République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7151-A
18. Rapport de la commission de l'université chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant : a) la loi sur l'encouragement aux études (C 1 1,5); b) la loi sur l'université (C 1 27,5); (Taxes universitaires). ( -) PL7151
Mémorial 1994 : Projet, 3724. Commission, 3738.
Rapport de majorité de M. Bernard Lescaze (R), commission de l'université
Rapport de minorité de M. Jacques Boesch (AG), commission de l'université

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Introduction

Pour faire face à l'augmentation du nombre des étudiants et des tâches de l'université de Genève, celle-ci n'a pas eu d'autre choix que de renoncer au principe de la gratuité des études. Elle entend donc percevoir auprès de ses étudiants «genevois» des taxes semestrielles comme elle le fait déjà auprès des étudiants confédérés et étrangers. Conformément à diverses recommandations émises par les instances universitaires suisses, ces taxes semestrielles devront être égales pour tous, sans discrimination d'origine ou de domicile et, à défaut d'être uniformes pour toute la Suisse, se rapprocher de la pratique générale.

Tout en permettant à l'université de Genève de s'assurer de nouvelles ressources, qui demeurent modestes par rapport au budget global de cette dernière, l'objectif de cette modification législative vise à l'affectation de ces nouvelles ressources à un meilleur encadrement, au sens large, des étudiants tout en s'assurant que le montant de ces taxes n'entrave pas l'accès aux études universitaires. En ce sens, le principe de la démocratisation de l'accès aux études reste valable. Il convient d'ailleurs de remarquer que le montant des taxes semestrielles prévues ne couvre qu'une très faible partie de ce que l'on pourrait appeler les frais d'écolage ou le coût moyen d'un étudiant.

Sous les présidences successives de M. Pierre Kunz, le 13 octobre 1994, de Mme Erica Deuber-Pauli, les 3 et 10 novembre 1994, et de M. Armand Lombard, le 24 novembre 1994, la commission de l'université a procédé à l'examen du projet de loi 7151 et aux auditions des milieux intéressés, à savoir le rectorat et la Conférence universitaire des associations d'étudiants (CUAE).

Travaux de la commission

Dans le budget 1995 de l'Etat de Genève, une somme de 4 750 000 F est inscrite au titre des taxes universitaires. Cette somme recouvre les2 650 000 F actuellement prélevés sur les étudiants confédérés et étrangers et 2 100 000 F correspondant à ce que l'on attend de l'augmentation des taxes. Celle-ci n'intervient qu'au début du semestre d'hiver 1995, il est évident que la somme sera supérieure en 1996, puisqu'elle correspondra à deux semestres, pour atteindre un total de 6 850 000 F.

Cette somme est bien inférieure à celle qu'on pourrait calculer en imaginant que les 13 000 étudiants de l'université paient tous une taxe semestrielle de 500 F. Il faut souligner ici que l'université de Genève pratique une politique d'exemption très généreuse. Le rectorat entend en effet exonérer du paiement des taxes tous les assistants immatriculés à l'université pour leur thèse, mais qui rendent des services précieux à l'enseignement et à la recherche. Il y a actuellement 710 postes d'assistants (parfois fractionnés entre plusieurs personnes), sans compter les 250 postes dépendant du Fonds national de la recherche scientifique ou d'autres fonds de recherche. De plus, les bénéficiaires d'allocations d'études (les allocataires), soit 650 personnes, sont exemptés, selon les dispositions légales. L'université prévoit en outre d'exonérer les boursiers de la Confédération et les étudiants non allocataires en situation difficile, alors que le projet de loi prévoit également une exemption pour les étudiants non allocataires dont le revenu des parents dépasse d'un certain montant (37 000 F en 1995) le revenu-plafond jusqu'auquel ils auraient pu bénéficier d'une allocation. C'est dire qu'on peut estimer à près de 3000 les étudiants qui ne seraient pas soumis au paiement de taxes semestrielles.

Il faudra certainement, à l'avenir, clarifier dans le règlement d'application, les diverses possibilités d'exonération afin que l'université n'encoure pas le reproche d'arbitraire.

Auditions

1. Le 3 novembre 1994, la commission a auditionné le professeur Luc Weber, recteur, et les professeurs Bernard Levrat et Luc Paunier, vice-recteurs.

Le recteur a rappelé que l'université avait constitué un groupe de travail dès juin 1992, suite à la demande de la commission des finances qui suggérait d'étudier la réintroduction de taxes semestrielles et à la lettre du canton de Zurich qui estimait contraire à l'accord intercantonal de dispenser les Genevois et pas les Zurichois des taxes d'études.

Trois principes sont à la base du projet de loi. Premièrement, les taxes doivent être identiques pour tous, Genevois, Confédérés et étrangers. Deuxièmement, les acquis sociaux sont garantis, c'est-à-dire que les allocataires sont exemptés des taxes. Troisièmement, le produit des taxes ne tombe pas dans la caisse de l'Etat mais va à l'encadrement des étudiants. A la demande du Conseil de l'université, il a été souhaité que des mesures soient prises pour venir en aide aux étudiants en situation difficile.

Le vice-recteur Levrat donne ensuite des renseignements sur la pratique actuelle qui autorise la commission sociale de l'université à ramener la taxe semestrielle des étudiants étrangers (500 F par semestre) au montant de celle payée par les Confédérés (300 F), alors que les Genevois ne paient que la taxe fixe, soit 65 F par semestre, comme tous les autres étudiants. A noter que le produit de cette taxe va à diverses oeuvres sociales et culturelles, à l'assurance-maladie et à la CUAE et que son montant ne figure ni au budget du département de l'instruction publique ni à celui de l'université, situation qui sera corrigée l'an prochain !

Pour le rectorat, il est nécessaire d'égaliser les taxes semestrielles par le haut afin de respecter l'accord intercantonal auquel tous les cantons sont parties prenantes. Il faut souligner que Genève verse 4 millions de francs à d'autres universités, mis encaisse 19 millions de francs. L'accord prévoit qu'il ne doit pas y avoir de différenciation entre cantons universitaires et non universitaires. On s'achemine d'ailleurs vers une égalisation des taxes en Suisse.

Il est aussi précisé que les directives financières et les principes de taxation seront concrétisés dans un règlement d'application du département de l'instruction publique et non dans un règlement interne de l'université, ce qui est important en cas de recours.

Le montant de la taxe sera fixé par le département de l'instruction publique sur proposition du rectorat. Pour ce qui regarde les possibilités d'exonération, le rectorat souhaite une grande souplesse dans l'application de la loi, afin que les services sociaux puissent continuer à user de leur sorte de règlement interne. Le rectorat s'est engagé vis-à-vis des étudiants à ce que la commission sociale de l'université puisse examiner les demandes de remboursement ou de non-perception des taxes.

La commission s'est alors interrogée sur la logique qui conduit à l'exemption des assistants. Le vice-recteur Paunier a rappelé que la pratique suisse est d'exonérer les assistants, qui fournissent des prestations importantes et qu'on ne saurait assimiler la taxe semestrielle à un impôt.

Puis la commission a demandé quelques précisons sur l'affectation des taxes universitaires. Le rectorat répond vouloir les utiliser en priorité pour des moniteurs, étudiants avancés qui seront engagés pour aider leurs collègues plus jeunes. Ces moniteurs existent déjà, bien qu'ils ne figurent pas dans la loi sur l'université. Leur taux d'activités ne devrait pas dépasser 25% afin d'éviter certaines charges sociales. Mais ce montant pourrait également servir à payer quelques assistants. Enfin, une somme d'environ 350 000 F serait affectée à l'allocation de fonctionnement pour faire face aux demandes de bourses supplémentaires. En revanche, le rectorat confirme que les taxes actuellement perçues ne sont pas affectées, mais entrent comme recette au budget de l'université. Le rectorat souhaite d'ailleurs que l'affectation reste très souple.

Toutefois, comme le fait remarquer un commissaire, l'interprétation du rectorat ne correspond pas à la lettre de la loi qui prévoit que l'ensemble des taxes semestrielles sera affecté à l'encadrement des étudiants. Il n'est donc pas possible d'envisager que seules les taxes des étudiants genevois financeront cet encadrement et que les autres montants iront ailleurs.

Il est admis par tous que l'encadrement des étudiants devrait être compris dans un sens large et comprendre aussi bien des moniteurs ou des assistants supplémentaires que la mise à disposition de salles de travail, de livres, etc. Dans cette optique est évoquée une «dîme du livre» allouée à la Bibliothèque publique et universitaire pour remplacer les subventions d'acquisitions supprimées par le département de l'instruction publique et qui permettrait à cette institution, très largement utilisée par les étudiants, de combler son retard par rapport aux autres bibliothèques universitaires romandes. Le rectorat se déclare d'accord sur le principe, mais souhaiterait limiter le pourcentage à 5% plutôt que 10%.

2. Le 24 novembre 1994, la commission auditionne les représentants de la CUAE, soit Mme C. Villamain, MM. G. Albano, B. Bugyil, C. Lopez-Quirland et A. Tacchini.

