. Même si la marge de manoeuvre est difficile et aussi imparfaite que puisse être la proposition, Monsieur Clerc, je crois que nous devons mettre en place de manière pragmatique des structures permettant de sortir rapidement ces familles de l'assistance. J'aimerais rappeler qu'il ne s'agit pas de dépenses supplémentaires, mais simplement d'un transfert de charges passant de l'assistance à l'aide sociale.
Madame Chevalley, lorsque vous dites que l'on avait mal prévu le revenu minimum pour les chômeurs en fin de droit, c'est vrai. S'il y a tant de monde, c'est tant mieux, c'est que vraiment notre loi avait une raison d'être et qu'elle correspondait à un réel besoin, et l'évaluation nous permettra de savoir de manière plus fine quelles sont les couches de la population touchées, les pourquoi, les raisons et si l'action que nous avons voulu mener tombe sur les bonnes personnes.
J'aimerais simplement rappeler les paroles de M. Vodoz lors de la commémoration de la Restauration. Ses paroles faisaient chaud au coeur et j'ai été enthousiasmé de l'entendre, mais je crois que maintenant il faut agir et pas seulement parler. Le social c'est aussi des actions. Sauver ces familles qui sont aujourd'hui à l'assistance est un devoir moral de ce parlement. J'aurais demandé que l'on renvoie directement cette proposition de motion au Conseil d'Etat, parce qu'à la commission sociale nous avons déjà un certain nombre de travaux. Nous avons la réforme des allocations familiales, le projet sur les parturientes et, si nous voulons être un peu trop juristes et technocrates et attendre d'avoir une solution globale, nous enterrerons ce projet pour plusieurs années. Ce serait dommage. C'est pourquoi je demande à ce parlement de se rallier à la proposition de renvoyer ce projet directement au Conseil d'Etat.
M. Nicolas Brunschwig (L). J'ai deux questions à poser au député Schaller et une remarque à lui faire. Je me demande pourquoi le député Schaller a choisi le parti démocrate-chrétien pour siéger...
La présidente. Oh, Monsieur le député ! (Forte contestation, sifflets.)
M. Nicolas Brunschwig. ...et non pas un parti comme l'Alliance de gauche s'opposant ouvertement au principe de l'économie de marché. (Grand brouhaha.)
La deuxième question est de savoir pourquoi le député Schaller, qui fut rapporteur du projet de loi sur le RMAS, a accepté le principe d'une évaluation après deux ans, alors qu'il y a à peine deux mois que cette loi est en vigueur et que déjà le député Schaller propose un élargissement du champ de cette loi.
Mon propos est de dire au député Schaller qu'il serait peut-être intéressant que celui-ci s'intéresse aussi au budget du canton et de la République de Genève. Il verrait qu'il y a deux colonnes dans le compte d'exploitation : une colonne de recettes et une colonne de dépenses, et il verrait que la colonne des dépenses dépasse de 450 millions celle des recettes. (Manifestation de M. Grobet.)
La présidente. Monsieur Christian Grobet, adressez-vous à la présidence et je vous donnerai la parole en temps utile !
M. Claude Blanc (PDC). Très calmement, j'aimerais faire remarquer à mon cher collègue Brunschwig que si M. Schaller siège dans les rangs du parti démocrate-chrétien c'est qu'il y a de la place pour les idées qu'il défend dans notre parti, puisque notre parti s'est toujours fait le champion de la défense de la famille, notamment, et des personnes les plus démunies. Je crois qu'il n'y a aucune antinomie, au contraire, et nous sommes fiers que des gens comme M. Schaller puissent défendre ces idées à l'intérieur de notre parti. (Applaudissements.)
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Nous avons M. Brunschwig Graf qui nous donne des leçons... (L'assemblée s'écroule de rire.)
La présidente. Je suis navrée, M. Brunschwig Graf n'est pas là, Monsieur Lyon ! (Rires sur tous les bancs.)
M. Jean-Pierre Lyon. Oh, c'est les mêmes noms ! Même parti, mêmes noms ! Monsieur Brunschwig, vous donnez des leçons à tout le monde, alors je vais faire de même. M. Clerc a dit qu'il fallait travailler en amont de l'assistance. Il y a une année et demie, je me souviens d'une magnifique affiche avec sept personnes en photo et, comme slogan : «création d'emplois». Mais qu'avez-vous fait depuis ? Le parlement en est réduit à ne parler que d'aumône. Depuis un an et demi, il n'y a même pas de projet du Conseil d'Etat pour l'emploi. Montrez-le nous ce projet, il est dans les tiroirs du département de l'économie ! C'est tout ce qu'il y a ici...
La présidente. Oui, mais nous sortons du sujet, Monsieur Lyon !
M. Jean-Pierre Lyon. (Agacé.) Ah, ouais, ouais !
M. John Dupraz (R). Il est vrai que cette motion pose quelques problèmes, puisque le RMAS pour les personnes au chômage en fin de droit vient tout juste d'être mis en place. Cependant, j'aimerais dire que nous devons veiller - c'est le rôle des responsables politiques et des élus de ce canton - à ne pas aggraver la fracture sociale. Faisons très attention. S'il est vrai que le budget, l'équilibre des finances de l'Etat sont des données très importantes, je constate une chose, Monsieur Brunschwig, c'est que les problèmes financiers ont toujours trouvé une solution.
Mais si nous ne trouvons pas de solutions aux problèmes sociaux, c'est alors la fracture, jusqu'à l'affrontement et l'explosion sociale. Je ne le souhaite pas pour mon canton, encore bien moins pour mon pays. Nous devons être extrêmement prudents, et je crois qu'à l'avenir il est illusoire de croire que nous allons vivre, reconquérir et revoir le plein-emploi, car il faut de moins en moins de gens pour produire de plus en plus de choses, et nous devons partager le travail, trouver des solutions nouvelles, revoir la société...
La présidente. Mais nous sortons du sujet !
M. John Dupraz. Mais, Madame la présidente, un parlement c'est fait pour parler et la présidente pour présider et nous laisser parler ! (Rires.)
La présidente. Oui, mais du sujet !
M. John Dupraz. Je pense qu'il est important que nous prenions conscience de ces problèmes et, s'il est vrai que cette motion est un peu prématurée, elle pose de vraies questions et mérite que l'on y réfléchisse et qu'ensemble nous trouvions des solutions.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Ce parlement, sur les différents bancs, élève rapidement le ton à propos de cette motion, mais il n'a pas lu attentivement, pour la plupart des intervenants, les demandes exprimées.
Je vous les relis. La motion invite le Conseil d'Etat «à procéder à une analyse des aides financières déjà apportées aux familles défavorisées;» - il ne s'agit donc pas, dans la première invite, d'en créer de nouvelles mais d'analyser celles qui sont déjà apportées - «à étudier l'opportunité d'introduire pour cette population un revenu minimal d'aide sociale basé sur les mêmes principes que ceux d'ores et déjà en vigueur;» - il ne s'agit donc pas de l'introduire, mais d'étudier l'opportunité de l'introduire - et, enfin, «à transformer à ce titre l'assistance publique en aide sociale.».
Que l'on dépense l'argent au titre de l'assistance publique ou au titre de l'aide sociale, financièrement la dépense est la même : c'est la qualification juridique qui change. C'est la raison pour laquelle je vous invite à y réfléchir plus tranquillement en la renvoyant en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.
A la demande de la commission des pétitions, la commission de la santé a examiné lors des séances du septembre, 7 et 14 octobre, 11 novembre 1994 et du 27 janvier 1995 la pétition 1036 datée du 16 mai 1994, munie de 46 signatures et demandant à l'Etat de Genève d'éviter, sans marginaliser ou exclure certaines personnes de la société, une promiscuité entre les enfants fréquentant l'école Le Manoir et les clients du PRIM (voir texte de la pétition en annexe). La commission a procédé à l'audition d'une délégation des pétitionnaires (7 octobre 1994), du Dr Annie Mino, responsable de la division pour toxico-dépendants (14 octobre 1994) et a entendu le conseiller d'Etat en charge du département de justice et police et des transports, ainsi que M. Urs Rechsteiner, chef de la sûreté, lors de leur audition devant les commissions sociale et de la santé (17 janvier 1995).
Auditions
L'audition des pétionnaires a permis de préciser un certain nombre de points soulevés dans le texte de la pétition. Ils regrettent, en particulier, l'ouverture du PRIM sans information préalable aux habitants du quartier, les difficultés de communication avec le PRIM, de même qu'ils ont de la peine à accepter le fait qu'il faut apprendre à vivre avec, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le président du DASS.
Mme Annie Mino a rappelé à la commission les conditions de la création du PRIM, qui a dû se mettre en place rapidement, en été 1992, pour répondre à une demande accrue de thérapie de substitution suite à la cessation d'activité d'un médecin praticien. Dans ces conditions, les premiers contacts avec les habitants du quartier n'ont pas été tout à fait faciles. Le PRIM a cependant procédé à deux soirées portes ouvertes qui ont permis à plusieurs habitants de s'informer. Mme Mino regrette que les pétitionnaires n'aient pu assister à ces deux soirées. De plus, le personnel a reçu des consignes très précises en ce qui concerne l'attention à porter aux remarques du voisinage. Mme Mino considère qu'aujourd'hui la situation est calme et que les relations avec le voisinage sont bonnes.
M. Urs Rechsteiner a déclaré que les divers projets développés ces dernières années à Genève pour venir en aide aux consommateurs de «drogues» n'avaient absolument pas perturbé l'ordre public.
Discussion de la commision
Le rapport quadriennal du président de la commission mixte en matière de toxicomanie 1989-1993 est actuellement examiné par la commission sociale avec la participation de la commission de la santé. L'ensemble de la politique concernant les problèmes liés aux «drogues» illégales est ainsi examiné par le Grand Conseil. Aussi la commission de la santé s'est-elle concentrée sur les points particuliers soulevés par cette pétition.
La «drogue» et surtout les problèmes qui en découlent sont un phénomène principalement urbain; il est par conséquent nécessaire que les réponses proposées se situent dans le tissu urbain. Il semble que l'approche suivie par le canton de Genève ne perturbe pas l'ordre public et qu'elle permet d'améliorer progressivement l'aide aux personnes dépendantes de «drogues» illégales.
Malgré deux soirées portes ouvertes du PRIM et une disponibilité du personnel pour toute question et tout problème de cohabitation, il apparaît une insuffisance de communication entre le service concerné et les pétitionaires. Il apparaît cependant que les inconvénients consécutifs à l'installation du PRIM pour les habitants ont été résolus à la satisfaction de tous.
Conclusion
La commission reconnaît les difficultés à satisfaire tout un chacun et recommande de tout mettre en oeuvre pour assurer une communication et une cohabitation optimales entre tous.
A l'unanimité, la commission de la santé vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Dépôt: 16 mai 1994
P 1036
PÉTITION
concernant la promiscuité d'enfants avec des drogués
Les personnes soussignées sont profondément choquées de savoir que leurs enfants, âgés de 2 à 7 ans - qui fréquentent l'école privée Le Manoir, au 23, avenue Dumas - peuvent être en contact avec des drogués venant se ravitailler en méthadone au centre PRIM situé à la même adresse.
D'autres écoles et crèches qui se situent dans le même périmètre sont également concernées: l'école publique 25bis, avenue Dumas, l'école Bertrand, la nurserie au 23, avenue Dumas, la Dent-de-Lait au 15, avenue Dumas et une garderie à l'avenue Peschier.
La réponse du conseiller d'Etat M. G.-O. Segond faite dans la «Tribune de Genève» du 28 avril 1994, est inadmissible.
En effet, ce dernier refuse de transférer ce centre en invoquant le fait que «la toxicomanie est un phénomène de société avec lequel il nous faut apprendre à vivre».
