République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 janvier 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 3e session - 1re séance -autres séances de la session
No 1
Jeudi 19 janvier 1995,
soir
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente. Je prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Luc Barthassat, Claude Blanc, Catherine Fatio, Luc Gilly, David Hiler et Pierre Meyll, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 15 et 16 décembre 1994 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
La présidente. Les points 63 à 66 seront traités après le point 21. De plus, le point 60 sera examiné après le point 41.
Par ailleurs, vous avez reçu les projets de lois 7198 et 7199 concernant les allocations familiales. Le Bureau vous propose d'ajouter ces deux objets comme point 28 bis de notre ordre du jour.
Il en sera fait ainsi.
D'autre part, le point 20 est renvoyé à une prochaine séance, les candidatures présentées par certains partis n'étant pas accompagnées d'un curriculum vitae, comme l'exige la disposition concernant les élections dans ce type de commission de la loi portant règlement du Grand Conseil.
La présidente. Mme Sylvie Hottelier est entrée au Grand Conseil au début de cette législature.
Nous formons tous nos voeux pour son avenir et lui ferons remettre le stylo-souvenir traditionnel.
Le successeur de Mme Hottelier, M. Butikofer, prêtera serment tout à l'heure.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil s'est réunie mercredi 11 janvier. Elle a étudié la candidature de Mme Vérène Nicollier, née le 11 décembre 1941, originaire de Genève et Vevey, dont la profession principale est assistante du conservateur du musée de la Fondation Baur. La commission des droits politiques n'a constaté aucune incompatibilité entre la profession de Mme Nicollier et la charge de député.
La commission s'est ensuite penchée sur la candidature de M. Matthias Butikofer, né le 21 novembre 1962, originaire de Berne, dont la profession principale est assistant social à l'AVIVO. La commission n'a remarqué aucune incompatibilité.
Elle vous recommande donc d'accepter la prestation de serment de Mme Vérène Nicollier, ainsi que celle de M. Matthias Butikofer.
La présidente. Mme Vérène Nicollier prêtera serment ce soir, à notre séance de nuit.
M. Matthias Butikofer est assermenté. (Applaudissements.)
M. Cédric-Laurent Michel est assermenté. (Applaudissements.)
9. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
La présidente. Nous réitérons nos condoléances à notre collègue, M. Chaïm Nissim, qui a eu le chagrin de perdre son père dernièrement.
10. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
D'autre part, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
11. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
M. Andreas Saurer (Ve). Madame la présidente, j'annonce pour la prochaine séance du Grand Conseil le dépôt d'un projet de loi visant à la création d'un établissement public autonome du service des automobiles. Les «Verts» espèrent déposer ce projet avec la participation d'autres partis.
La présidente. Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
b) de propositions de motions;
La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). J'annonce le dépôt, pour le prochain Grand Conseil, d'une proposition de motion visant à la création d'une unité spécifique permettant d'accueillir des condamnés pour perversions sexuelles graves. J'espère également que cette motion sera soutenue par les autres partis.
La présidente. Elles figureront à l'odre du jour d'une prochaine séance.
M. Armand Lombard (L). J'annonce le retrait de la motion suivante :
Mme Christine Sayegh (S). J'annonce également le retrait d'une motion :
de Mme et M. Christine Sayegh et Alain Rouiller concernant la participation aux élections/votations. ( )
En effet, j'ai obtenu une réponse, mais je me suis rendu compte qu'elle figurait encore à l'ordre du jour.
La présidente. Il en sera fait ainsi.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
La présidente. Le Conseil d'Etat nous a transmis réponses aux questions écrites suivantes :
Q 3360
de Mme Vesca Olsommer (E)
Dépôt : 8 juin 1990
Jardins familiaux et potagers proches des habitations :le Conseil d'Etat se souvient-il des motions 434 et 439 ?
Dans son rapport aux deux motions 434 «pour des terrains ou potagers proches des habitations» et 439 «concernant les jardins familiaux» (Mémorial 1988, p. 4600) le Conseil d'Etat s'était montré solidaire des préoccupations des motionnaires (MM. Jenni, Guidini, Caduff, Loutan et la signataire de la question écrite) et tenait, disait-il, à donner suite à leurs invites autant que faire se peut, conscient qu'il était «de la valeur des loisirs qui permet à une population urbaine d'entrer en contact avec la nature».
Nous apprenons, trois ans après la rédaction de ce rapport, que la Fédération genevoise des jardins familiaux s'inquiète de la disparition de trois de ses lotissements, à Plan-les-Ouates, Lancy et Onex. Déjà, à l'époque du dépôt des motions, l'on avait eu vent des menaces pesant sur les jardins de la Chapelle-sur-Carouge.
Comme l'urbanisation du canton se poursuit, ces motions sont toujours d'actualité.
C'est pourquoi je me permets de demander au Conseil d'Etat :
1. S'il est en mesure de proposer des terrains de rechange pour des jardins familiaux menacés ou de soutenir les démarches nécessaires à leur acquisition ?
2. Si, depuis trois ans, il a eu l'occasion d'acquérir des terrains à l'usage de jardins familiaux ?
3. S'il a pu commencer, selon ses propres termes, «à vérifier les possibilités de mettre en oeuvre cette proposition inédite à Genève» à savoir la création de jardins potagers proches d'immeubles «notamment par le biais des plans localisés de quartier» ou arrangement à l'amiable entre locataires et propriétaires ou régies ?
Merci.
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 21 décembre 1994
Le Conseil d'Etat est aujourd'hui en mesure d'apporter un certain nombre de précisions à cette question fort ancienne.
Partant du fait, tout d'abord, que certains jardins familiaux sont appelés à disparaître, le Conseil d'Etat est fermement décidé à rechercher, dans chaque situation de ce type, des solutions de remplacement. Ce fut le cas, récemment, pour les jardins familiaux situés au chemin de la Milice (commune de Plan-les-Ouates), qui ont dû être transférés, à proximité, pour laisser place au contournement autoroutier de Plan-les-Ouates. Ce déplacement a donné lieu à une modification du régime des zones (projet de loi 7058, création d'une zone de jardins familiaux), votée le 21 octobre 1994, qui permet non seulement de reloger ces jardins familiaux, mais encore de réserver la possibilité d'en créer environ 100 supplémentaires.
Ce déclassement démontre que le Conseil d'Etat tient à remplacer les jardins familiaux qui doivent laisser place à une autre utilisation du sol, et qu'il entend se donner les moyens de répondre autant que possible aux nombreuses demandes en souffrance pour ce type d'activité. Des recherches sont présentement en cours dans le but de faire des propositions concrètes allant dans ce sens à la Fédération genevoise des jardins familiaux, notamment en fonction des terrains déjà en mains de l'Etat. D'autres acquisitions pour répondre à ce besoin ne sauraient être exclues.
Il faut cependant noter que la recherche de nouveaux sites destinés aux jardins familiaux portera sur des terrains situés avant tout dans la zone agricole, malgré les difficultés que cela suppose (intérêts de l'agriculture, protection du paysage). Cette question pose donc celle plus générale, de l'élaboration d'un concept de gestion de l'espace rural, dont la zone agricole est une composante importante.
Quant à la volonté exprimée du Conseil d'Etat dans sa réponse aux motions 434 et 439 d'étudier la possibilité d'implanter des jardins familiaux près des habitations, notre Conseil constate que cette intention n'a, jusqu'à maintenant, pas été traduite dans les faits. Il s'efforcera, à l'avenir, d'inventorier des cas susceptibles de concrétiser cette volonté et remercie l'auteur de la question écrite de la lui avoir rappelée.
Q 3459
de M. Bernard Annen (L)
Dépôt : 2 octobre 1992
L'impossible accès aux locaux techniques des bâtiments :un jeu dangereux qui coûte cher
Chacun sait que les entreprises des métiers du bâtiment sont fréquemment conduites à devoir accéder aux locaux techniques des bâtiments, non seulement en temps normal, mais également en cas d'inondation ou de défectuosité d'un équipement nécessitant une intervention rapide.
Or, des propriétaires, indignés que des vols et des dégâts fussent commis dans des caves, se plaignirent auprès du département de justice et police et réclamèrent un système plus efficace de fermeture.
En juin 1988, l'article 105 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses (RALCI) fut donc modifié. Un cylindre de service à codage magnétique fut prévu par les Services industriels, les seuls et uniques utilisateurs étant ces mêmes Services industriels, le Service d'incendie et de secours de la Ville de Genève (SIS), l'inspection cantonale du service du feu (ICF) et le service de sécurité et salubrité des constructions. Mais, pas les autres principaux intéressés !
Les multiples inconvénients de ce mode de faire étaient tels, qu'en février 1991 après divers entretiens avec la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB), la Société des régisseurs, la Chambre genevoise immobilière, 022 TéléGenève, etc. le département des travaux publics proposa un aménagement du règlement d'application de la LCI.
Acceptée par le Conseil d'Etat, cette nouvelle mouture entra en vigueur en juin 1991. Elle devait en principe permettre aux entreprises devant intervenir d'urgence dans les bâtiments de disposer d'une clef de service sous certaines conditions (justification de la demande, identité des détenteurs de la clef).
Hélas! Depuis, rien n'est réglé et les utilisateurs des clefs des Services industriels sont considérés comme des balles de tennis, renvoyés du DTP aux SIG, puis des SIG au DTP.
Des entreprises bien que remplissant les conditions posées par le DTP et donc agréées par celui-ci se voient refuser leurs clefs SI ! Pendant ce temps, les usagers subissent ce blocage... Et paient les factures pour des déplacements inutiles de dépanneurs, trouvant porte close.
Les professionnels ne demandent pourtant que leur soit possible l'accès aux seuls locaux techniques, pas nécessairement aux entrées d'immeubles ! Ainsi, les exigences des propriétaires seraient respectées tout comme les souhaits, légitimes, des métiers techniques du bâtiment, sans oublier ceux des locataires (qui risquent fort de pâtir de cette incohérence).
Quelles sont les mesures qu'envisage le Conseil d'Etat pour que cesse cette situation ubuesque ? Peut-on espérer une solution rapide ou bien faudra-t-il attendre des dommages graves et des accidents ?
L'état actuel de la technique permettrait pourtant facilement de façonner des clefs à plusieurs niveaux d'accès, afin que les dépanneurs puissent pénétrer dans les locaux techniques (qui n'intéressent qu'eux), après qu'on leur aura ouvert la porte d'entrée des immeubles.
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 12 décembre 1994
Le Conseil d'Etat tient à relever que la question des clefs de service et de la manière dont la mise à disposition de ces dernières doit être gérée n'est pas définitivement réglée.
L'auteur de la question susvisée rappelle, à juste titre, que les dispositions adoptées en 1988 (articles 105 A et suivants du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 27 février 1978) (ci-après RALCI) visaient à mettre en place un système plus efficace de fermeture, suite à de nombreux vols et dégâts commis dans des immeubles d'un accès devenu trop aisé.
La première solution réglementaire adoptée se révéla toutefois excessivement restrictive, de sorte qu'effectivement en 1991, les articles 105 A et suivants du RALCI ont à nouveau été modifiés dans le sens d'une plus grande souplesse.
C'est ainsi que fut introduite dans le RALCI, en 1991, la possibilité de permettre aux entreprises de dépannage, aptes à intervenir 24 heures sur 24, de bénéficier d'une clef de service.
Selon cette modification réglementaire, toute entreprise de dépannage répondant aux exigences prévues par l'article 105 A RALCI, et donc agréée par le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après DTPE), peut obtenir une clef de service auprès des Services industriels de Genève.
Suite à une période de «rodage» difficile, au cours de laquelle la question écrite susvisée a d'ailleurs été déposée (octobre 1992), les compétences respectives du DTPE et des Services industriels de Genève ont été clairement établies et l'application des dispositions réglementaires évoquées ci-dessus ne pose plus de difficultés.
A titre d'information, 618 clefs de service ont, à ce jour, été distribuées à 186 entreprises de la place par les Services industriels de Genève, étant précisé que toutes ces entreprises offrent un service d'intervention 24 heures sur 24 et qu'elles ont donc, en conséquence, été agréées par le DTPE.
Le nombre très important de clefs distribuées peut toutefois faire craindre que la sécurité des systèmes de fermeture soit à nouveau remise en cause !
Compte tenu de ce qui précède, le DTPE a pris la décision de réexaminer une nouvelle fois l'ensemble de la question, en étudiant notamment les systèmes retenus dans d'autres cantons.
En l'état, il n'est donc pas possible de dire si la solution actuellement en vigueur va être maintenue ou si le Conseil d'Etat y apportera de nouvelles modifications.
Q 3526
de M. René Longet (S)
Dépôt: 28 septembre 1994
Liaisons aériennes bon marché Genève-Zurich
Cet été ont été annoncés, tant par une compagnie bâloise que par Swissair, des projets d'offrir des vols entre Genève et Zurich, à un prix très proche du prix 1re classe en train. Une telle offre pose deux problèmes.
Il s'agit d'une concurrence directe au rail, que la politique suisse des transports a pourtant décidé de privilégier pour les courtes et moyennes distances.
Il s'agit également d'une péjoration de la situation de Cointrin, qui perdrait à nouveau des vols intercontinentaux directs, les usagers étant obligés de passer par Zurich.
Que pense le Conseil d'Etat de ces projets? Peut-il dire où en sont exactement ces projets? Quelles actions a-t-il entreprises ou entend-il entreprendre pour les contrer ?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 12 décembre 1994
Le Conseil d'Etat confirme que, dans le courant du mois d'août dernier, l'office fédéral de l'aviation civile a procédé à une consultation des milieux concernés par le projet de la compagnie charters bâloise TEA SA d'exploiter, avec l'appui d'Hotelplan, un vol matinal et un vol en fin de journée entre Zurich et Genève et vice versa à des tarifs proches de ceux pratiqués par les CFF en première classe.
Le projet faisait suite à une hausse sensible des tarifs Swissair sur la desserte entre Genève et Zurich.
Le Conseil d'Etat a, à cette occasion, souligné qu'une desserte renforcée entre Zurich et Genève pourrait être souhaitable dans la mesure où elle contribuerait à une meilleure répartition entre ces deux aéroports de la desserte long-courrier.
Après avoir pris connaissance d'un nouveau projet de Swissair portant sur ce même objet, le département fédéral des transports, des communications et de l'énergie a rejeté, le 27 octobre 1994, la demande de concession de TEA Bâle SA qui ne pourra donc pas réaliser son projet.
Dès l'entrée en vigueur, le 30 octobre dernier, de l'horaire aérien pour l'hiver en cours, Swissair a en effet offert une plus grande capacité sur ses vols du matin et du soir entre Genève et Zurich et vice versa pour faire face à la demande et a réintroduit, sous certaines conditions, des tarifs réduits mais supérieurs à ceux pratiqués par les CFF en première classe.
12. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. R. S. , 1970, ex-Yougoslavie, économiste, recourt contre le solde de la peine d'expulsion qui prendra fin en 2007.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Ce cas concerne un jeune homme, âgé de vingt-quatre ans, originaire du Kosovo. Il est étudiant en économie, si tant est qu'il n'ait pas été mobilisé depuis pour les raisons que l'on sait.
M. R. S. a été condamné le 24 novembre 1992 pour trafic de stupéfiants. Il a été arrêté par la police genevoise en compagnie d'un de ses compatriotes qui était en train d'opérer une transaction portant sur une vingtaine de grammes d'héroïne. M. R. S. n'avait pas de drogue sur lui, et il insiste sur le fait qu'il se trouvait là par hasard, cet ami devant lui procurer un logement. Sa condamnation initiale était de trois ans de réclusion et quinze ans d'expulsion du territoire suisse. Il a fait appel de cette décision, puis la peine de réclusion a été ramenée à trente mois d'emprisonnement, avec maintien de la durée d'expulsion du territoire suisse à quinze ans par arrêt de la Chambre pénale du 5 avril 1993. La peine d'emprisonnement a été exécutée normalement jusqu'aux deux tiers de la peine. M. R. S. a été libéré, le solde de la peine étant soumis à un délai d'épreuve de cinq ans.
Le recours porte donc seulement sur la peine d'expulsion de quinze ans, qui prendra fin en 2007. M. R. S. se trouvait dans nos murs pour échapper à une situation particulièrement troublée au Kosovo, ce qui peut se comprendre. Le motif de son recours est qu'il désire rejoindre sa femme qui est établie ici en situation régulière avec son père, sa mère et ses trois frères et soeurs, étant précisé qu'il s'est marié pendant sa période d'incarcération. Il demande que la peine d'expulsion soit levée pour lui permettre de retrouver son épouse sans obliger celle-ci à quitter le pays. Des formalités administratives de résidence risquent de compliquer les choses.
Le préavis majoritaire de la commission de grâce est négatif.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté
M. R. P. A. , 1958, France, sans profession, recourt contre le solde de la peine d'expulsion qui prendra fin en 1997.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. La commission de grâce s'est penchée sur le recours de M. R. P. A., trente-sept ans, de nationalité française, sans profession, qui était à l'époque séparé et qui est aujourd'hui divorcé. Il recourt contre le solde de la peine d'expulsion qui devrait prendre fin en 1997.
Il a tout d'abord été condamné, en 1991, pour vol dans les grands magasins, à quinze jours d'emprisonnement avec sursis et un délai d'épreuve de trois ans et trois ans d'expulsion ferme du territoire suisse.
En 1992, M. R. P. A. a été condamné pour rupture de ban. Il a été intercepté en tentant de passer la frontière et condamné à un mois d'emprisonnement, sous déduction de cinq jours de détention préventive et un délai d'expulsion ferme du territoire suisse de cinq ans.
Le préavis du procureur général est négatif. A l'unanimité, la commission de grâce a rejeté ce recours. Je vous propose donc de suivre cet avis.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. T. A. B. ,1966, Tunisie et Libye, étudiant, ne recourt que contre le solde de la peine d'expulsion qui prendra fin en 2008.
M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur. M. T. A. B., originaire de Tunisie et de Libye, est venu en Suisse en juillet 1989. Il a travaillé au noir dans différents restaurants de la place, puis, au mois d'août 1990, il a quitté son emploi, a changé d'identité et s'est fait appeler M. T. A. B.. C'est sous ce nom qu'il a déposé une demande d'asile. Une semaine après, il était arrêté pour trafic de drogue. Il a été condamné à quatre ans de réclusion et quinze ans d'expulsion du territoire suisse. Il a recouru contre ce jugement, mais celui-ci a été confirmé.
Ensuite, il a été emprisonné. Le 4 avril 1993, soit cinq jours avant la date de sa libération conditionnelle aux deux tiers de sa peine, il s'est évadé de la maison de Montfleury, car il ne souhaitait pas être rapatrié en Tunisie où il faisait l'objet d'une condamnation pour chèques sans provision. Il n'a pas quitté le territoire suisse. A partir du mois d'avril 1993, il a rencontré une jeune Suissesse chez qui il a vécu jusqu'en novembre de la même année. Il a été arrêté le 10 novembre de la même année pour rupture de ban.
