République et canton de Genève

Grand Conseil

No 2

Jeudi 19 janvier 1995,

nuit

Présidence :

Mme Françoise Saudan,présidente

La séance est ouverte à 20 h 45.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Luc Barthassat, Claude Blanc, Catherine Fatio, Luc Gilly, Mireille Gossauer-Zurcher, David Hiler, Pierre Meyll et Jean-Pierre Rigotti, députés.

E 760
3. Prestation de serment de Mme Vérène Nicollier, nouvelle députée. ( ) E760

Mme Vérène Nicollier est assermentée. (Applaudissements.)

 

E 756
4. Prestation de serment de M. François Paychère, élu substitut du procureur général. (Entrée en fonctions immédiate). ( ) E756
Mémorial 1995 : Election, 20.

M. François Paychère est assermenté. (Applaudissements.)

 

E 755
5. Prestation de serment de M. Jean Ruffieux, élu juge au Tribunal de première instance et de police. (Entrée en fonctions : 1er juillet 1995). ( ) E755
Mémorial 1995 : Election, 20.

M. Jean Ruffieux est assermenté. (Applaudissements.)

 

E 757
6. Prestation de serment de M. Christophe Zellweger, élu juge suppléant à la Justice de paix et Chambre des tutelles. (Entrée en fonctions : 1er février 1995). ( )   E757
Mémorial 1995 : Election, 21.

M. Christophe Zellweger est assermenté. (Applaudissements.)

 

E 753
7. Prestation de serment de M. Mark Muller, élu juge assesseur au Tribunal des baux et loyers, représentant les milieux immobiliers. (Entrée en fonctions : 1er avril 1995). ( ) E753
Mémorial 1995 : Election, 20.

M. Mark Muller est assermenté. (Applaudissements.)

 

E 761
8. Tirage au sort de deux membres suppléants de la commission de grâce en remplacement de M. Nicolas Von der Weid et de Mme Sylvie Hottelier, démissionnaires. ( )E761

La présidente. Le sort a désigné M. René Koechlin, pour le parti libéral, et Mme Erica Deuber-Pauli, pour l'Alliance de gauche. (Applaudissements.)

 

9. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :

M 968
de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey (S), Liliane Charrière Urben (S) et Liliane Maury Pasquier (S) concernant le projet de rénovation de l'école primaire genevoise. ( )   M968

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

La présidente. Les demandes d'interpellations suivantes sont parvenues à la présidence :

I 1924
de Mme Claire Chalut (AG) : Entreprises «agences intérimaires» ou la loi du silence face au développement d'un marché - juteux - du travail précaire. ( )   I1924

Cosignataires : Jean-Pierre Lyon, Matthias Butikofer, Bernard Clerc, Pierre Vanek, Anita Cuénod. 

I 1925
de M. Michel Ducret (R) : Prochaines votations sur l'Alhambra : des précisions bienvenues pour éclairer les citoyens, s.v.p. ! ( )  I1925

Cosignataires : Bernard Lescaze, Michèle Wavre, Pierre Kunz, Roger Beer, Thomas Büchi. 

Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

e) de questions écrites.

Néant.

I 1915
10. Réplique de Mme Elisabeth Reusse-Decrey à la suite de la réponse orale du Conseil d'Etat à son interpellation : HES : un large débat sur les plans fédéral et intercantonal. Quelle est la position de Genève ? ( ) I1915
Mémorial 1994: Développée, 5425. Réponse, 5427.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Madame Brunschwig Graf, lors de votre réponse à mon interpellation sur les hautes écoles spécialisées, au mois de novembre dernier, vous avez exprimé votre souci concernant l'avenir de l'école d'ingénieurs. Vos paroles étaient particulièrement encourageantes, je me permets de vous citer : «L'école d'ingénieurs de Genève ne peut pas ne pas devenir une HES.». Or, les chefs des départements de l'instruction publique romands ont fait un communiqué modifiant quelque peu ce tableau idyllique, je cite : «La volonté est unanime de privilégier une formule intercantonale dans la recherche de solutions efficaces.». Dès lors, les inquiétudes ont resurgi.

L'école d'ingénieurs de Genève - je l'avais déjà dit - a le profil idéal pour devenir une HES : expérience, masse critique, nombre de diplômés par rapport à la Romandie, etc. Le but n'est pas de créer une nouvelle structure coûteuse - entendons-nous bien - mais d'utiliser ce qui existe et d'en demander la reconnaissance. Au surplus, ce statut HES serait intéressant sur plusieurs plans :

- Le plan financier, car la participation fédérale augmenterait.

- Le plan économique, car la richesse de la collaboration avec les petites et moyennes entreprises n'est plus à démontrer.

- Le plan régional et international, car la recherche pourrait s'organiser avec des instituts de formation suisses et étrangers.

- Le plan de la renommée, car il semble important que Genève puisse avoir une telle école.

- Le plan social, enfin, car si les formations devaient être transférées à Yverdon ou à Neuchâtel, par exemple, les difficultés financières occasionnées par les déplacements ou par le logement sur place empêcheraient plus d'un jeune d'accéder à ces études. Cela engendrerait une sélection par l'argent, ce qui est contradictoire avec le droit à la formation pour tous les jeunes. Certes, vous me direz qu'il y a des bourses d'études, mais, chacun le sait ici, elles ne sont pas toujours perçues par celles et ceux qui en auraient le plus besoin !

Pour toutes ces raisons, nous souhaiterions que vous défendiez fermement une HES à Genève. Or, les informations que j'ai reçues ne nous laissent pas beaucoup d'espoir. D'autres cantons, eux, se montrent très déterminés. Par exemple, ceux qui disposent des effectifs d'élèves suffisants - et se battent bec et ongles pour avoir leur propre HES.

Genève - comme je l'ai dit - possède le profil et la masse critique nécessaires. Dès lors, ma première question est la suivante :

1) Entendez-vous défendre, oui ou non, une HES à Genève ? Et, si oui, comment ?

Ma deuxième question porte sur le rôle de notre Grand Conseil.

2) Quand viendrez-vous devant notre parlement traiter de ce sujet important, pour que l'on en prenne connaissance et, surtout, pour que l'on puisse se prononcer ?

C'est en effet un sujet très complexe, et, pour l'instant, nous ne sommes avertis de ce qui se passe que par la presse. L'enjeu est extrêmement grave et important pour Genève. Or, nous sommes tenus à l'écart de toutes ces discussions, et nous craignons que le jour où nous serons, nous députés, enfin saisis d'un projet, tout soit décidé et que notre parlement n'ait plus qu'à en prendre acte. D'ailleurs, une motion sur ce sujet devrait déjà avoir fait l'objet d'un rapport de votre part !

Enfin, dernier souci et dernière question.

3) Si une structure romande devait se mettre en place, quel en sera le contrôle populaire ? Une instance bureaucratique intercantonale ne laisse aucune place à la démocratie : pas de référendum romand, pas d'initiative romande non plus ! Pourtant, l'école, la formation doivent pouvoir encore et toujours faire l'objet du choix du peuple. Comment pensez-vous défendre ces droits en acceptant une structure romande ?

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai sous les yeux la motion 801 qui invite le Conseil d'Etat «à entrer en discussion avec les autres cantons romands, afin de mieux coordonner les quatre universités romandes et d'utiliser plus efficacement les structures existantes en regroupant, dans la mesure du possible, les enseignements et en recherchant les synergies.». L'exposé des motifs dit, je cite : «Si, jusqu'à ce jour, il fallait garder une université par canton, comme garant et fleuron d'un système d'éducation propre, cette nécessité s'est maintenant estompée. Il est temps de partager, d'économiser, de rationaliser et, finalement, de revaloriser nos universités par des «potentialisations» et des stimulations mutuelles.».

Cette motion, déposée le 2 juin 1992, était signée par Mme et MM. Claire Torracinta-Pache, Jean Queloz, Robert Baud, Jean Spielmann et Robert Cramer. Madame Reusse-Decrey, si je me suis permis d'avancer dans la coordination romande c'est en sachant, d'abord comme députée et ensuite comme conseillère d'Etat, que sur ce plan et jusqu'à aujourd'hui cela correspondait à un véritable souhait de ce parlement. Cette motion est toujours devant la commission de l'université, et nous verrons ce que celle-ci in fine décidera. Les débats sur les exigences étaient jusqu'à présent parfaitement clairs; on reprochait plutôt au Conseil d'Etat de ne pas en faire assez !

S'agissant des hautes écoles spécialisées, j'aimerais faire deux remarques.

Ma déclaration, en réponse à votre interpellation, signifie que l'école d'ingénieurs ne restera en aucun cas en dehors du système. Lors d'une séance, qui a eu lieu le 2 décembre et qui a duré deux heures, tous les représentants des cantons romands ont exprimé leur refus de la cantonalisation et se sont engagés à collaborer et à mettre sur pied une ou plusieurs structures sur le plan romand. A l'issue de ce débat, nous avons mandaté un groupe de travail pour aller plus avant dans l'étude d'une solution globale. A ce stade, il n'est pas question de savoir comment sont répartis les enseignements, ni qui va faire quoi, mais d'étudier quel type de structure est la plus à même de répondre aux besoins romands. Je pourrais, Madame la députée, vous lire le message du Conseil fédéral, qui précise plusieurs fois l'exigence qui sera la sienne en matière d'autorisation, s'agissant de la coopération régionale, et qui rappelle également que les cantons doivent dépasser l'esprit cantonal.

Notre problème n'est pas simple. L'école d'ingénieurs n'est pas la seule à Genève à prétendre à un diplôme de haute école spécialisée. Le centre horticole de Lullier nous a clairement exprimé son souhait de ne pas rester isolé. L'école des arts décoratifs a également émis le voeu - répété pas plus tard que la semaine dernière - de ne pas rester à l'écart. Que risquons-nous à l'heure actuelle ? Rien du tout ! En effet, nous avons demandé à étudier les modèles et toute modification nécessitera aussi des modifications de lois. Mais je ne peux pas imaginer, Madame la députée, que vous envisagiez très sérieusement qu'un modèle romand puisse être soumis à référendum ! Par contre, des décisions de modifications proposées au parlement pourraient l'être.

Indépendamment du fait que les chefs de département se rencontreront au mois d'avril, que nous devons rencontrer les syndicats motivés par ces problèmes auparavant et que des travaux sont déjà en cours, je voulais vous dire, en conclusion, que je ne peux pas, en tant que cheffe de département, jouer le rôle qu'a joué M. Blocher lors de la campagne sur l'Espace économique européen. Il faudra rapidement changer de conseillère d'Etat si vous souhaitez que mon rôle se limite à défendre une position genevoise dans une conférence intercantonale sur le plan romand, même si nous avons une école de qualité. Je ne défendrai pas la suite de ce dossier si, par impossible, ce parlement me chargeait d'un tel message ! (Applaudissements.)

Cette interpellation est close.

I 1922
11. Interpellation de Mme Elisabeth Häusermann : Quo vadis éducation civique ? ou/et Concours de circonstance ? ( )I1922

Mme Elisabeth Häusermann (R). Récemment, les membres de la commission de l'enseignement et de l'éducation ont reçu la nouvelle mouture 1994 du Mémento genevois adapté, comme vous le savez, tous les quatre ans après les élections cantonales et imprimé à nouveau à seize ou vingt mille exemplaires.

Ce Mémento genevois est offert gracieusement à tous les élèves du cycle d'orientation à la fin de leur scolarité obligatoire, comme aide-mémoire, pour ceux qui ont pu profiter d'une éducation civique appropriée, ou, pour les autres, comme manuel de base pour l'acquisition d'une culture civique nécessaire à l'accomplissement des devoirs civiques de tout citoyen qui se respecte.

Feuilletant cette oeuvre de A à Z, je me suis posé de sérieuses questions sur ma culture civique personnelle, pourtant testée à plusieurs reprises dans des joutes électorales aussi bien communales que cantonales et dans l'accomplissement de différentes tâches publiques, notamment comme présidente du Conseil municipal d'Onex.

«Ce que tu possèdes en propre, tu peux l'emporter sans crainte à la maison.». C'est sur ce vieil adage qu'ironisait mon père à l'époque pour justifier ses conseils de ne jamais se fier aux écrits, mais de s'interroger ! Après un premier moment d'étonnement, j'ai soumis cette cuvée du Mémento - vraisemblablement, pas une bonne année ! - à un éminent spécialiste en la matière, en l'occurrence au chef de service des votations/élections, M. Patrick Ascheri, qui a d'ailleurs, à plusieurs reprises, proposé son aide au responsable sans avoir été entendu.

Passons sur l'erreur qui mentionne que les radicaux, depuis 1993, n'ont pas plus de treize mandats au lieu des quinze réellement acquis; nous serons indulgents, mais il y a les autres, et de plus graves ! Ne parlons pas d'un septième parti introduit au Grand Conseil avec publication de son manifeste électoral entier ! Les habitants de Soral seront ravis d'apprendre que leur village fait partie des communes urbaines...

M. John Dupraz. (Levant les bras au ciel.) Hourra ! (Rires.)

Mme Elisabeth Häusermann. ...tout comme la plus grande commune viticole de Suisse : Satigny, citée dans les communes urbaines, avec, dans la même foulée, Meinier, Presinge, Bardonnex, Bernex et Collex-Bossy !

Vous saurez, dès aujourd'hui, qu'avec la Ville de Genève trente-huit communes urbaines et six communes rurales : Russin, Dardagny, Avully, Chancy, Gy et Jussy, forment notre canton. D'après quels critères, je vous le demande !

Pour l'anecdote, je cite à la même page : «Des communes rurales périphériques s'occupent essentiellement de vignes, de céréales et de produits maraîchers. Elles - c'est-à-dire les communes - poursuivent leurs activités dans la zone franche voisine sur quelque dix kilomètres !

A mon humble avis, ce serait presque un crime de distribuer ce Mémento aux élèves et aux enseignants en faisant croire qu'il est la bible de l'éducation civique tant il fourmille de fautes ! Quo vadis, alors, éducation civique avec, à la base, un manuel de cette qualité ?

Pour corriger les erreurs importantes contenues dans ce millésime, et cela dans un très bref délai, je proposerai pour ma part aux auteurs et aux autorités, c'est-à-dire à la présidente du DIP, de lancer, dans le cadre d'une éducation civique digne de ce nom, un concours avec des prix attrayants : un Mémento corrigé à l'heureux lauréat, une chaire d'éducation civique à l'université de Genève ou, pourquoi pas, la possibilité d'accompagner pendant toute une journée un conseiller d'Etat dans l'exercice de ses fonctions de gouverneur !

Je ne vais pas vous dévoiler la liste exhaustive établie par l'expert pour ne pas aider les petits futés qui, éducation civique oblige, pourraient trouver la solution au concours à l'aide du Mémorial de notre séance de ce soir ! Mais je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire travailler votre matière grise, à vous joindre aux chercheurs et, qui sait, aux heureux gagnants d'une journée bien accompagnée.

A ce constat et à cette invite, Madame la conseillère d'Etat, j'aimerais ajouter la question de l'utilité et du prix de l'exercice. Combien va nous coûter ce Mémento nouveau, qui inclut les corrections nécessaires tous les quatre ans ? Ne serait-il pas préférable, après avoir remis l'ouvrage sur le métier, de ne produire qu'un encart tous les quatre ans, avec les changements éventuels des forces politiques après les élections ?

Puisque l'heure est aux questions et avant que vous nous rendiez votre rapport sur l'éducation civique en général et sur la motion 907 en particulier, j'aimerais vous soumettre également celle posée par «Le Genevois», du 7 octobre 1994, ainsi libellée :

«En 1988, les étudiants de la société Adelphia lançaient une pétition qui a rapidement recueilli plus d'un millier de signatures. Celle-ci déplorait l'absence d'éducation civique à l'école et demandait que soient appliqués les textes légaux cantonaux et fédéraux prévoyant un enseignement d'instruction civique dans l'enseignement secondaire publique.».

La question de l'instruction civique à l'école est un vieux serpent de mer qui refait surface périodiquement !

En 1970, André Chavanne, toujours généreux, promettait. En 1976, Monique Bauer-Lagier, députée libérale, revenait à la charge devant le Grand Conseil, invitant le Conseil d'Etat à présenter une étude sur les moyens d'assurer cet enseignement à tous les élèves, et voici qu'en avril dernier, par une nouvelle motion, le Conseil d'Etat est invité à instaurer un cours obligatoire de droit politique pour tous les jeunes suivant une formation post-obligatoire. Vu les frais d'impression du Mémento et les éventuelles corrections, j'étendrai personnellement ce cours au cycle d'orientation pour permettre aussi aux futurs apprentis d'avoir des notions de base d'éducation civique. Entre 1970 et 1994, c'est un quart de siècle qui vient de s'écouler, et cette question n'est toujours par résolue !

Quelle suite le département de l'instruction publique a-t-il donnée à la pétition de la société Adelphia et à quels résultats concrets a-t-il abouti ?

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Madame Häusermann, en ce qui concerne la deuxième partie de vos questions, il faudra patienter un peu. En effet, un rapport va être déposé sur ce qui se fait et ce qui pourra se faire en réponse à toutes les motions et pétitions sur l'instruction civique. Ce rapport vous sera donc soumis très probablement à la prochaine session du Grand Conseil, ce qui vous permettra de prendre acte de nos projets.

S'agissant du manuel d'instruction civique, je vous avoue avoir moi-même repéré quelques erreurs. J'ai fait les commentaires nécessaires, mais les choses ne sont pas si simples, car personne n'avait dû prendre la peine de le lire les années précédentes. Ce manuel coûte 4,90 F l'exemplaire, ce qui n'est pas exorbitant, mais le malheur veut que nous suivions votre recette, Madame Häusermann. Cela signifie que nous remplaçons cent cinquante pages portant sur de menues corrections. C'est en fait la conception du manuel de Mémento civique qu'il faudrait revoir, car il est vrai que de modifications en modifications l'on arrive quelquefois à des aberrations.

Je vous remercie d'avoir soulevé quelques-unes des nombreuses coquilles avec humour. Nous vous rassurons en ce sens que nous avons d'autres documents que le Mémento d'instruction civique, mais, cela étant, ce dernier fera l'objet d'un examen beaucoup plus approfondi en vue de son amélioration.

Mme Elisabeth Häusermann (R). Je remercie notre conseillère d'Etat pour sa réponse et j'attends avec impatience les résolutions du rapport.

Cette interpellation est close.

IU 64
12. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Pierre Vanek : Lettre de Mme Jacqueline Perrin relative à l'enseignement primaire. ( ) IU64
Mémorial 1994 : Développée, 6044.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vous rappelle le sujet de l'interpellation urgente de M. Vanek.

La Société pédagogique genevoise avait décrété le jeudi 15 décembre 1994 jour de récréation prolongée de 9 h 30 à 11 h. Tel était, en effet, le papillon distribué aux différentes écoles; du reste, le département de l'instruction publique a été prévenu par ce biais. C'est donc bien de récréation prolongée qu'il s'agit. M. Vanek me demandait si le droit de grève n'était plus respecté dans ce canton et si la lettre que la directrice de l'enseignement primaire avait adressée aux différents enseignants était soutenue par la présidente du département.

Non seulement je ne partage pas l'opinion de M. Vanek, mais je ne partage pas le même vocabulaire. En effet, il se trouve que la Société pédagogique genevoise a souhaité ne pas utiliser le mot «grève» qu'elle a remplacé par le mot «récréation prolongée». Elle a d'ailleurs beaucoup insisté pour que cette action ne soit pas interprétée comme une grève. Si cela avait été le cas nous aurions traité le problème comme tel et les choses auraient été claires, sans oublier les conséquences financières qui en découlent, bien entendu. Mais ce n'est pas le choix qui a été fait. Dès lors, nous nous trouvions dans un autre cas de figure. Il s'agissait de savoir comment on allait assumer les devoirs des enseignants en répartition d'enseignement, récréations, comme le prévoit le règlement de l'enseignement primaire. La directrice de l'enseignement primaire, avec ma bénédiction, s'est permis de rappeler aux enseignants quelles étaient leurs tâches et leurs devoirs, en ajoutant qu'elle ne doutait pas qu'ils en étaient parfaitement conscients.

Monsieur Vanek, le jour où je devrai faire face - ce que je ne souhaite pas - à une grève, je m'engage à la traiter comme telle avec les droits et devoirs qui y sont rattachés. En l'occurrence, il ne s'agissait pas d'une grève, et la société qui a lancé cette action ne souhaitait pas non plus qu'on l'interprète comme telle.

Cette interpellation urgente est close.

PL 7197
13. a) Projet de loi de Mme et MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, René Ecuyer et Claire Chalut sur les allocations aux enfants (J 7 1). ( )PL7197
M 965
b) Proposition de motion de Mme et MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Claire Chalut et René Ecuyer relative à la révision de la loi sur les allocations familiales. ( )M965
PL 7198
c) Projet de loi de Mmes et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Liliane Maury Pasquier, John Dupraz et Philippe Schaller sur les allocations familiales (J 7 1). ( )PL7198
PL 7199
d) Projet de loi de Mmes et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Liliane Maury Pasquier, John Dupraz et Philippe Schaller sur le Fonds pour la famille (J 7 8). ( )PL7199

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Assujettissement

Article 1

Assujettissement

l Est assujetti à la présente loi:

a) tout employeur domicilié ou résidant dans le canton ou y ayant un siège, une succursale, une agence, un établissement ou une autre installation, à raison des salariés qu'il occupe et qui travaillent ou sont domiciliés sur territoire genevois;

b) tout employeur établi hors du territoire genevois, à raison des salariés qu'il occupe dans le canton et qui y sont domiciliés ou sont des travailleurs frontaliers;

c) toute personne exerçant une activité lucrative indépendante dans le canton.

2 Ne sont pas assujettis:

a) les personnes morales de droit public fédéral;

b) les employeurs étrangers et les organisations internationales et intergouvernementales exempts de l'obligation de payer des cotisations en vertu de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

CHAPITRE II

Droit à l'allocation

Art. 2

Bénéficiaires

1 Est bénéficiaire de la présente loi:

a) tout enfant âgé de moins de 15 ans, sous réserve de l'article 7, régulièrement domicilié dans le canton ou dont le représentant légal est régulièrement domicilié dans le canton;

b) tout enfant de salarié frontalier à raison duquel l'employeur est assujetti à la présente loi.

2 Sont réputés enfants au sens de l'alinéa l:

a) les enfants dont la filiation est établie à l'endroit du père et de la mère, ou de la mère seule, les enfants du conjoint et les enfants adoptés;

b) les frères et soeurs à l'entretien desquels l'ayant droit participe d'une manière prépondérante et les enfants adoptés;

c) les enfants recueillis, si le parent nourricier salarié prouve qu'il assume la charge de manière prépondérante et durable.

Art. 3

Exclusion

Les enfants dont le représentant légal est salarié par un employeur non assujetti en vertu de l'article l, alinéa 2, ne bénéficient pas de la présente loi.

Art. 4

Ayants droit

Les allocations sont versées au représentant légal de l'enfant mineur.

Art. 5

Cumul

1 Les allocations ne peuvent être cumulées avec d'autres allocations similaires à celles versées en vertu de la présente loi qui seraient versées pour le même enfant en vertu d'un autre régime d'allocations familiales ou de rapports de service régis par le droit public interne ou international.

2 Il appartient à l'ayant droit visé à l'article 4 d'apporter la preuve de l'absence de cumul.

CHAPITRE III

Allocations

Art. 6

Nature et but des allocations

1 L'allocation est due en considération des charges résultant de l'entretien de l'enfant et doit être affectée à l'entretien de l'enfant pour les besoins duquel elle est versée.

2 Elle est une prestation sociale, incessible et insaisissable. Elle ne peut, en aucun cas, justifier une diminution de salaire.

Art. 7

Genre d'allocations

1 Les allocations pour enfants sont servies sous forme de:

a) allocation ordinaire dès le premier mois civil qui suit celui de la naissance, jusqu'à l'âge de 15 ans révolus, ou l'âge de 20 ans révolus si l'enfant est, par suite d'infirmité ou de maladie chronique, dans l'impossibilité constatée de se livrer à un travail rémunéré, ou si, tout en exerçant une activité lucrative, il est à la charge totale ou partielle de l'ayant droit;

b) allocation de formation professionnelle, lorsque l'enfant, âgé de 15 ans révolus et ayant achevé sa scolarité obligatoire, fait un apprentissage ou des études dont la validité est reconnue selon la législation suisse; elle est due jusqu'à la fin de l'apprentissage ou des études, mais au plus tard jusqu'à l'âge de 25 ans révolus. Le Conseil d'Etat fixe les conditions auxquelles l'apprentissage ou les études donnent naissance à l'allocation de formation professionnelle ou justifient son maintien;

c) allocation de naissance, pour le mois de la naissance;

d) allocation d'accueil, pour le mois au cours duquel l'enfant mineur âgé de moins de 10 ans placé en vue d'adoption, au sens du code civil, est accueilli par sa future famille adoptive.

2 L'enfant de plus de 15 ans révolus ne donne pas ou cesse de donner droit à une allocation lorsque ses revenus propres dépassent les normes que fixe le Conseil d'Etat par règlement.

Art. 8

Montant des allocations

L'allocation mensuelle complète s'élève au moins:

a) à 200 F par enfant pour l'allocation ordinaire, ce montant étant porté à 250 F par enfant, dont la famille dispose d'un revenu annuel de moins de 50 000 F, et à 300 F par enfant, dont la famille dispose d'un revenu annuel inférieur à 40 000 F;

b) à 220 F par enfant pour l'allocation de formation professionnelle;

c) à 1 000 F pour l'allocation de naissance ou pour l'allocation d'accueil.

Art. 9

Adaptation périodique des allocations

1 Le Conseil d'Etat examine tous les 2 ans, après consultation des milieux intéressés, le montant des allocations prévues par la présente loi eu égard à l'évolution du coût de la vie, du revenu du travail et des charges des caisses de compensation.

2 Au besoin, dans le même temps, il propose une adaptation des allocations.

Art. 10

Droit aux allocations

1 Les allocations ordinaires et de formation professionnelle sont allouées dès le mois suivant celui au cours duquel le droit a pris naissance et jusqu'à la fin du mois dans lequel le droit s'est éteint. Elle est versée, pour l'ayant droit de l'enfant mineur, sous réserve des exceptions ci-après.

2 Le droit de percevoir l'allocation passe à la personne ou à l'institution qui a la charge effective de l'enfant s'il existe, pour le faire, des motifs pertinents, notamment:

a) si l'ayant droit est déchu de l'autorité parentale;

b) s'il est en instance de divorce ou de séparation de corps et que la garde provisoire de l'enfant ne lui pas été attribuée;

c) s'il est divorcé ou séparé de corps et que la garde de l'enfant ne lui a pas été attribuée ;

d) lorsque, d'après les informations recueillies, les allocations risquent de ne pas être utilisées au profit de l'enfant.

Art. 11

Obligation de renseigner

L'ayant droit et le bénéficiaire doivent signaler toute modification de l'état de fait susceptible de modifier le droit à l'allocation, notamment les cas de séparation judiciaire, de divorce de décès et d'autres changements d'état civil, de décisions judiciaires attribuant la garde des enfants, d'activité lucrative de l'un ou de l'autre parent, de rupture de contrat d'apprentissage ou d'interruption d'études, de revenus propres des enfants, de départ à l'étranger d'enfants de parents étrangers.

Art. 12

Allocations indûment touchées

1 Lorsque des allocations au sens de la présente loi ont été indûment touchées, elles sont compensées avec les allocations qui sont encore dues.

2 Si le service cantonal d'allocations aux enfants ne recouvre pas sa créance de cette manière, il peut ordonner la restitution des allocations indûment touchées. Toutefois, celles-ci ne peuvent pas être exigées lorsque l'intéressé est de bonne foi et serait mis, du fait de cette restitution, dans une situation difficile.