Les enfants de l'école Le Manoir sont des petits êtres candides et crédules sur lesquels un drogué «en manque» pourrait commettre des actes de malveillance.
Si la drogue est un fléau auquel tout un chacun peut être confronté, il est impératif que les parents et les enseignants les protègent contre les agressions extérieures.
Les personnes soussignées exigent que les autorités interviennent au plus vite, afin de transférer ce centre PRIM dans un endroit où des enfants ne sont pas appelés à côtoyer quotidiennement des drogués.
Sans marginaliser ou exclure certaines personnes de la société, l'Etat de Genève pourrait éviter une promiscuité telle que celle évoquée ci-dessus.
N.B.: 46 signatures
Marie-Claire Messerli
Avenue Dumas 19 A
1206 Genève
Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
En date du 31 octobre 1994, la commission des pétitions, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, a pris connaissance d'une pétition adressée au Grand Conseil par Mme Christiane Charbonney à propos de la diminution de prestations en matière de transport de personnes handicapées. Cette requête, munie de deux signatures, a la teneur suivante:
PÉTITION
concernant la diminution des prestations sociales
Mesdames etMessieurs les députés,
Ayant entendu parler de la diminution budgétaire de 10% fixée par le département de l'action sociale et de la santé, et en souffrant de manière tangible (puisque la Fondation Transport-Handicap qui me véhiculait a décidé de m'exclure des personnes bénéficiant de ces moyens de transports, malgré un lourd handicap amputation de la jambe plus problèmes oculaires graves), je me permets de vous rendre attentifs au fait qu'une telle diminution de prestations touche malheureusement de nombreuses personnes déjà handicapées et dépendantes de notre société.
Par la présente, je vous demande donc d'étudier la possibilité de réattribuer ce pourcentage, en tout ou en partie, aux associations qui doivent en bénéficier de manière que les plus défavorisés ne soient pas définitivement exclus d'une civilisation qui tend à être à deux vitesses.
N.B.: 2 signatures
Christiane Charbonney
19, chemin Salomon-Penay
1217 Meyrin
Auditions
Mme Charbonney, qui se déplace à l'aide de cannes, est auditionnée le 21 novembre. Elle est accompagnée de la cosignataire de la pétition, elle-même en fauteuil roulant.
Ensuite d'accidents, Mme Charbonney a été amputée d'une jambe et porte une prothèse. Elle souffre également de problèmes de vue. Elle dispose d'un fauteuil roulant mais, par souci de moindre dépendance, elle s'efforce de se déplacer avec des cannes. Il lui est impossible d'emprunter les transports publics (inadéquation des sièges pour une personne portant une prothèse, risque de chute, équilibre instable, etc.). Mme Charbonney habite Meyrin et recourt, pour ses déplacements, principalement à Transport-Handicap, qui lui assurait jusqu'à récemment environ 40 transports par mois, soit 20 allers et 20 retours. Il lui arrive également de s'adresser à la commune de son domicile, au Centre social protestant, ainsi qu'à des parents, amis ou connaissances occasionnellement. Elle estime ses besoins de déplacements à 70-80 par mois (35 à 40 aller et retour).
Or, Transport-Handicap aurait décidé de lui supprimer toute prestation sous prétexte, d'une part, que Mme Charbonney n'est pas en fauteuil roulant, d'autre part, en raison de la diminution des subventions de l'Etat. Elle regrette, entre autres points, de n'avoir pas été informée avant cette prise de décision et suppose que d'autres personnes dans son cas sont également touchées.
Pour Transport-Handicap, ce sont Mme Cécile Perréard, présidente, et M. Pierre Marti, vice-président, qui sont entendus le même jour. Au préalable, ils exposent à la commission les objectifs, le fonctionnement, le statut, les ressources de cette fondation à but non lucratif. Le budget annuel de 3 millions de F est couvert par l'OFAS, par une subvention de l'Etat et par des dons privés. Le parc de véhicules de 22 unités est régulièrement renouvelé grâce à la prise en charge financière d'associations d'entraide.
Transport-Handicap organise deux types de courses:
celles dites «conventionnelles» (personne qui se rendent à leur travail, écoliers, jeunes fréquentant des ateliers d'accueil), remboursées presque entièrement par l'office fédéral des assurances sociales et l'assurance-invalidité;
celles dites «de loisirs» permettant à des personnes en fauteuils roulants de vivre «normalement». Les courses de loisirs sont subventionnées en grande partie par l'assurance-invalidité et par l'Etat. Huit francs sont à la charge du transporté (11 F dès 1995) et Transport-Handicap doit financer la différence, soit environ 12 F par course, ce qui amène la fondation à trouver chaque année 500 000 F auprès de collectivités, entreprises et privés.
Pour ne pas concurrencer les transporteurs professionnels, l'Etat fait obligation à Transport-Handicap de limiter son intervention exclusivement aux personnes en fauteuils roulants. En des temps meilleurs et pour rendre service, Transport-Handicap a cependant pu élargir occasionnellement le champ de ses activités en faveur de personnes handicapées, mais pas toujours en fauteuils roulants, qui, pour des raisons financières, ne pouvaient pas recourir à une ambulance ou à un taxi spécialisé. Malheureusement, en 1995, comme d'autres subventionnés, Transport-Handicap verra son allocation diminuée de 10%. D'où la nécessité de réorganiser la planification de ses interventions et d'appliquer strictement la restriction de ne transporter que des personnes en fauteuils roulants.
Pour ce qui est du cas de Mme Charbonney, elle a été transportée parfois avec son fauteuil roulant, parfois sans. Cette année, ses demandes ont beaucoup augmenté, passant de 25 à 50 déplacements par mois, ce que l'association ne peut assumer. Du courrier et des téléphones ont été échangés pour trouver une solution. Transport-Handicap n'a pas exclu Mme Charbonney de sa liste de personnes à transporter et accepte de continuer à raison de 4 fois par semaine, soit une trentaine de fois par mois, y compris en 1995. Mais il n'est pas possible de faire davantage, compte tenu des obligations envers d'autres handicapés et pour des raisons techniques également: timing incompressible, courses à vide pour aller chercher les gens, etc.
Indépendamment de ce cas particulier, se pose la question de la place des handicapés dans la cité: le souhait d'intégration, et par exemple le maintien à domicile reconnu par tous, impliquent que des mesures adéquates soient prises. Sur la demande du département des affaires sociales et de la santé, Transport-Handicap effectue une étude pour laquelle Pro Infirmis a déjà transmis une proposition: quelles mesures pratiques, quels dispositifs, quel financement prévoir, pour que ce voeu hautement louable d'intégrer les handicapés à la vie de la cité soit suivi d'effets concrets? Le rapport doit être déposé pour février-mars 1995.
A l'appui de leur exposé, Mme Perréard et M. Marti remettent à la commission une plaquette présentant les activités de Transport-Handicap. Ce texte est joint au dossier et les députés qui le souhaitent pourront le consulter.
Discussion
Les commissaires sont sensibles à la situation de Mme Charbonney et à l'effort notable qu'elle fournit pour garder une part d'autonomie, utilisant le plus souvent des cannes pour se déplacer plutôt qu'un fauteuil roulant.
En ce qui concerne les prestations de Transport-Handicap, la commission a été soulagée d'apprendre qu'il n'est pas question d'exclure Mme Charbonney et que cette association continuera à lui assurer une trentaine de transports par mois (4 déplacements aller et retour par semaine). En revanche, compte tenu de la situation (diminution de 10% de la subvention de l'Etat) et des diverses obligations de Transport-Handicap, il n'est pas possible d'augmenter ce nombre, au risque de «puiser» dans le quota octroyé à d'autres handicapés. Pour répondre aux autres demandes de transport de Mme Charbonney et outre les services qu'elle connaît déjà, il est suggéré qu'elle s'adresse soit à Pro Infirmis, soit au département de l'action sociale et de la santé pour obtenir la liste exhaustive des associations qui s'occupent de transport de handicapés.
Conclusion
Compte tenu des assurances reçues et à l'unanimité des commissaires présents, soit 14, la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1047 sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Il est exact, comme l'a indiqué M. Champod, que le nouvel office cantonal de l'assurance-invalidité, qui est entré en fonctions le 1er janvier 1995, rencontre un certain nombre de difficultés dues notamment à un changement des procédures et des méthodes de travail.
Nous examinerons prochainement, en liaison avec la direction et les collaborateurs de cet office, la situation de façon à déterminer s'il s'agit d'un dysfonctionnement temporaire, qui sera aisément corrigé, ou d'un problème plus sérieux et plus grave, auquel cas des mesures seront prises avant Pâques.
Cette interpellation urgente est close.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission des finances a étudié le projet de loi 7121 lors de ses séances des 7, 14 et 21 décembre 1994, tenues sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache.
Etaient présents: M. Olivier Vodoz, chef du département des finances, M. Jean-François Mabut, secrétaire général, M. Patrick Pettmann, directeur à l'office du personnel de l'Etat.
Il faut rappeler que ce projet de loi a été déposé le 4 juillet 1994, par le Conseil d'Etat.
Rappelons également que ce projet de loi du Conseil d'Etat fait suite à un rapport d'expert en prévoyance professionnelle reconnu au sens des articles 53 LPP et 370 PPZ du mois de septembre 1992 par MM. J.-P. Haymoz et M. Pittet, dont la conclusion est la suivante:
«Nous constatons que le financement actuel de la CIA n'est pas suffisant pour garantir son équilibre financier à terme dans le cadre du système financier décrit à l'annexe III des statuts. De ce fait, en vertu du mandat qui nous est dévolu en application de l'article 53, alinéa 2, LPP, nous demandons aux instances de la CIA de donner une suite positive aux recommandations qui suivent.
Afin de respecter les dispositions statutaires et légales en vigueur, il convient d'augmenter le taux de cotisation de 20,25% à 24%. Etant donné qu'il s'agit d'une augmentation sensible, la planification pourrait se faire progressivement.»
Pour bien comprendre l'analyse, il faut souligner que, dans le rapport d'expert 1991, il était noté, je cite: «D'une façon générale nous constatons en valeur relative une diminution régulière de l'accroissement annuel de la fortune sociale ces dernières années» et «Le résultat du développement de la caisse elle-même se caractérise par des charges toujours plus importantes dues à l'évolution du rapport démographique».
Historique
En 1977 déjà, le taux initial de cotisation avait été fixé à 20,25% et il représentait un compromis entre la proposition des experts de fixer le taux de 24% à 25% et celle de la commission «intercaisses» (CIA-CEH) qui recommandait 18% (19%). Les experts de conclure que si le taux de 18% (19%) devait être retenu, la caisse entrerait dans un processus de décapitalisation.
En 1981, les experts parlent de fixer le taux de cotisation à 24%. En 1986, nous pouvons lire: «Le système financier CIA ne garantit pas aux pensionnés la couverture intégrale de la valeur actuelle de leur pension. Ce système proposé implique une augmentation du taux de cotisation de 20,25% à 23% environ.» (Référence: Rapport en 4 parties du 25 mars 1993 ADE/022).
Le 15 décembre 1992, le comité de la CIA adopte les conclusions du rapport d'expertise actuarielle de septembre 1992.
Le 25 mars 1993, l'assemblée des délégués CIA refuse le rapport de majorité du comité CIA en évoquant que la hausse des cotisations peut être évitée grâce à la pérennité et à la garantie de l'Etat qui peut augmenter indéfiniment.
Le 1er juin 1993, le Conseil d'Etat, en qualité d'autorité de surveillance, approuve la décision du comité CIA visant à procéder à une hausse des cotisations par paliers successifs, soit:
21,6 % au 1er janvier 1994
22,8 % au 1er janvier 1995
24 % au 1er janvier 1996
De plus, le Conseil d'Etat se déclarait formellement opposé à une modification du système financier de la CIA qui irait dans le sens d'une diminution du degré de couverture des engagements de la caisse, fixé actuellement à 50%.