La CUAE se prononce fermement contre le principe de toute taxe semestrielle, estimant celle-ci contraire au principe de la démocratisation des études. Elle rappelle qu'il appartient à l'Etat de définir ses priorités et que l'on manque d'étudiants en Suisse. Face aux difficultés financières et à la dégradation de l'encadrement des étudiants, la CUAE préférerait que l'on entre en matière sur le projet qui prévoyait une réduction progressive des salaires des enseignants afin d'accroître le nombre des assistants. Jamais le corps professoral, que la CUAE estime trop payé, n'est entré en matière sur ce projet. A l'extrême rigueur, les étudiants auraient pu accepter une taxe «de solidarité» pour un ou deux ans, mais ils se refusent à en inscrire le principe dans la loi. Ils rappellent leur pétition de 1992 et soulignent que leur dernière assemblée générale, qui rassemblait 150 étudiants, a unanimement refusé ces taxes.

Invitée à préciser ce qu'elle entendait par encadrement des étudiants, CUAE l'envisage au sens large, comme comprenant aussi bien les assistants que les moniteurs, les locaux et le matériel. Elle émet des réserves sur les capacités des étudiants avancés prévus comme moniteurs et leur préfère de véritables assistants.

Enfin, la CUAE s'élève contre le montant de 1000 F par an qui lui paraît prohibitif.

Face aux questions des commissaires qui se demandent pourquoi la CUAE n'a pas protesté contre les taxes universitaires des étudiants confédérés et étrangers ou contre la participation des apprentis à leur écolage, les étudiants de la CUAE évoquent la loi actuelle qui permet à ceux qui paient des impôts de bénéficier de la gratuité des études et la nécessité de faire des économies dans d'autres domaines, comme la traversée de la rade. Finalement, la question de l'introduction éventuelle de taxes devrait être repoussée jusqu'à l'examen d'un projet global pour l'université, et le CUAE s'oppose donc à tout changement de la loi sur l'encouragement aux études.

Discussion

La première divergence mise en lumière par la commission porte sur l'instauration de taxes semestrielles pour les étudiants genevois, combattue au nom de l'égalité de traitement entre gens qui paient des impôts à Genève et gens qui n'en paient pas.

Or, la majorité de la commission rappelle qu'une taxe de cours est prélevée dans la plupart des universités européennes et qu'on ne saurait l'assimiler à un impôt. De plus, l'eurocompatibilité demande elle aussi l'égalité de traitement, comme l'accord intercantonal entre universités suisses. C'est donc bien l'instauration de taxes semestrielles pour tous les étudiants qui respecte le mieux l'égalité de traitement.

La seconde divergence porte sur le montant même de cette taxe. La majorité de la commission pense qu'il faut viser à l'uniformité en Suisse. Or, celle-ci semble se faire autour de 500 F plus que de 300 F, comme le prouve le tableau publié à la fin de l'exposé des motifs du projet de loi donnant l'état au 1er juin 1994.

En revanche, une large majorité se dessine pour que le montant total des taxes universitaires soit affecté à l'encadrement (au sens large) des étudiants et non «principalement». Cet encadrement doit être compris d'une manière étendue (locaux, livres, matériel, assistants, moniteurs, etc.), mais il est évident que les taxes ne devront pas servir à financer la participation à des congrès de diabétologie ou de démographie qui se tiennent souvent à Manille ou à Honolulu.

Il est rappelé que l'introduction de la gratuité des études, en 1970, grâce à la loi sur la démocratisation des études, a supprimé les anciennes taxes semestrielles affectées en partie, depuis une convention de 1905, à la Bibliothèque publique et universitaire. Il est donc parfaitement logique de rétablir une telle affectation partielle, d'autant que la Bibliothèque publique et universitaire a bénéficié de 1970 à 1994 d'une subvention compensatoire de l'Etat en vue de ses acquisitions, de 241 000 F, supprimée dans le budget 1995 afin d'être affectée au fonds «Grandes manifestations». Cette suppression de 30% de son budget d'acquisition entraînerait des conséquences calamiteuses pour la Bibliothèque publique et universitaire qui devrait résilier 1 abonnement périodique sur 5. Prévoir l'affectation d'une partie des taxes semestrielles à la Bibliothèque publique et universitaire représente donc simplement le retour à la situation antérieure qui prévalait lorsque ces taxes étaient exigibles de chacun. La majorité de la commission se déclare favorable à cette «dîme» en faveur du livre.

Cette somme doit permettre à la Bibliothèque publique et universitaire de rattraper le retard pris dans ses acquisitions, de maintenir la gratuité de son accès aux étuditants et d'instaurer un libre accès partiel de ses collections. Par ailleurs, la commission est saisie d'un projet de motion, qui sera déposé ultérieurement au Grand Conseil et qui veut inciter les autorités responsables à développer un projet bibliothéconomique commun à toutes les bibliothèques universitaires, et ce en contrepartie de l'appui donné à la Bibliothèque publique et universitaire (voir annexe).

Amendements

Un premier amendement est déposé par le député Jacques Boesch, fixant dans la loi la taxe à 65 F par semestre à l'article 63, alinéa 1. Cet amendement est rejeté par 2 oui, 11 non et 2 abstentions. Le rapporteur de majorité tient à souligner que cet amendement aurait supprimé les taxes actuellement perçues sur les étudiants confédérés et étrangers.

Un deuxième amendement est présenté par la députée Erica Deuber-Pauli proposant que les taxes universitaires soient fixées pour tous les étudiants, genevois, suisses et étrangers, à 300 F par semestre. Cet amendement est repoussé par 6 oui, 7 non et 2 abstentions. La question de l'inscription de la somme dans la loi est alors évoquée par la commission, mais la majorité la juge inacceptable. Le montant sera déterminé dans le règlement contre lequel les recours sont possibles dans les trente jours. Par ailleurs, il est vraisemblable que toute augmentation des taxes universitaires sera annoncée au Conseil académique et au Conseil de l'université et que les étudiants en seront donc informés à temps. L'indexation, comme l'a précisé le chef du département de l'instruction publique, ne sera pas annuelle, mais l'on procédera par palier. La majorité de la commission tient à le souligner expressément pour que personne ne puisse s'imaginer que les taxes pourraient augmenter de manière considérable sans concertation ni possibilités de recours, une fois leur principe admis.

Un troisième amendement est présenté par la députée Janine Hagmann, visant à ramener le montant attribué à la Bibliothèque publique et universitaire de 10% à 5%. Il est rejeté par 1 oui, 9 non, 4 abstentions.

Finalement, l'article 63, alinéa 1 (nouvelle teneur), de la loi sur l'université est adopté par la commission:

1 Sous réserve des dispositions de la loi sur l'encouragement aux études, les taxes universitaires sont fixées par le département, sur proposition du rectorat.

L'université en dispose en les affectant pour 10% à la Bibliothèque publique et universitaire et pour 90% à l'encadrement des étudiants, notamment au début de leur parcours universitaire.

Ce chiffre 1 est adopté par 14 oui, 1 abstention (AdG).

Un chiffre 2, ayant la formulation suivante:

2 L'utilisation de ces taxes universitaires fait l'objet d'un rapport distinct présenté lors des comptes rendus.

est adopté par 8 oui, 6 non, 1 abstention.

Quant à l'article 1 du projet de loi modifiant l'article 11 (nouvelle teneur) de la loi sur l'encouragement aux études, il est approuvé par 13 oui et2 abstentions, non sans qu'il ait été fait remarquer que la modification de l'article 11, chiffre 4, lettre b, intervenait au profit des étudiants qui pourraient ainsi bénéficier plus largement de la possibilité d'un remboursement des taxes universitaires.

Au vote final, l'article 1 et l'article 2 du projet de loi 7151 sont approuvés tels que ci-dessus par 12 oui (L, R, S, DC, E) contre 2 non (AdG) et1 abstention (AdG).

Conclusion

Au bénéfice de ces explications, la commission de l'université, convaincue de la nécessité d'offrir aux étudiants de l'université de Genève un meilleur encadrement tout en tenant compte des difficultés financières du canton estime que la réintroduction partielle de taxes universitaires constitue une modeste contribution de solidarité qui ne s'oppose pas au principe de la démocratisation des études, mais tend au contraire à la vivifier en en faisant sentir tout le prix. Elle vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le projet de loi sur les taxes universitaires ainsi libellé:

PROJET DE LOI

modifiant:a) la loi sur l'encouragement aux études (C 1 1,5);b) la loi sur l'université (C 1 27,5)

(Taxes universitaires)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989, est modifiée comme suit:

Art. 11 (nouvelle teneur)

Principe

1 Pour bénéficier de la gratuité au sens de la présente loi, l'étudiant doit suivre sa formation dans un établissement public d'enseignement non universitaire situé en Suisse.

Etablissements non universitaires subventionnés

2 A droit au remboursement des taxes jusqu'à concurrence d'un montant global de 3 220 F par an, l'étudiant qui suit sa formation dans un établissement non universitaire subventionné par le canton.

Etablissements universitaires suisses

3 Pour les enseignements dispensés par les établissements universitaires en Suisse, seul l'étudiant qui jouit du statut d'allocataire au sens de la présente loi bénéficie de la gratuité des études.

Etablissements à l'étranger ou établissements non officiels dans un canton confédéré

4 A droit au remboursement annuel des taxes jusqu'à concurrence d'un montant global correspondant à une allocation de base complète, l'étudiant qui suit sa formation dans un établissement d'enseignement à l'étranger, au sens de l'article 6, alinéa 1, lettre c ou d, ou dans un canton confédéré, au sens de l'article 6, alinéa 2, lettre b, pour autant:

a)

qu'il ait le statut d'allocataire au sens de la présente loi;

b)

que, sans être allocataire, le revenu déterminant du groupe familial du répondant ne dépasse pas la limite fixée pour l'octroi d'une allocation complète augmentée de la somme de base prévue à l'article 18, alinéa 1.

