République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 5e séance -autres séances de la session
No 5
Jeudi 16 février 1995,
soir
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
La présidente. Je vous prie de rester debout.
Nous avons appris le décès de M. Gilbert Golay, ancien député, qui a siégé sur les bancs du parti radical de 1961 à 1965 et fut vice-secrétaire du Bureau en 1965.
Nous exprimons à sa famille notre vive sympathie et, pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un instant de silence.)
Je vous remercie, vous pouvez vous asseoir.
3. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Bernard Annen, Erica Deuber-Pauli, René Ecuyer, Luc Gilly, Alain-Dominique Mauris et Jean Spielmann, députés.
Mme Claire Chalut. Madame la présidente, je tiens à excuser M. Luc Gilly, qui est absent pour raison de maladie et figure sur une liste d'attente pour poursuivre sa convalescence à la clinique de Montana, celle-là même que d'aucuns voulaient vendre à vil prix...
La présidente. Je vous en prie, Madame ! D'ailleurs, je l'ai excusé.
4. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 19 et 20 janvier 1995 est adopté.
5. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
La présidente. En raison de la démission de M. Dominique Belli, les points 5 bis, ter et quater ont été ajoutés à notre ordre du jour. Vous avez trouvé cette adjonction sur votre place.
6. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
Mesures de contrainte
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat entend s'exprimer ce soir sur la mise en oeuvre dans notre canton du nouveau droit fédéral relatif aux mesures de contrainte qui peuvent être prises à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière. C'est là un débat auquel le Conseil d'Etat attache la plus grande importance : en matière de liberté, il ne doit pas y avoir de place pour l'à-peu-près, ni pour la démagogie.
Le nouveau droit fédéral est entré en vigueur le 1er février dernier : il a remplacé l'ancien droit, qui prévoyait déjà des mesures de contrainte.
Quelles étaient ces mesures sous l'ancien droit ? Elles étaient de deux sortes :
D'une part, la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers prévoyait la mesure d'internement, d'une durée maximale de 2 ans, qui visait l'étranger indésirable qui mettrait gravement en danger l'ordre public par sa présence. Dans notre canton, il n'y a jamais eu de personnes internées par l'autorité fédérale à la demande de l'autorité genevoise.
D'autre part, la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers prévoyait la mesure de mise en détention en vue d'un refoulement d'un étranger qui faisait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire et qui voudrait se soustraire à son refoulement : cette détention ne pouvait durer plus de 48 heures sans faire l'objet d'un contrôle judiciaire et ne pouvait pas excéder 30 jours.
La mise en détention en vue de son refoulement d'un étranger en situation irrégulière a été appliquée dans notre canton avec mesure. Sur les 20 000 refoulements annuels qui ont lieu depuis les frontières genevoises, seuls de 450 à 800, selon les années, ont nécessité une mise en détention. Dans 80 % des cas, la durée de la détention n'a pas dépassé 4 jours. Ces mises en détention ont concerné en permanence un nombre restreint de cas, de 15 à 20 en moyenne. Il s'agissait dans la règle de cas pénaux.
Conformément à la loi d'application cantonale, la mise en détention se faisait sur la base d'une décision écrite motivée, notifiée par écrit à l'étranger concerné et, le cas échéant, communiquée à son mandataire. L'étranger concerné par la mise en détention pouvait être mis au bénéfice de l'assistance juridique. Je le répète : l'office cantonal de la population a appliqué cette mesure de contrainte à l'égard d'étrangers en situation irrégulière avec discernement, la réservant aux cas extrêmes. Cette pratique de l'office cantonal de la population a été satisfaisante : elle n'a jamais été critiquée ni fait l'objet de la moindre polémique. Quand bien même l'ancien droit l'y autoriserait déjà, jamais un mineur n'a été mis en détention, jamais une famille n'a été mise en détention au motif de cette disposition légale.
Que s'est-il passé le 1er février ? Le nouveau droit fédéral est entré en vigueur.
Les nouvelles mesures de contrainte ont donc remplacé les anciennes. Toute disposition contraire de notre loi cantonale d'application (F 2 2) a été annulée. C'est pourquoi la nouvelle loi fédérale fait le devoir aux autorités cantonales d'édicter un règlement en attendant que votre Conseil vote la nouvelle loi d'application.
Comme il l'avait annoncé, le Conseil d'Etat a donc joué la transparence et consulté les différentes parties pour rédiger le nouveau règlement qui a été assorti d'instructions parfaitement claires à l'office cantonal de la population. Ce règlement a été adopté par le Conseil d'Etat dans sa séance du 15 février.
Voici les instructions qui ont été données à l'office cantonal de la population et à la police :
1. En matière de détention, ces services appliqueront le nouveau droit selon les mêmes critères que l'ancien droit.
2. L'office cantonal de la population s'en tiendra à sa pratique actuelle : il ne proposera pas la mise en détention de mineurs, ni de familles entières.
3. Il n'y aura de mise en détention d'étrangers en situation irrégulière que si la décision de renvoi est exécutoire.
Le règlement adopté est technique et transitoire : devant être conforme au droit fédéral, il précise quelle est l'autorité cantonale habilitée à agir.
Il restera en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi que vous élaborerez, Mesdames et Messieurs les députés. Déjà plusieurs d'entre vous ont déposé un projet de loi. Le Conseil d'Etat s'en réjouit et l'examinera avec toute l'attention voulue, eu égard aux responsabilités qui sont les siennes.
Comme notre collègue Gérard Ramseyer l'a dit en mai 1994, et l'a répété en septembre dernier, notre Conseil est aussi soucieux que vous de la liberté des personnes. La politique genevoise à l'égard des étrangers restera ce qu'elle est : rigoureuse, mais d'une rigueur sans étroitesse, libérale et humaine, mais aussi responsable et sans faiblesse face aux cas de délinquance. C'est certainement dans cet esprit que les Genevois qui ont adopté les nouvelles mesures de contrainte demandent au Conseil d'Etat de les appliquer. C'est dans cet esprit également que le Conseil d'Etat a pris ses responsabilités.
A propos des événements du Letten à Zurich
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'entends faire également au nom du Conseil d'Etat une déclaration à propos des événements du Letten à Zurich.
Comme vous le savez, les autorités zurichoises ont fermé le Letten, dans la nuit de lundi à mardi, évacuant toxicomanes et dealers.
Dans cette situation difficile, notre solidarité est acquise aux autorités zurichoises, ce d'autant plus que Zurich, seule ville suisse ayant la dimension d'une métropole européenne, supporte pour l'ensemble du pays des phénomènes liés aux grandes concentrations urbaines.
Dès 1990, les Genevois engagés dans l'action sociale et sanitaire ont établi des contacts avec leurs homologues zurichois. Des rencontres régulières de concertation se sont tenues, impliquant des collaborateurs de Bâle, Berne, Saint-Gall et Zurich afin de démontrer qu'il n'y avait pas un fossé entre les différentes parties du pays, mais que nous faisions, tous et ensemble, tout ce que nous pouvions pour affronter un difficile problème.
Depuis, le Platzspitz a été fermé et le Letten évacué.
En ce qui concerne les personnes toxicomanes d'origine genevoise qui souhaitent se faire traiter médicalement et se faire aider socialement, le dispositif genevois, qui compte un centre de sevrage, deux unités résidentielles, des consultations médicales publiques et privées, plusieurs centaines de places de prise en charge à la méthadone, ainsi que le bus itinérant de prévention sida, sont prêts à les accueillir.
En ce qui concerne les personnes qui sont évacuées dans les autres cantons, le gouvernement genevois n'entend pas s'immiscer dans les affaires intérieures d'un canton confédéré et porter des jugements de valeur sur sa manière d'affronter tel ou tel problème. Mais le gouvernement genevois n'entend pas davantage apporter son aval à l'expulsion pure et simple des personnes se trouvant légalement dans un canton, qui sont ramenées par la contrainte dans d'autres communes : la libre circulation et le libre établissement des Suisses et des étrangers sont deux des principes fondamentaux de notre système constitutionnel et de notre Etat de droit.
Même si seul 31 Genevois - sur 3 000 personnes ayant passé par le centre de refoulement - sont concernés, il n'est pas admissible que des agents en civil de la police zurichoise ramènent des personnes toxicomanes supposées avoir leur domicile dans notre canton, par train ou par voiture jusqu'au centre de consultation genevois de la rue Verte. C'est pourquoi le gouvernement genevois regrette de telles pratiques qui foulent aux pieds des principes fondamentaux de notre société et de notre Etat de droit.
Conseil d'administration des hôpitaux universitaires de Genève
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Au cours de sa séance du 15 février 1995, le Conseil d'Etat, prenant acte des résultats des élections des représentants du personnel des hôpitaux universitaires de Genève, a nommé le conseil d'administration des hôpitaux universitaires de Genève pour la période allant jusqu'au 28 février 1998.
Sous la présidence du conseiller d'Etat chargé du département de l'action sociale et de la santé, ce conseil se compose de six représentants du Grand Conseil que vous avez élus à raison d'un par parti politique, soit M. Jacques Boesch, Mme Marie-Thérèse Engelberts, Mme Marie-Alix Gouda, M. Pierre Paschoud, M. Andreas Saurer et Mme Micheline Spoerri.
Le conseil d'administration se compose, en outre, de :
a) six membres nommés par le Conseil d'Etat, soit M. Pierre Du Pasquier, Mme Sabine Estier, M. Pierre-Alain Loosli, M. Bernard Matthey, Mme Charlotte Moser et Mme Sabine Von der Weid;
b) un représentant du canton de Vaud, M. Charles Kleiber;
c) du président de l'association des médecins du canton de Genève, M. Claude Aubert;
d) du président de la Fédération genevoise des caisses maladie, M. Jean-Claude Eggimann;
e) de trois représentants du personnel, M. Michel Bondi, Mme Jacqueline Choulat-Ruegg et M. Armand Müller.
Le représentant des Conseils généraux des départements de la Haute-Savoie et de l'Ain sera désigné ultérieurement. La première séance du nouveau conseil d'administration est convoquée pour le 21 mars.
Communications de la présidence
La présidente. Le service du Grand Conseil a constaté que le recueil de la législation genevoise dans la salle du Grand Conseil et dans les salles de commission était pillé et qu'il y manquait de nombreuses pages.
Ces tomes ont été entièrement révisés et complétés par les huissiers.
Je vous prie donc, à l'avenir, de ne pas ôter les pages de ces ouvrages, mais de demander aux huissiers ou au service des publications officielles de vous fournir les textes que vous désirez.
Vous recevrez une note à ce sujet. Merci de votre attention.
Vous avez trouvé sur vos places le règlement transitoire modifiant le règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers que le Conseil d'Etat nous a priés de vous remettre.
La télévision a été autorisée à filmer nos débats concernant les points 14 et 40.
Je vous informe qu'une réunion du Bureau aura lieu à 20 h afin de déterminer la procédure qui sera suivie en matière d'informations qui devront être données à la suite de la séance à huis clos.
La présidente. Nous avons reçu une lettre de démission de notre collègue Dominique Belli. Il en est pris acte.
M. Dominique Belli a siégé sur les bancs de notre Grand Conseil depuis seize mois. Je crois me faire l'interprète de tous en relevant combien, durant cette période, son travail parlementaire a été apprécié.
Il nous quitte pour poursuivre une carrière professionnelle qui, nous en sommes sûrs, sera à la hauteur des engagements et des qualités dont il a fait preuve à l'égard de notre République, en respectant non seulement les dispositions de notre constitution mais également la volonté populaire, et cela bien que le parti radical auquel il appartient se soit toujours, depuis plus d'un siècle, opposé aux incompatibilités. A ce titre, je tenais également à lui rendre hommage.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Je désire que vous lisiez la lettre de M. Belli.
La présidente. Cette demande est-elle appuyée ? (Appuyée.)
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. C'est une commission des droits politiques et du règlement restreinte qui s'est réunie tout à l'heure, étant donné le délai de convocation. A ce jour, un certain nombre de personnes n'ont même pas reçu la convocation.
Nous nous sommes réunis pour étudier la candidature de Mme Marie-Françoise de Tassigny, née le 6 février 1947, originaire de Bulle. Sa profession principale est éducatrice et sa fonction actuelle est déléguée de la petite enfance à la Ville de Genève. Elle précise également que sa profession accessoire est mère de famille. La commission a estimé que la candidature de Mme Marie-Françoise de Tassigny était compatible.
Mme Marie-Françoise de Tassigny est assermentée.
(Applaudissements.) (M. Beer remet une gerbe de fleurs à la nouvelle élue.)
10. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Il est pris acte de ces courriers.
Ces lettres seront renvoyées à la commission judiciaire avec le PL 7214.
Il est pris acte de ce courrier.
Il en est pris acte.
Cette lettre fait suite à celle du 16 janvier, et toute cette correspondance sera renvoyée à la commission législative.
Cette correspondance sera renvoyée à la commission judiciaire, avec les PL 7209 et 7213, ainsi que la M 967 (points 37 à 39 de notre ordre du jour).
Cette question sera étudiée au point 21 de notre ordre du jour.
M. Bernard Clerc. Je désire que cette lettre soit lue au moment où l'on traitera de ce point de l'ordre du jour.
La présidente. Il en sera fait ainsi.
Par ailleurs, nous avons reçu les pétitions suivantes :
Elles seront renvoyées à la commission des pétitions.
Enfin, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
11. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
M. Pierre Meyll. J'aimerais annoncer le retrait de la motion suivante :
J'ai déposé cette motion avec quelques-uns de mes collègues. Etant le dernier rescapé de cette équipée, je vous prie de bien vouloir la retirer, puisqu'elle a été en partie remplacée par le projet de loi 7150 voté en décembre.
La présidente. Nous en prenons acte.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
La présidente. Les demandes d'interpellations suivantes sont parvenues à la présidence :
Cosignataires : Fabienne Bugnon, Anne Briol, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Chaïm Nissim, Andreas Saurer.
Cosignataires : Laurent Moutinot, Mireille Gossauer-Zurcher, Jean-Pierre Lyon, Chaïm Nissim, Fabienne Blanc-Kühn.
Cosignataires : Michèle Wavre, Pierre Froidevaux, Jean-Philippe de Tolédo, Michel Ducret, Thomas Büchi.
Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
Mme Liliane Charrière Urben. J'annonce le dépôt d'une interpellation pour le département de l'instruction publique sur le service de santé et de la jeunesse.
La présidente. Il en est pris acte.
e) de questions écrites.
La présidente. Les questions écrites suivantes sont parvenues à la présidence :
Elles seront transmises au Conseil d'Etat.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat nous a transmis réponses aux questions écrites suivantes :
Q 3519
de Mme Maria Roth-Bernasconi (S)
Dépôt: 3 mai 1994
Coupez le moteur - quid?
Le Conseil d'Etat peut-il informer le Grand Conseil de la raison qui l'a fait enlever les panneaux lumineux «Coupez le moteur» qui étaient en place sur des feux de circulation?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 18 janvier 1995
Les panneaux «Coupez le moteurs» ont été placés au cours de l'été 1987, afin d'inciter les automobilistes à éteindre leur moteur lorsqu'ils sont arrêtés à un feu rouge pour diminuer la pollution atmosphérique. A l'époque, près de 45 carrefours du canton ont été équipés de ces panneaux lumineux, qui s'allument en même temps que le feu rouge affichant le message «Coupez le moteur», puis se mettent à clignoter quelques secondes avant que le feu passe au vert pour signaler à l'automobiliste qu'il est temps de remettre son moteur en marche. Le coût de ces équipements «Coupez le moteur» s'élevait à 80 114,40 F. Le montage et le temps de travail des techniciens rattachés à l'OTC sont inclus dans cette somme.
