République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 décembre 1994 à 17h
53e législature - 2e année - 2e session - 50e séance
PL 7146-A et objet(s) lié(s)
4. Deuxième débat sur le rapport de la commission des finances chargée d'étudier :
Deuxième débat
CHAPITRE 1 : CHANCELLERIE D'ETAT
Budget de fonctionnement
Le budget de fonctionnement de la chancellerie d'Etat est adopté.
CHAPITRE 2 : FINANCES
Budget de fonctionnement
Administration fiscale (Rub. 24.00.00)
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Je voudrais m'exprimer sur les postes 40 et suivants, s'agissant des impôts.
Je profite de l'occasion pour poser une question à M. Vodoz concernant un article paru dans la «Tribune de Genève» sur un spécialiste de la chasse aux trésors. Dans cet article, M. Charpillod, directeur de ce secteur, parlait des contrôleurs fiscaux. J'ai été étonné d'apprendre qu'il ne s'occupe plus que des réclamations, des reprises de commissions et des dénonciations. Je sais que l'on n'aime pas entendre parler de fraude fiscale, mais certaines personnes ne remplissent pas correctement leur feuille d'impôts. Votre prédécesseur, M. Ducret, avait fait des déclarations sur les contrôles fiscaux à l'époque où il était responsable des finances. Il leur donnait une grande importance, car ils rapportaient à peu près 60 à 63 millions, dans les années 1980.
Or, j'ai appris que vous donniez moins d'importance à ces contrôles, puisque, à l'époque, pour effectuer ce travail ils étaient treize à quatorze contrôleurs fiscaux sans compter le directeur et que, maintenant, ils ne sont plus que huit et ne travaillent plus de la même manière qu'avant.
Alors, avez-vous donné une nouvelle orientation à ce service ? Etes-vous moins enclin à récupérer l'argent des contribuables qui «omettent» certains détails en remplissant leur feuille d'impôts ?
On nous critique toujours parce que nous ne proposons rien de constructif. Eh bien, moi, je prétends que vous ne cherchez pas véritablement à combattre ce fléau qu'est la fraude fiscale. Il faut dire les choses comme elles sont ! Monsieur le conseiller d'Etat, pouvez-vous nous répondre ?
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Contrairement à ce que vous indiquez - d'ailleurs, vous le savez - j'ai eu l'occasion, devant ce Grand Conseil, d'exposer les projets de restructuration de la division des contrôles, réalisée il y a deux ans et demi, division dirigée par M. Charpillod. J'ai expliqué le caractère pointu de la formation des contrôleurs, qui sont désormais quasiment tous des universitaires compte tenu de la complexité des affaires fiscales. Nous avons pris ces mesures avec l'appui, d'ailleurs, d'une firme d'un autre canton que Genève.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Vous avez très bien répondu, Monsieur le conseiller d'Etat. Je suis satisfait dans l'ensemble, mais vous dites que les contrôles sont toujours plus grands. Alors, comment cela se fait-il que le nombre des contrôleurs ait diminué de 15 à 8 ? Comment peuvent-ils faire plus de contrôles en étant moins nombreux ? Il y a quelque chose que je ne m'explique pas, Monsieur le conseiller d'Etat !
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je comprends pourquoi un certain nombre de réformes ont de la peine à être comprises !
Il faut savoir que les outils dont ces personnes se servent ont considérablement changé. Nous disposons aujourd'hui - je ne vais vous dévoiler tous les systèmes en notre possession - d'un matériel informatique sophistiqué grâce auquel nous pouvons déceler toutes les anomalies des déclarations fiscales, par rapport à un système de grilles élaboré par profession. Par ce moyen, les dossiers à contrôler sont automatiquement désignés.
Mais il faut aussi vous dire, Monsieur le député, que l'administration fiscale ne part pas du principe que tous les contribuables sont des fraudeurs. Certaines baisses de revenus sont parfaitement explicables, c'est la raison pour laquelle tous les contrôles n'aboutissent pas à des redressements. Ces contrôles servent essentiellement à constater que le contribuable a régulièrement rempli sa déclaration fiscale. De ce point de vue, je me refuserai toujours à considérer le contribuable comme un fraudeur en puissance. Les moyens technologiques à notre disposition nous permettent de déceler les anomalies et, ensuite, nous allons sur le terrain.
C'est la raison du grand changement opéré il y a trois ans. La commission des finances et la commission fiscale en ont été informées directement par M. Charpillod, directeur de cette division. Avec une équipe plus restreinte, mais plus performante, et après avoir modifié les règles d'approche, notamment en autorisant les contrôleurs à aller sur place, ce qui n'était pas le cas avant, nos résultats sont meilleurs.
Je ne me souviens pas des chiffres des années 1980 que vous alléguez. Je les ferai contrôler et je vous donnerai les chiffres exacts des contrôles fiscaux, de 1980 à nos jours, à la salle des Pas-Perdus à l'occasion d'une prochaine séance.
Le budget de fonctionnement du département des finances est adopté.
Budget des investissements
Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit pour l'acquisition de matériel et de logiciels pour le centre cantonal d'informatique. (PL 7133-A)
Ce projet est adopté en deuxième et troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
ouvrant un crédit pour l'acquisition de matériel et de logiciels pourle Centre cantonal d'informatique
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Un crédit global de 480 000 F est ouvert dès 1995 au Conseil d'Etat pour l'acquisition de matériel et de logiciels informatiques pour le Centre cantonal d'informatique.
Art. 2
Ce crédit est inscrit au budget d'investissement sous la rubrique28.00.00-536.49.
Art. 3
Le taux d'amortissement applicable à cet investissement est fixé à 25% de la valeur résiduelle.
Les budgets des investissements de la chancellerie d'Etat et du département des finances sont adoptés.
CHAPITRE 3 : INSTRUCTION PUBLIQUE
Budget de fonctionnement
La présidente. Madame Charrière Urben, il faut nous préciser à quelle rubrique budgétaire correspondent vos amendements, sinon je suis dans l'incapacité de les faire voter. Si on n'y arrive pas, vous les présenterez en troisième débat. Etant donné que nous sommes saisis du premier amendement émanant du rapport de minorité de Mme Leuenberger, nous allons d'abord procéder à son examen.
Instruction publique (Rub. 31.00.00-365.10)
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je me permets de revenir sur l'amendement que j'avais déjà présenté l'année dernière, car je constate que le texte voté par le Grand Conseil en 1990 n'a toujours pas été respecté. Mon seul souci est de constater que nous sommes bien maîtres du budget, comme on nous le dit. Je ne vois donc pas pourquoi le Conseil d'Etat met les pieds au mur pour revenir sur un objet voté; je veux parler de la subvention attribuée au théâtre du Grütli qui était de 300 000 F à l'origine et qui a été diminuée de 50%, alors que tous les autres théâtres ont subi une baisse de 10% seulement. C'est une situation d'injustice, et je propose, effectivement, que la subvention soit ramenée à 300 000 F à la rubrique 31.00.00-365.10.
D'autre part, pour que l'amendement que je propose ne modifie pas le résultat global du budget, je suggère que cette somme soit prélevée sur les frais informatiques.
La présidente. Si j'ai bien compris, la compensation que vous proposez porte sur l'enveloppe informatique de 38 millions !
Mme Sylvia Leuenberger, rapporteuse de deuxième minorité. C'est cela !