M. T. A. B. est actuellement en Italie, et c'est depuis ce pays qu'il a déposé une demande en grâce contre la peine d'expulsion du territoire qui prendra fin en 2008. Les raisons invoquées par M. T. A. B. sont les suivantes : la jeune personne avec laquelle il a vécu dès avril 1993 a eu un enfant au mois de janvier 1994 dont il est le père. A ce jour, l'enfant n'a pas été reconnu officiellement et le couple n'est pas marié. Il faut relever que M. T. A. B. a purgé la quasi-totalité de sa peine pour le trafic de drogue et que la naissance de l'enfant est un élément nouveau.
Néanmoins, la commission vous propose de rejeter ce recours, en raison, d'une part, de la gravité des faits qui sont reprochés à M. T. A. B. et, d'autre part, de son attitude détestable : il a déposé une demande d'asile pour se livrer au trafic de drogue.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. T. B. J. , 1962, Espagne, poseur de moquettes, recourt contre le solde de la peine d'emprisonnement, soit deux ans, deux mois et dix-sept jours.
M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur. M. T. B. J. est né en juillet 1962. Il travaille comme poseur de moquettes de manière indépendante. M. T. B. J. a participé, entre 1988 et 1990, à de nombreux cambriolages et autres délits. Il faisait partie d'une bande d'une quinzaine de personnes qui ont toutes été jugées et condamnées, le 17 février dernier, par la Cour d'assises. La participation des différents membres aux délits était très variable, ce qui fait que les peines ont, elles aussi, été variables selon les personnes.
M. T. B. J. a été condamné à deux ans et demi de prison et à dix ans d'expulsion, cette dernière peine étant assortie d'un sursis. Le 16 novembre dernier, M. T. B. J. a déposé une demande de grâce dans laquelle il invoque notamment le fait que, depuis les délits qui lui sont reprochés et qui ont eu lieu en 1990, il a complètement changé de manière de vivre. Il n'a plus commis de délit et son entreprise, créée en 1991, fonctionne bien.
La commission a certes relevé que M. T. B. J. avait changé d'attitude. Mais, compte tenu du fait qu'il n'a été jugé que le 17 février 1994 - la Cour d'assises a eu connaissance de toute l'évolution et du fait qu'il était indépendant - elle a estimé qu'il n'y avait pas d'éléments nouveaux dont les juges n'aient eu connaissance. C'est la raison pour laquelle la commission vous propose de rejeter cette demande en grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
La présidente. J'ai le plaisir de saluer à la tribune du public la présence de notre ancienne collègue, Béatrice Luscher. (Applaudissements.)
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Mark Muller, présentée par la Chambre genevoise immobilière.
M. Mark Muller est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jean Ruffieux, présentée par le parti démocrate-chrétien.
M. Jean Ruffieux est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. François Paychère, présentée par le parti socialiste.
M. François Paychère est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Christophe Zellweger, présentée par le parti libéral.
M. Christophe Zellweger est élu tacitement. Il prêtera serment ce soir.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Arielle Wagenknecht, présentée par le parti démocrate-chrétien.
Mme Arielle Wagenknecht est élue tacitement.
La présidente. Comme je vous l'avais signalé, le point 20 est reporté à notre séance du mois de février.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Bientôt, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons arriver au Grand Conseil en nous demandant : «Bon sang, mais qu'est-ce qu'il a encore dit ou qu'est-ce qu'il a encore écrit ?». Enfin, s'il n'a rien écrit ni rien dit, on se demandera s'il n'est pas parti en vacances ! Vous aurez compris, Mesdames et Messieurs, que mon interpellation s'adresse à M. Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aurais pu décider de l'interpeller au sujet du service des automobiles, mais j'ai opté pour les «bistrots squats». Il faut dire que l'on a le choix des propos avec M. Ramseyer ! (Rires.) Cet automne, nous l'avons entendu parler de l'Usine et de la drogue et, très récemment, nous avons eu le privilège de son avis à propos des bistrots des lieux alternatifs. L'ennui, Monsieur Ramseyer, c'est qu'on a toujours l'impression que vous parlez avec un lance-flammes à la main pour nettoyer la place, ce qui n'a rien de rassurant ! (Contestation.)
Le sujet est sérieux et je voudrais demander au Conseil d'Etat si, au-delà des problèmes de sécurité à propos desquels le dialogue est engagé, il a des raisons de s'en prendre aux «bistrots squats». Ils fonctionnent sans but lucratif et ne peuvent donc pas concurrencer les établissements de type commercial, et ils jouent un rôle social et culturel important. Je demande, en conséquence, au Conseil d'Etat de bien vouloir préciser sa position par rapport à l'existence de ces lieux et à l'autorisation d'exploitation de fait dont ils bénéficient aujourd'hui. Je vous remercie.
La présidente. La réponse de M. Gérard Ramseyer à votre interpellation urgente aura lieu au point 42 bis, à la fin de son département.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Vous n'êtes pas sans savoir que l'affaire du SAN est remise sur la place publique. Je me demande si le Conseil d'Etat lit la «Feuille d'avis officielle», car le résultat a été sans appel : plus de 61% des citoyennes et citoyens ont refusé le projet de délégation du service des automobiles et de la navigation ! Comment le Conseil d'Etat analyse-t-il le résultat d'une telle votation ?
Ce qui nous interpelle, c'est la situation dans laquelle se trouvent les employés du SAN. Depuis le printemps passé, ils ont vécu une situation difficile. Je le sais en tant que syndicaliste. Après avoir soupiré de soulagement après le résultat de la votation, ils sont à nouveau dans une situation inconfortable, à peine un mois et demi après. Je suis en partie satisfait sur un certain nombre de réponses parues dans la presse, mais j'aimerais bien qu'elles figurent au Mémorial. C'est pour cela que je demande que ces messieurs du Conseil d'Etat fassent la même déclaration qu'ils ont déjà faite à la presse, comme cela les choses seront claires.
Le Conseil d'Etat pense-t-il présenter un projet de loi pour revitaliser ce service ? Nos collègues du parti socialiste ont déjà fait cette suggestion. Faut-il que le Conseil d'Etat présente ce projet de loi ou les députés doivent-ils le faire eux-mêmes ?
Je reviens sur un sujet qui ne fera pas plaisir à M. Ramseyer, je veux parler de la direction du bureau des autos. Notre collègue député, M. Dominique Hausser, avait évoqué, au mois de décembre, le problème du maintien ou non de M. Pally à la direction de ce service. J'estime, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'un commis de l'Etat doit défendre son service et être un serviteur fidèle. Or, toutes ses déclarations - je peux en parler, car j'étais membre de la commission - prouvent le contraire, puisqu'il était totalement acquis au service privé. Monsieur Ramseyer, vous avez dit que M. Pally avait la confiance du Conseil d'Etat, eh bien je prétends que vous devriez réviser votre jugement ! J'espère que vous allez me répondre très en détail sur ce point, parce que le personnel commence à être las de cette situation. Vous devez vous engager pour les rassurer !
La présidente. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 42 ter.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Segond. Il est malheureusement absent, j'en suis désolée, mais je vais tout de même la développer !
Depuis le 1er janvier de cette année, la nouvelle loi sur l'organisation hospitalière est entrée en vigueur. Les trois anciennes commissions administratives vont être remplacées par un nouveau conseil d'administration, qui sera élu le 13 février. Le but de cette nouvelle loi est d'assurer une meilleure gestion en haut de la pyramide et, en même temps, par une décentralisation vers le bas, d'impliquer un peu plus le personnel sur le terrain dans le fonctionnement de l'hôpital.
J'aimerais savoir, ainsi que mon groupe, si et comment vous avez informé le personnel de l'hôpital, s'agissant de cette réforme importante.
En deuxième lieu, nous aimerions également savoir, puisque maintenant on rationalise vers le haut, si plus de moyens peuvent être mis à disposition pour le personnel au chevet du malade. En effet, nous nous faisons beaucoup de souci par rapport à la qualité des soins et par rapport au respect des droits des malades, car nous avons l'impression qu'il y a un manque chronique de personnel.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à votre interpellation urgente prendra place au point 29 bis.
La commission des finances a étudié le PL 7123 lors de ses séances des 16, 23 et 30 novembre 1994 tenues sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache, en présence de MM. Olivier Vodoz, chef du département des finances, Jean-François Mabut, secrétaire général, et Giorgio Bordogna, directeur du contrôle financier cantonal.
En préambule, il faut se souvenir que ce projet de loi a été déposé le 30 août 1994 par l'ensemble des membres de la commission des finances.
Le projet de loi renforce singulièrement les organes de contrôle de l'Etat et s'inscrit, de ce fait, dans la logique des travaux de la commission des finances relatifs à la loi sur la gestion administrative et financière, adopté le 7 octobre 1993 et entrée en vigueur le 1er janvier 1994.
Il répond aux nombreuses interrogations sur l'efficacité et la portée des mandats de la commission de contrôle de gestion, dont cette dernière a elle-même fait l'inventaire.
Il constitue une réponse indirecte à l'initiative populaire no 100 «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève» qui demande principalement un audit général de l'Etat et des institutions qui en dépendent.
Rappelons que l'avant-projet de loi a été élaboré par les services du département des finances sur mandat de la commission qui en avait défini les grandes lignes. On voudra bien se référer à l'exposé des motifs extrêmement fouillé qui accompagnait le projet de loi et en définissait la philosophie. On se dispensera donc d'y revenir dans le présent rapport.
Lors de la même séance du Grand Conseil qui a renvoyé le PL 7123 à la commission des finances, trois autres projets de loi aux sujets connexes ont été renvoyés en commission.
Deux ont été adressés à la commission des finances, il s'agit du PL 7118 sur l'évaluation législative et du PL 7175 concernant la législation expérimentale. Le troisième, le PL 7176, modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil, a été renvoyé à la commission législative, toutefois il contient également une proposition relative à l'évaluation des politiques.
Travaux de la commission
La commission a repris l'étude de son projet de loi dès le 16 novembre en commençant par l'audition de la commission de contrôle de gestion représentée par MM. J. Auvergne, vice-président, P.-A. Bobillier secrétaire, M. Bieler et G. Vuilleumier, membres de la commission.
Cette audition a consisté essentiellement en un commentaire des propositions d'amendement, présentées préalablement à la commission des finances. Ces propositions portent sur huit articles (voir le chapitre article par article du présent rapport) et ont été élaborées à partir des 4 principes suivants:
1. La mission de la commission de contrôle de gestion doit être claire. La commission, qui ne souhaite pas changer de nom, redoute que l'extension de son champ d'investigation à l'évaluation des politiques ne l'entraîne sur un terrain qui n'est pas le sien et débouche sur la confusion des pouvoirs.
2. Elle doit pouvoir exercer un contrôle externe, y compris sur l'inspectorat.
3. Sa composition doit être basée sur les compétences et ne point trop se lier à la nécessité d'une représentativité. Les nominations doivent être de durée limitée et prolongeable.
4. Son mode de travail doit être très rigoureux, et il faut éviter que la loi crée des contraintes.
Audition de MM. Robert Roth, directeur du centre d'étudede technique et d'évaluation législative, et Charles-André Morand,directeur du département de droit constitutionnel de la faculté de droitde l'Université de Genève
Les trois projets de loi 7118, 7123 et 7175 ont en commun d'introduire l'évaluation des politiques dans l'arsenal des outils et des méthodes de contrôle des activités de l'Etat . L'évaluation des politiques est une discipline relativement jeune. Elle s'intéresse à l'efficacité des politiques, s'interrogeant à la fois sur la pertinence de la loi (le problème a-t-il été bien identifié, l'objectif a-t-il été bien défini?), sur les moyens mis en oeuvre (le choix est-il adéquat et économique) et sur les effets réels et mesurables de cette mise en oeuvre (dans quelle mesure l'objectif a-t-il été atteint?).
Les trois projets de loi abordent toutefois la question de l'évaluation sous des angles différents:
Le PL 7118 propose une démarche systématique, toutes les lois votées doivent être régulièrement évaluées dans leurs effets. L'analyse des effets est large est s'apparente à un bilan global de l'action de la loi. L'organe d'évaluation est désigné par le Grand Conseil.
Le PL 7123 inscrit l'évaluation des politiques dans un contexte plus étroitement économique et organisationnel. Il s'agit, en effet, comme l'indique l'article 16, d'analyser si les principes de la proportionnalité et la subsidiarité sont respectés, d'examiner si la structure et l'organisation de l'Etat est trop lourde ou non en regard des mandats que le législateur lui assigne, de mesurer la rentabilité des dépenses consenties par rapport aux effets escomptés.
Quant au PL 7175, il est assez différent, puisqu'il introduit l'idée de la loi à l'essai. Le mécanisme proposé s'appuie toutefois directement sur des méthodes d'évaluation.
Ces trois projets de loi pouvaient-ils être traités conjointement ou devaient-ils l'être séparément? Pour répondre à cette question, la commission a procédé à l'audition de deux des plus éminents spécialistes de la question, les professeurs Gérard Roth et Charles-A. Morand.
Après un préambule sur le double rôle de l'évaluation, à la fois instrument de bilan et de réforme, M. Roth signale qu'il a perçu dans les projets de loi en discussion, en particulier dans les compétences des organismes à être mis en place, le risque d'une confusion entre l'exécution et le contrôle: une chose est d'évaluer une politique, une autre est de contrôler un processus. Il lui apparaît non désirable que le même organisme soit chargé de l'évaluation et qu'il lui incombe également de contrôler si l'évaluation se fait correctement.
Le professeur Roth signale que le Centre d'étude, de technique et d'évaluation législative qu'il dirige assume principalement deux des trois tâches d'ordinaire assignées au corps enseignant universitaire, à savoir la formation et la critique des méthodes (en l'occurrence des méthodes d'évaluation). La troisième tâche qui est l'application des méthodes dans le cadre du service que l'Université apporte à la cité ne fait pas partie des priorités actuelles du CETEL.
Pour sa part, le professeur Morand avoue n'être pas complètement étranger à la genèse du PL 7118, mais il signale qu'un gros travail reste à faire pour l'harmoniser avec les autres projets de loi. M. Morand déclare que la formulation de l'article 16 du PL 7123 ne le gêne pas, dès lors qu'on considère l'évaluation comme une activité générale de l'Etat. Ce qui le dérangerait c'est que ce soit le même organe qui pratique le contrôle financier et l'évaluation.
M. Morand insiste toutefois sur les qualifications requises pour pratiquer une évaluation scientifique. De son point de vue, l'Etat ne devrait pas se doter d'une structure d'évaluation propre, mais d'un organisme interdépartemental, au niveau du Conseil d'Etat, qui pourrait être la Chancellerie, pour commander des évaluations à des institutions privées ou publiques indépendantes et qualifiées.
Discussion de la commission
M. Vodoz signale qu'il s'agit d'abord de répondre à l'IN 100 qui demande un audit général de tout l'Etat. A cet égard la commission des finances est tombée unanime pour dire qu'il fallait améliorer la loi existante. D'où l'idée d'introduire un premier volet sur le contrôle des services, de renforcer ensuite l'inspectorat cantonal, et d'élargir les compétences de l'actuelle commission de contrôle de gestion.
Il souhaite ardemment que les pouvoirs et le champs d'investigation de la commission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques soient renforcés pour doter, dans un premier temps, le gouvernement et le parlement d'un instrument amélioré.
Aussi, l'étude de l'évaluation législative, comme les lois expérimentales devraient être renvoyées à la commission législative qui pourrait entendre à nouveau MM. Roth et Morand.
Dans l'immédiat nous avons vraiment besoin d'un instrument tel qu'il est présenté dans le PL 7123.
La commission se range à cet avis et décide de signaler à la présidente du Grand Conseil qu'elle désire que les projets de loi 7118 et 7175 soient envoyés à la commission législative.
Vote d'entrée en matière sur le PL 7123
L'entrée en matière est acceptée par 8 voix (2 lib, 1 soc, 2 rad, 2 dc, 1 vert) et 1 abstention (adg).
Vote article par article
Chapitre I Système de contrôle interne (système qualité)
Art. 1 et 2
Acceptés à l'unanimité.
Art. 3
9 oui (2 lib, 2 soc, 2 rad, 2 dc, 1 vert) et 1 abstention (adg).
Chapitre II Surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat
M. Vodoz tient à lever une ambiguïté, suite à l'audition des professeurs Roth et Morand. Il précise que lorsque l'on parle de contrôle financier, en fait, c'est un raccourci du contrôle de la gestion financière de l'Etat et des critères y relatifs, c'est-à-dire l'équilibre budgétaire, la couverture des charges par des revenus propres, le respect des règles générales de la comptabilité, etc. Le contrôle de gestion est un raccourci du contrôle de la gestion administrative et économique de l'Etat dont les critères sont l'économie des moyens, la proportionnalité, l'adéquation des moyens aux buts, l'efficacité, la rentabilité, etc. Enfin l'évaluation des politiques apprécie si l'action politique et administrative réalise bien les objectifs fixés par le législateur du point de vue non seulement financier et économique, mais aussi social, culturel, environnemental, etc.
Art. 4, 5 et 6
Acceptés à l'unanimité.
Art. 7
L'amendement proposé par la CCG (substituer le verbe remettre au verbe soumettre) est accepté à l'unanimité. L'article 7 amendé est accepté à l'unanimité. Son premier alinéa a la formulation suivante:
L'inspection a tout pouvoir d'investigation. Elle effectue son contrôle de sa propre initiative, selon un programme qu'elle remet au Conseil d'Etat ou sur mandat conféré par le Conseil d'Etat.
Art. 8, 9, 10, 11, 12 ,13 et 14
Acceptés à l'unanimité.
Chapitre III Evaluation des politiques publiques
La commission engage une longue discussion pour savoir, dans l'esprit du PL 7175, s'il conviendrait d'ajouter à ce chapitre une clause exigeant qu'un rapport sur l'adéquation de la loi soit élaboré après deux ans d'exercice.
Certains députés pensent que lorsque la commission législative aura terminé ses travaux sur les PL 7118 et 7175, il y aura peut-être un décalage et qu'il faut se donner la possibilité de reprendre le PL 7123. D'autres craignent qu'un tel ajout diminue la portée du présent projet, notamment aux yeux des partisans de l'IN 100.
Ils proposent donc d'introduire dans le rapport de la commission des finances cette demande au Conseil d'Etat, de vérifier l'adéquation de la loi après 2 ans d'exercice.
Au vote, la proposition d'inclure dans la loi une disposition transitoire mentionnant un rapport à présenter par le Conseil d'Etat au Grand Conseil obtient 5 voix (2 adg, 1 soc, 1 dc, rad), et celle d'accompagner le rapport d'une demande au Conseil d'Etat de vérifier l'adéquation de la loi après 2 ans d'exercice en obtient 6 (3 lib, 1 soc, 1 rad, 1 vert). 1 député (dc) s'est abstenu.
La commission demande donc au Conseil d'Etat qu'il produise un rapport sur l'exécution de la présente loi deux ans après son entrée en vigueur.
Art. 15
L'amendement proposé par la CCG consistant à appeler la commission «commission de contrôle de gestion et d'évaluation des politiques» est rejeté par 7 voix (3 lib, 2 rad, 2 dc) contre 1 vert et 5 abstentions ( 1 lib, 2 adg, 2 soc).
Art. 16
L'alinéa 2 lettre b est amendé à l'unanimité selon le voeu de la CCG qui proposait de supprimer le qualificatif «politique» après le mot «but». Il aura la teneur suivante : l'évaluation de l'organisation des administrations et entités publiques en regard des buts que le législateur leur assigne.