Depuis, la situation a évolué en matière de protection de l'air et l'arsenal législatif s'est étoffé. La révision de l'ordonnance sur l'équipement des véhicules en octobre 1987 a eu pour effet de généraliser l'équipement des véhicules automobiles en catalyseur, et la plupart des cantons ont adopté des programmes d'assainissement de l'air.
Au printemps 1989, une révision sur l'ordonnance sur la signalisation routière (OSR) modifiait la succession des phases des feux de signalisation, en introduisant l'obligation d'avoir le feu jaune en même temps que le feu rouge et en précisant que «le feu rouge et le feu jaune allumés en même temps ne doivent s'éteindre que lorsque le feu vert s'allume» (art. 71, al. 5). Cette nouvelle organisation des phases de feux a pour fonction de signaler aux automobilistes ayant arrêté leur moteur qu'il est temps de le rallumer car le feu va devenir vert, et fait par conséquent double emploi avec les panneaux «Coupez le moteur».
L'introduction de cette nouvelle phase de «feu jaune» s'est faite progressivement, au fur et à mesure du renouvellement des feux de signalisation. A chaque fois que ces feux ont été modernisés à un carrefour équipé de panneaux «Coupez le moteur», ces derniers ont été supprimés. Ces équipements datant de 1987, il aurait fallu changer leur système d'éclairage pour les maintenir en service, soit consentir à une dépense de près de 1 500 F par panneau «Coupez le moteur». Les derniers panneaux ont ainsi été enlevés au printemps 1994.
Q 3529
de M. René Koechlin (L)
Dépôt: 18 novembre 1994
Liquidation des sociétés immobilières (SI) - Terrains en SI appartenantà l'Etat
Dès le 1er janvier 1995 et pendant cinq ans, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par une société immobilière lors du transfert de son immeuble à l'actionnaire sera réduit de 75% si la société est dissoute. L'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire lui-même sera réduit dans la même proportion.
Le Conseil d'Etat a-t-il l'intention d'user de l'avantage fiscal dont il a lui-même proposé l'introduction dans la loi pour liquider les SI dont il est actionnaire?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 11 janvier 1995
Après avoir rappelé que, dès le 1er janvier 1995 et pendant cinq ans, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par une société immobilière lors du transfert de son immeuble à l'actionnaire sera réduit de 75% si la société est dissoute, une même réduction étant accordée à l'actionnaire sur l'impôt relatif à l'excédent de liquidation, M. Koechlin demande si le Conseil d'Etat a l'intention d'user de cet avantage fiscal dont il a lui-même proposé l'introduction dans la loi pour liquider les SI dont il est actionnaire.
Il est rappelé que, à teneur des dispositions légales actuellement en vigueur, l'Etat peut liquider les SI qui lui appartiennent en franchise d'impôts cantonaux et communaux ainsi que d'impôt fédéral direct sur le bénéfice. Cela est valable aussi bien pour les impôts dus par la société elle-même que par l'actionnaire, qui se trouve être l'Etat. Il en va de même pour les bénéfices réalisés par la SI ou par l'Etat à l'occasion d'une cession immobilière (à laquelle il convient d'assimiler la vente des actions d'une société immobilière) à des tiers.
La situation ne sera pas différente à teneur des normes applicables à partir du 1er janvier 1995 (art. 9, al. 1, lettre b) de la loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1993 LIPM et 56, lettre b) de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct LIFD).
En conclusion, la question de la liquidation des SI détenues par l'Etat ne se pose pas, en matière fiscale, dans les mêmes termes que pour les particuliers ou pour les personnes morales qui sont actionnaires de telles sociétés.
12. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les recours en grâce suivants :
M. A. A. , 1944, Italie, commerçant, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. M. A. A. a participé au hold-up d'une succursale de banque après avoir séquestré un employé pendant 24 heures. Malgré la conduite particulièrement exemplaire de M. A. A. en prison, de même qu'en semi-liberté, et, finalement, en liberté totale à la maison du Vallon où il se trouve actuellement, malgré sa situation familiale et économique extrêmement précaire, la commission, vu la gravité des faits - je vous rappelle qu'il s'agit d'un hold-up à main armée d'une succursale de banque - vu aussi les lourds torts moraux subis par la personne séquestrée dans le but d'obtenir des renseignements et par la caissière braquée pour obtenir l'argent, il s'agit de 2,5 millions volés dans cette succursale, la commission n'a pas rejoint ma proposition d'abaisser la peine et, dans sa majorité, vous suggère le rejet de la grâce en conformité avec l'avis du procureur général.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. L. J. R. , 1967, France, cordonnier.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. M. L. J. R. s'est fait attrapé le 12 février 1994, alors qu'il roulait à 152 km/h sur l'autoroute de contournement, là où la vitesse est limitée à 100 km/h. A cette occasion, M. L. J. R. a été mis à l'amende de 1 400 F plus les frais. Il n'a fait l'objet d'aucune autre punition. Il demande sa grâce, prétextant sa situation difficile de chômeur. La commission de grâce recommande le rejet de sa demande.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. L. M. , 1948, Nouvelle-Zélande, peintre, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion, voire une réduction de la peine initiale.
M. Claude Basset (L), rapporteur. M. L. M. vit, lorsqu'il n'est pas dans une maison d'arrêt, en Thaïlande. Il est peintre et, accessoirement, vendeur de motos. Il a trois enfants d'un premier mariage et définit sa situation pécuniaire comme catastrophique. Accusé d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, il a été condamné, en mars 1994, à quatre ans et six mois de réclusion et à dix ans d'expulsion du territoire suisse.
Durant les dix dernières années, il a effectué une dizaine de voyages entre la Thaïlande et la Suisse pour y faire le trafic de différentes drogues et, notamment, d'héroïne. Si j'ose dire, il s'est fait une certaine clientèle en Suisse, et plus particulièrement à Genève.
A la suite de l'examen du dossier de M. L. M. et également d'un entretien que nous avons eu avec le directeur de Bellechasse, nous sommes arrivés à la conclusion que l'intéressé ne donnait pas du tout l'impression de s'amender et que, bien qu'ayant dénoncé un certain nombre de ses «collègues», il n'avait rien fait pour favoriser une amélioration de sa situation. Suite au préavis négatif du procureur général, la commission de grâce vous demande donc de bien vouloir ne pas donner suite à la demande de M. L. M..
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. M. C. , 1967, France, cuisinier, recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire de 10 ans, dont l'échéance est fixée en 2002.
Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. M. M. C. est âgé de 28 ans. Il est français. Le 20 janvier 1992, il a été condamné pour vol et vol de voiture, à quinze mois d'emprisonnement, dont trois mois et quatorze jours subis, ainsi que dix ans d'expulsion du territoire suisse.
Il recourt contre le solde de cette peine d'expulsion judiciaire dont l'échéance est fixée en 2002. Il lui est aussi interdit d'entrer en Suisse pendant quinze ans. Il a bénéficié d'une libération conditionnelle, mais, revenu en Suisse quelques mois plus tard, il a été condamné à huit jours d'emprisonnement, peine qu'il a subie pour rupture de ban.
Le 7 octobre 1991, M. M. C., en compagnie de deux autres Français, est entré dans le garage d'une villa à Versoix et a subtilisé une Mercedes de collection. Ils ont fait quelques kilomètres et ont pénétré dans une villa pour s'emparer d'objets divers.
M. M. C. aimerait revenir s'installer en Suisse. Le préavis de la commission est négatif, ainsi que celui du procureur général.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. S. T. , 1963, Saint-Gall, sans profession, recourt contre le solde de la peine de réclusion.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse. M. S. T. est âgé de 32 ans. Il est originaire de Saint-Gall. Sans profession, il est célibataire et a un enfant mineur qui vit avec sa mère dans le sud de la France. Il a été condamné à trois ans de réclusion pour brigandage avec lésions corporelles graves, vols, tentative de vol, délits manqués de vol, dommages à la propriété et recel.
Il a quelques antécédents judiciaires pour des délits relativement mineurs, mais nombreux, tous liés à sa pratique toxicomaniaque. Le préavis de la commission de grâce est négatif, étant donné que la commission de libération conditionnelle devra se prononcer sur ce cas en octobre 1995 et qu'il serait important que des mesures soient prises en vue de pouvoir aider M. S. T. à l'avenir.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Z. C. , 1963, Uri, sans profession, recourt contre le solde de la peine de réclusion.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. C'est à la très célèbre et très médiatique affaire du Pré-Naville que nous ramène la demande de grâce de M. Z. C.. Vous vous rappelez peut-être qu'il s'agissait d'un viol collectif de deux jeunes femmes par une bande de voyous.
Agé de 18 ans, M. Z. C. a été condamné le 8 mars 1983 à trois ans et demi de réclusion par la Cour d'assises de Genève pour complicité de viol et complicité d'attentat à la pudeur avec violence, ceci dans la nuit du 10 au 11 octobre 1981. M. Z. C. a fait recours auprès de la Chambre de cassation qui l'a rejeté le 2 février 1984 et du Tribunal fédéral qui a également rejeté sa demande le 29 mai 1984.
Entre le 6 novembre 1981, date de remise en liberté de M. Z. C. en attendant son procès et le 29 mai 1984, date du rejet de son recours par le Tribunal fédéral, M. Z. C. est resté en liberté provisoire sans avoir affaire à la justice. Par la suite, il s'est constamment soustrait à l'accomplissement de sa peine. Il ne s'est pas présenté à la date fixée. Ayant tout de même intégré la prison, il a profité d'une permission pour prendre la fuite. Repris, il s'est évadé une nouvelle fois, et ce n'est qu'au début de l'an dernier qu'il a été repris, à l'occasion d'un contrôle de routine, par la police genevoise.
M. Z. C. a une fille d'un premier lit. Il a divorcé mais s'est remarié récemment, et sa femme attend un enfant. Un emploi stable l'attend. Il fonde sa demande de grâce sur le fait qu'il a été très lourdement condamné à l'époque des faits et, d'autre part, sur sa situation familiale actuelle.
Malgré la peine sévère qui lui a été infligée et son jeune âge à l'époque des faits, malgré sa situation familiale actuelle et l'emploi qui lui est promis, la commission de grâce recommande le rejet de sa demande de grâce suivant, en cela, le préavis du procureur général parce qu'il ne saurait être question de négliger la mauvaise volonté qu'il a témoignée dans l'accomplissement de sa peine.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Pierre-Martin Achard. Il n'y a pas d'autre inscription.
M. Pierre-Martin Achard est élu tacitement.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Stéphane Esposito, présentée par le parti démocrate-chrétien. Il n'y a pas d'autre inscription.
M. Stéphane Esposito est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
La présidente. La commission est composée des membres suivants : Béatrice Luscher (L); Doly Bolay-Cruz (AG); Adriana Keel (S); Véronique Grolimund (R); Alexandra Buttler (DC); Janine Sobczak (E).
M. Pierre-Alain Champod (S). Mon interpellation concerne le fonctionnement du nouvel office cantonal de l'assurance-invalidité. Sans doute vous souvenez-vous qu'il y a quelques mois notre parlement a voté la restructuration des services s'occupant de l'assurance-invalidité conformément aux nouvelles dispositions de la législation fédérale en la matière.
Depuis le 1er janvier de cette année, le nouveau service est en fonction. Il regroupe en son sein l'ancien secrétariat de la commission AI et l'ancien office régional. De plus, certaines des tâches autrefois effectuées par les caisses de compensation le sont aujourd'hui par ce nouvel office cantonal.
Si l'on en croit les échos qui proviennent tant des services sociaux, des demandeurs de prestations que du personnel, ce nouvel office fonctionne mal. Les tâches des collaborateurs ont été profondément modifiées sans que le personnel reçoive une formation adaptée. De plus, les collaborateurs ont de la peine à retrouver les dossiers. Il faut rappeler que les gens qui sont en attente d'une rente AI ou de mesures de réadaptation sont des personnes gravement atteintes dans leur santé et qui, de plus, sont souvent dans une situation financière difficile.
Par conséquent, il n'est pas envisageable ni admissible qu'elles doivent souffrir du dysfonctionnement d'un service de l'Etat. Au contraire, ce service doit précisément les aider à se retrouver dans ce domaine complexe de la législation sur l'assurance-invalidité.
Ma question s'adresse au conseil d'Etat et, plus précisément, au conseiller d'Etat responsable du département de l'action sociale et de la santé. M. Segond peut-il nous dire les mesures qu'il entend prendre pour éviter que ce service connaisse des retards et des désordres administratifs comparables à ceux qui ont ébranlé l'OAPA voici quelques années et dont M. Segond a recollé les derniers morceaux au début de la précédente législature ? Je remercie d'avance le Conseil d'Etat pour sa réponse.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 20 bis.
M. Bernard Clerc (AdG). Mon interpellation s'adresse à M. le conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique et concerne les licenciements intervenus dans l'entreprise Torre.
Cette entreprise, qui emploie cent quarante salariés en Suisse romande, a cédé au groupe Jelmoli/Fust la gestion de sa société. La loi sur le service de l'emploi prévoit, à son article 23, que l'employeur a l'obligation d'annoncer au département de l'économie publique les licenciements collectifs touchant au moins six travailleurs et cela dans une période d'un mois.
A l'occasion de l'annonce au département, l'entreprise Torre aurait déclaré que le groupe Jelmoli/Fust reprendrait l'ensemble du personnel, alors qu'à ce jour seules quarante personnes ont été formellement engagées. Torre aurait également déclaré qu'un syndicat de la branche était informé de la situation, ce qui ne semble pas avoir été le cas.
Par ailleurs, une plainte a été déposée par les travailleurs pour non-respect de la procédure d'annonce de licenciement.
Je prie le chef du département de bien vouloir répondre aux questions suivantes :
1. L'annonce des licenciements a-t-elle été faite en temps voulu, selon les dispositions de la loi sur le service de l'emploi ?
2. Dans la négative, l'office cantonal de l'emploi a-t-il instruit la plainte du personnel et, le cas échéant, dressé contravention pour infraction ?
3. Est-il exact que la société Torre aurait déclaré que l'ensemble du personnel serait réengagé par le repreneur ?
4. A cette occasion le nombre exact de salariés concernés a-t-il été communiqué ?
5. En cas de licenciements effectifs, un plan social sera-t-il négocié ?
6. A combien risque de s'élever le nombre d'emplois perdus lors de cette reprise par le groupe Jelmoli/Fust ?
Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter à ces questions.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 15 bis.
M. Roger Beer (R). Mon intervention s'adresse au Conseil d'Etat et, tout particulièrement, à M. Philippe Joye chargé des travaux publics et de l'énergie.
En fait, elle est motivée par un article paru dans la «Tribune de Genève» du 13 janvier 1995 qui concerne le concours de la place des Nations.
Par cet article, on apprend qu'un concours international sera relancé au sujet de cette place des Nations, ce que j'approuve. Je suis ce dossier avec beaucoup d'intérêt. Il y a dix ans déjà, en ville de Genève, un concours avait été lancé, mais de façon beaucoup plus modeste. Il n'en était évidemment rien sorti. J'espère que cette fois cela marchera mieux.