3 Le droit d'ordonner la restitution se prescrit par une année à compter du moment où le service cantonal d'allocations aux enfants a eu connaissance du fait, mais au plus tard par 5 ans après le paiement de l'allocation. Si le droit de demander la restitution naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est applicable.

Art. 13

Prescription

1 Le droit à l'allocation s'éteint 2 ans après la fin du mois pour lequel l'allocation était due.

2 Le droit de réclamer, soit le paiement de contributions non versées, soit la restitution de contributions payées à tort, s'éteint 5 ans après la fin de l'année civile à laquelle lesdites contributions se rapportent.

CHAPITRE IV

Financement

Art. 14

Financement

1 Le financement des allocations prévues par la présente loi est assuré par une contribution versée par les employeurs et les personnes exerçant une activité lucrative indépendante assujettis en vertu de l'article 1, alinéa 1.

2 Cette contribution est calculée sur le total des salaires payés par les employeurs assujettis et sur le revenu des personnes assujetties exerçant une activité lucrative indépendante, selon un taux uniforme fixé par le Conseil d'Etat en fonction des besoins de financement établis par le service cantonal d'allocations aux enfants de manière à assurer le versement des allocations prévues par la présente loi. Ce taux, qui doit également permettre de couvrir les frais de perception des caisses de compensation et les frais administratifs du service cantonal d'allocations aux enfants, figure dans le règlement d'exécution de la loi.

3 Les salaires et revenus pris en considération pour le calcul de la contribution correspondent à ceux soumis au paiement des cotisations dues conformément à la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants et à son règlement d'application, du 31 octobre 1947.

CHAPITRE V

Perception des contributionsCaisses de compensation

Art. 15

Perception des contributions

1 La perception des contributions auprès des employeurs et des personnes exerçant une activité lucrative indépendante assujettis à la présente loi est confiée aux caisses de compensation AVS-AI reconnues dans le canton, dont la caisse cantonale de compensation.

2 Les caisses de compensation sont tenues de notifier à chacun de leurs affiliés le taux de contribution auquel ceux-ci sont astreints et les modalités de paiement de la contribution; ces derniers ont l'obligation de verser à leur caisse de compensation la contribution due sur cette base à chaque trimestre échu, accompagnée d'une déclaration des salaires ou revenus en fonction desquels la contribution a été calculée.

3 A défaut de déclaration ou en cas de déclaration inexacte du débiteur de la contribution, la caisse de compensation, après l'envoi d'une sommation impartissant un délai de 10 jours au débiteur pour qu'il se détermine sur le montant qu'elle considère comme étant dû et verse celui-ci, notifie une décision de taxation d'office fondée sur les éléments d'appréciation en possession de la caisse. En cas de recours, il appartient au débiteur de démonter que le montant fixé est inexact.

4 Le Conseil d'Etat fixe le taux de perception des contributions destiné à couvrir les administratifs des caisses de compensation.

CHAPITRE VI

Versement des allocationsService cantonal d'allocations aux enfants

Art. 16

Versement des allocations

1 Le versement des allocations aux ayants droit est effectué par le service cantonal d'allocations aux enfants, lequel est rattaché à la caisse cantonale genevoise de compensation, qui détermine en collaboration avec l'office cantonal de la population quels en sont les bénéficiaires.

2 A cette fin, les autres caisses de compensation doivent verser à la caisse cantonale genevoise de compensation, dans les 30 jours de leur réception, les contributions qui leur sont parvenues en vertu de l'article 14 et lui adresser copie des déclarations y relatives.

Art. 17

Provisions

La caisse cantonale de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, crée une provision destinée uniquement à parer aux insuffisances temporaires de recettes.

Art. 18

Commission de surveillance

La commission de surveillance de la caisse cantonale de compensation exerce également sa surveillance sur le service cantonal d'allocations aux enfants.

Art. 19

Contrôle des comptes

Les comptes de la caisse cantonale de compensation, service cantonal des allocations aux enfants, sont communiqués aux autres caisses de compensation et sont contrôlés chaque année par une société fiduciaire, dont les rapports sont transmis au contrôle financier de l'Etat.

CHAPITRE VII

Décisions et voies de recours

Art. 20

Contrôles  La caisse cantonale de compensation, service des allocations aux enfants, procède à des contrôles auprès de ses affiliés et de tous les employeurs ou exerçant une activité lucrative indépendante n'ayant pas adhéré à une caisse de compensation AVS-AI en application de la présente loi. Elle est compétente pour prononcer, le cas échéant, des décisions d'assujettissement ou ordonner des décisions de taxation d'office.

Art. 21

Taxation d'office

Si un employeur ou une personne indépendante tenu de payer des contributions néglige, après sommation, de donner toutes les indications nécessaires au calcul des contributions, celles-ci sont fixées par une taxation d'office de la caisse de compensation concernée ou à défaut par la caisse cantonale de compensation.

Art. 22

Décisions et recours

1 Les décisions prises en application de la présente loi peuvent être soumises dans les 30 jours de leur notification à la commission cantonale de recours en matière d'allocations aux enfants instituée en vertu des articles 23 et 24.

2 En l'absence de recours à l'échéance du délai fixé à l'alinéa 1, la décision est assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889 (ci-après loi fédérale).

CHAPITRE VIII

Commission cantonale de recoursen matière d'allocations aux enfants

Art. 23

Composition  1 Il est institué une commission cantonale de recours en matière d'allocations aux enfants qui est nommée pour 4 ans par le Conseil d'Etat et qui comprend un président, 4 membres et des suppléants.

2 A l'exception du président, qui est désigné parmi les juges du Tribunal administratif, les membres de la commission sont nommés pour moitié sur présentation des associations patronales, et pour moitié sur présentation des associations de salariés.

3 Le président et les membres de la commission sont rééligibles.

Art. 24

Compétence

La commission cantonale de recours est compétente pour statuer:

a) sur les recours contre les décisions prises en vertu de la présente loi par la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, et par les caisses de compensation;

b) sur les différends entre la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, relatifs à l'application de la présente loi.

2 Les décisions de la commission cantonale de recours sont assimilées à un jugement exécutoire au sens de l'article 80 de la loi fédérale.

Art. 25

Qualité pour agir

1 La personne ou l'institution qui a la charge effective de l'enfant au sens de l'article 10, alinéa 2, a également qualité pour recourir contre les décisions de la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants.

2 L'ayant droit ou le bénéficiaire qui demande remise de l'obligation de restituer, conformément à l'article 12, alinéa 2, in fine, présente une requête motivée par écrit dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la demande de restitution. En cas de recours, ce délai court dès la notification de la décision de l'autorité inférieure de recours.

CHAPITRE IX

Sanctions administratives et pénales

Art. 26

Sommation

1 Les personnes qui ne se conformes pas aux obligations découlant de la présente loi reçoivent une sommation.

2 La sommation met à la charge de l'intéressé une taxe de 10 à 100 F et le rend attentif aux conséquences de l'inobservation de la sommation.

3 Lorsqu'une sommation de payer des contributions arriérées, d'envoyer les décomptes prescrits ou de se soumettre aux contrôles prévus dans la présente loi n'a pas été suivie d'effet dans les 10 jours, une amende d'ordre de 50 à 500 F peut être infligée à l'intéressé.

4 En cas de récidive, le maximum de l'amende est porté à 1 000 F.

Art. 27

Contravention

1 Celui qui contrevient à la présente loi ou à ses dispositions d'exécution et notamment:

a) celui qui, assujetti à la présente loi, ne s'affilie pas à une caisse de compensation;

b) celui qui élude ou tente d'éluder de payer ses contributions;

c) celui qui s'oppose au contrôle prescrit pour assurer l'application de la présente loi ou l'empêche;

d) celui qui, étant astreint à donner des renseignements, en fournit sciemment de faux ou d'incomplets, ou refuse d'en fournir,

est passible des peines de police, sous réserve des peines plus élevées prévues par le code pénal.

2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société de personnes dépourvue de la personnalité juridique ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom.

3 La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement de l'amende et des frais.

Art. 28

Tribunal compétent

Le Tribunal de police est compétent pour connaître des infractions à la présente loi ou à ses dispositions d'exécution.

CHAPITRE X

Dispositions finales

Art. 29

Créances privilégiées

Les créances des caisses de compensation contre leurs affiliés sont des créances privilégiées au sens de l'article 219, alinéa 4 (2e classe) de la loi fédérale.

Art. 30

Collaboration

Les caisses de compensation, les services de l'Etat et des communes, les employeurs, les salariés et les personnes exerçant une activité lucrative indépendante doivent collaborer à l'application de la présente loi et de ses dispositions d'exécution.

Art. 31

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter les règlements d'application de la présente loi y compris les règlements de la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, de la commission de surveillance et de la commission cantonale de recours.

Art. 32

Clause abrogatoire

Sont abrogées:

a) la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961 (J 7 1);

b) la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955 (J 7 6).

Art. 33

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.

Art. 34

Disposition transitoire

Les caisses professionnelles et interprofessionnelles de compensation pour allocations familiales au sens des deux lois abrogées en vertu de l'article 32 disposent d'un délai d'une année à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi pour remettre au Conseil d'Etat les comptes (charges de la caisse par type d'allocation et contributions encaissées) des 5 derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pendant la même période et le montant des réserves constituées, qui devront être versées dans le même délai à la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Rappel historique

La législation genevoise en matière d'allocations familiales remonte à 1944. La loi actuelle sur les allocations familiales en faveur des salariés a été adoptée le 24 juin 1961 et a subi de nombreuses adaptations depuis lors dans le but de diversifier les allocations, d'adapter leur montant et d'étendre le cercle des bénéficiaires. Cette loi est complétée par la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants du 2 juillet 1955. L'obligation de réexaminer tous les deux ans le montant des allocations a été introduite en 1967 respectivement aux articles 8A et 9A de deux lois précitées, afin de tenir compte de l'évolution du coût de la vie.

Lors de l'avant-dernière adaptation des montants des allocations familiales intervenue dans le cadre des lois 6894 et 6895 approuvées le 18 décembre 1992, le rapport de la commission sociale a exprimé son insatisfaction quant à l'insuffisance de transparence des caisses professionnelles de compensation reconnues en matière d'allocations familiales et a non seulement exprimé le souhait, à travers la motion 836 approuvée à cette occasion par le Grand Conseil, d'obtenir la mise en place et la communication de comptes et bilans clairs par les caisses de compensation, mais encore a considéré qu'une révision générale de la loi sur les allocations familiales s'imposait, ce qui l'a amené à recommander dans son rapport à étudier:

«son eurocompatibilité, l'adaptation des montants des allocations au coût de la vie des pays où vivent les enfants bénéficiaires, la possibilité d'une allocation modulée en fonction du revenu, la possibilité de l'octroyer à des non-salariés et d'appliquer le principe «un enfant une allocation».

Cette motion fut confirmée par l'approbation par le Grand Conseil dans sa séance du 11 février 1993 de la motion 842 concernant la modification de la loi sur les allocations familiales («un enfant une allocation»).

A la suite de l'adoption de ces deux motions, le Grand Conseil a adopté le 29 avril 1994 les deux projets de loi 6922 et 6923 modifiant les articles 8A et 9A des lois actuelles, afin d'instituer l'obligation pour les caisses de compensation de remettre au Conseil d'Etat leurs comptes (charges de la caisse par type d'allocation et les contributions encaissées) des deux derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pour la même période.

Dans l'exposé des motifs des projets de loi 7171 et 7172 dont le Grand Conseil fut saisi lors de sa séance du 21 octobre 1994 afin de répondre à l'obligation de réadapter périodiquement les allocations familiales prévue par les articles 8A et 9A précités, le Conseil d'Etat indiqua qu'il avait institué un groupe de travail qui «prépare en ce moment, conformément aux voeux exprimés par les deux motions susmentionnées (à savoir les motions 836 et 842), une refonte de la législation que nous présenterons au Grand Conseil incessamment». Il précisa, en outre, que «les travaux parlementaires devraient se dérouler dans le courant du premier semestre de l'année prochaine, en vue d'une entrée en vigueur au 1er janvier 1996».

Lors de l'examen des projets de loi 7171 et 7172 en commission, le Conseil d'Etat remit aux députés copie de l'arrêté du 28 avril 1994 du département de l'action sociale et de la santé relatif à la nomination de la commission d'experts chargée de la refonte de la législation cantonale sur les allocations familiales, lequel fixe la mission confiée aux experts chargés d'étudier les points suivants:

a) fusion, totale ou partielle, des allocations familiales;

b) création d'une allocation-maternité versée durant les 6 mois suivant la naissance;

c) allocations familiales variant en fonction du revenu familial;

d) versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du «Standard de pouvoir d'achat» de la Communauté européenne;

e) extension aux indépendants des allocations familiales;

f) introduction d'un taux unique de contribution ou, à défaut, d'un taux minimum avec extension de la compensation des charges entre les caisses;

g) amélioration de l'information générale sur la situation financière des caisses;

h) eurocompatibilité du régime des allocations familiales;

i) introduction du principe «un enfant une allocation», avec l'étude de ses implications financières.

La commission d'experts avait en outre pour devoir de remettre au département, à l'intention du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, un projet de loi accompagné d'un exposé des motifs pour le 31 octobre 1994.

Quant au Conseil d'Etat, il proclamait, dans la conclusion de l'exposé des motifs à l'appui des projets de loi 7171 et 7172, ce qui suit:

«Dans l'Année internationale de la famille, selon la volonté du Grand Conseil, un grand effort de réflexion est en ce moment en cours pour moderniser substantiellement nos régimes d'allocations familiales.

Nous souhaitons vous proposer en fin d'année 1994 un projet novateur contenant des propositions originales, si possible non conflictuelles, pour cette fin de siècle et pour le début du siècle prochain.

Vous savez les efforts que nous consentons en matière de politique sociale, en faveur des personnes âgées (budget de l'office cantonal des personnes âgées), en faveur des personnes handicapées, des chômeurs, qu'il s'agisse de prestations cantonales ou qu'il s'agisse du revenu d'aide sociale pour chômeurs en fin de droit.

Nous portons également notre effort de solidarité collective en direction des personnes dépendantes et de ce que l'on a pris coutume d'appeler les exclus.

Il s'agit d'un devoir de civilisation qui doit se continuer avec tous les moyens dont nous disposons.

Indéniablement, une collectivité qui entend avoir un avenir doit également inclure dans sa politique sociale un effort spécial en faveur de la jeunesse, des enfants et donc des familles.

Le budget du département de l'instruction publique de notre canton est là pour témoigner de l'effort consenti depuis des décennies par Genève. Nous sommes appelés aujourd'hui à apporter une aide aux parents qui élèvent des enfants non pas pour subvenir aux besoins, non pas pour évaluer ce qui serait selon une expression exécrable le prix des enfants, mais pour exercer la solidarité collective dont il est question plus haut à l'égard des premières tranches d'âge, porteuses d'espoir, dans une société où les personnes du troisième et du quatrième âge sont en proportion substantielles et croissantes.

C'est à un tel effort porteur d'avenir que vous convie le Conseil d'Etat en vous priant, Mesdames et Messieurs les députés, d'accorder un accueil favorable aux présents projets de loi.»

Les engagements pris par le Conseil d'Etat dans le cadre des projets de loi 7121 et 7122 amenèrent la majorité du Grand Conseil à rejeter, lors de l'approbation de ces deux lois le 8 décembre 1994, les amendements présentés par les députés de l'Alliance de gauche visant à porter d'ores et déjà à 200 F par mois le montant de l'allocation ordinaire par enfant jusqu'à l'age révolu de 15 ans correspondant à celui demandé à cette occasion par la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT), dont les lettres sont jointes au rapport de majorité de la commission sociale du Grand Conseil, cette demande étant fondée sur les recommandations de la Commission du Conseil national (initiative Frankhauser) qui a estimé qu'une véritable allocation familiale ne pouvait être inférieure à cette somme. La majorité rejeta également la proposition des députés de l'Alliance de gauche visant à porter respectivement à 250 et 300 F le montant de cette allocation pour les familles à faibles revenus, ce qui répondait aux recommandations d'un rapport de Pro Familia sur la question des allocations familiales.

Peu de temps après ce débat, la presse a fait état du fait que le Conseil d'Etat avait décidé, suite à une démarche des syndicats patronaux, de renoncer à présenter au Grand Conseil le projet de loi issu du rapport rendu par la commission d'experts visant à élaborer une nouvelle loi sur les allocations familiales répondant aux objectifs recommandés par le Grand Conseil.

2. Objectifs du projet de loi

C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Alliance de gauche a décidé à la fin de cette année internationale de la famille, qui devait marquer le dépôt du projet de loi annoncé par le Conseil d'Etat, de prendre l'initiative de déposer un projet de loi répondant aux objectifs des motions 836 et 842, à savoir:

1er objectif

Le premier objectif du présent projet de loi vise à concrétiser le principe «un enfant une allocation» préconisé par le Grand Conseil, à savoir la mise au bénéfice d'une allocation familiale de tout enfant régulièrement domicilié à Genève ou dont les parents ou le représentant légal sont domiciliés à Genève. Ce principe fondamental est consacré à l'article 2 du projet de loi relatif aux bénéficiaires de la loi.

C'est également pour ce motif, que le projet de loi a pour titre «loi sur les allocations aux enfants» et non plus «loi sur les allocations familiales en faveur des salariés», la motion 842 ayant, par ailleurs, mis en évidence la situation particulière d'un certain nombre d'enfants. Le projet de loi distingue, toutefois, en son article 4, les ayants droit de l'allocation destinée aux enfants mineurs, de ses bénéficiaires.

2e objectif

Le deuxième objectif du projet de loi, la mise au bénéfice d'allocations des enfants de personnes exerçant une activité lucrative indépendante, découle du premier objectif mais a pour conséquence, conformément au voeu exprimé dans les motions 836 et 842, que les indépendants soient assujettis à la loi (voir article 1er, alinéa 1, lettre c), ce qui mettra fin à une anomalie tant au niveau des bénéficiaires des allocations familiales que du cercle des assujettis à la contribution au financement des allocations familiales en assurant le respect du principe de la solidarité en matière de cotisations à des prestations sociales.

3e objectif

Le troisième objectif du projet de loi vise à instituer par l'article 14, alinéa 2, un taux uniforme de contribution au financement des allocations. Il est, en effet, profondément anormal que les taux de contribution varient de 0,8% à 2,6% (voir rapport de la commission sociale du Grand Conseil sur les projets de loi 6894 et 6895) selon les caisses de compensation en fonction des secteurs professionnels qu'elles recouvrent (par exemple, taux élevés dans le secteur du bâtiment où les salaires sont moins élevés et les enfants des affiliés plus nombreux à l'inverse des taux peu élevés dans le secteur bancaire où les salaires sont plus élevés et les enfants moins nombreux). Le principe de la solidarité qui prévaut en matière d'assurances sociales commande que le taux de cotisation soit uniforme, ce qui évitera également la constitution par certaines caisses de compensation de réserves supérieures à ce qui leur est strictement nécessaire, pratique non conforme au but poursuivi par la loi.

4e objectif

Le quatrième objectif vise à simplifier le système actuel de versement des allocations et de supprimer les opérations de compensation entre les caisses par l'institution, en son article 16, d'un seul office payeur, ce qui facilitera également le calcul du taux de contribution. Les caisses de compensation continueront, toutefois, à encaisser les contributions imposées par la loi pour le financement des allocations, afin d'éviter à leurs affiliés de devoir payer leurs contributions à une autre caisse que celle où ils versent leurs contributions pour l'AVS-AI et pour d'autres prestations sociales, mais ces caisses seront dispensées de la tâche de verser les allocations à leurs affiliés, le produit des contributions à cet effet devant être rétrocédé à la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, à charge pour ce dernier non seulement de verser les allocations aux bénéficiaires, mais encore de s'assurer que tous les bénéficiaires reçoivent les allocations qui leur sont dues, tâche qui sera facilitée pour un service public grâce aux renseignements dont elle pourra bénéficier de la part des services administratifs concernés, dont l'office cantonal de la population.

La nécessité de créer un seul office payeur résulte de l'institution d'un taux uniforme de contribution destiné à assurer le versement de l'ensemble des cotisations et de la nécessité de garantir le mieux possible d'atteindre tous les bénéficiaires des allocations, tout en évitant le risque des doubles paiements résultant d'une pléthore de caisses chargées, comme jusqu'à présent, de verser les allocations. De plus, l'institution d'un seul office payeur permettra sans nul doute de réduire de manière significative le travail administratif provoqué par le versement des allocations ainsi que les opérations de compensation et, par conséquent, les frais qui en résultent, tout en assurant une transparence réelle sur le plan comptable de la gestion des contributions versées dans le but d'assurer le financement des allocations. Enfin, l'obligation aux caisses de compensation de verser à la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal des allocations aux enfants, les contributions au fur et à mesure de leur encaissement permettra d'éviter de constituer des réserves excessives et dont le contrôle échappe à l'autorité.

5e objectif

Le cinquième objectif vise à adapter le montant des allocations familiales aux montants minimums recommandés sur le plan fédéral et d'augmenter le montant des allocations familiales pour les familles à faibles revenus, ce qui répond non seulement aux recommandations en la matière, mais encore à un élémentaire devoir de justice sociale, surtout en une période où de nombreuses familles connaissent, en raison du chômage, de graves difficultés économiques. Le projet de loi reprend en son article 8 les propositions faites par l'Alliance de gauche lors de la séance du Grand Conseil du 9 décembre 1994, qui constituent à nos yeux le strict minimum de ce qui devrait être prévu. Tenant compte qu'aucun autre groupe représenté au Grand Conseil n'avait voulu soutenir ces propositions, alors même qu'elles sont en deçà de certaines recommandations et de certaines demandes, notamment sur le plan syndical, tant en ce qui concerne le montant des allocations que l'âge des bénéficiaires, le projet de loi s'en tiendra, en l'état, à ces propositions, tout en espérant qu'elles seront acceptées dans le cadre d'une nouvelle loi garantissant un taux uniforme de contribution, ce qui allégera la charge pour les secteurs professionnels qui sont actuellement davantage mis à contribution par rapport à d'autres.

Une fois cette nouvelle loi mise en place et expérimentée, il sera également toujours possible de l'étendre à d'autres prestations, telles que l'allocation-maternité, à moins que le rapport de la commission des experts ne permette en fonction de ses conclusions de compléter d'ores et déjà le présent projet de loi dans certains autres domaines.

3. Commentaire article par article

Le texte du présent projet de loi reprend un certain nombre d'articles de loi actuelle sur les allocations familiales en faveur des salariés, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de commenter les articles dans le détail, les modifications de ces dispositions ayant été commentées ci-dessus sous chiffre 2. De nombreuses dispositions de la loi actuelle sont reprises quasiment sans changement ou avec uniquement les adaptations résultant du nouveau système retenu.

Celui-ci étant beaucoup plus simple que le système actuel, il en résulte que de nombreuses dispositions de la loi actuelle devenues inutiles disparaissent et le texte de loi s'en trouve considérablement allégé.

Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement le présent projet de loi qui pourra, le cas échéant, être complété en fonction du rapport de la commission d'experts chargée par le Conseil d'Etat de faire des propositions en vue d'une refonte de notre législation sur les allocations familiales, rapport dont nous demandons la communication au Grand Conseil dans le cadre de la motion également déposée ce jour.

(M 965)

LE GRAND CONSEIL,

 vu les motions 836 et 842 votées par le Grand Conseil dans le but d'inviter le Conseil d'Etat à procéder à une révision de la loi sur les allocations familiales, notamment par l'institution du principe «un enfant - une allocation» et l'extension de cette loi aux personnes déployant une activité lucrative indépendante;

 vu l'accueil favorable du Conseil d'Etat à l'égard de ces deux motions et les promesses qu'il a faites dans l'exposé des motifs à l'appui des projets de loi 6894 et 6895 portant sur la récente adaptation du montant des allocations familiales;

 vu l'arrêté pris le 28 avril 1994 par le département de l'action sociale et de la santé nommant une commission d'experts ayant pour mission d'étudier une refonte complète de la législation cantonale sur les allocations familiales dans le sens des voeux exprimés dans le cadre des deux motions précitées, à charge pour cette commission de remettre audit département, à l'intention du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, un projet de loi accompagné d'un exposé des motifs pour le 31 octobre 1994;

vu l'information donnée à la presse par M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat chargé du département de l'action sociale et de la santé, selon laquelle la commission d'experts avait rendu son rapport accompagné d'un projet de loi,

invite le Conseil d'Etat

à communiquer ledit rapport de la commission des experts et le projet de loi l'accompagnant au Grand Conseil.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La commission d'experts, nommée par le Conseil d'Etat à la suite de l'approbation des motions 836 et 842 qui lui ont été renvoyées par le Grand Conseil dans le but de promouvoir une refonte de notre législation sur les allocations familiales, ayant rendu son rapport, il appartient au Conseil d'Etat de rendre public ce rapport ainsi que le projet de loi qui l'accompagne. Les motionnaires se rapportent, pour le surplus, à l'exposé des motifs de leur projet de loi de ce jour sur les allocations aux enfants.

Compte tenu de ce qui précède et de la volonté clairement exprimée par notre Grand Conseil, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette motion.

(PL 7198)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

TITRE I

Champ d'application

Article 1

Principe

La présente loi régit l'octroi de prestations, sous forme d'allocations familiales, pour tout enfant à la charge d'une personne assujettie à la loi.

Art. 2

Assujettissement

1 Sont assujetties à la loi:

a) les personnes salariées au service d'un employeur tenu de s'affilier à une caisse d'allocations familiales ou d'un employeur de personnel de maison domicilié dans le canton;

b) les personnes domiciliées dans le canton qui exercent une activité indépendante ou qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur non tenu de cotiser;

c) les personnes sans activité, domiciliées dans le canton et assujetties à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

2 Est considérée comme salariée la personne dont la rémunération fait partie du salaire déterminant au sens de l'article 5 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 et qui travaille au moins 80 heures par mois ou la moitié de l'horaire normal de l'entreprise. Une réduction de ce temps d'activité ou un arrêt de travail dus au chômage partiel, en vertu de l'article 7, alinéa 1, lettres b et c, de la loi fédérale sur l'assurance-chômage, du 25 juin 1982, à la maladie, à un accident, une grossesse ou une période de service militaire ne sont pas pris en compte s'ils n'excèdent pas 24 mois.

3 Est considérée comme personne exerçant une activité indépendante celle dont le revenu fait partie de celui visé à l'article 9, alinéa 1, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

4 Est considérée comme personne sans activité celle qui n'exerce aucune activité salariée ni indépendante ou dont la seule activité, salariée, n'atteint pas les limites prévues à l'alinéa 2.

Art. 3

Bénéficiaires

1 Une personne assujettie à la loi peut bénéficier des prestations si elle a la garde d'un ou de plusieurs enfants ou si elle exerce l'autorité parentale ou encore si elle en assume l'entretien de manière prépondérante et durable.

2 Si 2 personnes assujetties à la loi remplissent, à l'égard du même enfant, les conditions de l'alinéa premier, les prestations sont accordées, par ordre de priorité et sous réserve de l'alinéa 3:

a) à la personne qui a la garde de l'enfant et exerce l'autorité parentale;

b) à la personne qui a la garde;

c) à celle qui exerce l'autorité parentale;

d) à celle qui assume l'entretien de manière prépondérante et durable.

3 Lorsque l'enfant est sous la garde et l'autorité parentale conjointes de ses parents et qu'ils sont tous deux assujettis à la loi, les prestations sont accordées :

a) au père s'il est salarié ou de condition indépendante;

b) à la mère si le père est sans activité au sens de l'article 2, alinéa 4.