La proposition de la CCG de remplacer la notion de législateur par la loi est écartée à l'unanimité.
La proposition de la CCG de supprimer l'alinéa c est rejetée par 10 voix (3 lib, 1 soc, 2 rad, 2 dc, 1 vert) contre 2 (adg) et 1 abstention (soc).
L'article 16 amendé est accepté par le même score.
Art. 17 et 18
Acceptés à l'unanimité.
Art. 19, al. 1
La proposition de la CCG visant à consulter les membres de cette commission pour la nomination des membres de la commission d'évaluation est rejetée à l'unanimité.
Art. 19, al 2
La CCG est méfiante quant au terme de représentativité et souhaiterait que l'on s'en tienne a «en tenant compte de la diversité culturelle et sociale du canton». Cet amendement est rejeté par 12 voix et 1 abstention (verte).
L'article 19 dans son ensemble est accepté par le même score.
Art. 20
La CCG propose que la durée du mandat soit de 4 ans, renouvelable 2 fois. La commission préfère le mandat unique de 8 ans, gage de l'indépendance des commissaires par rapport à l'autorité de nomination.
L'amendement est donc refusé à l'unanimité, et l'article 20 accepté de même.
Art. 21
Accepté à l'unanimité.
Art. 22
La CCG propose que le secrétaire ne soit pas permanent, mais affecté en priorité à la commission. Il est rappelé qu'il s'agit avant tout d'une permanence pour assumer l'intendance des tâches de la commission, la déchargeant ainsi des travaux administratifs. D'autre part, la présence d'un secrétaire permanent ne signifie pas qu'il sera à plein temps.
L'amendement est donc refusé par 10 voix ( 4 lib, 2 soc, 2 rad, 2 dc) et 4 abstentions (3 adg, 1 vert).
L'article 22 est accepté par le même score.
Art. 23, 24 et 25
Acceptés à l'unanimité.
Art. 26
La CCG demande la suppression de l'alinéa 2 qui dit : demeurent réservées les dispositions légales et réglementaires relatives au secret de fonction.
A défaut la CCG voudrait que l'on précise :
...exclusivement en ce qui concerne les dossiers de tiers en possession de l'entité analysée.
M. Vodoz tient à apporter les précisions suivantes : «demeurent réservées» signifie que ces dispositions particulières visent à la protection des tiers, et pas du tout à l'administration au sens strict du terme. Il souligne encore que le secret de fonction peut être à double niveau, par rapport à l'extérieur, et par rapport aux collègues de travail qui viendraient demander des renseignements. M. Vodoz ajoute que l'application de l'alinéa 2 de l'article 26 ne vas pas bloquer la commission dans son travail. Dans le cas d'un mandat, on pourrait imaginer une situation, par exemple au niveau du pouvoir judiciaire que la commission n'ayant pas la possibilité de mener à bien ses investigations, parce que les Conseil d'Etat aurait refusé un certain nombre de levées de secret de fonction. La commission ferait alors son rapport en conséquence, expliquerait les raisons de ses conclusions, et il pourrait alors être pris d'autres dispositions.
Au bénéfice de ces explications, la commission des finances rejette l'amendement à l'unanimité et accepte de même l'article 26.
Art. 27
Accepté à l'unanimité.
Art. 28, al. 1
La CCG propose de renoncer à faire établir la liste des personnes que la commission désirera entendre, argumentant que au fur et à mesure des auditions, il pourrait apparaître la nécessité d'entendre d'autres personnes ne figurant pas sur la liste.
Il est précisé que la liste établie est susceptible d'être modifiée ou complétée selon les besoins de l'enquête. L'amendement est refusé à l'unanimité.
Art. 28, al.2
La CCG demande que les personnes interrogées ne reçoivent le procès-verbal que sur demande, en vue d'alléger la procédure.
M. Vodoz souligne l'importance des procès-verbaux dans la mesure où l'on ne peut pas mettre dans la bouche de quelqu'un une déclaration qui ne lui appartient pas, d'où la signature par la personne concernée du procès-verbal où sont consignés ses propos. Cette procédure est peut-être lourde, mais elle est juste.
La commission se range à cet avis et rejette l'amendement à l'unanimité.
Art. 28, al. 3
A l'encontre de la CCG, la commission des finances décide de maintenir le droit de réplique, qui de toute manière ne concerne pas la commission d'évaluation, puisque lorsque celle-ci a rendu son rapport, son travail est terminé.
L'amendement proposé est donc rejeté à l'unanimité, et l'article 28 accepté avec le même score.
Art. 29, 30, 31, 32, 33 et 34
Acceptés à l'unanimité.
Vote final
Au vote final, la commission des finances accepte par 11 oui (4 lib, 2 rad, 2 dc, 2 soc, 1 vert) et 3 abstentions (adg) le PL 7123 tel que modifié par ses soins, et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.
La commission considère par ailleurs que le présent projet de loi sur le contrôle de la gestion administrative et financière et sur l'évaluation des politiques répond largement aux buts poursuivis par l'initiative no 100 et même au-delà.
Le projet de loi introduit, en effet, un système de contrôle à trois niveaux.
Le premier niveau de contrôle est fondé sur l'adoption par les services de l'Etat de procédures de contrôle permanent de leurs activités qui doit déboucher sur des assurances de qualité.
Le deuxième niveau développe le contrôle financier interne classique en élargissant l'examen des comptes à la surveillance du système de contrôle interne et aux questions de productivité et de rendement économique des services.
Le troisième niveau de contrôle, dévolu à un organe d'experts indépendants, traite des questions de l'efficacité de l'Etat, de l'adéquation des moyens mis en oeuvre par rapport aux buts visés, de l'évaluation des effets socio-économiques des décisions politiques et administratives.
Le Grand Conseil s'étant déjà prononcé sur l'initiative 100, la commission recommande au Conseil d'Etat de fixer l'entrée en vigueur de la présente loi après le vote populaire sur l'initiative.
Premier débat
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur ad interim. Ce projet de loi, dont le but est d'aller au-delà d'une simple analyse financière, va effectivement obliger les départements à définir un certain nombre de critères de performances et d'objectifs à atteindre. Aujourd'hui, il s'agit d'une simple analyse financière, budgétaire, mais, demain, cette loi permettra de procéder à des analyses de prestations avec trois niveaux de contrôle : tout d'abord un contrôle interne et permanent des activités, le contrôle financier traditionnel et les questions d'efficacité, entre autres d'articles de lois définis par le Grand Conseil, qui seront traitées par des experts indépendants.
Ce projet de loi est un grand pas en avant pour une gestion plus moderne des collectivités publiques.
M. Michel Balestra (L). La commission des finances a étudié l'initiative 100 qui propose un audit général de l'Etat. N'en déplaise à ses auteurs, cette initiative part d'un constat qui était exact il y a quelques années : la gestion approximative de l'Etat pendant la période de surchauffe. Mais elle aboutit au moment où un plan financier quadriennal avec un objectif clair est voté : l'équilibre des finances publiques de l'Etat avant amortissement. Elle aboutit au moment où un délai précis est fixé : quatre ans. Elle aboutit au moment où la diminution du nombre de collaborateurs et une loi de finance, qui codifie de manière sérieuse les marges de manoeuvre des autorités politiques pour les lois induisant de nouvelles dépenses, sont majoritairement acceptées.
L'ensemble de ces mesures constitue un concept de redressement des finances publiques clair. Elles auraient pu être proposées par un consultant extérieur, mais elles l'ont été par le Conseil d'Etat, appuyé par la majorité de notre Grand Conseil et par la majorité de la population, à l'occasion d'un scrutin.
L'initiative est donc dépassée. La commission des finances vous a proposé - et vous l'avez accepté - de la rejeter. Mais la commission des finances n'a pas voulu faire l'économie d'une réflexion sérieuse sur le contrôle interne et externe de la gestion de l'Etat. Le résultat de cette réflexion nous amène ce soir à soumettre à vos suffrages le projet de loi 7123.
Ce projet de loi permet de renforcer le contrôle de la gestion à trois niveaux. Il propose tout d'abord que les services de l'Etat, les établissements publics et les organismes subventionnés mettent en place un contrôle interne permanent adapté à leur mission et à leurs structures, qui soit capable de contrôler la gestion et la qualité des services publics, avec comme objectif l'optimisation de ces derniers. Il propose ensuite de renforcer et d'élargir la mission du contrôle financier interne pour en faire un instrument d'audit interne permanent à disposition du Conseil d'Etat et des services, pour établir les procédures de contrôle et participer aux efforts entrepris pour améliorer la productivité de ces derniers. Il propose enfin de renforcer et d'élargir l'efficacité et les pouvoirs de la commission externe de contrôle de gestion et d'évaluation des politiques publiques, d'améliorer la publicité de ses travaux et de lui permettre de s'entourer d'experts pour l'exécution des mandats délicats.
L'ensemble de ces dispositions permettra de doter l'Etat et les services publics d'un appareil de contrôle de gestion permanent moderne et répondant de manière durable aux préoccupations des initiants et des citoyens, qui partageaient leur légitime inquiétude.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous propose, comme une large majorité de la commission des finances, de voter ce soir ce projet de loi.
M. Daniel Ducommun (R). Le projet de loi qui nous est soumis émane des travaux de la commission des finances et peut être considéré comme un nouvel outil législatif devant accompagner le plan de redressement des finances publiques après une autre loi de référence sur la gestion administrative et financière de notre Etat, loi que nous avons acceptée en 1993.
Nous constatons que l'une et l'autre de ces lois ont été établies suite à deux initiatives du comité «Halte aux déficits» - M. Balestra en a parlé - dont l'IN 100 relative à l'exigence d'un audit général de l'Etat, pour, je cite : «réduire les dépenses abusives». Le projet de loi de ce soir a donc force de contreprojet indirect à cette initiative, laquelle soulève un problème réel, celui du contrôle de gestion, mais qui, en revanche, est tout à fait excessive, car elle engage des moyens disproportionnés au niveau du remède à prendre. En effet, un audit général d'un Etat comme le nôtre est extrêmement coûteux, extrêmement long et extrêmement inutile ! La meilleure collaboration que l'on pourrait entretenir, à l'avenir, avec le comité «Halte aux déficits» est que ce dernier propose, car il est pertinent dans ses démarches, mais que notre Grand Conseil dispose !
C'est bien le cas ce soir avec le projet qui poursuit trois buts que je vais évoquer succinctement, M. Balestra les ayant déjà développés.
1) La mise en place d'un système de contrôle interne dans le cadre d'une approche de qualité totale. Chaque collaborateur de l'Etat doit être responsable de la qualité du produit livré à ses collègues, à un usager ou à un autre service.
2) La création d'un inspectorat cantonal des finances, émanation du contrôle financier cantonal dont la mission de révision interne développe des activités d'audit, de rendement et d'efficacité.
3) Le toilettage de l'actuelle commission de contrôle de gestion, laquelle devient la commission externe d'évaluation des politiques publiques. Malgré son appellation pompeuse, les conditions-cadres de cette nouvelle structure nous conviennent, car elles améliorent trois domaines inefficaces jusqu'alors : l'indépendance dans leurs travaux, le droit d'initiative et l'information des rapports d'étude et de leurs conclusions.
Toutefois, pour que cette nouvelle commission externe d'experts soit efficace et nous aide à développer des pistes d'économies - je rappelle qu'il faut trouver 100 millions pour le budget 1996 - certaines habitudes ou mentalités devront changer. Si la commission des finances reste démunie dans ses propositions, en revanche le Conseil d'Etat devra ouvrir grand ses tiroirs et provoquer le maximum d'interventions de contrôles. La situation actuelle n'était pas sérieuse. A force d'argumenter, de tergiverser et de patienter, la commission de contrôle de gestion n'avait, au mieux, qu'une ou deux missions par an, mais c'est une ou deux missions par mois qui seront dorénavant nécessaires pour nous satisfaire. Nous aurons ainsi un concept professionnel à disposition du parlement répondant aux préoccupations des initiants du comité «Halte aux déficits» sans dépenser de nouveaux millions d'investissement pour un audit généralisé aux résultats douteux.
Voilà les arguments les plus marquants qui poussent le groupe radical à voter ce projet de loi sans réserve.
M. Pierre-François Unger (PDC). Le projet de loi 7123 vient à point nommé pour offrir une réponse intelligente à l'initiative 100 qui nous paraît peu réaliste.
Le projet de loi qui nous est soumis, comme l'ont dit mes préopinants, est en quelque sorte une fusée à trois étages. Il devrait permettre de mieux mesurer l'adéquation entre les missions des différents services de l'Etat, les moyens qui leur sont nécessaires et la manière dont ces moyens doivent être utilisés pour le meilleur rapport coût/efficacité.
Le premier étage de cette fusée est situé en périphérie. C'est heureux, parce qu'il impose à chacun des services de l'Etat son propre contrôle de qualité en respect des missions qui lui sont propres.
L'étage intermédiaire est constitué d'un système d'inspectorat, somme toute assez classique, destiné à l'examen des comptes et de la qualité de gestion dans un sens plus large des services de l'Etat, ainsi que des entités concernées.
Mais c'est réellement le troisième étage qui est de loin le plus moderne, puisqu'il instaure une commission externe d'évaluation des politiques publiques. Ce troisième étage devrait, sans nul doute, devenir à terme un élément permanent et indispensable pour la définition des stratégies de l'Etat permettant aussi bien l'ajustement rapide de telle ou telle politique que la mesure des effets attendus d'une politique nouvelle.
Vous l'avez compris, ce projet de loi doit bénéficier du très large appui de notre parlement, d'abord parce qu'il est remarquable, mais aussi pour proposer une alternative de poids à l'initiative 100, qui se base sur des a priori que le groupe démocrate-chrétien ne peut pas partager. Certes, c'est un devoir démocratique prioritaire que d'optimaliser l'utilisation du denier public. Il est fondamental que les dépenses engagées le soient en accord avec les principes de la proportionnalité, de la subsidiarité, mais aussi et surtout celui d'équité, principes qui nous sont chers. Contrairement aux initiants, nous sommes persuadés que le service public genevois est de grande qualité et qu'il contient un véritable gisement d'intelligence, d'inventivité et même de productivité. Ce sont ses missions qu'il convient parfois de mieux définir. C'est sa responsabilité qu'il faut renforcer. C'est en poursuivant des objectifs clairs que l'on mobilisera son énergie de façon optimale.
Ce projet de loi nous paraît, à ce titre, constituer une étape significative et pourquoi pas décisive.
Mme Christine Sayegh (S). Lorsque l'initiative 100 a été mise à l'ordre du jour de la commission des finances, nous nous sommes demandé s'il fallait lui opposer un contreprojet. Les avis étaient partagés, et cela a amené les commissaires à faire une lecture critique de la loi actuelle sur le contrôle financier et le contrôle de gestion. Cet examen avait, dans un premier temps, pour but de renforcer le pouvoir de la commission de contrôle de gestion, et il s'est avéré que certaines dispositions, notamment l'article 9, alinéa 3, au sujet de la mise en oeuvre de ladite commission, n'étaient pas pleinement utilisées. Au cours de l'analyse de cette loi, différentes propositions d'amendements ont été faites en matière d'information et de publicité notamment, afin que les travaux de la commission de gestion et de contrôle soient plus largement diffusés.
Ces propositions ont été retenues dans le projet 7123 qui nous est soumis aujourd'hui. L'évaluation des dispositions légales actuelles en matière de contrôles financiers et de gestion a permis de conclure au fait que, même si ces dispositions étaient bien pensées, elles ne donnaient pas un instrument aussi efficace que souhaité. C'était donc l'occasion de porter la réflexion vers des techniques de contrôles plus modernes tendant à évaluer non seulement l'application de la loi mais également son but en fonction des résultats escomptés. Le contrôle externe et le contrôle interne sont bien évidemment maintenus. La commission de gestion et de contrôle intervient sur mandat. Ce mode de faire a fait ses preuves et répond de manière adéquate à l'exécution des missions confiées. Il est apparu, par contre, que le contrôle interne de gestion de l'Etat devait être quant à lui continu. C'est pourquoi, et vous l'aurez constaté, les sphères d'action de l'inspection cantonale et de la commission de gestion ont été modifiées. Celles de l'inspection s'étendant à la surveillance de la gestion administrative et celle de la commission de gestion s'étendant à l'évaluation des politiques publiques telles que définies à l'article 16 du projet.
Ainsi, les interventions de l'inspection cantonale et de la commission d'évaluation des politiques sont complémentaires. Pour ne pas tomber dans le piège des lois inefficaces, notre groupe aurait souhaité qu'une évaluation de l'application de cette loi soit prévue et garantie par une disposition légale. Notre proposition a été écartée dans sa forme mais pas dans le fond, puisque nous aurons un rapport du Conseil d'Etat promis pour dans deux ans.
Nous entrons dans l'ère des contrôles législatifs, des évaluations et même des lois expérimentales, avec les trois projets de lois rappelés par le rapporteur et renvoyés à la commission législative. Nous aurons donc bientôt les moyens de savoir si l'outil que nous mettons en place aujourd'hui répond à notre attente et s'il permet d'utiliser au mieux et dans l'intérêt de la communauté notre système législatif et réglementaire.
Ce projet de loi a également le mérite d'être compatible avec la situation financière de notre canton, alors que provoquer un audit général, comme le propose l'initiative 100, ne résoudrait aucun problème. Il en résulterait, outre son coût exorbitant, une multitude d'opinions en réponse aux questions posées. Le présent projet de loi permet quant à lui d'entrer immédiatement en action. C'est pourquoi nous vous invitons à le voter.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit par mes prédécesseurs. Je ne vais donc pas y revenir.
Par contre, je voudrais rappeler que cette loi, si elle répond en partie à la problématique soulevée par l'initiative 100, répond également à la motion 822 que nous avions déposée en 1992. Cette motion considérait que le déséquilibre chronique des finances publiques de Genève devrait amener l'Etat à introduire des méthodes de gestion modernes et rigoureuses. Pour cela elle invitait le Conseil d'Etat à élaborer et à introduire sans délai des méthodes de contrôle de gestion applicables dans l'administration publique, à mettre en place un système d'audit en vue d'évaluer les pratiques administratives des différents services de l'Etat, à entreprendre une étude systématique sur les coûts des différentes prestations et, enfin, à calculer le coût réel des différentes activités de l'administration.
A mon avis, le projet de loi 7123 a répondu à ces trois points. Par contre, la motion 822 considérait qu'il fallait faire appel à l'initiative et à la responsabilité des fonctionnaires pour rationaliser les procédures administratives et dynamiser la gestion. Le projet qui nous est soumis ne répond pas du tout à cette attente. Le volet de la participation des collaborateurs et des fonctionnaires est fondamental pour s'adapter aux conclusions d'une évaluation des politiques ou pour trouver des solutions. A ce propos, je voudrais citer les paroles de Michel Crozier, sociologue, paroles qui reflètent exactement cette préoccupation : «La crise vient de ce que l'on ne s'est pas adapté à un monde qui est devenu tout à fait différent. Le système de contrôle ancien de la société industrielle était fondé sur la hiérarchie, la distance et le secret. Or, la hiérarchie ne fonctionne plus quand il y a une possibilité de discussion et de choix. La distance diminue parce que les rapports humains se simplifient et que l'on n'admet plus les différences de classe ou de statut comme par le passé.».