J'aimerais poser deux questions relatives à ce concours. La première concerne le cahier des charges du réaménagement lié au legs Rockfeller. Dans la campagne Rigot, l'article du journal parle d'un éventuel réaménagement ainsi qu'une redistribution des différents organismes autour de cette villa et sur ce terrain. Peut-on obtenir des renseignements sur cette étude ou sur les plans envisagés par le Conseil d'Etat ?
La deuxième question est plus particulièrement liée à la phrase qui évoque la rénovation de l'agrandissement du collège Sismondi. Si on relit les termes du legs Rockfeller, on voit que cette parcelle a été donnée au canton de Genève et, plus particulièrement, à l'université pour être consacrée exclusivement à des activités universitaires.
Je n'ai rien contre le collège, mais on peut être étonné de lire que, sur une telle parcelle, on envisage d'agrandir un collège qui, pour moi, ne fait pas encore partie de l'université. Qu'en est-il ?
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 61 bis.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Ma question s'adresse à la conseillère d'Etat Brunschwig Graf. Elle concerne une affaire qui, l'an passé, a défrayé la chronique sous l'appellation «affaire de la petite Cosette», à savoir la séquestration de cette fille pendant de nombreuses années dans un appartement.
Suite à cette affaire, de nombreux articles parus dans les journaux évoquaient qu'une refonte totale du service du tuteur général et de celui de la jeunesse était envisagée, et qu'un rapport serait fait sur cette affaire. Un certain nombre de personnes travaillant dans ces services s'inquiètent, car elles pensent qu'elles apprendront par les journaux à quelle sauce elles seront mangées.
Avant que le rapport ne sorte, une discussion aura-t-elle lieu entre ces services et avec le personnel afin de trouver les meilleures solutions pour gérer efficacement ces services ? J'aimerais bien que l'on réponde et que l'on tienne compte des avis du personnel dans cette affaire.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 64 bis.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Ma question s'adresse à Mme Brunschwig Graf. Je rapporte certaines inquiétudes de la population au sujet de la consultation lancée par le département de l'instruction publique concernant un nouvel horaire et la possibilité d'instaurer l'horaire romand.
Un nombre considérable de personnes se sentent concernées par cette décision, et tout d'abord les familles. En effet, il n'est pas simple d'organiser des week-ends lorsque certains enfants sont en primaire et d'autres au cycle d'orientation. L'attente de ces familles d'un horaire compatible est assez forte. L'inquiétude existe aussi pour le périscolaire. Par exemple, on a supprimé une grande partie des budgets moniteurs des jardins Robinson, ce qui ne facilite pas l'animation. En pleine réorganisation, ces derniers doivent savoir s'ils devront fonctionner le mercredi matin ou si le samedi deviendra une journée entière d'animation.
Pour toutes ces raisons, je demande à Mme Brunschwig Graf de bien vouloir nous dire où en est la consultation et si un nouvel horaire est susceptible d'être mis en place pour la rentrée 1995.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 64 ter.
M. René Longet (S). Ma question s'adresse à Mme Brunschwig Graf. Elle concerne une motion votée par ce Grand Conseil voici deux ans qui demandait une évaluation et un rapport des activités de l'Académie internationale de l'environnement. Le moment est venu d'obtenir une réponse, car on entend des discours contradictoires sur les activités de cette Académie. C'est pourquoi il est indispensable que nous obtenions ce rapport rapidement.
Je demande à Mme la conseillère d'Etat où en est l'étude de cette motion et dans quel délai la réponse nous parviendra, étant donné que la motion date du mois de février 1993 ?
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 61 quater.
M. René Longet (S). Ma question s'adresse à M. Haegi. Il y a six mois, le Grand Conseil votait des motions concernant Creys-Malville. Une de ces motions demandait que le canton fasse usage de son droit d'initiative auprès des Chambres fédérales. Je ne sais pas si cela a été fait et je désire que M. Haegi nous dise ce qui a été entrepris par le Conseil d'Etat depuis le vote de ces motions.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 35 ter.
M. René Longet (S). Ma question s'adresse à M. Ramseyer. Je désire connaître la position du Conseil d'Etat, s'il en a une, sur la pétition déposée, voici quelque temps, au niveau fédéral et demandant la reconnaissance des couples de même sexe. Cette action a une grande importance en rapport avec des aspects juridiques concernant le permis de séjour, l'adoption, l'héritage, etc. On a eu l'occasion d'en parler incidemment au Grand Conseil, et il me paraît nécessaire que notre canton s'exprime en faveur de cette action.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat figurera au point 43 bis.
EXPOSÉ DES MOTIFS
M. Hugues-Randolph Arthur Rainer Gall, de nationalité française, est né le 18 mars 1940 à Honfleur dans le Calvados. Il a eu très tôt, dès 1944, des étroits contacts avec notre pays puisqu'il a séjourné à Nyon, puis à Lausanne, où il a été élève du Collège classique cantonal. Rentré en France, il y a fait des études de sciences politiques et de lettres allemandes, puis il s'est lancé dans le journalisme en qualité de rédacteur en chef de la revue «Montalembert» et comme critique musical aux «Nouvelles littéraires». En 1967, il est entré au Ministère de l'agriculture où il a travaillé comme chargé de mission pendant plus d'un an, M. Hugues Gall s'est ensuite rapproché du monde artistique en s'occupant, au Ministère de l'éducation nationale, des problèmes relatifs aux enseignements artistiques.
Parallèlement, il a exercé les fonctions de vice-président de la commission nationale «Musique et enseignement». Dans ce cadre, il a contribué à la création du département d'enseignement artistique de l'université de Vincennes ainsi qu'à la refonte des études artistiques (création d'un baccalauréat à option artistique).
A partir de 1969, il entre dans le vif du domaine lyrique qu'il ne quittera plus. En effet, au Ministère d'Etat chargé des affaires culturelles, il se voit confier l'étude de la réforme de l'Opéra de Paris. En octobre 1969, il est nommé aux fonctions de secrétaire général de la Réunion des théâtres lyriques nationaux (Opéra et Opéra-Comique).
En janvier 1973, nommé administrateur adjoint du Théâtre national de l'Opéra de Paris, il participe activement aux côtés de notre éminent compatriote Rolph Liebermann, alors administrateur général de cet Opéra, à la politique de rénovation du Palais Garnier tant sur le plan de l'art lyrique que de l'art chorégraphique.
Chevalier de la Légion d'honneur et Commandeur des Arts et des Lettres, il est appelé, le ler juillet 1980, à présider aux destinées du Grand-Théâtre de notre ville. Il assumera la haute et difficile fonction de directeur général pendant 15 ans.
En outre, de 1981 à 1985, il sera désigné au poste de secrétaire général de l'Association internationale des directeurs d'opéras, dont il restera par la suite membre du comité de direction.
En s'assurant le concours de M. Hugues Gall, Genève a trouvé une personnalité exceptionnelle qui conjugue les dons artistiques nécessaires, les qualités humaines et l'expérience d'un gestionnaire avisé. Sous son impulsion, Genève est en effet devenue un haut lieu de la vie lyrique et de la culture musicale dont la renommée s'est étendue au fil des années à travers le monde entier.
Les saisons du Grand-Théâtre sont indissociables de celui qui les a composées et dirigées. M. Hugues Gall a d'autant plus de mérite à cet égard que sa carrière genevoise, commencée dans les années de prospérité, s'est trouvée peu à peu confrontée aux difficultés économiques que l'on sait. Dans cette situation, M. Hugues Gall a fait preuve des talents d'une personnalité capable d'adapter les dépenses aux nécessités de l'heure. Il a su maîtriser de délicats problèmes budgétaires de sorte que, malgré les restrictions, la qualité et l'intérêt des spectacles donnés au Grand-Théâtre ont pu être maintenus.
Il a répondu aux attentes d'un public de connaisseurs exigeants dans les domaines de la musique, de l'opéra et du ballet, tout en offrant des spectacles accessibles au grand public, dans un constant souci d'équilibre et d'ouverture de l'institution.
Durant les 15 années qu'il a passées à Genève, M. Hugues Gall ne s'est pas contenté d'être le directeur renommé d'une scène prestigieuse. Il s'est parfaitement intégré à la vie genevoise. Son entregent et ses qualités de communicateur lui ont permis de se faire de nombreux amis dans tous les milieux. Il est devenu très familier de nos théâtres et de nos salles de concerts.
De plus, il a conçu un vif intérêt pour les affaires publiques de notre ville et de notre canton qu'il connaît admirablement. Ses contacts avec Genève et les Genevois, comme avec la communauté internationale, n'ont cessé de s'élargir et se sont transformés, au cours des années, en un profond attachement, renforcé encore par les nombreux liens personnels qu'il a tissés avec des personnalités marquantes de notre cité.
Honoré par la Fondation pour Genève en 1992, M. Hugues Gall est aujourd'hui appelé à prendre de nouvelles et très importantes fonctions en France: à partir du 1er août 1995, il deviendra directeur de l'Opéra national de Paris.
En témoignage de notre gratitude pour son importante et originale contribution à la vie culturelle de Genève, en hommage à ses talents de créateur, d'animateur et de gestionnaire d'une maison où des spectacles rarement joués ont côtoyé les grands classiques souvent rajeunis avec bonheur, nous vous proposons de faire de M. Hugues Gall, déjà Genevois de coeur, un citoyen d'honneur de notre cité.
Pour les motifs ci-dessus, nous espérons, de votre part, Mesdames et Messieurs les députés, un accueil favorable de ce projet de loi.
Préconsultation
M. Armand Lombard (L). Notre groupe salue avec intérêt le projet de loi que le Conseil d'Etat lui soumet. J'aimerais profiter de cette occasion pour vous rappeler, en quelques mots, et aidé par l'excellente recherche de S. Arnauld, le poids et la force de cette manifestation de la bourgeoisie d'honneur attribuée depuis des siècles par la Cité et reconnue par l'article 30 de la constitution genevoise.
En parcourant le Livre des Bourgeois de l'ancienne République de Genève, on apprend qu'un Français, avant M. Hugues Gall, fut reçu bourgeois le 25 décembre 1559 en ces termes. Il s'agissait de Jean Calvin, le Picard.
«Calvin, ici présent et humblement acceptant, bénignement reçu, de grâce spéciale et gratuitement en égard du ministère de la parole de Dieu auquel, depuis la réformation chrétienne, il a fidèlement servi et de beaucoup d'agréables services que, journellement, il fait à notre République.».
Cette adoption d'un Français et le caractère solennel qui entoure la bourgeoisie d'honneur que le Conseil d'Etat souhaite conférer à M. Hugues Gall expriment l'attachement d'une communauté pour un homme, pour son combat, pour son travail à Genève.
Le rapprochement entre Jean Calvin et Hugues Gall s'arrête là. Mais il implique de se souvenir que l'aïeul véritable du directeur du Grand Théâtre est bien plus ancien, et antérieur à Jean Calvin, c'est le sieur Peronetus De Tornay, factor imaginum at farseator, soit histrion et comédien ayant reçu gratuitement la bourgeoisie le 5 décembre 1452, il y a donc 543 ans.
La bourgeoisie d'honneur s'inscrit dans le grand débat de la démocratie et de l'élitisme, de l'égalité plate et de la différence créatrice, du souci de traitement équitable de tous et de la reconnaissance envers ceux qui marquent la vie de la communauté.
Les Genevois ont oscillé entre ces deux tendances. Inspirés par les idéaux de la Révolution française, ils ont décrété par l'édit du 12 décembre 1792, je cite :
«Qu'il n'y aurait plus de réception à la bourgeoisie, que tous les bourgeois, natifs, habitants ou domiciliés, tant dans la ville que dans les campagnes seront déclarés ou adoptés citoyens.».
Puis, ils réapprendront à rendre honneur à l'oeuvre des petits et à celle des grands, lorsque, après la Restauration, fut rétablie la bourgeoisie d'honneur de Genève.
Entre 1814 et 1929, il y eu en effet, soixante-neuf nouveaux bourgeois dont le grand duc Frédéric-Franz 1er de Mecklembourg-Schwerin, le duc de Clermont-Tonnerre, le roi Frédéric VII du Danemark, mais aussi trois bateliers, un bijoutier, deux cafetiers, un conducteur de travaux, un cordonnier, deux horlogers, cinq infirmiers, un marchand tailleur, un menuisier et un monteur de boîtes, ainsi que neuf négociants. Il y a de la diversité dans le souci de dire la reconnaissance ! Aujourd'hui, c'est la culture que l'on souligne.
Dans le domaine des arts, les prédécesseurs de M. Hugues Gall sont les peintres Ferdinand Hodler et Charles-Henri Borgeaud, les musiciens Emile Jacques-Dalcroze, en 1925, Otto Barblan, en 1937 et Ernest Ansermet en 1954. Saluons Genève qui se souvient des autres qu'elle fait siens. Beaucoup de choses ont été dites sur Hugues Gall et sur ce remarquable travail à la conduite du Grand Théâtre. Beaucoup seront encore dites.
Mon propos était de souligner la fierté d'une Cité à célébrer ses acteurs culturels et la nécessité pour une Cité d'avoir de tels hommes ou femmes dont l'action fait son éclat et lui permet de poursuivre son développement créatif et dynamique quels que soient les aléas de ses chamailles politiques internes. Nous soutiendrons chaleureusement le projet de loi et accueillerons avec reconnaissance notre nouveau citoyen.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Après l'admirable historique qui vient de vous être fait par votre collègue Armand Lombard, le Conseil d'Etat souhaite, en vous demandant d'honorer Hugues Gall par l'octroi de la bourgeoisie d'honneur, remercier le directeur de notre Grand Théâtre d'avoir, durant quinze ans, porté l'art lyrique à l'une des premières places en Europe et dans le monde.
Mais, par ce geste, vous ferez aussi un clin d'oeil à l'art et à la culture si importants, notamment dans ces périodes de difficultés.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rappeler que c'est à teneur de l'article 30 de la loi sur la nationalité que votre Grand Conseil, sur proposition du Conseil d'Etat, peut décerner gratuitement la bourgeoisie d'honneur. J'aimerais rappeler également que cette bourgeoisie d'honneur n'a pas les effets d'une naturalisation et ne confère donc pas le droit de cité genevois. L'acquisition de cette bourgeoisie d'honneur est le signe d'une Cité, comme on vient de le rappeler, à celui qui a fait beaucoup pour son rayonnement.
Je vous remercie donc de bien vouloir voter ce projet de loi en discussion immédiate.
M. Michel Ducret (R). Personnellement, j'aurais quelque peine à mettre en rapport Calvin et le directeur de la scène de Neuve, car l'attitude du premier et celle du second vis-à-vis des plaisirs prodigués sur une scène me semblent très éloignées.
M. Armand Lombard. T'as rien compris ! (Rires.)
M. Michel Ducret. Mesdames et Messieurs les députés, il m'est particulièrement agréable de prendre la parole à ce sujet ce soir au nom du groupe radical. Etant également conseiller municipal de Genève, c'est dans ma commune que M. Hugues Gall a exercé ses talents dans le cadre du Grand Théâtre de la place Neuve.
Durant ses quinze années d'activités à la tête de notre opéra, M. Hugues Gall s'est montré un directeur brillant. Il a élevé sa profession à un véritable niveau artistique, et a su faire partager l'amour de son métier, l'amour de l'opéra.
Il n'est guère utile de redire ce qui a été si bien écrit dans le projet de loi qui nous est soumis, mais je tiens à souligner qu'à travers lui Genève honore tous ces étrangers, tous ces gens obscurs ou parfois plus connus, mais si nombreux, qui apportent leur savoir-faire à notre canton et contribuent à sa prospérité.