Art. 4

Nature, but et genre des allocations

1 Les allocations familiales sont des prestations sociales en espèces, uniques ou périodiques, indépendantes du salaire, du revenu ou du degré d'activité, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants.

2 Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants.

3 Elles sont incessibles, insaisissables et soustraites à toute exécution forcée, sous réserve des articles 11 et 47.

4 Les allocations familiales comprennent :

a) l'allocation de naissance;

b) l'allocation d'accueil;

c) l'allocation pour enfant.

Art. 5

L'allocation de naissance

L'allocation de naissance est une prestation unique accordée pour l'enfant né d'une mère domiciliée en Suisse.

Art. 6

L'allocation d'accueil

L'allocation d'accueil est une prestation unique accordée pour l'enfant mineur placé en vue d'adoption dans une famille domiciliée en Suisse.

Art. 7

L'allocation pour enfant

1 L'allocation pour enfant est une prestation mensuelle accordée dès le mois qui suit celui de la naissance de l'enfant ou de son placement en vue d'adoption jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 18 ans s'il est domicilié en Suisse ou de 15 ans s'il ne l'est pas.

2 Si les conditions d'octroi pour l'allocation de naissance ou d'accueil ne sont pas réalisées, l'allocation pour enfant est accordée dès et y compris le mois de la naissance ou du placement de l'enfant.

Art. 8

Montant des allocations

1 L'allocation de naissance ou d'accueil est de 1 000 F.

2 L'allocation pour enfant est de:

a) 170 F/mois pour l'enfant jusqu'à l'âge de 15 ans;

b) 220 F/mois pour l'enfant de plus de 15 ans.

3 Tous les 2 ans et après avoir consulté les associations professionnelles ainsi que les milieux intéressés, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil l'adaptation des montants prévus à l'alinéa 1. L'indice d'adaptation est fixé en considération de l'évolution des prix, des salaires et des taux de contribution appliqués par les caisses d'allocations familiales.

Art. 9

Cumul de prestations

1 Le même enfant ne donne pas droit à plus d'une allocation du même genre.

2 Sous réserve des dispositions particulières du règlement d'application ou des conventions et accords visés à l'article 45, alinéa 2, les allocations prévues par la présente loi ne sont pas dues si le même enfant ouvre droit à des prestations familiales en vertu d'une autre législation ou de rapports de service régis par le droit public interne ou international.

3 Toutefois, outre les allocations mentionnées à l'article 4, alinéa 4, les salariés dans l'agriculture peuvent prétendre celles prévues par la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture dans tous les cas où cette loi leur est plus favorable.

Art. 10

Début et fin du droit

1 Les allocations sont versées dès le premier jour du mois au cours duquel le droit a pris naissance et jusqu'à la fin du mois dans lequel le droit s'éteint.

2 Toutefois, en cas de décès du bénéficiaire, le droit subsiste encore pendant trois mois.

Art. 11

Paiement des allocations

1 Les allocations familiales sont payées, en général, au bénéficiaire.

2 Les allocations peuvent être payées, sur demande motivée, à un tiers ou à une autorité si le bénéficiaire ne les utilise pas ou risque de ne pas les utiliser pour l'entretien de l'enfant.

Art. 12

Paiement d'allocations arriérées et restitution d'allocations perçues sansdroit

1 Le droit aux allocations familiales arriérées s'éteint deux ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues.

2 Les allocations perçues sans droit doivent être restituées. La restitution n'est pas demandée lorsque celui auquel elles ont été payées était de bonne foi et que ses ressources financières sont modestes.

3 Le droit de demander la restitution s'éteint 2 ans après le paiement des allocations. Si ce droit naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est alors déterminant.

Art. 13

Organes d'application

La loi sur les allocations familiales est appliquée par les caisses d'allocations familiales et par l'organe chargé de mettre en oeuvre la compensation des charges des caisses.

Art. 14

Caisses professionnelles et interprofessionnelles

Une caisse d'allocations familiales professionnelle ou interprofessionnelle est autorisée à appliquer la présente loi:

a) si elle est créée par une ou plusieurs associations professionnelles ou interprofessionnelles organisées corporativement selon les règles du code civil ou du code des obligations suisses;

b) si elle groupe au moins 100 employeurs, occupant plus de 1 500 salariés ou au moins 100 personnes exerçant une activité indépendante;

c) si elle offre la garantie d'une saine gestion, assurée par un conseil qui, dans les caisses groupant des employeurs, doit comprendre un nombre égal de représentants d'employeurs et de salariés.

Art. 15

Procédure d'autorisation

Les associations qui veulent obtenir une autorisation de pratiquer pour une caisse d'allocations familiales doivent présenter une demande écrite au Conseil d'Etat et joindre les statuts de la caisse, ainsi que les documents nécessaires pour déterminer si les conditions de l'article 14 sont réalisées.

Art. 16

Dissolution d'une caisse

1 Toute décision de dissolution doit être prise par l'organe compétent de la caisse et portée sans délai à la connaissance du Conseil d'Etat qui fixe la date de la dissolution.

2 Lorsque l'une des conditions énumérées à l'article 14 n'est plus remplie de façon permanente ou que les organes d'une caisse se sont rendus coupables de manquements graves et réitérés à leurs devoirs, celle-ci est dissoute par le Conseil d'Etat.

3 Le solde de liquidation est versé au Fonds pour la famille, sous réserve d'une reprise de ce solde par une autre caisse lorsqu'il y a fusion ou absorption.

Art. 17

Contrôle etrévision

1 Les caisses doivent être contrôlées chaque année par un organe de révision neutre.

2 La révision doit s'étendre à la comptabilité, à la gestion ainsi qu'à l'application conforme des dispositions légales.

3 Chaque année, les caisses fournissent au Conseil d'Etat leurs comptes et le rapport des vérificateurs. Elles doivent en outre indiquer le taux de contribution, le pourcentage affecté à la couverture des frais de gestion ainsi que le nombre et le genre des allocations versées.

Art. 18

CréationService cantonal d'allocations familiales

1 Est créé un service cantonal d'allocations familiales, qui est un établissement autonome de droit public rattaché administrativement à la caisse cantonale genevoise de compensation instituée par la loi d'application, du 13 décembre 1947, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.

Caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales

2 Est créée une caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, qui est un établissement autonome de droit public rattaché administrativement au service cantonal d'allocations familiales, qui reçoit une indemnité pour couvrir les frais de gestion, fixée par le Conseil d'Etat dans les limites de l'article 27, alinéas 3 et 4.

Caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité

3 Est créée une caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité, qui est un établissement autonome de droit public, rattaché administrativement au service cantonal d'allocations familiales, qui reçoit une indemnité pour couvrir les frais de gestion, fixée par le Conseil d'Etat dans les limites de l'article 29, alinéa 3.

Art. 19

Fixation du taux de contribution

Le Conseil d'Etat fixe périodiquement le taux de contribution du service cantonal d'allocations familiales et de la caisse d'allocations familiales et de la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, conformément aux articles 27 et 28.

Art. 20

Surveillance, contrôle etrévision

1 La commission de surveillance de la caisse cantonale genevoise de compensation instituée par la loi d'application, du 13 décembre 1947, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants exerce la surveillance sur les caisses publiques.

2 L'article 17 est applicable par analogie.

Art. 21

En général

Les caisses fixent et perçoivent les contributions dues par leurs affiliés, fixent et paient les allocations familiales conformément aux dispositions de la présente loi, participent, dans les limites de la loi, à la compensation partielle des charges et contrôlent que quiconque est soumis à la loi se conforme aux prescriptions.

Art. 22

Dispositions particulières

1 Les caisses professionnelles ou interprofessionnelles appliquent la présente loi aux employeurs, aux salariés et aux personnes exerçant une activité indépendante.

2 La caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales applique la loi aux employeurs et aux salariés.

3 La caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité applique la loi aux personnes sans activité lucrative ainsi qu'au personnel de maison.

4 Le service cantonal d'allocations familiales applique la loi aux employeurs, aux salariés et aux personnes exerçant une activité indépendante. Il veille en outre au respect de l'obligation de s'affilier à une caisse d'allocations familiales et tient un fichier central de tous les affiliés.

Art. 23

Affiliation à une caisse d'allocations familiales

Employeurs

1 Doit obligatoirement être affilié à une caisse quiconque a qualité d'employeur au sens de l'article 12 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946, s'il possède un établissement stable dans le canton. L'alinéa 2 ainsi que les accords visés à l'article 45, alinéa 2, sont réservés.

2 L'alinéa premier n'est pas applicable aux

a) administrations et institutions fédérales;

b) institutions d'intérêt public énumérées par le règlement d'exécution;

c) employeurs étrangers et organisations internationales et intergouvernementales exempts de l'obligation de payer des cotisations en vertu de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946;

b) employeurs de personnel de maison.

Personnes de condition indépendante et salariés d'un employeurs exempté de l'AVS

3 Doivent obligatoirement être affiliées à une caisse les personnes domiciliées dans le canton, qui exercent une activité indépendante ou qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur non tenu de cotiser.

Personnes sans activité

4 Doivent obligatoirement être affiliées à une caisse les personne sans activité lucrative, domiciliées dans le canton, tenues de payer des cotisations au sens de la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.

Art. 24

Caisse compétente

1 Sont affiliés aux caisses d'allocations familiales professionnelles ou interprofessionnelles les employeurs visés à l'article 23, alinéa 1, qui sont membres d'une association fondatrice, sauf ceux mentionnés à l'alinéa 3.

2 Sont affiliées aux caisses d'allocations familiales professionnelles ou interprofessionnelles les personnes exerçant une activité indépendante qui sont membres d'une association fondatrice.

3 Sont affiliés à la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales les administrations de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des communes, les établissements d'instruction publique qui sont en tout ou en partie à la charge de l'Etat, les institutions publiques d'assistance, les établissements et fondations de droit public, ainsi que les établissements et entreprises de droit privé dans lesquels l'Etat a des intérêts prépondérants.

4 Sont affiliées à la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité les personnes visées à l'article 23, alinéa 4.

5 Sont obligatoirement affiliés au service cantonal d'allocations familiales tous les employeurs et personnes exerçant une activité indépendante qui ne sont pas visés aux alinéas 1, 2 et 3, ainsi que les personnes qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur non tenu de cotiser.

Art. 25

Changement de caisse

Dans la mesure où l'article 24 n'en dispose pas autrement, le changement de caisse est autorisé aux conditions prévues par la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, applicable par analogie.

Art. 26

Principe

Les allocations familiales sont financées par les contributions des employeurs, des personnes physiques tenues de s'affilier à une caisse de compensation et les subsides du Fonds pour la famille.

Art. 27

Contributions des employeurs

1 Les employeurs visés à l'article 23, alinéa 1, paient des contributions en espèces, fixées en pour-cent des salaires soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, versés aux personnes dépendantes de l'établissement stable qu'ils possèdent dans le canton.

2 Le taux de contribution correspond au moins à 1,3% de la masse salariale soumise à contributions selon l'alinéa premier et doit couvrir les charges mentionnées ci-après.

3 Les contributions versées aux caisses privées et au service cantonal d'allocations familiales doivent servir exclusivement au paiement des allocations familiales, à la couverture des frais de gestion qui ne doivent pas être supérieurs à 7% des contributions dues, à la constitution du fonds de réserve prévu à l'article 32, aux charges découlant de la compensation au sens des articles 33 et 34, ainsi qu'au financement des allocations d'encouragement à la formation prévues par l'article 120A de la loi sur l'orientation, la formation et le travail des jeunes gens, du 25 juin 1985, et l'article 36A de la loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989.

4 Les contributions versées à la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales doivent couvrir les charges mentionnées à l'alinéa 3 et garantir en outre un versement annuel au Fonds pour la famille suffisant pour assurer la couverture de la réserve prévue à l'article 3, alinéa 1, de la loi sur le Fonds pour la famille du (à préciser).

Art. 28

Contributions des indépendants et des salariés d'un employeur exempt de l'AVS

1 Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution de 1,3% au moins sur le revenu soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, mais au minimum 120 F par année.

2 Les contributions doivent servir exclusivement au paiement des allocations familiales, à la couverture des frais de gestion, qui ne doivent pas dépasser 7% des contributions dues, à la constitution du fonds de réserve prévu à l'article 32, aux charges découlant de la compensation au sens des articles 33 et 34, ainsi qu'au financement des allocations d'encouragement à la formation prévues par l'article 120A de la loi sur l'orientation, la formation et le travail des jeunes gens, du 25 juin 1985, et l'article 36A de la loi sur l'encouragement aux études du 4 octobre 1989.

Art. 29

Contributions des personnes sans activité lucrative

1 Les personnes sans activité lucrative paient une contribution de l0% à 25% du montant des cotisations dues à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale ainsi qu'au régime d'allocations pour perte de gain en faveur des personnes servant dans l'armée (AVS/AI/APG) si ces cotisations dépassent le minimum fixé par l'article 10 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

2 La contribution est de

a) 10% si les cotisations AVS/AI/APG tiennent compte de 1 à 4 suppléments selon l'article 28, alinéa 2 du Règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants fédérale du 31 octobre 1947;

b) 15% si les cotisations AVS/AI/APG tiennent compte de 5 à 10 suppléments;

c) 20% si les cotisations AVS/AI/APG tiennent compte de 11 à 20 suppléments;

d) 25% si les cotisations AVS/AI/APG tiennent compte de plus de 20 suppléments.

3 Les contributions sont affectées au paiement des allocations et, si elles sont suffisantes, aux frais de gestion qui ne doivent pas dépasser 2% des allocations payées.

Art. 30

Procédure de fixation et de perception des contributions

1 Sous réserve des exceptions prévues par la présente loi et ses dispositions d'exécution, la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants s'applique par analogie à la procédure de fixation et de perception des contributions, de remise et de réduction, ainsi qu'à la péremption du droit de réclamer des contributions arriérées dues par les employeurs et les personnes visées aux articles 28 et 29.

2 Il ne peut y avoir remise ou réduction de la contribution personnelle fixe prévue à l'article 28, lettre a.

3 L'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse d'allocations familiales est tenu de le réparer. L'article 52 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants s'applique par analogie.

Art. 31

Subsides du Fonds pour la famille

Les subsides du Fonds pour la famille couvrent

a) les charges provenant du versement des allocations familiales aux personnes sans activité lucrative dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par les contributions prévues à l'article 29;

b) les allocations familiales versées au personnel de maison y compris les frais de gestion qui ne doivent pas dépasser 2% des allocations payées.

Art. 32

Fonds de réserve

Les caisses d'allocations familiales mentionnées aux articles 14 et 18, alinéas 1 et 2, créent un fonds de réserve destiné exclusivement à parer aux insuffisances temporaires de recettes, dont le montant correspond à trois mois au moins et douze mois au plus d'allocations, calculé sur la base de celles payées au cours des deux dernières années. Les réserves doivent être disponibles dans le délai d'un mois.

Art. 33

Compensation des charges des caisses d'allocations familiales

1 Entre les caisses d'allocations familiales qui ne reçoivent pas de subsides du Fonds pour la famille est instituée une compensation partielle des charges qui résultent de l'application de la présente loi.

2 Le Conseil d'Etat désigne l'organe chargé de l'exécution de cette tâche.

Art. 34

Etendue de la compensation et procédure

1 La compensation n'est accordée que sur requête écrite présentée dans les délais et selon les modalités prévues par le règlement d'application.

2 Elle porte exclusivement sur la somme affectée au paiement des allocations prévues à l'article 4, alinéa 4, qui, durant l'année civile précédant celle du dépôt de la requête, a dépassé les 2% des salaires et revenus sur lesquels la caisse concernée a prélevé des contributions selon les articles 27, alinéa 1, et 28, alinéa 1.

3 Le montant global à compenser correspond à la somme de celui, calculé selon l'alinéa 2, de toutes les caisses ayant demandé la compensation.

4 Il est supporté par les caisses qui n'ont pas déposé la requête prévue à l'alinéa premier.

5 Chaque caisse visée à l'alinéa 4 doit une somme forfaitaire pour tout salarié occupé par ses affiliés et pour chaque adhérent exerçant une activité lucrative indépendante. Fait foi l'effectif du mois de décembre de l'année déterminante pour le calcul du montant de la compensation selon l'alinéa 2.

6 La somme forfaitaire correspond au montant global à compenser, divisé par l'effectif déterminé selon les critères de l'alinéa 5, de l'ensemble des caisses visées à l'alinéa 4.

7 Les montants dus au titre de la compensation des charges sont versés, dans les délais impartis par le règlement d'exécution, à l'organe visé à l'article 33 qui les répartit aux caisses intéressées.

Art. 35

Exercice du droit à l'allocation

1 Le droit de demander les allocations familiales appartient au bénéficiaire au sens de l'article 3 ou à son représentant légal, à son conjoint, à ses parents ou grands-parents ainsi qu'à la personne ou à l'autorité pouvant exiger, conformément à l'article 11, que les allocations familiales lui soient versées.

2 La demande doit être faite par écrit, sur une formule officielle, auprès de la caisse compétente pour le bénéficiaire, soit:

a) s'il est salarié, la caisse à laquelle est affilié son employeur;

b) s'il est de condition indépendante ou salarié d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants, la caisse à laquelle il est affilié;

c) s'il est sans activité ou employé de maison, la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité.

3 Le requérant doit fournir toutes les preuves utiles.

4 Les caisses peuvent refuser l'octroi des allocations lorsque le requérant produit, à l'appui de ses prétentions, des documents dont la valeur probante paraît insuffisante, ou s'il ne fournit pas, dans les délais impartis, toutes les pièces requises.

Art. 36

Obligation d'informer

Le bénéficiaire tout comme celui auquel les allocations sont versées doit signaler sans délai tout changement pouvant influer sur le droit à l'allocation ou susceptible d'entraîner la désignation d'un nouveau bénéficiaire.

Art. 37

Décisions

Tous les actes d'administration par lesquels une caisse d'allocations familiales statue sur des droits ou obligations découlant de la présente loi doivent revêtir la forme d'une décision écrite, motivée et comportant l'indication des voies de droit.

Art. 38

Recours et action

1 Les décisions des caisses peuvent, dans les 30 jours à partir de leur notification, être portées devant la commission de recours prévue à l'article 41.

2 La commission de recours statue par voie d'action directe sur les différends entre caisses d'allocations familiales relatifs à l'application de la présente loi.

3 Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des recours contre les décisions prises par l'organe d'application de la compensation prévue à l'article 34.

Art. 39

Qualité pour agir

1 A qualité pour recourir ou pour ouvrir action quiconque est touché par la décision ou par le différend et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée ou à ce qu'il soit jugé.

2 Le même droit appartient aux mêmes conditions aux personnes mentionnées à l'article 35, alinéa 1.

Art. 40

Force de chose jugée et exécution

1 Les décisions des organes d'application passent en force de chose jugée lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un recours en temps utile.

2 Les décisions des organes d'application et celles de l'autorité de recours passées en force qui portent sur une prestation pécuniaire sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889.

Art. 41

Commission cantonale de recours enmatière d'allocations familiales

1 Il est institué une commission cantonale de recours en matière d'allocations familiales.

2 Elle comprend un président, quatre membres titulaires et des suppléants, nommés pour une durée de quatre ans, renouvelable, par le Conseil d'Etat. A l'exception du président, les membres et suppléants sont nommés pour moitié sur présentation des associations patronales et pour moitié sur présentation des associations de salariés.

3 Elle applique les règles de procédure valables pour la commission cantonale de recours en matière d'assurance-vieillesse et survivants instaurée par l'article 17 de la loi d'application, du 13 décembre 1947, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants. Le recourant qui obtient gain de cause n'a cependant pas droit au remboursement de ses frais et dépens ni de ceux de son mandataire.

Art. 42

Sommations et amendes

1 Quiconque ne se conforme pas, dans les délais impartis, aux obligations découlant de la présente loi, reçoit une sommation qui le rend attentif aux conséquences de son inobservation et met à sa charge une taxe de 20 F à 50 F immédiatement exigible.

2 Quiconque n'a pas donné suite à la sommation dans les quinze jours depuis sa notification reçoit une amende d'ordre de 75 F ou, en cas de récidive, de 150 F.

3 Les sommations et prononcés d'amende doivent revêtir la forme prescrite à l'article 37 et peuvent, dans les 30 jours à partir de leur notification, être portés devant la commission de recours prévue à l'article 41.

Art. 43

Contravention et autorité de poursuite

1 La personne qui:

a) en violation de son obligation ne s'affilie pas à une caisse d'allocations familiales;

b) élude ou tente d'éluder le paiement des contributions;

c) s'oppose aux contrôles prescrits pour assurer l'application de la présente loi ou les empêche;

d) étant astreinte à donner des renseignements, en fournit sciemment de faux ou d'incomplets, ou refuse d'en fournir;

e) par des renseignements faux ou incomplets ou de toute autre manière aura obtenu, pour elle-même ou pour autrui, sur la base de la présente loi, une prestation indue,

est passible des arrêts ou d'une amende de 2 000 F au plus, ou des deux peines cumulées.

2 Le Tribunal de police est compétent pour connaître des infractions énumérées à l'alinéa 1.

Art. 44

Droit transitoire

1 Les caisses d'allocations familiales reconnues au sens de la législation en vigueur au 31 décembre 1995 sont considérées comme étant des caisses autorisées au sens de l'article 15.

2 Les employeurs qui ont été exemptés de l'obligation de contribuer en vertu de la législation en vigueur au 31 décembre 1995 continueront à bénéficier de cette exemption même après l'entrée en vigueur de la présente loi.

3 Les caisses d'allocations familiales dont les frais de gestion ne respectent pas les normes de la présente loi disposent d'un délai de cinq ans, dès son entrée en vigueur, pour régulariser leur situation.

4 Les caisses d'allocations familiales visées à l'article 32 disposent d'un délai de deux ans, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, pour créer le fonds de réserve.

Art. 45

Droit supplétif et dérogatoire

Renvoi à la LAVS

1 Pour tout ce qui n'est pas expressément réglé par la présente loi, il est fait renvoi à la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants applicable par analogie.

Conflits de loi et de compétence

2 A l'effet de coordonner la législation genevoise sur les allocations familiales avec celle des autres cantons, de la Confédération, des organisations internationales établies à Genève ou encore avec celle de pays étrangers et de régler des conflits de compétence, le Conseil d'Etat reçoit tous pouvoirs pour conclure des accords pouvant déroger aux règles de la présente loi ou pour proposer aux autorités fédérales compétentes la conclusion de conventions internationales ou leur modification.

Statut des frontaliers

3 L'enfant d'un travailleur frontalier a droit à l'allocation pour enfant prévue à l'article 7, alinéa 1, jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 18 ans.

Statut des requérants

d'asile

4 Le droit aux allocations familiales des enfants, vivant à l'étranger, d'un bénéficiaire qui est requérant d'asile est régi par l'article 21b de la loi fédérale sur l'asile, du 5 octobre 1979, et de ses dispositions d'exécution.

Art. 46

Obligation de collaborer

Les autorités administratives et judiciaires du canton et des communes, les caisses de compensation d'allocations familiales, tout comme les personnes soumises à la loi doivent collaborer gratuitement à sa mise en oeuvre.

Art. 47

Compensation

Les créances de contributions personnelles et les créances en restitution d'allocations perçues sans droit découlant de la présente loi peuvent être compensées avec des prestations échues.

Art. 48

Exonération

fiscale

Les caisses d'allocations familiales sont exonérées des impôts directs cantonaux et communaux sur le revenu et la fortune, sauf en ce qui concerne leur fortune immobilière non affectée à leur but.

Art. 49

Règlement d'exécution

Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter le règlement d'exécution de la présente loi.

Art. 50

Clause abrogatoire

1 Sont abrogés:

a) la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961 (J 7 1);

b) la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés mis à la retraite anticipée pour des raisons économiques, du 12 février 1981 (J 7 7,5);

c) la loi instituant une compensation partielle des charges entre caisses d'allocations familiales, du 17 janvier 1980 (J 7 10);

d) les articles 5 à 8 de la loi sur le fonds d'aide à la famille et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, du 2 juillet 1955 (J 7 8).

Art. 51

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996, sauf les articles 2, alinéa 1, lettre b, et 28 qui entrent en vigueur le 1er janvier 1999.

2 Est abrogée, dès le 1er janvier 1999 la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants du 2 juillet 1955.

Art. 52

Modificationsd'autres lois

 (J 7 5)

1 La loi concernant les allocations familiales aux salariés de l'agriculture et aux petits agriculteurs indépendants, du 16 novembre 1962, est modifiée comme suit:

Art. 2 (nouvelle teneur)

Salariés de l'agriculture

Tant que la loi fédérale n'est pas applicable sur le territoire genevois, les salariés dans l'agriculture résidant ou travaillant dans le canton ont droit:

a) aux allocations prévues par la loi sur les allocations familiales du (à préciser).

b) aux allocations prévues par la loi fédérale, du 20 juin 1952, sur les allocations familiales dans l'agriculture dans tous les cas où cette loi leur est plus favorable.

Art. 4 (nouvelle teneur)

Compensation

Les allocations prévues à l'article 2 sont versées conformément aux règles de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) et peuvent faire l'objet de la compensation prévue aux articles 33 et 34 de ladite loi.

** *

 (C 2 1)

2 La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 25 juin 1985, est modifiée comme suit:

Art. 88A (nouvelle teneur)

Affiliation

Sont astreints à la cotisation, au sens de l'article 88, alinéa 1, lettre a, les employeurs tenus de s'affilier à une caisse d'allocations familiales et astreints au paiement de contributions, conformément aux articles 23, alinéa 1, et 27 de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) (ci-après loi sur les allocations familiales).

Art. 88B, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Sont considérées comme salariés au sens de l'alinéa 1 toutes les personnes occupées par un employeur visé à l'article 88A, alinéa 1, au mois de décembre de l'année déterminante pour le calcul du montant de la compensation prévue par l'article 34 de la loi sur les allocations familiales.

Art. 88C, al. 1 (nouvelle teneur)

Organes chargés de la perception

1 La cotisation est perçue par les caisses d'allocations familiales regroupant les employeurs visés à l'article 88A.

Art. 88D, lettre a  (nouvelle teneur)

       lettre b (abrogée, les lettres c, d, e

et f devenant les lettres b,

c, d et e)

Compétences relatives à la procédure

a) constater l'assujetissement ou l'exemption des employeurs au sens de l'article 88A et rendre les décisions y relatives;

Art. 88E, al. 1 (nouvelle teneur)

al. 3 (abrogée)

1 Les décisions prises en application de l'article 88D, lettres a, b et d peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la commission cantonale de recours en matière d'allocations familiales prévue à l'article 41 de la loi sur les allocations familiales.

Art. 104 (abrogé)

Troisième partie

Titre I

Chapitre II

Section 7

Encouragement à la formation (nouvelle)

Art. 120A (nouveau)

Formation professionnelle

1 En vue de promouvoir la formation professionnelle au sens de l'article 96, les personnes visées à l'article 97 ont droit à une allocation d'encouragement à la formation si le revenu du groupe familial pris en considération ne dépasse pas de plus de 5 000 F celui donnant droit à l'allocation minimale selon l'article 102.

2 L'allocation d'encouragement à la formation, qui est servie dès le mois qui suit le dix-huitième anniversaire du bénéficiaire, mais au plus tard jusqu'à ce qu'il ait atteint 25 ans, correspond au maximum au montant annuel de l'allocation pour l'enfant de plus de 15 ans prévue à l'article 8 de la loi sur les allocations familiales. Elle est réduite selon les critères fixés à l'article 102 et est supprimée si elle n'atteint pas 250 F.