Nous acceptons donc ce projet de loi, je retirerai la motion 822, à laquelle il a été répondu partiellement s'agissant des méthodes de gestion et d'audit, mais, par contre, nous déposerons une autre motion pour traiter de l'aspect de la participation et de la motivation des collaborateurs de l'Etat.
M. René Ecuyer (AdG). La commission de contrôle de gestion souffrait à notre avis d'un certain handicap. En effet, elle travaillait sur mandats pratiquement exclusifs du Conseil d'Etat. Les conclusions de ses travaux ne parvenaient pas toujours à ceux à qui elles étaient destinées.
Les députés de l'Alliance de gauche ont suivi avec beaucoup d'intérêt les travaux du projet de loi 7123, mais, en fin de compte, nous avons tout de même décidé de nous abstenir. En effet, nous avons été confrontés à une certaine alternative : la nécessité de faire front à l'initiative du 14 juin du commando d'extrême-droite «Halte aux déficits» - cette initiative proposait de remettre de l'ordre avec un grand «O» dans le fonctionnement de l'Etat de Genève, avec un arrière-goût de privatisation, de diminution de salaire, de suppression de prestations, de suppression d'emplois, d'une part, et, de l'autre, la volonté du Conseil d'Etat de maintenir sous son aile bienveillante les services chargés du contrôle de la gestion de l'Etat.
Si on examine sa composition - je me réfère à l'article 19 : les seize membres sont désignés par le Conseil d'Etat après consultation de la commission des finances - on peut se poser des questions. En effet, elle était composée de trois avocats, trois ingénieurs, des banquiers, des industriels et des assureurs, ce qui laissait peu de place au petit peuple. On peut légitimement se demander quel contrôle la population majoritaire - à laquelle nous avons la modestie d'appartenir - a sur la gestion de l'Etat de Genève. Nous ne sommes pas du tout satisfaits du système de nomination de cette commission, et, de plus, nous considérons que, les membres de cette commission étant désignés par le Conseil d'Etat, celle-ci n'aura pas une autonomie suffisante pour mener à bien les tâches qu'elle doit accomplir.
C'est pourquoi nous appelons ce Grand Conseil à s'abstenir sur le projet de loi qui nous est proposé.
M. Bernard Clerc (AdG). Je voudrais compléter l'intervention de mon collègue, M. Ecuyer.
Ce projet a été mis en oeuvre pour répondre à l'initiative «Halte aux déficits» dont le comité - rappelons-le - est le bras droit du parti libéral. Malheureusement, pour ce dernier, il est allé trop loin et trop brutalement dans l'action «d'assainissement» des finances de l'Etat. Il ne suffit pas de qualifier un projet de moderne pour qu'il le soit réellement. Si nous ne sommes pas opposés au chapitre 1, concernant le contrôle interne, ni au chapitre 2, relatif à la surveillance interne de la gestion administrative et financière, il en va tout autrement du chapitre concernant l'évaluation des politiques publiques, principalement sur le plan des éléments contenus à l'article 16, alinéa 2, lettres a) et c).
A la lettre a, il est dit que la commission d'évaluation des politiques publiques devra analyser les secteurs qui seront soumis à son examen selon les principes de la proportionnalité et de la subsidiarité. Or, ces principes ne sont évidemment pas définis, et ils sont interprétables à souhait !
A la lettre c on parle de rapport coût/utilité des prestations. Quels seront les critères retenus ? Nous n'en savons rien ! Probablement ceux de l'économie privée, alors que certaines tâches de l'Etat répondent par définition à des besoins que l'économie ne peut ou ne veut pas assumer !
Enfin, les experts, aussi bons soient-ils, ne sont jamais neutres, et ils analysent les choses à partir de leurs expériences personnelles et professionnelles.
Nous craignons, à travers cette commission d'évaluation des politiques publiques, un glissement du parlement vers cette commission qui, sous un aspect de neutralité, déclarerait la vérité. Nous estimons que c'est la tâche fondamentale de l'autorité politique d'évaluer les politiques publiques et que ce n'est pas celle des commissions d'experts. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
M. Nicolas Brunschwig (L). Contrairement à ce que M. Clerc a l'air de penser, le comité «Halte aux déficits» et le parti libéral genevois n'ont aucun lien entre eux.
D'ailleurs, notre position en commission a été très claire, dès le début. Nous disions non à l'initiative, et oui à une amélioration et à un renforcement du contrôle. Dès lors, l'abstention des députés de gauche sur le fond qui doit sans doute signifier leur désintérêt, ou, tout au moins, leur manque d'idée pour améliorer ce contrôle de la gestion publique, ne doit pas les amener à dénigrer sur la forme la position des uns et des autres ! Quelle que soit la position du comité «Halte aux déficits», celle-ci avait au moins le mérite de pousser notre commission à la réflexion, ce qui a été fait consciencieusement. Vous avez participé personnellement à ce travail, Monsieur Clerc, aussi je trouve un peu faible de faire de tels parallèles !
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je vous rappelle que trois critères furent à la base des réflexions du Conseil d'Etat et de la commission des finances :
1) Le renforcement des compétences, s'agissant de la commission désormais appelée commission d'évaluation.
2) Publicité des conclusions.
3) Large saisine de la commission qui pouvait déjà le faire avec sa structure actuelle, mais qui ne l'utilisait pas.
Comme de nombreux députés l'ont souligné, il était important que la nouvelle commission désignée ce soir par le vote de votre loi puisse d'elle-même examiner des services ou des structures dépendant de l'Etat sans attendre obligatoirement des mandats, soit de la commission des finances, soit du Conseil d'Etat. A ces trois critères, nous considérons qu'il a été répondu à satisfaction, et je remercie ici publiquement les députés de la commission des finances qui ont beaucoup travaillé sur ces projets de lois et de l'accueil majoritairement réservé à leurs conclusions devant le parlement.
L'Etat de Genève - c'est-à-dire votre parlement et le Conseil d'Etat - se dote par cette loi d'un instrument qui devrait répondre aux préoccupations actuelles et qui fait une synthèse judicieuse de l'état des travaux en cours dans d'autres collectivités publiques, soit cantonales soit fédérales, y compris - comme M. Unger y a fait allusion - au niveau de l'université en matière d'évaluation législative. Ce travail ayant été fait et bien fait, il faut désormais, une fois cette loi votée, trouver les personnalités qui, grâce à leurs compétences, permettront de réaliser les espoirs que vous mettez - que nous mettons - dans les travaux de cette commission. Ces travaux doivent être utiles à Genève et à nos activités respectives.
Le Conseil d'Etat souhaite que la nouvelle commission externe puisse débuter ses travaux dès les premiers jours d'avril prochain. Par conséquent, je serai amené à venir devant la commission des finances pour indiquer, conformément au projet de loi, les personnalités que nous nous proposons de désigner. Nous aurons un débat à ce sujet dans le cadre de la commission des finances, puis le Conseil d'Etat prendra des décisions, de telle sorte que cette commission puisse se mettre au travail dès que possible. Je m'en réjouis, car c'est un point important.
Le Conseil d'Etat s'est lui aussi opposé à l'initiative 100, car il ne croit pas à l'efficacité d'un audit général de l'Etat, sans parler des millions qu'il faudrait engager à cet effet. En revanche, il croit, d'une part, à ce type de commission et, d'autre part, aux travaux et aux audits particuliers qui seraient demandés dans certains secteurs bien précis. C'est la conjugaison de ces moyens qui nous permettra, effectivement, d'entente avec le personnel de l'Etat, de réformer l'Etat dans la mesure du possible.
Je vous remercie donc de l'accueil que vous réserverez à ce projet de loi important.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques
(D 1 4)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Système de contrôle interne
(système qualité)
Article 1
But
1 Les services de l'Etat, ainsi que les établissements publics et les organismes subventionnés (ci-après entités), mettent en place un système de contrôle interne adapté à leurs missions et à leur structure, dans le but d'appliquer les principes de gestion mentionnés aux articles 2 et 3 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
2 Les communes s'inspirent des principes des chapitres I et II de la présente loi, sous réserve des dispositions particulières qui leur sont applicables.
Art. 2
Définition
1 Le système de contrôle interne est un ensemble cohérent de règles d'organisation et de fonctionnement et de normes de qualité qui ont pour but d'optimiser le service au public, la qualité des prestations et la gestion des entités et de minimiser les risques économiques et financiers inhérents à l'activité des entités.
2 La mise en place et la maintenance du système interne de contrôle incombe à la direction des entités.
Art. 3
Certification
Toute entité est encouragée à soumettre son système de contrôle interne à une autorité de certification désignée par le Conseil d'Etat.
CHAPITRE II
Surveillance interne de la gestion
administrative et financière de l'Etat
Art. 4
Principes
1 La surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat est assurée par l'inspection cantonale des finances (ci-après l'inspection).
2 Elle exerce cette surveillance selon les critères de la régularité, de la légalité et de la rentabilité, ainsi que selon les principes généraux de la revision et de l'audit.
3 Elle examine, au titre de la rentabilité, si les ressources sont employées de manière économique; elle analyse le prix de revient des prestations.
4 L'inspection est à disposition du Conseil d'Etat et de la commission des finances du Grand Conseil dans leur exercice de la haute surveillance de l'administration.
Art. 5
Entités concernées
L'inspection exerce son activité :
a)
auprès des départements, de la chancellerie et de leurs services;
b)
auprès des institutions cantonales de droit public;
c)
auprès des institutions privées dans lesquelles l'Etat possède une participation financière majoritaire ou une représentation majoritaire au sein des organes supérieurs de l'institution;
d)
auprès de tout organisme privé bénéficiant d'une aide financière de l'Etat.
Art. 6
Compétences
1 L'inspection est notamment compétente pour:
a)
la revision des comptes;
b)
le contrôle des valeurs du patrimoine et des inventaires;
c)
l'examen par rapport au système de contrôle interne de la réalisation des objectifs de la gestion à tous les stades de leur exécution, sous les angles juridique, comptable, économique, financier, organisationnel et informatique;
d)
la surveillance et la coordination des activités de revision exercées par des organes internes ou externes désignés.
2 L'inspection participe à l'élaboration des prescriptions sur le contrôle, la revision, la comptabilité, le service des paiements et la tenue des inventaires.
Art. 7
Déroulement
1 L'inspection a tout pouvoir d'investigation. Elle effectue son contrôle de sa propre initiative, selon un programme qu'elle remet au Conseil d'Etat ou sur mandat conféré par le Conseil d'Etat.
2 Dans le cadre de l'exécution de son mandat, les dispositions légales sur le maintien du secret ne peuvent pas être invoquées vis-à-vis de l'inspection.
3 L'inspection peut s'adjoindre des spécialistes lorsqu'un mandat de surveillance nécessite des connaissances particulières.
Art. 8
Rapports et droit d'être entendu
1 Toute intervention de l'inspection donne lieu a un rapport.
2 Préalablement à la rédaction de son rapport, l'inspection clôt son examen par un entretien final avec les responsables de l'entité. Elle discute notamment des mesures correctives déjà prises ou à prendre.
3 Les rapports sont remis au chef du département dont dépend l'entité examinée et au chef du département chargé des finances.
Art. 9
Contrôles par des experts ou fiduciaires
1 Le Conseil d'Etat peut confier des missions relevant des compétences de l'inspection à des mandataires externes spécialisés.
2 Les entités ou organes des institutions ou sociétés, visés à l'article 5, lettres b et c, chacun pour leur part et avec l'accord du Conseil d'Etat, confient directement de telles missions à des mandataires externes spécialisés.
3 Le Conseil d'Etat peut dispenser l'inspection d'intervenir simultanément dans ces cas. Il appartient néanmoins à cette dernière de prendre connaissance des rapports établis par les mandataires externes et de formuler toutes observations qu'elle juge nécessaires à ce sujet à l'autorité qui a confié la mission.
Art. 10
Obligation de renseigner en matière de contrôle de gestion
Si, lors d'une revision, les mandataires externes constatent des défauts, des erreurs ou des lacunes dans la gestion des entités contrôlées, ils doivent en saisir à bref délai, par un rapport séparé, soit le conseiller d'Etat duquel relève le service ou l'institution en cause, soit l'autorité qui a confié le mandat.
Art. 11
Organisation
1 L'inspection est autonome et indépendante. Administrativement, elle dépend du département chargé des finances
2 Elle est placée sous la direction d'un fonctionnaire nommé par le Conseil d'Etat. Ce dernier en informe la commission des finances du Grand Conseil.
3 Le personnel de l'inspection est assermenté. Il doit vouer tout son temps à sa fonction et ne peut accepter aucune autre fonction rétribuée d'ordre public ou d'ordre privé.
Art. 12
Pouvoir réglementaire
Le Conseil d'Etat fixe, par voie de règlement, l'organisation et le fonctionnement de l'inspection.
Art. 13
Rapport annuel
1 Au début de chaque année, soit jusqu'au 30 avril, l'inspection adresse au Conseil d'Etat un rapport résumant son activité durant l'exercice écoulé. Il mentionne en particulier:
a)
la liste des entités contrôlées avec mention de l'étendue des travaux effectués;
b)
les conclusions générales sur les constatations faites, notamment sur d'éventuelles irrégularités, ainsi que les mesures correctives déjà prises ou à prendre;
c)
les conclusions auxquelles donnent lieu les rapports de mandataires externes dont il a pris connaissance ainsi que les observations éventuelles qu'il a formulées à ce sujet.
2 Ce rapport est communiqué à la commission des finances du Grand Conseil et à la commission d'évaluation des politiques.
3 La commission des finances du Grand Conseil peut appeler le chef de l'inspection à lui donner les renseignements complémentaires dont elle pourrait avoir besoin pour l'exercice de son mandat.
Art. 14
Devoir de secret des experts et du personnel des fiduciaires
1 Les experts et le personnel des sociétés fiduciaires sont tenus au secret de fonction. Ils ne peuvent en aucun cas, lors d'une activité étrangère à leur mandat, faire état de renseignements dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de ce mandat.
2 Ils sont également tenus de garder le secret même après la fin de leur mandat.
CHAPITRE III
Evaluation des politiques publiques
Art. 15
Principes
1 Il est créé une commission externe d'évaluation des politiques publiques (ci-après commission d'évaluation), chargée de seconder le Conseil d'Etat et le Grand Conseil dans leurs tâches d'évaluation des politiques de l'Etat et des services publics, ainsi que des entités dépendant de l'Etat.
2 L'évaluation peut s'étendre aussi aux entités qui ne dépendent pas directement de l'Etat, mais qui sont subventionnées par lui.
Art. 16
Mise en oeuvre
1 La commission d'évaluation agit en principe sur la base et dans le cadre de mandats, limités dans le temps, qui lui sont confiés soit par le Conseil d'Etat, soit par la commission des finances du Grand Conseil.
2 De tels mandats peuvent porter notamment sur:
a)
l'évaluation des politiques publiques du point de vue des principes de la proportionnalité et de la subsidiarité,
b)
l'évaluation de l'organisation des administrations et entités publiques en regard des buts que le législateur leur assigne;
c)
l'évaluation du rapport coût/utilité des prestations et des dépenses consenties par rapport aux effets escomptés.
3 Lorsqu'il s'agit d'une entité dépendant de l'Etat ou d'une entité qui, sans en dépendre, est subventionnée par lui, le mandat est donné exclusivement par le Conseil d'Etat, agissant soit de son propre chef, soit à la demande de la commission des finances du Grand Conseil.
4 La commission d'évaluation peut engager de son propre chef un projet d'évaluation, après en avoir informé le Conseil d'Etat et avoir discuté avec lui le but, la portée et les modalités d'exécution du mandat. Elle en informe également la commission des finances.
Art. 17
Relations avec les autorités
La commission d'évaluation entretient des contacts réguliers avec le Conseil d'Etat et la commission des finances.
Art. 18
Relations avec l'inspection cantonale des finances
Le président de la commission d'évaluation reçoit personnellement les rapports de l'inspection. Il juge de l'opportunité de les diffuser aux membres de la commission d'évaluation.
Art. 19
Composition
1 La commission d'évaluation est composée de 16 membres désignés par le Conseil d'Etat, après consultation de la commission des finances du Grand Conseil.
2 Les membres sont choisis parmi des personnalités représentatives de la diversité culturelle et sociale du canton et qui se sont acquis par leur formation ou leur expérience une large autorité dans le domaine de la gestion économique et politique.
3 Ces personnes sont indépendantes. Elles ne peuvent appartenir en particulier ni à l'administration cantonale, ni aux pouvoirs politiques de l'Etat de Genève, ni aux conseils d'entités dépendant à un titre ou à un autre de l'Etat, ni à l'administration d'établissements de droit privé dans lesquels l'Etat détient une participation lui conférant une influence prépondérante.
4 Les membres de la commission d'évaluation sont assermentés.
Art. 20
Durée du mandat
1 Les membres de la commission d'évaluation sont désignés pour une période de 8 ans non renouvelable.
2 L'organe est renouvelé par moitié tous les 4 ans.
Art. 21
Nomination du président
1 Le Conseil d'Etat nomme pour 4 ans le président de la commission d'évaluation parmi les membres de celle-ci après consultation de la commission des finances. Il est rééligible.
2 La commission d'évaluation règle elle-même son organisation interne et son mode de fonctionnement.
Art. 22
Secrétariat
1 La commission d'évaluation dispose des services d'un secrétaire permanent, qualifié dans les domaines de l'audit et de l'évaluation des politiques, qui dépend administrativement de l'inspection.
2 Le secrétaire de la commission d'évaluation a le statut d'agent spécialisé.
Art. 23
Honoraires
Les honoraires des membres de la commission sont fixés par le Conseil d'Etat.
Art. 24
Secret
1 Les membres de la commission d'évaluation sont tenus au secret de fonction, de même que les personnes qui les assistent. Ils ne peuvent en aucun cas, lors d'une activité étrangère à leur mandat, faire état de renseignements dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de ce mandat.
2 Ils sont également tenus de garder le secret même après la fin de leur mandat.
Art. 25
Désistement
Les membres de la commission d'évaluation doivent se désister lorsque l'exécution du mandat met en cause directement ou indirectement leur intérêt personnel ou celui de l'institution ou de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ou exercent une fonction de direction ou d'administration.
Art. 26
Pouvoirs d'investigation
1 La commission d'évaluation peut exiger de l'entité soumise à évaluation, la communication de tout dossier, document ou renseignement en sa possession.
2 Demeurent réservées les dispositions légales ou réglementaires relatives au secret de fonction.
3 Sur demande expresse de la commission d'évaluation, le conseiller d'Etat dont dépend l'entité soumise à évaluation peut délier un fonctionnaire du secret de fonction.
Art. 27
Experts
1 La commission d'évaluation peut s'entourer de l'avis d'experts si elle juge nécessaire leur intervention pour l'exécution d'un mandat d'évaluation.
2 Dans ce cas, elle établit un budget qu'elle soumet à l'approbation du Conseil d'Etat.
Art. 28
Auditions
1 La commission d'évaluation établit la liste des personnes qu'il souhaite auditionner dans le cadre de l'exécution d'un mandat. Il adresse cette liste au conseiller d'Etat concerné, une semaine au moins avant l'audition.
2 Les personnes interrogées reçoivent le procès-verbal de l'audition. Elles peuvent apporter des observations à ce document dans un délai de 5 jours après réception.