Modalité de remboursement

5 Le service des allocations d'études effectue le remboursement des taxes sur présentation des pièces justificatives.

Art. 2

La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:

Art. 63, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

Taxes

1 Sous réserve des dispositions de la loi sur l'encouragement aux études, les taxes universitaires sont fixées par le département, sur proposition du rectorat. L'université en dispose en les affectant pour 10% à la Bibliothèque publique et universitaire et pour 90% à l'encadrement des étudiants, notamment au début de leur parcours universitaire.

2 L'utilisation de ces taxes universitaires fait l'objet d'un rapport distinct présenté lors des comptes rendus.

Art. 3

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 1995.

ANNEXE

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Ce projet de loi présenté par le Conseil d'Etat en août 1994 se propose de porter atteinte à un principe fondamental, celui de la gratuité de la formation universitaire pour les étudiants genevois et, en principe, pour les étudiants domiciliés à Genève, à l'exception de la formation continue, tel que le prévoit la loi sur l'encouragement aux études. Il prévoit l'affectation de ces ressources supplémentaires à l'encadrement des étudiants. Rappelons qu'actuellement l'université perçoit, pour ces étudiants genevois, des taxes fixes de 65 F auxquelles viendraient s'ajouter des taxes de cours semestrielles, qui s'élèveraient, dans un premier temps, à 500 F.

Cette volonté délibérée de contrevenir à l'un de principes fondamentaux de l'accès démocratique aux études n'est pas nouvelle. Elle préoccupe toute la communauté estudiantine et occupe notre parlement depuis plusieurs années. Par exemple, il faut rappeler les débats au Grand Conseil qui ont eu lieu le jeudi 26 mai 1994 à l'occasion de l'examen de la pétition 1004 « Augmentation des taxes étudiantes ? Réduction du personnel ? Préservons les conditions d'études et de travail à l'université » signée par plus de4000 personnes. L'opportunité de la proposition émanant de la CUAE (Conférence universitaire des associations d'étudiants), de l'APIUM (Association du Personnel Intermédiaire d'Uni Mail) et de l'ASAMA tenait non seulement à sa détermination de poursuivre, sans équivoque, dans la voie d'un accès aux études ouvert à tous mais elle soulignait la nécessité absolue pour notre collectivité d'investir dans une formation de qualité et de haut niveau. Le maintien de la taxe à son niveau d'alors était compensé, à court terme, par une contribution salariale modulée afin de maintenir le nombre de postes de travail malgré les économies projetées et, pour le long terme, par une transformation, là où cela n'était pas dommageable, des postes de professeurs ordinaires en professeurs adjoints et un meilleur partage du temps de travail afin de maintenir un encadrement suffisant et de qualité et, enfin, de promouvoir une réduction des écarts salariaux. Les débats avaient été placés à un bon niveau de confrontation, entre autres grâce au rapport de minorité rédigé par Mme E. Deuber-Pauli. Ces échanges avaient permis de mettre en évidence, avec une lucidité certaine, divers enjeux qui traversent l'université actuellement et les sombres visées qui obscurcissent l'horizon de cette institution essentielle de notre République.

Aujourd'hui, et en butinant des expressions un peu fleuries pour faire bien sentir l'aspect obnubilé de son intention, le Conseil d'Etat nous soumet un projet qui poursuit toujours ses deux mêmes obsessions, à savoir:

-  la tentation budgétaire. Puiser des ressources nouvelles là où il ne le faut pas, c'est-à-dire dans l'escarcelle des étudiants, en enrobant cette « rapine » de quelques mesures donnant l'illusion, dans l'unique but de combler des trous budgétaires dus à la défaillance de l'Etat géré, avec la maestria qu'on lui connaît, par l'actuelle majorité. L'intention est claire. Le remède enfantin: bouchons les gros trous en creusant beaucoup, beaucoup d'autres petits trous afin de laisser bien tranquillement se remplir ce qui est déjà fort bien rempli !

- la tentation économiste. Redimensionner et réorganiser le fonctionnement de l'université afin de la convertir aux impératifs de l'économie, de la rentabilisation et de la rationalisation comme s'il s'agissait d'une entreprise privée ! Foin de l'excellence. Seule la rentabilité compte. Aberrant. Vouloir rentabiliser l'université est impensable sans un démantèlement très rapide des conditions de liberté et d'indépendance de l'enseignement et de la recherche.

Or, ces travers peuvent s'étaler en toute impunité au parlement. Le Conseil d'Etat, sûr de son fait, s'enfonce dans le monocolorisme. Les propositions s'envolent: renforcement du rectorat, numerus clausus déguisé, gestion par enveloppes budgétaires pour masquer les restrictions budgétaires, etc. Et la majorité parlementaire suit benoîtement. Elle a la force du nombre pour elle. Et, comme on a pu le voir lors du renouvellement de la présidence de la commission de l'université, elle peut parfaitement se passer de tout signe d'intelligence et de la moindre déontologie. Cette même majorité évoque une « solidarité » entre tous les étudiants. Il est des mots dont l'usage inapproprié pervertit le bon entendement commun. Ainsi, ici, « solidarité » doit se comprendre comme une volonté de déréglementer les dispositifs qui imposent l'équité; comme l'émergence d'une société à deux vitesses qui admet de multiples exclusions et l'accommodement à toutes les confusions idéologiques.

Vous l'aurez compris, nous ne saurions cautionner de tels desseins compulsifs. Il faut laisser au temps le temps de corriger les troubles de la perception de la réalité !

Les députés de l'Alliance de gauche, comme la grande majorité des étudiants qui ont été consultés, ont très clairement signifié leurs oppositions aux mesures proposées. Non qu'ils soient fermés à la nécessité de réformer le fonctionnement de l'université et d'accroître ses ressources, mais pas comme cela ni dans la perspective prônée par le Conseil d'Etat. Par exemple et pour manifester leur bonne volonté, les étudiants se sont déclarés prêts à participer à l'effort financier nécessaire par des contributions de solidarité. Nous avons proposé plusieurs amendements pour tenter d'améliorer le texte proposé. En vain. Aussi, nous ne nous perdrons pas dans l'accumulation de chiffres dont l'interprétation peut varier fortement au gré des nécessités des démonstrations désirées mais en resterons au niveau des principes:

- S'il peut paraître comme relativement équitable que tous les étudiants paient les mêmes taxes universitaires il faut veiller à ce que cette mesure ne s'avère pas être discriminatoire, dans les faits, à l'égard d'une catégorie particulière d'étudiants, les Genevois qui sont établis à Genève et les Confédérés dont les autorités cantonales versent une contribution à Genève par étudiant. Ces personnes (ou leurs représentants fiscaux) paient déjà des impôts dont une partie sert à financer l'université par le biais du budget de l'Etat. Persister à prélever cette taxe revient à lever un impôt social, catégoriel, à imposer doublement une catégorie de personnes, ce qui est naturellement contraire à l'esprit de notre constitution ! Belle équité. Bel encouragement aux études puisqu'elle équivaut à un retour en arrière, à une barrière censitaire, défavorable aux milieux modestes malgré tous les aménagements proposés. D'autre part et dans son principe même, la taxe s'avère injuste parce qu'elle n'est pas proportionnelle aux revenus mais obéit à des distinctions catégorielles.

- La conformité avec les accords intercantonaux et l'eurocompatibilité sont assurées à tous les étudiants puisque ceux-ci, quelle que soit leur provenance, dès lors qu'ils poursuivent leurs études à Genève, sont déjà traités en toute équité, comme le sont les étudiants genevois qui vont ailleurs suivre leurs études lorsqu'ils s'acquittent de leurs obligations contributives. Mais il y a fort à parier qu'aucune raison sensée ne peut interdire un Etat d'exempter ses propres ressortissants d'obligations financières à l'égard des institutions qui dépendent de sa juridiction dans une perspective de maintenir une égalité de traitement effective.

- Si la possibilité d'obtenir des bourses va encore de soi aujourd'hui, il semble vraiment particulier de modifier des dispositions législatives et, d'ores et déjà, de prévoir des exceptions qui s'appliqueront à un très grand nombre de personnes concernées. Dans tout appareil législatif bien conçu, les exceptions doivent rester des exceptions et non devenir la règle !

- La destination des taxes à l'encadrement des étudiants pourrait se concevoir. Mais prévoir de la restreindre à l'engagement de moniteurs dont le statut est des plus aléatoire et dont aucun programme sérieux n'a pu être énoncé, c'est délibérément déqualifier l'encadrement des étudiants puisqu'en principe ce devraient être les assistants qui devraient remplir cette tâche, dont, simultanément, on diminue objectivement le nombre et précarise la fonction. Le nombre d'étudiants va croissant. Les conditions de travail ne cessent de décroître. Le nombre d'enseignants diminue. Les nécessités de l'excellence universitaire exigent de plus en plus de ressources, qui devraient être galvanisées par des ambitions s'inscrivant dans un projet généreux, ouvert, pensé, cohérent ! Et tout ce que l'on trouve à proposer ce sont des moniteurs d'encadrement. Profondément ridicule ! Parfaitement minable !

- Enfin la gestion administrative et réglementaire de ces propositions laissent à désirer tout comme l'évaluation et le contrôle du rendement de cette nouvelle mesure. Aucun chiffre crédible ne nous a été fourni. L'option choisie de la voie réglementaire pour régir ces dispositions ouvre à tous les abus possibles dans le futur.

