République et canton de Genève

Grand Conseil

M 964
16. Proposition de motion de Mmes et MM. Max Schneider, Roger Beer, Hervé Burdet, Elisabeth Reusse-Decrey et Sylvie Hottelier : Où en est-on avec le projet pilote de réhabilitation de la Seymaz - M 843 ? ( )M964

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 7 octobre 1993, c'est à l'unanimité que le Grand Conseil a accepté, après des modifications apportées en commission, un nouveau projet de motion (M 843-A), qui a été renvoyé au Conseil d'Etat.

Cette volonté unanime illustre l'intérêt des députés pour des résultats concrets concernant la réhabilitation de la Seymaz (M 843-A) visant à revitaliser le seul cours d'eau situé entièrement sur territoire genevois.

Dans cette motion, les invites acceptées à l'unanimité par la commission, puis par le Grand Conseil, étaient les suivantes:

1. à réunir, sous l'autorité du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, les personnes concernées par le problème posé par la parcelle no 1945, feuille H, de Choulex, afin de trouver une solution dans les plus brefs délais;

2. à présenter un programme d'action, s'appuyant, entre autres, sur les différentes études déjà effectuées au sujet des possibilités de réhabilitation de certains marais et d'une politique globale de l'eau sur le bassin de la Seymaz, portant sur le court, le moyen et le long terme, compte tenu des atteintes déjà portées à ce lieu, notamment par la densification de la zone construite, ainsi que de son extension prévue;

3. à faire de la Seymaz, en concertation avec tous les milieux intéressés, un projet pilote, un exemple genevois de revitalisation d'un cours d'eau.

Après tant d'efforts déployés, où en est-on aujourd'hui ?

En fait l'invite no 1 semble avoir trouvé un dénouement concret avec l'AGPN et le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER). Il faut ici souligner le travail de médiation effectué par2 commissaires auprès des différentes parties pour que le WWF retire sa plainte et qu'un projet «état naturel» puisse être réalisé sur cette parcelle.

Pour les invites nos 2 et 3, hélas, nous n'avons pas été informés d'éventuels avancements ou même d'incitation d'un programme d'actions s'appuyant sur différentes études déjà effectuées. Nous avons encore moins été informés d'actions concrètes sur le terrain.

Il nous semble que la réalisation des invites de la motion pourra permettre la création de nouvelles activités et la mise en place de programmes d'occupations dans le domaine de l'environnement. L'expérience acquise dans le cadre de ce projet pilote sera utile pour l'avenir. La situation sinistrée des cours d'eau genevois et de la région frontalière n'est plus à démontrer. Dans ce domaine, un potentiel de travail reste encore inexploité et offre une piste de réflexion pour la création d'emploi à moyen et à long terme.

Ce savoir-faire peut être utile à notre canton, à notre région, mais il est aussi susceptibe d'être exporté à l'étranger, dans le cadre des projets d'échange.

Que devient la concertation agriculteur et environnement ?

Nous sommes conscients que le travail d'information, la prise de conscience et la concertation de l'ensemble des acteurs pour la mise en place d'un tel projet n'est pas simple.

Dans le cadre de la nouvelle structure des départements, à savoir la séparation des présidences de l'agriculture et de l'environnement, respectivement MM. Jean-Philippe Maitre (DEP), Claude Haegi (DIER), voire Philippe Joye (DTPE), nous avons quelques inquiétudes quant à la mise en place de la structure de concertation.

Nous aimerions que le Conseil d'Etat précise au plus vite quel est le département qui coordonne cette problématique et, partant, prendra ce projet pilote sous sa responsabilité. Cela afin que les personnes et associations intéressées puissent avoir un interlocuteur précis.

Dans cette attente, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette proposition de motion.

Débat

M. Roger Beer (R). Cette motion est un peu spéciale. Elle est le reflet d'un certain agacement de la part des députés. Elle reprend quasiment les termes d'un rapport qui a été déposé et accepté par le Grand Conseil en octobre 1993 - nous sommes en janvier 1995 ! - traitant de la question très complexe de la Seymaz et des problèmes qui y sont liés : la protection de la nature, l'endiguement d'une rivière, la réhabilitation et l'amélioration d'une rivière genevoise, entièrement genevoise - on ne le dira jamais assez - et également la mise en valeur de terrains agricoles.