3 L'allocation d'encouragement à la formation est financée par:

a) le budget de l'Etat jusqu'à concurrence des dépenses indexées au coût de la vie, occasionnées en 1995, par l'application de l'ancien article 104;

b) par les caisses d'allocations familiales visées à l'article 34, alinéa 4, de la loi sur les allocations familiales dont le taux de contribution est de 1,3%, qui versent à l'Etat l'excédent de leurs recettes après déduction des charges qu'elles assument en vertu de la loi sur les allocations familiales;

c) subsidiairement par les caisses d'allocations familiales mentionnées ci-dessus dont le taux de contribution est supérieur à 1,3% mais inférieur à 2%, qui versent une contribution forfaitaire pour chaque personne mentionnée à l'article 34, alinéa 5 de la loi sur les allocations familiales, calculée selon les critères fixés à l'article 34, alinéa 6, de ladite loi.

4 Dans la mesure où les alinéas précédents n'y dérogent pas, les articles 96 à 119 sont applicables par analogie.

** *

 (C 1 1, 5)

La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989, est modifiée comme suit:

Troisième partie

Titre II

Chapitre IV

Allocations pour frais de matériel et allocations d'encouragement à la formation

(nouvelle teneur)

Art. 36 (abrogé)

Art. 36A (nouveau)

1 En vue d'inciter les jeunes adultes à développer leurs connaissances au sens de l'article 1, ils ont droit à une allocation d'encouragement à la formatione s'ils remplissent les conditions de l'article 14 et si le revenu du groupe familial pris en considération conformément aux articles 17 à 26 ne dépasse pas de plus de 5 000 F celui donnant droit à l'allocation minimale selon l'article 34.

2 L'allocation d'encouragement à la formation, qui est servie dès le mois qui suit le dix-huitième anniversaire du bénéficiaire mais au plus tards jusqu'à ce qu'il ait atteint 25 ans, correspond au maximum au montant annuel de l'allocation pour l'enfant de plus de 15 ans prévue à l'article 8 de la loi sur les allocations familiales du (à préciser). Elle est supprimée si elle n'atteint pas 250 F.

3 L'allocation d'encouragement à la formation est financée par:

a) le budget de l'Etat jusqu'à concurrence des dépenses indexées au coût de la vie, occasionnées, en 1995, par l'application de l'ancien article 36, alinéa 1;

b) par les caisses d'allocations familiales visées à l'article 34, alinéa 4, de la loi sur les allocations familiales dont le taux de contribution est de 1,35%, qui versent à l'Etat l'excédent de leurs recettes après déduction des charges qu'elles assument en vertu de la loi sur les allocations familiales;

c) subsidiairement par les caisses d'allocations familiales mentionnées ci-dessus dont le taux de contribution est supérieur à 1,3% mais inférieur à à 2%, qui versent une contribution forfaitaire pour chaque personne mentionnée à l'article 14, alinéa 5, de la loi sur les allocations familiales, calculée selon les critères fixés à l'article 34, alinéa 6, de ladite loi.

4 Dans la mesure ou les alinéas précédents n'y dérogent pas, les dispositions de la troisième partie sont applicables par analogie.

** *

 (D 3 1)

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 347, al. 2, dernière phrase (nouvelle teneur)

                lettre l (nouvelle)

de la loi sur les allocations familiales du (à préciser), respectivement et exclusivement:

l) au personnel des caisses d'allocations familiales.

Art. 347, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Les personnes visées à l'alinéa 2, lettres a, b, c, d, e, f, g, i, j, k et l prêtent le serment prévu à l'alinéa 1.

(PL 7199)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Titre I

Création, but, ressources et organisation

Article 1

Création et but

Il est créé, dans les comptes de l'Etat, un Fonds pour la famille qui a pour but:

a) de contribuer au financement des allocations familiales dans les conditions prévues par la législation cantonale en la matière ainsi que de celles prescrites par l'article 37 de la loi fédérale sur la pêche, du 14 décembre 1974;

b) de verser des prestations aux personnes dans le besoin, qui ont des enfants à leur charge et qui n'ont aucun droit à des allocations familiales ou des prestations similaires.

Art. 2

Ressources

Le fonds est alimenté par :

a) les affectations découlant des dispositions de la loi sur les allocations familiales du (à préciser);

b) les dons et legs acceptés par le Conseil d'Etat;

c) les intérêts du capital du fonds, dont le taux est fixé par le règlement d'exécution.

Art. 3

Réserve

1 Le capital du fonds ne doit pas être inférieur à 2 années de dépenses au sens de l'article 1.

2 Le taux des contributions prélevées par la Caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales en application de l'article 27, alinéa 4, de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) est fixé de manière à garantir le maintien d'une réserve suffisante au sens de l'alinéa 1.

Art. 4

Comptes

Les comptes, le bilan et l'état de la fortune détaillé sont publiés chaque année au compte rendu de l'Etat.

Art. 5

Organes d'application

1 Le département des finances est chargé de la gestion du fonds et du versement des subsides prévus à l'article 1, lettre a.

2 La caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité est chargée de fixer et servir les prestations prévues à l'article 1, lettre b. Les dépenses entraînées de ce fait lui sont remboursées, selon les modalités fixées par le règlement d'exécution.

Art. 6

Conditions

d'octroi

1 Toute personne, domiciliée dans le canton, dont les revenus ne dépassent pas les limites prévues à l'alinéa 2 et qui a un ou plusieurs enfants à charge, également domiciliés dans le canton, peut prétendre aux prestations conformément aux dispositions ci-après si cet enfant ne donne aucun droit à des allocations familiales ou à des prestations similaires.

2 Le droit aux prestations est ouvert si les revenus bruts de l'ayant droit ne dépassent pas une fois et demie le montant fixé à l'article 3, alinéa 1, de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968, et s'il ne dispose pas d'une fortune nette supérieure à 25 000 F.

3 Ces montants sont majorés de:

a) 50% si l'ayant droit fait ménage commun avec un adulte dont il assume la charge d'une manière prépondérante et durable;

b) 25% pour chaque enfant mineur dont le revenu brut propre est inférieur à 30 000 F par année;

c) 25% pour chaque enfant majeur de moins de 25 ans vivant en communauté domestique avec l'ayant droit et dont le revenu brut propre est inférieur à 30 000 F par année.

4 L'ordre dans lequel les personnes visées à l'alinéa 1 peuvent faire valoir le droit aux prestations est le suivant :

a) la mère;

b) le père;

c) la personne qui assume l'entretien de l'enfant de manière prépondérante et durable.

En cas de divorce ou de séparation judiciaire, le droit appartient à la personne qui a la garde de l'enfant.

Art. 7

Genre et montant des prestations

Les prestations sont identiques à celles prévues au titre III de la loi sur les allocations familiales du (à préciser).

Art. 8

Exercice du droit aux prestations

1 Les personnes visées à l'article 6 doivent faire valoir leur droit, par écrit, sur une formule officielle remise à la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité, en y joignant tous les documents requis. La caisse procède aux enquêtes nécessaires et rend la décision.

2 Si les documents exigés ne sont pas fournis, les prestations sont refusées.

Art. 9

Versement des prestations

Les prestations sont versées dès le mois du dépôt de la demande et jusqu'à la fin du mois au cours duquel le droit cesse d'exister. Si l'ayant droit décède, le versement est maintenu encore pendant trois mois.

Art. 10

Décisions et voies de droit

1 La caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité statue sur les droits et obligations découlant de la présente loi en rendant une décision écrite et motivée, indiquant les voies de droit.

2 Dans les trente jours qui suivent sa notification, la décision peut faire l'objet d'une réclamation écrite et motivée adressée au chef du département de l'action sociale et de la santé.

Celui-ci peut:

a) annuler la décision et renvoyer le dossier à la caisse pour un nouvel examen;

b) confirmer la décision qui devient ainsi définitive.

Art. 11

Droit supplétif

Pour tout ce qui n'est pas expressément réglé par la présente loi, il est fait renvoi aux dispositions de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) et de son règlement d'exécution, applicables par analogie.

Art. 12

Règlement d'exécution

Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de la présente loi.

Art. 13

Clause abrogatoire

La loi sur le fonds d'aide à la famille et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, du 2 juillet 1955, est abrogée.

Art. 14

Entrée en

vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.

Art. 15

Dispositions transitoires

Le capital du fonds d'aide à la famille institué par l'article 1 de la loi sur le Fonds d'aide à la famille et la caisse d'allocation familiales des administrations et institutions cantonales du 2 juillet 1955 est transféré au Fonds pour la famille, prévu à l'article 1.

Art. 16

Modification à une autre loi

 (D 3 1)

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 347, al. 2, dernière phrase (nouvelle teneur)

et de la loi sur le Fonds pour la famille du (à préciser) respectivement et exclusivement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Préambule

Dans le système législatif actuel, fort complexe, il faut être à la fois salarié et avoir des enfants pour bénéficier des allocations familiales.

La loi en vigueur a cependant subi quelques modifications pour prendre en compte des situations particulières ou difficiles. Le législateur a introduit des exceptions à la notion de salarié.

Les chômeurs ont été assimilés aux salariés et les chômeurs en fin de droit aux chômeurs.

En cas de maladie avec incapacité de travail (mais contrat de travail maintenu sans versement de salaire), les allocations continuent d'être versées pendant douze mois dans une période de dix-huit mois. Cette durée peut être prolongée si les parents ont un revenu inférieur à certaines limites.

Quant aux familles monoparentales, ces dernières peuvent bénéficier de l'allocation entière même si la personne qui a des enfants à charge travaille à temps partiel, pour autant qu'elles remplissent certaines conditions précises fixées par la loi (nombre d'enfants, taux d'activité, etc.).

Le financement des allocations familiales est assuré, d'une part, par des caisses professionnelles regroupées au sein de la Conférence genevoise des caisses d'allocations familiales et, d'autre part, par le service cantonal d'allocation familiales et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales.

Pour le surplus, le fonds d'aide à la famille contribue au financement des allocations familiales versées notamment aux agriculteurs indépendants, au personnel de maison, aux chômeurs en fin de droit, aux retraités anticipés pour motifs économiques et aux invalides aux moyens modestes.

1. Historique de la démarche

1.1. Les motions

Conformément à notre législation, le montant des allocations familiales est revu tous les deux ans, en tenant compte de l'évolution des prix, des salaires et des charges des caisses concernées.

Lors de la révision de novembre 1992, la commission des affaires sociales rendant compte de toutes les discussions qui avaient surgi à cette occasion, a proposé un projet de motion (M 836) invitant le Conseil d'Etat

 à étudier la possibilité de modifier la loi actuelle sur les allocations familiales en collaboration avec la Conférence des caisses d'allocations familiales et la caisse cantonale;

 à étudier la possibilité d'intégrer les indépendants comme bénéficiaires.

En janvier 1993, fut également renvoyée au Conseil d'Etat une motion socialiste (M 842) invitant ce dernier

 à étudier, en collaboration avec la Conférence des caisses d'allocations familiales et la caisse cantonale, la possibilité de modifier la loi actuelle sur les allocations familiales de manière à ce que tous les parents (salariés ou non) puissent bénéficier d'allocations familiales modulées selon leur revenu.

1.2. Mandat à la Conférence des caisses d'allocations familiales

Le 11 février 1993, conformément aux décisions parlementaires ci-dessus et saisissant l'occasion d'une refonte complète de la législation sur les allocations familiales, le Conseil d'Etat charge la Conférence des caisses d'allocations familiales de «préparer un rapport étudiant sous l'angle de l'opportunité et de la faisabilité, les points suivants, étant entendu que le montant total des allocations familiales versées, en Suisse et à l'étranger, devrait rester inchangé:

a) fusion totale ou partielle des allocations familiales;

b) création d'une allocation maternité versée durant les 6 mois suivant la naissance;

c) allocations familiales variant en fonction du revenu familial;

d) versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du «Standard de pouvoir d'achat» de la Communauté européenne;

e) extension aux indépendants des allocations familiales;

f) introduction d'un taux unique de contribution ou, à défaut, d'un taux minimum avec extension de la compensation des charges entre caisses;

g) amélioration de l'information générale sur la situation financière des caisses de compensation;

h) eurocompatibilité du régime des allocations familiales;

i) introduction du principe «un enfant - une allocation», avec étude de ses implications financières.»

(In. Rapport de gestion du Conseil d'Etat 1993 (p. 203))

En juin 1993, la Conférence des caisses d'allocations familiales a rendu sa contribution en élaborant trois propositions principales.

  un code des allocations familiales;

comme actuellement, il est principalement fondé sur la notion de salarié en ce qui concerne les bénéficiaires et sur les employeurs en ce qui concerne le financement. Les allocations de base, à montant unique, sont étendues jusqu'à 18 ans, respectivement 16 ans pour les salariés dont les enfants sont domiciliés à l'étranger.

  un projet de loi sur le fonds d'aide à la formation;

remplaçant les actuelles allocations de formation professionnelle, les prestations prévues sont destinées à toute personne (salariée ou non) qui a un enfant à charge entre l'âge de 18 et 25 ans et qui est au bénéfice des prestations de la loi sur l'encouragement aux études ou celle sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens. Le fonds est alimenté par une taxe prélevée par l'Etat sur les caisses d'allocations familiales privées et publiques.

 un projet de loi sur le fonds d'aide à la famille.

Sur la base des documents remis par la Conférence des caisses d'allocations familiales, le Conseil d'Etat a ouvert, en juillet 1993, la procédure de consultation des divers milieux intéressés, qui s'est achevée en novembre 1993.

La synthèse point par point de cette consultation sur les propositions de la conférence des caisses laisse apparaître quelques désaccords majeurs, ainsi que quelques nouvelles suggestions.

2. Projet de la commission d'experts

2.1. Commission d'experts

Afin de reprendre le travail, un arrêté du département de l'action sociale et de la santé nomme «une commission d'experts chargée de procéder à une refonte complète de la législation cantonale sur les allocations familiales et de la regrouper en un seul texte, clair, complet et accessible à tous» ( 28 avril 1994).

Les membres nommés sont issus des syndicats, du patronat et des diverses formations politiques.

Les membres sont désignés ad personam.

Les points à étudier sont les mêmes que ceux proposés précédemment à la Conférence des caisses d'allocations familiales. La commission est en possession des propositions de la Conférence des caisses d'allocations familiales et des résultats de la consultation.

Au-delà des principes à mettre en oeuvre, la commission a travaillé sur l'estimation des coûts.

2.2. Philosophie du projet

A l'issue des travaux, Mme Hélène Braun, présidente de la commission d'experts, a adressé une lettre à M. Guy-Olivier Segond, en date du 23 novembre 1994, lettre dans laquelle est souligné le caractère constructif des travaux menés par la commission d'experts (Annexe 1).

Les lignes directrices du projet, détaillées dans la lettre, sont les suivantes:

 soit un principe en rupture avec le lien principal d'attribution des allocations familiales aux salariés.

 l'universalité des prestations concerne aussi les indépendants, pour lesquels la commission a envisagé, puis abandonné le principe de volontariat au profit du principe d'universalité plus solidaire et plus viable.

 maintien de l'allocation de naissance et d'accueil à leur niveau actuel;

 revalorisation de l'allocation pour enfant de 0 à 15 ans. La commission propose que dès l'entrée en vigueur (1er janvier 1996) celle-ci soit portée à 170 F avec pour objectif que cette allocation, adaptée à l'évolution du coût de la vie, atteigne 200 F en l'an 2000;

 en ce qui concerne les 15-18 ans: conservation de l'allocation de 220 F sans toutefois que celle-ci soit liée à l'obligation de formation. A Genève, 84% des jeunes poursuivent leur formation jusqu'à 18 ans, avec une tendance à l'allongement de cette période.

Le projet à terme souhaite un montant unique d'allocation de 0 à 18 ans.

L'universalité de l'attribution des prestations dans cette tranche d'âge implique une simplification de gestion importante.

 l'allocation complémentaire est transformée en allocation d'encouragement à la formation, elle est attribuée en fonction des revenus et assure ainsi la solidarité nécessaire à la formation des jeunes.

Les fonds dégagés par l'abandon de la prestation généralisée de 18 à 25 ans sont attribués pour améliorer les prestations dues aux enfants entre 0 et 15 ans.

 la compensation entre caisses s'en trouve élargie;

 les frais de gestion devront être limité à 7%.

Pour plus de détails, le commentaire article par article de la loi sur les allocations familiales, rédigé à l'issue des travaux de la commission d'experts, apporte toutes les explications utiles (Annexe 2).

 le Fonds pour la famille participera au financement des allocations familiales pour les personnes non actives de même qu'à des personnes dans le besoin qui ne remplissent pas les conditions d'octroi. Le fonds jouera un rôle de «filet de sécurité» pour les plus démunis.

Pour plus de détails, le commentaire article par article de la loi sur le Fonds pour la famille, rédigé à l'issue des travaux de la commission d'experts, apporte toutes les explications utiles (Annexe 3)

 cotisations des employeurs;

 pour les indépendants: contribution de 1,3% sur le revenu minimum soumis à cotisation AVS (minimum de 120 F par an);

 pour les personnes sans activité lucrative, contribution de 10 à 25% du montant des cotisations AVS (pour autant que ces cotisations dépassent le minimum fixé par la loi);

 en ce qui concerne la couverture financière de l'allocation d'encouragement à la formation:

1. par le budget de l'Etat jusqu'à concurrence des dépenses prévues pour les allocations complémentaires (1995);

2. par l'excédent de recettes des caisses d'allocations familiales dont le taux de contribution est de 1,3% et, subsidiairement, par celles dont le taux est supérieur à 1,3%, mais inférieur à 2%.

Les autres aspects soumis à examen ont été écartés (voir annexe 1).

3. Evolution du projet

3.1. Lettre de M. Guy-Olivier Segond, chef du département

En date du 5 décembre 1994, M. Guy-Olivier Segond écrit aux membres de la commission d'experts qu'il transmet au Conseil d'Etat, intégralement, sans modifications ou adjonctions, les deux projets de lois, les deux exposés des motifs ainsi que les diverses annexes.

3.2. Conseil d'Etat, 21 décembre 1994

Alors qu'aucune observation écrite n'avait été formulée jusqu'à ce jour par les membres du Conseil d'Etat, une communication, par fax, de la Conférence des caisses d'allocations familiales, signée de M. Michel Barde, président, demande au Conseil d'Etat de «surseoir en l'état à toute décision».

La majorité du Conseil d'Etat obtempère et sursoit.

La presse de la fin de l'année 1994 s'est fait l'écho de cette démarche et des réactions syndicales en particulier.

4. Proposition

Si les travaux de la commission d'experts ont pu être qualifiés de constructifs, voire de consensuels, si par ailleurs ces travaux n'ont pas trouvé sur tous les points une unanimité, les deux projets de lois doivent faire l'objet d'un débat démocratique, autrement dit, parlementaire.

Nous vous soumettons, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de refonte de la législation en matière d'allocations familiales, tel qu'issu des travaux de la commission d'experts mandatés par le département de l'action sociale et de la santé.

Le projet vous est présenté non modifié.

En effet, l'aspect très technique de la question se double d'une évidente interprétation politique qui doit faire l'objet d'un examen en commission parlementaire. C'est pourquoi, les «auteurs» du présent projet de loi n'ont pas voulu par avance faire valoir l'un ou l'autre argument possible en marge des propositions du groupe d'experts. C'est au Grand Conseil qu'il appartient d'entendre l'ensemble des partenaires et d'élaborer le projet qui convient.

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un accueil favorable à cette proposition.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

Préconsultation

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Au nom du Conseil d'Etat et au seuil du débat en matière d'allocations familiales, j'aimerais faire la déclaration suivante :

A la fin de l'année 1992, votre Grand Conseil a demandé, à une large majorité, une réforme de la législation cantonale sur les allocations familiales, comprenant l'étude du principe «un enfant - une allocation».

Sur cette base, le Conseil d'Etat a chargé la Conférence des caisses d'allocations familiales de donner suite au mandat du Grand Conseil, ce qui fut fait en juin 1993. Mises en consultation durant l'été et l'automne 1993, les propositions de la Conférence des caisses d'allocations familiales firent l'objet de nombreuses remarques, diverses et contradictoires, mais généralement critiques.

C'est pourquoi le Conseil d'Etat a chargé, au début de cette législature, une commission ad hoc, composée de personnalités appartenant aux milieux intéressés et aux partis politiques, d'élaborer un projet de nouvelle législation en se basant :

- sur le mandat du Grand Conseil;

- sur les travaux de la Conférence des caisses d'allocations familiales;

- sur les résultats de la procédure de consultation.

Après un travail approfondi, conduit sereinement, cette commission, présidée par Mme Hélène Braun, ancienne présidente du Grand Conseil, a remis au Conseil d'Etat l'ensemble de ses travaux à la fin du mois de novembre 1994.

Inscrit à l'ordre du jour de la séance du 21 décembre 1994 du Conseil d'Etat, les projets de lois proposés par la commission n'ont pas pu être adoptés tels quels, le gouvernement entendant examiner certaines propositions qui n'avaient pas été retenues, telles que l'introduction d'une variation du montant des allocations familiales en fonction du revenu du groupe familial.

C'est pourquoi, à la suite de diverses péripéties, le Grand Conseil est aujourd'hui saisi de trois projets de lois, dont deux reprennent les travaux de la commission ad hoc.

A l'égard de ces trois projets et, plus généralement, de la réforme du régime des allocations familiales, le Conseil d'Etat a défini, au cours de sa dernière séance, les cinq principes fondamentaux suivants qui devraient figurer dans la nouvelle législation qui sortira des délibérations du Grand Conseil :

1) Introduction du principe «un enfant - une allocation» :

 a) pour les enfants des personnes contribuables à Genève;

 b) pour les enfants des personnes indépendantes, contribuables à Genève sur la base d'une affiliation volontaire.

2) Montant des allocations familiales variant en fonction du revenu familial.

3) Versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du standard du pouvoir d'achat défini par l'Union européenne.

4) Financement des allocations familiales par les employeurs, privés et publics, au moyen d'un taux unique de contribution.

5) Maintien du système de gestion des allocations familiales par les caisses actuelles.

Le Conseil d'Etat vous recommande donc de renvoyer les trois projets de lois à la commission des affaires sociales, qui connaît bien le régime actuel des allocations familiales et qui, conformément aux usages parlementaires, entendra les divers milieux intéressés et, en particulier, la Conférence des caisses d'allocations familiales.

Enfin, au-delà des escarmouches et des avis divergents des divers milieux intéressés, le Conseil d'Etat entend rappeler clairement et fermement que, sous réserve des droits populaires, c'est au gouvernement et au parlement de faire les arbitrages et de prendre les options de fond, en cette matière comme en d'autres.

M. Christian Grobet (AdG). J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos du président du Conseil d'Etat, mais, notre parti n'ayant pas le privilège d'être représenté à votre gouvernement, vous comprendrez que nous nous permettions, Monsieur le président, de présenter nos propositions !

J'ai eu la satisfaction, en entendant vos propos, de constater que notre projet de loi serait peut-être assez proche de vos préoccupations. C'est paradoxal, mais, à titre personnel, je m'en réjouis. Lors du débat qui a eu lieu au début du mois de décembre sur l'adaptation du montant des allocations familiales, qui doit intervenir tous les deux ans, notre groupe s'était permis de présenter certaines propositions relatives au montant des allocations familiales. Ces propositions correspondaient à celles faites par les représentants des syndicats genevois.

A cette occasion, les représentants de notre groupe s'étaient fait - il faut bien le dire - quelque peu rabrouer par les autres formations de ce Grand Conseil, lesquelles nous reprochaient d'aller trop vite en besogne. Certains étaient peut-être mieux informés que nous. Vous avez parlé d'une commission formée de représentants des partis politiques. Or, vous le savez, notre parti n'est pas représenté dans cette commission, ce qui fait que nous sommes bien moins informés. Les partis qui sont représentés bénéficient ainsi du fruit de la commission d'experts. C'est sans doute pour cela que certains pouvaient faire des affirmations au mois de décembre et que nous avons pu paraître très à côté de la question. Mais toujours est-il qu'aujourd'hui il s'avère que nous étions fondés à faire des propositions, puisque le projet de loi, présenté comme imminent, a été reporté par la force des choses, comme vous venez de l'annoncer.

D'autre part, à la lecture du projet de loi déposé par nos collègues, nous constatons que le projet des experts ne répond pas aux demandes des deux motions qui ont été votées par le Grand Conseil, il y a deux ans en arrière. Vous en avez rappelé certaines, Monsieur le président.

En dehors des demandes formulées dans ces deux motions, une observation figurait dans l'exposé des motifs, à savoir que la loi actuelle sur les allocations familiales est devenue très compliquée au fil des années, avec l'adjonction de différentes catégories de bénéficiaires et qu'il fallait la simplifier. Or, nous constatons que le projet des experts nous présente un projet de loi encore plus compliqué que celui qui existe actuellement dans notre législation. Permettez-moi de vous dire que cet objectif n'a pas été atteint ! Le principe «un enfant - une allocation» figurait dans la motion, mais il semble que le projet des experts ne respecte pas ce principe intégralement, sinon on peut se demander la raison de tous ces articles compliqués. Les critères que vous venez de définir me paraissent nettement meilleurs.

Par contre, nous sommes inquiets d'entendre que les indépendants ne seraient assujettis que facultativement ou bénévolement à la loi. Cela nous paraît inconciliable avec le financement des allocations qui doit être assuré par toutes les personnes qui ont un revenu par le produit de leur travail, et nous ne concevons pas qu'un certain nombre d'indépendants puissent y échapper. C'est un vieux débat. Du reste, la motion du Grand Conseil demandait clairement l'assujettissement des indépendants, ne serait-ce que pour des questions d'égalité de traitement.

Il est également indispensable d'avoir un taux unique de contribution, comme le suggéraient les motions. Or, le projet des experts ne retient pas du tout le système du taux unique. Alors, on retombe dans des systèmes d'inégalité de traitement extrêmement insatisfaisants et, forcément, les comptes des caisses manquent de transparence, puisque les taux de contribution diffèrent.

Nous sommes heureux de vous entendre dire que vous seriez favorable à une allocation variant en fonction des revenus, comme nous le proposons et que les experts ne proposent pas. On peut, du reste, se demander si l'allocation de 200 F, que nous proposons, ne devrait pas être diminuée pour les très hauts revenus. La variation devrait être plus importante que celle suggérée. Les experts proposent une participation financière de l'Etat, ce qui nous étonne. Cela ne nous paraît pas acceptable surtout dans la conjoncture actuelle. Nous constatons également - ou plutôt nous croyons, car ce projet de loi des experts n'est pas facile à comprendre et il semble que les choses auraient pu être dites plus simplement - que l'allocation de formation ne bénéficiera pas à tous les intéressés. Cela nous inquiète aussi.

En conclusion, nous proposons quelque chose de nouveau qui nous paraît être la sagesse et la simplicité, à savoir que les cotisations doivent être prélevées par les caisses AVS. Aujourd'hui, il serait néfaste que les employeurs et les indépendants payent leurs contributions à des caisses différentes à l'AVS-AI APG et aux allocations familiales. Il paraît donc normal que chacun continue de payer à sa caisse.

Par contre, pour assurer véritablement un taux uniforme de contribution qui bénéficie absolument à tous les enfants tout en réduisant les frais administratifs élevés qu'implique le système actuel, il faut un seul office payeur. Cet office payeur recevrait les contributions perçues par l'ensemble des caisses, ce qui permettrait véritablement d'assurer l'uniformité du taux de contribution, la garantie d'éviter les doubles payements, une allocation pour chaque enfant et la réduction des frais administratifs, sans parler d'une réelle transparence.

Certains trouveront peut-être ces propositions très novatrices, mais je rappelle que la suggestion de tout centraliser en une seule caisse figurait déjà dans les motions votées par le Grand Conseil. Nous ne proposons pas une seule caisse; nous proposons le maintien des versements auprès des caisses existantes, mais avec un seul office payeur.