Si M. Gall est particulièrement honoré ce soir, c'est que, devenu une personnalité phare dans le monde de l'opéra, il a aussi entraîné dans son sillage la scène de Neuve et élevé notre Grand Théâtre au rang d'une des meilleures scènes mondiales, à celui d'un des opéras les plus réputés au monde.
A l'exception des festivals, je ne connais pas beaucoup de villes de 170 000 habitants, aucune collectivité de 400 000 habitants qui puisse se targuer d'une telle considération en matière de spectacles et surtout d'opéras. Cette réputation contribue à donner de nous une image autre, complémentaire aux traditionnelles que sont les organisations internationales, la Croix-Rouge et les banques rassemblées autour du Jet d'eau.
Enfin, au nom des Genevois, je veux dire merci à M. Hugues Gall pour tous les bons moments que nous avons passés grâce à lui dans notre Grand Théâtre.
Le 30 juin prochain, les dernières notes de l'Orphée de Gluck clôtureront ses quinze ans à Genève. Il y aura certainement un brin de tristesse, mais ce sera aussi pour M. Gall le commencement d'une nouvelle mission à la tête des scènes lyriques de Paris. Nous lui souhaitons bon vent dans ce nouveau défi et une magnifique poursuite de sa carrière.
Enfin, nous souhaitons aussi que cette bourgeoisie d'honneur concrétise pour M. Hugues Gall les liens qu'il a tissés avec notre Cité, avec Genève.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.
(Vifs applaudissements de l'assemblée.)
La loi est ainsi conçue :
LOI
accordant la bourgeoisie d'honneur de Genève à M. Hugues Gall, directeurdu Grand-Théâtre du 1er juillet 1980 au 30 juin 1995
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 30 de la loi sur la nationalité,
Décrète ce qui suit:
Article unique
La bourgeoisie d'honneur est conférée à M. Hugues Gall.
LE GRAND CONSEIL,
- considérant les difficultés financières de M. Gaon et de certaines de ses sociétés;
- vu les conséquences possibles d'une déconfiture du groupe Gaon sur divers dossiers particulièrement chauds tels que, par exemple, la maison Europa ou Sécheron;
- vu les imbrications très étroites des intérêts privés de M. Gaon avec certains intérêts publics ainsi que les risques de confusion qui en découlent;
- attendu qu'il convient de distinguer le juste rôle économique de l'Etat en faveur d'entreprises en difficulté de toutes faveurs personnelles ou autres passe-droits;
charge une commission parlementaire ad hoc de 15 membres d'enquêter sur les rapports du groupe Gaon avec l'Etat, la Ville de Genève, la Banque cantonale de Genève et toutes autres entités de droit public et de présenter ses observations à propos des responsabilités qui peuvent être engagées;
attribue à ladite commission les pouvoirs d'investigation nécessaires pour mener à bien son mandat.
Débat
M. Laurent Moutinot (S). Le parti socialiste ne tire pas sur les ambulances. Toutefois, ni le parti socialiste ni le parlement ne peuvent rester indifférents aux difficultés d'un groupe économique de l'importance de celui de M. Gaon.
Les enjeux économiques sont certains. L'impact sur l'emploi est évident. Les conséquences sur des dossiers publics chauds, tels que Sécheron ou la Maison Europa, ne sont pas contestables et, par conséquent, il en va du fonctionnement de nos institutions. L'imbrication des intérêts économiques et politiques est révélatrice d'un certain nombre d'interdépendances et de liens qu'il nous appartient de connaître.
Pourquoi une commission parlementaire d'enquête sur le groupe Gaon en particulier ? Parce qu'il y a urgence ! Au-delà de ce cas doivent se poser, de manière plus générale, des questions sur notre politique économique et sur le fonctionnement de nos institutions.
Trois étapes sont nécessaires. La première est de se renseigner pour connaître la situation. En effet, la population ne comprendrait pas que notre parlement se lave les mains dans ce dossier. La deuxième consiste à déterminer les interventions positives que nous pouvons faire, notamment dans la direction de l'emploi s'il apparaît menacé. La troisième étape consiste à traiter les dysfonctionnements et les responsabilités des uns et des autres.
Tout d'abord, il nous faut savoir quelle est la situation exacte du groupe de M. Gaon. Comme je l'ai rappelé, ses intérêts privés ne sont pas seuls en jeu, mais les conséquences de l'affaire atteindront la Cité tout entière.
Par conséquent, il importe de connaître la situation financière, ses implications fiscales et bancaires ainsi que le nombre d'emplois dépendant du groupe Gaon. Par conséquent, quelle est, le cas échéant, la menace qui peut peser sur ces emplois ?
En matière d'aménagement du territoire, il est nécessaire que nous sachions si, lors de difficultés, le groupe Gaon serait en mesure de réaliser un certain nombre de projets en cours. La puissance économique de ce groupe a fait qu'une partie de l'aménagement d'un quartier lui est quasiment confiée.
Enfin, il en va de la réputation de Genève. Nous ne pouvons pas admettre que ce casino et cet hôtel, que le touriste voit lorsqu'il se promène au bord du lac, deviennent le symbole d'un échec, d'une catastrophe, d'une politique que nous n'aurions pas su mener.
Après cet état des lieux, il convient d'examiner en quoi l'Etat peut intervenir par une politique économique autre que le laisser-faire et le laisser-aller. Il s'agit, en particulier, de voir quelles mesures nous pouvons prendre en faveur de l'emploi avant de nous retrouver dans un débat comme celui que nous avons eu à propos du journal «La Suisse». Nous devons examiner les mesures à prendre pour assurer les intérêts publics touchant aux intérêts privés de M. Gaon, afin qu'ils ne soient pas, le cas échéant, atteints par une éventuelle déconfiture de ce groupe.
D'un point de vue institutionnel, nous définirons les précautions à prendre dans les rapports entre l'Etat et les groupes économiques surpuissants. On a beaucoup parlé des dangers relatifs à ce type de rapports. Selon certaines hypothèses, ce groupe pourrait, comme on le voit en Italie, influer sur la politique de l'Etat. On peut dire que, dans ce cas, nous sommes dans une situation inverse dans la mesure où ce groupe surpuissant semble devenir surfaible. Cette situation ne manque pas d'être inquiétante, car, si un groupe surpuissant influe sur l'Etat, la faiblesse de ce groupe peut aussi avoir des répercussions sur l'Etat.
Ensuite, l'état des lieux étant fait, si les interventions envisagées laissent apparaître un certain dysfonctionnement, nous devrons établir les responsabilités des uns et des autres, sans complaisance, aussi bien dans le secteur de l'Etat que dans le secteur privé. Cette affaire pose des questions de principe délicates, soit de savoir jusqu'où l'aide économique de l'Etat doit aller sans qu'elle ait l'air de faveurs. Elle pose la délicate question de la distinction des intérêts publics et privés et, enfin, un problème de morale politique, celui de séparer le bon grain de l'ivraie.
Le parti socialiste réclame la définition d'une politique économique autre que le laisser-faire libéral. Ainsi, parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir, nous espérons que le stade des soins palliatifs n'est pas encore atteint.
M. Bénédict Fontanet. Nous n'avons aucune sympathie ou antipathie particulière pour M. Nessim Gaon et son groupe. La première de nos réactions a été de se demander ce que le groupe socialiste avait pu trouver de nouveau pour faire parler de lui dans une affaire où l'Alliance de gauche occupe le terrain avec la véhémence, et parfois l'excès, qui la caractérise.
En premier lieu, nous nous sommes demandé en quoi le problème de M. Gaon et de son groupe regardait, à ce stade, le Grand Conseil. Allons-nous devoir constituer une commission d'enquête pour chaque société en difficulté ? Hélas, Genève en compte un certain nombre, tout comme les cantons et les pays qui nous entourent. A mon sens, nous n'en avons ni le temps ni les pouvoirs, sauf à devenir tous des députés professionnels, ce qui réjouirait certains d'entre nous. Pour le surplus, les résultats auxquels les commissions d'enquête aboutissent ne sont guère probants, même lorsqu'il s'agit d'affaires purement internes à l'Etat, comme ses affaires Gelli ou Médénica.
Même s'il est permis de rêver, comme le disait Kennedy : «Faire de la politique, c'est savoir rêver l'avenir.», nous ne sommes pas le Sénat américain ni encore la Chambre des représentants américaine avec les pouvoirs considérables qui sont les leurs. Notre petit canton ne saurait souffrir la comparaison.
Pourquoi donc constituer une commission d'enquête ? Pourquoi se saisir d'une affaire qui, à ce stade, regarde d'abord la justice civile, et si par hypothèse il devait y avoir une faillite ou d'autres difficultés, des malversations, par exemple, la justice pénale.
Ce n'est pas à notre Grand Conseil de débrouiller une affaire qui en est au stade des hypothèses. A lire votre résolution, si des responsabilités sont engagées, le principe de la séparation des pouvoirs dans ce canton ne doit pas rester un vain mot, et il n'est pas de notre compétence de départager, le cas échéant, ces responsabilités.
Les difficultés dont on fait état dans l'affaire Gaon ont trait, pour l'essentiel, à des difficultés commerciales avec la Russie. A en lire la presse, elles sont fort éloignées de notre petite République.
La seconde de nos réactions concerne la méthode, qui est détestable, car elle sous-entend que d'aucuns auraient donné des passe-droits, fait des faveurs, auraient eu des liens particuliers avec ce groupe dont d'autres administrés n'auraient pas bénéficié. A mots couverts, même si M. Moutinot essaie d'élargir le débat à la politique économique générale, ce n'est ni plus ni moins de corruption dont vous semblez accuser certains qui, comme par hasard, seraient susceptibles de siéger sur nos bancs. Or, il n'en est bien sûr rien.
Nous estimons qu'il n'y a rien à cacher dans cette affaire, que l'Etat, dans ses rapports avec un groupe privé, se doit d'être transparent et que le public a le droit d'être informé. Souffrez que je ne sois pas d'accord avec vous, Monsieur Moutinot, en ce qui concerne les relations entre M. Gaon et la Banque cantonale. Le débat se pose en des termes différents, la Banque cantonale, telle que nous l'avons voulue et votée, est soumise, non pas à la surveillance du Conseil d'Etat ou du Grand Conseil, comme c'est le cas dans d'autres cantons, mais à celle, bien plus vigilante et efficace, me semble-t-il, de la Commission fédérale des banques. Le secret bancaire n'est pas non plus encore un vain mot dans ce pays et les rapports de droit privé entre un client et une banque ne sont manifestement pas une affaire dont nous avons à nous saisir.
C'est parce que nous estimons que le Conseil d'Etat, respectivement la Ville de Genève, n'a rien à cacher que nous sommes d'avis que cette résolution ne saurait être votée telle quelle. Nous souhaitons qu'elle soit renvoyée en commission pour être travaillée et suggérons, afin de la traiter rapidement, qu'elle le soit par le biais d'une commission ad hoc à laquelle le Conseil d'Etat, respectivement la Ville, pourrait d'ores et déjà donner un certain nombre d'informations.
Nous serions d'avis, mais cela mérite d'être examiné, que cette résolution soit transformée en motion demandant au Conseil d'Etat de rapporter rapidement, en tout cas plus rapidement que ne sauraient l'être les travaux de la commission d'enquête que vous appelez de vos voeux, de façon que le Conseil d'Etat fasse rapidement un rapport sur les relations entre le groupe en question, l'Etat et, respectivement, la Ville. Ainsi, le Conseil d'Etat pourrait, dans le même élan, très certainement répondre aux questions du député Grobet, dont à lire la presse il doit d'ailleurs connaître un certain nombre de réponses.
Notre attitude qui consiste à vouloir renvoyer cette affaire en commission n'est nullement une mesure de défiance vis-à-vis du gouvernement issu de nos rangs. Les faits évoqués et l'état de fait qui soutient cette affaire proviennent du précédent gouvernement. Ainsi, nous sommes tout à fait à l'aise en ce qui concerne cette situation. Nous souhaitons simplement, eu égard aux informations parues récemment dans la presse, qu'au travers d'un rapport transmis rapidement au Conseil d'Etat par le Grand Conseil, la lumière soit faite sur cette affaire et que le public soit informé comme il se doit. Nous appelons donc de nos voeux la constitution d'une commission ad hoc à laquelle cette affaire serait renvoyée.
M. John Dupraz (R). Le groupe radical a pris connaissance de cette résolution avec une certaine perplexité. Nous n'approuvons pas le fond de cette démarche, car elle tend à jeter le discrédit sur les autorités politiques de ce canton et sur la Banque cantonale qui vient d'être fondée à Genève.
Pour qu'une banque puisse fonctionner, elle a besoin d'un capital de confiance. Nous estimons que cette résolution donne suite aux attaques successives relatives à cette affaire que nous lisons dans la presse depuis quelques semaines. Cette démarche nous apparaît comme détestable et, loin de la soutenir, nous la désapprouvons totalement.
Toutefois, nous comprenons l'inquiétude de l'opinion publique suite aux informations distillées ici et là. Il appartient à l'autorité de ce canton d'apporter une clarification dans les rapports que le Conseil d'Etat ou la Ville de Genève ont entretenus avec M. Gaon, ses sociétés ou les groupes qu'il contrôle. Cette démarche est nécessaire et, à ce sujet, nous avons une pleine confiance dans le Conseil d'Etat.
Notre démarche n'est pas une démarche de suspicion, comme l'a dit tout à l'heure M. Fontanet. Nous demandons que cette résolution soit renvoyée à une commission ad hoc afin d'être réécrite pour la purger de tout ce qu'elle contient de caractère bancaire, car le texte actuel du parti socialiste est inacceptable. En effet, la banque est soumise au secret bancaire et l'autorité de surveillance est la Commission fédérale des banques, donc nous n'avons rien à dire dans la gestion de cette banque cantonale.
D'autre part, nous nous opposons à la commission d'enquête parlementaire. Durant ma fonction de député, j'ai connu deux commissions d'enquête, l'une concernant l'affaire Médénica qui consistait à savoir comment un médecin travaillant à l'hôpital avait pu abuser des clients et «tricher» et la deuxième l'affaire de l'évasion Gelli pour laquelle on voulait savoir ce qui n'avait pas fonctionné à la prison.
Nous sommes dans un cas de figure tout à fait différent et nous souhaitons que, suite au travail en commission, nous rédigions un nouveau texte en le purgeant de tout ce qui concerne la banque. Nous supprimerons l'histoire de la commission d'enquête parlementaire afin que nous puissions clairement poser une question au Conseil d'Etat et qu'il puisse s'exprimer par un rapport sur l'historique politico-économique des relations entre les autorités de ce canton et le groupe Gaon. Dans cet esprit de clarification, nous demandons le renvoi de la résolution à une commission ad hoc pour une nouvelle rédaction du texte, et seulement dans ce but.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Les difficultés du groupe Gaon pourraient n'être qu'un effet de la vague spéculative qui a secoué Genève dans les années 80 et du reflux qui a suivi. La mésaventure consistant à acheter des terrains ou autres immeubles à des prix élevés pour se retrouver ensuite avec des biens dévalués a touché plus d'un promoteur et a posé des problèmes à plus d'une banque.