Droit de réplique
3 Une fois que la commission d'évaluation a rédigé ses recommandations, elle les adresse à la direction des entités directement concernées. Celle-ci dispose d'un mois pour présenter son avis qui est consigné en annexe du rapport de la commission d'évaluation.
Art. 29
Rapports
1 La commission d'évaluation adresse ses rapports au Conseil d'Etat et à la commission des finances lorsque celle-ci est à l'origine du mandat.
2 Le rapport mentionne la méthode de travail, dresse la liste des personnes auditionnées et présente des recommandations et des propositions, ainsi que les mesures correctives déjà prises ou à prendre.
3 Au cas où l'exécution du mandat requiert un délai prolongé, la commission d'évaluation peut établir un ou plusieurs rapports intermédiaires.
4 Préalablement à l'établissement de son rapport, la commission d'évaluation fait connaître au Conseil d'Etat ou au conseiller d'Etat intéressé les conclusions auxquelles elle aboutit.
5 Une fois par an au moins, le Conseil d'Etat renseigne le Grand Conseil et la commission d'évaluation sur les mesures qu'il a prises pour faire suite aux conclusions et propositions contenues dans les rapports de cette dernière.
Art. 30
Suite d'un rapport demandé par la commission des finances
1 Lorsque la commission des finances du Grand Conseil confie elle-même un mandat à la commission d'évaluation, soit directement, soit par l'intermédiaire du Conseil d'Etat, elle met en délibération le rapport.
2 Elle transmet ensuite ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il se prononce par écrit à ce sujet.
3 Si le rapport concerne une entité dépendant de l'Etat, ou qui, sans en dépendre, est subventionnée par lui, la réponse du Conseil d'Etat mentionne l'avis de l'entité en cause.
Art. 31
Rapport
annuel
1 La commission d'évaluation établit chaque année son rapport d'activité qu'elle adresse au Conseil d'Etat avant le 31 mars. Ce dernier le communique au Grand Conseil pour information.
2 Le rapport annuel contient au moins le mandat et les conclusions des rapports déposés durant l'année.
CHAPITRE IV
Dispositions particulières et finales
Art. 32
Missions d'organisation
1 Le Conseil d'Etat peut confier à un service de l'Etat, ou à des mandataires externes spécialisés, des missions d'organisation.
2 Les entités ou organes des institutions visés à l'article 5, lettre b et c, peuvent également, chacun pour leur part et avec l'accord du Conseil d'Etat, confier de telles missions à des experts ou à des sociétés fiduciaires.
Art. 33
Clause abrogatoire
La loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion, du 7 mai 1976, est abrogée.
Art. 34
Modification à une autre loi (D 1 9)
La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, est modifiée comme suit:
Art. 72 (abrogé)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il règne une certaine opacité sur les indemnités que reçoivent les membres des commissions extraparlementaires. L'opacité se traduit même dans le vocabulaire, puisque l'on parle tantôt d'indemnités, tantôt de jetons, tantôt de défraiements.
Divers incohérences sont perceptibles lorsque l'on constate que, pour certaines commissions, les jetons sont restés inchangés depuis de très nombreuses années, alors que pour d'autres, ils sont réévalués régulièrement. Certaines commissions sont réputées, à tort ou à raison, fort rénumératrices, alors que l'appartenance à d'autres relève d'un véritable sacerdoce.
Il est important pour l'Etat de Genève que les membres des commissions accomplissent avec sérieux le travail qui leur est dévolu et que le recrutement de ces commissions ne souffre d'aucun obstacle d'ordre financier si l'on veut s'assurer la participation de commissaires compétents. Indirectement, les jetons de présence dans les commissions extraparlementaires alimentent également la caisse des partis et il convient de faire le point sur cette situation qui ne manque pas de poser problème.
Le dysfonctionnement de certaines commissions, voire l'inutilité d'autres, ne saurait justifier que soient sous-payés les membres de commissions actives et dont la qualité du travail est unanimement reconnue. Il y a lieu, par conséquent, de faire le point de la situation et tel est l'objet de la première invite du projet de motion.
Quand bien même les motionnaires ignorent encore avec précision ce qu'ils découvriront à la lecture du rapport du Conseil d'Etat, ils ont néanmoins le sentiment qu'une réorganisation s'imposera et qu'en même temps que le Conseil d'Etat devra dresser l'état des lieux, il est prié de proposer des règles pour l'avenir.
Au bénéfice de ce qui précède, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver bon accueil à notre projet de motion.
Débat
M. Laurent Moutinot (S). Cette motion interpartis ne soulèvera aucune polémique.
Je la présente très brièvement. Nous avons pris conscience que les différents jetons et indemnités, qui sont versés aux commissaires et aux membres des conseils de différentes institutions, ne semblent pas régis par une grande cohérence. C'est la raison pour laquelle il est demandé au Conseil d'Etat de bien vouloir faire, en quelque sorte, l'état des lieux et d'indiquer quels sont les montants de ces indemnités et quels sont les critères qui permettent de les définir. Comme nous craignons que cet état des lieux ne laisse apparaître un certain désordre, les motionnaires souhaitent, par la même occasion, que le Conseil d'Etat leur fasse des propositions plus cohérentes.
Il faut agir avec transparence et cohérence à l'égard du Grand Conseil et à l'égard de la population et ces questions doivent être ouvertement traitées pour que nous puissions repartir sur des bases claires. C'est la raison pour laquelle je vous prie de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Bien entendu, le Conseil d'Etat accepte cette motion, non pas parce qu'il faut remettre de l'ordre, mais parce qu'il faut distinguer les commissions extraparlementaires stricto sensu des commissions ou conseils d'institutions autonomes, lesquelles ont précisément leur propre autonomie. Un certain nombre de règles régissent les commissions extraparlementaires, mais les autres conseils n'ont pas de règlement bien établi, ce dont le Conseil d'Etat s'était déjà préoccupé.
En juin 1994, je suis intervenu auprès du président du Grand Conseil, des maires des communes et canton de Genève ainsi que des différentes commissions extraparlementaires pour prendre un certain nombre de mesures, notamment par rapport au traitement fiscal de ces indemnités, compte tenu de leur importance dans certains cas, surtout dans les conseils d'institutions autonomes. Cela ne concerne pas tellement la problématique des commissions extraparlementaires. C'est ainsi qu'une directive a été adressée pour - comme c'est le cas pour vos propres jetons - régler les problèmes d'exonération partielle ou totale.
C'est donc bien volontiers que nous répondrons rapidement à cette motion. Dans la mesure où il nous apparaîtrait nécessaire de faire des propositions complémentaires, nous le ferons et vous pourrez en débattre.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
sur la rémunération des commissaires au sein des diverses commissions extraparlementaires et autres conseils d'institutions
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que l'activité des citoyennes et citoyens au sein des commissions extraparlementaires ou en tant que membres de conseils de diverses institutions est certainement motivée par un pur idéal politique;
- que ce nonobstant tout travail mérite salaire et que la rémunération doit être appropriée notamment à l'importance du travail fourni;
- qu'il convient également de préserver la possibilité pour chacun, qu'il soit salarié ou indépendant, d'accéder auxdites commissions sans devoir consentir un sacrifice financier personnel sur ses revenus;
- que les différentes indemnités, jetons et autres défraiements sont des plus divers selon les commissions,
invite le Conseil d'Etat
à déposer devant le Grand Conseil un rapport indiquant le mode de fixation des indemnités des commissions extraparlementaires, le montant desdites indemnités, ainsi que la date à laquelle ces montants ont été réajustés pour la dernière fois;
à présenter des propositions visant à une meilleure cohérence et à une réévaluation de la rémunération des commissaires.
La présidente. J'ai le plaisir de saluer à la tribune du public notre ancienne présidente du Grand Conseil, Mme Hélène Braun-Roth. (Applaudissements.)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le taux de chômage élevé qui subsiste dans notre canton;
- le fait que le chômage touche plus particulièrement les personnes peu ou pas qualifiées;
- qu'il faut tout mettre en oeuvre pour créer des emplois;
- que certains pays voisins se sont essayés avec succès à la création d'emplois de proximité par le biais notamment d'incitations fiscales;
- qu'il existe de nombreux salariés à domicile en situation non déclarée;
- que ces situations créent un certain nombre d'inégalités tant au niveau de la protection sociale que des relations de travail;
- qu'il est souhaitable de créer des emplois familiaux, notamment dans le cadre de gardes d'enfants ou de personnes âgées,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier l'opportunité d'une déduction fiscale pour les contribuables employeurs à titre privé;
- à déterminer le type d'emploi susceptible d'être pris en considération;
- à fixer, le cas échéant, le montant maximum pouvant être déduit;
- à évaluer l'impact d'une telle mesure sur les finances publiques, la création d'emplois et la protection sociale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il existe sans doute un très grand nombre d'emplois de proximité (femmes de ménage, gardes de personnes âgées et d'enfants, etc.) qui sont en situation non déclarée, ce qui entraîne, d'une part, une protection sociale inadéquate des travailleurs et, d'autre part, un volume salarial non négligeable qui échappe à l'administration fiscale. La législation actuellement en vigueur n'incite pas à reconnaître ces emplois comme étant des emplois à part entière. Cela freine leur développement et permet leur maintien dans l'illégalité.
La création d'emplois est un objectif prioritaire, notamment pour des emplois de proximité qui sont parmi les seuls à permettre à des travailleurs peu qualifiés de rester dans le monde du travail. La situation actuelle tend à marginaliser cette catégorie de travailleurs en n'incitant pas leurs employeurs à les déclarer. Cela les exclut automatiquement d'un certain nombre de mécanismes de protection sociale (assurances, droit aux vacances, retraite, entre autres).
La transformation sociologique et économique de notre société, se traduisant, entre autres, par le vieillissement de la population et une augmentation considérable de la fréquence du travail des deux parents crée de nouveaux besoins en matière d'emplois à domicile. La situation actuelle, interdisant la reconnaissance d'être employeur à titre privé, implique des charges qui sont reportées sur l'ensemble de la société en incitant les familles à recourir à des services parfois onéreux pour la collectivité, qu'il s'agisse par exemple de crèches ou de services d'aide à domicile.
La France a adopté en 1991 une loi autorisant une réduction d'impôts sur le revenu pour les sommes versées par les personnes physiques pour l'emploi d'un salarié à domicile: 267 000 employeurs sont sortis du «noir», 130 000 emplois à temps partiel ont été reconnus, correspondant environ à 30 000 emplois à plein temps. Une extrapolation à la situation genevoise laisserait à penser que l'on pourrait ainsi créer 200-300 emplois à plein temps ou un peu plus de 1000 emplois à temps partiel. Outre cet avantage déjà considérable, il est facile d'imaginer le grand nombre de drames financiers et moraux qui pourraient être évités tant pour l'employé que pour l'employeur.
L'impact sur les recettes fiscales doit, bien entendu, être mesuré: il est probable que ces recettes puissent légèrement diminuer, mais au prix de la création d'emplois de proximité, d'une meilleure protection des employés, mais aussi au bénéfice d'un moindre recours aux services publics. En restaurant à ces emplois de proximité un statut reconnu, on éviterait peut-être à certains de ces travailleurs d'être bénéficiaires d'allocations de chômage.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette proposition de motion.
Débat
M. Philippe Schaller (PDC). Les considérants de l'exposé des motifs sont suffisamment clairs pour que je ne fasse pas de commentaires sur cette proposition de motion.
Mais je comprends très bien qu'elle pose un certain nombre de problèmes sur le plan politique. Cette proposition ne veut en aucun cas être interprétée comme étant un cadeau fait aux riches. Elle veut susciter une réflexion sur les emplois de services, plus particulièrement sur la possibilité de création d'emplois de services dans des lieux économiques nouveaux, notamment dans celui de l'aide à domicile. Nous connaissons bien les emplois de services traditionnels comme ceux des transports, du tourisme, du commerce, des banques, des assurances, de l'éducation, etc. D'ailleurs, un certain nombre d'éléments montrent que c'est au niveau des services qu'il se créera le plus d'emplois dans les années à venir. Il est important, aujourd'hui, d'avoir une perspective de création d'emplois, même partiels, dans ce secteur, à condition que ces services soient réalisés par des emplois professionnels.
Je comprends parfaitement qu'il existe un certain nombre de blocages culturels et réglementaires, car la demande est mal identifiée, mal définie et on a l'habitude de s'orienter vers des solutions alternatives comme le travail au noir ou l'autoproduction dans le cadre familial. L'enjeu à long terme serait de créer une image différente de certaines activités dans les secteurs de services à la personne, notamment dans le cadre de cette notion de l'emploi de proximité pour répondre demain à de nouveaux besoins, qui pourraient paraître aujourd'hui comme un luxe.
Les mutations de la société : travail du couple, coût du travail, vieillissement de la population, demandent des solutions nouvelles, et cette proposition de motion en est une. Je vous remercie donc de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission fiscale.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre groupe a pris connaissance de la motion du groupe démocrate-chrétien et son accueil a été plutôt mitigé. Cela vient sans doute du fait que nous ne sommes pas arrivés à trouver de cohérence entre les considérants qui parlent plutôt de lutte contre le chômage, les invites qui proposent une nouvelle approche fiscale et l'exposé des motifs, enfin, qui suggère la création d'une nouvelle catégorie d'emplois.
Les emplois de proximité évoqués dans les considérants nous inciteraient à être plutôt favorables à cette motion, car les écologistes sont en faveur de ces emplois. En revanche, les invites n'ont plus grand-chose à voir avec les emplois de proximité. Leur but est de lutter contre le travail au noir en proposant des déductions fiscales. Si nous partageons, bien entendu, votre inquiétude sur la situation de certains salariés non déclarés et ne bénéficiant pas, de ce fait, de couverture sociale, nous craignons que le but de votre motion, finalement - vous me corrigerez si je me trompe; ce n'est pas une attaque mais un constat - ne professionnalise un certain nombre de tâches relevant du réseau de solidarité. Je pense particulièrement à la garde d'enfants et de personnes âgées, à laquelle vous faites allusion dans votre exposé des motifs. Nous pensons, en effet, que ces tâches relèvent davantage d'un échange - sommes souvent très modiques contre services rendus - que d'un rapport employé/employeur. Je le répète, nous craignons que vos propositions n'aillent à l'encontre de ce réseau de solidarité souvent constitué entre amis ou entre voisins.
Je donnerai à cet effet un exemple qui me semble parlant, à savoir les patrouilleuses scolaires, dont nous avons parlé abondamment il y environ un an. Au départ, il existait un réseau de solidarité dans les immeubles et les quartiers, les parents amenant les enfants de ceux qui ne pouvaient pas le faire, ou s'arrangeant pour faire les navettes à tour de rôle. Petit à petit les femmes qui étaient le plus souvent chargées de ces tâches sont devenues moins disponibles, pour toutes les raisons évidentes que je ne vais pas rappeler ici. Au lieu de développer une autre forme de solidarité, on a professionnalisé cette activité, d'abord en versant une indemnité voisine de l'argent de poche, puis, en allouant un salaire leur permettant une autonomie bienvenue. Arrivent les difficultés budgétaires. A quels emplois songe-t-on en premier à renoncer, ou du moins à diminuer ? Aux patrouilleuses scolaires, avec tous les drames que cela a engendré !
Cet exemple devrait nous rendre attentifs à ne pas vouloir professionnaliser «tous azimuts». Même si votre motion est plutôt basée sur les recettes et les déductions fiscales, son exposé des motifs n'en est pas moins révélateur d'une volonté de professionnaliser certaines tâches de solidarité.
Pour toutes ces raisons notre groupe ne s'opposera pas au renvoi en commission de cette motion, mais nous souhaiterions qu'au-delà de l'aspect économique et fiscal il soit tenu compte dans une large mesure de l'aspect social, et il serait peut-être opportun de traiter de cette motion également aux affaires sociales.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Nous avons été également surpris par la teneur de cette motion. Si nous sommes d'accord avec les considérants, comme vous venez de le dire, Madame Bugnon, nous ne pouvons véritablement pas adhérer à ses invites.
En effet, que nous propose-t-on ? Tout simplement de récompenser, en quelque sorte, par un petit privilège fiscal les employeurs à titre privé qui ne font que respecter la loi en déclarant leurs employés. Comme si l'illégalité était chose normale et que le respect de la loi ne puisse être obtenu que par un traitement de faveur ! Cette approche nous gêne, je ne vous le cache pas.
D'autre part, les emplois à domicile - les motionnaires le disent - concernent des personnes non qualifiées, en majorité des femmes. A notre avis, une véritable politique de l'emploi se traduit, avant toute autre chose et en priorité, par l'accès à une formation permettant à ce type de travailleuses d'avoir un réel statut professionnel et de quitter l'illégalité. Cela ne peut pas se faire par le maintien d'emplois précaires, même s'ils se trouvent dans la légalité.
En revanche, si nous ne pouvons pas suivre les invites de cette motion, nous estimons que la complication des formalités administratives nécessaires à la déclaration d'emploi au domicile de privés, même s'il s'agit d'emplois de quelques heures par semaine, est de nature dissuasive. C'est à ce niveau qu'il faut agir pour simplifier cette procédure au maximum, car sur ce point nous sommes d'accord avec les auteurs de la motion, toutes les personnes concernées par ce type d'emplois doivent pouvoir bénéficier de la protection sociale qui leur est due. D'ailleurs, nous ferons prochainement une autre proposition à ce sujet.
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Le groupe radical accueille favorablement cette motion, car elle soulève des problèmes importants et elle apporte des solutions créatives et innovatrices. Cela explique sans doute l'étonnement que ces propositions suscitent chez certains. (Rires.)
Une voix. Certaines !
M. Jean-Philippe de Tolédo. C'est vrai, chez certaines !
Les tentatives de réduire le chômage dans les pays qui nous entourent montrent les piètres résultats obtenus, voire l'aggravation de la situation. Certains exemples néanmoins - et les motionnaires le précisent - sont de nature à nous intéresser. Ainsi, lorsqu'ils indiquent que pour réduire le chômage il faut avant tout favoriser l'embauche, c'est une vérité. Quant au cadeau fiscal dont il a été question tout à l'heure, réinvestir ou inciter les bénéficiaires à réinvestir une partie de la fiscalité dans la création d'emplois pourrait permettre d'éviter cet écueil.
Mme Torracinta-Pache a soulevé un point qui me semble extrêmement important et qui mérite d'être approfondi, je veux parler de la complication des procédures. Le considérant qui traite des personnes non déclarées est très important, car il est souvent rédhibitoire d'embaucher des gens, en raison des complications administratives relatives aux déclarations sociales. L'exemple du chèque service pratiqué en France pourrait nous inspirer. Je ne sais pas si c'est à cela que vous faisiez allusion, Madame. En fait, le salaire est payé par l'administration qui s'occupe de toutes les «complications». C'est une voie qui me semble intéressante, parce qu'elle favoriserait certainement l'embauche tout en résolvant partiellement les situations illégales.
Enfin, il y aurait lieu de s'interroger sur une certaine hypocrisie qui règne aujourd'hui à Genève en matière de permis de travail. On sait très bien que les travailleurs illégaux sont nombreux. Il est facile de les repérer, mais on ne fait rien pour cela. Il me semblerait très simple de leur accorder un permis de travail en bonne et due forme, dès lors qu'ils peuvent démontrer qu'ils exercent une activité effective.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à renvoyer cette motion en commission fiscale, avec les quelques remarques que je vous ai communiquées.