- Par contre et si par malheur cette loi devait être adoptée par la majorité du Grand Conseil, nous ne nous opposerons pas aux amendements qui permettraient l'affectation du produit de la taxe à hauteur 10 % à la BPU. Bien qu'il s'agisse là d'un transfert délibéré de charges sur les utilisateurs, dû, à nouveau, à la défaillance de l'Etat en la matière.

C'est pour toutes ces bonnes raisons que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas entrer en matière sur ce bien mauvais projet de loi, à le renvoyer au Conseil d'Etat en attendant qu'il élabore des propositions crédibles, dignes de la responsabilité qui lui a été confiée et de l'université.

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Nous avons affaire à un projet de loi qui a développé un certain nombre d'oppositions non pas au cours des travaux mais après l'approbation en commission. C'est curieux, mais on peut admettre que certaines réflexions se font après coup. Il est utile de préciser à l'ensemble de ce Grand Conseil, et peut-être au-delà, des chiffres et des données d'une manière pédagogique.

Il convient tout d'abord de rappeler que l'université coûte 485 millions de francs par an et que 387 millions sont inscrits au budget du département de l'instruction publique pour 1995. Cela signifie très précisément que chaque Genevois, qu'il soit âgé de trois semaines ou qu'il soit âgé de cent ans, paie chaque année 1 000 F par an pour l'université. Il est également utile de rappeler que le coût moyen d'un étudiant est de 32 000 F par an à l'université de Genève, que le coût moyen pour la formation d'un étudiant en médecine est de 120 000 F par an, pour un étudiant en sciences de 80 000 F par an, pour un étudiant en droit - j'arrêterai là ces exemples chiffrés - de 18 000 F par an.

Ces chiffres montrent bien que l'instauration d'une taxe semestrielle de 500 F est bien loin, vraiment très loin, d'être une façon modeste de faire payer à l'utilisateur les frais que celui-ci impose à la collectivité. Le but n'est pas du tout - il faut le souligner - de faire payer aux étudiants le coût de leurs études. Cette taxe se rapprocherait beaucoup plus de celle qui, par exemple, n'a jamais fait l'objet de la moindre contestation, je veux parler de la taxe sur les discothèques municipales de 1 à 2 F pour emprunter un disque. C'est la véritable notion de cette taxe.

Les étudiants demandent une formation de qualité. La commission a tenu compte de cette demande, puisqu'elle a décidé, contrairement à la proposition du rectorat, de consacrer la totalité de la taxe perçue à l'encadrement, un encadrement pris au sens large. Alors même que le rectorat ne proposait que le paiement du salaire de moniteur - sorte d'assistant-étudiant - nous avons pensé, suite à l'audition des représentants de la conférence universitaire des associations d'étudiants, qu'il fallait élargir cette notion d'encadrement, notamment aux salaires de certains assistants supplémentaires, à l'acquisition de matériel ou à la disposition de salles de travail. Il s'agit donc bel et bien d'un encadrement au sens large et, à la demande expresse de la représentante du parti socialiste, il a été précisé en commission que 90% du montant de cette taxe seraient directement affectés à l'encadrement des étudiants de l'université de Genève, 10% étant affectés à la bibliothèque publique et universitaire dont les étudiants représentent plus des deux tiers des utilisateurs, laquelle est entièrement à la charge de la Ville.

Ces chiffres étant rappelés, il convient encore de dire que ce projet, contrairement à ce qu'on a pu lire et à ce qu'on a pu entendre, ne porte nullement atteinte à un principe établi maintenant depuis plusieurs décennies, qui est celui de la démocratisation de l'accès aux études. Personne, je crois, dans ce Grand Conseil n'entend revenir sur ce grand principe. La preuve en est que les exemptions prévues dans ce projet de loi sont importantes. Elles touchent non seulement les allocataires et les boursiers, mais, à ce qu'a dit le rectorat, elles touchent également les assistants qui sont fort nombreux, puisqu'ils représentent entre mille et mille deux cents personnes, si on compte les assistants qui dépendent du Fonds national, sur les treize mille étudiants.

C'est donc environ deux mille cinq cents à trois mille personnes qui seront exemptées. Le montant de ces taxes a pu paraître important. Il ne fait que s'aligner sur les montants actuellement perçus dans les universités suisses qui tournent tous entre 400 et 600 F par semestre à l'université de Zurich, par exemple. Il faut donc tenir compte de ces paramètres pour mieux comprendre pourquoi l'ensemble de la commission, à une très large majorité, puisqu'il y a eu douze oui contre deux non et une abstention, a jugé que ces taxes universitaires, dans la situation actuelle où effectivement l'encadrement des étudiants est parfois déficitaire, s'imposaient.

On peut encore s'étonner de voir que l'on prétend que cela représente une attaque contre la démocratisation des études, alors qu'il est bien clair que la véritable démocratisation des études n'a pas du tout un seul aspect financier. Je rappelle les mots du rapporteur, lors du débat du 25 juin 1971, débat sur la loi sur l'encouragement aux études. A ce moment-là, il a été mentionné cette phrase qui, vingt-trois ans plus tard, reste parfaitement actuelle : «La faible représentativité des milieux modestes témoigne beaucoup plus d'un barrage sur le plan psychologique que sur le plan financier.».

Ces propos n'ont rien perdu de leur actualité, lorsqu'on sait aujourd'hui que plus de la moitié des étudiants actuels de l'université de Genève sont eux-mêmes fils ou filles d'universitaires. Alors, s'il y avait un combat à mener, il conviendrait de travailler dans le sens d'une refonte de ce que peut offrir l'université, et non contre ces taxes universitaires qui restent extrêmement modestes. Par rapport à ce que les étudiants payaient il y a vingt-cinq ans, par rapport à ce que j'ai payé personnellement, les taxes qui sont proposées aujourd'hui sont inférieures en valeur réelle, et non pas en montant nominal, aux taxes que l'on payait il y a vingt-cinq ans.

J'aimerais enfin souligner en conclusion, parce que cet aspect a semblé négligé, qu'il est important que, sur le plan suisse, afin de respecter l'accord intercantonal, les étudiants en provenance de Zurich, de Berne ou de Bâle ne soient pas traités d'une manière inéquitable par rapport aux étudiants genevois. Il est également important, normal et équitable, sur le plan européen, au moment même où précisément des programmes européens ne seront plus forcément à disposition des universités suisses, comme sur le plan international, que les étudiants étrangers soient traités sur le même plan que les étudiants genevois.

C'est pour cela que la majorité de la commission vous propose d'établir pour tous les étudiants et avec les nombreuses exemptions qui seront possibles ces nouvelles taxes universitaires.

La présidente. Monsieur Boesch, désirez-vous que nous procédions à la lecture de la lettre de la Coordination de l'enseignement ?

M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur de minorité. Oui, volontiers, Madame la présidente !

M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur Lescaze, si on s'en tient à l'avalanche de chiffres, on arrive à leur faire dire un peu tout et n'importe quoi. Il me semble important de resituer ce débat à son juste niveau. En effet, le problème de fond ne porte pas sur une différence de quelques dizaines de francs, mais c'est une question de principe et de manière de faire. Il est incontestable, malgré ce que vous vous évertuez à répéter, qu'il y a une attaque frontale à quelques principes fondamentaux qui sont la base de l'attractivité et de la renommée non seulement de l'université de Genève, mais de l'ensemble du dispositif scolaire genevois. Depuis plus de trente ans, les forces progressistes, les forces qui pensent que l'intelligence et l'esprit peuvent encore être importants dans notre République, se sont battues pour la gratuité et pour la démocratisation des études, pour l'accès de tous aux études. C'est un principe essentiel que vous êtes en train de remettre en cause par la petite porte ce soir. C'est pour cela que nous n'acceptons absolument pas de rentrer dans ce jeu. C'est aussi pour cela qu'un certain nombre de personnes, prenant conscience du danger latent, réfléchissent, évoluent, changent de position. Pourquoi pas, si cela va dans le bon sens ?

Nous pourrions reprendre les points de mon rapport de minorité, car visiblement vous ne l'avez pas lu ! Si vous l'aviez fait, vous n'auriez pas tenu de tels propos ce soir. Je ne comprends pas comment vous arrivez à retourner les choses pour que les étudiants genevois soient traités inéquitablement en payant deux fois pour l'accès à l'université : d'une part, en payant en tant que contribuable ou enfant de contribuable, et, d'autre part, en tant qu'étudiant. Je ne comprends pas comment vous persistez à vouloir transférer ces charges sur les étudiants de manière directe ou indirecte. Enfin, je ne comprends pas comment vous pouvez vous évertuer à déqualifier l'encadrement des étudiants en cautionnant cette manière enfantine de suggérer un encadrement effectué par des moniteurs.