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Nous avons examiné plusieurs fois cet amendement en commission des finances. Malgré cela, Mme Leuenberger persiste et signe ! Permettez-moi de vous dire, chère petite Madame... (Cette expression arrache des remarques admiratives à l'assemblée, qui éclate de rires.) ...que vous m'amusez à persister dans votre proposition de 300 000 F pour le théâtre du Grütli, alors que vous avez d'ores et déjà annoncé que vous ne voterez même pas les 150 000 F que nous proposons, puisque vous refusez de voter le budget dans son ensemble !
Cela étant dit et pour aborder le fond du problème - cela a été dit et redit, mais, puisqu'il faut le redire, on le redira - cette subvention de 300 000 F n'a, en réalité, jamais été d'un tel montant. En effet, 150 000 F étaient destinés à la subvention proprement dite au Grütli et les autres 150 000 F étaient destinés au centre d'art dramatique qui devait être transféré au Grütli. Or, ce centre ne l'a jamais été. Malheureusement, cette subvention a continué à être versée par le département de l'instruction publique à la suite d'un malentendu. Erreur ne fait pas comptes, un jour il a fallu rectifier cette erreur !
Le Grütli a été informé en temps utile qu'il ne toucherait plus les deux subventions. Ensuite, Mme Brunschwig Graf, pour l'exercice 1994, a tenté d'amortir le choc en versant environ la moitié de la subvention supplémentaire, même plus, puisqu'il s'agissait de 85 000 F si je ne me trompe pas. Mais il était bien entendu que cette aide était transitoire. Il faut donc arrêter de revenir sur ce mythe des 300 000 F de subvention pour le théâtre du Grütli et retrouver une situation plus saine !
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Monsieur Blanc, ces 150 000 F de subvention qui n'ont jamais été votés par le Grand Conseil sont aussi un mythe pour vous. C'est pour cela que je me bats sur ce point, car le Grand Conseil avait été très clair à ce sujet. La subvention à l'ESAD n'est jamais apparue dans le PL 6135-B voté à l'unanimité par le Grand Conseil.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Alors que j'étais encore députée, nous avons eu l'année dernière un vaste débat sur cette subvention au Grütli.
Il est effectivement apparu que certaines précisions manquaient dans l'exposé des motifs du projet de loi. Cela a été dit en commission des finances. J'ai eu l'occasion de fournir à cette dernière les lettres qui étaient envoyées chaque année à M. Meister, du théâtre du Grütli, lettres qui mentionnaient, précisément, au moment du versement de la subvention, quelle part était destinée à la subvention en elle-même et quelle part était destinée au transfert de l'ESAD au Grütli. Ce transfert n'ayant jamais eu lieu, il est logique que la part lui étant destinée tombe.
L'année dernière, votre Grand Conseil a retourné la pétition qui demandait le rétablissement des 150 000 F au Conseil d'Etat. Mais votre Grand Conseil, comme vous le savez, n'accepte pas une pétition telle quelle. Il fait des commentaires et formule une demande. Ce qui avait été demandé à l'époque, y compris par Mme Leuenberger, était d'éviter une diminution de subvention brutale pour le théâtre du Grütli, qui n'avait pas eu le temps de se retourner. Nous avons donc agréé à cette demande, et nous avons d'ailleurs écrit aux députés qui avaient défendu la pétition. Ils se sont d'ailleurs déclarés satisfaits du versement des 80 000 F.
Mme Leuenberger nous ayant rappelé, par ailleurs, l'activité fertile de ce théâtre, j'ai demandé, par curiosité, que l'on m'indique les montants que nous versions indirectement au Grütli, par le biais de troupes qui y sont accueillies grâce aux subventions que nous versons sur le fonds d'aide à la diffusion. En 1991, 93 000 F supplémentaires ont été versés par ce biais. En 1992, 145 000 F, en 1993, 105 000 F, en 1994, 230 000 F et en 1995, avant que l'année ait commencé et sous réserve de l'acceptation du budget, 80 000 F sont déjà prévus pour cinq projets ! Cela signifie que le Grütli peut encore, par le biais des aides versées à ces troupes, obtenir indirectement des soutiens supplémentaires si d'autres troupes le demandent. J'estime, Madame, avoir tenu compte de votre souhait et de celui des députés en veillant à ce que la subvention ne soit pas diminuée brutalement - ce qui a été le cas.
Pour éviter toute ambiguïté, j'ai voulu recevoir personnellement M. Meister et lui expliquer de vive voix ce qu'il ne comprenait pas. Nous nous sommes mis d'accord pour que la commission d'attribution des fonds puisse travailler en collaboration avec le Grütli, en faisant des prévisions, pour que ce théâtre puisse véritablement procéder aux accueils qu'il est censé faire. Honnêtement, je pense avoir rempli la mission que les députés m'avaient confiée et respecté l'esprit dans lequel la subvention au Grütli doit être versée.
La présidente. Je mets aux voix l'amendement de Mme Sylvia Leuenberger qui figure à la page 214 du rapport que vous avez sous les yeux, à savoir de porter la rubrique 31.00.00-365.10 à 300 000 F au lieu de 150 000 F.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Enseignement primaire (Rub. 32.00.00)
M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Nous l'avons relevé tout à l'heure, en 1995, l'augmentation des effectifs dans l'enseignement primaire sera de plus de neuf cents élèves et les dernières estimations vont encore au-delà de ce chiffre. Nous estimons que la vie scolaire d'un enfant se joue souvent et principalement pendant cette période scolaire. Diminuer l'encadrement dans ce secteur revient à hypothéquer la vie scolaire d'un certain nombre d'enfants, ce qui peut avoir de graves conséquences pour la suite.
D'autre part, nous vous l'avons dit tout à l'heure, au niveau de l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates, il y a une accélération des travaux qui porte... (Quelques députés sourient.)
Mme Claude Howald. Il n'y a pas de rapport direct !
M. Bernard Clerc, rapporteur de deuxième minorité. S'il vous plaît, vous permettez !
...qui porte sur une augmentation des crédits d'investissement, et nous proposons donc de les réduire de 20 millions en reprenant la planification initiale prévue. Je vous rappelle également que les subventions fédérales sont acquises dès le moment où les travaux sont adjugés et on ne peut donc pas utiliser ce prétexte pour modifier le plan des travaux.
En d'autres termes, entre une accélération des travaux d'un tronçon d'autoroute et l'avenir scolaire des enfants, notre choix est fait. Nous vous proposons donc d'augmenter la rubrique 302, traitement du corps enseignant dans le primaire, d'un million représentant à peu près dix postes, ce qui est loin, d'ailleurs, de correspondre à l'augmentation des effectifs des élèves.
La présidente. Merci, Monsieur Clerc ! Il s'agit bien de la rubrique 32.00.00-302 ?
M. Bernard Clerc, rapporteur de première minorité. Oui, c'est cela !
La présidente. Cette rubrique propose de porter le montant à 292 564 000 F.
Mme Claire Chalut (AdG). En fait, je suis un tout petit peu empruntée, parce que je ne sais pas si je me trouve dans le bon chapitre. Mais cela ne fait rien, je vais tout de même poser la question, car je n'ai pas trouvé le numéro de la rubrique concernée. Je trouve qu'il serait courtois que l'on arrête, sur les bancs d'en face, de nous abreuver de toutes sortes de «boeufferies» à chaque fois que nous intervenons ! (Rires et manifestation.) C'est vraiment énervant !