Nous vous remercions par avance du bon accueil que vous réserverez à notre projet de loi.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Le groupe socialiste accueille favorablement les deux projets de lois qui vous sont soumis ce soir. Non seulement il les accueille favorablement, mais il les attendait impatiemment.

Pourquoi cette impatience ? 1994, qui avait été décrétée année internationale de la famille, nous a donné l'occasion, comme d'autres années internationales sur d'autres sujets, de réfléchir sur la famille ou plutôt, comme l'ont fait ressortir les différents participants au récent colloque «Familles en mouvement», sur les familles en Suisse et à Genève en particulier. Le constat majeur de cette réflexion est que la Suisse est le pays le plus vieux du monde, non pas parce que ses habitants y vivent plus longtemps mais bien par insuffisance du nombre de naissances. Ce problème sera vraisemblablement très important au tournant du XXIème siècle, tout proche.

Sans vouloir d'une politique nataliste, nous pensons qu'il est essentiel pour ce pays, pour ses habitants, pour son économie, que l'attitude face aux enfants et aux familles change, qu'elle soit plus accueillante, plus favorable, plus généreuse. L'enfant, s'il est d'abord - je l'espère - le fruit du désir de ses parents, est aussi un pari pour l'avenir, un investissement. Mais il ne suffit pas seulement de l'affirmer, il faut faire en sorte de le réaliser.

La législation genevoise, comme celle de nombreux cantons suisses, est actuellement très compliquée, relativement ancienne, faite de rajouts successifs au fur et à mesure de l'évolution des problèmes. Elle a manifestement besoin d'être repensée. C'est bien parce que ce besoin était manifeste que M. Segond avait mandaté la Conférence des caisses d'allocations familiales. Comme M. Vodoz l'a dit tout à l'heure, ce projet de la Conférence des caisses a été soumis à consultation et, au vu des remarques qu'il a suscitées, M. Segond a jugé nécessaire de mandater un groupe d'experts pour l'élaboration d'une nouvelle législation. Ce groupe a fait son travail; il a rendu son projet.

Monsieur Vodoz, vous parliez tout à l'heure de «péripéties», moi je dirai plutôt que l'affaire tourne au feuilleton à scandales depuis la fin de l'année. En effet, la Conférence des caisses, insatisfaite de ce projet qui n'avait pas encore été soumis à consultation, a jugé bon de voter une résolution demandant au Conseil d'Etat de suspendre son examen du projet de loi. Cette intrusion est en elle-même choquante, parce que ce n'était pas le moment de s'immiscer dans ce débat. Mais ce qui est encore plus choquant, c'est que le Conseil d'Etat a obéi à cette injonction en retirant ce point de son ordre du jour...

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Vous ne m'avez pas écouté !

Mme Liliane Maury Pasquier. Cette attitude est autant inadmissible qu'antidémocratique !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. C'est n'importe quoi !

Mme Liliane Maury Pasquier. (L'oratrice, gênée par diverses remarques, hausse le ton.) En effet, le lieu même du débat démocratique est ce Grand Conseil, parce que ses membres ont été élus par le peuple, comme vous, parce que, grâce notamment au système proportionnel, ils sont les plus représentatifs de tous les courants d'opinion et, enfin, parce que les structures du Grand Conseil garantissent tant la transparence des débats que la possibilité pour quiconque d'être entendu.

C'est donc pour que ce débat attendu et annoncé puisse avoir lieu là où il doit être mené que nous avons décidé, quelques députés et moi-même, de déposer le projet de loi que le Conseil d'Etat aurait dû déposer. Ce projet est le fruit d'heures de séances, de travail, d'auditions et de lectures. Il est le résultat d'une volonté de tous d'aboutir à un consensus et de permettre de réaliser - comme ce Grand Conseil l'avait demandé et vous l'avez rappelé - le principe fondamental «un enfant - une allocation». Ce n'est cependant pas un projet de loi socialiste, et mon groupe se réserve, bien sûr, la possibilité de faire des propositions en commission pour examiner à fond toute la problématique des allocations familiales et, le cas échéant, améliorer notre législation dans le sens d'une meilleure prise en compte des enfants et des familles.

Nous avons pris bonne note, Monsieur Vodoz, de votre dictée, qui nous indique ce que nous allons devoir décider ! Vous nous permettrez quand même, lors de l'examen de ces projets en commission, de les traiter au plus près de nos désirs et de nos convictions. (Applaudissements et bravos fusent.)

M. Bénédict Fontanet. Ladies first ! (Exclamations admiratives, car l'accent est irréprochable.)

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). La politique sociale dans notre pays représente une quote-part du budget de 1% du produit intérieur brut; 1,1% si on ajoute les frais d'accouchement couverts par les assurances-maladie. Cette performance nous permet de nous comparer, pour ce qui est des pays de l'Union européenne, au mieux, à la Grèce et à l'Espagne.

Les allocations familiales font partie de la sécurité sociale et non pas de l'aide sociale, et cela est très important pour la suite du débat. La conclusion de la commission d'experts met bien l'accent sur cette considération en distinguant l'allocation familiale identique et accordée à chaque enfant, parce qu'elle est une contribution de sécurité sociale aux frais occasionnés par les enfants et à ce qu'on peut appeler «un risque», d'un revenu minimum d'aide sociale qui concernerait la famille. Les propositions reprises par M. Vodoz à l'instant sur une allocation en fonction du revenu des familles font passer ce principe de la sécurité sociale au principe de l'aide sociale. Il est assez paradoxal de voir la gauche soutenir une telle proposition, car elle relève plutôt d'un principe libéral !

La décision concernant «un enfant - une allocation» que la commission d'experts s'est décidée à accorder est une affaire de solidarité générale. L'histoire des allocations familiales est une histoire d'entraide et de solidarité par branches professionnelles. Toutes les actions de solidarité cantonales ou nationales doivent maintenant avoir une assiette plus large et faire participer chacun. Cela constitue la nouvelle idée de la conception de la citoyenneté, c'est-à-dire que l'on accorde des droits ou des devoirs à tous dans beaucoup de domaines, simplement parce que nous faisons partie de la société.

Des alternatives ont été examinées en commission d'experts pour le financement de ce projet. Nous avons des solutions mixtes dans le projet, qui consistent à conserver l'équipement opérationnel et le financement par les contributions des employeurs. La diversification des sources de financement de toutes les politiques sociales dans ce pays est en cours d'élaboration et le sera encore. Conserver ce qui existe dans ce cas était une façon de voir aboutir un projet.

Que la Conférence des caisses ait quelque chose à dire sur les allocations familiales : sans nul doute ! D'autres ont déjà dit que le lieu avait été mal choisi et que le débat en commission parlementaire serait plus approprié pour entendre les points de vue des partenaires.

S'agissant des contributions patronales, je voudrais tout de même faire deux remarques. La première est qu'il faut relativiser l'impact des charges sociales sur l'emploi. Certains économistes contestent de plus en plus que la moindre augmentation des charges sur le travail soit une cause de chômage. Deuxième remarque : la contribution patronale n'est, en définitive, du point de vue des syndicats des employés, qu'une contribution prélevée sur le produit du travail, sur le produit de l'équipement de l'entreprise, sur les capitaux de l'entreprise, mais aussi sur la production des employés eux-mêmes. Par ailleurs, on ne peut jamais dire si la contribution patronale, telle que dénommée, n'a pas été déduite in fine d'une éventuelle augmentation de salaire qui aurait pu avoir lieu !

Dans les débats publics, on parle beaucoup de l'augmentation du nombre de personnes assujetties à cette contribution, mais on oublie de dire que l'augmentation de ce nombre implique aussi l'augmentation des bénéficiaires. Je reprendrai rapidement - parce qu'il en a déjà été question - la démarche qui a conduit au dépôt de ces deux projets de lois. Le travail de la commission d'experts a déjà été mentionné. Les motifs invoqués par M. Vodoz, président du Conseil d'Etat, pour différer la présentation du projet de loi au Grand Conseil ne me convainquent pas. La presse, en fin d'année, a interprété l'exposé des motifs, en page 41, de la manière suivante : «Le président, le secrétaire général de la Conférence des caisses, demandant au Conseil d'Etat de surseoir, en l'état, à toute décision, la majorité du Conseil d'Etat obtempère et sursoit !».

Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous dites que cinq principes doivent diriger la réforme de la loi sur les allocations familiales. Les cinq principes que vous citez sont des principes qui reviennent en arrière par rapport au projet de loi de la commission d'experts. Comme Mme Maury Pasquier, je dirai qu'il appartient au Grand Conseil de légiférer et que, in fine, ce travail doit s'effectuer en commission parlementaire. Le vide laissé par la non-présentation de ces projets a permis à l'Alliance de gauche de faire des propositions par voie de projet de loi. Elle était tout à fait en droit de le faire étant donné que les autres propositions n'existaient pas. Je pense que leur projet doit être examiné en commission, avec les autres, comme étant un point de vue positif sur cette réforme.

M. Bénédict Fontanet. Je n'entends pas faire un procès d'intention au président Vodoz qui a su démontrer... (Quolibets.) ...dans d'autres enceintes qu'il était un parfait démocrate.

Mais, Mesdames et Messieurs, Madame Maury Pasquier en particulier, lorsque nous lisons la presse et que nous avons le sentiment que des informations curieuses circulent, nous, nous allons à la source ! Et la source, en l'occurrence, c'est le Conseil d'Etat, par la voix de M. Vodoz, qui a su nous rassurer ce soir. Avant de faire des procès d'intention, sachez vous informer là où il le faut ! Il est vrai que les socialistes n'ont plus de conseiller d'Etat - actuellement tout au moins - ... (Manifestation de réprobation sur les bancs de la gauche.) ...ce qui fait que la source est moins facile d'accès qu'auparavant, mais il n'empêche que vous avez été mal informés et que vous vous êtes contentés, en l'occurrence, d'une mauvaise information. (Interpellé par une députée.) Madame, vous le savez, la vérité est une notion qui est susceptible de varier en fonction du temps, des circonstances et des gens... (Rires.)

Une voix. Ah, c'est de mieux en mieux !

M Bénédict Fontanet. ...qui s'expriment. Mais cela est un autre débat et ce n'est pas celui qui nous préoccupe ce soir !

En matière d'allocations familiales, personne n'est satisfait de la situation actuelle, que ce soit celle qui prévaut à Genève ou en Suisse, qu'il s'agisse d'allocations familiales ou de politique familiale de manière plus large. Dans ce domaine et dans celui de la politique familiale, notre pays a deux guerres de retard ! On ne cesse effectivement de se plaindre du vieillissement de la population et force nous est de constater que l'on prend peu de mesures dans ce pays pour encourager les gens à avoir des enfants. Nous espérons, nous, que les mesures qui doivent être prises sur le plan fédéral, dans le cadre de l'assurance-maternité, le seront ici aussi. A Genève, notre législation sur les allocations familiales est désuète, compliquée et ancienne. Elle doit être réformée rapidement, et cette réforme ne doit pas se faire aux calendes grecques, ce d'autant que l'on sait les situations difficiles vécues par certaines familles modestes aujourd'hui. Cette réforme doit tenir compte de deux cocktails importants : la situation de nos finances publiques et celle de notre économie en général.

Notre groupe accueille donc avec intérêt les trois projets de lois qui seront soumis à ce Grand Conseil. Nous souhaitons que cette affaire d'allocations familiales soit traitée rapidement pour être sous toit au plus vite, car, comme le relevait à juste titre Mme Maury Pasquier, l'année de la famille est déjà à son terme. Je n'entends pas, ce soir et à ce stade, entrer dans le détail des différentes mesures qui vous sont proposées, si ce n'est pour vous dire - et je ne le dis pas parce que je suis avocat - que de contraindre systématiquement tous les indépendants à cotiser, d'une part, et à bénéficier de ces allocations, d'autre part, ne me semble pas forcément une bonne chose. Enfin, nous pourrions prévoir des paliers dans ce système d'allocations. En effet, une allocation de 100, 200, 300 ou 400 F pour un revenu de 300 000 F n'a pas la même importance que pour un revenu de 40 ou 50 000 F.

Cette affaire des allocations familiales doit nous permettre d'aller vers une plus grande solidarité. Nous espérons que ce Grand Conseil saura démontrer à la population qu'il peut aller vers un véritable Etat solidaire tout en sachant résister aux sirènes d'un Etat-providence et arrosoir !

M. Bernard Annen (L). La définition de la commission dite d'experts m'apparaît quelque peu abusive. Il faut se méfier des mots utilisés. En effet, cette commission de douze à treize personnes ne comportait que trois réels experts et une seule était gestionnaire d'une caisse d'allocations familiales ! Cela ne veut pas dire que les autres n'ont pas d'avis sur ce sujet. Les sensibilités des uns et des autres ont été uniquement de nature politique. L'un de ces prétendus experts, à la fin des travaux de la commission, prétendait encore que le financement des allocations familiales à Genève était paritaire, la moitié de la cotisation étant payée par les ouvriers et l'autre moitié par les employeurs. C'est dire à quel point elle méconnaissait ce sujet !

Une voix. Mais non !

M. Bernard Annen. Mme Maulini-Dreyfus nous dit, dans l'historique de son rapport, que la motion 836 invitait le Conseil d'Etat à étudier la possibilité de modifier la loi actuelle en collaboration avec la Conférence des caisses d'allocations familiales et la caisse cantonale. La commission d'experts, à l'issue de ses travaux, n'a pas daigné auditionner la Conférence des caisses... (L'orateur est très chahuté. La présidente intervient en tapant vigoureusement sur sa cloche.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît, laissez M. Annen s'exprimer ! Vous pouvez redemander la parole, si vous le désirez !

M. Bernard Annen. Pour l'anecdote, l'une des participantes a demandé l'audition de Mme Ségolène Royale ! Il me semble que c'est bien qu'une personne, ancien ministre en France, vienne nous expliquer à Genève ce que sont les allocations familiales. Nous aurions été intéressés de l'entendre. C'est dire à quel point l'invite de notre parlement demandant la collaboration de la Conférence des caisses a été totalement négligée. Aujourd'hui, les auteurs qui étaient membres de cette commission ad hoc et ont déposé ce projet de loi...

M John Dupraz. Et alors !

La présidente. (Le ton de la présidente est empreint de lassitude et de colère à la fois.) Monsieur Dupraz, s'il vous plaît ! Laissez M. Annen s'exprimer ! (Chahut.)

M. Bernard Annen. Monsieur Dupraz, vous êtes coauteur, bien sûr ! Vous avez raison de signer ce genre de projet de loi. Il vous faut vous profiler.

Le groupe libéral soutiendra le renvoi de ces deux projets de lois en commission, car, effectivement, certaines propositions valent la peine d'être étudiées. Mais il exigera que l'on étudie les implications financières qui en découlent. En effet, je rappelle que nous avions unanimement exigé une neutralité de coûts. Nous ne sommes pas convaincus que ce soit le cas pour les propositions qui nous sont faites aujourd'hui. Il faudra donc faire appel à la Conférence des caisses qui représente l'ensemble des caisses de compensation. Ces dernières font leur travail de gestionnaire et elles ne sont à la solde de quiconque comme vous semblez l'insinuer ! Ces caisses pourront faire des analyses et des projections, ce qui n'a pas encore été fait, à mon avis.

Les entreprises ont besoin d'oxygène, pas d'être asphyxiées par la hausse continue des charges sociales ! La Caisse nationale accidents a augmenté - je vous l'ai dit - entre 40 et 90% suivant les secteurs de l'économie. L'assurance-maladie a augmenté. Nous avons voté les allocations familiales à la fin de l'année dernière. La cotisation de chômage a également augmenté de 1%. Le jour où tout le monde s'accorde à dire que pour créer des emplois il faut que les entreprises puissent être compétitives, nous allons à fin contraire.

M. John Dupraz (R). Bien que cosignataire du projet de loi qui vous est présenté ce soir, je n'en réclame pas la paternité. Je n'ai fait que permettre au processus démocratique d'aller jusqu'à son terme, étant entendu que le Conseil d'Etat n'a pas voulu présenter ce projet de loi à ce Grand Conseil pour que la commission des affaires sociales puisse en discuter. Je suis très heureux d'avoir entendu la déclaration de M. Vodoz, ce soir...

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Oui ! (Rires.)

M. John Dupraz. Le Conseil d'Etat entend rappeler clairement et fermement que, sous réserve des droits populaires, c'est au gouvernement et au parlement de faire les arbitrages. Pourtant, ce n'est pas ce que vous avez fait au mois de décembre ! (L'orateur est interpellé par M. Maitre.) Non, mais arrête ! Mais, tu nous fais sourire, Jean-Philippe ! (Rires.)

Vous avez arrêté un processus démocratique, et, nous, nous voulons pouvoir débattre de ce problème. Je constate que dans sa déclaration le Conseil d'Etat apporte plus d'appui au projet de l'Alliance de gauche, qui propose une variation de l'allocation en fonction du revenu...

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Exact ! Exact !

M. John Dupraz. Oui, mais excusez-moi, en bon juriste, tu devrais faire la distinction entre ce qui est un droit et ce qui relève de l'assistance sociale ! Vous n'êtes même plus capables de faire cette distinction, ce qui m'inquiète. Vos considérations, notamment en ce qui concerne le financement, me laissent perplexe; vous irez expliquer cela aux banquiers !

Vous dites également que seuls les contribuables du canton de Genève pourront bénéficier des allocations ! Monsieur Vodoz, vous irez expliquer cela à votre collègue M. Ruey, du canton de Vaud, car toutes les personnes qui habitent le canton de Vaud... (La présidente s'acharne désespérément sur sa cloche, mais le chahut demeure.) Monsieur Vodoz, dans cette affaire, vous ne faites qu'appliquer le précepte que mon père m'a appris dès que j'étais en âge de comprendre : «Un seul Dieu tu adoreras, de tous les Vaudois tu te méfieras !». (Cet adage provoque à nouveau l'hilarité de toute l'assemblée.)

Ce qui est important dans ce projet de loi, c'est que, à la suite d'interventions parlementaires, toute une étude a été faite et j'émets les mêmes réserves que M. Annen pour ce qui est du financement. En effet, il est vrai que, dans la conjoncture économique actuelle, on ne peut pas indéfiniment charger les entreprises, au nom d'options sociales, sans voir quel est leur avenir. Il y a là matière à discussion et nous pourrons auditionner les uns et les autres en commission. Je suis certain que nous trouverons les solutions adéquates pour moderniser le système des allocations familiales dans notre canton. (Applaudissements.)

M. Christian Ferrazino (AdG). Je ferai quelques observations par rapport aux déclarations qui ont été faites par M. Dupraz et par Mme Maulini-Dreyfus.

M. Bernard Annen. Il y a une motion !

M. Christian Ferrazino. Monsieur Annen, vous savez très bien que nous avons groupé ces trois points de l'ordre du jour !

La présidente. Monsieur Annen, nous avons abordé ce problème, vous le savez fort bien, lors de notre séance du Bureau !

M. Christian Ferrazino. M. Annen a non seulement de la peine à comprendre les projets de lois sur les allocations familiales, mais il a également de la peine à assimiler le règlement du Grand Conseil ! Monsieur Annen nous pouvons débattre, dans le cadre d'une motion, aussi librement que nous le souhaitons, ce qui fait que vous pourrez reprendre la parole si vous le jugez utile tout à l'heure.

Je voulais dire, suite aux observations formulées par Mme Maulini-Dreyfus - qui ne l'a probablement pas lu avec attention - que le projet de loi de l'Alliance de gauche répond point par point aux questions qui avaient été posées aux experts par le Conseil d'Etat. Je m'étonne, mais peut-être est-ce l'empressement dans lequel vous vous trouviez pour déposer ce projet de loi des experts qui ne vous a pas permis de constater que ce projet que vous avez repris à votre compte, lui, ne répondait pas à l'ensemble des questions posées, et ce d'autant plus que ces questions étaient celles que ce Grand Conseil voulait poser dans le cadre des deux motions dont nous avons largement débattu dans cette enceinte.

Je ferai une autre observation, mais je regrette d'avoir à la faire tellement la chose me semble être évidente. Mais, apparemment, Mme Maulini-Dreyfus ne fait pas bien la distinction entre les assurances sociales et les assurances privées. Je crois utile de m'arrêter trente secondes sur ce sujet pour remettre les choses à leur place et je m'adresse en particulier à M. Dupraz. Quel est le principe qui préside les assurances sociales, si ce n'est le principe de la solidarité ?

En matière d'AVS, par exemple, nous avons une rente minimum qui est versée aux intéressés, indépendamment du montant cotisé pendant la période de leur activité lucrative. Cela veut dire qu'on assure une rente minimum, même si les personnes concernées, de condition modeste, n'ont pas versé la totalité des sommes qu'elles reçoivent. Ce principe de solidarité est à la base même des assurances sociales. Alors, rien de très étonnant - mais il faut le préciser - à ce que le projet de loi que nous avons déposé prévoie cette modulation, comme d'ailleurs les syndicats le proposent. Je le dis à l'intention de tous les signataires de ce projet de loi, parce que le projet qu'ils ont repris un peu précipitamment ne retient pas cette modulation. Le gouvernement nous indique qu'il faut intégrer cette modulation - cela me semble être la chose la plus élémentaire, mais, enfin, il vaut mieux l'entendre - mais je m'étonne que certains partis - notamment le vôtre, Madame Maulini-Dreyfus - ne soient pas acquis à cette idée élémentaire. Je tenais à souligner ce fait.

Cela étant - et j'en terminerai par là - le projet que nous avons déposé n'a pas pu s'inspirer du projet des experts pour la simple et bonne raison, comme l'a rappelé Christian Grobet tout à l'heure, que notre parti n'est pas représenté au sein de la commission et que, par conséquent, nous n'avions pas pu avoir connaissance de ce projet. Mais nous avons voulu, ce qui était l'objectif de ce projet, donner une réponse à toutes les questions qui, je le répète, étaient celles que ce Grand Conseil avait posées dans le cadre des deux motions adoptées, il y a de cela deux ans. Je tenais apporter ces précisions.

J'ose espérer que, dans le cadre des travaux que nous aurons en commission, nous pourrons largement être acquis à l'idée de solidarité qui me semble essentielle. En effet, il est manifestement injuste de prévoir une allocation uniforme, quels que soient les revenus des parents.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Comme il se doit en matière d'allocations familiales, l'accouchement est long et difficile ! (Rires et quolibets.) A ce jour, nous connaissons au moins cinq points de vue :

- le point de vue du Grand Conseil, qui a voté, il y a vingt-quatre mois, deux motions relatives aux décisions de principe;

- ensuite, le point de vue de l'Alliance de gauche, exprimé par son projet de loi;

- le point de vue de la commission d'experts, repris par quatre députés de quatre partis;

- le point de vue de la Conférence des caisses d'allocations familiales;

- et, last but not least, le point de vue du Conseil d'Etat.

Je serai ce soir encore plus bref que d'habitude...: (Rires.) ...le Conseil d'Etat, comme vous l'a dit le président tout à l'heure, vous demande le renvoi de tous les projets de lois à la commission des affaires sociales, qui procédera aux auditions nécessaires et qui, dans l'année, je l'espère, fera l'harmonieuse synthèse de ces cinq points de vue contradictoires !

PL 7197, PL 7198 et PL 7199

Ces projets sont renvoyés à la commission des affaires sociales.

M 965

Il est pris acte du retrait de cette motion.

 

P 1048-A
a) de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition demandant des téléphones pour tous les patients de l'hôpital cantonal. ( -) P1048
Mémorial 1994 : Renvoi commission des pétitions, 4098.
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission des pétitions
P 1048-B
b) de la commission de la santé chargée d'étudier le postulat de la pétition 1048. ( -) P1048
Mémorial 1994 : Renvoi commission de la santé, 5231.
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission de la santé
M 960
et Proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Philippe de Tolédo, Pierre Froidevaux, Gilles Godinat, Henri Gougler, Nelly Guichard, Janine Hagmann, Dominique Hausser, Liliane Johner, Liliane Maury Pasquier, Danielle Oppliger, Barbara Polla, Andreas Saurer, Philippe Schaller, Micheline Spoerri et Nicolas Von der Weid considérant les suites à donner à la pétition 1048 de l'Association Dialogai. ( )M960

14. Rapports :

P 1048-A

En date du 31 octobre 1994, la commission des pétitions, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, prenait connaissance d'une pétition munie de 1774 signatures, adressée au Grand Conseil en date du 3 octobre 1994 par l'association Dialogai (association homosexuelle), dont le texte est le suivant:

PÉTITION

Des téléphones pour nos conjoints, nos amis, nos parents !

A l'heure de la communication et des technologies, il n'est toujours pas possible d'obtenir une ligne de téléphone dans les chambres communes de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève. La relation qui existe entre les patients et leur entourage doit-elle être négligée ?

Pour une meilleure communication à l'intérieur comme à l'extérieur de l'hôpital, nous exigeons que chaque patient puisse, s'il le désire, bénéficier de son propre appareil téléphonique, comme c'est le cas dans la plupart des hôpitaux suisses.

N.B. : 1774 signatures

Dialogai

Association homosexuelle

Case postale 27

1211 Genève 7

Travaux de la commission

Le 7 novembre 1994, la commission auditionnait les pétitionnaires

MM. Charbonney, Max et Esnault demandent, dans une première partie, que chaque patient de l'Hôpital cantonal puisse bénéficier d'un téléphone. Actuellement, seules les chambres des patients hospitalisés en privé ou en semi-privé bénéficient de cet avantage. Les chambres communes n'ont souvent qu'un appareil (alors qu'il y a 7 ou 8 lits par chambre) et les téléphones dans les couloirs ne peuvent pas, selon la gravité des cas des malades, être utilisés.

Les pétitionnaires argumentent que le téléphone est un moyen de communication élémentaire qui peut apporter de grandes satisfactions aux malades. Ils demandent donc que chaque patient puisse disposer de son propre appareil avec son propre numéro d'appel.

Dans une deuxième partie, les pétitionnaires expliquent qu'ils ont profité du 1er décembre 1993, Journée mondiale du sida, pour lancer leur pétition. En effet, le problème soulevé par l'insuffisance de téléphones n'est qu'une portion d'un énorme problème dû au gigantisme et au dysfonctionnement de l'hôpital.

Avec une grande dignité, ils exposent des cas douloureux constatés ou même personnellement vécus. Ils aimeraient attirer l'attention au sujet de problèmes graves que l'on rencontre à l'hôpital, en particulier dans les chambres où l'on « entasse » 8 patients. L'Hôpital de Genève est, paraît-il, le seul de Suisse à installer ensemble des malades du sida avec des malades souffrant d'autres pathologies. Pour des sidéens en fin de vie, la situation devient tout à fait inacceptable lorsqu'ils se sentent rejetés par des compagnons de chambre. Même en France voisine, les salles d'hôpital ont un maximum de 4 lits.

Un autre problème est celui de la confidentialité. On assiste à des consultations collectives, des anamnèses sont faites en présence d'autres patients, le secret médical est négligé. Même en salle de chimiothérapie il est impossible de trouver du calme et de la solitude.

Il y a aussi un problème relationnel. Les infirmières, par manque de temps, privilégient la technique. Elles n'ont pas le temps de parler au patient. Il manque de la coordination dans les soins.

Au centre des urgences, la situation est inacceptable. Les malades du sida qui devraient être isolés à cause de leur déficience immunitaire doivent attendre plusieurs heures.

Un mécontentement profond de la part des usagers de l'hôpital se manifeste alors qu'on constate du mépris de la part de l'administration. Une fois passée la porte de l'hôpital, le malade n'est plus considéré comme un citoyen.

Les pétitionnaires terminent en souhaitant voir moins d'examens et plus de disponibilité pour aborder les problèmes humains.