M. John Dupraz. Te laisse pas faire, Bernard !

M. Jacques Boesch, rapporteur de minorité. Mais non, il ne va pas se laisser faire, Bernard Lescaze ! Bien sûr !

L'année dernière, les étudiants avaient fait une proposition excellente. Ils renonçaient à s'opposer aux taxes, mais ils avaient trouvé la manière intelligente dans le fond de compenser ce manque à gagner. Malheureusement, vous avez rejeté cette proposition, parce que vous cherchez autre chose. Vous ne livrez pas une bataille de logique, vous cherchez à déréglementer les dispositifs qui imposent l'égalité et l'équité dans notre société. Cela ne vous dérange pas du tout que la société fonctionne à deux vitesses, avec son lot d'exclusions. La voie réglementaire qui a été choisie pour fixer le montant de ces taxes n'est pas une garantie. On a vu que le Conseil d'Etat et le rectorat changeaient d'avis assez souvent. Aujourd'hui, on la fixe à 500 F, mais demain elle passera peut-être à 1 000 F ou à 2 000 F. Il n'y a aucune raison que le Conseil d'Etat donne plus de garanties qu'il n'a été capable de le faire par le passé.

Ce débat est un débat de principes qu'il faut resituer dans son contexte. (Applaudissements à la tribune.)

La présidente. Mesdames et Messieurs qui vous trouvez à la tribune, je vous signale que les manifestations ne sont pas autorisées. Si vous voulez assister aux débats, je vous en prie, restez calmes !

M. Pierre Vanek (AdG). Si les manifestations ne sont pas autorisées dans cette enceinte, je signale qu'elles le sont encore heureusement dehors. Vous pourrez y trouver des centaines, voire des milliers de personnes.

M. Pierre Kunz. Des milliers ! (Charivari.)

M. Pierre Vanek. Mais ce sont des dizaines de milliers de personnes qui vont s'opposer à ce projet, ne vous inquiétez pas, Monsieur Kunz !

La dernière fois que le débat a eu lieu à ce sujet dans cette enceinte, le référendum a plutôt donné raison à notre parti. Donc...

Une voix. Au fait !

M. Pierre Vanek. Au fait, j'y viens, mais...

M. John Dupraz. Parle pas les mains dans les poches !

M. Pierre Vanek. C'est censé être une intervention de ma part et non un dialogue !

La présidente. Monsieur Vanek, s'il vous plaît ! Monsieur Dupraz, asseyez-vous ! Mais oui, Monsieur Dupraz ! (Le ton de la présidente est empreint de lassitude désespérée.) En plus, vous avez votre cravate de travers ! (Hilarité générale.)

M. Pierre Vanek. Je tenais à signaler, puisque M. Lescaze a évoqué le fait que nous aurions tenu compte en commission de l'avis des étudiants représentés par la CUAE, que beaucoup d'étudiants ne sont pas du tout satisfaits de ce projet, et, à mon avis, à juste titre.

En préambule, je relève deux points qui m'ont particulièrement choqué dans l'intervention de M. Lescaze, rapporteur de la majorité, sur cet objet. Le mot «choqué» est un faible mot face à ces propos sur les inégalités. Il indique que, s'il y a des inégalités sociales pour l'accès à l'université, inégalités scandaleuses et que l'on déplore, elles seraient dues à un simple barrage psychologique, laissant entendre qu'avec quelques psychologues de plus - en dehors de cela, vous les supprimez aussi - on pourrait régler ce problème. C'est nier les barrières matérielles réelles...

Des voix. On n'est pas sourd !

M. Pierre Vanek. Pour celui qui a dit que vous n'étiez pas sourds, j'ai justement l'impression du contraire. Je vais donc essayer de baisser le potentiomètre. (L'orateur baisse le ton.)

Parler de barrière psychologique pour expliquer les inégalités d'accès à l'université me semble indécent. C'est se moquer du monde que de vouloir escamoter les barrières matérielles réelles et que vous voulez renforcer.

Ce qui m'a également choqué dans le rapport de M. Lescaze est la manière dont il a présenté les choses s'agissant du coût des études et des frais que les utilisateurs imposent à la collectivité, niant dans le même temps l'aspect de l'investissement capital de la collectivité. Le travail effectué par les étudiants ne consiste pas seulement à pomper les deniers publics mais à cultiver ce qui est vital pour cette République, à savoir l'intelligence et la formation, comme l'a dit Jacques Boesch. C'est indispensable pour l'avenir de ce canton.

J'ai demandé la parole non pas pour m'exprimer... (Manifestation et quolibets fusent.) ...mais je n'ai pas pu me retenir. Si vous voulez que je parle doucement, modérez vos réactions !

Je voulais me faire le porte-parole d'un certain nombre d'étudiants et d'étudiantes qui avaient l'intention de présenter un message à ce Grand Conseil. Ils ont sonné à ma porte à l'aube ce matin pour me faire part d'un texte qui a été adopté en réunion du comité de la CUAE hier soir et dont je vais vous donner lecture. C'est donc un message des étudiants à ce Grand Conseil. Ils ont bien fait de passer par moi quand on voit la manière dont certaines lettres sont lues à la tribune de ce Grand Conseil. (Rires.) Si vous voulez bien vous taire, je pourrai lire !

 Je vous rappelle que ce texte n'est pas de moi, même si je souscris à l'essentiel de ce qui est dit, mais je me fais le porte-parole du comité de la conférence universitaire des associations d'étudiants. J'interviendrai, par ailleurs, pour vous donner mon opinion personnelle. (A la tribune, un groupe de jeunes arborent des bonnets d'âne.)

Une voix. Nous irons jusqu'au référendum !

M. Bernard Lescaze, rapporteur de majorité. Allez-y !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). La politique genevoise est devenue bien singulière ! Voilà un rapport qui, en d'autres temps, aurait certes suscité un débat à l'intérieur du Grand Conseil, mais n'aurait pas fait l'objet d'une médiatisation aussi forte que celle que nous avons constatée ces derniers jours. Comment expliquer cette attitude. Bien sûr, il y avait quelques centaines d'étudiants dans la rue, mais a-t-on fait autant de bruit lorsqu'il s'est agi de supprimer les allocations des infirmières ou de diminuer singulièrement les indemnités des patrouilleuses scolaires. Il y a aussi la menace de référendum qui plane, et par les temps qui courent c'est une menace que l'on prend au sérieux ! Mais c'est surtout et avant tout parce qu'on remet en cause un principe cher à André Chavanne, celui de la gratuité des études. Cela, personne ne peut le nier, Monsieur Lescaze ! Même si le montant des taxes prévues n'est pas exorbitant, il remet malgré tout en cause cette fameuse gratuité des études.

Notre groupe, autant vous le dire d'emblée, est partagé et les débats ont été particulièrement nourris. Une majorité cependant s'est dégagée pour refuser ces taxes, au motif principal qu'elles n'entrent pas dans un projet global de restructuration de l'université. Le rapport de majorité le dit dans son introduction et dans sa première phrase : «Pour faire face à l'augmentation du nombre d'étudiants et des tâches de l'université de Genève, celle-ci n'a pas eu d'autre choix que de renoncer au principe de la gratuité des études.». Nous n'acceptons pas cette affirmation. Elle fait peu de cas des propositions avancées par quatre mille étudiants lors du dépôt d'une pétition en 1993.

Il y avait d'autres pistes. Notre groupe souhaite que la commission de l'université se saisisse à nouveau de ce projet de loi et explore plus à fond les autres propositions. Nous demanderons donc que ce rapport soit retourné à la commission de l'université et nous nous engageons à participer à cette recherche d'économies en déposant pour la prochaine séance un projet de loi modifiant l'article 30 de la loi sur l'université concernant les mandats privés de certains professeurs d'université.

Cet article permet en effet aux membres du corps professoral à charge complète d'avoir une activité accessoire rémunérée si elle est en rapport direct avec le domaine de leur enseignement et de leur recherche. Notre but n'est pas de nous opposer à cette pratique, car cela impliquerait de renoncer à utiliser des compétences précieuses. Nous souhaitons que cette pratique fasse l'objet, d'une part, d'une évaluation quant à l'éventuel déficit de prestations qu'elle engendre dans le cadre de l'université, mais également qu'elle soit soumise à une rétrocession de la part des professeurs lorsqu'elle dépasse 100% de leur salaire.

On a fortement tendance à demander toujours à la classe moyenne de faire des efforts d'économies. On a beau nous dire et nous répéter que la plupart des étudiants ou leurs parents ont les moyens de payer cette taxe, qu'il n'y a pratiquement pas de fils d'ouvrier à l'université, nous refusons d'entrer dans ce discours. L'effort doit être global et non pas ciblé sur le bas de l'échelle. Nous ne nous opposerons pas à une unification de la taxe visant à supprimer une inégalité entre Genevois, confédérés et étrangers. Nous accepterons les modifications allant dans le sens d'une égalité.

Je dirai encore, et ce sera ma conclusion, que ce projet de loi est maladroit. Il veut donner l'impression de supprimer un privilège et il le fait brutalement, en proposant d'un coup une somme trop forte pour ces taxes et en ne l'incluant pas dans une diminution globale des coûts de l'université. La jeunesse, à l'heure actuelle, n'est pas très gâtée. Le marché de l'emploi est fermé. Beaucoup de cycles de formation se ferment eux aussi et on choisit ce moment-là pour proposer des taxes qui ne concernent qu'eux. Pourrions-nous imaginer demain des taxes à l'école enfantine ou dans le cursus secondaire ? Rien à ce jour, si ce n'est la loi, ne nous convainc du contraire. Mais, comme chacun le sait, il n'y a rien de plus simple que de modifier une loi.

Je vous demande donc, encore une fois, d'accepter de renvoyer ce rapport à la commission de l'université et de revenir au début de l'année avec des propositions plus globales. (Applaudissements.)