J'aimerais poser une question à Mme Brunschwig Graf. Je crois savoir que l'Etat alloue une petite subvention à la bibliothèque de la prison de Champ-Dollon. Si tel était le cas, j'aimerais en connaître le montant. Merci de votre réponse.
La présidente. Bien, Madame ! Nous verrons à quel chapitre nous devrons vous répondre.
Mme Claire Chalut. Merci, Madame !
Mme Liliane Charrière Urben (S). Vous connaissez notre souci de voir l'enseignement et tout ce qui le concerne être préservé des turbulences qui agitent notre société. Il est bien certain que, lorsqu'on discute de prise en charge des enfants, on fait à la fois de l'enseignement et de l'éducation, mais aussi de la prévention. A ce niveau, j'aimerais attirer votre attention sur ce qui constitue ce que l'on a appelé les «loisirs de la jeunesse».
La présidente. Madame Charrière Urben, je suis navrée de vous interrompre, mais nos débats portent sur l'amendement de M. Bernard Clerc ! Je sais que c'est un peu compliqué pour vous, mais ça l'est aussi pour nous ! Mesdames et Messieurs, je vous demande d'être attentifs à l'amendement qui est en discussion avant d'intervenir.
Mme Claire Chalut avait posé la question...
Mme Liliane Charrière Urben. Je suis navrée, Madame, je n'avais pas demandé la parole sur ce sujet. J'ai pensé que vous m'aviez donné la parole à propos de l'amendement.
La présidente. Vous savez, nous vous inscrivons dans l'ordre où vous levez la main, et nous ne savons pas sur quel objet vous voulez intervenir !
Mme Liliane Charrière Urben. J'ai dû faire un geste intempestif, parce que je n'ai pas levé la main à ce moment de l'ordre du jour.
La présidente. Bien, Madame ! Alors, je serai attentive quand vous lèverez à nouveau la main !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Chaque année, puisque c'était déjà le cas l'année dernière, un amendement est proposé au budget de l'enseignement primaire !
Lorsque cet amendement avait été proposé l'année dernière, on nous prédisait une rentrée scolaire qui allait très mal se passer, malgré les engagements que j'avais pris pour que les forces soient réparties en fonction des besoins sur le budget global. Or, la rentrée 1994 s'est si bien passée que nous avons, en tout et pour tout, 12% de classes comptant plus de vingt-deux élèves et seulement trois qui atteignent vingt-six élèves. Nous avons en revanche 14,7% de classes de dix-sept élèves ou moins.
J'ai dit ce jour-là que les ordres d'enseignement s'étaient mis au travail pour collaborer et pour mettre à disposition du primaire un certain nombre de postes. Cela a été fait. Malgré cela, le cycle d'orientation, à la rentrée, ne compte pas en moyenne plus de dix-sept à dix-huit élèves par classe et l'enseignement primaire a toujours les moyens de consacrer six postes à la préparation de la formation des enseignants primaires à l'université. Alors, j'estime que, pour 1994 et par rapport aux déclarations faites en décembre 1993, le mandat a été rempli.
J'ajouterai encore autre chose. Il est vrai que le nombre d'élèves augmente, mais il est vrai aussi que le nombre de classes augmente. Nous avons, à la rentrée 1994, augmenté l'effectif des classes de l'enseignement primaire. En effet, vous devez savoir que nous ne diminuons pas les postes dans des ordres d'enseignement aveuglément, ni sans tenir compte des prestations que nous fournissons aux élèves. Nous procédons de façon interne à des réflexions, à des restructurations et à des rationalisations qui permettent, justement, d'utiliser certaines forces en fonction des besoins des élèves.
M. Mérieux, professeur, est venu récemment de France. Il est reconnu par les enseignants comme étant une personnalité respectée en matière d'enseignement et notamment de rénovation de l'enseignement primaire. Il a tenu une conférence à laquelle assistaient sept cents enseignants. A cette occasion, on lui a demandé s'il était nécessaire de diminuer les effectifs par classe. Sa réponse a été la suivante : «En France, et je ne parle que pour la France, je réponds qu'effectivement le nombre d'élèves par classe mérite d'être un tout petit peu diminué, considérant la moyenne de trente-huit à trente-neuf élèves de certaines classes.». Il a ajouté qu'avec vingt-cinq élèves par classe - ce qui est loin d'être notre cas et ce qui n'est pas notre objectif - il était possible de réaliser beaucoup de bonnes choses.
Pour terminer, j'aimerais vous rappeler ce que disait le rapporteur de minorité socialiste au rapport du budget 1992. Il s'agissait du deuxième rapport du budget, celui qui succédait au renvoi du budget par ce Grand Conseil au Conseil d'Etat. Nous avions travaillé à la commission des finances pour savoir quelles étaient les propositions d'économies possibles. La liste comportait à peu près quarante-deux propositions, sur lesquelles tous les députés avaient débattu. Le rapporteur de minorité, représentant le parti socialiste, faisait dans son rapport un certain nombre de commentaires, acceptant certaines propositions et en refusant d'autres. Mais il disait aussi que, je cite : «Le parti socialiste est par contre d'accord d'entrer en matière sur une série de propositions de l'Entente.». Or, l'augmentation modulée du nombre des élèves par classe figurait dans cette liste !
Cette augmentation est effectuée de telle manière que, même dans les circonscriptions difficiles, aucune classe ne compte plus de vingt-deux élèves. L'augmentation qui aboutit, pour la rentrée 1994, à 19,85 élèves par classe est aussi une photographie qui montre que cette moyenne est nettement inférieure dans certaines circonscriptions. Le rapporteur de minorité de l'époque, que nous respections à la commission des finances, affirmait, au nom de son groupe, des choses qui ne sont pas bien différentes de ce que nous faisons aujourd'hui.
Tout à l'heure, M. Vodoz répondra sur le plan technique. Moi, je le fais sur le plan politique. Il n'est pas nécessaire d'accepter cet amendement. Je me suis engagée, comme je l'ai fait l'année dernière, au gré des rentrées et selon l'organisation du département, à affecter d'autres postes, en plus des onze postes, pour de nouvelles ouvertures de classe si cela s'avérait nécessaire. Je suis convaincue que l'année prochaine je pourrai faire les mêmes remarques devant ce parlement.
Hier, un certain nombre d'écoles ont manifesté leurs inquiétudes sous différentes formes. Ces inquiétudes sont très largement entretenues par un certain nombre de tracts et de rumeurs. Elles sont dues au fait que l'on ne parle jamais du nombre de classes ouvertes en supplément, mais toujours des postes supprimés globalement. Il faudra lever cette inquiétude, et ce n'est pas en rajoutant le million et demi qui est prévu à l'amendement proposé qu'on atteindra ce but.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Mme Brunschwig Graf nous donne des moyennes du nombre d'élèves par classe et je désire poser une question à ce sujet. Les moyennes tiennent-elles compte des classes spéciales qui, par définition, doivent comporter des effectifs extrêmement réduits ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Non !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Je vous remercie de votre réponse.
J'apprends en outre que seulement trois classes comptent vingt-six élèves ou plus. J'ai le «privilège» d'avoir deux de mes enfants dans une de ces trois classes. Ce sont des enfants de cinq ans. M. Blanc semblait nier, tout à l'heure, les difficultés rencontrées dans les classes trop nombreuses. Eh bien, je peux vous assurer qu'il est très difficile de s'occuper de vingt-six enfants de cet âge. J'ai une admiration profonde pour les enseignants qui le font, Monsieur Blanc. Vous évoquez les classes de trente-cinq enfants, comme c'est le cas en France, et vous avez dit que ces élèves n'étaient pas moins bien instruits que les petits Genevois. C'est possible, mais vous ne dites pas qu'en France dans bien des écoles la police doit être présente pour faire face à l'augmentation de la violence !