Audition de M. Jaquemet, directeur de la logistique hospitalière

L'Hôpital cantonal a été équipé d'un central qui devait tenir jusqu'en 1995. La capacité d'utilisation prévue à l'origine a déjà été doublée et malgré cela elle ne répond pas à la demande qui ne cesse d'augmenter. Il a fallu passer de l'ancien système au mode numérique. Cela a pris du temps, il a fallu trouver de l'argent (PL 6407) pour la remise à niveau de l'installation avec capacité nécessaire pour équiper chaque lit d'un téléphone. Les problèmes à résoudre sont nombreux et pas simples.

Le programme a abouti à un nouvel ensemble et l'hôpital a bénéficié d'une prise en charge du constructeur. La mise en place des téléphones a commencé avant la pétition, prévue en deux étapes. La deuxième phase d'installation est actuellement en cours et d'ici avril 1995 tous les malades pourront disposer d'un téléphone, ce qui représente 1700 raccordements.

M. Jaquemet a ainsi répondu à la première partie de la pétition.

Discussion de la commission

La commission s'est rendu compte que cette pétition comprenait deux parties: la première se limitant à l'installation de téléphones à l'hôpital et la deuxième soulevant des problèmes de fond sur le fonctionnement de l'hôpital.

La commission a décidé de ne traiter que la première partie de la pétition, c'est-à-dire l'installation des téléphones, et d'en transmettre à la commission de la santé la deuxième partie. La pétition est donc scindée en pétition 1048 A et en pétition 1048 B. La commission de la santé, qui s'est déjà penchée sur les problèmes soulevés par le texte de la pétition 1048 B, pourra compléter ses réflexions et son étude.

Quant à la pétition 1048 A, la commission, estimant que la requête formulée est sur le point d'être réalisée, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, par 14 voix, son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

ANNEXE

P 1048-B

Dans son rapport de commission déposé le 21 novembre 1994 au secrétariat du Grand Conseil, la commission des pétitions, chargée d'étudier la pétition de l'association Dialogai demandant des téléphones pour tous les patients de l'Hôpital cantonal, a proposé de transférer à la commission de la santé la lettre accompagnant la pétition des plaignants. En effet, les doléances soulevées par les pétitionnaires font partie de l'étude globale entreprise ces derniers mois par la commission de la santé sur le fonctionnement des hôpitaux genevois. (Se référer au rapport 1048-A pour les détails de l'audition des pétitionnaires.)

La commission de la santé, sous la présidence de M. Jean-Philippe de Tolédo, et en présence de M. A. Rodrik, chef de cabinet du DASS, s'est donc penchée le 25 novembre 1994 sur les problèmes soulevés par la lettre d'accompagnement et l'audition des pétitionnaires de Dialogai. Il lui a paru évident que le problème des téléphones n'était qu'un prétexte pour porter à la connaissance des députés d'autres problèmes dus en grande partie au dysfonctionnement de l'hôpital.

Pour répondre au grief de la trop grande occupation des chambres communes de l'hôpital, M. A. Rodrik a expliqué qu'un programme à longue durée portait sur une diminution du nombre de lits par chambre. Il ne faut pas oublier que Genève a le plus grand hôpital universitaire de Suisse et pas d'hôpital public non universitaire, ce qui explique certaines choses. Il est donc compréhensible que des anomalies se présentent à l'intérieur de cette grande maison.

Le 1er décembre 1994, Journée mondiale du sida, tous les journaux ont proposé une réflexion à leurs lecteurs sur l'épineux problème de société engendré par le sida. Le sida est une épidémie mondiale. Une personne infectée par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) peut transmettre le virus durant toute sa vie. On connaît heureusement bien les voies de transmission et les possibilités de s'en protéger. Une stratégie de lutte contre le sida se fonde sur la conviction que l'individu est capable d'apprendre, de s'informer et d'adapter ses comportements, notamment en matière de santé. C'est en reprenant ces principes qu'a été élaborée la campagne STOP SIDA.

Quant au corps médical, il doit s'adapter à ce nouveau type de malades. La commission de la santé reconnaît que les problèmes soulevés par le postulat de la pétition 1048 sont réels et pense qu'il y a des lignes de conduite à transmettre au département à l'intention de l'hôpital. C'est pourquoi, unanime, elle a décidé de rédiger la motion ci-jointe adressée au Conseil d'Etat qu'elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver.

Débat

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. J'aimerais préciser à tous les députés que c'est la commission des pétitions qui a été saisie d'une pétition de Dialogai demandant des téléphones pour tous les malades de l'hôpital. Cette pétition était accompagnée d'une lettre. La commission des pétitions qui a traité assez facilement la pétition concernant les téléphones, puisque tous les patients auront à leur disposition un téléphone à partir du mois d'avril, a décidé de renvoyer au Grand Conseil, à titre de renseignement, la première partie de la pétition pour la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Madame la présidente, peut-être faudrait-il traiter la pétition 1048 pour elle-même, vu que la commission a décidé qu'elle devait être déposée à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil ? 

La présidente. Oui, Madame !

Je soumets donc au vote la proposition de la commission, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

P 1048-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1048-B

M 960

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Une lettre faisait suite à cette pétition. Elle a été renvoyée à la commission de la santé, qui, elle, s'est penchée sur les problèmes évoqués. La commission a pensé que le problème des téléphones n'était que le sommet d'un iceberg qui cachait d'autres problèmes plus importants.

En novembre, nous avons voté une refonte de la loi sur les établissements publics médicaux. Pour y parvenir, la commission de la santé a planché pendant plusieurs mois sur chaque article avant de proposer le projet qui est passé. Les hôpitaux universitaires de Genève vont donc vivre une réforme hospitalière. C'est pourquoi, lorsque la commission de la santé a été saisie de la pétition 1048, elle a poursuivi ses réflexions. Même s'il ne s'agissait pas d'une nouvelle pétition, la commission a estimé nécessaire de donner une réponse à la lettre qui accompagnait la pétition 1048.

Si la commission de la santé au complet vous propose d'approuver la motion 960, c'est qu'elle pense que le postulat de la pétition lancée par Dialogai soulève une réflexion sur les attentes réelles des usagers de l'hôpital. Le but général de cette motion est de prouver que le respect dû au patient, quelle que soit sa situation, est indispensable. La relation entre le patient et le professionnel de la santé est très complexe sur les plans pratique, humain et juridique. Elle dépend beaucoup de la pratique et des moeurs qui règnent dans ce domaine. Le cadre légal accorde aux patients une place importante, mais le problème est de le faire passer dans les faits. Cette motion incite le Conseil d'Etat à poursuivre une politique qui privilégie le droit des patients.

C'est pourquoi la commission unanime vous propose d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Andreas Saurer (Ve). La dernière invite de cette motion demande que l'hôpital tienne compte non seulement des «proches» mais aussi des «êtres chers». Cela signifie une nette extension par rapport à la législation actuelle. Une expérience un peu triste a été vécue récemment à l'hôpital où un homosexuel n'a pas pu être présent, comme il l'aurait souhaité, lors des derniers jours de la vie de son ami. Il est donc très important que cette notion de «proches» ne soit pas appliquée à la seule famille légale, mais à la famille affective, si vous me permettez ce terme. J'insiste donc sur l'importance d'élargir autant que faire se peut cette notion de «famille» et de «proches».

Pour ce qui est des lieux adéquats, j'attire votre attention sur le fait que la situation est relativement grave à l'hôpital. Lorsqu'on examine un patient il faut également effectuer une anamnèse, et, pour ce faire, le patient doit pouvoir exprimer des choses plus ou moins intimes. Or, dans les salles communes, comportant six ou sept personnes, on se contente de tirer un rideau, ce qui fait que l'isolation phonique laisse quelque peu à désirer ! Les patients ne peuvent absolument pas exprimer ce qu'ils voudraient par manque de confidentialité des lieux.

Je souhaite que le Conseil d'Etat envoie une lettre à la direction de l'hôpital, voire au collège des chefs de service ou à l'instance adéquate, pour insister lourdement sur la nécessité de pouvoir effectuer ces entretiens médicaux dans des locaux prévus à cet effet, car les structures le permettent. C'est l'évidence même pour la médecine privée, et je ne vois pas pour quelle raison il n'en serait pas de même pour la médecine hospitalière !

M. Henri Gougler (L). J'ai effectué une partie de ma formation à Lausanne et l'autre à Genève. A Lausanne, s'il n'y avait pas de box à disposition, nous pouvions procéder à une anamnèse - c'est-à-dire l'histoire du malade, qui, par essence, est confidentielle - dans une salle de bains ou une salle indépendante. Ce n'est malheureusement pas le cas à Genève pour notre hôpital. Il faut absolument remédier à cette situation, parce que c'est assez déplorable pour le patient comme pour le médecin !

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

considérant les suites à donner à la pétition 1048 de l'association Dialogai

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la pétition 1048 de Dialogai, association homosexuelle;

- le rapport de la commission des pétitions suite à l'audition des pétitionnaires et des documents laissés par ceux-ci lors de leur audition;

- la loi sur les rapports entre membres des professions de la santé et patients (K 1 30),

invite le Conseil d'Etat

- à poursuivre la politique qui est celle tant de l'autorité fédérale que du canton en ce qui concerne le VIH, à savoir, en particulier:

a) le respect des libertés individuelles;

b) la solidarité et la lutte contre toutes formes de discriminations ouvertes ou insidieuses;

- à maintenir une organisation des hôpitaux publics visant à éviter l'isolement et la discrimination à l'égard de patients, notamment de ceux qui sont malades du sida;

- à veiller au respect de la sphère privée et de la dignité des patients, même et surtout en salle commune;

- à inciter les directions des hôpitaux publics à prévoir des lieux adéquats pour les anamnèses et les situations de fin de vie;

- à encourager et renforcer les programmes de formation du personnel tant en ce qui concerne le VIH et les personnes atteintes de cette affection que, d'une manière plus générale, l'évolution contemporaine complexe des notions de famille, proche et être cher:

- à prendre en compte, dans l'évolution future des hôpitaux publics, la présence en ces lieux des familles, parents, proches et êtres chers, dans toute la mesure compatible avec le processus de soins et de l'enseignement ainsi que la sécurité des patients et du personnel, comme cela se pratique depuis longtemps en pédiatrie.

 

IU 67
15. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Maria Roth-Bernasconi relative à la réforme de l'organisation hospitalière. ( ) IU67
Mémorial 1995 : Développée, 24.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Mme Roth-Bernasconi demandait tout à l'heure comment l'information relative à la réforme hospitalière était prévue.

Elle a été prévue en deux phases :

- d'abord, l'information orale, donnée à la fin de l'année dernière par le directeur de l'hôpital au cours de plusieurs séances à l'auditoire Jenny;

- ensuite, dès que les nouvelles instances (conseil d'administration, direction médicale, responsable des unités opérationnelles) seront nommées, une information écrite sera donnée au personnel.

La deuxième question concernait les moyens donnés à l'hôpital, notamment pour le personnel qui se tient au chevet du malade. Contrairement à toutes les idées reçues, le ratio postes/lit n'a jamais été aussi élevé à l'hôpital. Il s'élevait, en 1987, à 2,99 postes par lit, et, en 1993, à 3,35 postes par lit. C'est une évolution qui s'explique par la diminution du nombre de lits, mais aussi par le fait qu'un certain nombre de patients souffrent de maladies plus lourdes. Contrairement à toutes les idées reçues, souvent propagées dans l'intention de nuire, jamais la dotation de l'hôpital n'a été aussi élevée !

Cette interpellation urgente est close.

 

M 964
16. Proposition de motion de Mmes et MM. Max Schneider, Roger Beer, Hervé Burdet, Elisabeth Reusse-Decrey et Sylvie Hottelier : Où en est-on avec le projet pilote de réhabilitation de la Seymaz - M 843 ? ( )M964

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 7 octobre 1993, c'est à l'unanimité que le Grand Conseil a accepté, après des modifications apportées en commission, un nouveau projet de motion (M 843-A), qui a été renvoyé au Conseil d'Etat.

Cette volonté unanime illustre l'intérêt des députés pour des résultats concrets concernant la réhabilitation de la Seymaz (M 843-A) visant à revitaliser le seul cours d'eau situé entièrement sur territoire genevois.

Dans cette motion, les invites acceptées à l'unanimité par la commission, puis par le Grand Conseil, étaient les suivantes:

1. à réunir, sous l'autorité du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, les personnes concernées par le problème posé par la parcelle no 1945, feuille H, de Choulex, afin de trouver une solution dans les plus brefs délais;

2. à présenter un programme d'action, s'appuyant, entre autres, sur les différentes études déjà effectuées au sujet des possibilités de réhabilitation de certains marais et d'une politique globale de l'eau sur le bassin de la Seymaz, portant sur le court, le moyen et le long terme, compte tenu des atteintes déjà portées à ce lieu, notamment par la densification de la zone construite, ainsi que de son extension prévue;

3. à faire de la Seymaz, en concertation avec tous les milieux intéressés, un projet pilote, un exemple genevois de revitalisation d'un cours d'eau.

Après tant d'efforts déployés, où en est-on aujourd'hui ?

En fait l'invite no 1 semble avoir trouvé un dénouement concret avec l'AGPN et le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER). Il faut ici souligner le travail de médiation effectué par2 commissaires auprès des différentes parties pour que le WWF retire sa plainte et qu'un projet «état naturel» puisse être réalisé sur cette parcelle.

Pour les invites nos 2 et 3, hélas, nous n'avons pas été informés d'éventuels avancements ou même d'incitation d'un programme d'actions s'appuyant sur différentes études déjà effectuées. Nous avons encore moins été informés d'actions concrètes sur le terrain.

Il nous semble que la réalisation des invites de la motion pourra permettre la création de nouvelles activités et la mise en place de programmes d'occupations dans le domaine de l'environnement. L'expérience acquise dans le cadre de ce projet pilote sera utile pour l'avenir. La situation sinistrée des cours d'eau genevois et de la région frontalière n'est plus à démontrer. Dans ce domaine, un potentiel de travail reste encore inexploité et offre une piste de réflexion pour la création d'emploi à moyen et à long terme.

Ce savoir-faire peut être utile à notre canton, à notre région, mais il est aussi susceptibe d'être exporté à l'étranger, dans le cadre des projets d'échange.

Que devient la concertation agriculteur et environnement ?

Nous sommes conscients que le travail d'information, la prise de conscience et la concertation de l'ensemble des acteurs pour la mise en place d'un tel projet n'est pas simple.

Dans le cadre de la nouvelle structure des départements, à savoir la séparation des présidences de l'agriculture et de l'environnement, respectivement MM. Jean-Philippe Maitre (DEP), Claude Haegi (DIER), voire Philippe Joye (DTPE), nous avons quelques inquiétudes quant à la mise en place de la structure de concertation.

Nous aimerions que le Conseil d'Etat précise au plus vite quel est le département qui coordonne cette problématique et, partant, prendra ce projet pilote sous sa responsabilité. Cela afin que les personnes et associations intéressées puissent avoir un interlocuteur précis.

Dans cette attente, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette proposition de motion.

Débat

M. Roger Beer (R). Cette motion est un peu spéciale. Elle est le reflet d'un certain agacement de la part des députés. Elle reprend quasiment les termes d'un rapport qui a été déposé et accepté par le Grand Conseil en octobre 1993 - nous sommes en janvier 1995 ! - traitant de la question très complexe de la Seymaz et des problèmes qui y sont liés : la protection de la nature, l'endiguement d'une rivière, la réhabilitation et l'amélioration d'une rivière genevoise, entièrement genevoise - on ne le dira jamais assez - et également la mise en valeur de terrains agricoles.

Nous avions passé un certain nombre de séances à essayer de comprendre le problème, grâce aux explications des services compétents et à celles de M. Haegi, conseiller d'Etat. Nous nous sommes rendus sur place et, finalement, nous avions trouvé un consensus malgré le conflit qui existait entre différentes personnes, voire différents intérêts sur la réhabilitation d'un endroit naturel. On nous avait dit que le problème allait être réglé et qu'un plan nous serait présenté pour nous prouver l'intérêt que l'on portait à la chose. J'ai été très agacé lorsque je suis tombé sur un article de la «Tribune de Genève», du 19 août 1990, dans lequel M. Claude Haegi disait que nos rivières étaient menacées et qu'il fallait passer à la vitesse supérieure pour assurer leur assainissement et établir un programme avec des échéances contraignantes.

En janvier 1995, Monsieur Haegi, je ne peux être que déçu ! En effet, la Seymaz était l'exemple typique sur lequel vous pouviez faire une action d'éclat. Vous aviez toutes les cartes en main. A mon avis, vous les avez encore, mais aujourd'hui les choses se compliquent. Auparavant, nous avions un seul interlocuteur en matière d'environnement sur ce problème et aujourd'hui il y en a trois : M. Maitre, pour les problèmes agricoles, M. Joye, pour l'endiguement et vous, Monsieur Haegi, pour le reste. C'est gênant pour nous, car nous ne savons plus à qui nous adresser. C'était plus simple avant. La collégialité permettra peut-être d'arriver rapidement à une solution efficace !

Il ne faut pas polémiquer, mais plutôt essayer de comprendre ce qui se passe. Si le Conseil d'Etat est intéressé à la réhabilitation des cours d'eau, on peut se demander pourquoi, ces dix-huit derniers mois, on n'a pas continué les prélèvements sur la qualité des cours d'eau depuis le rapport qui a été publié en juin 1993, le cahier de la santé No 3, consacré aux rivières et aux lacs. Y figurait une statistique extrêmement précise qui indiquait que la moyenne qualitative des rivières était très mauvaise. Le chiffre 20 correspond à une très bonne qualité de l'eau, mais la totalité des rivières genevoises se situe entre 3 et 5, la Seymaz y compris. Nous n'avons pas constaté d'évolution positive, ce qui n'est pas un scoop, mais, surtout, nous n'avons pas l'impression d'un suivi ni d'une volonté réelle d'améliorer la situation.

Madame, Messieurs du Conseil d'Etat, la motion que le parti radical désire renvoyer au Conseil d'Etat demande une réponse au rapport qui date d'un an et demi et une information - ce qui est important pour les associations de protection de la nature, pour les communes, pour les agriculteurs - afin d'indiquer à qui l'on doit s'adresser en cas de besoin.

Il y a peu de questions, mais l'attente est très grande. Tout est à faire, et la Seymaz est une occasion de prouver une certaine volonté politique. Ce projet devait devenir un projet-pilote sur lequel tout le monde était d'accord, mais, malheureusement, rien n'a été fait.

Mes regrets sont encore plus grands d'entendre dire que Reuters va résoudre le problème. Tant mieux, si c'est le cas ! Mais, personnellement, je ne vois pas le lien. D'un côté on nous a fait des promesses au sujet de la Seymaz et d'un autre il y a les compensations du projet Reuters. L'association, suite à la pression de la Seymaz, de ces deux projets m'a profondément choqué.

Nous vous invitons donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et nous attendons une réponse concrète dans les meilleurs délais.

M. Max Schneider (Ve). La mise en place du nouveau gouvernement a donné lieu à une certaine restructuration des départements, notamment à un heureux mariage entre l'office cantonal de l'énergie et le département des travaux publics, qui nous a permis d'avancer et d'effectuer le fameux bilan des bâtiments de l'Etat. Par contre, le drame est grave, comme vient de le souligner M. Beer - car c'est un drame - d'avoir séparé l'agriculture de l'environnement...

M. John Dupraz. A qui le dis-tu !

M. Max Schneider. ...notamment pour la concrétisation des projets qui ont été étudiés durant la dernière législature. Je ne critique pas M. Haegi, parce que, dans le fond, il ne représente qu'une partie du problème, puisqu'il nous manque deux autres conseillers d'Etat, notamment, le responsable de l'agriculture.

Comment vont s'effectuer les compensations écologiques ou environnementales pour réhabiliter la Seymaz, comme cela nous avait été promis ? Je ne développerai pas toute l'argumentation, comme M. Beer vient de le faire, mais je pense que les cosignataires, dans leur ensemble, sont d'accord de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat en les invitant à se mettre tous d'accord et à travailler ensemble pour la réalisation rapide de cette motion. Elle demandait de rendre, au plus tard d'ici neuf mois, un programme d'actions s'appuyant sur des études existantes. Et que l'on ne vienne pas nous parler de finances, parce que toutes les études ont déjà été effectuées ! Il suffit de les mettre en place. Elle demandait également un rapport sur les réalisations déjà entamées.

Puisque l'agriculture fait partie du département de l'économie, j'aimerais également souligner que ce projet de réhabilitation des cours d'eau, et plus spécialement celui de la Seymaz comme projet-pilote, est un potentiel pour la création d'emplois. Beaucoup de chômeurs n'ont pas de formation spécifique, et l'aménagement des rives et autres travaux offrent des possibilités de travail sans spécialisation. Il faut donc négocier avec les paysans les terres qui pourraient être inondables et il faut examiner tous les travaux d'aménagement qui pourraient être mis en oeuvre.

J'espère que cette motion sera accueillie favorablement.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Beer a cité quelques-uns de mes propos exprimés en 1990. Je les confirme; je n'ai pas changé d'avis ! Quant aux lenteurs que vous relevez, je les regrette comme vous.

Le problème est complexe, vous le savez, comme vous savez que les résistances ne viennent pas seulement des complications éventuelles de notre organisation administrative, mais qu'elles sont le fait de divers milieux. Ce qui me surprend est le fait que ces résistances se lèvent rapidement lorsqu'on se trouve dans les circonstances que vous avez décrites tout à l'heure. Dès le moment où quelques moyens financiers se précisent, il semble que le paysage se modifie !

Je partage en partie les sentiments qui sont les vôtres, les projets devant être conduits pour eux-mêmes et en dehors de ces considérations. Cela ne nous empêche pas d'accepter cette logique qui veut que, lorsque le territoire est modifié d'une manière qui n'a pas été envisagée, nous ayons des primes de compensation. C'est une politique qui a été acceptée.

Avec l'appui de mes collègues des deux autres départements concernés, je vous répondrai dans les meilleurs délais.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

Où en est-on avec le projet pilote de réhabilitationde la Seymaz (M 843-A) ?

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil, du 11 novembre 1992, concernant la politique globale de l'eau;

- les projets de lois 6754 et 6768 visant à encourager des zones tampons aux abords des cours d'eau et à contribuer à la création et au maintien de biotopes naturels et variés;

- les propositions de l'AGPN (Association pour la protection de la nature et du WWF-Genève, qui invitent le Conseil d'Etat à prendre des mesures en faveur de la protection de la Seymaz;

- le fait que la Seymaz soit le seul cours d'eau entièrement situé sur territoire genevois;

- le rapport sur la motion 843 accepté à l'unanimité par le Grand Conseil le 7 octobre 1993,

invite le Conseil d'Etat

- à renseigner le Grand Conseil sur l'avancement des démarches relatives à la Seymaz, en indiquant le département qui sera coordinateur de la réalisation de ce projet pilote;

- à rendre, au plus tard d'ici 9 mois, un programme d'action, s'appuyant notamment sur les études existantes;

- à présenter un rapport sur les réalisations déjà entamées.

 

IN 104
17. Initiative populaire dite «La Suisse» pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi. ( )IN104
IN 104-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire dite «La Suisse» pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi. ( -)IN104

IN 104

LANCEMENT D'UNE INITIATIVE

L'Union des syndicats du canton de Genève a lancé l'initiative populaire suivante intitulée dite «La Suisse», pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi, qui a abouti.

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le  

19 octobre 1994

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le  

19 janvier 1995

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le  

19 juillet 1995

4.

Décision du Grand Conseil au sujet de la prise en considération de l'initiative sur la base du rapport de la commission en charge, au plus tard le  

19 avril 1996

INITIATIVE POPULAIRE

dite «La Suisse»,

pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi

Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui a pour but de légiférer dans le sens ci-après:

En application de l'article 8 de la constitution genevoise consacrant la liberté de la presse, les autorités doivent prendre des mesures garantissant la diversité de la presse et veiller, conformément au droit fédéral, à ce que des situations de monopole ne se créent pas dans le secteur de la presse. A cette fin, elles doivent notamment intervenir concrètement pour contribuer au maintien de journaux existants et des emplois qui leur sont rattachés. Afin de contribuer aux objectifs énoncés ci-dessus tout en les étendant, en ce qui concerne plus particulièrement l'emploi, à l'ensemble des secteurs de l'économie, l'Etat doit, de manière générale, prendre notamment les mesures suivantes:

a) octroyer, à travers la Banque cantonale, un appui financier à des entreprises nouvelles, telles que la société coopérative créée pour sauver «La Suisse», ou à des entreprises assainies sur le plan financier, qui permettent le maintien ou la création d'emplois;

b) garantir dans tels cas les prêts consentis par la Banque cantonale ou d'autres banques ou institutions, lorsque des secteurs importants de l'économie locale sont en jeu;

c) verser, en s'inspirant à cette fin de la législation tessinoise en la matière, des subsides aux:

- entreprises engageant des chômeurs ou des jeunes qui viennent de terminer leur formation,

- ou à des secteurs d'activités menacés de fort chômage.

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉAGISSEZ CONTRE LA «CASSE» DE «LA SUISSE»

En date du 14 mars, «La Suisse» a cessé de paraître suscitant une très vive émotion dans la population de notre canton. Le personnel du journal décida alors de créer une coopérative pour reprendre sa parution, ce qui a entraîné un énorme élan de solidarité à Genève. Cet espoir a été trahi par ceux qui ne voulaient plus de «La Suisse», par les pressions de certains milieux économiques et surtout par l'inaction du Conseil d'Etat (pourtant élu sur le slogan «un emploi pour chacun»!), alors que ce dernier disposait des moyens d'agir et aurait dû intervenir, comme l'Etat l'a fait avec succès en d'autres occasions.

Face à ce désastre, il importe de réagir et d'en tirer les enseignements, en prévoyant d'inscrire dans la loi les moyens d'intervention dont dispose l'Etat et dont il pourrait disposer pour agir dans de tels cas. C'est le but de la présente initiative que vous êtes invités à signer, car il n'est pas possible devant la grave crise économique que nous traversons, que l'Etat continue à mener une politique de «laisser faire et laisser aller» avec pour conséquence que des pans entiers de notre économie risquent de s'effondrer avec les pertes d'emplois inacceptables qui en résultent. Les autorités doivent, de ce fait, mener une politique active de sauvegarde des activités économiques existantes et des emplois qui leur sont rattachés, ce qui amène cette initiative à proposer des mesures de portée générale étendues à l'ensemble de l'économie ou à certains secteurs de celle-ci, destinés à préserver les activités vitales pour la survie de notre économie locale, ce qui est à la fois moins coûteux et surtout plus efficace pour l'avenir que de verser de simples indemnités de chômage, de surcroît, limitées dans le temps.

IN 104-A

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 3 octobre 1994, publié dans la Feuille d'avis officielle du 19 octobre 1994. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 19 janvier 1995. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. La validité de l'initiative

1. Préambule

A titre préliminaire, s'agissant de la recevabilité formelle de cette initiative, le Conseil d'Etat entend émettre certaines réserves quant à la conformité de son intitulé au regard de l'article 87, alinéa 1, lettre b, de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982 qui précise que «la formule destinée à recevoir les signatures doit porter en tête, de manière précise et apparente, l'objet de l'initiative».

On est en effet légitimement en droit de se demander si le citoyen n'a pas été trompé par l'intitulé de cette initiative, de même que par le commentaire «Réagissez contre la Casse de la Suisse», alors qu'en réalité l'initiative vise à obliger l'autorité à «octroyer à travers la Banque cantonale un appui financier à des entreprises nouvelles et à garantir dans de tels cas les prêts consentis par la Banque cantonale».