La présidente. L'article 78 de notre règlement prévoit que dans le cas d'une demande formelle de renvoi en commission, l'alinéa 2 de l'article que je viens de vous citer stipule que la discussion doit porter sur le renvoi en commission. Néanmoins, nous avons un certain nombre d'orateurs qui sont inscrits. Nous allons donc leur donner la parole.

Mme Nelly Guichard (PDC). En vingt ans, la démocratisation des études est devenue une réalité qui ne devrait pas être remise en question aujourd'hui.

Le système scolaire genevois n'est pas élitaire. Il laisse à chacun sa chance d'aller jusqu'à l'obtention d'une maturité. Aux portes de l'université, ce n'est pas une taxe d'études à peu près égale à celles qui sont perçues dans les autres établissements universitaires de Suisse qui va représenter un frein pour les étudiants les plus modestes, puisque les allocataires sont exonérés. Les étudiants qui y avaient droit et qui n'ont pas fait cette demande d'allocation peuvent demander le remboursement de leur taxe. Si une somme de 1 000 F par année paraît dérisoire aux yeux de certains, nous sommes aussi conscients qu'un tel montant multiplié éventuellement par deux peut peser dans un budget et peut poser problème à des jeunes en rupture avec leur famille. Pour ces cas intermédiaires, ces cas limite, le service des allocations devra trouver des réponses personnalisées, adaptées à la situation de chacun, ce qu'il fait déjà aujourd'hui pour attribuer certaines allocations spéciales.

Quant à crier au démantèlement des acquis en disant que c'est la porte ouverte à d'autres taxes, voilà un pas que je ne franchirai pas et qui tient de la désinformation. Il n'est pas question, et nous nous opposerions fermement à la demande d'une taxe d'écolage aux élèves du collège, de l'école de culture générale ou de l'école de commerce.

Comme l'a relevé Bernard Lescaze dans son excellent rapport, les taxes sont donc affectées à raison de 90% à l'encadrement des étudiants avant tout pour l'engagement d'assistants, le cas échéant de moniteurs, éventuellement à l'achat de matériel ou à la mise à disposition de locaux. Ceci tout particulièrement au début du cursus universitaire, comme le demandaient d'ailleurs les étudiants lors de leur audition. Les 10% restants étant destinés à la bibliothèque universitaire.

Comme le mentionne l'alinéa 2 de l'article 63, l'utilisation des taxes universitaires fera l'objet d'un rapport distinct présenté lors des comptes rendus, ce devrait être là le garant de leur bonne utilisation, l'élément qui nous permet de soutenir ce projet. Au demeurant, je trouve tout de même assez étrange que ceux qui, à juste titre, prônent l'égalité des chances et défendent la démocratisation des études, ne trouvent pas normal que ceux qui en ont les moyens payent une taxe universitaire.

La présidente. Pour la clarté des débats, je vous informe qu'avant la proposition de Fabienne Bugnon ont demandé la parole Mmes Roth-Bernasconi, Polla, Chalut et MM. Ferrazino, Grobet et Kunz. A ce moment-là interviendra le débat sur la proposition formulée par Mme Bugnon de renvoi en commission.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le projet de loi qui nous est soumis ce soir vise à augmenter de manière sensible les taxes universitaires pour les étudiants genevois.

Lors de la préconsultation, notre groupe a donné son accord d'entrer en matière afin que nous puissions discuter de l'opportunité du principe de la gratuité des études au niveau universitaire. En effet, nous avions été sensibles aux arguments d'égalité de traitement entre Genevois, Confédérés et étrangers. Néanmoins, nous avions posé plusieurs questions et émis des conditions qui devraient, à notre avis, être remplies si un accord en faveur de ce projet de loi devait se dégager à ce sujet au sein du parti socialiste.

Or - je suis navrée de le dire - le rapport est extrêmement lacunaire par rapport à nos interrogations. Je m'explique.

Nous avions demandé que l'on étudie la raison pour laquelle on affirme aujourd'hui que la majorité des étudiants et étudiantes est issue de couches sociales élevées. Est-ce dû à l'argent ou bien à un système scolaire qui n'est pas capable d'effacer les inégalités de naissance ? En effet, pour le groupe socialiste, l'abandon du principe de la gratuité des études ne peut en aucun cas devenir un numerus clausus censitaire. Or, le rapport ne nous parle pas d'une telle étude, alors que l'on ne sait toujours pas pour quelles raisons les filles d'ouvriers sont moins nombreuses à l'uni que les fils d'avocat. (Quolibets et rires.)

En plus, nous ne sommes absolument pas sûrs qu'avec l'augmentation des taxes on ne touchera que des gens qui peuvent effectivement payer ces 1 000 F et qui ne renonceraient pas, à cause de cet écolage, à envoyer leurs enfants à l'université. En effet, pour certaines familles, un montant de 1 000 F peut être juste ce qu'il y a de trop à dépenser. Par ailleurs, même les personnes modestes doivent avancer ces taxes qui leur seront remboursées par la suite si elles amènent un justificatif. Cela peut être problématique pour de petits budgets.

Je vous rappelle également que nous avions demandé que l'on examine les conditions d'accès aux allocations d'études. Avons-nous la garantie que tous ceux et celles qui en auront besoin en recevront vraiment ? Pas de réponse non plus dans ce rapport.

Pour nous, le but de ce projet de loi était d'assurer un meilleur encadrement des étudiants et étudiantes. Or, que proposez-vous ? L'engagement d'étudiants en fin de parcours universitaire pour qu'ils ou elles jouent aux moniteurs ? Ce n'est pas une proposition sérieuse étant donné que la dernière année d'études est souvent très chargée et que les étudiants sont débordés. En plus, assurer un meilleur encadrement des étudiants en ouvrant des postes d'assistants ou de chargés d'enseignement aiderait à diminuer le taux de chômage des académiciens, et, qui sait, peut-être même des étudiants, vu qu'il y en a qui continuent tout simplement les études parce qu'ils ne trouvent pas de travail. En plus, si l'on demande des efforts aux étudiants, l'on pourrait également en demander au corps professoral dont certains membres cumulent les mandats et les revenus et qui ne sont soumis à aucun sacrifice. Je me rappelle que cette proposition avait été rejetée quand elle avait été faite par les étudiants.

Il est en plus proposé d'affecter 10% du montant des taxes à la bibliothèque publique. Il s'agit ici typiquement d'un transfert de charges que nous ne pouvons accepter. En effet, la subvention pour cette bibliothèque a été enlevée lorsque le projet de loi sur les grandes manifestations avait été présenté. Les subventions sont payées par les impôts. Dès lors, nous préférons qu'il y ait une subvention payée équitablement par tous les contribuables qu'une affectation de taxes égales pour tous.

Une dernière chose qui nous dérange est le fait qu'aucun montant de taxes soit fixé dans la loi. Le Conseil d'Etat a dès lors tout loisir d'augmenter les taxes quand bon lui semble. Vu que le but premier du gouvernement actuel n'est que le redressement des finances, vu que jusqu'à présent aucune réflexion plus profonde quant à notre système scolaire et au rôle de l'université n'a été menée par le gouvernement actuel, nous ne pouvons accorder notre confiance en la matière à ce gouvernement.

Ce projet de loi aurait pu être une occasion de creuser un peu plus loin pour connaître les inégalités générées par notre système scolaire et social. Or, cette occasion n'a pas été saisie. Le projet de loi est revenu extrêmement rapidement de la commission et, une fois de plus, nous avons l'impression d'être soumis au stress budgétaire, stress qui empêche une réflexion en profondeur.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous propose d'accepter la proposition de notre chère collègue, Fabienne Bugnon, qui propose le renvoi de ce projet de loi à la commission de l'université.

Mme Barbara Polla (L). Le combat que l'Alliance de gauche, entraînant dans son sillage le reste de la gauche, essaye de mener aujourd'hui n'est en rien un combat pour les étudiants. Ce n'est pas un combat pour la démocratie, ce n'est pas un combat pour les principes. C'est un combat strictement politique dont les étudiants sont les otages. (Sifflets, contestation de la gauche.) L'Alliance de gauche essaye uniquement, désespérément mais heureusement en vain, d'empêcher le gouvernement de gouverner. Si c'était un combat pour les étudiants, le parti socialiste, en la personne de son excellente présidente, n'aurait pas voté oui en commission pour ensuite se laisser emporter par les vents délétères du négationnisme référendaire.

Mme Micheline Calmy-Rey. Vous mentez, Madame ! Vous ne savez pas ce que vous dites !

Mme Barbara Polla. Pour vous prouver à quel point le débat de l'Alliance de gauche n'est qu'un jeu démagogique désormais classique, je vais reprendre des extraits du rapport de minorité. On y trouve en effet les meilleurs arguments en faveur de la loi et, tout comme mon collègue Bernard Lescaze, j'ai lu ce rapport avec beaucoup d'attention. Je cite donc M. Boesch : «S'il peut paraître comme relativement équitable que tous les étudiants paient les mêmes taxes universitaires...». Nous sommes donc parfaitement d'accord sur ce point. Je remplacerai simplement «s'il peut paraître» par «il est». Je cite encore : «...il faut veiller à ce que cette mesure ne s'avère pas discriminatoire...». Absolument, Monsieur Boesch, et la loi est ainsi faite qu'il y sera veillé de très près, et d'ailleurs - vous le savez parfaitement - la loi n'entraîne aucune remise en cause de l'accès de tous aux études. La loi promeut une prise de responsabilités des uns par rapport aux autres, les étudiants aident les étudiants - si je puis me permettre - dans la plus belle tradition libérale.