M. Pierre Vanek (AdG). On entend des choses qui sont parfaitement discutables ! Mme Martine Brunschwig Graf vient à l'instant de nous parler de moyennes en disant que bon nombre de classes sont en dessous de cette moyenne. C'est évident. Le but est d'éviter que cette moyenne augmente dans de trop fortes proportions. Elle indique également que l'inquiétude des enseignants primaires est liée à la diffusion de tracts. C'est un peu ce que l'on nous a dit hier s'agissant de la taxe universitaire. C'est faire insulte à l'intelligence des personnes concernées ! L'inquiétude manifestée n'est pas due aux tracts. J'en ai diffusé bon nombre dans ma vie et je vous assure... (Rires et commentaires.) Vous êtes rassurés ?
Les enseignants du primaire sont parfaitement capables de réfléchir, et il me semble qu'ils sont en mesure d'apprécier, probablement mieux même que Mme la présidente du département, les conditions concrètes dans lesquelles ils pratiquent leur métier. Or, ces conditions se dégradent systématiquement. Un amendement est proposé pour rétablir une dizaine de postes d'enseignement. Je vous concède qu'il est discutable étant donné le nombre d'élèves supplémentaires prévu - je crois mille deux cents - car c'est une soixantaine de postes qu'il faudrait créer ! Les propositions qui vous sont faites ne sont que des broutilles à l'égard des besoins essentiels de l'enseignement primaire.
Le problème du nombre d'élèves par classe est purement quantitatif. Il faut aussi considérer l'aspect qualitatif. Il faut notamment se préoccuper de l'évolution de la nature de la composition de ces classes, du maintien - c'est une bonne chose - de l'intégration dans ces classes d'un certain nombre d'élèves qui, par le passé, se seraient trouvés dans des classes spéciales, de conditions d'enseignement difficiles, du caractère multinational, multilinguistique, multiculturel des élèves qui arrivent dans ces classes. D'un côté c'est une richesse, mais c'est aussi une difficulté supplémentaire pour les enseignants. Cela est d'autant plus difficile que les classes dépassent vingt élèves par classe, je vous assure - je parle d'expérience - c'est très difficile.
Ensuite, la position de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique, me paraît surréaliste. Hier, dans le débat sur la taxe universitaire, elle nous a parlé des énormes efforts entrepris, notamment en matière de rénovation de l'enseignement primaire. Or, à l'évidence, ces «énormes efforts» n'existent pas dans le projet de budget que nous avons reçu du département de l'instruction publique. Je cite, en page 3 de ce rapport : «Au-delà de ces objectifs scolaires, cette réforme est susceptible de contribuer à l'effort de réduction des coûts.». C'est bien là que le bât blesse ! On entreprend une réforme avec un certain nombre d'objectifs qui ne sont pas de se conformer mieux à la loi sur l'instruction publique pour corriger les inégalités et que chaque enfant ait les mêmes chances de réussir sa scolarité. Non, bien au contraire, les réformes se contentent de réduire les coûts !
La réforme de l'enseignement primaire est discutable, indépendamment de l'augmentation des effectifs. C'est vrai qu'il y a un peu de tout dans les documents que nous avons reçus à ce sujet. Elle n'aurait pas due être présentée comme une réforme non négociable. Mme Buffat a dit dans un article que cette réforme était très bien à condition que les enseignants comprennent que l'école cesse d'être une machine à «égaliser». Cette position va à l'encontre de la loi sur l'instruction publique.
Pour que cette réforme aboutisse à une réussite, elle demande des moyens accrus en encadrement, en finances et en personnel. Or, non seulement on ne veut pas donner ces moyens, mais en plus on les réduit; c'est ce qui ressort de ce projet de budget. Les choses sont tout à fait claires, à moins que Mme Brunschwig Graf prétende que nous avons mal lu le projet, ou que ce n'est pas ce qu'elle a voulu écrire ! C'est ce qu'elle a déjà fait sur le premier point de ce budget, lorsqu'elle a dit, je cite : «...qu'il fallait asservir de manière mécanique l'école aux besoins de l'économie.». (Manifestation.) Vous voulez que je lise exactement ce qui est écrit ? Alors, je cite : «Il faut assurer une formation de qualité répondant aux besoins économiques.». C'est tout à fait clair !
Vous n'avez pas employé le mot «asservir», mais vous avez dit «répondant», tout en précisant que c'est le premier objectif, ce qui est parfaitement illégal au regard des objectifs fixés par la loi sur l'instruction publique. On nous a dit que c'était un dérapage - c'est semble-t-il une habitude ! - regrettable d'un subordonné. Le dérapage est effectivement regrettable. Je ne sais pas si ce qui est écrit en page 3 est également un dérapage, mais, en tout cas, cela éclaire particulièrement nettement les énormes efforts que le département compte effectuer en matière de rénovation de l'enseignement primaire ! Le 8 décembre 1994 - cela est donc récent - les enseignants responsables, conscients des difficultés rencontrées sur le terrain de l'ASPG, réunis en assemblée générale, se sont engagés à geler toute progression de la rénovation proposée si les moyens en personnel, visant à l'encadrement et à la diminution du nombre d'élèves par classe, ne sont pas attribués dans le budget 1995.
L'amendement proposé n'est qu'une goutte d'eau par rapport à ce qu'il faudrait faire. Je vous engage donc évidemment à l'accepter sans aucune réserve.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Madame la présidente, je vous présente mes excuses pour ma méprise de tout à l'heure. Elle était pendable !
En ce qui concerne les effectifs d'élèves par classe, je souligne que, effectivement, en lisant bien le budget de l'enseignement primaire, on s'aperçoit qu'il y a vingt classes de plus, ce qui est heureux. Mais où les prend-on ? Sur l'encadrement ! Autrement dit, on puise dans le stock - si vous me passez l'expression - des mesures d'encadrement, d'appui pédagogique, de différenciation, d'individualisation, d'observations plus fines que l'on peut faire lorsqu'on dispose d'un enseignant qui n'est pas en charge d'une classe mais qui peut s'occuper d'enfants en difficulté. On puise aussi dans les formateurs dont vous aurez remarqué - si vous avez le détail du budget de l'enseignement primaire - qu'il a été sensiblement diminué de 11 unités. C'est-à-dire que d'un côté on demande davantage de formation continue et d'encadrement pour le personnel, notamment à propos de la rénovation, mais par ailleurs on en diminue l'effectif. Je ne vois pas très bien comment le calcul peut se faire, en tout cas la réalisation !