Il faut souligner que la CIA est une institution de droit public et qu'elle bénéficie de la garantie subsidiaire du canton de Genève prévue aux articles 69, alinéa 2, LPP et 45 OPP2 selon lesquelles «l'Etat s'engage à garantir le paiement des prestations dues par la caisse lorsque cette dernière n'est plus à même de faire face à ses engagements».
Il appartient donc à la caisse (comité et assemblée des délégués) d'assurer cet équilibre financier et de proposer au Conseil d'Etat les mesures requises pour parvenir à un équilibre. L'augmentation du taux de cotisation fait partie de ces mesures.
Le 10 mars 1994, le comité de la CIA a proposé à l'assemblée des délégués un compromis concluant à une hausse plus faible des cotisations, soit 21,6%, mais nous ne pouvons que constater que le degré de capitalisation selon projection à 20 ans devient inférieur à 50% de couverture et que la garantie de l'Etat se situe à 6,6 milliards de francs (voir exposé des motifs).
Cotisation Degré de capitalisation Garantie de l'Etat dans 20 ans dans 20 ans
20,25% 38,6% 7,1 milliards
21,6% 43,1% 6,6 milliards
24% 51,1% 5,6 milliards
Position du Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat a pris formellement position contre toute modification des statuts de la CIA qui conduirait à renoncer à un degré de capitalisation de 50% au minimum. Il y a bon nombre d'exemples en Europe de caisses de prévoyance à la limite de la cessation de paiement. Malgré des finances cantonales difficiles, nous ne pouvons accepter de reporter sur les générations futures le prix de cette décapitalisation. L'actuel système financier de la CIA a été approuvé par le Grand Conseil le 20 février 1986. Le rapport de la commission des finances (voir PL 5730A) mentionne clairement: «Le système retenu entraîne une augmentation du taux de cotisation de 20,25 à 24% du salaire coordonné. Selon les calculs actuariels, ce taux devrait permettre d'assurer l'équilibre financier de la caisse pour ces 20 prochaines années.»
Une augmentation du taux des cotisations devait donc tôt ou tard intervenir si l'on entendait garantir à long terme un taux de capitalisation de 50% au moins.
Travaux de la commission
La commission des finances a commencé l'étude de ce projet de loi le 7 décembre 1994.
Audition de MM. Friedli, président du comité de la CIA
Biedermann, directeur de la CIA
Devaud, président de la commission juridique de la CIA
Ducommun, vice-président de la commission technique de la CIA
Dumont, président de la commission financière de la CIA
La CIA a acquis une certaine autonomie; ses instances sont amenées à faire des propositions selon les procédures démocratiques qui sont en cours et qui consistent à laisser la CIA élaborer ses statuts puis à les soumettre au pouvoir politique. Mais il y a également un problème technique concernant le système financier et le taux de cotisation. A partir du moment où le taux de cotisation ne respecte pas le système financier il en découle une situation difficilement gérable.
Discussion de la commission
Le débat met en évidence un élément important, celui de la garantie de l'Etat ainsi que le fait que la cotisation fixée est de 2/3 pour l'employeur et 1/3 pour l'employé (situation favorable par rapport à l'économie privée).
Il apparaît que les chiffres des experts ne sont pas contestés mais que deux thèses contradictoires sont soutenues:
- l'une par les instances de la CIA qui acceptent de laisser glisser le taux de capitalisation en dessous de 50% avec un taux de cotisation de 21,6%;
- l'autre par le Conseil d'Etat qui entend maintenir au moins un degré de capitalisation de 50% en portant progressivement le taux de cotisation à 24%, répondant en cela à une condition impérative que la commission des finances du Grand Conseil avait elle-même émise en 1986.
Audition des actuaires
M. .
L'actuaire nous rappelle que le problème du financement de la CIA remonte à 1975 et qu'en 1979 la CIA s'est vue dotée de nouveaux statuts prévoyant précisément l'introduction d'un système financier mixte. C'est en 1986 que la CIA a adopté celui qui consistait à constituer un fonds de réserves égal en tout temps à 50% au minimum des rentes en cours et des prestations de libre passage des actifs.
L'actuaire considère que nous ne pouvons pas nous situer en dessous de cette limite. Les actuaires sont opposés à la proposition du compromis de la CIA qui a pour but de descendre aux alentours de 40%. Se contenter d'une cotisation à 21,6% serait se décharger sur les générations futures qui devront prendre en charge une cotisation plus élevée.
L'actuaire conclut en disant que ce serait une erreur d'aller dans le sens d'une décapitalisation encore plus marquée et qu'il serait sage que le Grand Conseil suive le Conseil d'Etat dans son projet de loi. Un refus d'augmenter la cotisation provoquera une décapitalisation accélérée et la CIA va ainsi se trouver dans une situation problématique d'ici quelques années.
Point de vue du Conseil d'Etat et discussion de la commission
Il est manifeste que le problème principal qui motive le Conseil d'Etat est une question de responsabilité évidente; que face à cette situation bloquée, le Conseil d'Etat souhaite suivre les experts.
Cet avis a été contesté devant la commission fédérale de recours. La décision a tranché en faveur de l'autorité de surveillance et l'on se trouve devant l'échéance virtuelle du délai d'un recours devant le Tribunal fédéral. Il apparaît évident que le parlement ne peut pas prendre de risques compte tenu des montants considérables en jeux et que la proposition d'augmenter la cotisation, et par conséquent les charges de l'Etat, n'est pas proposée avec plaisir, mais il s'agit bien d'être responsable.
Vote d'entrée en matière sur le projet de loi 7121
10 oui (4 L, 2 R, 2 PDC, 1 S, 1 E)
2 non (2 AG)
Article 1
10 oui (idem)
2 non (idem)
Article 2
La présente modification entre en vigueur le 1er juillet 1995
10 oui (idem)
2 non (idem)
Il s'agit de corriger l'article 104 des statuts de la manière suivante:
Article 104 (nouveau)
L'augmentation du taux de la cotisation annuelle de 20,25% à 24% intervient selon les modalités suivantes:
a) augmentation de 20,25% à 21,6% au 1er juillet 1995;
b) augmentation de 21,6% à 22,8% au 1er juillet 1996;
c) augmentation de 22,8% à 24% au 1er juillet 1997.
Vote final: la commission des finances accepte le projet de loi 7121 par 10 oui (4 L, 2 R, 2 PDC, 1 S, 1 E) et 2 non (2 AG).
Conclusion
En considérant que :
- les experts sont formels: si le taux n'est pas rehaussé, nous poursuivons un processus de décapitalisation;
- le taux de couverture n'a cessé de diminuer depuis 1979;
- le Conseil d'Etat, en sa qualité d'autorité de surveillance, est opposé à une modification du système financier de la CIA sous la forme d'une diminution du degré de couverture, d'autant plus que celle-ci bénéficie d'une garantie subsidiaire du canton de Genève qui assure le paiement des prestations dues lorsque la CIA n'est plus à même de tenir ses engagements;
- il n'est pas acceptable de décharger sur les générations futures la responsabilité de garantir une pérennité financière par une capitalisation insuffisante;
la commission des finances vous recommande d'accepter le projet de loi 7121 du Conseil d'Etat tel que modifié par ses soins.
RAPPORT DE MINORITÉ DE L'ALLIANCE DE GAUCHE
Le projet de loi qui vous est soumis est présenté par la majorité comme indispensable à la réalisation des objectifs de la CIA, à savoir assurer l'équilibre financier de la caisse par rapport à ses engagements à l'égard des pensionnés. L'instance suprême de la CIA, son assemblée des délégués, ne partage pas cette analyse et a pris des décisions qui ne sont pas celles contenues dans ce projet de loi. Ces décisions ont été adoptées par toutes les instances de la caisse, y compris son comité dont la composition est paritaire, et cela à une très nette majorité
En refusant de reprendre les propositions de consensus adoptées par la CIA, le Conseil d'Etat et la majorité de la commission passe par-dessus le fonctionnement démocratique de cette caisse de retraite. A entendre le Conseil d'Etat, la CIA serait irresponsable en n'acceptant pas les hausses de cotisation prévues par le projet de loi. En quelque sorte les instances de la CIA seraient masochistes car elles prendraient le risque de ne pas pouvoir assurer le versement des prestations à ses assurés, ce qui est évidemment absurde. Ne pas suivre les propositions de la CIA constitue de fait un désaveu de son fonctionnement démocratique.
Sans entrer dans tous les détails de la procédure rappelons que la CIA postule une augmentation du taux de cotisation à 21,6% (actuellement 20,25%) alors que la majorité propose trois hausses successives: 21,6% en 1995, 22,8% en 1996 et 24% en 1997. Les deux propositions visent à assurer l'équilibre de la caisse jusqu'à l'an 2011, soit sur une période de vingt ans à dater des calculs actuariels effectués en 1992.
Le système financier de la CIA est un système mixte capitalisation/répartition. Les statuts prévoient que la fortune de la caisse doit être égale aux 240% de la somme des traitements assurés déterminants des membres actifs et ne doit pas être inférieure à la moitié de la somme des valeurs actuelles des pensions en cours de jouissance et des prestations de libre passage des membres actifs.
Le Conseil d'Etat et la majorité de la commission ne retiennent, pour justifier les hausses de cotisation proposées, que le principe des 50% de capitalisation. L'argument essentiel étant que l'Etat offrant une garantie à la CIA l'augmentation de cette garantie consécutive à la diminution du degré de capitalisation deviendrait trop lourde. Or il faut bien voir que cette garantie n'a de sens qu'au cas où il n'y aurait pas de pérennité de l'Etat. Ce serait uniquement au cas où l'Etat devrait disparaître que la garantie serait mise en oeuvre. On le voit, nous nous trouvons dans un cas d'école plus qu'hypothétique! Au sujet de la décapitalisation il faut signaler qu'en 1979 le Grand Conseil avait accepté un système qui prévoyait un degré de capitalisation inférieur à celui qui serait atteint (environ 43%) avec la proposition de la CIA.
La CIA en proposant une hausse des cotisations à 21,6% conserve les deux sommes de référence (240% des traitements assurés et 50% de capitalisation) mais c'est alors la moyenne de ces deux sommes qui définit le montant minimum de la fortune sociale et qui permet d'assurer l'équilibre financier sur une période de vingt ans. A ce sujet il faut relever que les prévisions sur vingt ans comportent une part d'inconnues non négligeable. Ainsi les actuaires de la caisse ont effectué leurs calculs sur la base de paramètres dont certains sont par nature aléatoires. Premier exemple: le taux de croissance des salaires sur la période considérée est de 4% l'an. Qui peut aujourd'hui affirmer que dans quinze ans nous assisterons à une telle progression alors que, pour prendre la réalité présente, la progression actuelle dans le cadre du plan quadriennal est largement au-dessous de cette moyenne. Deuxième exemple: la variation des effectifs par année: qui peut aujourd'hui assurer que les effectifs seront stables, en diminution ou en augmentation sur vingt ans? Le pilotage sur une aussi longue période comporte à l'évidence des éléments d'appréciation qui ressortissent davantage à la voyance qu'à l'évaluation scientifique.
La proposition de la CIA s'appuie cependant sur ces projections à long terme mais elle a le mérite de ne pas anticiper des évolutions qui peuvent s'avérer fausses et permet un pilotage beaucoup plus fin. Cette proposition ne signifie aucunement un refus de principe de hausse de cotisation. Si, sur la période considérée, des éléments des paramètres retenus devaient s'avérer faux, la CIA et le Grand Conseil auraient la possibilité de réexaminer le taux de cotisation.
Notre Grand Conseil n'a pas compétence de modifier l'annexe au projet de loi 7121 prévoyant les nouveaux taux de cotisation. C'est pourquoi nous ne pouvons proposer d'amendement et vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi. De cette manière vous inviterez le Conseil d'Etat à déposer un nouveau projet de loi qui intègre les modifications aux statuts de la CIA telles qu'adoptées démocratiquement par cette dernière.