Je continue de citer M. Boesch : «La conformité avec les accords intercantonaux et l'eurocompatibilité sont assurés à tous les étudiants...». Oui, c'est vrai, et vous ne me direz pas, et personne ne nous fera croire que, dans le reste de la Suisse et dans l'ensemble de l'Europe, les principes démocratiques ont été bafoués et les études fermées au plus grand nombre !

Je cite encore M. Boesch : «La destination des taxes à l'encadrement des étudiants pourrait se concevoir.». Non seulement elle pourrait, mais nous l'avons conçue, ne vous en déplaise, selon les désirs et les besoins des étudiants et en accord avec les propositions du parti socialiste.

Et c'est là, Monsieur Boesch, que votre rapport s'enlise et que votre mépris pour les étudiants apparaît au grand jour. Mépris, oui, pour les étudiants quand vous dites que le système des moniteurs, je cite : «...est profondément ridicule et parfaitement minable.». Les étudiants aident les étudiants, les mieux formés encadrent les plus jeunes et les taxes payées par ceux qui peuvent contribuent à vivifier ce lien, et vous trouvez ceci «profondément ridicule et parfaitement minable» ?

Alors que nous proposons que dans l'équité les étudiants qui en ont les moyens payent une taxe équivalente à celle versée partout ailleurs - une vraie taxe de solidarité en l'occurrence - alors que tous les étudiants aujourd'hui bénéficiaires d'une bourse ou ayant des ressources modestes seront exemptés de la taxe, vous prétendez que l'accès aux études est remis en question. Même Charles Magnin, dans la «Tribune» de ce jour, trouve l'argument contestable ! (Manifestation.) Même le «Nouveau Quotidien», qui n'est pourtant pas particulièrement un journal de droite, souligne l'incohérence, et Henri Roth s'étonne : «La gauche genevoise défend les riches, elle veut maintenir un curieux privilège...». (Sifflets.) Cette incohérence, véritable autogoal de la gauche, souligne encore une fois ses motivations qui ne sont en rien un soutien réel aux étudiants et à leur formation.

J'aimerais adresser ce message aux étudiants : «Etudiants, si l'Alliance de gauche lutte à la fois contre le gouvernement et contre elle-même, étudiants, vous, ne luttez pas contre vous-mêmes ! La loi proposée est équitable, responsable, elle est pour l'université, elle ouvre une porte d'entraide, elle vous propose une vraie solution que vous construisez vous-mêmes pour un meilleur encadrement. Etudiants, pour les étudiants, ne vous laissez pas monter les uns contre les autres par une Alliance de gauche qui met toute son énergie à empêcher les progrès et les adaptations aujourd'hui indispensables ! Pas d'autogoals chez les étudiants !».

Mesdames et Messieurs les députés, l'université a besoin d'aide. Les étudiants ont besoin de cette loi, et je vous propose de voter oui à la loi proposée pour aider l'université par une mesure parfaitement équitable pour un meilleur encadrement des étudiants et, bien sûr, de ne pas entrer en matière sur le renvoi en commission. (Les étudiants à la tribune brandissent une banderole avec l'inscription : «Les étudiants savent réfléchir seuls !»)

La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous prie de retirer ce calicot de la tribune !

Une voix. Y'font pas de bruit !

Mme Claire Chalut (AdG). Je viens d'entendre des propos qui ne m'ont malheureusement rien appris de nouveau. En revanche, j'ai retrouvé une phrase de quelqu'un dont j'ignore le nom, je vous la lis : «Si vous trouvez l'éducation trop chère, essayez l'ignorance !».

Une voix. Tu l'as essayée ? Tu l'as adoptée ? (Rires.)

Mme Claire Chalut. Je prie M. Lescaze de se taire un moment ! (La présidente tente de ramener l'ordre.) Merci !

M. Bernard Lescaze, rapporteur de majorité. Alors ça, ça va être dur !

La présidente. Monsieur Lescaze, demandez la parole ! En tant que rapporteur, vous pouvez la prendre autant que vous voulez !

Mme Claire Chalut. Lorsque, dans les années 60, les jeunesses radicales progressistes - j'insiste sur le mot - ont lancé une initiative relative à la démocratisation des études, soit la gratuité ainsi que l'allocation d'études, il y a eu un débat intéressant dans ces lieux. Tous n'étaient pas toujours d'accord, mais tous se rejoignaient sur la démocratisation des études. Il a été question à plusieurs reprises d'André Chavanne. Je profite de l'occasion pour lui rendre hommage. Son idée était de permettre à chaque enfant, mais aussi à chaque adulte, de réaliser au mieux sa vocation, soit d'utiliser le plus exactement ses talents.

Je voudrais aussi citer M. Schmitt, qui n'était ni socialiste ni de l'Alliance de gauche, mais qui était radical. Patientez un moment, faut que je trouve la page !

M. Claude Blanc. T'as pas été à la faculté des lettres en tout cas ! (Rires.)

Mme Claire Chalut. Je n'ai pas fait la faculté des lettres... (Rires.) ...c'est pour cela que j'ai de la peine à retrouver mes pages ! (Redoublement de rires.)

Je cite donc M. Schmitt, qui se basait sur une étude effectuée à l'époque à l'Ecole polytechnique de Lausanne. Ceux qui rient aujourd'hui feraient bien de se méfier, car demain on les attendra au virage ! On attend aussi leurs propositions concrètes. Il disait : «Il faut absolument prendre des mesures énergiques dans le sens de la démocratisation, sinon la Suisse risque d'avoir une pénurie de cadres.». Autre chose m'a beaucoup plu, et cela sera ma conclusion. Je ne citerai pas constamment le parti radical ! Point trop n'en faut !

M. John Dupraz. Mais adhérez au parti radical !

Mme Claire Chalut. Je citerai à nouveau cette personnalité de la République qu'était André Chavanne, que vous semblez oublier et à qui on a consacré une école récemment. Il disait que le but de cette commission était de travailler sur cette loi permettant aux parents de condition modeste de bénéficier de la liberté, car il n'y a pas de liberté réelle lorsque les moyens économiques font défaut. Méditez sur ce sujet !

M. Christian Ferrazino (AdG). J'apprends à l'instant que l'accès à la tribune est interdit aux étudiants souhaitant assister à nos débats. Pour une fois que la jeunesse s'intéresse à la politique... (Rires et applaudissements.) Mme Polla pleurait tout à l'heure... (Applaudissements nourris.) Je vois que c'est l'assentiment général ! Qui prend une telle décision ? En tout cas pas le Bureau. Je viens de me renseigner, le Bureau n'a pas pris cette décision. M. Ramseyer, chef de la police, donne les ordres qu'il entend à ses policiers, alors que, jusqu'à nouvel avis, l'accès au Grand Conseil est régi par le président de ce parlement.

Je vous demanderai donc, Madame la présidente, de suspendre deux minutes cette séance et de transmettre l'ordre à la police de laisser libre accès à la tribune afin que les jeunes qui le désirent puissent assister à nos débats. (Applaudissements sur les bancs de la gauche.)

La présidente. Monsieur Ferrazino, je me suis informée et il n'y a, paraît-il, personne qui désire monter à la tribune. (Vives protestations.) Il apparaît que ce n'est pas le cas. Je vais donc suspendre nos travaux afin de me rendre compte moi-même de la situation sur place. (Applaudissements.)

La séance est suspendue à 19 h 15.

La séance est reprise à 19 h 20.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je tiens à vous remercier d'être intervenue, Madame la présidente. Toutefois, cette intervention s'est produite tardivement, le groupe des manifestants... (Brouhaha !) ...étant déjà parti. J'en veux pour preuve le fait qu'un journaliste ne pouvait même plus accéder à la tribune du public, car la police lui en interdisait l'accès. C'est vous dire à quel point les tribunes étaient librement ouvertes à tous !

M. Bernard Lescaze, rapporteur de majorité. Si je comprends bien, vous trouvez la loi trop généreuse.

M. Christian Ferrazino. Mais oui, cela vous dérange, Monsieur Lescaze, mais voici la réalité des faits telle qu'elle est décrite.

La présidente. Je vous en prie, les débats que nous menons sont difficiles, longs et si vous voulez passer toute la nuit de vendredi à samedi, nous sommes sur le bon chemin.

M. Christian Ferrazino. Merci, Madame la présidente. J'interviendrai sur le projet de loi et ensuite sur la demande de renvoi en commission.

M. Lescaze voudrait nous faire croire qu'il ne s'agirait pas d'une première étape vers une remise en cause totale de la gratuité des études. Il nous fait de belles phrases, mais ne nous donne aucune garantie. Or, si d'aventure ce principe d'instaurer une taxe devait être admis, vous aurez alors beau jeu, Monsieur Lescaze, de nous proposer de l'augmenter dans un deuxième temps et, ainsi, de réduire encore davantage l'accès à l'université à toute une partie de la population. Cela sera d'autant plus facile, Monsieur Lescaze, que l'autorité compétente qui fixe les montants est bel et bien le département. Vous ne l'avez pas rappelé dans l'exposé oral que vous venez de faire tout à l'heure.

Or, le département pourra en toute liberté augmenter ces taxes universitaires pour rendre d'autant plus difficile l'accès à l'université.

Donc, cette crainte a tout lieu d'être fondée, puisque, comme vous le savez, dans des cantons peu éloignés du nôtre, celui de Vaud, par exemple, cette taxe s'est déjà étendue aux écoles supérieures, soit aux collèges.