Bien sûr, Monsieur Blanc, qu'il est possible de mettre trente-cinq élèves par classe; il suffit de pousser un tout petit peu les murs et de rajouter des chaises et des bancs ! Mais alors, il faut s'entendre sur la qualité de l'enseignement que nous voulons ! Nous avons probablement tous vécu dans des classes qui étaient très chargées. Le souvenir que vous en avez n'est peut-être pas très bon. Les résultats obtenus n'étaient pas très satisfaisants et, enfin, peu de personnes et d'enfants pouvaient poursuivre des études jusqu'à la maturité. Il est évident que le choix d'un effectif moindre dans les classes est aussi un choix pédagogique. C'est une visée qui va exactement dans le sens de la rénovation. Ou bien on en revient à des pratiques anciennes, ce qui est possible, mais alors il ne faut plus parler de rénovation mais de retour en arrière, ou bien alors on y met le prix. J'aimerais dire à M. Blanc, que ça n'a pas l'air d'intéresser beaucoup, qu'en France, s'il y a passablement d'élèves par classe, chaque école élémentaire, pour le moins... (L'oratrice est agacée parce que M. Blanc continue à converser.) Non, mais je vous ferai un petit exposé personnel, si vous le souhaitez ! (Rires.)
Donc, chaque école enfantine de l'enseignement français dispose de l'aide de personnes qui ne sont pas des enseignants mais qui sont là pour décharger les maîtresses d'un certain nombre de tâches et de répartition d'activités pour les élèves, ce qui, évidemment, change un tout petit peu la face des choses. Je regrette pour mes collègues français qu'ils aient des conditions de travail pareillement difficiles. Je relève également que, malheureusement pour eux, la situation de leur quartier est parfois catastrophique : agressions, attitudes d'élèves parfaitement désagréables dues au manque d'encadrement et au laisser-aller. Des dérapages sérieux ont eu lieu, aux Minguettes ou à Vaulx-en-Velin, mais il me semble que ce ne sont pas des exemples à suivre ! Nous pouvons effectivement nous honorer de n'avoir jamais eu de difficulté dans ce sens-là.
Les classes qui seront ouvertes en supplément l'année prochaine, même si elles ne sont évidemment pas suffisantes pour absorber l'augmentation prévue des élèves, vont être prises - vous l'avez bien compris - sur l'encadrement pédagogique, ce que nous appelons les généralistes non titulaires et sur les maîtres des disciplines spéciales. Ils sont pris également en partie sur la diminution du nombre de personnes chargées de la formation continue du personnel. Il est bien évident qu'on ne mettra jamais 1,5 litre dans un litre ! C'est ce qu'on essaye de faire en prenant d'un côté pour donner de l'autre.
C'est possible, mais, quelque part, il faudra renoncer à d'autres entreprises, et notamment à cette rénovation pédagogique à laquelle beaucoup d'enseignants et certainement une majorité de députés tiennent beaucoup. Pour cela, il faut lui donner les moyens de réussir en lui donnant quelques possibilités et quelques disponibilités. Chacun sait, quel que soit le domaine concerné, que lorsqu'on entame une rénovation, un changement d'attitude, un changement de pratique dans le travail, cela est mal accepté dans les premiers temps, parce que l'on ne fait pas encore spontanément un certain nombre de gestes. Il faut un certain temps d'adaptation. Il faut pouvoir se référer à des conseillers. Il faut avoir le temps de faire le point, de se rendre compte si on est bien dans la bonne direction.
Le travail en équipe préconisé par la rénovation pédagogique est particulièrement intéressant, mais - vous le savez bien - il est bien plus difficile de travailler à cinq ou dix que de travailler tout seul dans son coin. Il faut faire un projet, il faut se mettre d'accord sur les objectifs, il faut mettre sous les mêmes mots le même concept, ce qui n'est pas si simple que cela. Si nous voulons que cette rénovation pédagogique profite à nos enfants et réussisse - et nous y croyons - il faut lui en donner les moyens. Or, dans le projet de budget détaillé du DIP, l'on dit bien que pour appliquer cette rénovation pédagogique, compte tenu des moyens, on prendra aux uns pour donner aux autres. C'est cela qui est inadmissible.
Toutes ces mesures, de surcroît, entraînent le découragement. Vous avez peut-être pu vous rendre compte à travers les écoles que vous pouvez côtoyer dans votre quartier, de la manifestation d'inquiétude ou de mauvaise humeur, comme vous voudrez, qui a eu lieu hier. Décourager les gens d'entreprendre une rénovation pédagogique aussi importante, aussi porteuse d'espoirs que celle qui est entrevue maintenant, c'est vraiment prétériter l'avenir de nos enfants, et cela nous ne pouvons pas l'admettre. Pour que cette rénovation pédagogique réussisse, pour que les conditions de travail des enfants - les enfants d'abord ! - soient maintenues, il faut que l'enseignement primaire puisse disposer des postes nécessaires à la bonne continuation de son enseignement.
Je termine. L'enseignement primaire a vécu au moins une dizaine de rénovations dans les quinze dernières années. Vous les connaissez toutes. Celle-ci est de loin la plus importante, la plus porteuse d'espoirs et de changements. Pour cela, donnons-lui les conditions de sa réussite, sinon nous la mènerons à l'échec et cela sera bien regrettable.
Il est bien entendu que nous soutenons la proposition qui avait été faite au début de la séance par M. Bernard Clerc.
La présidente. Monsieur Bernard Lescaze, je sais que vous êtes impatient de prendre la parole, mais je vous prie de respecter le temps de parole de vos collègues !
M. Bernard Lescaze (R). Mais, Madame la présidente, certaines personnes se trompent d'amendement et parlent deux fois ! (Commentaires et manifestation.)
Le débat doit porter non pas sur la réforme de l'enseignement primaire si importante soit-elle, mais sur l'objet même qui se trouve aujourd'hui soumis à notre attention, à savoir un amendement d'un million et demi consacré à l'enseignement primaire.
La présidente. Un million, Monsieur Lescaze !
M. Bernard Lescaze. La somme n'a pas d'importance, Madame la présidente... (L'orateur est hué par l'assemblée.)
La somme n'a aucune importance dans la mesure où le Conseil d'Etat nous présente un budget qui respecte parfaitement les buts assignés à l'enseignement primaire par la loi sur l'instruction publique. La somme qui est portée à notre budget est de 323 586 000 F. Cette somme est amplement suffisante pour les tâches qui sont assignées à l'enseignement primaire, n'en déplaise à ceux qui ont déposé cet amendement tout à l'heure.
Il y a une bataille de chiffres sur les effectifs par classe, mais un chiffre n'a pas été cité, pourtant il est simple à comprendre pour tout le monde. En principe, les gens qui sont titulaires d'une classe à l'école primaire s'appellent des généralistes titulaires et ils sont distincts des maîtres de discipline spéciale ou des formateurs, par exemple. Eh bien, à côté de ces généralistes titulaires, il existe ce que le jargon de l'enseignement primaire appelle des GNT - des généralistes non titulaires - parce qu'ils n'ont pas la maîtrise d'une classe de vingt à vingt-deux élèves. Il faut savoir que, dans les effectifs de l'enseignement primaire du département de l'instruction publique du canton de Genève, il y a un généraliste non titulaire pour deux généralistes titulaires.
Une voix. C'est faux !
M. Bernard Lescaze. (L'orateur est chahuté et il hausse le ton pour se faire entendre.) Cela montre bien, même si la proportion n'est pas tout à fait juste, qu'elle est importante ! (Hilarité générale et quolibets fusent.) Vous pouvez clamer votre désarroi, en réalité les effectifs actuels de l'enseignement primaire sont parfaitement suffisants. Lorsqu'on nous parle des nécessités de la réforme, il est quand même paradoxal de constater que vous ne voulez pas de cette réforme et qu'avant même de l'avoir tentée, vous prétendez qu'il faut davantage de personnel, alors que vous n'en savez rien. Il est parfaitement concevable que des réformes soient effectuées avec le même nombre d'enseignants.