M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe accueille cette motion avec une très grande réserve.
En effet, s'agissant de l'emploi, nous pensons, comme André Gorz l'a dit dans son livre «La métamorphose du travail», que cette fin de siècle verrait réapparaître de nouveaux serviteurs. Or, cette notion s'inscrit dans cette logique. Elle propose, pour résoudre la crise de l'emploi, de créer des emplois précaires, même s'ils sont stabilisés avec une faible qualification, des emplois au rabais, et nous ne sommes pas favorables à ce type d'emplois.
Nous nous battons au contraire - et notre initiative pour des emplois d'utilité publique et sociale va dans ce sens - pour des emplois de proximité, mais qui correspondent à une réelle qualification professionnelle. Enfin, nous trouvons les invites inacceptables. Pour l'essentiel, elles visent à des dégrèvements fiscaux qui correspondent à des privilèges. Le travail au noir devrait être examiné très sérieusement avec les syndicats concernés en priorité. C'est la raison pour laquelle nous sommes prêts à en débattre. Mais nous gardons toute notre réserve, et nous nous abstiendrons sur l'entrée en matière.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission fiscale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'assemblée fédérale a adopté, le 17 juin 1994, la modification de la loi fédérale sur la taxe d'exemption du service militaire, du 12 juin 1959.
Le Conseil fédéral, constatant que le délai référendaire (fixé au26 septembre 1994) s'était écoulé sans avoir été utilisé, a par ordonnance du 9 novembre 1994 fixé l'entrée en vigueur de cette modification au1er janvier 1995; elle est applicable, pour la première fois, à l'année d'assujettissement 1995.
L'abrogation de l'article 42 de la loi fédérale sur la taxe d'exemption du service militaire suspend, dès le 1er janvier 1995, la poursuite pénale pour non-paiement fautif de la taxe; l'exécution des jugements prononcés en vertu de cette disposition et passés en force est suspendue avec effet immédiat, selon le principe qui en droit pénal veut que le nouveau droit plus favorable soit applicable rétroactivement.
Il convient dès lors d'harmoniser notre législation avec les dispositions de la loi fédérale modifiée, en y supprimant toute référence à une disposition fédérale abrogée.
Pour ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Bernard Annen (L). Ce projet de loi est technique, par rapport à l'harmonisation de notre législation avec les dispositions fédérales modifiées, aussi je vous suggère la discussion immédiate.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je ne m'oppose aucunement à une discussion immédiate. Pourquoi ? Parce que le problème n'est pas compliqué techniquement.
La loi fédérale en matière de taxe sur le service militaire a été modifiée. Les modifications voulues par le Parlement fédéral sont entrées en vigueur au 1er janvier 1995. C'est la raison pour laquelle, à la fin de l'année dernière, j'ai tenu à déposer un projet de loi modifiant notre loi d'application cantonale, pour permettre, confirmer et adapter notre droit au fait qu'il ne peut plus y avoir de poursuite pénale pour non-paiement fautif de la taxe militaire. C'est pourquoi, par rapport à la loi fédérale, l'article 42 qui prévoyait la poursuite pénale pour non-paiement fautif de la taxe a été abrogé. Dans notre loi cantonale - c'est l'article 3 de votre projet - il était dit : «Le Tribunal de police est compétent pour prononcer les peines privatives de liberté, prévues à l'article 40 et 42.». C'est l'aspect pénal de la loi. Par conséquent, nous avons supprimé la référence à l'article 42 qui correspond à ce non-paiement.
Voilà pourquoi je vous propose d'adopter cette loi en discussion immédiate. C'est une bonne chose. Nous aurons été le premier canton à le faire, et je réponds ainsi au voeu de ce Grand Conseil qui s'est penché longuement sur ce problème, l'année dernière et il y a deux ans.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemptiondu service militaire
(G 1 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption du service militaire, du 14 janvier 1961, est modifié comme suit:
Considérant (nouvelle teneur)
vu la loi fédérale sur la taxe d'exemption du service militaire, du 12 juin 1959 (LTEM, ci-après loi), modifiée le 17 juin 1994;
vu l'ordonnance du Conseil fédéral, du 9 novembre 1994, sur la mise en vigueur de cette modification au 1er janvier 1995,
Art. 3, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le Tribunal de police est compétent pour prononcer les peines privatives de liberté prévues à l'article 40 de la loi et statuer dans les cas visés à l'article 44, alinéa 4, de la loi.
Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.
Art. 5, al. 2 (abrogé)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:
Art. 30, al. 2 (nouvelle teneur)
al. 3 (nouveau, l'al. 3 ancien devenant l'al. 4)al. 4 (abrogé)
2 Les membres du corps enseignant à charge complète ou partielle peuvent avoir une activité accessoire rémunérée si elle est en rapport direct avec le domaine de leur enseignement et de leurs recherches; le Conseil d'Etat peut, en outre, sur préavis du collège des recteurs et doyens, les autoriser exceptionnellement à exercer une autre activité lucrative.
3 Le 50% du revenu de cette activité est rétrocédé à l'université qui l'affecte à des fonds pour la recherche.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Lors du débat au Grand Conseil sur l'introduction des taxes universitaires, les Verts ont annoncé un projet de loi concernant l'article 30 de la loi sur l'université.
En effet, l'alinéa 2 de cet article 30 prévoit que
«Les membres du corps professoral à charge complète peuvent avoir une activité accessoire rémunérée si elle est en rapport direct avec le domaine de leur enseignement et de leurs recherches; le Conseil d'Etat peut, en outre sur préavis du collège des recteurs et doyens (sur préavis du rectorat lorsque la nouvelle loi sur l'université d'octobre 1994, sera entrée en vigueur) les autoriser exceptionnellement à exercer une autre activité lucrative.»
Si les relations interinstitutionnelles ainsi que les relations entre l'université et la cité trouvent dans ce cadre une concrétisation des plus légitimes et ne doivent pas être remises en cause en tant que telles, sur le plan des prestations et des rémunérations des professeurs, par contre, elles sont contestables.
Cet examen n'a pas été jugé opportun au moment où la commission de l'université reconsidérait l'organisation de l'université et du rectorat.
Nul doute qu'au moment de l'introduction des taxes universitaires cet évaluation ne se justifie pleinement.
En effet, même si l'alinéa 3 du même article 30 précise que les activités précitées ne doivent pas entraver l'activité professorale sur le campus universitaire, comment justifier un traitement de base à 100% en présence de mandats accessoires forcément exigeants et rémunérateurs.
Dans la loi actuelle, la seule rétrocession prévue (art.30, al.5) concerne les moyens mis à disposition par l'université.
Dans le cas d'un engagement à 100% à l'université, il convient d'instituer une règle de rétrocession à l'université du produit d'activités accessoires ou d'instaurer un temps partiel du poste concerné. Dans le cas d'un engagement à temps partiel, il convient d'instituer une règle de rétrocession progressive.
Les mandats ou charges d'enseignement étant acquis au titre personnel, il faut veiller, dans ce cas, à ce que la charge fiscale ne concerne que le montant effectivement acquis par l'intéressé.
La possibilité de multiples mandats ainsi clarifiée s'applique non seulement au corps professoral, mais au corps enseignant dans son ensemble. L'alinéa 3 (devenant alinéa 4), conservé, garantit la qualité de l'engagement à l'égard de l'université.
Cette exigence de transparence est d'autant plus équitable au moment où les difficultés budgétaires de l'Etat (et de l'université) conduisent à solliciter la participation des étudiants au fonctionnement de l'institution universitaire. Des exemples de cette pratique existent déjà notamment dans des instituts universitaires.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, du bon accueil que vous accorderez au présent projet de loi.
Préconsultation
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Lors de notre séance du mois de décembre, à l'occasion du débat sur les taxes universitaires, notre groupe avait demandé le renvoi du projet de loi en commission de l'université, en l'assortissant d'autres propositions d'économies. Comme vous vous en souvenez certainement, notre voeu n'a pas été entendu : le principe des taxes universitaires a été accepté par la majorité de ce Grand Conseil et un référendum a été lancé par les étudiants.
Malgré cela, nous souhaitons tenir les engagements pris en séance, raison pour laquelle nous avons déposé le projet de loi que vous avez sous les yeux. En préambule, je rappelle et j'insiste sur le fait que nous ne nous opposons pas aux mandats privés des professeurs d'université. Nous considérons, en effet, que nous avons de la chance d'avoir un très grand nombre de compétences diverses à l'université, et il nous semble souhaitable que ces compétences profitent à d'autres, à l'extérieur de l'université. Nous ne nous opposons donc pas au principe de l'article 30, alinéa 2, qui prévoit que : «Les membres du corps professoral à charge complète peuvent avoir une activité accessoire rémunérée si elle est en rapport direct avec le domaine de leur enseignement et de leur recherche. Le Conseil d'Etat peut, en outre, sur préavis du collège des recteurs et des doyens, les autoriser exceptionnellement à exercer une autre activité lucrative.».
Par contre, nous estimons que l'activité accessoire extérieure du professeur ne doit pas avoir d'impact négatif sur son mandat à l'intérieur de l'université. Il pourrait être intéressant, à cet égard, qu'une évaluation soit effectuée sur la base de l'alinéa 3 de ce même article 30, qui prévoit qu'un membre du corps enseignant, à temps complet ou partiel, doit veiller strictement à ce que ses activités hors de l'université n'entravent en aucune façon l'exercice de son mandat.
Nous estimons également que l'université - puisqu'elle rémunère ses professeurs à plein-temps et qu'elle leur offre des structures importantes - pourrait bénéficier en retour d'une rétrocession financière du produit de l'activité extérieure. Nous avons assez longuement réfléchi avant de proposer un montant ou un pourcentage précis. Il nous est apparu qu'il ne serait pas raisonnable de demander une rétrocession qui s'approcherait trop du montant gagné, car cela découragerait sans doute bon nombre de professeurs, ce qui irait à l'encontre du résultat escompté. Coupant la poire en deux, la barre de 50% du revenu nous a paru raisonnable.
Par ailleurs, il nous a semblé important d'en préciser l'affectation, à savoir que les fonds seront destinés à la recherche. Ils profiteront aux assistants qui font un travail remarquable ainsi qu'aux professeurs eux-mêmes. Cette possibilité devrait être ouverte également aux professeurs qui ont une charge à temps partiel, d'où l'amendement proposé à l'alinéa 2, en prévoyant, bien entendu, une règle de rétrocession progressive pour les temps partiels. La nouveauté principale réside donc à l'alinéa 3 nouveau, l'alinéa 3 actuel devenant 4 et le 4 étant abrogé.
Pour information, avant de conclure, l'Institut universitaire d'étude du développement exerce déjà cette pratique à satisfaction de tous.
Voilà la présentation de ce projet de loi qui, d'après les échos de la presse, semble plutôt bien accepté du côté de l'université. Nous vous remercions de lui réserver, à votre tour, un bon accueil et de le renvoyer à la commission de l'université.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Les socialistes soutiendront la proposition qui vous est soumise aujourd'hui, cela d'autant plus que, lors du débat sur la modification de la loi sur l'université, nous avions déjà fait une proposition presque similaire à celle soumise par les écologistes. Cet amendement avait été rejeté à l'époque par les membres de la commission, non pas - je crois pouvoir le dire - parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette proposition, mais parce qu'elle s'éloignait, selon eux, de l'unité de matière que constituait ce projet de loi.
Il est bien entendu que nous adhérons à cette proposition, et nous pensons que ce sera l'occasion de pouvoir discuter non seulement des activités extérieures à l'université mais, également, de l'application actuelle de la loi. Celle-ci prévoit une limitation aux doubles ou aux triples activités des professeurs de l'université, qui semble être assez peu respectée en ce moment.
M. Bernard Lescaze (R). Ce projet de loi est sans doute opportun et bienvenu. En conséquence, il mérite d'être étudié en commission.
Toutefois, il pose un certain nombre de problèmes plus délicats, sans doute, que les proposants ne veulent bien vous le dire. A l'heure actuelle déjà, le rapport direct avec le domaine de l'enseignement ou des recherches des professeurs est envisagé d'une manière assez large et libérale. Lorsque le rectorat actuel, par la voix de son secrétaire général, se félicite de l'arrivée de ce projet, notamment parce qu'il permettrait aux assistants de bénéficier eux aussi de la possibilité d'une activité accessoire rémunérée, il convient malgré tout de se souvenir qu'à l'heure actuelle le rectorat de l'université est incapable de dire, en réalité, combien de professeurs ont des activités accessoires rémunérées et à quel taux. Il faudra donc se poser un certain nombre de questions quant aux difficultés d'application.
En outre, je tiens tout de même à vous dire qu'il y a de très grandes différences entre les rémunérations de ces activités accessoires. Peut-être que les professeurs d'université ne sont pas les seuls bénéficiaires d'un traitement de l'Etat de Genève sur lesquels votre bienveillante sollicitude devrait se pencher ! Imaginons, par exemple, les activités d'arbitrage. Elles concernent des professeurs d'université, mais aussi des juges. Les honoraires pouvant porter sur des centaines de milliers de francs, je ne vois pas pourquoi seuls les professeurs d'université devraient rétrocéder une partie de leur traitement à l'Etat et non les juges qui sont aussi, à plein-temps, au service de la République et canton de Genève !
Devrais-je aussi ajouter que très souvent c'est malgré tout à l'éthique et au sens civique et moral de ces professeurs que l'on doit s'en rapporter pour savoir s'ils peuvent ou non diminuer leur taux d'activité ? Devrais-je rappeler ici que trois professeurs d'université sont également parlementaires fédéraux et que les trois ont jugé différemment la manière dont ils devaient à la fois assumer leur tâche et leur mandat de parlementaire ? Je tiens à souligner qu'à ma connaissance le conseiller aux Etats est le seul à avoir demandé une réduction importante de son enseignement et de son revenu universitaire.
Le projet de loi est justifié par l'introduction des taxes semestrielles. Alors là, permettez-moi de dire que beaucoup de choses peuvent justifier ce projet de loi, mais probablement pas l'introduction de très modestes taxes sur les étudiants. Nous ne pouvons pas accepter cela de cette manière. En effet, vous parlez même, à la page 3 - excusez-moi de faire un peu d'humour - des difficultés budgétaires de l'Etat qui conduisent à solliciter la participation des étudiants au fonctionnement de l'université ! Mon Dieu, j'espère bien que la participation des étudiants au fonctionnement de l'université est exigée depuis longtemps, sinon ils ne mériteraient pas d'être à l'université ! Vous voulez sans doute parler de la participation financière qui reste, comme nous l'avons vu, extrêmement modeste.
Enfin, il faudra qu'on nous explique en commission de quelle manière, lorsqu'on exerce une charge partielle, on peut encore avoir une activité rémunérée accessoire dans le cadre de cette charge partielle, car bien évidemment on dira que l'ensemble des autres activités lucratives font partie du temps qui n'est pas consacré à assumer la charge partielle.
En conclusion, dans l'examen en commission, il serait souhaitable de se poser une ou deux autres questions qui pourraient être des pistes de recherche visant au but général que vous poursuivez.
D'une part, il faudrait s'interroger sur ce qu'est réellement une charge à plein-temps pour un professeur d'université. En effet, il est évident qu'il ne s'agit pas d'un horaire de quarante heures par semaine de 8 h du matin à 18 h le soir. Cette définition de la charge exercée à plein-temps reste floue pour l'instant et elle mériterait d'être étudiée.
D'autre part - j'ose à peine le dire quand je vois d'où vient ce projet - il faudrait examiner la possibilité d'une meilleure fluidité des rémunérations à l'université. Bien entendu, vous me direz que ce sujet est délicat, mais comme cela se fait notamment dans les universités du monde anglo-saxon, il n'est peut-être pas certain, comme on a pu le croire jusqu'à présent, que tous les professeurs doivent être rémunérés de la même manière dans tous les domaines. Il faut trouver un nouveau cadre et réfléchir à cette question.
C'est pourquoi, je vous remercie, Mesdames, d'avoir déposé ce projet de loi. Le groupe radical l'accueille très favorablement, et il souhaite examiner en commission les pistes que je vous ai suggérées ce soir.
M. Christian Ferrazino (AdG). Comme M. Lescaze, nous considérons que ce projet de loi est particulièrement bienvenu et opportun, mais pas pour les mêmes raisons !
Nous pensons qu'il est bienvenu de le présenter au moment où on veut astreindre les étudiants au payement d'une taxe universitaire de 1 000 F. Monsieur Lescaze, vous dites que la taxe a été introduite. C'est faux ! On a proposé de l'introduire, ce qui n'est pas la même chose ! Ne prenez pas trop vite vos désirs pour des réalités, car vous savez que les étudiants sont en train de récolter des signatures pour un référendum.
Ce projet de loi est effectivement bienvenu et notre groupe le soutiendra, car nous sommes d'accord avec cette démarche. En effet, il est choquant qu'un certain nombre de professeurs, à l'université, profitant de leur aura, puissent avoir d'importantes activités extérieures, dont aucune rétrocession ne reviendrait à l'université, ce d'autant plus qu'avec le nombre grandissant des étudiants, l'activité desdits professeurs devrait elle aussi être en augmentation vu les contacts qui devraient se multiplier entre les uns et les autres. La démarche nous paraît donc opportune.
Par contre, ce projet peut susciter un certain nombre de questions. Mme Bugnon suggère de couper la poire en deux pour rétrocéder la moitié des gains à l'université. M. Lescaze a rappelé tout à l'heure que le secrétaire général de l'université avait laissé entendre que ce taux pouvait être trop ou pas assez élevé. En effet, les professeurs de droit, par exemple, utilisent peu les infrastructures universitaires, mais, par contre, d'autres professeurs les utilisent beaucoup, comme les biologistes...
M. Andreas Saurer. Les médecins !
M. Christian Ferrazino. Merci, docteur Saurer ! ...et les médecins. On peut donc se demander s'il est bon, comme le suggère ce projet de loi, de retenir un taux fixe dans la loi. Au contraire, comme le suggèrent certaines personnes à l'université, il vaudrait mieux retenir un taux variable, en fonction précisément de la qualité des interventions effectuées. C'est une question qui pourra être débattue en commission.
Par contre, ce projet de loi laisse apparaître une omission. Celle-ci pourra être comblée dans le cadre des discussions qui auront lieu en commission, je veux parler de la possibilité pour les professeurs de pouvoir siéger au sein de conseils d'administration. Ce problème n'est pas du tout évoqué par ce projet de loi. Dans le passé - le Grand Conseil doit le savoir - un ancien recteur, homme de science, a été appelé à siéger dans un conseil d'administration d'une banque. Le rapport n'est évidemment pas immédiat et je vois mal... (L'orateur est interrompu par M. Lombard.) Monsieur Lombard, vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure ! Je vois mal en quoi les capacités et les compétences universitaires dudit professeur sont utilisées dans le cadre d'un conseil d'administration. Il nous paraît inacceptable que des sociétés privées puissent utiliser le faire-valoir des professeurs en leur demandant de siéger dans des conseils d'administration.