A ce titre, elles n'intéressent cependant pas le Grand Conseil. Et je le dis clairement ici, il n'est pas dans nos intentions de nous poser en juges des risques pris par la Banque cantonale, ni dans cette affaire ni dans aucune autre. Il existe des organes désignés par la loi et des statuts pour cela. Notre préoccupation est autre. Elle est de savoir quels sont les engagements des autorités politiques dans ces affaires et ce qu'il en adviendra si le pire s'avère. Cela est bien de notre responsabilité.
Quels que soient les totaux des montants engagés auprès des banques suisses par les sociétés affiliées au groupe Gaon pour ce qui concerne Sécheron - et ces montants devraient être sensiblement plus élevés que les 135 millions de francs nécessaires à l'achat des terrains - si l'irréparable devait arriver pour le groupe Gaon, la Banque cantonale, dont les actionnaires majoritaires sont les collectivités publiques, le canton et les communes, se retrouverait avec un nombre non négligeable de mètres carrés de terrain en pleine ville. Qu'en ferions-nous ?
Quelles que soient les sommes engagées auprès des banques étrangères à Genève et à l'étranger, les réseaux de crédits, tout comme les liens entre les différentes entreprises du groupe Gaon, ne permettent pas d'exclure des effets dominos avec des conséquences sur l'emploi et sur l'immobilier genevois d'ores et déjà éprouvés. Comment et dans quelle proportion ?
Dans cette histoire, des intérêts publics importants sont en jeu. Mais il y a surtout une extraordinaire confusion d'intérêts publics et privés, alors que nous ignorons tout des engagements pris par le Conseil d'Etat autour des terrains de Sécheron, mais aussi peut-être dans d'autres affaires conduites par des sociétés du groupe Gaon. Par exemple, pour les promoteurs de Sécheron, soit la société Noga Invest appartenant à M. Gaon, la rentabilisation des investissements de départ passait par la création de zones affectées au tertiaire, une densité forte, la construction de logements relativement chers, nécessitant des subventions importantes de l'Etat, mais aussi par la reconstruction de l'usine de Sécheron sur des terrains de l'Etat afin de dégager du terrain pour le projet immobilier.
Le Conseil d'Etat avait jusqu'ici, semble-t-il, soutenu la vision des promoteurs. Dans quelles mesures les difficultés du groupe Gaon changent-elles ces données ? De quelles capacités d'actions disposons-nous, et comment le Conseil d'Etat entend-il faire pour ce qui concerne les terrains, l'aménagement du quartier, mais aussi à l'égard de Sécheron SA, dont trois cents emplois seraient menacés par une faillite, puisque nous savons que les actions de Sécheron SA servent de gage pour les crédits ouverts pour les achats de terrains ?
Mesdames et Messieurs de l'Entente bourgeoise, je comprends fort bien que la résolution du groupe socialiste vous mette dans l'embarras. Les propos de M. Fontanet sur ce point étaient significatifs. Toutefois, je vous demande d'accepter notre résolution, car l'importance des intérêts publics en jeu justifie que le Grand Conseil soit informé complètement et que le Conseil d'Etat s'explique sur ses engagements et ses intentions.
Si vous la refusez ou si vous trouvez des moyens de substitution comme le renvoi dans une commission dans le seul but d'en remanier le texte, vous laissez planer le doute...
M. John Dupraz. Absolument pas !
Mme Micheline Calmy-Rey. Vous laissez planer le doute sur la nature des liens existants entre le groupe de Nessim Gaon et certains de vos politiciens les plus en vue. (Désapprobation de la droite.) Je vous le dis sincèrement, je ne souhaite pas que le doute puisse planer, car, dans cette hypothèse, c'est toute la classe politique qui perdrait de son crédit.
Or, si l'on comprend qu'un promoteur privé défende ses intérêts propres et cherche à rentabiliser des terrains qu'il a achetés à des prix élevés, on a de la peine à comprendre qu'un conseiller d'Etat, M. Haegi en l'occurrence, ait, en 1991, présidé un groupe de travail d'Aprofim, société de M. Gaon, pour élaborer un projet d'urbanisation des terrains de Sécheron, concurrent de celui de l'Etat et de la Ville, qu'il en ait ensuite informé le Grand Conseil et qu'il soit apparu lors de la présentation publique de ce projet par Aprofim.
On ne comprend pas plus que, conseiller administratif, il ait négocié le contrat entre la Ville de Genève et la société anonyme d'exploitation du Grand Casino, société contrôlée par M. Gaon, un contrat si défavorable à la Ville que le Conseil d'Etat a refusé de l'avaliser, et vous savez ce qu'en pense le Tribunal fédéral. De plus, Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas la prétention de penser que M. Haegi puisse être seul en cause.
Enfin et à titre de conclusion, une dernière remarque. Ce n'est pas parce que les socialistes demandent des éclaircissements qu'ils méritent le vocabulaire utilisé publiquement à leur encontre par le directeur de l'une des sociétés du groupe Gaon.
Mesdames et Messieurs des partis de l'Entente bourgeoise, dire que nous aurions pu contribuer à l'affaiblissement de l'économie genevoise tient de l'anathème... (Rumeur de désapprobation.) ...quand on sait que le département de l'économie publique est entre vos mains depuis bientôt douze ans et que la vague spéculative dont nous subissons aujourd'hui encore les effets est largement due à son inertie.
Il est possible que la confusion des intérêts publics et privés que l'on trouve ici ne soit qu'un cas particulier. Pour le moment, nous avons encore la naïveté de croire que les choses ne se passent pas dans notre pays comme elles se passent ailleurs. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien réfléchir et, finalement, de vous résigner à renvoyer cette résolution en commission, qu'elle soit commission d'enquête ou ad hoc, je n'en ferai pas une querelle de termes.
La présidente. J'ai le grand plaisir de saluer à la tribune du public notre ancien collègue Jean Montessuit. (Applaudissements.)
M. Michel Balestra (L). Le groupe socialiste nous propose dans sa résolution de mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire chargée de rapporter sur les «troubles amitiés». C'est le sous-entendu de Mme Calmy-Rey au sujet des relations entre le groupe Gaon avec l'Etat, la Ville de Genève, la Banque cantonale Genevoise et toutes les autres entités de droit public. Ces députés pensent que tout va mal chez nous et que le pouvoir politique, tout comme Zorro, doit remettre de l'ordre.
Le canton de Genève vient pourtant d'obtenir le label de la meilleure ville du monde...
M. Christian Grobet. Y en n'a point comme nous !
M. Michel Balestra. ...suite à une enquête internationale qui, parmi les quarante-cinq critères de sélection, prend en compte la situation sociale, économique et politique.
Nous pouvons comprendre leurs doutes. Les journaux affirment que Christian Grobet, ex-conseiller d'Etat, est certain que la Maison Europa n'a pas d'avenir, pas de clients et pas de réalité internationale.
De leur côté, René Felber, pas tout à fait libéral, et Arthur Dunkel viennent pourtant de confirmer que la Maison Europa sera un élément déterminant de la politique de promotion du secteur international de Genève. Mais qui croire ? René Felber, ancien président socialiste de la Confédération et Arthur Dunkel, ancien patron du GATT ou Christian Grobet qui, pendant toutes ces années passées au gouvernement, a toujours cru que Genève n'avait pas d'avenir, pas de clients, pas de réalité internationale ?
Les auteurs de la résolution pensent peut-être que, dans un Etat de droit, démocratique comme le nôtre, la séparation des pouvoirs est un élément déterminant pour l'équilibre de nos institutions et se demandent peut-être si le pouvoir judiciaire fonctionne correctement.
Ils se demandent si, à Genève, les juges ont le droit d'exercer leur mission de manière autonome sans pression politique. Mais, bien sûr, la preuve en est qu'en lisant l'AGEFI on constate que, pour faire toute la lumière sur les difficultés du groupe Gaon, le président Michel Criblet a nommé quatre experts afin de déterminer si un assainissement de la société est possible.
Dans cette République, les choses se passent plutôt bien. Nous n'avons sans doute pas été désignés «meilleure ville du monde» pour rien, n'en déplaise à M. Laurent Moutinot. Une interrogation demeure sur l'avenir de la Banque cantonale, établissement autonome de droit public au conseil d'administration et au comité de banque desquels des représentants de toutes les tendances économiques et sociales de notre canton sont représentés, vous y compris, Madame Calmy-Rey. M. Zyziadis disait hier soir à la télévision que nous avions beaucoup de chance à Genève de pouvoir participer aussi largement à la direction de notre banque cantonale.
De plus, pour surveiller la qualité de ces résultats, le Conseil d'Etat a voulu et obtenu le concours de la Commission fédérale des banques. Cela avait provoqué, si vous vous en souvenez, une petite révolution à Genève. Souvenez-vous, nous avons voulu faire de cette banque l'élément déterminant du soutien à l'économie genevoise. Elle y réussit parfaitement.
Et vous qui la critiquez implicitement aujourd'hui pour sa détermination dans le dossier Sécheron vous désirez demain lui faire garantir la pluralité de la presse par une initiative dite «La Suisse». Quelle cohérence ! Quelle suite dans les idées ! Vous rendez-vous compte de ce coup de génie ? Economiser aujourd'hui de l'argent déjà dépensé suite à des blocages et des tracasseries mis en place par Christian Grobet et le redépenser demain comme garantie pour une banque cantonale, patron de presse. Quel beau programme, beaucoup plus sûr que celui que vous critiquez !
Pour vous rassurer, vous mettrez sur pied une commission d'enquête parlementaire, afin de découvrir la vérité là où un peu de bon sens suffirait largement, comme j'espère vous l'avoir démontré.
Mme Micheline Calmy-Rey. Ah non !
M. Michel Balestra. Franchement, de quoi s'agit-il en fait ? D'une manoeuvre de déstabilisation pour prouver qu'un gouvernement homogène n'est pas capable de répondre aux attentes de Genève et des Genevois. De la mise à mort en bonne et due forme, par le pouvoir législatif, d'un entrepreneur dans la tourmente, d'un signe au président Eltsine pour lui dire qu'il n'aura pas besoin de payer sa facture ou alors, mais je me refuse à le croire, d'un sentiment inavouable dont l'aveu serait susceptible d'entraîner des sanctions depuis que nous avons voté la nouvelle loi dite antiraciste. (Désapprobation de la gauche.)
Peut-être, beaucoup plus simplement, ne s'agit-il que d'une manoeuvre électorale ? Vous avez, comme nous tous, prêté le serment de faire servir vos travaux à la prospérité de la patrie qui nous a confié ses destinées. Or, pour la prospérité de la patrie, votre résolution, franchement, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, c'est de la grande politique qui va à contresens !
Notre groupe trouve cette résolution inutile, mesquine, petite. Il voulait vous proposer de la rejeter tout de suite en discussion immédiate, mais, puisque nous ne serons pas suivis, vu la dramatisation politique de ce dossier, nous vous proposons un amendement. Nous vous proposons d'amender cette résolution en ajoutant après «peuvent être engagées;», le texte suivant :
«charge cette commission d'enquêter en particulier sur le fonctionnement du DTP entre 1981 et 1993 et notamment sur les méthodes de son chef; sur les engagements de ce dernier en faveur ou contre l'aboutissement du dossier de Sécheron; sur les rapports qu'a encore aujourd'hui l'ancien chef du DTP avec les employés du département; sur l'origine et la nature des démarches entreprises pour bloquer le développement de Sécheron, en particulier la Maison de l'Europe.».
Ainsi, cette commission aura enfin un peu de travail intéressant à faire. J'espère que, transportés par votre honnêteté et votre désir de transparence, vous allez la voter. J'attends votre soutien. (Applaudissements de l'Entente.) (Ouhh sur les bancs de gauche.)
M. Andreas Saurer (Ve). Dans l'ensemble, le groupe des «verts» accueille tout à fait favorablement cette résolution. En préliminaire, j'aimerais cependant faire deux remarques : une première concerne l'intervention de M. Dupraz et une deuxième celle de M. Balestra.
A M. Dupraz, j'aimerais dire que la confiance... (M. John Dupraz se promène dans la salle.) Monsieur Dupraz, je vous cause ! J'aimerais communiquer avec vous !
M. John Dupraz. Tu dois t'adresser à la présidente !
M. Andreas Saurer. A l'intention de M. Dupraz, j'aimerais dire que la confiance ne se décrète pas, elle se gagne. Et, à l'intention de M. Balestra, le bonheur ne s'ordonne pas, il se crée lentement et souvent assez discrètement.
Ceci dit, le groupe écologiste se pose les questions soulevées par la résolution socialiste depuis fort longtemps. Vous vous rappelez peut-être les interventions répétées de notre collègue November concernant Sécheron, et des réponses, pas particulièrement délicates, qui lui ont été faites par les personnes sur les bancs d'en face.
Par rapport à la situation actuelle - je ne suis ni juriste ni économiste et je n'ai pas non plus un esprit de procureur et de justicier - je suis frappé de lire un certain nombre d'articles dans la «Tribune de Genève». Ces articles sont gravement accusateurs du triangle composé par l'Etat, la Banque cantonale et M. Gaon. Visiblement, il ne s'agit pas d'un triangle d'or, mais plutôt d'un triangle sentant le souffre.
Nous venons de recevoir un communiqué de presse du groupe Noga qui menace d'agir juridiquement, comme il dit, contre les articles de la «Tribune de Genève». Mais, je vous le rappelle, ces articles existent depuis 1993 et Noga n'a toujours pas jugé utile d'agir juridiquement. Je commence donc à avoir l'impression que les accusations qu'on peut lire dans la «Tribune de Genève» depuis bientôt deux ans sont tout à fait véridiques. C'est vrai, ces articles créent un climat de suspicion, un climat qui inquiète la population dont c'est le droit le plus élémentaire d'être informée correctement.
Bien que n'étant pas spécialiste en la matière, j'aimerais quand même poser quelques questions concernant ce communiqué de Noga qui fait allusion à des promesses au sujet de Sécheron qui ont été faites à cette société et qui n'ont pas été tenues. J'aimerais savoir de quel genre de promesses il s'agit.
Ensuite, dans la «Tribune de Genève», on apprend que des membres du gouvernement seraient impliqués dans cette histoire. De nouveau, on n'en sait rien. L'accusation est extrêmement grave. Si elle est vraie, il faut remédier à cette situation, si elle est fausse, pourquoi ne mettez-vous pas en marche l'appareil judiciaire? La population ne peut que s'inquiéter de cette affaire.
Enfin, il semble que M. Gaon soit un des plus grands débiteurs de la Banque cantonale. Etant donné la déconfiture de l'empire Gaon, la population s'inquiète, à juste titre, du devenir de la BCG. Que se passera-t-il avec la Banque cantonale si la société Gaon s'écroule ? Quel prix la population devra-t-elle payer ?
Il est indispensable que le pouvoir politique réponde à l'inquiétude légitime de la population. En ce sens, nous soutenons la résolution du parti socialiste.
M. Christian Grobet (AdG). Mme Micheline Calmy-Rey a dit tout à l'heure, en s'adressant aux députés sur les bancs d'en face : «Résignez-vous, Mesdames et Messieurs, à voter cette résolution !». Ces collègues s'y étaient déjà résignés, bien que MM. Fontanet et Dupraz aient dit tout le mal possible de cette résolution et de l'idée saugrenue, selon eux, de désigner une commission d'enquête, ce qui ne les a pas empêchés d'accepter le renvoi en commission afin de l'examiner. Donc, vous vous y êtes bel et bien résignés...