C'est pourquoi je vous propose de rejeter purement et simplement cet amendement !
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne voulais pas intervenir... (L'orateur commence son intervention dans un chahut indescriptible.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est 12 h 10. Nous en sommes au deuxième département, seulement. Alors, au moins, ayons une certaine discipline dans nos débats !
M. Pierre Vanek. Je ne voulais pas intervenir, mais en entendant de tels propos, on est malheureusement obligé de le faire ! C'est bête ! En l'occurrence, Monsieur Lescaze est bête à manger du foin ! (Rires.) Je pense qu'il devrait manger du foin et ne pas parler la bouche pleine, cela lui éviterait de dire ce genre de choses !
J'ai sous les yeux la page 52 du budget du département de l'instruction publique. Il y figure un tableau concernant le personnel, classes et titulaires : en 1994, mille quatre cent soixante-sept, généralistes non titulaires, cent soixante-neuf, qui s'occupent de lier les cours particuliers ! (L'orateur est toujours chahuté et il s'époumone pour se faire entendre.) (La présidente fait sonner la cloche.)
Les effectifs de classes ont été évoqués. En fait, si on veut centrer le débat sur l'amendement proposé, il n'est même pas question de cela. Le tableau que je vous ai cité montre très bien l'évolution entre le budget 1994 - donc la situation actuelle - et le projet de budget 1995. Il y a une baisse de cent soixante-neuf à cent cinquante-neuf de ces généralistes non titulaires. Les dix postes que l'on pourrait rétablir là n'auraient aucune incidence sur les effectifs de classe, mais ils permettraient à ces GNT, qui, contrairement à ce que laisse sous-entendre M. Lescaze, ne sont pas des parasites inutiles... (Cette dernière remarque fait monter la tension.) ...j'ai dit «laisser entendre» ! Il a quand même bien dit que l'on pouvait supprimer des postes dans ce secteur, que ça ne changeait rien et que ça permettait de remplir les objectifs de la loi !
Même si cette mesure est intéressante d'un point de vue cosmétique, parce qu'elle permet de maintenir cette explosion des effectifs dans les classes dans certaines limites, elle attaque précisément les élèves les plus défavorisés, ceux qui ont besoin d'appui, ceux qui ont besoin d'un enseignement plus individualisé - nous sommes en plein dans le discours sur la réforme - les non-francophones, ceux dont parle l'article 4 E de la loi sur l'instruction publique, s'agissant des inégalités de chances.
L'amendement proposé tente de rétablir cet aspect, aussi, je le répète, si vous ne le votez pas, vous êtes des s... (L'orateur se retient visiblement très fort. Un tollé général s'ensuit et l'assemblée s'écroule de rires.) Voilà ce que j'aurais aimé vous dire !
Mme Liliane Charrière Urben (S). Je tiens à faire une simple remarque en matière d'arithmétique élémentaire, destinée à M. Bernard Lescaze !
Il y aura mille quatre cent quatre vingt-cinq classes l'année prochaine, c'est-à-dire mille quatre cent quatre-vingt-cinq instituteurs ou institutrices. Autour d'eux, dans les écoles, travailleront cent cinquante-neuf généralistes non titulaires; ce sont des personnes qui font de l'encadrement pédagogique, de l'appui pédagogique. Ils sont là pour aider les élèves en difficulté, cela représente à peu près... (L'intervenante est interrompue par M. Bernard Lescaze.) Non mais, tu me laisses continuer ! J'aimerais bien que M. Lescaze prenne la parole quand il en aura le droit ! ...cela représente un généraliste non titulaire pour dix classes, cela se traduit en général, dans la pratique, par un demi-poste pour cinq classes. Ce qui correspond aux normes des écoles enfantines.
J'ajoute que l'enseignement spécialisé, dont nous avons écouté une présentation fort intéressante pas plus tard que mercredi, est à saturation. D'ailleurs, le budget détaillé de l'enseignement primaire le mentionne. Il sera donc possible de mettre davantage d'enfants par groupe d'enfants en difficulté, mais cela sera au détriment de la qualité. Ce seront donc les enfants qui payeront la facture !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Partant du principe que tout ce qui est excessif est insignifiant, ma réponse sera donc brève ! Nous traiterons des questions factuelles telles qu'elles ont été posées et non pas des déclarations faites par M. Vanek faisant état du dérapage d'un subordonné !
A la rentrée 1995, répondant aux soucis de Mme Charrière Urben, le nombre de postes dans l'enseignement spécialisé passera de cent cinquante et un à cent cinquante-sept. Cela signifie que six classes pourront être ouvertes ou, en tout cas, que les appuis dans ce domaine seront renforcés. J'aimerais également vous dire ce que j'aurais dit si j'avais eu la parole après M. Lescaze. Calculette en main, j'arrive effectivement à un peu plus de 10% de postes de généralistes non titulaires par rapport au total de postes de titulaires de classe.
Cela étant, les auteurs de la réforme, ceux qui y travaillent depuis plusieurs années, ont été interrogés lors de la préparation de ce budget pour savoir s'il était possible de débuter la rentrée 1995 avec dix écoles, compte tenu du budget que nous avions préparé. La réponse est formelle : c'est oui ! Ce travail a été fait en sachant ce qui allait être entrepris, ce qui allait être préparé et ce qu'il serait nécessaire de faire. Cette affirmation m'a en outre été confirmée par des responsables du département de l'instruction publique qui se sont déplacés en France dans une école qui pratique cette rénovation, pour constater de visu quels moyens étaient nécessaires et ce qu'il fallait mettre en oeuvre, par rapport à ce que nous avions prévu. Sur cette base, je peux affirmer que la rentrée 1995 devrait se passer d'autant mieux que, comme je l'ai déjà répété, si besoin est, nous aurions encore la possibilité de dégager à l'intérieur du département les forces nécessaires pour renforcer l'effectif de l'enseignement primaire.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je voudrais dire un mot sur la portée de l'amendement sur lequel vous allez voter. Je ne vais, en effet, pas aborder le problème de fond.
Le principe même de l'amendement vise à réduire une rubrique d'investissement au profit d'une rubrique du compte de fonctionnement. Je vous rappelle que la loi sur la gestion administrative et financière distingue deux natures de dépenses. Tout le problème réside là, puisque c'est la nature des dépenses qui détermine l'inscription au budget de fonctionnement ou au budget des investissements. Je veux parler, d'une part, des dépenses répétitives, annuelles, c'est-à-dire les dépenses de fonctionnement, et celles qui sont uniques, qui ne se répètent pas ou qui entrent dans le cadre d'un plan pluriannuel, soit les dépenses d'investissement.
Par conséquent, on ne peut pas - c'est d'une telle évidence que je m'étonne même de cette proposition - suggérer une compensation entre un montant d'une dépense unique par une autre dépense ou une autre recette figurant dans le compte de fonctionnement. C'est la raison pour laquelle, en tout cas en matière de technique budgétaire admise depuis toujours en comptabilité publique ou privée, on ne peut pas le faire.