Nous avions passé un certain nombre de séances à essayer de comprendre le problème, grâce aux explications des services compétents et à celles de M. Haegi, conseiller d'Etat. Nous nous sommes rendus sur place et, finalement, nous avions trouvé un consensus malgré le conflit qui existait entre différentes personnes, voire différents intérêts sur la réhabilitation d'un endroit naturel. On nous avait dit que le problème allait être réglé et qu'un plan nous serait présenté pour nous prouver l'intérêt que l'on portait à la chose. J'ai été très agacé lorsque je suis tombé sur un article de la «Tribune de Genève», du 19 août 1990, dans lequel M. Claude Haegi disait que nos rivières étaient menacées et qu'il fallait passer à la vitesse supérieure pour assurer leur assainissement et établir un programme avec des échéances contraignantes.

En janvier 1995, Monsieur Haegi, je ne peux être que déçu ! En effet, la Seymaz était l'exemple typique sur lequel vous pouviez faire une action d'éclat. Vous aviez toutes les cartes en main. A mon avis, vous les avez encore, mais aujourd'hui les choses se compliquent. Auparavant, nous avions un seul interlocuteur en matière d'environnement sur ce problème et aujourd'hui il y en a trois : M. Maitre, pour les problèmes agricoles, M. Joye, pour l'endiguement et vous, Monsieur Haegi, pour le reste. C'est gênant pour nous, car nous ne savons plus à qui nous adresser. C'était plus simple avant. La collégialité permettra peut-être d'arriver rapidement à une solution efficace !

Il ne faut pas polémiquer, mais plutôt essayer de comprendre ce qui se passe. Si le Conseil d'Etat est intéressé à la réhabilitation des cours d'eau, on peut se demander pourquoi, ces dix-huit derniers mois, on n'a pas continué les prélèvements sur la qualité des cours d'eau depuis le rapport qui a été publié en juin 1993, le cahier de la santé No 3, consacré aux rivières et aux lacs. Y figurait une statistique extrêmement précise qui indiquait que la moyenne qualitative des rivières était très mauvaise. Le chiffre 20 correspond à une très bonne qualité de l'eau, mais la totalité des rivières genevoises se situe entre 3 et 5, la Seymaz y compris. Nous n'avons pas constaté d'évolution positive, ce qui n'est pas un scoop, mais, surtout, nous n'avons pas l'impression d'un suivi ni d'une volonté réelle d'améliorer la situation.

Madame, Messieurs du Conseil d'Etat, la motion que le parti radical désire renvoyer au Conseil d'Etat demande une réponse au rapport qui date d'un an et demi et une information - ce qui est important pour les associations de protection de la nature, pour les communes, pour les agriculteurs - afin d'indiquer à qui l'on doit s'adresser en cas de besoin.

Il y a peu de questions, mais l'attente est très grande. Tout est à faire, et la Seymaz est une occasion de prouver une certaine volonté politique. Ce projet devait devenir un projet-pilote sur lequel tout le monde était d'accord, mais, malheureusement, rien n'a été fait.

Mes regrets sont encore plus grands d'entendre dire que Reuters va résoudre le problème. Tant mieux, si c'est le cas ! Mais, personnellement, je ne vois pas le lien. D'un côté on nous a fait des promesses au sujet de la Seymaz et d'un autre il y a les compensations du projet Reuters. L'association, suite à la pression de la Seymaz, de ces deux projets m'a profondément choqué.

Nous vous invitons donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et nous attendons une réponse concrète dans les meilleurs délais.

M. Max Schneider (Ve). La mise en place du nouveau gouvernement a donné lieu à une certaine restructuration des départements, notamment à un heureux mariage entre l'office cantonal de l'énergie et le département des travaux publics, qui nous a permis d'avancer et d'effectuer le fameux bilan des bâtiments de l'Etat. Par contre, le drame est grave, comme vient de le souligner M. Beer - car c'est un drame - d'avoir séparé l'agriculture de l'environnement...