Voilà les quelques observations que nous souhaitions formuler, étant bien entendu que nous soutiendrons le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mme Nelly Guichard (PDC). Notre groupe est tout à fait ouvert à la proposition contenue dans ce projet de loi. Il soutiendra donc son renvoi à la commission de l'université pour en étudier toutes les implications, comme l'ont relevé mes différents préopinants.
M. Armand Lombard (L). Notre groupe reçoit ce projet de loi également avec intérêt. Il se réjouit de pouvoir l'examiner en commission pour analyser les différentes remarques de mes collègues.
Je pense que la liaison avec le projet de loi sur l'extension des pouvoirs du rectorat est intéressante, de même que sur l'aspect ouverture sur la Cité et l'engagement des professeurs de différents organes de l'université à l'extérieur de celle-ci. Bien sûr, je n'adhère pas aux propos de M. Ferrazino qui s'offusque de ce que certains professeurs soient représentés dans certaines entreprises. Nous pourrons en débattre en commission - je ne vais pas lui chercher noise ici à ce sujet - pour trouver des solutions pratiques.
Deux problèmes se posent : d'une part, pour les professeurs qui exercent d'autres activités dans d'autres universités et, d'autre part, pour ceux qui sont utilisés dans des entreprises. Il faudra régler ces questions, et il sera intéressant de voir si c'est au Conseil d'Etat ou au rectorat de contrôler cela. La nouvelle loi sur le rectorat tendrait à une recherche d'autonomie, ce ne serait donc pas le rôle du Conseil d'Etat.
La loi existe. La pratique a déjà été exposée en commission de l'université il y a quelques années par le rectorat. Il faudra faire une distinction entre les deux.
Tous ces points pourront être discutés en commission, et je remercie les auteurs de ce projet.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ce projet de loi soulève un vrai problème. Il conviendra d'examiner la bonne solution dans tous les cas de figure. La commission de l'époque s'était déjà attaquée à ce problème. Elle avait adopté la loi que nous connaissons aujourd'hui qui pose un certain nombre de principes, mais, néanmoins, qui n'est pas satisfaisante dans son application. Reste à savoir s'il faut la modifier pour améliorer son application. A l'heure actuelle, les doubles mandats dépassant les zones de tolérance nécessaire doivent être combattus au sein du département de l'instruction publique dans son ensemble, y compris à l'université. Nous sommes actuellement en discussion sur ce problème qui touche d'autres domaines dont nous devons également nous occuper.
Je vous invite, lors des travaux de votre commission, à auditionner des responsables d'universités de Suisse occidentale et le président de la Conférence des universités de Suisse occidentale, parce que, lorsque l'on met en place un réseau de cette sorte, il faut tenir compte de certaines modalités, notamment en cas de nomination conjointe ou de partage d'enseignement. Il ne faudrait pas que l'élément que vous proposez dans votre loi soit de nature à empêcher ce que ce parlement réclame, par ailleurs, à juste titre. Il faudra donc examiner également en détail toutes les implications d'une telle loi, pour éviter les effets pervers, notamment pour les emplois à temps partiel. En effet, la loi telle qu'elle est libellée laisse une ambiguïté sur ce que pourrait être l'activité lucrative pour ceux qui exercent une fonction à temps partiel à l'université, étant admis que l'autre partie de leur temps leur appartient, bien entendu - il faut le préciser.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'université.
26. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier les objets suivants :
Les projets de motion 905 et 929 ont été renvoyés à la commission de l'enseignement pour étude par notre Grand Conseil en date du 26 mai et du 17 juin 1994 (Mémorial No 17 , p. 1753-1761 et No 23, p. 2410-2414).
Ces deux projets de motion ont été étudiés dans le cadre des travaux de la commission de l'enseignement en date du 19 octobre, du 2 novembre, du 16 novembre 1994 sous la présidence du présent rapporteur et en date du 23 novembre et du 30 novembre 1994 sous la présidence de Mme Claude Howald, présidente. Mme M. Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, présidente du département de l'instruction publique, Mme C. Rihs, adjointe à la direction de l'office de la jeunesse, et Mme M.-L. François ont participé à une partie des séances et ont offert leur précieux concours à l'avancement des travaux.
La commission a d'emblée désiré traiter les deux objets simultanément en raison du fait qu'ils soulèvent des problèmes du même ordre, mais approchés sous un angle différent. Les auteurs des deux projets sont d'ailleurs les mêmes.
Auditions
Dr D. Halperin, responsable des urgences de l'hôpital des enfants
Le Dr Halperin ne dispose d'aucun chiffre scientifiquement établi permettant d'affirmer l'augmentation de la violence en milieu scolaire. Son impression lui fait toutefois douter d'une nette augmentation de la violence en milieu scolaire. Il confirme en revanche une inquiétude grandissante de la population face à ce problème, inquiétude nourrie par des événements récents largement médiatisés (aux Etats-Unis, en Angleterre, en Norvège par exemple). M. Halperin fait part également de la préoccupation, de ses collègues américains surtout, de voir la violence banalisée par les jeunes en raison de la diffusion de séries télévisées où la violence est omniprésente: un enfant américain regarde la télévision en moyenne 4 heures par jour et assiste durant ce laps de temps à 25 homicides ! On pourrait ainsi craindre que la violence ne finisse par constituer la première solution à laquelle on recourt lorsque l'on rencontre un problème. Le Dr Halperin précise que la violence en milieu scolaire ne doit pas, à ses yeux, être séparée des problèmes de violences familiales. Il insiste sur une éducation basée sur la tolérance et le dialogue, qui permettrait probablement de prévenir la violence trop souvent utilisée comme outil de la résolution de problèmes.
M. M. C. Laplace (SPG) et de MM. Chervet et Willig (FAMCO)
M. Laplace fait part de son expérience à l'école Cité-Jonction et soulève le problème de l'importance de l'espace pour éviter la violence: la violence a beaucoup diminué dans son école une fois que celle-ci a disposé d'un préau. M. Laplace insiste également sur l'importance de la communication des enseignants entre eux, des enseignants et des parents et des enseignants et des enfants afin de trouver des solutions aux problèmes de violence. De son point de vue toutefois, la violence n'a pas augmenté ces dernières années, point de vue qui est confirmé par MM. Chervet et Willig.
M. Willig dresse un panorama des différentes formes que revêt la violence: violence contre soi-même.
Tous insistent sur l'importance de pouvoir parler de ces problèmes pour dédramatiser la situation et de fournir des alternatives à la violence; pour certains élèves, la violence semble constituer le seul moyen d'expression.
Concernant la «pédagogie des valeurs», le terme de pédagogie gêne M. Willig. Il s'agit de promouvoir une attitude, un comportement, un savoir-être qui soient le reflet de certaines valeurs. Ces valeurs sont d'ailleurs parfaitement définies dans l'article 4 de la LIP.
M. M. G. Goumaz, psychologue
Les valeurs ne sont pas matière à enseignement: elles sont matière à attitudes ! La mission éducative même de l'école, seule garante du respect de ces valeurs, est parfois oubliée par certains enseignants, absorbés qu'ils sont par le quotidien de la matière à enseigner.
Concernant la violence, M. Goumaz n'a pas l'impression qu'elle augmente. Peut-être assiste-t-on à de nouvelles formes de violence tel le racket. Pour lui, la violence est un phénomène naturel qu'il convient d'apprendre à gérer. Elle est le plus souvent générée par des phénomènes d'humiliation: non-respect de l'identité culturelle, humiliations liées à l'attitude de l'enseignant, humiliations liées aux notes (et à la manière de les annoncer!) ou au redoublement... La disposition des locaux peut également jouer un rôle.
M. Goumaz propose quelques pistes: encourager les enseignants à partager entre eux ce type de problèmes, encourager la pratique du sport. Il faut en outre tout mettre en oeuvre pour éviter les frustrations de certains enseignants qui pratiquent dans des filières trop souvent dévalorisées, par exemple en leur apportant des moyens pédagogiques mieux adaptés.
Mme Mme M. Primdezis, de l'Ecole instrument de paix (EIP)
L'EIP, fondée par M. J. Muhlethaler, a eu pour but premier de sensibiliser les gouvernements, les enseignants et les parents d'élèves à l'importance d'une éducation aux valeurs. Elle concentre actuellement son action sur une promotion des valeurs fondamentales des droits de l'homme. Elle agit en organisant des séminaires de formation à l'attention des enseignants qui en font la demande, dans plusieurs pays. La difficulté principale rencontrée par l'EIP est de devoir le plus souvent parler des droits de l'homme sous l'angle de leur violation, plutôt que de pouvoir les promouvoir de manière positive. Les moyens de l'EIP sont limités.
M. M. Maulini.-L. François, secrétaire générale du DIP
Le groupe Projets travaille sur la future formation initiale des enseignants, mais ne s'occupe pas de formation continue. Un des axes essentiel a été de retravailler les problèmes liés à l'éthique professionnelle et au développement personnel des futurs enseignants. Les objectifs de la formation initiale touchent aussi bien les contenus de l'enseignement que les aspects relation-communication avec les partenaires (enseignants entre eux, enseignants-élèves, enseignants-parents). Des séminaires centrés sur l'analyse des pratiques sont prévus. L'alternance de périodes de stage avec un retour régulier à l'université est un moyen idéal pour travailler sur des situations vécues et pas seulement enseignées de manière théorique. Le nouveau système de formation des enseignants devrait permettre un niveau de professionnalisme encore supérieur, de même qu'une autonomie des maîtres plus grande.
Travaux de la commission
Un consensus pratiquement immédiat s'est fait au sein de la commission pour lier l'étude des deux motions en examen: il n'est en effet pas souhaitable de dissocier les préoccupations concernant la violence en milieu scolaire des préoccupations tout aussi importantes de transmission de valeurs fondamentales, susceptibles de donner un certain nombre d'outils pour prévenir cette violence.
La violence augmente-t-elle vraiment, ou est-ce sa perception qui se modifie au cours du temps? La majorité de la commission penche en faveur de cette seconde hypothèse, tout en reconnaissant que la violence peut prendre de nouvelles formes (racket par exemple) et que son augmentation réelle dans d'autres pays (en particulier USA, peut-être France et en Angleterre) en fait une légitime préoccupation. De plus, la violence en milieu scolaire ne peut pas être dissociée d'autres formes de violence auxquelles les enfants sont soumis: maltraitance infantile (5 000 cas rapportés en Suisse en 1992), abus sexuels (40 000 cas rapportés en Suisse en 1992), tentatives de suicide (250 cas pour la seule Genève ces deux dernières années chez des jeunes de moins de 20 ans).
La meilleure lutte contre la violence consiste en effet en trois points:
1. reconnaître la violence: identification des phénomènes de violence sous leurs différentes formes (violence entre enfants, violence parfois générée par les frustrations infligées aux enfants tant dans leur vie familiale que scolaire, mais aussi identification de la maltraitance infantile voire des violences auto-infligées au cours d'états dépressifs);
2. briser le silence: mise en commun, au niveau des enseignants, des expériences de chacun concernant la violence et son «vécu», plutôt que repli sur soi de la part d'enseignants n'osant pas aborder ce sujet de peur d'être «stigmatisés» par leurs collègues; encouragement d'un dialogue ouvert sur ce problème entre tous les partenaires (enseignants, enfants, parents);
3. prévenir: développer des attitudes propices à l'épanouissement de valeurs fondamentales, travailler sur le regard que les uns portent sur les autres. Ces valeurs sont d'ailleurs très bien décrites dans la loi sur l'instruction publique et leur respect constitue sans doute la meilleure prévention des débordements pouvant engendrer certaines formes de violence.
La commission s'est également penchée sur le terme même de pédagogie, s'agissant de la notion de valeurs, et sur le sens qu'il fallait sous-entendre au terme «valeurs». Il n'est pas apparu souhaitable à la commission de parler de pédagogie des valeurs pour deux raisons: les valeurs ne s'apprennent pas en tant que telles, d'où le refus de parler de pédagogie, mais peuvent et doivent être transmises par un comportement, une attitude, un savoir-être; quant au terme «pédagogie des valeurs», il fait référence à un type de valeurs sur lesquelles la commission n'aurait sans doute pas trouvé de consensus. C'est la raison pour laquelle la commission a jugé préférable de se fonder sur les articles de la LIP qui font référence à des valeurs auxquelles toute la commission, le département et le peuple sont très profondément attachés. Ces articles sont d'une perfection telle qu'ils méritent d'être cités expressément. Pour une fois qu'une loi laisse de la place à une utopie nécessaire !
Article 4
c) de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l'indépendance de jugement;
d) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en développant en lui le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération;
Article 6
L'enseignement public garantit le respect des convictions politiques et confessionnelles des élèves et des parents.
Le monde dans lequel nous vivons présente des caractères de grande instabilité, propices au développement tant de la violence qu'à celui de modes de pensée qui ne laissent que peu de place à l'épanouissement des valeurs auxquelles le peuple genevois est si profondément attaché.
Qu'il s'agisse des guerres qui retrouvent le sol européen pour la première fois depuis 50 ans ou de conflits plus lointains mais qui suscitent l'horreur, qu'il s'agisse de l'essor de toutes formes de racisme, d'intégrisme ou de nationalisme, qu'il s'agisse aussi des phénomènes d'exclusion qui mènent ceux qui en sont victime à l'impossibilité de communiquer avec le monde des «inclus», notre devoir nous oblige à tout mettre en oeuvre pour offrir une instruction et une éducation capables de mettre à disposition de nos enfants tous les outils de la liberté, de la responsabilité, de l'ouverture et de la tolérance.
Le DIP ne nous a évidemment pas attendus pour entreprendre un certain nombre d'actions à la fois dans le domaine de la violence et de la transmission des valeurs: séminaires sur l'enfant et la violence, actions auprès des élèves, constitution de groupes d'enseignants intéressés, actions de prévention. Le travail en cours sur le renouveau des études pédagogiques contribuera sans doute aussi à décloisonner certaines habitudes professionnelles. On peut enfin espérer que la réforme de l'enseignement primaire contribue elle aussi à l'épanouissement d'une action éducative qui permette de développer tolérance, ouverture et solidarité.
La commission de l'enseignement a toutefois jugé utile de montrer sa préoccupation face aux deux sujets évoqués par les motions 905 et 929. Elle entend par là encourager les actions déjà entreprises et en susciter de nouvelles. Dans ce sens, en regroupant ces motions et en en modifiant les invites, la commission vous propose, à l'unanimité, d'adresser au Conseil d'Etat une nouvelle motion.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Deux mots d'abord pour dire quelles sont les raisons qui ont poussé la commission à proposer une nouvelle motion regroupant les préoccupations des deux motions précitées :
1) Ces deux motions soulèvent, en partie du moins, des préoccupations du même ordre, mais abordées sous un angle différent.
2) Chacune de ces motions comportait aussi bien des préoccupations essentielles, partagées par l'ensemble des commissaires, que des assertions susceptibles de les diviser.
La violence en milieu scolaire existe bel et bien, et a certainement pris des formes nouvelles. Cela suffit pour en faire une préoccupation légitime. Mais la violence augmente-t-elle réellement en milieu scolaire ? Aucune des personnes auditionnées n'a pu le confirmer.
Autre exemple : lorsque l'on parle de pédagogie des valeurs, on pourrait sous-entendre que les valeurs peuvent être enseignées telles quelles. Ceci est à l'évidence un leurre, confirmé par les enseignants auditionnés.
Enfin, quand on parle de valeurs, il faut se mettre d'accord sur les valeurs que l'on entend enseigner.
Néanmoins, la commission a jugé que ces deux sujets méritaient une attention toute particulière. Elle a jugé que la violence en milieu scolaire était certes une violence inacceptable, mais qu'elle était indissociable des autres formes de violence auxquelles les enfants sont soumis.
Rappelons à cet effet quelques chiffres issus du rapport fédéral sur l'enfance maltraitée : cinq mille cas de maltraitance infantile en Suisse en 1992, quarante mille cas d'abus sexuels pendant la même période; mais aussi un chiffre issu d'une recherche conduite dans notre service : deux cent cinquante cas de tentative de suicide chez des adolescents de moins de vingt ans à Genève, au cours de ces deux dernières années.
Comment notre parlement pourrait-il ne pas réagir face à un constat de cette gravité ? Comment pourrait-il, en préalable à toute réaction, ne pas réaffirmer avec la plus grande énergie les valeurs qui figurent explicitement dans la loi sur l'instruction publique, auxquelles nous sommes tous viscéralement attachés ?
D'aucuns regretteront que cette nouvelle motion n'incite pas à des actes, législatifs ou non, plus concrets.
Mais aucune loi ni aucun règlement ne supprimeront d'un coup de baguette magique la violence en milieu scolaire; aucune loi ni aucun règlement ne pourront imposer à chaque individu les attitudes, le comportement, le savoir-être nécessaires au respect des valeurs essentielles de notre société.
Bien sûr, faut-il donner aux enseignants les outils pour reconnaître la violence, bien sûr faut-il les encourager à briser le silence, qui a l'air pesant, bien sûr faut-il les encourager à travailler entre eux, avec les enfants, mais aussi avec les parents, sur le regard que les uns portent sur les autres. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ne l'oublions jamais, la violence est générée par l'humiliation.
Ainsi, c'est l'effort de toute la société qui est requis pour combattre les situations qui mènent aux frustrations, aux humiliations et donc à la violence. C'est donc aussi la détermination unanime de notre parlement que nous devons affirmer dans ce domaine.
Comment expliquerions-nous à nos enfants, par exemple, la nécessité de gérer la violence qui naîtrait obligatoirement des humiliations que ne manquerait pas d'engendrer l'application à la lettre de la loi sur les mesures de contrainte ? C'est bien à nous qu'il appartiendra de veiller au grain !
Comment expliquerions-nous à nos enfants que la violence, si elle fait hélas partie des modes d'expression naturels, est de tous les modes d'expression l'un des plus abjects, si nous ne leur donnons pas les outils d'un regard critique, mais tolérant, sur le monde qui nous entoure ?
Comment transmettrions-nous à nos enfants le sens de la loi sur l'instruction publique - je pense plus particulièrement à son fameux article 4 - si nous n'étions pas capables de réduire la fracture entre le monde de ceux qui font partie intégrante de la société et celui de ceux qui en sont peu à peu exclus, que ce soit par le chômage, par la maladie, par l'âge ou simplement parce qu'ils viennent d'ailleurs ?
C'est tout cela que la commission de l'enseignement, unanime, a voulu dire en vous proposant d'accepter, avec conviction et détermination, la motion qui vous est actuellement présentée.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie M. Unger pour son rapport, reflet des auditions, mais également - et c'est ce qui me semble le plus important - reflet d'un souci partagé d'essayer de trouver le moyen d'intervenir pour atténuer certaines formes de violence. La motion qui ressort des travaux de la commission, que nous allons adresser ce soir à Mme Brunschwig Graf, ne m'emballe pas. Néanmoins, j'ai accepté de la signer en guise de soutien aux efforts fournis par les membres de la commission de l'enseignement. C'est sans doute ce que l'on appellera une motion consensuelle.