Il est vrai qu'avant l'introduction du nouveau modèle de comptes - comme c'est le cas pour le budget de la Confédération - on avait un compte financier dans lequel tout était enregistré. L'Etat de Genève fonctionnait comme cela, le compte de fonctionnement et le compte d'investissement formaient un tout. Lorsque la Confédération investit 5 milliards pour des dépenses d'équipement ou autre, le budget est amplifié d'autant, et l'année suivante, le budget est diminué. Le nouveau modèle de comptes depuis 1985 le prohibe. C'est ce que confirme, d'ailleurs, dans la précision des notions, la loi votée par ce Grand Conseil.
M. Christian Grobet (AdG). Malgré tout le respect qui vous est dû en tant que président du Conseil d'Etat, vous me permettrez, Monsieur Vodoz, de contester formellement la thèse que vous venez de défendre !
Vous vous êtes fondé sur des principes. Vous avez dit que l'on ne peut pas procéder au transfert d'une dépense du budget d'investissement au budget de fonctionnement, cela en vertu du nouveau modèle de comptes. Mais pour que l'on puisse s'opposer à la proposition qui est faite, il ne suffit pas d'invoquer des principes. Vous qui êtes un excellent juriste, vous savez qu'il faut se fonder sur des textes légaux pour pouvoir défendre cette thèse. Or, s'agissant plus particulièrement de la loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion que vous avez invoquée tout à l'heure, cela s'applique à la structure du budget.
Du reste, il n'y a pas deux budgets. Il n'y a qu'un seul budget de l'Etat de Genève qui, comme cette loi l'indique, comporte deux subdivisions. Le budget est unique. Cela ressort non seulement de la loi que vous avez invoquée sur la gestion administrative et financière de l'Etat. L'article 25, alinéa 2, si vous voulez bien vous y référer, parle de cela. (L'orateur est interrompu par M. Vodoz.) Puisque vous l'avez sous les yeux, vous auriez pu le lire pour vous en convaincre !
J'ajoute à cela, Monsieur le président du Conseil d'Etat, que la loi budgétaire qui nous est soumise et qui figure au début de ce document est particulièrement claire, puisque la loi budgétaire parle elle-même d'un seul budget : le budget administratif. Elle indique que ce budget comprend - c'est l'article 6 - le budget de fonctionnement et le budget d'investissement. Il n'y a donc bien qu'un seul budget, et c'est l'article 81 de notre constitution cantonale qui est déterminant, en définitive, pour savoir si l'amendement formulé est recevable à la forme ou non.
En effet, il fixe les limites dans lesquelles des amendements peuvent être présentés au Grand Conseil, dans le cadre du budget qui a été présenté par le Conseil d'Etat. Alors, que dit cet article ? Je me permets de le relire. (L'orateur est interrompu par M. Gougler.) Pour refuser un amendement, Monsieur Gougler, il faut se fonder sur une disposition légale ! M. Vodoz a évoqué uniquement l'article 25 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat qui ne dit nullement que ce type d'amendement est irrecevable. L'article 81 de la constitution est le seul qui fait foi, je cite : «En votant les budgets annuels, le Grand Conseil ne peut pas dépasser la somme totale - je dis bien la somme totale - des dépenses fixées par le Conseil d'Etat, sans prévoir concurremment la couverture financière de ce dépassement. L'emprunt ne peut être considéré comme une couverture financière.».
La proposition, telle qu'elle est formulée, n'augmente pas les dépenses totales. Vous savez, du reste, que le découvert du budget de l'Etat qui est unique fait l'objet de l'article 13 du projet de loi budgétaire qui demande de recourir à 760 millions d'emprunt pour couvrir le découvert. Or, la proposition qui est faite n'augmente pas le découvert, ni le total des dépenses; elle transfère une dépense d'une subdivision du budget dans une autre. Par voie de conséquence, il est indiscutable que cet amendement est recevable !
Peut-être aurait-il fallu modifier la constitution, Monsieur Vodoz, à la suite de l'introduction du nouveau modèle de comptes, qui a pour effet d'introduire deux subdivisions dans le budget, alors que les investissements faisaient déjà l'objet d'une comptabilité à part, puisque j'ai pu vous citer dans les comptes rendus de 1985 la part des investissements. Il y avait donc bien une comptabilisation des investissements.
D'ailleurs, vous connaissez bien le problème, puisque l'une de vos secrétaires avait interjeté recours au Tribunal fédéral, s'agissant de l'aliénation des biens immobiliers de l'Etat. Vous aviez fait valoir, à ce moment-là, que c'était la constitution qui primait, ce qui avait amené l'adoption de l'article 80 A. Vous devez vous souvenir de cette affaire relative aux biens immobiliers de l'Etat, Monsieur Vodoz ! Donc, nous nous retrouvons dans le même cas de figure. L'article constitutionnel fixe les règles du jeu, alors n'essayez pas d'éluder le débat de fond par de mauvais arguments de forme !
M. Nicolas Brunschwig (L). Le débat abordé en ce moment me semble être un mauvais débat ! (Exclamations.) M. Grobet est sans doute un brillant juriste, et il vient d'essayer de nous en faire la démonstration une fois de plus, mais je n'ai pas les compétences pour juger de ses capacités.
Par contre, en ce qui concerne ses compétences et son intérêt pour le domaine comptable et financier, permettez-moi d'avoir quelques doutes. D'ailleurs, à l'époque où M. Grobet était conseiller d'Etat, même les membres de son ex-parti étaient un peu effrayés par les démonstrations de celui-ci en commission des finances. Il y affichait une grande méconnaissance et un désintérêt absolument total de ces sujets.
Il faudrait, Monsieur Grobet, que vous connaissiez la manière dont travaille la commission des finances sur le budget administratif, lequel est effectivement composé du budget d'investissement et du budget de fonctionnement. Les raisonnements et la manière dont nous travaillons en commission des finances par rapport à ces deux budgets suivent des raisonnements extrêmement différents, parce que les objectifs des uns ne correspondent pas totalement à ceux des autres. Dès lors, ces deux budgets ont des incidences financières extrêmement différentes, et nous ne pouvons absolument pas mélanger 20 millions au budget des investissements à 20 millions au budget de fonctionnement. Il est donc bien évident qu'il ne faut pas soutenir cette proposition, en arguant qu'elle est neutre économiquement et financièrement ! Ce n'est manifestement pas le cas. Je crois que la population ne peut pas être dupe de ce genre de choses.
Fondamentalement, un amendement ne doit pas être accepté ou repoussé pour des motifs juridiques ou comptables, mais pour des raisons politiques. Notre raison politique est de rétablir l'équilibre des finances publiques. Nous savons que cela vous intéresse peu. C'est votre droit, mais, nous, nous défendons nos principes, et cela définitivement !
M. Pierre Kunz (R). En entendant M. Grobet, je pensais qu'un jour je dirai tout le mal que je pense des juristes ! (Rires et quolibets fusent.) Je ne vais pas le faire aujourd'hui, ne vous inquiétez pas, cela prendrait trop de temps !
Mais revenons-en au fond. On nous propose une augmentation des dépenses prévues dans le budget de l'enseignement. C'est cela la réalité ! Or, disons-le clairement, notre école est excellente, mais elle nous coûte cher, elle nous coûte trop cher. Cette école peut faire aussi bien, avec moins de moyens. (Remarques.) J'attends, comme beaucoup de députés, du Conseil d'Etat qu'il prenne les mesures pour que l'école fasse aussi bien avec moins de moyens.
C'est vrai, cela demande des efforts au corps enseignant ! Et alors ? Le corps enseignant est-il le seul secteur de l'économie et de notre société à devoir fournir des efforts ?