Le Conseil d'Etat laissera ouverte cette question en relevant toutefois que la jurisprudence du Tribunal fédéral est très restrictive lorsqu'il s'agit d'annuler une initiative pour de tel motifs. Le Tribunal fédéral considère en effet qu'un intitulé doit être «manifestement source de confusion» et qu'au surplus, il est vraisemblable qu'une telle irrégularité, compte tenu de sa nature et de son importance, peut influencer de façon déterminante sur les résultats de la votation (voir notamment Revue du droit administratif et fiscal 1987, p. 42 et suivantes; arrêté du Tribunal fédéral 105 I a 377, considérant 5a; arrêté du Tribunal fédéral 117 I a 1991 41 et suivants). En tout état de cause, une telle informalité aurait dû être soulevée lors du dépôt de l'initiative en chancellerie d'Etat.

Cela étant et ainsi que cela résulte de l'analyse qui suit, le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative intitulée: dite «La Suisse», pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi (IN 104), s'agissant de sa conformité au principe de l'unité de la matière, soulève des problèmes tels qu'elle doit être déclarée, à tout le moins, partiellement irrecevable.

II. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe, dont le contenu relève du droit fédéral, postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou «non».

En principe, l'exigence de l'unité de la matière est plus souple s'agissant d'un projet rédigé en termes généraux dans la mesure où il doit ensuite être concrétisé par le législateur. Ce dernier pourra en effet corriger les imperfections de l'initiative dans la procédure d'adoption de la loi.

L'initiative 104 prend appui sur le souci d'assurer la liberté de la presse en en garantissant la diversité et habilite à cette fin les autorités à intervenir concrètement pour contribuer au maintien des emplois par divers soutiens à l'économie.

La simple lecture du texte de l'initiative met en évidence deux objets différents.

Le premier objectif est exposé dans les deux paragraphes initiaux. Il s'agit de donner mandat à l'Etat de prendre les mesure nécessaires pour assurer un soutien aux journaux existants à Genève. Dans ce cadre, l'initiative requiert une intervention concrète des autorités. Il est important de relever que les initiants ne visent que le maintien des entreprises de presse déjà existantes, ils n'évoquent pas la création de nouveaux journaux. Le deuxième paragraphe, très clair dans ce sens, est ainsi en contradiction avec les moyens proposés à la lettre a de l'initiative dans laquelle est évoqué le soutien à l'entreprise nouvelle créée pour reprendre le journal «La Suisse». Pour concilier ces deux approches, apparemment contradictoires, il est possible d'admettre que l'initiative vise le soutien à des entreprises de presse existantes ou à des entreprises nouvelles qui reprennent un titre existant qui autrement disparaîtrait, comme cela a été le cas du journal «La Suisse».

Le second objectif, énoncé au troisième paragraphe, a une portée plus générale. l'Etat doit intervenir pour soutenir des secteurs de l'économie en difficulté afin d'assurer le maintien de l'emploi.

Les moyens proposés par les initiants pour atteindre ces objectifs doivent être distingués.

A la lettre a), les initiants évoquent à titre d'exemple le cas du journal «La Suisse» en se référant à la société coopérative créée pour la sauver. Ils intègrent cette référence dans la perspective plus générale de mesures destinées à sauvegarder des emplois. Ainsi, le but poursuivi principalement par ce paragraphe est «le maintien ou la création d'emplois» par un appui financier, soit à des entreprises nouvelles ou des entreprises existantes préalablement assainies sur le plan financier. Dans ce cadre, l'intervention de l'Etat en faveur de la diversité de la presse telle qu'exposée au début de l'initiative, ne remplit qu'une fonction accessoire. Le moyen proposé est une intervention en faveur d'entreprises existantes en difficulté qui permet accessoirement d'aider une entreprise de presse. Tout au plus le mandat fixé au début de l'initiative pourrait être interprété comme fixant un devoir d'intervention s'il s'agit d'une entreprise de presse alors que les autorités auraient dans les autres cas une certaine marge d'appréciation.

Les moyens prévus à la lettre b) n'ont, quant à eux, pas de lien direct avec la protection de la diversité de la presse. En effet, en utilisant les termes «dans de tels cas», ce paragraphe se réfère aux deux situations visées à la lettre a) dans lesquelles un appui financier peut être apporté, soit les entreprises nouvelles ou les entreprises assainies qui permettent la création ou le maintien d'emploi. Indirectement, cela peut concerner une entreprise de presse si elle entre dans l'une de ces catégories.

Enfin, les moyens stipulés à la lettre c) présentent un caractère extrêmement général qui va au-delà de la sauvegarde de la presse. Les autorités devraient subventionner les entreprises qui engagent des demandeurs d'emplois ou des entreprises qui exercent leur activité dans un secteur déjà atteint par un niveau important de chômage. Il s'agit dans ce cas d'une aide à de telles entreprises au moyen du versement de subventions.

Force est de constater que l'initiative contient deux éléments distincts. D'une part, un mandat conféré à l'Etat d'intervenir pour sauver une entreprise de presse menacée de disparition et dont la cessation d'activité porterait atteinte à la diversité de la presse. D'autre part, l'adoption par l'Etat d'un catalogue de mesures qui permettent une intervention dans les différents secteurs économiques pour assurer le maintien ou la création d'emplois. Les initiants sont conscients de cette différence entre ces deux éléments puisque l'initiative porte le titre «pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi». De même, dans l'exposé des motifs, les initiants commencent par évoquer longuement l'échec de la reprise du journal «La Suisse» par une coopérative pour ensuite déclarer qu'il «importe de réagir et d'en tirer les enseignements». Ainsi, proposent les initiants, il faut adopter des «mesures générales étendues à l'ensemble de l'économie ou à certains secteurs de celle-ci...».

Il est ainsi indiscutable que l'initiative traite de deux objets distincts: la protection de la diversité de la presse et la «politique économique active de sauvegarde des activités existantes». Il convient donc d'examiner si la présence de ces deux objets dans la même initiative est admissible au regard du principe de l'unité de la matière; en d'autres termes, existe-t-il un lien suffisant entre ces deux objets.

S'agissant des objectifs, force est de constater qu'ils sont distincts. En effet, il n'existe guère de rapport entre la recherche de la diversité de la presse pour, selon les initiants, garantir la liberté de la presse au sens de l'article 8 de la Constitution cantonale genevoise, et le maintien ou la création de l'emploi dans les secteurs de l'économie en difficulté. Quant aux moyens énoncés aux lettres a) à c), ils sont adaptés à l'objectif économique général et ils peuvent aussi servir à sauver un titre de presse menacé de disparition.

Le lien qui existe entre les deux éléments de l'initiative relève non des objectifs de celle-ci, qui sont différents, mais des moyens envisagés pour les atteindre. La question qui se pose est de savoir si l'utilisation des mêmes moyens pour atteindre deux objectifs différents crée un rapport de connexité suffisant entre les deux éléments de l'initiative.

Il est intéressant de relever à ce titre que la situation de l'IN 104 est distincte de celle de l'initiative «Energie notre affaire». Cette initiative visait l'adoption par les autorités genevoises d'une politique énergétique et préconisait l'adoption de toute une série de moyens. En raison de la variété de ces derniers, les recourants avaient soulevé devant le Tribunal fédéral le fait qu'un citoyen pourrait être favorable aux transports publics ou à la circulation en vélo tant en refusant les mesures à l'encontre du chauffage «tout électrique». Le Tribunal fédéral a estimé qu'un tel argument ne pouvait être retenu dans la mesure où «une initiative qui préconise des économies d'énergie peut fort bien préciser ainsi son programme et délimiter l'intervention de l'Etat et des collectivités publiques. La nature et l'ampleur de l'objectif poursuivi expliquent et justifient ici la complexité des mesures prévues. Celles-ci sont néanmoins toutes liées aux buts visés et sont suffisamment cohérentes pour échapper au reproche d'une juxtaposition artificielle, destinée à rassembler un maximum de suffrages». L'objectif commun assurait ainsi, selon le Tribunal fédéral, un lien de connexité suffisant entre des moyens différents, car les citoyens étaient plus appelés à se prononcer sur une politique déterminée que sur les différents moyens de la réaliser.

En l'occurrence, l'IN 104 poursuit deux objectifs distincts. Le seul lien entre ces deux objectifs résulte des moyens qui peuvent être utilisés pour les atteindre. Ce lien est ténu. De plus, à tout le moins une partie des citoyens qui vont être appelés à se prononcer sur l'initiative vont voter en fonction de ses objectifs et non de ses moyens. Dans ce sens, certaines personnes pourront souhaiter que l'Etat prenne des mesures pour assurer la diversité de la presse sans pour autant vouloir que les autorités adoptent une politique économique active. L'inverse est également vrai. Ces deux objectifs, l'un à caractère idéal, l'autre de nature économique, ne peuvent, à la différence de l'initiative «Energie notre affaire», s'intégrer dans une politique plus générale. Dès lors, il existe un risque non négligeable qu'une partie des électeurs ne puisse exprimer un jugement global par un seul vote.

Partant, il apparaît que l'initiative ne respecte pas l'unité de la matière, car le fait que les mêmes moyens puissent être utilisés pour les réaliser ne suffit pas à créer un lien suffisant entre deux politiques différentes. Pour ce motif, l'initiative est, à tout le moins, partiellement irrecevable. En cas de non réalisation d'une ou plusieurs des conditions de recevabilité, conformément à l'article 66 de la Constitution cantonale genevoise, il appartient au Grand Conseil de choisir la sanction adéquate, soit la scission de l'initiative, la nullité partielle ou totale de l'initiative. En effet, le Tribunal fédéral a jugé que la sanction de l'irrecevabilité doit rester proportionnée à la gravité de la violation des règles légales et, qu'en conséquence, une annulation totale d'une initiative peut être une sanction excessive. L'annulation partielle d'une initiative n'est cependant pas possible si, considérée dans son ensemble, elle viole le droit fédéral.

Dans le domaine plus spécifique de la violation du principe de l'unité de la matière par une initiative populaire, le non respect de ce principe permet à l'autorité compétente de déclarer l'irrecevabilité de cette initiative. La doctrine et la jurisprudence ont néanmoins admis des exceptions à ce principe en autorisant l'autorité compétente à organiser une votation populaire séparée pour chacune des propositions indépendantes présentées par l'initiative litigieuse. Tel est notamment le cas lorsque l'on peut objectivement supposer que le non respect du principe de l'unité de la matière n'a pas eu d'influence sur la récolte des signatures lors du lancement de l'initiative. La doctrine a cependant également admis une telle exception au principe de l'irrecevabilité de l'initiative, lorsque le droit cantonal préconise lui-même explicitement la solution de la scission de l'initiative. Dans cette hypothèse il n'est pas nécessaire de s'interroger sur l'influence éventuelle qu'a pu exercer la violation du principe de l'unité de la matière au stade de la récolte des signatures.

En l'espèce, le nouvel article 66 de la Constitution cantonale genevoise prévoit expressément l'obligation pour le Grand Conseil de scinder l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière, pour autant que ses différentes parties soient en elles-mêmes valides. Il découle de ce qui précède que le Grand Conseil devra soumettre à une votation populaire séparée, d'une part la proposition des initiants de prendre des mesures garantissant la diversité de la presse, d'autre part celle préconisant des mesures en matière de maintien ou de création d'emplois dans le canton.

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (article 66, alinéa 1, de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative «non formulée» et rédigée comme telle, au sens de l'article 65 de la constitution, l'unité de la forme est respectée.

3. Unité du genre

L'unité du genre ou l'unité normative (article 66, alinéa 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.

S'agissant d'une initiative conçue en termes généraux dite non formulée, il appartiendra au Grand Conseil d'en concrétiser, le cas échéant, la teneur par une ou des lois ou par une norme constitutionnelle.

III. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit supérieur

Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative non formulée de type législatif, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.

En principe, il ne suffit pas que l'objectif poursuivi par l'initiative soit conforme au droit supérieur, mais il faut encore que les moyens proposés pour atteindre cet objectif ne soient pas contraires à ce droit. S'agissant d'une initiative rédigée en termes généraux, il faut prendre en considération la latitude d'appréciation dont dispose le législateur lors de la concrétisation ultérieure du texte. Il appartient alors au législateur de choisir parmi les solutions possibles pour atteindre les objectifs fixés par les initiants celles qui sont conformes au droit fédéral. Cette possibilité existe notamment parce que les initiants ont indiqué, comme en l'espèce, que la concrétisation doit avoir lieu dans «les limites du droit fédéral».

En outre, l'initiative doit être interprétée de manière conforme à la Constitution fédérale. L'initiative ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation.

En l'espèce, il faut distinguer le problème du respect de l'article 55 de la Constitution fédérale relatif à la liberté de la presse, celui de la conformité de l'initiative à l'article 31 de la Constitution fédérale qui garantit la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi que la question de la conformité du texte à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne.

Comme relevé plus haut, l'initiative a pour premier objet l'intervention de l'autorité cantonale en vue de garantir la diversité de la presse.

Le droit fédéral, par le biais de l'article 55 de la Constitution fédérale, garantit la liberté de la fabrication des journaux sans ingérence de l'Etat. La norme constitutionnelle fédérale ne confère pas, a contrario, un droit à une intervention de la collectivité publique pour le maintien d'une presse diverse, si celle-ci s'avère compromise par l'évolution technique et économique. Ainsi que cela ressort des travaux des Chambres fédérales sur ce thème, le soutien à la presse visant à en assurer une diversité n'est juridiquement possible, dès l'instant où l'on dépasse le strict cadre des mesures d'aide économique, que si le constituant fédéral adopte une nouvelle norme constitutionnelle. Or, en l'état du droit constitutionnel suisse, une telle norme spécifique n'existe pas.

Ces contraintes s'imposent non seulement à la Confédération mais également aux cantons.

Compte tenu des limites relevées ci-dessus, découlant du droit fédéral, le but visé en l'occurrence par les initiants ne peut que prendre la forme de mesures d'aide. Le caractère d'intérêt public de ces aides en regard de l'article 55 de la Constitution fédérale ne saurait être nié dans son principe.

S'il y a lieu d'admettre que l'institution de secours financiers à la presse n'est pas interdit par le droit fédéral, il reste que les modalités de mise en oeuvre de tels secours sont elles-mêmes assujetties à des contraintes constitutionnelles. S'agissant d'une subvention qui vise à garantir la diversité de la presse, il faut constater que l'objectif d'intérêt public poursuivi peut porter en germe des effets de discrimination consistant à avantager certains organes de presse par rapport à d'autres et ce pour en assurer la survie. Or, l'un des principaux problèmes liés à l'aide à la presse, lorsqu'elle prend la forme de subventionnements, consiste précisément dans le respect de la garantie constitutionnelle de l'égalité de traitement.

Il y a lieu de relever par ailleurs que l'égalité de traitement est complétée par le postulat de la stricte neutralité que doit respecter l'Etat lorsqu'il subventionne les organes de presse.

En l'espèce, il faut constater que les initiants ont pris la précaution de préciser que les mesures à prendre par l'autorité dans le but de garantir la diversité de la presse et le maintien des journaux existants doivent être organisées «conformément au droit fédéral». Par ailleurs, le terme «notamment» figurant à la fin du premier paragraphe de l'initiative indique indiscutablement que les formes d'aide qui sont principalement décrites aux lettres a et b ne constituent que des exemples, donc sans caractère exhaustif. Il appartiendra, le cas échéant, au Grand Conseil de définir les conditions dans lesquelles les aides cantonales seraient accordées.

Le deuxième objet de l'initiative concerne le soutien aux entreprises afin de maintenir ou de créer des emplois. La légitimité de ce deuxième objet doit être analysée en regard de l'article 31 de la Constitution fédérale qui garantit la liberté du commerce et de l'industrie. A ce titre, les cantons se voient interdire d'adopter des mesures de politique économique qui interfèrent dans la libre concurrence pour assurer ou favoriser certaines branches de l'activité lucrative ou certaines formes d'exploitation qui tendent à diriger l'activité économique selon un plan.

En revanche, la doctrine et la jurisprudence admettent que les cantons développent une intervention de politique sociale ou de promotion économique.

Il s'ensuit que c'est avant tout au niveau de la concrétisation éventuelle de l'initiative par le biais de la loi et de la définition des conditions mises à l'octroi des subventions, cantonales que se pose la problématique constitutionnelle. En revanche, il n'apparaît pas que le soutien à l'emploi postulé par l'initiative heurte, dans son principe, le droit fédéral.

Reste en outre à examiner le rôle de la Banque cantonale de Genève eu égard à la garantie constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie.

La Banque cantonale de Genève a été créée par l'article 177 de la Constitution cantonale sous la forme d'une société anonyme de droit public. En tant que telle, elle constitue une corporation de droit public.

La Confédération et les cantons ne sont pas titulaires de la liberté du commerce et de l'industrie. En revanche, s'agissant des collectivités créées par ces entités, la question s'avère plus délicate et le Conseil d'Etat entend, pour sa part, laisser cette question ouverte.

On se bornera à rappeler que, selon le Tribunal fédéral, les collectivités publiques ne jouissent pas de la liberté du commerce et de l'industrie, à moins qu'elles n'apparaissent comme des personnes de droit privé exerçant une activité lucrative comme n'importe quel particulier.

Selon l'article 177, alinéa 2, de la Constitution cantonale, «la Banque cantonale de Genève a pour but principal de contribuer au développement économique du canton et de la région».

Ce but impose à la Banque cantonale de Genève d'intervenir, dans les limites de la législation fédérale sur les banques, dans des situations où un opérateur privé n'agirait pas nécessairement. La surveillance exercée par l'Etat et la participation prépondérante des autorités cantonales et communales au sein de la Banque cantonale de Genève garantissent le respect de cet objectif.

En tout état, l'autonomie de la Banque cantonale de Genève s'exerce dans les limites de la loi qui la crée.

Quant à la conformité de l'initiative à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, elle se pose par rapport aux lettres a et b de l'initiative, lesquelles imposent une intervention de la Banque cantonale de Genève en vue d'octroyer des crédits, garantis ou non par le canton, aux entreprises visées par le texte de celle-ci. L'obligation prévue par l'initiative tendant à la participation de la Banque cantonale de Genève à la politique de l'Etat en faveur de la diversité de la presse, d'une part, et du soutien à l'emploi, d'autre part, doit rester dans les limites du droit fédéral.

La Banque cantonale de Genève entre dans le champ d'application de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. De plus, avec l'entrée en vigueur de la modification de la loi sur la Banque cantonale de Genève adoptée le 18 novembre 1994, la banque sera soumise à l'ensemble des dispositions de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne.

Il s'ensuit que les mesures prévues aux lettres a et b de l'initiative ne pourraient être mises en oeuvre par le Grand Conseil qu'en conformité avec la loi fédérale susvisée, notamment en ce qui concerne les règles régissant les fonds propres et la répartition des risques. En d'autres termes, le Grand Conseil ne pourrait imposer une obligation générale à la Banque cantonale de Genève ne respectant pas des exigences de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. La législation de concrétisation de l'initiative devrait par ailleurs conserver la liberté d'appréciation des organes de la banque quant aux risques liés à l'octroi d'un financement et aux limites de disponibilités de l'établissement.

En conclusion, si l'initiative ne heurte pas le droit supérieur, des difficultés ne manqueront pas de se poser ultérieurement dans l'hypothèse où le Grand Conseil serait conduit à aménager le régime d'application de ce texte complexe.

2. Exécutabilité

Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.

L'exécution de l'initiative doit être assurée par l'adoption d'un cadre législatif déterminant les conditions dans lesquelles les mesures prévues par celle-ci doivent être réalisées. D'une part, ce cadre constitue la base légale des actes administratifs qui devraient être adoptés par les autorités cantonales, d'autre part ce cadre déterminera dans quelle mesure la Banque cantonale de Genève devrait intervenir conformément à la lettre a du texte de l'initiative.

Ainsi, dans la mesure où ces conditions sont clairement et complètement prises en compte dans les textes légaux éventuels destinés à concrétiser l'initiative, cette dernière ne devrait pas poser de problèmes majeurs d'exécutabilité.

B. La prise en considération de l'initiative

En préambule, il convient de souligner que, contrairement à ce que le titre et une grande partie du texte de l'initiative pourraient laisser supposer, les demandes présentées ne se limitent pas à un journal ou même au secteur de la presse, mais s'étendent à toute l'économie.

1. Sauvegarde des activités économiques existantes et soutien aux nouvelles entreprises

1.1 Sauvegarde des activités existantes

Dans le cadre de sa politique économique visant à maintenir à Genève une économie diversifiée, le Conseil d'Etat met tout en oeuvre pour venir en aide aux entreprises déjà établies dans le canton.

Ce soutien à l'économie locale représente en fait l'un des deux axes principaux des actions liées à la promotion économique.

En collaboration avec les chefs d'entreprises concernés, les partenaires sociaux, les établissements financiers et tout autre partenaire ou interlocuteur concerné, le département de l'économie publique a pu créer des conditions favorables pour la poursuite de nombreuses activités déployées dans notre canton et momentanément en difficultés, voire même menacées de disparition. La confidentialité indispensable pour mener à bien de telles opérations ne permet pas de les porter à la connaissance du grand public. Les chefs d'entreprises, cadres et collaborateurs des sociétés concernées ont pu cependant apprécier leur effet positif.

L'aide aux entreprises locales passe aussi par des mesures très concrètes parmi lesquelles on peut citer les «initiations au travail» pour faciliter les reconversions et le perfectionnement précisément en personnel, l'aide à la recherche de partenaires financiers, les allégements fiscaux permettant de soutenir des restructurations indispensables ou le développement de projets innovateurs etc. En ce sens, il est donc déjà répondu à la troisième invite des initiants.

Un tel soutien ne saurait toutefois être pris en considération que si les chances de succès paraissent raisonnables. Les expériences menées à bien dans nombre de pays ont largement prouvé que le maintien en vie de secteurs d'activités ou d'entreprises n'offrant plus de potentiel de développement, non seulement est vain mais conduit à un véritable gaspillage de deniers publics qui peuvent être mieux utilisés pour des investissements dans des domaines «porteurs».

Reculer artificiellement la fin d'un projet voué à l'échec de par l'évolution économique générale ne fait aussi qu'aggraver la situation des personnes associées à cette aventure, dans la mesure où l'on retarde notamment l'adaptation des connaissances et compétences de ces dernières et que l'on réduit ainsi les chances de leur permettre de retrouver plus rapidement un emploi dans un domaine d'avenir.

1.2 Soutien aux nouvelles entreprises

L'aide apportée aux nouvelles entreprises pour les attirer à Genève et leur permettre de s'établir dans les meilleures conditions représente le deuxième axe de la promotion économique. Il s'agit ici d'une action importante car si le maintien d'emplois existants demeure une priorité pour le gouvernement, la création de nouveaux postes de travail s'avère indispensable pour compenser, dans toute la mesure du possible, les réductions d'effectifs dues aux gains de productivité.

Depuis maintenant plus de deux ans, une véritable campagne de promotion économique a été mise en place, axée sur une aide personnalisée offerte aux nouveaux venus. Avec près de 80 implantations nouvelles ou développements très marquants d'entreprises existantes, engendrant la création de près de 1 000 emplois nouveaux, Genève se trouve placé en tête des cantons suisses. Ces résultats nous encouragent à poursuivre les efforts déployés jusqu'à ce jour.

2. Rôle de la Banque cantonale de Genève (BCG)

2.1 Mission et positionnement de la BCG

La stratégie générale de la BCG est de se positionner comme une banque universelle de proximité, disposant d'un réseau d'agences dense et capable d'assurer un ensemble de services bancaires à des tarifs compétitifs, avec diligence, qualité et efficacité.

Dans ce contexte la BCG doit faire face à la concurrence de l'ensemble des autres établissements financiers de la place genevoise, grandes banques et banquiers privés notamment.

Si, statutairement, la banque «a pour but principal de contribuer au développement économique du canton et de sa région», sa gestion doit cependant impérativement être effectuée «selon les principes éprouvés de l'économie et de l'éthique bancaires».

C'est précisément au nom de ces principes que la BCG se doit de traiter les affaires qui offrent non seulement des garanties de saine gestion mais, de surcroît, celles qui ont de bonnes chances soit d'aboutir, soit de se développer dans des conditions optimales.

Pas plus que tout autre établissement financier qui veut assurer sa pérennité, la BCG ne peut assister des entreprises en perdition, et c'est là que se situe la limite du soutien qu'elle peut accorder à l'économie de Genève et de sa région.

2.2 Conséquences pour la BCG de l'application des mesures contenues dans l'initiative

La disparition du journal «La Suisse» a provoqué au sein de notre population une émotion qui a largement masqué le sauvetage du centre d'impression de Vernier et des nombreux emplois qui lui sont directement ou indirectement liés.

Il est nécessaire dans ce contexte de souligner qu'un nombre important de clients de la BCG, qui ont tenu à s'adresser à elle à cette occasion, ont clairement affirmé qu'un soutien de la banque aux tentatives de sauvetage d'un journal endetté à l'excès serait perçu comme une évidente mauvaise utilisation des fonds confiés.

Les récents déboires de divers établissements bancaires régionaux ont montré que chaque nouvel événement de ce type entraînait des transferts massifs de fonds d'épargne vers les grands établissements bancaires. On peut dès lors considérer que si la BCG était dans l'obligation de soutenir des projets ou entreprises sans réelles chances d'aboutir, et perçus comme tels par ses clients, elle courrait le risque de perdre un nombre significatif de déposants. En plus d'obérer sensiblement ses capacités de soutien des projets prometteurs pour l'économie de notre canton et de sa région, ceci aurait un effet déplorable sur l'image de la banque dans le public.

On a souvent critiqué les liens jugés trop étroits qui existaient entre les banques cantonales et la classe politique. Il va de soi que l'acceptation de l'initiative en question pousserait inévitablement la BCG à nouveau dans un tel travers et ceci ne manquerait pas d'entraîner une importante perte de crédibilité de cet établissement auprès de sa clientèle de gestion privée, qui interpréterait de manière négative le fait que les autorités politiques détiennent un pouvoir d'action direct au sein de la banque, en intervenant directement sur la stratégie fondamentale en matière d'octroi de facilités de crédit. On doit à cet égard rappeler qu'il a été jugé que les déconvenues de certaines banques cantonales suisses auraient justement été précipitées en raison d'interventions a caractère politique.

En fait, si la banque apparaissait comme étant dans l'obligation, qui plus est dans un contexte économique difficile, d'apporter son soutien à des entreprises vouées à l'échec, cela ne manquerait pas de provoquer un affaiblissement de son aptitude à affronter la concurrence. En effet, on peut aisément prévoir la «réaction en chaîne» suivante:

 la capacité de l'entreprise à dégager des résultats bénéficiaires serait pénalisée;

 la capacité de la banque à investir serait donc mise en danger;

 la diminution des marges qui s'ensuivrait obérerait sérieusement sa capacité concurrentielle;

 enfin, un inévitable abaissement du «rating» de la BCG entamerait sa réputation et la confiance dont elle bénéficie sur les marchés financiers, la contraignant à emprunter à des taux trop élevés.

2.3 Garantie de l'Etat

La garantie que l'Etat de Genève accorde à sa banque cantonale est partielle. Elle se limite effectivement aux dépôts d'épargne et de prévoyance. Elle s'applique concrètement aux livrets, carnets de dépôt ou comptes jusqu'à concurrence d'un montant de 500 000 F par déposant ou 3 000 000 F par institution de prévoyance ou de libre passage.

Au 30 juin 1994, les montants couverts par cette garantie s'élevaient a 3,2 milliards de francs (dépôts d'épargne) et 696 millions de francs (livrets et carnets de dépôt), soit un total de 3,9 milliards de francs.

Un vaste débat se déroule actuellement en Suisse autour des banques cantonales et l'un des sujets principaux est précisément l'opportunité, non pas d'augmenter une telle garantie, mais bien de la supprimer. La notion de garantie, surtout si elle dépassait les engagements précités, serait sans aucun doute ressentie comme une forme d'étatisation et un élément propre à fausser le jeu d'une libre et saine concurrence.