Premier débat
La présidente. La lecture d'une lettre ayant été demandée, je prie M. le secrétaire de bien vouloir procéder à sa lecture.
La présidente. Il n'est pas de ma compétence de suspendre de mon autorité les travaux sur ce projet de loi, surtout si personne au sein de cette assemblée ne le demande.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur de majorité. Je viens de prendre connaissance de ce courrier du 14 février 1995. C'est justement parce que le comité de la CIA a décidé, en mars 1994, une modification statutaire que le Conseil d'Etat, alerté par le service de surveillance, a proposé ce projet de loi.
J'aimerais rappeler que le service de surveillance des fondations a cette compétence et doit absolument veiller à ce que les caisses de prévoyance privées ou publiques remplissent les conditions dictées par l'ordonnance fédérale sur la prévoyance professionnelle qui, en fait, stipule que la fondation doit garantir un équilibre financier conformément à la loi et à ses statuts. La CIA, dans l'annexe II, article 25, de ses statuts définit l'équilibre financier à travers deux conditions qui doivent être réunies. Il faut, tout d'abord, que la fortune sociale de la caisse soit à un niveau au moins égal à 240% de la somme des traitements assurés déterminants des membres actifs. D'autre part - c'est véritablement deux solutions qui doivent être conjuguées - la fortune sociale ne doit pas être inférieure à la moitié de la somme des valeurs actuelles des pensions en cours de jouissance et des prestations de libre passage des membres actifs.
Pourquoi ces deux conditions doivent-elles être réunies ? Tout d'abord parce que la première a une tendance à varier en fonction des effectifs, alors que la deuxième varie en fonction de l'évolution démographique des retraités, ce qui veut dire que, dans le rapport de minorité, le Conseil d'Etat ne s'est pas basé uniquement sur la deuxième raison. J'aimerais rappeler à M. le rapporteur de minorité - il est malheureusement absent - que ces statuts ont été proposés dans le projet de loi 5021 relatif aux nouveaux statuts de la CIA. Le Grand Conseil a accepté ces nouveaux statuts le 15 décembre 1978. Il est dit le contraire, en page 10 du rapport de minorité. C'est bien le Grand Conseil qui a la compétence de modifier ces statuts.
D'autre part, l'ordonnance fédérale repose sur l'analyse d'experts reconnus sur le plan fédéral des assurances sociales, ce qui explique que le recours qui avait été déposé à la commission fédérale des recours ait été rejeté. Ce rejet a été motivé essentiellement par le fait que seuls les experts ont la compétence d'évaluer si la caisse remplit ou ne remplit pas les conditions. Ces rapports sont à disposition de ceux qui le souhaitent depuis 1978. Tous les rapports établis par les experts sont unanimes et ont la même conclusion, c'est-à-dire alerter l'autorité de surveillance sur les difficultés à venir que rencontrera la CIA pour garantir son équilibre financier si elle ne modifie pas le taux de cotisation.
Le taux de couverture n'a, en fait, cessé de diminuer depuis 1979, puisqu'il était environ à 90% à cette époque. Aujourd'hui, il se situe à quelque 60%. Les experts sont formels sur ce processus de décapitalisation si le taux n'est pas rehaussé. Il n'est pas acceptable et il serait irresponsable de décharger sur les générations futures la responsabilité de garantir cette pérennité financière. Nous vous rappelons que les visions des experts portent généralement sur une durée de vingt ans, ce qui explique que, vingt ans auparavant, on peut, avec une faible modification du taux, apporter un redressement du niveau de capitalisation.
Je vous propose de suivre la proposition du Conseil d'Etat qui, dans sa sagesse habituelle et avec le sens des responsabilités, a réalisé ce projet de loi et de l'approuver comme la majorité de la commission des finances.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur ad interim. Je viens de prendre connaissance de cette lettre du cartel demandant la suspension des travaux. Je jugerais utile que nous débattions sur le contenu de cette lettre afin de savoir si nous sommes vraiment en situation de pouvoir trancher aujourd'hui. A ma connaissance pas.
La présidente. Je regrette, Monsieur Godinat, le projet de loi a été inscrit régulièrement à notre ordre du jour. Je viens de consulter le règlement, je n'ai absolument aucun article prévoyant de suspendre les travaux. Vous pouvez toujours demander le renvoi en commission, mais en tout cas aucune disposition légale ne me permet d'accéder à votre demande.
M. Gilles Godinat, rapporteur ad interim de minorité. Alors, je demanderai le renvoi en commission.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'allais précisément formuler cette proposition, car il faut quand même donner une explication un peu plus claire que celle que vous venez d'indiquer pour justifier cette demande de renvoi en commission.
Le projet de loi qui nous est soumis n'est rien d'autre que la reprise de la proposition faite en 1993 par cette commission. Cette proposition est intervenue antérieurement à la contre-proposition formulée par les instances de la CIA, c'est-à-dire le comité et l'assemblée des délégués qui se sont mis d'accord sur un taux intermédiaire de 21,4%. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui est attaqué devant les instances judiciaires, puisque, vous l'avez rappelé tout à l'heure, une procédure est pendante devant le Tribunal fédéral et il n'est pas du tout impossible que le Tribunal fédéral annule la décision qui a été prise. Dans toute procédure judiciaire, il y a une incertitude permettant de penser que l'autorité saisie puisse annuler la décision attaquée.
Que ferions-nous si le Tribunal fédéral devait annuler cette décision et le Grand Conseil voter ce projet de loi ? Ce serait totalement absurde. La proposition de renvoi en commission a le mérite, d'une part, d'attendre la décision du Tribunal fédéral. Je crois qu'il faut être respectueux des décisions judiciaires et quand on sait qu'une procédure est actuellement pendante et qu'elle devrait se terminer vraisemblablement dans les semaines, voire dans les mois qui suivent, la moindre des choses serait d'attendre effectivement le résultat de cette procédure.
La deuxième raison, encore plus importante à mes yeux, c'est que la proposition que le comité et l'assemblée des délégués de la CIA ont formulée pour un taux intermédiaire entre celui pratiqué actuellement et celui proposé par le Conseil d'Etat dans son projet de loi n'a pas été examinée par les experts pour la bonne et simple raison que la décision rendue pas ces experts l'a été avant que cette proposition ne soit retenue par les instances de la CIA.
Enfin, une troisième raison militerait en faveur du renvoi de ce projet de loi en commission : c'est simplement le respect du fonctionnement démocratique d'une caisse de pension. Vous avez rappelé, Monsieur le rapporteur de majorité, que finalement le système financier de la caisse, qui est un système mixte de répartition avec fonds de réserve, était le résultat d'un compromis politique ayant été accepté par ce Grand Conseil en 1979. Le résultat qui est aujourd'hui dans la loi, c'est-à-dire les statuts de la CIA que le Grand Conseil a avalisés, donne une compétence aux autorités de la CIA - son comité et, souverainement, l'assemblée des délégués - pour prendre des décisions.
Aujourd'hui, il faut savoir que la proposition qui nous est faite, telle qu'elle est libellée dans le projet de loi du Conseil d'Etat, est contraire à la volonté des instances de la caisse. Ces trois éléments devraient nous amener à renvoyer en commission ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Sans entrer dans des aspects juridiques particuliers, je tiens simplement à rappeler à M. Ferrazino que la situation qu'il dépeint aujourd'hui était la même lorsque nous avons voté ce projet de loi en commission des finances. La commission fédérale de recours en matière de prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalides avait déjà rejeté le recours et le recours au Tribunal fédéral était pendant. Si le Conseil d'Etat a estimé qu'il était nécessaire de maintenir cet objet à notre ordre du jour et de voter aujourd'hui sur ce projet de loi, je pense qu'il a raison, malgré vos arguments, et je demande aux députés de refuser le renvoi en commission.
Mme Christine Sayegh (S). Vu les circonstances et notamment le recours au Tribunal fédéral pour examiner la compétence de l'autorité de surveillance à modifier les statuts et à nous présenter ce projet de loi, nous sommes favorables à un renvoi en commission.
Il est effectivement assez absurde de vouloir prendre ce soir une décision, car, si le projet de loi est accepté, il ne sera pas applicable, puisqu'il y a un effet suspensif et que l'on devra attendre la décision du Tribunal fédéral. Cela permettra peut-être aussi - puisqu'il y a eu un compromis de la CIA qui n'a pas été accepté par l'autorité de surveillance - de reprendre les négociations et d'arriver éventuellement à une entente, car ce contentieux risque de déboucher sur des ennuis très graves et un avenir très antidémocratique dans la manière de prendre les décisions de la CIA.
C'est pourquoi nous aimerions que le vote du Grand Conseil soit postérieur à la décision du Tribunal fédéral. Nous ne pouvons pas reporter le vote, donc, nous demandons le renvoi en commission.
M. Daniel Ducommun (R). En ce qui nous concerne, il n'y a pas de raison de suspendre nos travaux. Notre instance est compétente ce soir pour juger. Ne laissons pas les juristes couvrir à nouveaux nos responsabilités politiques. Nous refuserons donc le renvoi en commission.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur de majorité. Ce qu'a dit M. Ferrazino ne doit absolument pas changer vos positions dans le sens où la modification, qui a interpellé le service de surveillance des fondations, est bien une modification statutaire qui, en fait, imposait que le degré de capitalisation, fixé dans les statuts à 50%, soit situé à une valeur inférieure à ce 50%.
La proposition faite par l'assemblée des délégués prévoyait de fixer une cotisation à 21,6%, ce qui ne change absolument pas le problème à terme - le degré de capitalisation ou de couverture serait inférieur à 50% - d'autant plus que le Conseil d'Etat, en tant que responsable politique et autorité de surveillance, n'entendait pas modifier le degré de capitalisation à un niveau inférieur à 50%. Cela serait irresponsable. C'est pour cela que je vous propose d'accepter ce projet de loi.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur ad interim. Deux choses pour argumenter le renvoi en commission. Je ferai tout d'abord un petit rappel historique. Il est important de savoir que, lorsque la CIA discutait des modifications statutaires, le 30 août 1993, le service de surveillance des fondations a pris la décision de modifier les statuts et les taux de cotisation, alors que, formellement, c'est l'assemblée des délégués qui a ce pouvoir. Le Conseil d'Etat a la possibilité ensuite de donner force aux décisions de la caisse de pension.
La situation actuelle, c'est qu'il y a deux propositions. Je ne reviendrai pas sur des détails qui sont très bien expliqués dans le rapport de minorité, notamment sur le calcul proposé avec le taux de 21,6, il fait d'ailleurs partie du premier palier proposé dans le rapport de majorité. Il serait tout à fait possible, en commission, d'adopter ce premier palier qui fait l'unanimité et d'attendre le jugement du Tribunal fédéral pour pouvoir trancher sur les autres parties. Je tiens à rappeler que le recours au Tribunal fédéral a été fait après le vote en commission.
M. Claude Blanc (PDC). Il est bien clair que le Conseil d'Etat, sur injonction du service de surveillance des fondations, avait le devoir absolu de veiller à ce que la décapitalisation de la CIA soit arrêtée à temps et qu'il était dans ses cordes, dans son pouvoir et son devoir de demander au Grand Conseil de prendre la décision qui s'imposait de manière qu'on ne se trouve pas dans vingt ans avec une caisse qui ne sera plus en mesure d'assurer les prestations. Alors qui les assurera ? L'Etat devra, à ce moment-là, avec les impôts des générations futures, recapitaliser la caisse. Est-ce cela que vous voulez ? Si vous voulez que l'on remette en cause les prestations et que l'on arrive à la parité des cotisations - parce que tout est possible - il faut continuer ainsi.