M. Christian Ferrazino (AdG). Il me semble que nous arrivons au coeur du débat. M. Kunz prétend que l'école coûte cher. Il devrait aller jusqu'au bout de son raisonnement et nous proposer de les fermer, parce qu'apparemment c'est le genre de propositions que vous êtes capable de nous faire !
M. Brunschwig et M. Vodoz, eux, se retranchent derrière des arguments juridiques pour dire que cet amendement ne serait pas recevable. Monsieur Vodoz, je vous rappelle que le cadre des débats, s'agissant du vote du budget par le Grand Conseil, est défini par l'article 81 de la constitution dont la lecture vous a été donnée tout à l'heure par M. Grobet. Savez-vous de quand date cet article ? De 1936 ! Or, en 1936... Ecoutez, Monsieur Brunschwig, cela vous évitera de dire des choses fausses, comme tout à l'heure ! (L'orateur est fortement chahuté par les libéraux.) Cette disposition remonte à 1936 - je vois que vous connaissez l'histoire; c'est très bien, Monsieur Blanc ! - et elle fixe le cadre des débats. Elle ne parle que d'un budget et pour cause, puisqu'à l'époque il n'y avait pas de distinction entre budget de fonctionnement et budget d'investissement ! (M. Ferrazino est interpellé par M. Brunschwig.) Oui, mais j'y arrive, Monsieur Brunschwig. Ne soyez pas impatient, je vous explique calmement les choses, alors écoutez-les avec patience !
La loi à laquelle vous avez fait allusion, Monsieur Vodoz, sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, date du 7 octobre 1993. Vous le savez et je crois vous faire injure de devoir vous le rappeler, une loi quelle qu'elle soit ne peut pas être contraire aux principes constitutionnels qui sont les nôtres. Par conséquent, est-ce la loi adoptée par le Grand Conseil en 1993 qui prime ou la constitution dont la teneur n'a pas été modifiée ? La réponse est claire, et pour cela il n'y a pas besoin d'être grand juriste, Monsieur Kunz, mais cela peut être utile pour comprendre que la constitution se trouve au sommet dans la hiérarchie des normes juridiques. Monsieur le président, j'attends vos explications à ce sujet !
L'article 81 de la constitution ne fait pas de distinction entre le budget de fonctionnement et le budget d'investissement. Alors, quel est le but de cette disposition constitutionnelle ? Pourquoi avons-nous adopté cette disposition en 1936, qui fixe le cadre des débats et les compétences, par conséquent, du Grand Conseil en matière budgétaire ? Tout simplement, parce que nous n'avons pas la possibilité d'augmenter les dépenses par rapport au projet de budget qui nous est présenté par le Conseil d'Etat ! Il est donc faux de prétendre que l'on ne pourrait pas trouver une couverture financière dans le budget des investissements pour couvrir une dépense dans le budget de fonctionnement, car le but recherché par cette disposition constitutionnelle est d'éviter que le total des dépenses soit augmenté.
Ce qui compte, en fait, par rapport à cette obligation constitutionnelle que nous devons respecter, c'est le montant global de l'emprunt. Or, celui-ci, Monsieur le président, est toujours de 760 millions. En effet, nous n'avons pas la possibilité de proposer des amendements qui augmenteraient le total des emprunts de l'Etat. Par contre, nous pouvons proposer tous les amendements que nous voulons, contrairement aux dires de M. Vodoz, s'ils ne modifient pas le total des emprunts. Or, le total de ces emprunts est constitué de trois éléments : le solde des investissements nets qui ne sont pas autofinancés et retenus à concurrence de 136 millions, le déficit du compte de fonctionnement qui, lui, est retenu à concurrence de 379 millions et, enfin, les dépenses dues au chômage.
Alors, Monsieur Brunschwig, vous qui paraissez étonné que l'on puisse transférer une dépense dans le budget de fonctionnement en couvrant cette dépense dans le budget d'investissement, vous ne dites rien - et pour cause - sur l'anomalie curieuse qui consiste à mettre dans le budget d'investissement 240 millions pour le chômage ! Il me semble extraordinaire que l'on puisse considérer les sommes investies pour les chômeurs comme étant des investissements. En conclusion, si on diminue une partie des dépenses dans les investissements, comme nous le proposons, pour permettre d'autres dépenses, en l'occurrence dans le budget de fonctionnement, eh bien on ne modifie pas le montant total de l'emprunt qui reste constant. Par conséquent, on agit en pleine conformité avec les exigences constitutionnelles que je viens de rappeler.
Alors, Monsieur le président, il me semble qu'il faut être clair dans cette affaire. Il s'agit d'un choix politique, aussi ne vous réfugiez pas derrière des arguties juridiques pour laisser croire que ces amendements ne sont pas recevables. Nous venons de faire la démonstration, constitution à l'appui, que ces amendements sont parfaitement recevables.
La présidente. Je constate que nos débats sont en train de déraper sur le plan constitutionnel. Alors, on risque d'en avoir pour un bon moment !
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je n'ai pas pris l'initiative de faire déraper le débat sur le plan constitutionnel, Monsieur Grobet; je n'ai pas non plus voulu éluder le débat de fond. J'ai dit d'emblée dans ma déclaration que je n'aborderai pas le fond.
J'ai simplement précisé que je considérais, au nom de l'orthodoxie que vous avez d'ailleurs appliquée pendant huit ans, puis quatre ans avec moi, que l'on ne peut pas compenser un poste à l'investissement par un poste de fonctionnement en raison de la nature différente des rubriques. C'est comme si on voulait financer un poste d'enseignant en réalisant la vente de trois voitures ! Il y a une dépense unique qui est la vente de trois voitures et il y a une dépense répétitive annuelle qui est le salaire du fonctionnaire.
On a diffusé, il y a quelques jours, à la commission des finances la plaquette de M. Jéquier qui fait autorité dans ce domaine, et qui a été réactualisée. Je le dis très simplement, toujours au nom de l'orthodoxie comptable des collectivités publiques, que vous pourrez faire tous les combats juridiques que vous voudrez, s'agissant du modèle de comptes, on ne peut pas compenser une rubrique par une autre.
La seule compensation possible consiste à diminuer de 50 à 30 millions les investissements. Cela réduit l'emprunt à hauteur de 20 millions, ce qui fait descendre, évidemment, les intérêts dus sur cette somme. C'est seulement sur le montant de l'économie réalisée par la diminution de l'investissement que l'on pourrait trouver des recettes complémentaires qui permettraient de financer la dépense à hauteur du budget.
Au surplus, l'article 96 de la constitution prévoit qu'une proposition d'amendement doit faire l'objet d'une couverture financière, et le fait de différer une dépense d'investissement, puisqu'on vous propose de reprendre, en l'occurrence, un rythme différent de la planification des travaux de l'autoroute de contournement, ne constitue à l'évidence pas une couverture financière. Cela étant, que le Grand Conseil tranche s'il entend voter. Pour ma part, je voulais rappeler cela en mon âme et conscience.
La présidente. Je mets aux voix la proposition d'amendement de M. Bernard Clerc, qui vise à modifier la rubrique 32.00.00 - Nature 302, à la page 110 de votre budget, traitements du corps enseignant primaire, en portant le poste 302 à 228 484 000 F. Soit une augmentation de 1 million à prélever sur la rubrique des investissements 55.10.00 - Nature 79, routes nationales et travaux liés.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La séance est levée à 12 h 35.