M. John Dupraz. Absolument pas !
M. Christian Grobet. C'est le début de la voix de la sagesse. Toutefois, il me semble que vous n'avez toujours pas complètement saisi de quoi il s'agit. (M. Dupraz continue à invectiver l'orateur.)
La présidente. Monsieur Dupraz, personne ne vous a interrompu, alors, s'il vous plaît, demandez la parole et je vous la donnerai !
(S'adressant à M. Grobet.) Veuillez m'excuser, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Il est possible que cette résolution arrive un petit peu tôt, quoiqu'il n'est jamais trop tôt pour bien faire, car l'heure de vérité arrivera dans quelques semaines. Alors soyons bien au clair ! De notre côté, nous espérons qu'il n'y aura pas de faillite du groupe Noga, car, si cela se produit, ce sera extrêmement grave vu la somme astronomique des dettes. A ce point, il faudra rechercher les responsabilités. Je ne citerai qu'un seul montant, les 650 millions de dollars que M. Gaon annonce comme créance à l'égard de la Russie pour ne pas payer ses débiteurs genevois.
M. Balestra, pour une fois, nous a lu un texte ce soir. Ce n'est pas dans votre style habituel, Monsieur Balestra, mais enfin, je ne doute pas que vous l'ayez préparé vous-même. Vous insistez sur le fait que M. Eltsine doit cet argent. Pour vous, c'est un acquis. Eh bien, M. Eltsine et son gouvernement disent le contraire : Non seulement ils disent ne pas devoir d'argent, mais c'est M. Gaon qui leur en doit.
M. Gaon a engagé une procédure arbitrale à Stockholm pour faire valoir sa créance. Oui, c'est un fait public notoire, Monsieur ! Figurez-vous que M. Gaon a suspendu cette procédure.
Une voix libérale. Ça vous regarde ?
M. Christian Grobet. Ne trouvez-vous pas très curieux qu'après s'être proclamé créancier de 650 millions de dollars et avoir demandé que le Tribunal fasse droit à sa demande, il suspende cette procédure ? En tout cas, cela laisse supposer qu'il n'est peut-être pas si sûr de son bon droit. Mais toujours est-il que, si un trou de 650 millions de dollars subsiste, je vous laisse imaginer, Mesdames et Messieurs, les conséquences de cette affaire !
Les affaires de Genève, évoquées tout à l'heure et que nous ne voulons pas sous-estimer, seront ce que l'on appelle en anglais «peanuts», des cacahuètes, par rapport au véritable problème du groupe Noga. En effet, il n'est pas seulement question des 650 millions de dollars évoqués dans l'affaire de Russie, mais, à ce que l'on dit, une cessation d'activités au Nigeria, un projet à Lisbonne pour lequel la société Noga n'a rien fait, sauf d'avoir tout de même emprunté 100 millions, semble-t-il, sur le terrain mis en droit de superficie par la Ville de Lisbonne. J'ose espérer qu'il n'en est pas de même pour le terrain de l'Etat à Sécheron ! Bien vite, on s'apercevra que M. Gaon s'est engagé dans des affaires à très hauts risques.
Pour en revenir à Genève, modestement, il faut bien dire que l'opération de Sécheron était à très hauts risques, puisque M. Gaon a acheté des terrains pour une somme extrêmement élevée qui rendait, du reste, toute opération immobilière impossible, alors que ces terrains n'étaient pas déclassés et qu'il savait prendre le risque du refus du déclassement.
Nous en venons donc à nous poser la question de savoir comment ce monsieur a pu acheter des terrains sans sortir un sou vaillant de son porte-monnaie, puisque ces terrains ont été achetés contre la somme de 135 millions obtenue sur prêt des banques, soit 175 millions. Non seulement les banques lui ont versé la somme de 135 millions pour acheter le terrain, mais, en plus, la somme de 40 millions. On ne sait pas très bien pourquoi. Vous avouerez que c'est assez extraordinaire.
Ici apparaît notre seul point de désaccord avec Mme Calmy-Rey qui prétend que l'on ne devrait pas se préoccuper de la Banque cantonale. A ce sujet, l'Alliance de gauche a écrit une lettre à la Banque cantonale pour lui poser une série de questions précises dont les réponses sont très difficiles à obtenir. Lorsque M. Gaon payait les intérêt dus sur les emprunts, le Conseil d'Etat nous répondait qu'il payait les intérêts. Plus tard, quand Mme Deuber-Pauli et M. Jean Spielmann lui ont reposé la même question, le Conseil d'Etat s'est réfugié derrière le secret bancaire.
Or, en matière de prêts des banques aux particuliers, il n'y a pas de secret bancaire, et vous le savez ! (Protestations.) Lorsqu'une banque vous fait un prêt hypothécaire pour votre villa qui est ensuite inscrit au registre foncier, pensez-vous qu'il y a un secret bancaire, Monsieur Lombard ? Vous êtes un piètre banquier, vous me permettrez de le dire ! (Rires.)
Les prêts bancaires ne sont pas couverts par le secret bancaire, mais les dépôts faits par les clients le sont et, comme banquier, vous le savez fort bien. Mais tel n'est pas le propos aujourd'hui. Nous parlons des engagements des banques. Depuis le 1er février, la Commission fédérale des banques est compétente en la matière, raison pour laquelle nous avons envoyé le double de notre demande d'explication à la Commission fédérale des banques pour qu'elle s'occupe de cette affaire.
Monsieur Dupraz, vous avez dit tout à l'heure que cette résolution était tout à fait déplaisante, tout comme ces attaques de la presse à l'égard de la Banque cantonale. Tout cela ne serait pas arrivé si cette transparence, évoquée tout à l'heure par M. Fontanet, existait et si la Banque cantonale avait donné un certain nombre d'explications. En effet, ces ragots ne seraient pas colportés. On saurait ce qu'il en est au juste.
Pour ma part, j'estime que la population a le droit d'être informée sur les engagements qu'a pris la Banque cantonale qui, rappelons-le tout de même, est non seulement un établissement public mais les dépôts d'épargne sont garantis par l'Etat et les contribuables. Il est donc parfaitement légitime d'obtenir des explications à ce sujet.
Pour en finir avec l'affaire de Sécheron, Monsieur Balestra, je n'en attendais pas moins de votre part ! On sait que M. Grobet est responsable de tout ce qui va mal dans cette République ! (Applaudissements de l'Entente.) C'est une litanie, c'est formidable ! Même quand je ne suis plus au gouvernement, je suis encore responsable de ce qui s'y passe !
Toutefois, j'aimerais vous dire une ou deux choses. Oui, j'ai gardé d'excellentes relations avec certains amis au département des travaux publics, (Aaaahhh !) mais, voyez-vous, vous continuez à répandre l'injure qui, du reste, a été publiée dans un journal - je sais que, hélas, c'est une obsession pour M. Joye - à savoir que des collaborateurs de son département m'informeraient. C'est tout simplement une injure, non pas à mon égard mais à l'égard des collaborateurs du département des travaux publics.
On prétend que j'aurais bloqué des projets et que je continue à le faire. A propos de la Maison de l'Europe, nous en sommes au quatrième projet. Ce nouveau projet, déposé par M. Gaon au mois de novembre et que personne n'a eu le temps de bloquer, est totalement différent de celui qui fut autorisé six mois auparavant. Bien entendu, M. Gaon affirme sa volonté de réaliser ce projet de la Maison de l'Europe. Dans le cas contraire, il ne déposerait pas des projets réalisés par les meilleurs architectes de Grande-Bretagne, cautionnés par la présence enthousiaste du chef du département des travaux publics.
Maintenant, on se demande si un cinquième projet ne va pas voir le jour, encore plus mirifique, encore plus beau. En attendant, rien ne se fait ! Et vous nous permettrez tout de même d'avoir les plus sérieux doutes à cet égard. C'est la raison pour laquelle il faut une commission d'enquête, car il sera très intéressant, Monsieur Balestra, de connaître quels sont les pays qui ont pris un engagement pour venir s'installer dans ce bâtiment qui, comme vous le savez, n'est plus un projet communautaire. A ce moment, vous verrez qui a raison de MM. Felber et Grobet. Je ne prétends pas détenir la vérité, je demande un minimum de transparence. Qu'on nous dise la vérité sur ce dossier !
La présidente. Monsieur le député, il vous reste une minute !
M. Christian Grobet. Oui, mais j'ai été quelque peu interrompu. (Grands éclats de rires de l'assemblée.) Je ne demanderai même pas, Madame la présidente du Grand Conseil, que vous me fassiez la rallonge que vous avez accordée à d'autres députés.
Nous soutenons la résolution, mais nous n'accepterons pas le subterfuge de la transformer en motion pour demander au Conseil d'Etat de donner les explications qu'il voudra bien donner. Au contraire, le but d'une commission d'enquête est précisément que nous puissions enfin obtenir des informations - que l'on refuse de nous donner et que l'on n'a pas pu obtenir - et avoir la transparence que vous prétendez désirer par la voix de M. Fontanet. Voilà pourquoi nous votons cette affaire. (Applaudissements épars.)
M. Nicolas Brunschwig (L). Le groupe libéral ne peut que regretter le fait que le député Grobet ose évoquer et commenter des opérations commerciales strictement privées qui n'impliquent en rien la collectivité publique.
M. Chaïm Nissim. Mais, c'est notre argent, Monsieur Brunschwig !
M. Nicolas Brunschwig. Si M. Grobet estime qu'il sait mieux que tout le monde ce qui se passe chez M. Eltsine, ou l'existence de transactions très particulières, eh bien, certes, mais il peut garder ses propos pour lui-même ou les évoquer dans des cercles privés si cela lui sied, mais je ne vois pas du tout en quoi cela concerne le parlement de notre République.
Le deuxième élément dommageable pour notre République est le fait que le député Grobet, en particulier, met la suspicion sur la Banque cantonale de Genève. Comme tous les partis représentés au sein de ce gouvernement, l'Alliance de gauche a un représentant au sein du conseil d'administration de cette banque. Faites confiance à votre représentante au conseil d'administration, à la banque et, finalement, à la Commission fédérale des banques !
Mais si vous ne pouvez faire confiance à aucune de ces instances, alors votre cas est psychiatrique et non plus politique.
Mme Micheline Calmy-Rey. On ne fait pas confiance aux libéraux !
M. Nicolas Brunschwig. Enfin, je ne suis pas étonné que M. Grobet soit opposé aux amendements que propose le groupe libéral, mais je pensais qu'il aurait l'intelligence tactique de faire prononcer l'opposition du groupe de l'Alliance de gauche par un autre député plutôt que par l'ex-conseiller d'Etat Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Ayant été directement mis en cause...
La présidente. Mais nous ne sommes pas en préconsultation, Monsieur le conseiller d'Etat... (La présidente se trompe de titre.) (Rires.) ...vous pouvez prendre trois fois la parole comme tous les députés.
M. Christian Grobet. Rassurez-vous, Madame la présidente, je ne souhaitais pas prendre trois fois la parole, mais je m'en réserve le droit. Toutefois, veuillez considérer cette intervention comme une réponse à un député qui me met en cause.
Je ne sais pas pourquoi, Monsieur Brunschwig, vous vous en prenez à moi au sujet d'un certain nombre de choses dites tout à l'heure.
Nous ne sommes pas ici pour jeter la suspicion sur la Banque cantonale. M. Dupraz s'est plaint, à juste titre, d'un certain nombre d'accusations publiées. Forts de cette résolution, nous demandons simplement que la transparence soit rendue sur cette affaire. Pour ce faire, nous estimons indispensable que ces banques s'expliquent sur l'ampleur de leurs engagements.
Ensuite, vous nous demandez de faire confiance, comme tout le monde, à la Banque cantonale. Malheureusement, nous ne pouvons pas faire confiance les yeux fermés à la Banque cantonale. Il est notoire que cette banque, au même titre que d'autres, a fait de graves erreurs d'appréciation dans les affaires immobilières à Genève. D'ailleurs, ni la Banque cantonale, ni les autres banques n'ont contesté ces erreurs.
En effet, au moment de la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire, il a été déclaré que la banque avait provisionné jusqu'à concurrence de 700 à 800 millions de francs pour faire face aux opérations à risques dans lesquelles elle s'était engagée. Ne voulant pas remuer le couteau dans la plaie, je ne vous rappellerai pas le nombre d'affaires de faillites immobilières publiées dans la presse depuis deux ou trois ans, et dans lesquelles il s'est avéré qu'un certain nombre de banques, dont malheureusement la Banque cantonale, avaient pris des engagements totalement inconsidérés.
A partir d'erreurs pareilles, vous nous permettrez, Monsieur Brunschwig, de ne pas faire confiance à la Banque cantonale les yeux fermés et de demander un minimum d'explications auxquelles le public a droit.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. La proposition de résolution qui vous a été transmise touche en réalité à de nombreux aspects d'un dossier qui est complexe. On peut dire qu'il est formé de trois volets essentiels, soit le premier, aménagement du territoire, le deuxième, bancaire, et le troisième, industriel. Voilà en gros les enjeux.
Au nom du Conseil d'Etat, je suis chargé de faire une synthèse de ces trois volets, de vous apporter un certain nombre d'informations que vous pourriez souhaiter et de faire le point sur l'état actuel de ce dossier.
En ce qui concerne le premier volet, soit l'aménagement du territoire, force est d'admettre qu'il est un assez fidèle miroir, hélas, de la Genève conflictuelle qui ne parvient pas à réaliser parce que la politique nourrit un certain nombre de blocages. Il suffit de se souvenir qu'au départ l'opération consistait à réaliser des logements, des activités industrielles et commerciales sur l'ensemble du périmètre, bref, à créer - cela avait été évoqué - un véritable nouveau quartier.
Pour des raisons qui lui sont propres et font partie de la discussion qu'il ne convient pas a priori de rejeter ou de mépriser, la Ville de Genève a souhaité, comme commune de site, que ce périmètre reste en totalité industriel, la Maison le Foyer étant réservée. L'ensemble des plans et des perspectives d'aménagement mis en place, réfléchis et négociés à l'époque, a donc été remis en cause. Nous observons simplement que le Conseil d'Etat a accepté de suivre ce que la Ville de Genève demandait et d'envisager, sous réserve d'une emprise destinée à des organisations internationales qui a fait l'objet depuis d'un déclassement voté par votre parlement, que l'ensemble du périmètre à droite de la route de France reste en zone industrielle. Nous constatons simplement qu'aujourd'hui rien ne s'est fait et que le dossier reste bien bloqué.
Le deuxième point de cette problématique d'aménagement est relatif à la Maison Europa. Nous disons et confirmons que ce dossier a une importance considérable pour notre pays et pour Genève, car c'est celui de l'Union européenne - contrairement à ce que l'on dit en parlant de pays qui ne voudraient pas rejoindre cet établissement - de la création d'une ambassade, d'une mission de l'Union européenne auprès de l'ensemble des organisations internationales de notre canton. Il a donc un double aspect politique majeur. C'est un ancrage de l'Union européenne dans notre canton et auprès des organisations internationales de Genève. Il me semble élémentaire de constater que la haute compétition dans laquelle nous vivons nous montre qu'il y a un intérêt évident à satisfaire l'Union européenne, telle que cela a été demandé par ses ambassadeurs successifs et, en l'occurrence, à l'époque, par l'ambassadeur Van Tran. Ces éléments du dossier ont d'ailleurs été rappelés, il n'y a pas si longtemps, par l'ancien ministre des affaires étrangères du pays, M. Felber lui-même, et je ne vois pas l'utilité de mettre sa parole en doute.