Je crois qu'il vaut mieux accepter de prendre les mesures nécessaires à la survie de la caisse plutôt que de la voir remise en cause fondamentalement. C'est pourquoi nous nous opposerons au renvoi en commission et nous vous invitons à voter ce projet de loi.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je fais partie de la majorité de la commission qui a accepté ce projet de loi. Je ne suis absolument pas une spécialiste des questions du financement des caisses de pension et c'était des discussions extrêmement techniques. Il m'est cependant apparu que les arguments avancés par les actuaires étaient convaincants. Cela dit, je me suis élevée à plusieurs reprises en commission sur le côté un peu gênant de la procédure qui passe outre aux décisions de la CIA.
Par ailleurs, la commission des finances n'a plus siégé depuis le mois de décembre et c'est lors de cette dernière séance que nous avons voté ce projet de loi. Nous n'avons rien à notre ordre du jour. Il m'apparaît donc, dans un esprit de conciliation, que nous pourrions reprendre très rapidement ce projet de loi. Peut-être pas pendant la semaine des vacances mais la semaine d'après. C'est pour cela que je soutiens la proposition de M. Godinat, à savoir de revenir avec un projet de loi qui serait, je dirais, de transition pour une année et qui reprendrait la position de l'assemblée de la CIA. Suivant la décision du Tribunal fédéral, on reprendrait les deux tranches une année après. Je soutiens donc la proposition de renvoi en commission.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il s'agit de trancher sur la question du renvoi en commission et pas encore sur le fond. Je voudrais simplement dire que le projet de loi que vous avez sous les yeux a été déposé le 4 juillet 1994 et le point de vue de toutes les parties en cause a été entendu et recueilli lors des auditions demandées par la commission des finances du Grand Conseil. C'est précisément à la suite d'une décision de l'assemblée des délégués de la CIA que le Conseil d'Etat a été amené, prenant ses responsabilités, à vous présenter le projet de loi 7121 et, dans ce projet de loi, il y a la présentation équilibrée, complète, mise en évidence, du point de vue du Conseil d'Etat et de l'assemblée des délégués.
On nous demande aujourd'hui, comme ça, in extremis, de suspendre les travaux et de renvoyer ce projet en commission au motif qu'il y a une procédure pendante devant le Tribunal fédéral. J'aimerais vous dire que cette demande est manifestement dilatoire. Pourquoi ? Parce que, devant le Tribunal fédéral, les recourants - le Cartel intersyndical représenté par M. Fioux - demandent exactement le contraire, c'est-à-dire la suspension de la procédure devant le Tribunal fédéral jusqu'à ce que votre Grand Conseil ait tranché. (Rires épars.) Alors de qui se moque-t-on ?
Je voudrais vous donner connaissance, de façon que cela figure dans votre Mémorial, de l'ordonnance du 9 février 1995 que notre gouvernement a reçue du Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral nous demande de nous prononcer sur la requête d'effet suspensif des recourants. Il est dit, notamment, je cite :
«Considérant que les recourants requièrent préalablement le Tribunal fédéral de suspendre l'instruction du recours jusqu'à la détermination du Grand Conseil du canton sur la demande de ratification des modifications des statuts...».
Je crois donc que nous avons même aujourd'hui une demande expresse des recourants eux-mêmes à statuer immédiatement, et c'est ce que nous vous demandons de faire. (Applaudissements.)
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Maitre distille une certaine information, il s'avère que j'ai ici les conclusions préalables desquelles il ressort que le syndicat ne tient pas un double langage. Il est clair que vous ne manquez pas une occasion d'essayer de faire croire que les syndicats pourraient tenir des doubles langages, Monsieur Maitre, mais je peux vous dire... (L'orateur est contesté par la droite.) ...qu'en l'occurrence le langage... (Protestations de MM. Vaucher et Lombard.) Voilà, M. Vaucher se distingue avec M. Lombard ! On commence à connaître les habitués des invectives sur les bancs d'en face ! Allez-y ! Prenez un peu d'avance ! (Cacophonie générale, la présidente soupire.) Ça me permettra de continuer !
Monsieur Maitre, que demande le recours dans les conclusions préalables ? C'est que l'instruction soit suspendue jusqu'à décision du Grand Conseil, non pas seulement sur la demande de ratification de modification des statuts mais également sur l'augmentation des cotisations adoptées et acceptées sur proposition du comité de la CIA par l'assemblée des délégués de la CIA, du 10 mars 1994. Alors, Monsieur Maitre, votre sens de l'information ressemble beaucoup à celle de votre collègue Philippe Joye quand il fait publier des «Infos-rade» dans la presse locale. (L'orateur est chahuté par les députés de l'Entente.) Oui, c'est une manie, semble-t-il, au gouvernement, d'avoir un sens de l'information très limité.
Il semble, Monsieur Maitre, que vous ayez de la peine à comprendre cette notion même, qui est celle du respect du fonctionnement démocratique d'une caisse de pension. Cela n'est pas un motif juridique, mais un motif politique élémentaire de respecter le fonctionnement démocratique, Monsieur Gardiol, d'une caisse de pension. Les syndicats, dans leur recours, ne demandent rien d'autre.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Ferrazino a un art consommé d'essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! (Acquiescements sur les bancs de la droite.) Puisqu'on lit les textes, je vais vous lire complètement le texte de l'ordonnance du Tribunal fédéral. Puisqu'on parle de fonctionnement de notre régime démocratique, de notre régime d'Etat de droit, je voudrais vous dire que, en ce qui concerne le régime démocratique, je fais plus confiance au parlement qu'au comité de la CIA et, en ce qui concerne l'Etat de droit, je fais davantage confiance au Tribunal fédéral qu'à M. Ferrazino !
Pour le surplus, le Tribunal fédéral, lui-même, précise en toutes lettres :
«Considérant que les recourants requièrent préalablement le Tribunal fédéral de suspendre l'instruction du recours jusqu'à la détermination du Grand Conseil du canton de Genève sur la demande de ratification des modifications des statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève, qu'il y a lieu de statuer sur cette requête avant d'inviter la commission fédérale de recours et le service intimé à répondre au recours...».
Puis, on nous envoie un double de l'acte et on nous donne un délai pour nous déterminer à cet égard. Le Tribunal fédéral, lui, a manifestement compris ce que vous ne semblez pas avoir compris. Si vous le voulez, je vous donne volontiers son numéro de téléphone et son adresse !
Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce rapport en commission est rejetée.
M. Daniel Ducommun (R). Après ce numéro de M. Ferrazino, nous revenons d'une façon sereine sur le fond.
Notre groupe est préoccupé par la situation financière de la CIA. Nous défendons, ce soir, une option de raison et voterons à l'unanimité ce projet de loi, bien qu'il en coûte des charges supplémentaires et substantielles pour l'Etat employeur. Ce qui nous préoccupe au premier chef, c'est que la qualité des prestations offertes aux membres de la CIA soit maintenue à terme et qu'en aucune façon les acquis sociaux et les prestations ne soient remis en cause.
L'assemblée des délégués, dont nous ne remettons pas en cause le pouvoir démocratique, Monsieur Ferrazino, bien que sa composition paritaire soit discutable, et l'Alliance de gauche entretiennent des positions angoissantes lorsqu'elles déclarent brader progressivement la substance de la caisse sous la haute sécurité de la garantie de l'Etat. Nous considérons que ce point de vue est irresponsable. Nous devons nous référer à ce titre au rapport des experts, M. Vaudroz l'a confirmé tout à l'heure, qui déclare que le financement actuel n'est pas suffisant pour garantir l'équilibre financier de la CIA à terme et qu'il convient d'augmenter le taux de cotisation.
La commission des finances, notre parlement, notamment lors des modifications statutaires de la CIA en 1986, ont toujours eu une position précise : celle que la décapitalisation ne descendrait en aucune façon au-dessous de 50% de la somme des valeurs actuelles des pensions et des prestations de libre passage des membres en activité. Certains contestent cela. Ils veulent dans vingt ans un degré de capitalisation de l'ordre de 40% et un poids de garantie pour l'Etat de plus de 7 milliards. Ce n'est pas sérieux, d'autant plus que les paramètres de référence évoluent négativement, diminution des effectifs et augmentation plus modérée des salaires.
Si nous n'acceptons pas une hausse des cotisations sur trois ans à 24%, il faudra décapitaliser et, inévitablement, sur pression de l'autorité de surveillance, il faudra baisser les retraites. Nous ne voulons pas cela et, ce soir, nous serons du côté des gens raisonnables, nous voterons ce projet.
Mme Christine Sayegh (S). Doit-on augmenter les cotisations CIA ? Cette question délicate qui résulte de la dernière analyse actuarielle a suscité bien des remous au sein de la CIA dont le comité, dans sa majorité, avait répondu oui, alors que l'assemblée des délégués disait non. Non à une hausse, non à un changement du système financier actuel. Le système financier de la CIA adopté en 1986 et accepté par le Grand Conseil étant expliqué en détail dans le projet de loi, ses annexes et le rapport que nous avons sous les yeux, je ne reviendrai donc pas sur les explications déjà données.
Je constate simplement qu'après les divergences qui ont opposé les membres du comité, puis ceux de l'assemblée des délégués, il ressort un compromis, lequel accepterait une augmentation de la cotisation égale au premier palier qui avait été proposé par le comité dans sa décision du 15 décembre 1992, soit de passer de 20,25% à 21,06%. En acceptant ce compromis, on ne peut, selon les actuaires, maintenir les conditions du système financier actuel, puisque le taux de capitalisation qui devrait être de 50% serait réduit à 40%. Or, ni le comité ni l'assemblée des délégués ne sont d'avis de changer le système. Ce compromis, analysé par les actuaires, conduirait à une décapitalisation et donc à une modification du système qui ne garantirait plus les rentes des générations futures.
Dans cette situation bloquée, le Conseil d'Etat, autorité de surveillance, a pris une décision sous forme du présent projet de loi. Se posent alors deux questions. Celle de fond : doit-on ou non suivre les propositions des actuaires, reprises par la majorité du comité, puis par l'autorité de surveillance ? Les explications données en commission des finances démontrent que le taux de cotisation d'autres caisses ayant un système semblable à celui de la CIA sont de 27% pour la caisse des TPG, et l'Etat de Vaud applique le taux de 24% depuis plusieurs années. Le problème, à moyen terme, est que la décapitalisation va, comme pour plusieurs caisses cantonales en Suisse alémanique, contraindre la CIA à quitter le système de la primauté des prestations calculées sur le salaire assuré pour introduire le système de la primauté des cotisations, système d'épargne qui représente une régression au niveau social, puisque la quotité de la rente n'est plus assurée.
Les arguments des actuaires ont le mérite de la comparaison avec d'autres cantons et, en cela, ils sont convaincants. Le groupe socialiste ne peut adhérer à une thèse pouvant porter atteinte aux prestations et regrette qu'un accord n'ait pu être conclu. Cela s'explique, peut-être, par le fait que les fonctionnaires sont sur la défensive suite aux mesures prises par le Conseil d'Etat - réduction du personnel, gel des salaires et des primes de fidélité - ainsi que la crainte de voir se modifier la répartition de la part de cotisation CIA prise en charge par l'Etat. Sur ce dernier point, le chef du département des finances a donné des garanties en commission, à savoir que le Conseil d'Etat n'entend pas modifier le rapport actuel de deux tiers / un tiers, c'est-à-dire deux tiers des cotisations à charge de l'employeur.
La question de forme est tout aussi importante que le fond. Nous l'avons déjà évoquée au sujet du renvoi en commission. En effet, la décision de modification statutaire est proposée par l'autorité de surveillance contre l'avis du comité et de l'assemblée des délégués de la CIA. Cet acte d'autorité dérange, car il est antidémocratique et il crée un contentieux dont les répercussions seront certainement dommageables dans l'avenir et, peut-être, pour un long avenir.