Je n'étais pas très favorable au traitement commun des deux motions, leur contenu étant par trop différent. La violence en milieu scolaire est un constat. Partant de ce constat, peut-on se donner les moyens de l'atténuer ? Voilà la question posée par la première motion. Je suggérais dans l'exposé des motifs quelques pistes basées sur des expériences réalisées dans d'autres cantons. La commission n'a pas souhaité, semble-t-il, développer ces pistes. C'est d'autant plus dommage que, suite à un article paru dans la presse au sujet de cette motion, j'ai été contactée par des enseignants du canton de Vaud qui m'ont fait parvenir cette semaine un document intitulé «La pratique de l'enseignement devant le phénomène de la violence». C'est le travail d'un groupe d'enseignants et de psychologues, paru en novembre 1994, qui m'a confortée dans l'idée que les enseignants reconnaissent le problème et sont prêts à essayer de le résoudre. Je me permettrai de vous transmettre, Madame, une copie de ce document.
J'espère que le département reprendra l'exposé des motifs de la motion initiale et collectera les informations, afin de profiter d'expériences, semble-t-il, positives ayant lieu dans d'autres cantons. Voilà pour la première motion.
La deuxième motion, elle, défendait un contenu beaucoup plus vaste et philosophique, sachant que pour une centaine de personnes ici présentes il existe sans doute autant de définitions différentes du mot «valeurs». Cela dit, les deux motions ont leur raison d'être, mais, encore une fois, je trouve que l'on n'aurait pas dû les traiter ensemble.
J'insiste donc, Madame la présidente du département de l'instruction publique, pour que vous nous rendiez un rapport sur ce qui se fait actuellement dans le cadre de votre département en matière de prévention de la violence et, également, que vous acceptiez de faire une synthèse des expériences existantes.
On a dit à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas d'augmentation de la violence en milieu scolaire et qu'il ne fallait pas exagérer l'ampleur du problème. Je vous rassure, mon souhait n'est pas de faire du catastrophisme. Mais pourquoi faut-il toujours attendre que les problèmes soient aigus pour intervenir ? La prévention, comme son nom l'indique, vise à prévenir les problèmes qui pourraient devenir graves et tente de les atténuer.
Dans le même état d'esprit, je vous annonce le dépôt d'un projet de loi visant à réglementer la vente ou la location de cassettes vidéo violentes aux mineurs. J'ai appris, grâce à une émission de la télévision suisse romande, que n'importe quel enfant pouvait se rendre dans un vidéoclub et y acquérir les cassettes les plus violentes. Pour m'être entretenue avec la journaliste de l'émission qui a visionné certaines de ces cassettes, je puis vous assurer que le mot «violence» est un euphémisme ! Puisque le simple bon sens qui voudrait que les propriétaires de vidéoclubs prennent quelques précautions ne suffit pas et que la compétence est cantonale, je vous proposerai, lors d'une prochaine session, que nous débattions de ce problème.
Avant de conclure, j'aimerais encore poser une question à Mme Brunschwig Graf. En relisant le Mémorial, Madame, j'ai constaté que vous nous aviez promis une réponse à plusieurs anciennes motions concernant votre département pour le mois de juin 1994 ou pour le mois de septembre. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est, notamment des motions portant sur la maltraitance des enfants ?
Notre groupe votera donc le renvoi de la motion 958 au Conseil d'Etat, en priant Mme Brunschwig Graf de bien vouloir tenir compte des remarques dont j'ai fait état.
M. Dominique Belli (R). C'est avec un grand plaisir que, comme motionnaire, j'ai constaté la célérité avec laquelle travaille la commission de l'enseignement. J'en remercie son président.
Je salue également l'effort qui a été fait par Mme Brunschwig Graf, présidente du DIP, qui nous avait assuré de l'analyse conjointe et rapide de ces motions et qui a tenu parole.
Quant au sort réservé aux deux motions, on peut dire qu'il n'est que relativement satisfaisant. Mes remarques porteront surtout sur la motion 905-A relative à la violence. On assiste à nouveau à une pudeur un peu malvenue, pudeur de reconnaître des phénomènes existant gênants, et on peut regretter que, même dans l'enceinte de notre Grand Conseil, cette pudeur existe dès que l'on parle des enfants.
La banalisation de la violence scolaire a donné lieu dans cette motion à une banalisation par les commissaires, et je ne peux franchement pas accepter les conclusions de la commission. En effet, elle parle de la perception de la violence et de ce qui a été amélioré au cours des dernières années, mais elle n'évoque pas réellement l'augmentation de cette violence. Contrairement à ce que dit l'excellent rapporteur de cette motion, c'est faux ! Je peux le dire par mon expérience personnelle de père, en regardant ce qui se passe dans les préaux d'écoles de mes propres filles, et, également, par mon expérience de pédiatre. La lecture des journaux locaux et internationaux nous montre que cette analyse est fausse et que l'augmentation de la violence scolaire est bien réelle.
J'en veux pour preuve que, lors des auditions, M. Laplace, de la SPG - il doit savoir ce qu'il dit - a déclaré, je cite : «La violence a beaucoup diminué dans l'école une fois que celle-ci a disposé d'un préau.». Donc, la violence existait bien, puisqu'elle a diminué par la suite ! D'autre part, les actions entamées par le DIP, qui sont résumées en page 6 du rapport : séminaires sur l'enfant et la violence, actions auprès des élèves, constitution de groupes d'enseignants intéressés et actions de prévention, ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont bien là parce que la violence scolaire existe !
Alors, à ce titre, puisque je ne peux pas admettre la conclusion des commissaires de la commission, l'invite a) de la nouvelle motion, qui consiste simplement à informer le Grand Conseil sur ce qui se fait, me paraît insuffisante. Je me réserve - ou à d'autres membres de mon groupe - la possibilité de revenir à la charge, à l'avenir, si nous nous rendons compte que le problème n'a été qu'effleuré et qu'il n'est absolument pas réglé.
Je voudrais terminer sur une note plus optimiste s'agissant des voeux pieux qui ont été formulés dans ce rapport, je veux parler de la reconnaissance de cette violence et la tentative de briser le silence qui l'entoure. Ce dernier point me paraît devoir être une règle essentielle pour tous les problèmes touchant à l'enfance, que ce soit de la violence scolaire ou familiale, de la maltraitance. Il faut également promouvoir la prévention. En d'autres termes, en me réservant la possibilité de revenir sur ce sujet, je réitère mes remerciements à la commission.
La nouvelle motion, à mon sens, nous permet d'effectuer un retrait de la motion 905-A et de la motion 929-A.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Le principe de la fusion de ces deux motions portant sur la violence et sur la pédagogie des valeurs me semble judicieux. En effet, j'ai dit clairement que la non-violence était l'une des valeurs essentielles et que ce problème s'intégrait parfaitement dans le cadre d'une motion dont le souci est de transmettre pédagogiquement ces valeurs. Cette fusion ne m'a donc pas posé de problème, et c'est bien volontiers, comme l'a dit M. Belli, que nous retirerons les deux motions initiales, lorsque cette nouvelle motion de la commission aura été votée.
Certes, au passage, la nouvelle motion ampute quelques points qui m'étaient chers, mais le consensus - c'est vrai, Madame Bugnon - est à ce prix. Je trouve particulièrement dommage d'avoir perdu les termes «pédagogie des valeurs», car c'est bien de cela qu'il s'agit. Personne n'imagine qu'il est possible de donner un cours supplémentaire aux enfants sur ce sujet, mais bien de transmettre des attitudes et des comportements qui révèlent aux enfants quelles sont les valeurs importantes à vivre et à faire vivre. Voilà pour le principe de fusion des deux motions.
M. Unger me fait l'honneur de me citer dans le rapport. Je l'en remercie. Puisque l'occasion m'en est donnée, je profite de préciser ma pensée et de poser une question sur ce point. Le tir, c'est exact, cher Monsieur Unger, est un sport. Pour certains, il est même un sport comme un autre. Pas pour moi ! L'image d'un gosse avec un fusil dans les mains est une image que je refuse. Même si ici chez nous ces gosses s'amusent, ailleurs, dans le monde et trop souvent, des dizaines de milliers d'enfants ne font pas semblant avec leur fusil. Je reconnais que j'expose là mes états d'âme et que chacun est libre de pratiquer le sport qui lui plaît.
Par contre, j'ai évoqué en commission - ce contre quoi je m'insurge et je continuerai de m'insurger - le fait que tous les jeunes, je dis bien tous les jeunes, filles comme garçons, sur ce point il n'y a pas de discrimination, reçoivent de l'administration - donc aux frais du contribuable - une invitation à pratiquer le tir, cela dès 16 ans. Pourquoi n'invite-t-on pas les jeunes à pratiquer le golf, ou l'aile delta, ou autre chose encore ? Je refuse que mes impôts servent à faire de la publicité pour un sport que je désapprouve du plus profond de moi-même et je ne comprends pas pourquoi le tir fait l'objet d'un tel privilège ! Il faudra que l'on m'en explique la raison.
Enfin, sur le fond de cette motion, M. Unger, dans son rapport, a encore parlé très fortement du contenu profond de cette motion. Quant à moi, il y a longtemps que j'hésitais à la déposer. Elle me semble, en effet, ne pas être seulement un acte politique, mais aussi un acte moral. Nous allons montrer par notre vote notre détermination à ce que les valeurs de solidarité, de respect, de paix, de tolérance et de non-violence soient vécues dans nos écoles, là où se façonne la société de demain. Facile !
Mais alors, nous politiques, nous devons montrer une certaine cohérence et voter d'autres points avec ce même souci. Cela n'est pas si simple. Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans notre ordre du jour, nous devrons nous prononcer sur des pétitions concernant le renvoi de certaines familles en provenance du Kosovo. En commission, une majorité a d'ores et déjà refusé de suivre ces demandes. Comment est-il possible, dans une même séance, de voter un projet qui demande à la présidente du département de l'instruction publique et aux enseignants de faire tout leur possible pour faire vivre la solidarité et la tolérance à nos enfants et, en même temps, de voter le renvoi de gosses au Kosovo dans une région où il n'y a plus d'école, plus d'hôpitaux et plus même un minimum de confort ? Que vont comprendre nos enfants confrontés au départ de l'un de leurs camarades ? Comment vont-ils pouvoir se situer entre les valeurs qu'on leur explique et les actions qui se déroulent au sein même de leur école ?
Je vous laisse avec cette interrogation. Pour moi, cette motion pose la question de la logique, et je dirai presque même de l'honnêteté morale du politique !
Mme Janine Berberat (L). La proposition de motion qui vous est soumise émane d'une volonté unanime de la commission de l'enseignement, et il est donc évident que le groupe libéral la soutient.
J'aimerais, cependant, apporter quelques nuances à un texte que nous avons, par ailleurs, tous adopté, et revenir sur certains points développés dans l'excellent rapport de M. Unger. S'agissant de nos préoccupations liées à la violence en milieu scolaire, il nous a été précisé que ces cas restaient isolés. A ce jour, aucune information objective ne permet d'établir qu'il y a recrudescence d'actes de violence dans nos écoles. Nous pouvons d'ores et déjà en être reconnaissants à nos enseignants. La violence ne peut pas être supprimée, mais la meilleure façon de la limiter reste encore la politique du terrain : gérer les problèmes dans un cadre local avec les personnes concernées.
S'agissant de la promotion des pratiques pédagogiques, si nous souhaitons, en effet, que nos enfants apprennent les valeurs qui nous paraissent essentielles - et ce sont entre autres, pour nous libéraux, la tolérance, le respect des autres et la prise de responsabilité personnelle - nous pensons aussi, sans rien enlever à la mission éducative de notre école, que ces valeurs sont le mieux transmises dans le cadre familial d'abord, dans le cadre social ensuite. Il reste entendu que le cadre social de l'enfant est, par excellence, le cadre scolaire, mais ces valeurs si elles peuvent être transmises ne peuvent pas forcément être enseignées.
Enfin, s'agissant de veiller à l'application des dispositions légales de la loi sur l'instruction publique et, plus particulièrement, de l'article 4, alinéas c) et d), qui sont fondamentaux, nous souhaitons que notre corps enseignant continue à promouvoir les alinéas a) et b) tout aussi importants, à savoir donner à chaque enfant le moyen d'acquérir les meilleures connaissances dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d'apprendre et de se former, aider chaque enfant à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité, ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques. Comment, en effet, demander à l'homme et à la femme de demain d'être conscients de leur appartenance au monde qui les entoure, d'être prêts à jouer leur rôle tant pour le défendre que pour réparer ses inégalités si il et elle ne reçoivent pas des bases solides, une formation de qualité, qui répondent aux réalités de la vie, qu'elle soit sociale ou économique ?
Mesdames et Messieurs les députés, la transmission du respect des valeurs est très importante. Elle dépend essentiellement de l'engagement de chacun de nous, des enseignants - c'est évident - mais aussi et surtout des parents et familles élargies, et cela bien plus que de l'Etat ou du respect de dispositions légales.
Le groupe libéral encourage le département de l'instruction publique dans les actions qu'il entreprend dans le domaine concerné par la motion 958 et vous propose de l'adresser au Conseil d'Etat.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Notre loi sur l'instruction publique, comme le relève le rapporteur, a prévu des dispositions excellentes pour assurer la transmission du respect des valeurs essentielles, mais ce que l'école ne peut empêcher, c'est évidemment l'imprégnation des enfants par les valeurs dominantes qui s'exercent dans la société contemporaine. Celle-ci est une société, comme on dit aujourd'hui, «mondialisée», dont le spectacle nous parvient quotidiennement. Ces enfants devenus grands ne sont pas forcément des adultes capables de transmettre à leur tour le respect des valeurs essentielles, même lorsqu'ils sont enseignants. En effet, il s'agit, comme l'a très justement souligné Mme Elisabeth Reusse-Decrey, d'une mission extrêmement difficile.
Nous vivons dans une société dominée par les facteurs économiques. Et l'économique est un champs de lutte, de concurrence, de compétition, dans lequel les faibles sont vaincus et exclus et les forts vainqueurs au pouvoir. Nous vivons dans une société où le libéralisme du marché conduit à ne pas refuser le spectacle de la violence à la télévision, ou, comme l'a évoqué tout à l'heure une de nos collègues, dans le marché des cassettes vidéo. Nous vivons dans une société qui prône des valeurs éthiques indiscutables - le consensus qui a prévalu pour l'élaboration de cette motion le prouve - et, en même temps, admet un respect complet de la marchandise reine. Quel est le moyen de se situer, de résister, de comprendre le monde, de se référer à des valeurs, lorsque ce monde est à ce point divisé et à ce point fondamentalement contradictoire ?
Spinoza au XVIIème siècle disait que la politique commence là où l'individu, confronté à la réalité, se pose des questions, cherche à comprendre l'enchaînement des causes et finit par intervenir dans cet enchaînement pour y mettre son grain de sel ! C'est bien en favorisant un enseignement qui augmente chez l'enfant la compréhension des tenants et des aboutissants du monde, absurde et violent par ailleurs, dans lequel il vit, qu'on encourage des comportements fondés sur le respect d'autrui, sur le refus de la violence, sur la créativité, sur la capacité de dire non, sur la capacité de choisir et sur des valeurs éthiques fondamentales de justice, de solidarité et de paix.
La mission - c'est un des messages de cette motion - de l'Etat dans la formation des maîtres est essentielle, et c'est peut-être aujourd'hui dans cette formation que le plus grand travail reste à faire.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Voilà mon papier qui s'envole, mais qu'importe !
A l'issue de ce débat, j'aimerais vous rappeler que si les députés de la commission de l'enseignement ont souhaité traiter ces deux motions ensemble - je le dis particulièrement pour Mme Bugnon, pour qui ces sujets sont préoccupants - c'est parce que ces problèmes sont liés et leur solution également.
En effet, nos investissements dans la formation des élèves, notamment dans une pédagogie permettant d'acquérir des valeurs essentielles, conduisent à lutter contre la violence à court, mais surtout à moyen ou à long terme. Les grands discours sont inutiles. Il faudrait plutôt relire l'article 4, aux alinéas c) et d) dont le contenu figure dans le rapport de la commission. Il dit l'essentiel de ce que doivent devenir nos enfants pour pouvoir se permettre de construire le monde qu'ils souhaitent. C'est le but de l'école dans notre canton. La loi qu'il s'est donnée en est le moyen. Cette loi avait été approuvée par le parlement, et elle est suivie scrupuleusement par le département de l'instruction publique.
La question n'est pas de savoir s'il y a ou non de la violence dans nos écoles, et si celle-ci est en augmentation ou non. Peu importe, en définitive ! Cette violence existe à l'école comme elle existe partout. A partir de là, le département de l'instruction publique s'est donné un certain nombre de moyens pour la prévenir et pour lutter. Vous me demandez, en fait, de vous informer sur tout ce qui est entrepris et tout ce qu'il est possible d'entreprendre. C'est comme cela que je comprends votre motion. Ce n'est pas un satisfecit, mais plutôt une obligation d'étudier la question et de vous tenir au courant de nos projets.
Je relève deux choses. Tout d'abord, les réformes de l'enseignement s'inscrivent dans leur idée d'autonomie dans le droit-fil de ce que vous recherchez en m'adressant cette nouvelle motion. Ensuite, la formation des enseignants, telle qu'elle est conçue pour 1995, s'inscrit dans la direction que vous désirez. Cela étant, force est de constater qu'il ne sera jamais possible d'empêcher toute violence, mais il faut se donner tous les moyens nécessaires pour faire de la prévention, lorsque cela est possible. S'il n'y a pas davantage de violence dans nos écoles, c'est bien grâce aux efforts de prévention déjà mis en oeuvre, même s'ils ne sont pas parfaits et suffisants - nous voulons bien le reconnaître.
Vous recevrez le rapport du département sur les questions précises que vous nous posez. Vous recevrez, Madame la députée, par le même biais, réponse à la motion 833, qui traite de la maltraitance. En effet, si nous n'avons pas encore déposé ces réponses c'est que les sujets que vous traitez à l'heure actuelle au sein des commissions nous permettent justement de répondre non seulement sur les motions actuelles mais aussi sur des motions passées.
Il faut saluer ici l'unanimité de la commission qui a su écouter, interroger, creuser et conclure par des invites, qui - n'ayez crainte - permettront de recevoir des réponses satisfaisantes sur tous ces sujets. Elles ne seront pas des fins en soi. Nous les considérerons comme un encouragement à poursuivre notre réflexion et nos actions dans ce domaine.
M 958
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la transmission du respect des valeurs essentielles
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
les préoccupations légitimes liées à la violence en milieu scolaire;
les préoccupations liées à la maltraitance infantile;
la montée du racisme, du nationalisme et de l'intégrisme;
la plaquette éditée par le département de l'instruction publique s'intitulant: «L'an 2000, c'est demain; où va l'école genevoise?»;
l'article 4 de la loi sur l'instruction publique
invite le Conseil d'Etat
à informer le Grand Conseil sur:
a) ce qui se fait actuellement à Genève, plus particulièrement dans les écoles, en matière de prévention de la violence et de la maltraitance;
b) la façon dont l'enseignement public applique les dispositions légales concernant la transmission du respect des valeurs essentielles, tout particulièrement en ce qui concerne les articles 4, alinéas c et d et 6, de la LIP;
à promouvoir des pratiques pédagogiques qui transmettent ces valeurs dans tous les ordres d'enseignement;
à assurer, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, la promotion de ces objectifs et à favoriser toute forme de concertation entre les enseignants.
M 905-A et M 929-A
La présidente. Les motions 905-A et 929-A sont retirées par leurs auteurs.
La séance est levée à 19 h 20.