Le deuxième volet, soit bancaire, a déjà été traité de manière extrêmement approfondie devant ce Grand Conseil. D'une part, à l'occasion de la fusion des deux établissements, Banque hypothécaire et Caisse d'épargne qui a donné lieu à la Banque cantonale et, d'autre part, à l'occasion de la réponse de notre collègue Olivier Vodoz, président de notre Conseil, à différentes interpellations, en particulier celle de Mme Deuber-Pauli.
Il faut se souvenir, car il n'est tout de même pas convenable de cibler ces interventions sur la Banque cantonale, que le crédit a été accordé à l'époque à un consortium de quatre banques. La Banque cantonale n'est que l'une de ces quatre. En ce qui concerne la Banque cantonale, comme M. Vodoz l'avait très clairement détaillé à l'époque - ayant obtenu de la part de la banque et de la part de l'intéressé, M. Gaon, le relief du secret bancaire - ses engagements bénéficient de garanties absolument usuelles en pratique bancaire.
Les risques font l'objet de provisions et la Commission fédérale des banques a confirmé par écrit qu'à cet égard tout était en ordre et que, du point de vue des pratiques bancaires - car la question s'était posée avant la fusion, souvenez-vous en - les prêts octroyés par la Banque cantonale bénéficiaient de garanties usuelles; cela sous la double surveillance non seulement de l'organe de révision mais aussi de la Commission fédérale des banques.
Vous savez que la loi que vous avez votée le 18 novembre 1994 confère à la Commission fédérale des banques la responsabilité totale de la surveillance de la Banque cantonale, depuis le 1er février, sur la base d'une décision de la Commission fédérale des banques. Celle-ci exerce la surveillance effective complète de la Banque cantonale.
A cet égard, il n'y a donc pas lieu de développer des inquiétudes, sauf à vouloir nourrir un climat qui, le sachant, le voulant ou, au contraire, malgré soi, serait en définitive préjudiciable à la Banque cantonale elle-même dans le cadre de la relation de confiance que celle-ci doit entretenir avec l'ensemble de sa clientèle.
A ce sujet, je voudrais vous dire qu'il n'est simplement pas permis, qu'on n'a pas le droit de «faire joujou» avec un établissement bancaire, a fortiori dont les collectivités publiques sont l'actionnaire principal. Je vous demande, dans le souci que vous avez d'obtenir un certain nombre d'informations, de veiller à ce que celles-ci ne le soient pas par des démarches qui pourraient avoir pour effet d'altérer le rapport de confiance entre la Banque cantonale et sa clientèle, parce que cela serait irresponsable.
J'en viens au troisième volet ou volet industriel. A cet égard, j'aurai quelques informations importantes à vous donner.
Il faudrait peut-être se souvenir de quelques données sur le volet industriel. En 1988, ABB a décidé, dans le cadre de la réorganisation de ce groupe, de se séparer de Sécheron. Au tout début de l'année 1989, Sécheron SA, comme entreprise juridiquement indépendante, a été créée et enregistrée. Au printemps 1989, ABB a vendu le capital de Sécheron SA au groupe Noga. On oublie que cette vente a permis à ABB de reconstruire l'un des centres de production les plus modernes et les plus performants du groupe, au bénéfice d'une opération à laquelle votre Conseil a été associé, puisqu'à l'époque il y a eu un échange de terrains.
A l'époque, un certain nombre de beaux esprits, qui ne sont pas très loin des signataires de la résolution, disaient que Sécheron était un canard boiteux dont ABB avait voulu se séparer. En réalité, vous savez parfaitement que Sécheron SA est une entreprise performante en croissance régulière et soutenue. Sécheron a pu prendre un certain nombre de participations dans d'autres entreprises; elle a pu racheter l'entreprise Hasler et se trouve être aujourd'hui l'un des leaders européens de la branche.
Le malheur est que Sécheron s'est trouvée prisonnière d'enjeux politiques liés à l'aménagement du périmètre concerné. A ce sujet, des discussions ont eu lieu; elles avaient pour but de permettre que Sécheron dispose assez naturellement d'un outil de travail renouvelé là où la Ville de Genève souhaitait que l'on développe des activités industrielles, soit sur l'ensemble de ce périmètre. Nous avons procédé à un échange de terrains et avons fait en sorte que - moyennant l'échange de terrains, une parcelle de l'Etat cédée à ABB dans la zone industrielle de Meyrin-Satigny - nous puissions récupérer pour l'Etat de Genève une parcelle de l'entreprise ABB pour que Sécheron puisse y construire sa nouvelle usine.
On parle de passe-droit. Qu'il me soit simplement permis de vous dire que le terrain industriel sur lequel l'entreprise Sécheron cherche à construire son usine a été récupéré par l'Etat dans l'acte d'échange pour une valeur de 80 F le m2, alors que le contrat de superficie accordé par l'Etat de Genève au groupe Noga pour la même parcelle repose sur une valeur foncière de 200 F le m2. Ce n'est pas une si mauvaise affaire pour l'Etat.
A l'époque, notre collègue Grobet estimait que cette valeur était insuffisante, et nous en avions discuté au Conseil d'Etat. Il est permis d'en faire état aujourd'hui, puisque notre collègue Grobet n'ayant pas été d'accord avec notre décision avait fait noter son opposition au procès-verbal. 200 F le m2, c'est tout simplement la limite supérieure de ce qui est aujourd'hui pratiqué de manière usuelle dans les zones industrielles. Allait-on traiter une entreprise telle que Sécheron SA de manière différente que le sort réservé aux autres entreprises industrielles dans les autres zones industrielles ? Allait-on, alors que nous avions récupéré ce terrain pour 80 F le m2, le mettre à disposition sur des valeurs foncières qui n'avaient plus rien à voir avec les valeurs foncières de terrains industriels ? En l'occurrence, 200 F le m2 était une valeur foncière importante.
Le département des travaux publics a été amené à délivrer les autorisations de construire nécessaires, compte tenu du contrat de superficie. Je voudrais vous dire ici que le département des travaux publics a été chargé de veiller à ce que l'ouverture du chantier se fasse conformément à ce qui était prévu et à ce que le droit de superficie soit respecté dans toutes ses clauses. Le 13 décembre 1994, le chef du département des travaux publics a été amené à écrire à Noga Invest qu'il considérait que le chantier n'avait pas été valablement ouvert et que, en d'autres termes, le droit de superficie était caduc, conformément aux clauses contractuelles prévues à l'époque. Alors que l'on ne vienne pas parler ici de passe-droit ! Pour être complet, je dirai que cette position du département des travaux publics est contestée par le groupe Noga qui estime, lui, que le chantier a été valablement ouvert et qui, par conséquent, conteste que le contrat de droit de superficie soit devenu caduc.
Des enjeux politique, Sécheron, entreprise performante - je le rappelle - en a été lamentablement prisonnière. Mais elle s'est aussi trouvée prisonnière d'enjeux liés à l'ensemble des intérêts, aujourd'hui soumis à difficulté, de son actionnaire principal. C'est une préoccupation importante du gouvernement et nous travaillons d'arrache-pied pour trouver des solutions.
A ce sujet, je puis vous donner des informations importantes. Notre objectif a été de sortir Sécheron SA de la zone de turbulences dans laquelle se trouvait son actionnaire principal. Je tiens à vous dire que les négociations ont abouti et que, par une décision de ce jour prise par le conseil d'administration de la Banque cantonale de Genève, le groupe Noga ne contrôle plus Sécheron SA.
En d'autres termes, cette entreprise est aujourd'hui propriété de la Banque cantonale. Comme elle n'a pas vocation industrielle, elle réalise donc une opération de portage et cherchera des partenaires industriels avec le vrai projet industriel d'augmenter encore l'impact industriel de cette entreprise. Je voudrais rendre hommage à la Banque cantonale qui a fait preuve d'un sens remarquable des responsabilités. Le Conseil d'Etat a pris ses responsabilités dans cette opération en mettant à disposition de Sécheron un terrain qui devait être celui sur lequel elle pouvait reconstruire son outil de travail. Nous examinerons encore d'autres solutions, compte tenu de ce que nous estimons être la caducité du contrat de superficie. La Banque cantonale a pris ses responsabilités en prenant le contrôle de cette entreprise performante. Nous avons pris nos responsabilités et nous souhaiterions que ceux qui ont signé la résolution en fasse autant.
Puisque nous parlons de prise de responsabilités, nous pouvons évoquer un autre domaine au passage. La Ville de Genève a approuvé une convention en ce qui concerne le casino, soit une convention de cessions d'actions de la société d'exploitation du Casino de Genève à un nouveau consortium d'actionnaires, convention de cession d'actions que le Conseil d'Etat a refusé d'approuver. La Ville de Genève, dont je n'ai pas besoin de vous rappeler quelle est la majorité de son conseil administratif, a recouru jusqu'au Tribunal fédéral contre cette décision du Conseil d'Etat. Le Tribunal fédéral a donné raison au Conseil d'Etat. La convention de cession d'actions n'est pas approuvée. Qui parle ici de complaisance en cherchant à jeter une suspicion sur le gouvernement ?
Je crois vous avoir, d'ores et déjà, donné un certain nombre d'indications qui, en ce qui concerne Sécheron, le volet immobilier, le volet bancaire, le volet Grand Casino montrent que le gouvernement a pris ses responsabilités sans complaisance avec un seul objectif, celui de la vitalité économique de notre canton, celui des emplois.
M. Christian Grobet (AdG). Nous avons entendu avec beaucoup d'intérêt la déclaration faite par M. Jean-Philippe Maitre, et j'aimerais le remercier pour un certain nombre d'éléments d'information qui ont été donnés. Vous me permettrez de vous dire, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque certains termes de la résolution vous déplaisent, que si des informations précises avaient été régulièrement données, certains ne demanderaient peut-être pas la création d'une commission d'enquête. Vous avez dit quelque chose d'important, à savoir que l'entreprise Sécheron SA n'était plus en mesure de survivre économiquement du fait de son actionnaire principal...
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je n'ai jamais dit ça !
M. Christian Grobet. Si la Banque cantonale - vous venez de l'indiquer - s'est engagée sur le plan économique pour soutenir, même provisoirement, cette entreprise, c'est bien évidemment en raison des problèmes avec l'actionnaire principal ! Dans le cas contraire, elle ne le ferait pas. Cela nous interpelle tout de même. L'intervention de la Banque cantonale était probablement souhaitable dans le cas de Sécheron SA. D'ailleurs, nous avons précisément souhaité une telle intervention dans le cadre de l'initiative «La Suisse», si décriée par certains. Vous avez souligné le courage de la Banque cantonale, mais il n'en demeure pas moins que nous ne voudrions pas que cette dernière s'engage dans une fuite en avant pour reprendre d'autres opérations de M. Gaon qui pourraient mal tourner.
Je le rappelle, l'affaire de l'usine de Sécheron SA a fait l'objet de quatre projets successifs dont un, Monsieur Balestra, empiétait sur la parcelle de l'OMM. Or, vous avez dit tout à l'heure que je ne me souciais pas des organisations internationales, ce qui est parfaitement malvenu ! En effet, si ce projet avait été autorisé, le siège de l'OMM n'aurait pas pu être réalisé.
Je clos cette parenthèse avec cette dernière remarque. Il y avait une stratégie évidente de la part de Noga Invest de récupérer la parcelle de l'Etat, qui, du reste, l'a rachetée à 100 F le m2 en tenant compte de ce qui a été payé à Satigny - mais cela est un autre sujet. Vous avez raison de dire qu'un terrain industriel ne devrait pas être mis en droit de superficie à plus de 200 F, mais le problème n'est pas là. En réalité, M. Gaon ne voulait pas utiliser ses propres terrains industriels d'une superficie de 43 000 m2 pour construire son usine, et on lui a mis à disposition un terrain où il paraissait très douteux qu'il ait véritablement envie de construire.
Pendant un certain temps j'ai eu des échos - car, malgré tout, j'ai cru qu'il ferait quelque chose - que la direction de Sécheron SA ne souhaitait pas du tout la construction de ce bâtiment en raison des charges financières énormes qu'il allait entraîner pour cette entreprise ! Toujours est-il que, indépendamment de ce qui est la vérité - peut-être l'apprendra-t-on un jour - le bâtiment autorisé depuis plus de deux ans et demi n'a jamais été construit, et, aujourd'hui, on apprend que Noga Invest ne veut même pas se délier du contrat de droit de superficie, ce qui démontre, finalement, que, hélas, le Conseil d'Etat, à l'époque, avait fait trop facilement confiance à M. Gaon en ce qui concerne ce terrain qui, effectivement, a été un enjeu immobilier. J'espère que l'Etat arrivera à récupérer son bien !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Qu'il me soit permis d'exprimer ma déception à l'égard de ce que vient de dire M. Grobet !
En effet, j'espérais au moins que vous vous abstiendriez d'en rajouter sur Sécheron et sur la Banque cantonale, compte tenu de l'importance des informations qui ont été données et de l'importance des enjeux et des responsabilités prises par le gouvernement dans cette affaire. Parlant de la Banque cantonale, vous dites : «J'espère que ce n'est pas le début d'une fuite en avant.». Qu'aurait-on entendu si le conseil d'administration de la Banque cantonale n'avait pas pris la décision qui a été la sienne aujourd'hui !
La Banque cantonale n'a aucune raison de s'engager dans une fuite en avant, parce qu'elle ne s'est pas engagée sur les affaires du groupe Noga qui, aujourd'hui, sont l'objet de la tourmente, notamment les affaires russes, etc. Elle s'est engagée comme banque cantonale, parce que sa mission est de soutenir le tissu économique de ce canton et de soutenir les industries valables. Elle ne doit certainement pas soutenir les canards boiteux ! Sécheron est une industrie valable, performante, en pleine croissance; il était de la responsabilité de la Banque cantonale d'aller de l'avant. Elle a pris ses responsabilités, et je trouve très regrettable que l'on ternisse la portée de son action en tenant de tels propos. Ce n'est pas convenable !
De même il n'est pas convenable de tenter de porter le soupçon sur la qualité de l'entreprise Sécheron SA en disant qu'elle ne pourrait pas survivre aux difficultés de son propre actionnaire. Monsieur Grobet, les choses sont complètement différentes ! Vous pouvez bien imaginer, les actions de Sécheron étant dans le patrimoine d'un actionnaire qui se trouve en difficulté - cela se sait, c'est sur la place publique - que ce type de fait est de nature à perturber la clientèle de Sécheron. Au contraire, nous devons rassurer et garantir la clientèle de Sécheron qui peut espérer des contrats de production sur le long terme et qui a besoin d'engagement de cette entreprise pour ne pas risquer de voir les actions de cette dernière faire l'objet d'une discussion dans le cadre d'une procédure concordataire ou autre où elles seraient bloquées.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu que ces actions soient en sécurité. Elles le sont et, de cette manière, ce sont les emplois de Sécheron qui sont en sécurité. Vous n'avez donc pas le droit de jeter le discrédit sur la banque, surtout après ce qu'elle a fait ! (Le ton de M. Maitre est véhément et indigné.) Vous n'avez pas le droit de jeter le discrédit sur Sécheron, parce que c'est un des fleurons de notre industrie ! (Vifs et longs applaudissements. Des bravos fusent.)
(M. Christian Grobet demande la parole avec force.)
La présidente. Je regrette, Monsieur Grobet, je vous ai déjà donné la parole ! (Très vive contestation et sifflets.) Monsieur Grobet, tout a été dit !