Par ailleurs, la compétence de l'autorité de surveillance - nous l'avons vu suite à cette décision - est actuellement à l'examen devant le Tribunal fédéral et l'effet suspensif, assorti à ce recours, ne permet pas l'application de ce projet de loi immédiatement et avant l'entrée en force de la décision du Tribunal fédéral. Pour être constructif, il aurait été raisonnable d'inviter l'autorité de surveillance à poursuivre les discussions avec les instances de la CIA et de reporter le vote de ce projet de loi après que le Tribunal fédéral se fut prononcé. Il y a peut-être d'autres pistes à étudier, mais le Grand Conseil ayant un pouvoir très limité, celui d'accepter ou non la modification statutaire, il ne peut prêter son concours pour trouver une solution négociée autrement qu'en différant ce vote.
Malheureusement, nous devons décider aujourd'hui. Alors que les arguments de fond de ce projet paraissent pertinents, la forme n'est cependant pas satisfaisante. C'est pourquoi une partie de notre groupe ne votera pas et s'abstiendra.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Notre groupe acceptera cette hausse de cotisation, car nous pensons que, pour une caisse de pension d'Etat de cette importance, il est irresponsable de descendre au-dessous du seuil de 50% de capitalisation. Nous estimons également que la garantie de l'Etat, en cas de difficulté de versement aux pensionnés, est justement un argument en faveur de la décision de l'Etat de se soucier de ne pas trop décapitaliser et d'accepter la proposition des actuaires de monter le taux à 24%. C'est la responsabilité du Conseil d'Etat.
Cette proposition de hausser les cotisations ne date pas d'aujourd'hui et le comité de la CIA en a souvent débattu. Mais, actuellement, avec les soucis budgétaires de l'Etat, nous serions inconscients de la refuser. S'il est vrai que l'on demande déjà pas mal aux fonctionnaires en leur diminuant leur salaire, il est vrai aussi qu'ils ont des conditions très avantageuses avec cette caisse de pension par rapport aux autres caisses privées ou d'autres cantons. Il est toutefois une question éludée avec cette hausse de cotisation, c'est celle de la gestion de la fortune de la CIA. N'y aurait-il pas, là aussi, des choses à revoir et une nouvelle méthode de gestion ne devrait-elle pas être discutée parallèlement à la mesure prise d'augmenter les cotisations ? Mais ce n'est pas l'objet des discussions sur ce projet de loi.
Il est certain que le refus de l'assemblée des délégués, composée d'employés uniquement, apparaît comme un réflexe un peu égocentrique. Ils n'ont pas envie d'une hausse supplémentaire, ce que l'on peut comprendre. Mais c'est à l'Etat, organe de surveillance et qui, en cas de problèmes, doit garantir les versements, de prendre des mesures dictées par la commission d'experts et de se responsabiliser. De toute façon, si cette mesure s'avère excessive, rien n'empêche de revoir les cotisations à la baisse d'ici quelques années.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Mon groupe tient à féliciter le Conseil d'Etat d'avoir bien voulu élaborer ce projet de loi ainsi que de la fermeté et de la responsabilité légitime qu'il assume dans ce dossier.
Depuis des années, les experts recommandent des hausses de taux de cotisation. Leurs projections démontrent que dans les vingt ans à venir la CIA ne sera plus en mesure d'assumer ses engagements. Mais une partie des fonctionnaires, dont l'Alliance de gauche se fait le porte-parole, ne veulent pas en entendre parler. Si les réserves n'existent plus, il faut simplement décapitaliser et porter la garantie de l'Etat, c'est-à-dire notre garantie à nous les contribuables, à plus de 7 milliards. Certains, dont M. Spielmann, contestent et disent que cela est antidémocratique alors que cette garantie de 7 milliards nous concerne directement. C'est donc bien à nous d'assumer la hausse de la cotisation annuelle que la CIA refuse.
Je vous rappelle, Monsieur Ferrazino, que, dans le secteur privé de la gestion des fonds de prévoyance, ceux-ci doivent être capitalisés à 100%. En cas de décapitalisation, nos fonds de prévoyance sont soumis au contrôle des fondations qui, à ce moment-là, nous mettent sous tutelle. Nous avons beau argumenter en évoquant certains statuts à l'intérieur de notre fondation, nous ne pouvons pas discuter et c'est comme ça !
En l'occurrence, le problème est le même. Si ceux qui paient une partie des cotisations considèrent que la décapitalisation qui arrive est dangereuse, il est normal que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat s'en mêlent. De plus, vous pensez bien que, dans l'état actuel des finances de notre canton, ce n'est certainement pas de gaieté de coeur que notre gouvernement nous fait voter ce projet de loi. Mais, en réalité, il est responsable, et c'est pour cela qu'il le fait. Cette loi va coûter à l'Etat plus de 4,5 millions en 1995 au budget de fonctionnement, plus de 13 millions en 1996, plus de 21 millions en 1997 et, enfin, plus de 12,5 millions en 1998. Si notre gouvernement nous demande de voter cette loi qui va coûter en quatre ans au budget de fonctionnement plus de 51 millions dans l'état actuel des finances, vous vous rendez bien compte que c'est un souci de gens responsables qui le motive.
Mais, Messieurs de l'Alliance de gauche, vous faites partie de ceux qui, malgré les explications des experts, malgré le rejet de la commission fédérale de recours en matière de prévoyance, suite au recours du Cartel intersyndical de la fonction publique contre le service de surveillance, persistent et signent, et cela me désole. Je ne reviendrai pas sur les arguments très pauvres du rapporteur de minorité qui, malheureusement une fois de plus, n'est pas là, mais je relève que vous remettez en question les calculs des experts en disant que ceux-ci ressortent davantage de la voyance que d'une évaluation scientifique. Je vous dis, quant à moi, que votre rapport de minorité c'est du spiritisme, parce que, sur les trois séances que la commission a tenues sur ce sujet, votre rapporteur de minorité n'a été présent qu'à une seule. Il n'était là ni pour écouter les experts de la CIA, ni à l'audition du comité de la CIA, et il n'est pas là ce soir pour défendre son rapport. Je le répète, votre rapport c'est du spiritisme, et je réfute totalement vos arguments. Je vous prie donc d'accepter ce projet de loi.
M. Christian Grobet (AdG). Vos propos, Monsieur Gardiol - c'est une habitude chez vous - sont parfaitement désagréables. (Contestations, l'orateur hausse le ton.) J'aimerais vous dire que, s'il faut déplorer l'absence de quelqu'un aujourd'hui, c'est celle du conseiller d'Etat, membre de votre parti et responsable de ce dossier. (Brouhaha.) Alors, vous avez perdu une bonne occasion de vous taire ! M. Spielmann est un député parfaitement régulier et qui, aujourd'hui, a une obligation professionnelle. Il s'est excusé à cette séance. Votre remarque est déplaisante, et on pourrait regretter, comme je l'ai dit, l'absence de M. Olivier Vodoz, mais il a certainement également une bonne raison pour ne pas être là.
Nous n'admettons pas davantage le procès d'intention que vous nous faites, Monsieur Gardiol. On sait très bien qu'en matière d'expertise il y a des avis souvent forts divergents. Chaque parti recourt à son propre expert, et il appartient à des autorités indépendantes et neutres de juger. Peut-être que l'expert mis en oeuvre par l'autorité de surveillance des fondations a raison. Nous ne l'excluons pas. Mais vous ne pouvez pas non plus préjuger, Monsieur Gardiol, de la décision du Tribunal fédéral. Tout ce que nous nous sommes bornés à dire lors de ce débat, c'est qu'il fallait attendre la décision du Tribunal fédéral. Par voie de conséquence, je n'admets pas que vous nous accusiez ici de dire que nous prenons fait et cause dans un sens ou dans l'autre ou que nous sommes dogmatiques. Nous avons été clairs, nous souhaitons connaître la décision du Tribunal fédéral, et il est évident qu'à ce moment-là nous nous inclinerons comme vous-mêmes le feriez.
Nous avons également dit une chose que vous ne semblez pas entendre, ce qui est extrêmement regrettable. Je souscris aux propos tenus tout à l'heure par Mme Torracinta-Pache, à savoir que, dans la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons actuellement à Genève en matière d'emplois et de relations avec le personnel de l'Etat, je crois, Monsieur Gardiol, qu'il serait temps aujourd'hui de prôner le dialogue plutôt que la confrontation. En effet, le personnel ne reçoit plus les adaptations de salaire auxquelles il a droit en vertu de la loi, pour des motifs budgétaires que vous connaissez, ce qui a amené, circonstance exceptionnelle, des gardiens de la force publique à descendre dans la rue, ce qui est assez extraordinaire ! C'est vous qui voulez cette confrontation avec le personnel, et nous pensons que c'est une fausse politique. (Manifestations de lassitude sur les bancs de l'Entente.)
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur ad interim. Notre groupe proposera le refus de ce projet de loi pour deux raisons. Les taux proposés tiennent compte d'un avis différent de celui de l'actuaire mandaté. L'actuaire s'est basé sur une projection à vingt ans avec des taux fixes concernant la masse salariale, d'une part, et les effectifs, d'autre part. Or, ces deux éléments fluctuent. Il n'y a pas de garantie que dans vingt ans l'on se trouve de façon linéaire dans cette projection. Il faut adapter et procéder par étape. La décapitalisation actuelle est relative. Si l'on prend - comme cela est dit à la page 10 - la moyenne des deux sommes entre les 240% des traitements assurés et le 50% de capitalisation, nous sommes tout à fait dans la couverture nécessaire. C'est la décision prise par le comité de la CIA, lui-même, qui est un comité paritaire.
L'évolution actuelle dans les caisses de prévoyance tend vers une participation patronale s'alignant sur le deux tiers / un tiers. C'est une évolution que l'on observe. Actuellement, il serait préférable que ce Grand Conseil tienne compte des rapports de force sociaux, de la situation sociale dans ce canton, de l'évolution sociale et des propositions de dialogue qui sont faites par la CIA elle-même, en tenant compte du jugement du TF.
M. Claude Blanc (PDC). Dans ce débat, les députés de l'Alliance de gauche me font penser à des enfants qui s'amusent avec des allumettes ! Mais prenez garde de ne pas mettre le feu à la barraque, si vous me passez l'expression ! La CIA est tout de même une institution qui privilégie ses membres et peu d'entre nous bénéficient de conditions aussi avantageuses. La loi sur les incompatibilités nous oblige, évidement, à travailler ailleurs et à être assurés à des caisses de retraite qui n'ont pas du tout les mêmes avantages que la CIA.
La CIA garantit la primauté des prestations, alors que la plupart des autres caisses de pension ne garantissait que la primauté des cotisations. La CIA assure le paiement des cotisations à raison de deux tiers par l'employeur et un tiers par l'employé.
J'aimerais bien que tous les députés salariés me disent s'ils bénéficient de conditions aussi favorables. Nous sommes convaincus que nous devons maintenir le système de la CIA avec la primauté des prestations : deux tiers / un tiers pour les cotisations. Dans la République, il y a des personnes qui nous disent que ça suffit, qui font des comparaisons avec leur propre situation et qui pourraient bien, un jour, souffler sur le feu que vous êtes en train d'allumer et remettre en cause fondamentalement les statuts de la CIA.
Alors, en ayant voulu aujourd'hui faire semblant de défendre les assurés de la CIA, vous aurez en réalité mis le feu à la CIA et provoqué la catastrophe. Soit on décapitalise, soit le peuple imposera de changer le système de la CIA, et ce ne sera pas à l'avantage de ses membres. C'est pourquoi il faut que nous prenions nos responsabilités, que nous affirmions haut et fort que nous voulons maintenir la CIA dans ses structures actuelles, que nous voulons maintenir la primauté des prestations et le système de cotisations. Pour cela, nous devons prendre nos responsabilités et adapter ces cotisations.