3. Conclusion

Telles sont les réflexions dont le Conseil d'Etat tenait à vous faire part en préambule à la discussion sur l'initiative populaire dite «La Suisse».

Elles amènent le Conseil d'Etat à proposer au Grand Conseil de déclarer l'initiative partiellement irrecevable, à tout le moins.

Si, par impossible, l'initiative devait toutefois être déclarée recevable, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil de la rejeter.

Débat

M. Jean Spielmann (AdG). Nous sommes en présence d'un tour de préconsultation concernant prioritairement la recevabilité de l'initiative et, dans ce cadre, le Conseil d'Etat a traité de sa prise en considération globale. Mais il appartient à ce Grand Conseil de renvoyer ce débat en commission dans le cadre d'un tour de préconsultation pour examiner la recevabilité, dans un premier temps, en présentant ensuite un rapport au Grand Conseil qui se prononcera sur ce sujet.

Le Conseil d'Etat, dans son rapport, a émis un certain nombre de doutes sur la recevabilité en précisant un certain nombre de données, et il importe de faire quelques commentaires avant que cette initiative soit examinée par la commission législative. La recevabilité formelle et la conformité par rapport au droit supérieur représentent un problème que nous avons saisi immédiatement en présentant les deux axes de cette initiative :

- Celui du maintien d'une presse diversifiée, de la nécessaire lutte contre un monopole ou la création d'un monopole dans le domaine important de la presse. Ce problème doit être traité seul, et il est bien évident qu'il doit faire l'objet d'une démarche légale et législative spécifique.

- Ce deuxième problème est tout aussi important et porte sur le maintien de l'emploi et de l'aide aux entreprises et à la création d'emplois, notamment lorsque des secteurs importants de l'économie sont en jeu.

Notre constitution est ainsi faite, et le droit fédéral le précise d'ailleurs : «Pour que l'unité de la matière soit respectée ou pour que la non-recevabilité de l'initiative soit prononcée, il faut que la constitution cantonale prévoie expressément la possibilité de scinder l'initiative en deux.». Nous avons exprimé ce souhait dans les débats sur l'initiative, puisque le Grand Conseil peut prendre cette décision en vertu de l'article 66 de la constitution. Il faut donc procéder à des votes distincts sur les deux volets de cette initiative. Le problème de la recevabilité ne se pose donc pas sur ce plan.

Les problèmes liés à l'exécution ou «l'exécutabilité», comme il est dit dans le rapport du Conseil d'Etat, doivent faire l'objet d'une étude de fond sur ce qui a motivé le lancement de cette initiative. Sans revenir dans le détail sur l'ensemble du débat concernant «La Suisse», et puisque nous sommes en train d'examiner la recevabilité de cette initiative, permettez-moi tout de même d'intervenir brièvement sur le fond.

En effet, le Conseil d'Etat a exprimé une série d'appréciations dans son rapport. Il faut répéter, encore et encore, que le problème de la disparition de «La Suisse» est venu de la situation de monopole dans le secteur de la presse à Genève. Les pouvoirs publics ont eu leur part de responsabilité en ne maintenant pas une presse diversifiée, quelle que soit la qualité ou l'orientation de chaque journal.

Lors de la faillite de «La Suisse» nous étions confrontés à un certain nombre de problèmes. Des propositions concrètes ont été formulées, notamment lors de la création de la coopérative. Mais la pression du gouvernement a été forte pour éliminer le plus rapidement possible ce journal. Le choix d'un soi-disant expert neutre en est la preuve ! Il devait apprécier la situation, mais, en réalité, il avait déjà rendu son verdict avant même d'avoir étudié le problème. J'en veux pour preuve ses prises de position exprimées dans un éditorial, avant même d'avoir examiné le dossier et entendu les parties ! Je mets donc tout à fait en doute sa neutralité, eu égard à sa dépendance vis-à-vis de l'entreprise qui devait reprendre le monopole de la presse à Genève. Le choix de cet expert est donc pour le moins curieux, ce qui me fait dire que le Conseil d'Etat - comme je l'ai déjà dit - avait déjà pris sa décision.

Le Centre de presse de Vernier a posé aussi beaucoup de problèmes. Beaucoup de choses ont été dites, mais il convient de répéter et de rappeler que ce centre a été acquis pour un franc symbolique. Le groupe acquéreur a eu le culot de prétendre que l'opération lui avait coûté 36 millions en capitalisant les frais de transfert de l'impression de la «Tribune de Genève», alors qu'en fait ces frais étaient de toute façon nécessaires en raison de la situation de monopole créée par ce groupe et en raison de l'impossibilité technique et matérielle de sortir l'ensemble des journaux le matin et de procéder à leur diffusion sur place. Pour moi, il y a eu malhonnêteté !

Le problème de la Banque cantonale a été largement évoqué dans le rapport du Conseil d'Etat. Le souci des épargnants donne matière à discussion. La Banque cantonale a perdu une vingtaine de millions dans cette affaire, alors que, si elle avait accepté les propositions de la coopérative, elle aurait déjà récupéré 10 millions. Le bilan de cette affaire n'est donc pas positif. Les épargnants et les déposants ont été quelque peu oubliés en acceptant ainsi des pertes de 600 à 800 millions dans des opérations purement spéculatives. Je pense à Sécheron, notamment.

Il faut donc donner la possibilité à la population de corriger l'attitude du Conseil d'Etat en se prononçant clairement pour que la collectivité publique se donne les moyens d'intervenir pour la liberté de la presse, pour l'emploi, pas seulement dans le domaine de la presse mais dans tous les secteurs, comme cela a été dit dans le rapport du Conseil d'Etat. Personne n'a dit qu'il fallait aller au secours de canards boiteux ou d'entreprises moribondes. Dans le cas particulier - et vous le savez - ce n'était pas le cas. Les portefeuilles des publicistes, des journaux, les abonnements potentiels, tout était là pour prouver que ce produit était viable. On l'a tué délibérément, parce qu'on a voulu renforcer un monopole de presse ! Le nivellement dans ce secteur se fait malheureusement par le bas dans notre République, s'agissant de la qualité des journaux. C'est une des responsabilités du Conseil d'Etat. Il convient donc de donner la parole au peuple pour qu'il se prononce sur ce sujet. (Applaudissements.)

M. Pierre-Alain Champod (S). Je tiens à faire quelques remarques au sujet de cette initiative. Je n'aborderai que superficiellement les problèmes juridiques évoqués par le Conseil d'Etat. Mes remarques porteront davantage sur le contenu de cette initiative.

Comme l'a dit M. Spielmann, elle est née de l'émotion suscitée dans la population par la mort du journal «La Suisse». La disparition de ce journal posait deux problèmes politiques majeurs : d'une part, la sauvegarde des emplois, à la fois ceux du journal «La Suisse» et ceux du Centre d'impression de Vernier et, d'autre part, le problème de la concentration de la presse dans les mains d'un groupe puissant.

J'ai eu le désagréable sentiment que, durant toute cette affaire, le Conseil d'Etat n'avait peu ou pas pris en compte le problème de la concentration de la presse romande au sein du groupe Edipresse. Je dis bien la concentration et non la diversité dans la mesure où la Suisse n'était pas fondamentalement différente dans sa ligne rédactionnelle de la «Tribune de Genève». «La Suisse» n'était pas non plus un journal d'opinion comme le sont, soit le «Journal de Genève» soit «Le Courrier». Mais elle faisait partie intégrante de la vie genevoise et, comme beaucoup, je la lisais en buvant mon café le matin. Ce n'était pas un grand journal, comme on peut le dire du «Monde diplomatique», mais à côté du «Matin», qui l'a remplacée dans la plupart des établissements publics, «La Suisse» était un excellent journal.

Cette initiative veut éviter que d'autres journaux disparaissent et, d'une manière plus générale, que des erreurs de gestion ne conduisent à la disparition d'entreprises produisant des produits appréciés par le public et dont la fabrication pourrait être rentable s'ils étaient produits par une entreprise saine. Rappelons-nous que cette initiative n'est pas formulée, ce qui signifie qu'elle fixe des objectifs en matière de politique économique, mais que notre parlement dispose d'une marge de manoeuvre pour concrétiser ces objectifs, comme l'a d'ailleurs rappelé M. Spielmann.

Cette initiative pose aussi le problème du rôle de la Banque cantonale en matière de politique économique et en matière de lutte contre le chômage. Nous avons aujourd'hui seize mille chômeurs, ce qui est inacceptable. L'Etat ne peut se contenter de compter les chômeurs, il doit avoir une politique économique active et volontariste pour suppléer aux carences d'une économie livrée aux seules lois du marché. Cette initiative s'inscrit dans le contexte d'une lutte active de la part de l'Etat contre le chômage. De plus, cette initiative est complétée par une autre initiative qui a été déposées quelques mois plus tard sur le même thème. Le succès remporté auprès de la population par ces deux initiatives montre que la population genevoise attend des autorités de ce canton des mesures actives dans le domaine économique.

Compte tenu de ces remarques, le groupe socialiste vous invite à renvoyer cette initiative à la commission de l'économie pour en étudier le fond et à la commission judiciaire pour en étudier les aspects juridiques de recevabilité.

La présidente. Pour les aspects juridiques, il faudra la renvoyer à la commission législative, Monsieur Pierre-Alain Champod !

M. Chaïm Nissim (Ve). La première fois que je suis venu dans ce Grand Conseil, il y a environ dix ans, nous avions discuté assez longuement d'une autre initiative qui posait, elle aussi, de gros problèmes juridiques, je veux parler de l'IN 4 au sujet de l'Alhambra. Je me souviens que nous, nous n'étions pas d'accord avec cette initiative qui proposait un parking de six cents places en lieu et place de l'Alhambra, mais nous avons tout de même, par respect des droits populaires, accepté de siéger dans une commission qui cherchait à sauver ce qui pouvait l'être. Nous avons la même attitude face à cette initiative avec laquelle nous ne sommes pas d'accord. Ainsi, par respect pour les dix ou douze mille personnes concernées, nous voulons tenter de sauver tout ce qui peut l'être.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de renvoyer cette initiative dans les deux commissions adéquates.

La présidente. C'est prévu par la constitution, j'allais vous le dire, Monsieur Nissim ! N'ayez donc aucun souci à ce sujet !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je constate tout d'abord que M. Spielmann ne conteste pas le fait que l'initiative 104 porte sur deux axes distincts. Il admet donc que cette initiative soit scindée au niveau du vote populaire.

S'exprimant sur le fond, M. Spielmann a rappelé les jours sombres et les semaines douloureuses pendant lesquels le sort de «La Suisse» s'est joué. Bien entendu, et on ne m'en voudra pas, le Conseil d'Etat ne peut pas accepter les critiques relatives à l'expert, critiques qu'il conteste en l'état.

Je passe évidemment sur les détails de l'intervention de M. Spielmann, mais nous contestons les affirmations relatives au sort que ce journal aurait connu si la coopérative avait été suivie dans ses avis. A titre personnel, je regrette également le peu de cas des efforts tout à fait conséquents déployés par le Conseil d'Etat à cette époque pour régler ce conflit avec détermination, lucidité et réalisme.

Cela étant, nous devons considérer ce que ce dossier est devenu. Et il serait à ce sujet intéressant d'entendre M. le ministre chargé de l'économie publique nous dire ce qu'il est advenu de «La Suisse», de son imprimerie et de ses journalistes. Je propose, s'il est d'accord, que la parole lui soit donnée.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le débat relatif à «La Suisse» et à ses conséquences a été engagé à plusieurs reprises dans ce parlement. Il a même parfois été houleux. A l'occasion de l'examen de la recevabilité de l'initiative dite «La Suisse» il est utile de faire le point.

Votre Grand Conseil sait un certain nombre de choses, mais des éléments nouveaux peuvent être maintenant portés à sa connaissance. Le Grand Conseil sait qu'en exerçant un droit de préemption, en janvier 1994, dans des conditions rocambolesques, M. Nicole a pris une très grande responsabilité vis-à-vis de l'emploi, vis-à-vis d'un plan social qui pouvait à l'époque être mis en place. Il l'a fait au bénéfice d'appuis allégués à l'époque au sujet desquels le gouvernement avait des doutes les plus sérieux. Par la suite, ces appuis se sont avérés tellement douteux que les personnes qui les incarnaient se sont retrouvées, pour un bref instant en tout cas, derrière les barreaux !

Ce que votre Grand Conseil ne sait probablement pas - et nous sommes à cet égard au coeur de l'initiative et de ce qu'elle propose - c'est que ces appuis ont fait le tour de banques genevoises, jusque et y compris auprès de la Banque cantonale. On nous a demandé, à l'époque, de recommander à la bienveillance de la Banque cantonale les propositions de ces honorables financiers ! Nous nous sommes refusés à porter une appréciation sur le fond parce que nous avions quelques hypothèses à vérifier et quelques pressentiments de blanchissage d'argent, qui se sont avérés exacts. La suite, vous la connaissez.

Ce que vous ne savez pas non plus, c'est que la Banque cantonale, dans le cadre d'un examen purement professionnel, a été amenée à dire de la manière la plus catégorique qu'elle ne «touchait» pas aux financements dont se prévalait M. Nicole à l'époque. En effet, elle avait de bonnes raisons de penser ce qui a été confirmé par la suite. Nous sommes, au travers de cet exemple, au coeur de ce que propose l'initiative. En effet, en réalité on nous suggère aujourd'hui, alors que la Banque cantonale a fait son travail en professionnel, de lui demander d'effectuer un autre travail, ce qui n'est tout simplement pas sérieux.

Je crois pouvoir dire que ce n'est pas sans raison que l'initiative, lancée à un moment stratégique, a été critiquée par un certain nombre de syndicats, et non des moindres ! Il suffit de se souvenir des propos assez vifs de Jean-Pierre Thorel, à l'époque à la tête de la CGAS.

M. Jean-Pierre Lyon. C'est pas une référence !

Une voix. Chacun ses références !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Tout à fait, chacun ses références !

Je vous donne maintenant quelques indications sur l'évolution de ce dossier. Le problème était le suivant. Dans le cadre du débat dit de «La Suisse», un certain nombre de personnes ont souhaité porter l'accent sur les questions liées à la diversité de la presse. Ce débat n'a pas laissé le gouvernement insensible, je vous le confirme. Ce n'est pas de gaieté de coeur que Genève a assisté au naufrage d'un titre qui faisait partie de son paysage médiatique. Le problème, qui s'est posé à un moment donné, était de savoir si pour tenter malgré tout, et pour un délai incertain, de sauver un titre qui s'avérait, hélas, perdu, il fallait risquer davantage d'emplois encore. A partir du constat de la débâcle inévitable de «La Suisse», la question essentielle était de sauver les emplois du Centre d'impression de Vernier.

On a souvent entendu, dans ce Grand Conseil et à juste titre, des avis selon lesquels il fallait porter une attention toute particulière au secteur industriel. Dans le cadre d'une politique «archi-volontariste» et particulièrement dure, nous avons cherché à réunir les conditions de l'assainissement du CITP de façon que ce centre d'impression moderne et performant puisse vivre. Cela passait, vous le savez bien, par la réalisation d'une condition sine qua non : je veux parler du transfert de l'impression de la «Tribune de Genève» au CITP. Ce transfert ne pouvait être réalisé que pour autant que le centre soit assaini, ce qui a été le cas, grâce à l'intervention du Conseil d'Etat et, aujourd'hui, quel en est le résultat en termes d'emplois...

Des voix. Aahhh !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Centre d'impression de Vernier représentait cent trente emplois. Il était «surdimensionné» du point de vue de sa capacité de son volume d'affaires. Lorsqu'il a été assaini et que le transfert de la «Tribune» a été réalisé, le Centre d'impression de Vernier comportait encore cent dix-neuf emplois. Aujourd'hui, ce centre d'impression a non seulement maintenu ses emplois mais il a progressé ! Je suis en mesure de vous dire que, compte tenu de quatre engagements qui seront concrétisés dans les semaines qui viennent, le Centre d'impression de Vernier compte cent cinquante-deux emplois. Nous sommes donc passés de cent dix-neuf à cent cinquante-deux. Alors, non seulement nous avons contribué à le sauver, à sauver un pan significatif du secteur des arts graphiques dont la situation est difficile, mais nous avons créé les conditions pour réamorcer une augmentation d'emplois nouveaux dans ce centre.

Par ailleurs, nous avons veillé à ce que celles et ceux qui étaient victimes du naufrage de «La Suisse» et qui travaillaient au groupe Sonor et non pas au Centre d'impression de Vernier puissent, dans toute la mesure du possible, retrouver un emploi. Aujourd'hui, nous constatons qu'un certain nombre de journalistes ont retrouvé des emplois. Le groupe Edipresse, sur la base des chiffres qui m'ont été donnés pour les différents titres qui sont les siens, entre les journalistes et les emplois liés au secteur «prépresse», a pu réengager vingt-huit personnes. Le «Journal de Genève» a réengagé trois personnes sur la base de contrats forfaitaires fixes et six personnes sur la base de contrats forfaitaires à temps partiel. Il y a également eu un engagement ou plusieurs au «Courrier de Genève». Nous avons repris des personnes dans l'administration, à l'aéroport, etc. Sincèrement, nous avons travaillé d'arrache-pied sur le front de l'emploi !

Le Conseil d'Etat, dans cette sinistre affaire, a dit que la seule chose qui le mobilisait était l'emploi. Il a tenu parole et les chiffres sont là pour le prouver. Pour le surplus, nous discuterons du fond de cette initiative en commission.

M. Christian Grobet (AdG). Nous avons entendu avec intérêt les propos de M. Jean-Philippe Maitre au sujet des sources de financement sollicitées par M. Nicole. Je partage votre opinion dans ce sens que l'initiative de M. Nicole était néfaste d'un point de vue éthique, mais cela ne vous autorise pas à faire un amalgame entre les erreurs de gestion commises par ce mauvais chef d'industrie et les buts poursuivis par l'initiative que vous vous êtes permis de qualifier comme «n'étant pas sérieuse». L'initiative n'a rien à voir avec les projets complètement mégalomanes et fous d'un capitaine d'industrie à Genève qui a conduit - ce qui est tragique - son entreprise au désastre.

Cela démontre aussi que le fonctionnement de notre économie exclut, finalement, la possibilité pour les travailleurs - c'est-à-dire les principaux concernés - de participer à la gestion de cette entreprise et d'être informés de ce qui s'y passe. En effet, la direction de Sonor a caché la réalité des chiffres au personnel, elle n'a pas voulu l'associer. C'est l'un des vices rédhibitoires de notre système capitaliste qui fait qu'une seule personne peut créer des naufrages importants portant sur des dizaines de millions.

Or, l'initiative - je tiens à le souligner une nouvelle fois, et vous ne l'avez pas relevé, Monsieur Maitre - vise à donner l'appui de la Banque cantonale à des entreprises nouvelles ou assainies. Il n'est pas question de sauver des canards boiteux, ni surtout de payer les dettes de ceux qui ont creusé leur propre tombe. Dans le cas d'espèce de «La Suisse», le projet de la Société coopérative voulait précisément repartir sur des bases complètement nouvelles, et la nouvelle n'aurait pas repris les dettes.

Vous me rétorquerez que le problème des créanciers existe bel et bien. Mais, finalement, il n'appartient pas aux travailleurs de l'entreprise qui voulaient repartir avec un nouveau projet de devoir payer les créanciers. Ces dettes sont le fait de M. Nicole et de ceux qui lui ont peut-être prêté de l'argent trop légèrement ! Le rapport du Conseil d'Etat fait part, précisément, du fait que ce n'est pas aux banques cantonales à payer les dettes des entreprises; nous sommes parfaitement d'accord, mais, une fois de plus, ce n'est pas le but de l'initiative. Je trouve particulièrement fâcheux l'amalgame qui a été fait tout à l'heure entre les erreurs de gestion catastrophiques de M. Nicole et le but poursuivi par l'initiative, dont le but - même s'il est un peu utopique dans cette société bassement matérialiste - est de soutenir des entreprises de type coopérative.

Il y a cinquante ans, ces sociétés coopératives étaient les pionniers dans le genre. Je le rappelle, elles constituent l'un des fleurons de la société suisse, et certaines ont parfaitement réussi en démarrant très modestement. Nous, nous y croyons encore, et nous pensons qu'il faut essayer de créer quelque chose de nouveau. Il ne suffit pas, Monsieur Maitre, de dire que le Conseil d'Etat n'a pas été insensible - j'ose encore l'espérer - à la disparition d'un titre. Moi, je suis convaincu que «La Suisse» aurait pu être sauvée. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, j'ai été convaincu de cela par le faux expert que vous avez désigné !

En effet, il a indiqué qu'il était convaincu que le journal «La Suisse» avait un marché à Genève avec un produit plus modeste. Mais vous n'avez pas parlé de la parution du dimanche. Pour ceux qui ont vécu les choses de l'intérieur, c'était invivable. Je n'ai pas voulu m'exprimer à ce sujet volontairement. Cette «Suisse» du dimanche était une baudruche que l'on a brandie, comme l'édition du dimanche qui a coulé ce journal. L'expert, M. Baillod, pour ne pas le citer, a donné un certain nombre de recommandations et la Société coopérative a précisément conçu un projet qui répondait à ses recommandations. Je suis persuadé que ce projet était jouable, mais il fallait que la Banque cantonale prête 10 millions !

Vous n'avez pas répondu tout à l'heure, mais en fait la Banque cantonale a bien perdu 18 millions avec le centre d'impression, sauf erreur de ma part. Il serait intéressant de le savoir. Lorsqu'on parle de sauver des emplois, on peut s'en féliciter, mais il faut aussi savoir que la fin de «La Suisse» a fait le jeu d'une société monopolistique : Edipresse qui a pu mettre la main sur un centre d'impression de prestige, comme vous l'avez souligné, pour une bouchée de pain. Vous me permettrez de dire que - même si des emplois ont été sauvés - la façon dont Edipresse a mis la main sur ce centre de production est moralement détestable ! Cette société a en outre refusé que les deux journaux la «Tribune» et «La Suisse» soient imprimés dans ce centre de presse «surdimensionné», ce qui était le seul moyen de le sauver. Vous savez, Monsieur Maitre, que c'était le souhait du Conseil d'Etat, il y a quelques années, mais c'était impossible avec M. Nicole, ce qui est bien dommage. Edipresse ne l'a pas voulu pour mettre la main à vil prix sur ce centre d'impression, ce qui n'est pas admissible !

Si M. Baillod a donné la clef de la solution pour sauver «La Suisse» il l'a aussi coulée, car sa seule préoccupation - je peux l'attester, puisqu'il m'a téléphoné un soir, à 11 h 30 - était de savoir - après l'ukase de la SICOM de refuser l'impression de «La Suisse» au centre de Vernier - si «La Suisse» serait imprimée chez son concurrent à Neuchâtel. Il s'est demandé quelle était l'imprimerie qui pouvait effectivement offrir un prix d'impression en dessous de 4 millions, ce qui est probablement le prix juste, alors qu'à Vernier la SICOM demandait une douzaine de millions pour le même travail. Ce prix totalement faux était édicté, évidemment, par des charges financières complètement délirantes. M. Baillod n'avait qu'une seule crainte, c'est que «La Suisse» vienne s'imprimer sur la presse centrale de Neuchâtel de son concurrent. C'est la raison pour laquelle - je ne crains pas de le dire - M. Baillod, alors même que le projet de la Société coopérative répondait strictement à ses recommandations, a finalement coulé ce projet avec un rapport sur lequel il y a beaucoup à dire et sur lequel des choses seront peut-être écrites un jour.

La présidente. Monsieur Spielmann, vous avez la parole ! Il n'est pas là ? Eh bien, mais allez le chercher ! (Contestation générale et rires.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Grobet se méprend sur les propos du Conseil d'Etat. Il n'est pas question de faire un amalgame ni de ressasser le passé, ni de parler de l'expert, mais de parler de la Banque cantonale, car elle est au coeur de votre initiative.

J'observe simplement que, dans cette affaire, la Banque cantonale - comme elle le fait d'ailleurs dans de nombreux autres dossiers - a effectivement et concrètement porté appui à une entreprise assainie et viable : le CITP. Elle a joué là un rôle important qu'il faut relever.

La Banque cantonale, sur la base de sa propre analyse professionnelle, a estimé ne pas pouvoir apporter un appui à «La Suisse», car cette dernière n'était pas assainie et par conséquent pas viable. Vous demandez, en somme, au gouvernement de substituer notre propre appréciation à celle des professionnels de la Banque cantonale, dont nous sommes actionnaires, et de donner des ordres : c'est tout à fait erroné !

Nous avons intérêt à ce que la rentabilité de la BCG soit bonne. Vous mesurez - si je comprends bien - la menace que vous feriez peser sur celle-ci, puisque vous demandez des garanties, ce qui montre bien que vous cherchez à augmenter les risques qu'elle devrait prendre elle-même. C'est pourquoi, dans ce contexte, je dis que cet objectif n'est pas sérieux.

Nous en débattrons de manière plus approfondie en commission.

M. Christian Grobet (AdG). (L'orateur est accueilli par des quolibets et des manifestations de lassitude.) Je sais que pour vous la sauvegarde de l'emploi est un slogan électoral... (Chahut.) ...mais lorsqu'il faut en discuter concrètement, cela vous gêne !

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, M. Grobet a le droit de prendre la parole trois fois. Je vous en prie !

M. Christian Grobet. Nous ferons le bilan de la situation de l'emploi à Genève et nous verrons combien d'emplois ont été sauvés ! Je ferme cette parenthèse pour le moment.

Monsieur Maitre, ce n'est pas notre initiative, c'est celle des syndicats ! Tout à l'heure, vous avez cité un syndicaliste qui a critiqué cette initiative, mais vous omettez de dire que celle-ci a été lancée par l'Union des syndicats du canton de Genève. Certes, notre formation lui a apporté son appui...

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. La CGAS !

M. Christian Grobet. Ecoutez, la CGAS est une formation syndicale un peu plus large, car elle comporte deux syndicats de plus, mais l'Union des syndicats du canton de Genève, vous le savez, est le groupement qui a lancé cette initiative. Celle-ci a du reste reçu l'appui d'autres partis, et pas seulement du nôtre !

A aucun moment cette initiative ne dit que le gouvernement doit donner des ordres à la Banque cantonale, et vous avez parfaitement raison de dire que c'est à cette dernière d'apprécier elle-même la situation. Il est inexact de prétendre que «La Suisse» n'avait pas été assainie, comme vous l'avez dit tout à l'heure, puisque la nouvelle société, précisément, ne devait pas reprendre les dettes de M. Nicole, et qu'elle repartait sur une base totalement nouvelle. Si la Banque cantonale vous a donné cet argument - ce qui m'étonnerait - sachez qu'il est erroné.

Mais, Monsieur Maitre, si le Conseil d'Etat ne peut pas donner des ordres à la Banque cantonale, vous savez aussi bien que moi, pour avoir des contacts permanents avec le directoire de cette banque, que cette dernière a pour le moins l'oreille du Conseil d'Etat. Lorsqu'il s'est agi, précisément, d'intervenir pour le CITP, je suis convaincu que vous avez pris les contacts nécessaires avec la banque et que vous l'avez encouragée à aller dans ce sens, comme vous l'avez dissuadée de soutenir le projet de la Société coopérative ! Je dispose de quelques renseignements au sein de la Banque cantonale, et je sais très bien quels sont les contacts qui ont été pris entre le Conseil d'Etat et la direction de la banque, tant au sujet du projet de la Société coopérative qu'au sujet du CITP !

IN 104

Cette initiative est renvoyée à la commission de l'économie.

IN 104-A

Ce rapport est renvoyé à la commission législative.

 

La séance est levée à 23 h.