M. John Dupraz. A qui le dis-tu !

M. Max Schneider. ...notamment pour la concrétisation des projets qui ont été étudiés durant la dernière législature. Je ne critique pas M. Haegi, parce que, dans le fond, il ne représente qu'une partie du problème, puisqu'il nous manque deux autres conseillers d'Etat, notamment, le responsable de l'agriculture.

Comment vont s'effectuer les compensations écologiques ou environnementales pour réhabiliter la Seymaz, comme cela nous avait été promis ? Je ne développerai pas toute l'argumentation, comme M. Beer vient de le faire, mais je pense que les cosignataires, dans leur ensemble, sont d'accord de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat en les invitant à se mettre tous d'accord et à travailler ensemble pour la réalisation rapide de cette motion. Elle demandait de rendre, au plus tard d'ici neuf mois, un programme d'actions s'appuyant sur des études existantes. Et que l'on ne vienne pas nous parler de finances, parce que toutes les études ont déjà été effectuées ! Il suffit de les mettre en place. Elle demandait également un rapport sur les réalisations déjà entamées.

Puisque l'agriculture fait partie du département de l'économie, j'aimerais également souligner que ce projet de réhabilitation des cours d'eau, et plus spécialement celui de la Seymaz comme projet-pilote, est un potentiel pour la création d'emplois. Beaucoup de chômeurs n'ont pas de formation spécifique, et l'aménagement des rives et autres travaux offrent des possibilités de travail sans spécialisation. Il faut donc négocier avec les paysans les terres qui pourraient être inondables et il faut examiner tous les travaux d'aménagement qui pourraient être mis en oeuvre.

J'espère que cette motion sera accueillie favorablement.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Beer a cité quelques-uns de mes propos exprimés en 1990. Je les confirme; je n'ai pas changé d'avis ! Quant aux lenteurs que vous relevez, je les regrette comme vous.

Le problème est complexe, vous le savez, comme vous savez que les résistances ne viennent pas seulement des complications éventuelles de notre organisation administrative, mais qu'elles sont le fait de divers milieux. Ce qui me surprend est le fait que ces résistances se lèvent rapidement lorsqu'on se trouve dans les circonstances que vous avez décrites tout à l'heure. Dès le moment où quelques moyens financiers se précisent, il semble que le paysage se modifie !

Je partage en partie les sentiments qui sont les vôtres, les projets devant être conduits pour eux-mêmes et en dehors de ces considérations. Cela ne nous empêche pas d'accepter cette logique qui veut que, lorsque le territoire est modifié d'une manière qui n'a pas été envisagée, nous ayons des primes de compensation. C'est une politique qui a été acceptée.

Avec l'appui de mes collègues des deux autres départements concernés, je vous répondrai dans les meilleurs délais.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

Où en est-on avec le projet pilote de réhabilitationde la Seymaz (M 843-A) ?

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil, du 11 novembre 1992, concernant la politique globale de l'eau;

- les projets de lois 6754 et 6768 visant à encourager des zones tampons aux abords des cours d'eau et à contribuer à la création et au maintien de biotopes naturels et variés;

- les propositions de l'AGPN (Association pour la protection de la nature et du WWF-Genève, qui invitent le Conseil d'Etat à prendre des mesures en faveur de la protection de la Seymaz;

- le fait que la Seymaz soit le seul cours d'eau entièrement situé sur territoire genevois;

- le rapport sur la motion 843 accepté à l'unanimité par le Grand Conseil le 7 octobre 1993,

invite le Conseil d'Etat

- à renseigner le Grand Conseil sur l'avancement des démarches relatives à la Seymaz, en indiquant le département qui sera coordinateur de la réalisation de ce projet pilote;

- à rendre, au plus tard d'ici 9 mois, un programme d'action, s'appuyant notamment sur les études existantes;

- à présenter un rapport sur les réalisations déjà entamées.