M. Michel Balestra (L). Il est regrettable que ce débat soit très politisé, alors que, dans le cadre de la commission des finances, nous avions l'impression d'assister essentiellement à un débat technique. Tous les gens que nous avons entendus, qui étaient des professionnels soit de la CIA, soit des experts, ont affirmé qu'il était absolument indispensable de mettre en place ce projet de loi. Je crois qu'il ne faut pas jouer avec la sécurité sociale des employés de l'Etat et qu'il est indispensable de voter ce projet de loi ce soir.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le débat de ce soir n'est en réalité rien d'autre que la chronique d'un rendez-vous pris il y a une vingtaine d'années. Le Grand Conseil d'alors avait pris la décision justifiée d'introduire dans la loi sur le traitement des fonctionnaires des annuités supplémentaires, 13, 14 et 15 et de faire en sorte - contrairement à l'avis des actuaires, ce qui était un risque - que ces annuités supplémentaires soient intégrées dans le salaire déterminant pour l'ouverture du droit à la retraite.
Nous avons su, à partir de ce moment-là, qu'il y avait un risque, c'était le risque de la décapitalisation. Ce risque s'est concrétisé alors même que pendant de nombreuses années nous avons vécu cette expansion folle de l'administration cantonale qui amenait des cotisants supplémentaires et, par conséquent, des recettes supplémentaires à la CIA.
Aujourd'hui, un rendez-vous est pris, c'est le rendez-vous avec la responsabilité que nous devons avoir vis-à-vis de l'ensemble des retraités actuels et potentiels de la fonction publique. Il n'est tout simplement pas concevable d'envisager que la décapitalisation de la caisse se poursuive davantage encore.
Qu'il me soit permis de vous dire qu'en 1977 déjà les actuaires spécialistes de la caisse recommandaient que le taux de cotisation soit porté à 24 ou 25% et qu'à ce moment-là nous avons trouvé une sorte de mi-chemin.
Aujourd'hui, il n'est même pas proposé de vous demander d'adopter le taux que les actuaires-conseils proposaient en 1977, il vous est demandé d'augmenter de manière graduelle ce taux à 24% sur plusieurs années. C'était la proposition du Conseil d'Etat en qualité d'autorité de surveillance qui a approuvé la décision du comité de la CIA, décision qui n'a pas été approuvée par l'assemblée des délégués.
J'aimerais dire que l'autorité compétente dans ce domaine, c'est vous. C'est à vous qu'il appartient de prendre cette responsabilité vis-à-vis des assurés et des générations futures de travailleurs de la fonction publique. Nous ne pouvons tout simplement pas esquiver, éluder davantage nos responsabilités. Ce soir, l'heure a sonné, c'est tout simplement un acte de confiance envers cette caisse extrêmement importante qu'il vous est demandé de faire, voilà la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, de manière absolument sereine mais très ferme, vous demande d'approuver ce projet de loi.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administrationdu canton de Genève (CIA)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA) sont approuvées.
2 Les textes modifiés sont annexés à la présente loi.
Art. 2
La présente modification entre en vigueur le 1er juillet 1995.
ANNEXE
Modifications aux statuts de la CIA.
Art. 24, al. 1 (nouvelle teneur)
Cotisation annuelle
1 Le taux de la cotisation annuelle est fixé à 24% du traitement assuré. Le taux est réduit à 3% pour les assurés de moins de 20 ans révolus. L'article 104 demeure réservé.
Art. 104 (nouveau)
Progression cotisation annuelle
L'augmentation du taux de la cotisation annuelle de 20,25% à 24% intervient selon les modalités suivantes:
a) augmentation de 20,25% à 21,6% au 1er juillet 1995;
b) augmentation de 21,6% à 22,8 au 1er juillet 1996;
c) augmentation de 22,8% à 24% au 1er juillet 1997.
La commission des finances a étudié le projet de loi 7183-I lors de sa séance du 21 décembre 1994, tenue sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache.
Etaient présents: MM. Olivier Vodoz, chef du département des finances, et Patrick Pettman, directeur du service assurance/finances à l'office du personnel de l'Etat.
Ce projet de loi a été déposé le 23 novembre 1994 par le Conseil d'Etat.
Travaux de la commission
Le projet de loi permet l'application de la nouvelle loi fédérale sur l'accession à la propriété par des fonds de prévoyance.
Le comité de la CIA vient d'approuver à l'unanimité les dispositions d'application de ces mesures qui entrent en vigueur le 1er janvier 1995 (voir exposé des motifs).
Vote d'entrée en matière sur le projet de loi 7183-I
11 oui (4 L, 1 AG, 2 R, 2 PDC, 1 S, 1 E)
1 abstention (1 AG)
Article 1 Champ d'application
11 oui (idem)
1 abstention (idem)
Article 2 Versement anticipé
11 oui (idem)
1 abstention (idem)
Article 3 Rachats
11 oui (idem)
1 abstention (idem)
Article 4 Entrée en vigueur
11 oui (idem)
1 abstention (idem)
Vote final: la commission des finances accepte et vous recommande, par 11 oui (4 L, 1 AG, 2 R, 2 PDC, 1 S, 1 E) et 1 abstention (1 AG), d'accepter, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 7183-I tel que proposé par le Conseil d'Etat.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
définissant certaines prestations des caisses de prévoyance publiques cantonales suite à l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'encouragement à la propriétédu logement au moyen de la prévoyance professionnelle
(B 5 8)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Champd'application
Article 1
La présente loi s'applique aux caisses de prévoyance:
a) des conseillers d'Etat et du chancelier d'Etat (CPCE);
b) des magistrats du pouvoir judiciaire (CPM);
c) du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA);
d) du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH);
e) des fonctionnaires de police et de la prison (CP).
Art. 2
Versement anticipé
1 Le versement anticipé de tout ou partie de la prestation de libre passage d'un assuré, au sens del'article 30c de la loi fédérale sur l'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle, du 17 décembre 1993, entraîne une réduction immédiate et correspondante des droits futurs aux prestations de retraite (pension de retraite et pension d'enfant de retraité), aux prestations en rentes ou capitaux servies aux survivants, aux prestations d'invalidité (pension d'invalidité et pension d'enfant invalide), ainsi qu'une réduction immédiate et correspondante de la prestation de libre passage de l'assuré.
2 Une réduction correspondante des droits futurs, au sens de l'alinéa 1, est également opérée, en cas de divorce, lorsque la prestation de sortie acquise par un conjoint, pendant la durée du mariage, est en partie transférée au profit de l'autre conjoint.
3 La durée des cotisations de l'employeur est fixée en fonction de l'origine des droits existant avant le versement anticipé.
Art. 3
Rachats
Lorsque l'assuré a obtenu un versement anticipé au sens de l'article 2, alinéa 1, un rachat d'années d'assurance ou un rachat du taux moyen d'activité n'est possible qu'après remboursement complet du versement anticipé. Le rachat qui en résulte est calculé en fonction de l'âge de l'assuré et de son traitement de référence, au moment de la demande de remboursement.
Art. 4
Entrée en vigueur
1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995 pour une durée maximale de 5 ans, pendant laquelle les caisses de prévoyance publiques cantonales adapteront leurs statuts en fonction de la présente loi.
2 Les comités de gestion des caisses de prévoyance publiques cantonales sont habilités à édicter des règlements internes spécifiques pour l'application de la présente loi.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
les charges auxquelles sont astreints les députés;
le sous-équipement d'un parlementaire ou d'une commission parlementaire pour évaluer les projets qui leur sont soumis et pour y répondre par des contre-propositions dynamiques,
invite le Conseil d'Etat
à mettre à disposition des députés et des commissions du Grand Conseil, sans coûts nouveaux, un support, regroupé par la chancellerie, de compétences de collaborateurs des départements;
à organiser l'accès à ces compétences par le truchement du bureau du Grand Conseil.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le député doit être à même de conjuguer une activité professionnelle ou familiale en même temps qu'un mandat politique. Cela engendre des charges de natures diverses et d'intensité croissante auxquelles le député décide de faire face pour se mettre au service de la communauté publique. Mais pour ce faire, il a désormais besoin d'une assistance technique.
Le député doit émettre un avis sur les projets qui lui sont soumis, sans qu'il ait forcément des connaissances pointues dans les domaines en question. Il devrait avoir la possibilité de se faire une image aussi exacte que possible d'un projet qui lui est soumis, pour pouvoir prendre une décision optimale en la matière.
La fonction d'initiative, qui est l'un des piliers de la fonction parlementaire, est basée sur un travail de réflexion, de documentation, d'analyse et de rédaction souvent complexe. Un soutien technique serait capable d'améliorer les contenus et d'écourter les temps d'élaboration (projet de loi, motion, etc.).
Les propositions qui suivent indiquent des modalités envisageables pour la mise en oeuvre de ce soutien technique.
Equipe de soutien
1. L'établissement d'un interface de soutien des parlementaires auprès de la chancellerie:
sur demande de trois députés, délégation 8 heures par semaine au maximum d'un ou deux fonctionnaires qualifiés, choisis d'un commun accord;
sur demande d'au moins dix députés ou du président d'une commission parlementaire et de cinq députés:
délégation à temps partiel et pour une période limitée d'une à trois personnes qualifiées, choisies d'un commun accord;
recours à la commission économique et sociale, à la commission de gestion, ou autre;
2. la consultation de spécialistes de l'université de Genève ou d'autres instituts de recherche bénéficiant d'un financement public, ainsi que des services des partenaires sociaux.
Fonctionnement
Les projets sont à présenter au président (bureau) du Grand Conseil qui décide rapidement de l'ordre d'urgence de chaque demande. Dans l'exercice de sa fonction d'initiative, chaque député pourra soumettre au président (bureau) du Grand Conseil une proposition, quelle qu'elle soit, et recevoir une réponse rapidement.
Financement
La consultation de spécialistes extérieurs devra se faire dans un esprit de service public gracieux sur la base d'un dédommagement aux frais encourus. Un budget minimum sera prévu à cet effet.
Conclusion
Les avantages de la mise en oeuvre du soutien technique aux députés sont:
une motivation accrue des députés qui, d'un côté, pourraient mieux jauger les projets qui leur sont soumis, de l'autre, pourraient optimiser leur fonction d'initiative;
de meilleurs services rendus à la communauté publique;
un meilleur équilibre entre législatif et exécutif;
des coûts minimaux pour la mise en oeuvre de l'assistance technique aux députés.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous ferez bon accueil à la présente motion.
Débat
M. Armand Lombard (L). Cette proposition de motion s'inscrit simplement dans une problématique très générale de l'équipement des parlements de notre pays ou d'autres démocraties. Bien souvent, le problème de l'équipement, du soutien du parlement et des parlementaires est mal résolu par les réticences des exécutifs qui, eux, gouvernent et qui, peut-être, ne se rendent pas compte que les parlementaires, eux aussi, doivent être équipés pour être efficaces.
Le but de cette motion n'est pas de renforcer le pouvoir du parlement par rapport à l'exécutif, mais simplement de maintenir un système démocratique parlementaire en fonctions et de donner les moyens adaptés aux députés pour que ces derniers puissent faire leur travail dans de bonnes conditions. Ces députés peuvent être soutenus par trois moyens :
1) les instruments informatiques, les nôtres n'étant pas encore assez performants;
2) des moyens intellectuels, de réflexion, d'aide à la réalisation d'un projet;
3) des moyens d'évaluation des projets qui leur sont soumis par l'exécutif et que les députés ne sont pas à même de juger avec les moyens du bord.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé cette motion, pour pouvoir la discuter en commission. Nous proposons que les départements délèguent des compétences à la chancellerie afin qu'un classement chronologique et un tri des demandes puissent être effectués par le Bureau du Grand Conseil et qu'il y ait une entente entre le député et celui qui travaillera sur le projet à adopter. C'est pour ces raisons que je vous prie de bien vouloir renvoyer cette proposition de motion en commission.