M. Christian Grobet. (L'orateur crie pour se faire entendre, car son micro n'est pas ouvert.) On a dit que je jetais le discrédit sur la Banque cantonale... (Grand chahut.) ...je n'accepte pas ces termes ! Je n'accepte pas que l'on dise que je jette le discrédit sur la Banque cantonale !
La présidente. Monsieur Grobet, je considère que le débat est clos. Je suis navrée, je crois que j'ai été assez objective dans mes temps de parole ! (Applaudissements.)
Nous passons à la procédure que nous allons suivre. Une demande de renvoi à une commission ad hoc ayant été formulée, nous allons voter sur cette proposition. Au cas où cette proposition serait refusée, nous voterons sur l'amendement de M. Michel Balestra et, ensuite, sur la résolution.
M. Michel Balestra (L). Notre groupe votera contre le renvoi en commission, parce que nous aimerions voter le projet de résolution amendé. Nous trouvons le débat que nous avons eu aujourd'hui tout à fait lamentable, mais ce sera l'occasion de faire la lumière sur ce qu'ont coûté douze ans de «pouvoir Grobet» au DTP... (Vive contestation.)
La présidente. (Coupant la parole à l'orateur.) Je suis navrée, Monsieur Balestra, cette fois je dois donner la parole à M. Christian Grobet ! (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, je tiens à vous rassurer, les amendements de M. Balestra sont si ridicules que, personnellement, je ne m'oppose pas du tout à ce que vous les rajoutiez. Ce sera l'occasion de s'expliquer !
Je profite de l'occasion pour dire clairement que je n'accepte pas d'être accusé de jeter le discrédit sur la Banque cantonale. (Remarques.) J'ai uniquement demandé qu'il y ait un minimum de transparence dans l'intérêt de la population. M. Dupraz a déploré tout à l'heure que des attaques soient publiées dans la presse contre la Banque cantonale. Nous avons simplement dit que, face à ces attaques, la meilleure des ripostes était que celle-ci s'explique clairement.
D'autre part, Monsieur Maitre, je n'ai pas reproché à la Banque cantonale de venir au secours de Sécheron SA. Je ne l'ai pas dit, et d'ailleurs vous pourrez relire le Mémorial pour vérifier. Au contraire, j'ai souligné que c'était probablement favorable dans ces circonstances. J'ai simplement dit que je ne souhaitais pas que cette démarche de la Banque cantonale devienne une fuite en avant pour d'autres opérations effectuées par Noga à Genève.
Mise aux voix, cette proposition de résolution est renvoyée à une commission ad hoc.
La présidente. Cette commission sera composée de Mmes et MM. : Bernard Annen, Jean-Pierre Gardiol, Nicolas Brunschwig, René Koechlin, Geneviève Mottet-Durand pour le parti libéral, Christian Grobet, Jean-Pierre Lyon, Pierre Vanek pour l'Alliance de gauche, Micheline Calmy-Rey, Elisabeth Reusse-Decrey pour le parti socialiste, Pierre Kunz, Françoise Saudan pour le parti radical, Bénédict Fontanet, Claude Blanc pour le parti démocrate-chrétien et Max Schneider pour le parti écologiste.
La présidente. Je vous prie d'être attentifs, nous allons terminer les deux points concernant le département de l'économie publique, et ensuite j'aurai une communication à vous faire.
Mme Claire Chalut (AdG). On constate, depuis quelques années, une augmentation quasi pléthorique... (Il y a un intense brouhaha et de nombreux députés quittent la salle.) Je crois que les députés qui partent sont plus intéressés par leur faim que par ce sujet qui est pourtant très important ! Madame la présidente, je ne sais pas quelle décision vous voulez prendre, mais...
La présidente. Je suis navrée, Madame Chalut, les députés sont libres d'assister ou pas à une intervention parlementaire. Vous avez la parole, je vous prie de continuer !
Mme Claire Chalut. (L'oratrice bougonne.) Bon ! C'est dommage, parce que ce sujet les concerne !
La présidente. Ecoutez, c'est leur problème ! (Eclat de rire.)
Mme Claire Chalut. On constate depuis quelques années une augmentation quasi pléthorique d'officines de placement en tout genre à Genève. Ces dernières doivent, pour pouvoir exercer leurs talents, obtenir une autorisation dûment accordée par l'office cantonal de l'emploi. Cette autorisation n'est délivrée que «si les conditions prévues par les prescriptions fédérales et cantonales sont remplies», c'est-à-dire si les conventions collectives de travail et les tarifs paritaires sont respectés. (Les conversations vont bon train. L'oratrice fait une pause, et la présidente fait sonner sa cloche.)
Dès lors, nous pourrions dire : pourquoi en parler ?
Pourtant, il faut en parler, car de nombreuses officines ne répondent pas à ces exigences.
Dans le secteur du bâtiment, par exemple, il y a environ une centaine d'agences, toutes tailles confondues, mais qui ont toutes un point commun entre elles : il y a plus ou moins des problèmes avec tout le monde, mais certaines se distinguent plus que d'autres. En effet, dans la pratique, on a souvent de la peine à faire respecter les conventions collectives de travail, à faire respecter les tarifs paritaires (heures souvent payées en dessous des pratiques habituelles), etc. Il y en a même - et c'est une minorité, mais faut-il laisser faire sous prétexte que ce n'est qu'une minorité ? - qui ne respectent - au su et à la vue de tous - ni l'un ni l'autre. Pourtant, rien n'empêcherait ces employeurs de solliciter les permis de travail nécessaires lors d'engagement de travailleurs étrangers, puisque le chômage, particulièrement dans le gros oeuvre nécessitant une main-d'oeuvre peu ou pas qualifiée et où il y a une forte demande, y est faible.
Parmi cette minorité récalcitrante, quelques-unes - dont les noms sont sans aucun doute connus du département de l'économie publique - se comportent comme de vrais mafieux, et inspirent, de ce fait - et avec raison - de grandes inquiétudes aux syndicats qui voient, de plus, se développer dans ce climat de crise ambiante un marché important de travail clandestin, provoquant du même coup une sous-enchère salariale !
Il y a bien de temps en temps l'une ou l'autre de ces agences qui se font prendre la main dans le sac, mais ce sont les travailleurs qui trinquent ! L'entreprise, quant à elle, s'en sort avec une pirouette, dans le meilleur des cas, sinon par le paiement d'une amende !
Et l'on se trouve dans la situation suivante : d'un côté, il y a des travailleurs qui seraient en droit d'avoir un permis de travail, de l'autre, l'on trouve des entreprises qui ne respectent pas les règles ou qui renâclent à les respecter et, enfin, au bout du compte, des personnes qui, elles, n'ont pas le choix, travaillent sans permis et deviennent des «clandestins».
C'est l'histoire du serpent qui se mord la queue !
L'Etat qui est aussi maître d'oeuvre de nombreux chantiers, par son mutisme - ou son laxisme - par sa non-intervention d'obliger ces entreprises à respecter la loi, porte une grande responsabilité en laissant se développer un tel marché d'emplois !
Les entreprises du bâtiment qui font appel à ces agences de travail temporaire - alors qu'elles pourraient parfaitement engager elles-mêmes le personnel nécessaire, mais ne le font pas sous prétexte d'économies - portent également une lourde responsabilité en acceptant cette forme de marché.
L'un et les autres, par leur attitude, instaurent dans les faits la précarité de l'emploi qui touche une catégorie de personnes extrêmement fragiles et qui, de surcroît, ne bénéficient d'aucune citoyenneté. Ce n'est à l'évidence pas cela qui est une politique de l'emploi, dont certains se prévalent tellement dans cette enceinte !
Est-ce en instituant la précarisation de l'emploi - qui renforce d'ailleurs le chômage, paradoxalement - que l'on veut relancer l'économie, lutter contre celui-ci ? Ce n'est pas, Mesdames et Messieurs les députés, avec de tels emplois que l'on se forge des projets de société, que l'on se forge une stabilité de vie tout court, bref, que l'on respecte la dignité des travailleurs.
Aujourd'hui, ça touche quelques secteurs du bâtiment. Demain, à qui le tour : la vente ? D'autres secteurs du tertiaire ?
En conséquence, je demande au Conseil d'Etat de veiller avec plus de rigueur que jusqu'à maintenant à ce que des permis de travail soient délivrés quand rien ne s'y oppose et de tout mettre en oeuvre pour que les législations tant fédérale que cantonale soient respectées.
Mes questions subsidiaires sont les suivantes :
1) Votre politique de l'emploi consiste-t-elle plutôt à encourager la prolifération des emplois précaires ?
2) A quel rythme se font actuellement les contrôles exigés par la loi ? En effet, celle-ci dit : «L'office cantonal de l'emploi se réserve le droit de contrôler périodiquement si l'entreprise remplit toujours les conditions d'autorisation.» (Art. 5 - J 4 2).
On le voit, cette mesure n'est à l'évidence pas très contraignante pour ces entreprises qui ne bénéficient déjà pas, de manière générale, d'une très bonne réputation.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. L'interpellatrice a posé un certain nombre de questions en relation avec les agences de travail temporaire et les bureaux de placement. Ces préoccupations sont pour l'essentiel les suivantes : d'une part, le respect des usages et des conventions collectives là où il y en a et, d'autre part, à propos de la main-d'oeuvre étrangère.
Permettez-moi, Madame la députée, de vous dire qu'en ce qui concerne le respect des usages, je suis non seulement d'accord avec vous, mais je me suis battu pour que la loi cantonale impose aux entreprises de travail temporaire l'obligation de respecter les usages pour le personnel temporaire qu'elle met à disposition d'entreprises tierces. Vous savez que le Tribunal fédéral a cassé la disposition de notre loi cantonale sur le service de l'emploi après le recours de l'Association des entreprises de travail temporaire. Nous n'avons plus de possibilité d'imposer aux entreprises de travail temporaire le respect des usages en matière de convention collective ou en matière de travail. Je le regrette, mais je suis impuissant à corriger cette situation, puisqu'un arrêt du Tribunal fédéral a annulé l'article 8 de la loi sur le service de l'emploi que nous avions élaboré.
S'agissant de la main-d'oeuvre étrangère, je puis vous assurer que les commissions du marché de l'emploi et l'office cantonal de l'emploi n'accordent pas de permis de travail étranger aux entreprises de travail temporaire. La situation d'une entreprise de travail temporaire qui, connaissant une personne sans emploi au bénéfice d'un permis, pourrait le placer régulièrement dans une entreprise est une autre possibilité. Mais nous n'accordons pas de permis de travail étranger à des entreprises de travail temporaire.
Pour ce qui est des dénonciations pénales, un certain nombre d'entreprises de travail temporaire ont été effectivement «pincées» - parce que nous accentuons les contrôles - à employer de la main-d'oeuvre sans autorisation et à placer auprès de loueurs de services de la main-d'oeuvre sans autorisation. Ces cas sont jugés graves, et nous les dénonçons systématiquement au Procureur général. Le patron d'une des entreprises de travail temporaire a même été condamné à des peines privatives de liberté. C'est vous dire la gravité de ces dossiers que nous suivons donc avec intérêt.
Mme Claire Chalut (AdG). Je souhaiterais répliquer à l'occasion de la prochaine séance.
La présidente. Nous en prenons bonne note.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Clerc a posé un certain nombre de questions. Je vais y répondre brièvement comme suit :
1) Y a-t-il eu respect des procédures nécessaires en matière de licenciement collectif ?
Une instruction a été ouverte, et nous n'avons pas encore les résultats de cette instruction. A ce stade, je ne peux dès lors pas vous dire si la procédure a été respectée. Il y avait des éléments de non-respect de la procédure, c'est pourquoi nous avons ouvert cette instruction.
2) Vous souhaitez avoir des renseignements sur le nombre de personnes qui seraient réengagées, respectivement le nombre d'emplois qui sont menacés.
A cet égard, je peux vous donner les informations suivantes. C'est une personne du groupe Jelmoli - et non pas de l'entreprise Fust - qui est responsable de la coordination dont l'objectif est que le maximum de personnes soient réengagées. A titre de point de comparaison, la personne en question qui s'occupe de la réorganisation de la société Torre, dans le cadre du nouveau groupe auquel elle appartient désormais, est la même que celle qui avait été chargée de régler la réorganisation du centre Grand Passage de Carouge. Cent emplois étaient en jeu, et un seul a été perdu ! C'est une personne efficace. L'objectif c'est que personne ne se retrouve au chômage dans cette opération de reprise de Torre par Fust. Pour cela, nous avons mis en place un groupe de travail avec des collaborateurs de l'office cantonal de l'emploi... (Le brouhaha est intense. L'orateur s'arrête de parler. La présidente fait sonner sa cloche.)
La présidente. Je suis navrée, Monsieur le conseiller d'Etat, ce brouhaha est inacceptable !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Cela montre apparemment le crédit et l'intérêt que le Grand Conseil porte aux interpellations urgentes, mais cela n'est pas pour surprendre le gouvernement ! (Rires.)
Un groupe de travail a été mis en place sous l'égide de l'office cantonal de l'emploi, avec les responsables de l'entreprise et les partenaires sociaux qui sont évidemment partie prenante à ce groupe de travail. Actuellement, il y a environ cinquante emplois en jeu, qui sont discutés. L'objectif - je le répète - est de ne perdre aucun de ces emplois. Des négociations sont en cours qui portent également sur un plan social. Elles font l'objet de discussions dans le cadre du groupe de travail auquel j'ai fait allusion.
Des propositions ont d'ores et déjà été acceptées, mais il y a un désaccord syndical, non pas de la partie patronale ou de l'OCE, mais des deux syndicats entre eux. Vous avez comme partenaires syndicaux l'Association des commis de Genève et le SIT. Des propositions ont été acceptées par les commis et refusées par le SIT, qui, soit dit en passant, n'est d'ailleurs pas venu aux séances auxquelles il était convoqué. C'est la raison pour laquelle il est reconvoqué pour de nouvelles séances. Nous voulons vraiment que la discussion et le dialogue aient lieu. Le plan social qui est en discussion est ouvert, généreux. Je le répète encore une fois, l'objectif dans cette affaire est qu'aucun emploi ne soit perdu.
C ette interpellation urgente est close.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai trois communications à vous faire.
Nous reprendrons nos travaux à 21 h 15 avec le point 16 de l'ordre du jour. Je rappelle aux membres du Bureau et aux chefs de groupe qu'une réunion est prévue une demi-heure avant la reprise de la séance, soit à 20 h 45. A la suite de cette réunion du Bureau et des chefs de groupe, une communication sera faite à la presse sur la manière dont elle sera informée concernant le résultat de nos travaux.
A la suite d'une décision du Bureau, les rapports de majorité et de minorité vous seront distribués concernant le point 16. Je vous prie, Monsieur Vaucher, d'être particulièrement attentif, parce que cela vous concerne également ! Je vous rappelle que l'article 94 de la loi portant règlement du Grand Conseil spécifie ce qui suit : «Le huis clos oblige au secret toutes les personnes qui sont présentes dans la salle ou qui y sont astreintes.». Je vous rappelle également le serment ou la promesse des députés : «...de garder le secret dans tous les cas où il me sera enjoint par le Grand Conseil.». S'agissant d'une procédure de huis clos, il vous est donc enjoint de garder un strict secret de fonction !
Messieurs les huissiers, je vous prie de distribuer les enveloppes à chacun des députés.
La séance est levée à 19 h 35.