Mme Michèle Wavre (R). Personne ici ne niera que, nous autres députés, n'avons pas toujours la tâche facile. Si le service du Grand Conseil est extrêmement efficace et nous épaule souvent avec le sourire et si, depuis peu, soixante d'entre nous tentons de nous acclimater à un ordinateur, il est évident que cela ne suffit pas. Un parlement de milice se doit de bénéficier d'une aide permanente et polyvalente pour suppléer au manque de temps et de ressources des députés.
Vous êtes d'ailleurs de cet avis puisque, à plusieurs reprises, vous avez renvoyé à la commission des droits politiques des motions et des projets de lois concernant le sort des députés et je pense qu'il faut concevoir un instrument nouveau, moderne, multiforme, efficace, pour notre parlement.
J'ai groupé mon intervention sur les deux motions que nous vous présentons ce soir. J'espère que la commission des droits politiques mettra tout en oeuvre pour résoudre le problème qui se pose régulièrement à nous et c'est pour cela que je vous demande de lui renvoyer ces deux propositions de motions.
M. Chaïm Nissim (Ve). J'ai trouvé ces deux motions très intéressantes. Il faut rééquilibrer un tout petit peu le poids du législatif par rapport à l'exécutif, le déséquilibre est souvent trop grand et je crois que ces deux motions vont dans ce sens. Elles sont les bienvenues.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
le manque de moyens des parlementaires pour assumer leurs tâches;
l'équilibre à assurer entre le parlement et le pouvoir exécutif;
la fonction d'initiative qui devrait être le propre du parlementaire,
invite le Conseil d'Etat
à examiner et à proposer des mesures propres à renforcer l'efficacité des commissions et des députés, telles que:
examen des pouvoirs du bureau (président) du Grand Conseil;
établissement de sources de références;
analyse du nombre des députés par commission;
définition des tâches du législateur face aux commissions extra-parlementaires et autres organes cantonaux.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La commission des droits politiques a reçu du Grand Conseil un certain nombre de projets à étudier concernant l'équipement des députés et le maintien d'un juste équilibre entre les compétences du législatif et de l'exécutif.
Plusieurs pistes doivent être étudiées à cette occasion à l'abri si possible des tensions politiques du court terme et dans un esprit de constante réforme et d'adaptation des institutions politiques aux besoins de la société. En sus, il paraît nécessaire d'envisager également:
1. le renforcement des pouvoirs du bureau ou du président du Grand Conseil: la gestion de séances plénières, temps de parole, mise à l'ordre du jour, attribution de moyens d'études, etc.;
2. l'établissement de supports informatiques de référence. Ces supports doivent devenir une priorité d'organisation. L'accès direct ou sous forme d'index aux lois, au Mémorial, et aux divers sujets traités est un besoin qui ne peut être remis pour mille causes futiles. La lente réalisation actuelle doit être accélérée et une planification législative établie.
3. le nombre de députés par commission pourrait être modifié afin de diminuer le nombre de commissions pour chaque député. Ce dernier pourrait alors mieux se préparer à un travail plus concentré et mieux étayé;
4. la définition des tâches du législateur est à clarifier face aux instances qui se créent en soutien aux programmes étatiques: Conseil économique et social, Conseil du parascolaire, comité de contrôle de gestion, Conseil académique, etc. L'accès aux informations et à certains rapports, la demande de renseignements ou d'études doivent être étudiés afin de permettre au parlement de remplir ses tâches en toute connaissance de cause.
Nombreux sont ceux qui s'alarment de l'inégalité des moyens entre l'exécutif et le législatif, du sous-équipement des parlementaires chargés de lourdes tâches et de l'incapacité d'un parlement à présenter une image d'efficacité et de crédibilité aux citoyens électeurs.
C'est pour leur répondre avec lucidité que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission des droits politiques.
Débat
M. Armand Lombard (L). Juste deux mots pour dire que cette seconde motion, sur un sujet bien semblable, s'inscrit dans le cadre du projet de loi socialiste actuellement discuté par la commission des droits politiques. Cette motion est donc un complément au projet de loi socialiste. Je serai donc heureux qu'elle soit renvoyée en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Suisse a introduit la TVA le 1er janvier de cette année. Les services sociaux privés qui s'autofinancent partiellement par le ramassage et la vente d'objets usagés ont longtemps pensé qu'ils seraient exemptés de ce nouvel impôt. Ce n'est qu'à la fin de l'année dernière qu'ils ont appris que leurs activités «commerciales» seraient soumises à la TVA.
Des démarches ont été entreprises par ces associations sociales auprès des services de la Confédération, des parlementaires fédéraux sont également intervenus. Mais, à ce jour, ces requêtes n'ont pas abouti.
A Genève ce sont principalement Caritas, le Centre social protestant, Emmaüs et l'Armée du salut, qui devront payer la TVA sur leurs activités de brocante.
Le travail social réalisé par ces associations ne poursuivant pas de but lucratif sont connus et appréciés de la population et constituent un maillon important de la politique sociale de notre canton. Toutes ces associations sont reconnues d'utilité publique et sont exemptées d'impôts cantonaux, communaux et de l'impôt fédéral direct.
Il faut relever que les activités de récupération pratiquées par ces associations leur permettent de récolter des fonds et d'autofinancer ainsi une partie de leurs activités sociales, ce qui diminue d'autant les subventions versées par le canton. De plus, en prolongeant la durée de vie des objets ramassés et remis dans le circuit, elles contribuent à la protection de l'environnement et luttent contre le gaspillage tout en permettant à des personnes de condition modeste de s'habiller et de se meubler à des prix particulièrement modiques. Cette activité «commerciale» n'est donc que la poursuite, sous une autre forme, de leur action sociale.
La volonté de garder des prix extrêmement bas rend difficile le report total de la TVA sur le prix de vente des objets. Ces augmentations seraient contraires aux objectifs sociaux poursuivis par ces associations.
Le montant de la TVA représenterait pour ces associations des dizaines de milliers de francs qui manqueraient à leur budget et entraînerait probablement une demande d'augmentation des subventions cantonales ou une diminution des prestations sociales offertes à population. Ces dernières devraient être assumées par les services officiels et financées par le budget de l'Etat.
Conclusion
Compte tenu de ce qui précède et notamment du fait que ces associations utilisent la totalité des «bénéfices» réalisés par la vente d'objets usagés pour financer leurs activités sociales, nous estimons nécessaires que notre Grand Conseil demande aux autorités fédérales de renoncer à soumettre à la TVA les associations sociales ne poursuivant pas un but lucratif.
Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette résolution et à l'adresser directement aux autorités fédérales.
Débat
M. Pierre Marti (PDC). Certes, l'introduction de la TVA pose de nombreux problèmes à tout un chacun, tant sur le plan technique que financier. Nous nous apercevons que de nombreuses aberrations apparaissent dans son application, par exemple, la taxation des transports publics. Mais il est plus grave, et encore plus ridicule, de taxer les ventes d'objets et de vêtements usagers des associations caritatives déjà fiscalement touchées une première fois par l'Icha. L'exposé des motifs vous donne de façon exhaustive toutes les raisons de cette proposition de résolution, mais permettez-moi de souligner quelques détails.
Tout d'abord, en plus de Caritas, du CSP, d'Emmaüs et de l'Armée du Salut est également touchée la Croix-Rouge. Il faut savoir que les revenus provenant de la vente de ces objets sont d'une grande importance dans le budget de ces oeuvres caritatives pour leurs activités sociales. Devoir hausser les prix par l'application de la TVA, c'est augmenter d'autant le prix de vente de ces objets, ce qui est totalement contraire aux objectifs sociaux poursuivis par ces associations. Ainsi, en gardant des prix extrêmement bas, le report de la TVA est très difficile, voire impossible. Cela conduit à une diminution des recettes, au moment même où les subventions diminuent, ainsi que les dons et les legs. De plus, cela intervient au pire moment. Les demandes d'aide et de prestations sont de plus en plus importantes dans la période difficile que nous traversons et qui touche en priorité les plus démunis qui ont un urgent besoin du soutien de ces oeuvres caritatives.
Cette ponction fiscale devra-t-elle être compensée par de nouvelles subventions de l'Etat ? J'en doute fort, cela est aberrant, absurde et ridicule. L'introduction de la TVA dans ce domaine de la vente d'objets usagers vient à l'encontre de la pratique de l'exonération fiscale de toutes ces associations reconnues d'utilité publique. Je voudrais dire que, s'il est vrai que l'on peut fustiger la recherche tous azimuts de quelques deniers par M. Stich pour la Confédération, permettez-moi de profiter de cette occasion pour m'adresser également au Conseil d'Etat en lui disant qu'il n'y a pas lieu de suivre l'exemple de M. Stich et de faire les fonds de tiroir.
En effet, l'office des poursuites a décidé que les renseignements fournis gratuitement au CSP et à Caritas dans le cadre de leur programme d'aide au désendettement seraient désormais taxés de 21 F par cas. Pour le CSP, la facture s'élèvera entre 2 500 et 3 000 F, alors que pour Caritas c'est une somme de plus de 5 000 F qu'elle devra trouver encore dans des legs ou des dons. Ainsi, je vous demande expressément de voter unanimement cette résolution, en espérant que notre initiative servira d'exemple et sera reprise par les Grands Conseils des autres cantons.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat, bien que cela soit un peu inhabituel s'agissant d'une démarche du Grand Conseil auprès de l'autorité fédérale, soutient cette résolution. Il le fait pour plusieurs raisons. D'une part, nous avons le sentiment que les oeuvres d'entraide, à certains égards, peuvent se sentir flouées par l'ordonnance qui, mise en application, les assujettit à la TVA alors que toute la procédure de consultation précédant la votation populaire portait sur un avant-projet d'ordonnance qui les en exonérait. Dans la votation populaire, un certain nombre d'oeuvres d'entraide ont estimé pouvoir apporter leur contribution au débat constatant que, selon la pratique usuelle, elles seraient effectivement exonérées.
Une question ordinaire a été posée au Conseil national, à M. Stich, conseiller fédéral, et celui-ci a répondu par la négative avec des arguments qui, relevant pour l'essentiel de la conception de l'égalité de traitement, ne nous semblent pas pertinents au cas en question. Les Chambres fédérales, par ailleurs, ont saisi le Conseil fédéral d'une motion. Le Conseil fédéral ne s'est pas encore déterminé sur ce projet de motion, nous aurons probablement un débat lors de la prochaine session sur ce sujet. C'est dire que tout appui cantonal est à cet égard le bienvenu dès lors qu'il est lui-même l'émanation des soucis des organisations, des oeuvres d'entraide qui vivent concrètement les problèmes sur le terrain.
Le Conseil d'Etat est donc parfaitement d'accord avec cette résolution et il s'engage à la porter à la connaissance du Conseil fédéral.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
rÉsolution
concernant l'exonération du paiement de la TVA pour les oeuvres d'entraide
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
que les activités sociales réalisées par des associations sans but lucratif constituent un élément indispensable à la politique sociale de notre canton;
que plusieurs de ces associations s'autofinancent partiellement par le ramassage et la vente d'objets usagés;
que cette activité diminue de manière notable les subventions versées à ces associations et contribue à la protection de l'environnement en prolongeant la durée de vie des objets ramassés tout en permettant à des personnes de condition modeste de se meubler et de s'habiller à des prix particulièrement intéressants;
que, depuis le 1er janvier l995, cette activité est soumise à la TVA, ce qui pose des problèmes financiers importants à ces associations,
invite les autorités fédérales
à exonérer du paiement de la TVA les activités de revente d'objets usagés effectuées pas les associations sociales ne poursuivant pas un but lucratif.
La séance est levée à 19 h 5.