Le risque existe que, dans un deuxième temps, si la taxe devait être admise au niveau du principe, elle puisse s'étendre non seulement à l'université mais également aux écoles supérieures.

Alors, je vois mal comment on pourrait traiter deux situations identiques de façon différente, car, Monsieur Lescaze, vous nous dites dans votre rapport que, finalement, cette introduction des taxes universitaires pour les Genevois est justifiée par l'augmentation du nombre des étudiants. Ceci représente un des principaux arguments, soit que le coût global est plus élevé, puisque le nombre des étudiants est en augmentation.

Or, et vous ne l'avez pas contredit, Monsieur Lescaze, le nombre des étudiants est aussi en augmentation dans le secteur de l'école secondaire. Alors, pourquoi faites-vous deux raisonnements différents par rapport à une situation identique ? Si ce projet de loi est ainsi motivé, cela signifie que vous reconnaissez implicitement que les taxes pourront s'étendre, dans un deuxième temps, aux étudiants des collèges.

A vous entendre, vous et Mme Polla, les étudiants devraient dire merci à ceux qui nous proposent ce projet de loi, car les taxes retenues, de 1 000 F par année, ne couvrent qu'une partie des frais d'écolage. Ils devraient donc vous remercier de cette générosité.

En plus, Monsieur Annen, selon vous les étudiants devraient vous être reconnaissants dans toute cette affaire, car bon nombre d'entre eux seront prétendument exonérés du paiement de la taxe, car l'université pratiquerait, et je cite le rapport : «Une politique généreuse en la matière.».

Mais là encore, Monsieur Lescaze, ce sont de belles paroles qui n'offrent aucune garantie dans votre rapport. Vous-même, Monsieur Lescaze, vous ne savez pas... (L'orateur s'adresse à M. Brunschwig) Je ne crois pas que j'ai mal lu, Monsieur Brunschwig, ou en tout cas ma lecture est aussi bonne que la vôtre et j'entendrai vos commentaires tout à l'heure.

En ce qui concerne le rapport de M. Lescaze et les garanties relatives qui font défaut, il soulève certains doutes sur la question du nombre d'étudiants qui pourraient être exonérés. Je lis à la page 3 de son rapport : «A l'avenir, il faudra certainement clarifier dans le règlement d'application les diverses possibilités d'exonération afin que l'université n'encoure pas le reproche d'arbitraire.». Je tourne la page et je cite : «Pour ce qui regarde les possibilités d'exonération, le rectorat souhaite une grande souplesse dans l'application de la loi afin que les services sociaux puissent continuer à user de leur sorte de règlement interne.».

Voilà la belle clarification qui semble séduire M. Lescaze. En tout cas, elle n'apporte absolument aucune garantie. D'ailleurs, il suffit pour le démontrer de reprendre des chiffres cités par le rapporteur de majorité lui-même lorsqu'il nous indique que, pour 1996, et sur la base des chiffres qui ont été transmis par le département de l'instruction publique, on attend 6,85 millions de francs de recettes de la perception de ces taxes universitaires.

Alors, faisons un petit calcul pas très compliqué. Si l'on doit appliquer une taxe de 1 000 F par étudiant à un nombre d'environ treize mille étudiants, on arriverait à la somme de 13 millions sur l'ensemble de l'année. La somme de la recette que vous indiquez dans votre rapport se monte à 6,85 millions. Cela signifie qu'un étudiant sur deux devrait être exonéré. Cette démonstration chiffrée nous montre que la loi que vous nous proposez est celle de pratiquer régulièrement l'exception.

Alors, vous n'êtes peut-être pas juriste, Monsieur Lescaze, mais je peux vous rappeler tout de même que, lorsque l'on fait des lois, elles sont de portée générale. Or, vous inversez le bon sens juridique le plus élémentaire en nous proposant aujourd'hui de faire une loi qui n'est qu'une série d'exceptions, et, finalement, on fera simplement de l'exception la règle dans votre loi.

Voilà pourquoi nous disons : «Non !» (M. Lescaze intervient.)

La présidente. Monsieur Lescaze, n'interrompez pas l'orateur, s'il vous plaît !

M. Bernard Lescaze, rapporteur de majorité. Madame la présidente...

La présidente. Je regrette, Monsieur Lescaze !

M. Christian Ferrazino. Madame la présidente, soyez tolérante, M. Lescaze a de la peine à me comprendre et cela se voit dans le rapport qu'il a établi. Mais vous avez beaucoup de bonnes intentions, Monsieur Lescaze, alors je vais essayer d'être très patient avec vous.

Je vous rappellerai simplement qu'en matière de technique législative, la loi est faite pour régler un certain nombre de cas et prévoir des exceptions. Vous nous proposez de régler des exceptions par la règle qui est dans cette loi, ce qui est totalement absurde et vous le reconnaissez vous-mêmes par le montant que vous avez retenu, soit 6,85 millions de francs, et qui montre en fait qu'un étudiant sur deux ne devrait pas être soumis à cette taxe.

Je voudrais revenir sur les propositions faites par la CUAE et par un certain nombre d'associations d'étudiants lorsque nous avons été amenés à examiner la pétition dont ils avaient saisi notre Grand Conseil. Ce débat a eu lieu voici à peine quelques mois, des propositions avaient été faites pour trouver un financement par le biais de contributions salariales modulées, afin de maintenir le nombre de postes de travail et permettre une économie au niveau des traitements, notamment des professeurs ordinaires, des professeurs invités avec proposition de modifier ces postes en postes de professeurs adjoints.

En lieu et place de retenir ces propositions, on nous propose de transférer les charges de l'Etat sur le dos des étudiants et cela nous semble inacceptable. Dans cet esprit, nous soutiendrons le renvoi de ce projet de loi qui a été demandé en commission, car, précisément, le problème du financement doit être examiné de façon plus sérieuse, et nous ne devons pas nous limiter à en faire payer les frais, Madame Polla, aux seuls étudiants qui, malheureusement, n'étaient pas là pour vous entendre.

Par conséquent, nous soutiendrons le renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Christian Grobet (AdG). Tout à l'heure, notre collègue Claire Chalut a fait référence au Mémorial du Grand Conseil de 1963. Or, au moment où l'on discute du problème de la gratuité des études universitaires, qui n'est pas tombée du ciel, il n'est pas inutile de se référer aux textes de l'époque.

Cette gratuité de l'université résulte d'une initiative déposée en 1961 par les jeunesses radicales progressistes. A l'époque, voyez-vous, le parti radical avait une jeunesse qui, de surcroît, était progressiste. Malheureusement, il semble qu'elle se soit perdue depuis lors, mais il n'était pas inutile de vous le rappeler !

L'initiative a fait l'objet d'un vote d'entrée en matière à l'unanimité, le 21 juin 1963, par le Grand Conseil. Deux ans plus tard, dans son rapport, feu Henri Schmitt rappelait les buts poursuivis par l'initiative.

En premier lieu, l'instauration à Genève de la gratuité absolue de l'enseignement secondaire supérieur et de l'enseignement universitaire pour les élèves genevois et confédérés dont les parents sont domiciliés depuis plus de cinq ans dans le canton de Genève, le second but étant le remplacement du système actuel de bourses par un système d'allocations d'études accordées automatiquement aux bénéficiaires lorsque les conditions prévues par la loi sont réalisées.

Suite à ce vote d'entrée en matière unanime du Grand Conseil en 1963, le Conseil d'Etat, par la bouche de son président lors des promotions civiques qui ont suivi - M. Henri Schmitt nous le rappelle dans son rapport - déclarait à l'époque :

«Il n'est pas exagéré de dire que par ce vote notre canton a pris une décision révolutionnaire. Certes, depuis longtemps Genève s'est distingué parmi tous les cantons suisses par un effort particulièrement marqué pour faciliter l'accès aux études, par la gratuité de l'enseignement et par l'octroi de bourses.

»Mais l'étape que nous nous apprêtons à franchir est beaucoup plus décisive. Ce que nous visons, en réalité, ce n'est pas à lever l'hypothèque que constitue la situation matérielle de leurs parents seulement pour des élèves exceptionnellement doués, mais nous voulons permettre à tout jeune homme, à toute jeune fille capable de faire normalement ses études, de les poursuivre sans obstacle.

»Le système que nous entendons mettre sur pied ne relèvera en rien de la philanthropie ou de la bienfaisance. Il constituera simplement une extension de cette solidarité qui doit unir les membres d'une communauté humaine.».

Je n'ai fait que citer Emile Dupont qui, à l'époque, était chef du département des finances.

Suite à ce vote d'entrée en matière, c'est en 1965 que le Grand Conseil a été saisi une première fois du projet de loi d'application visant l'introduction de la démocratisation des études à Genève. Je relève, Monsieur Lescaze, que déjà à l'époque il y a eu non pas un débat, car tout le monde était unanime, figurez-vous, mais des commentaires sur le faible impact financier de ce projet de loi en raison de la modicité des taxes universitaires.

Là également, il est intéressant, Monsieur Lescaze, puisque vous parlez de psychologie, de se référer à celui qui, je crois, est l'un de vos maîtres à penser, Henri Schmitt, et qui, dans ce débat, déclarait ceci :

«Lorsque nous examinons les conséquences financières d'une telle démocratisation, que la réforme est de peu d'envergure et que, en définitive, le montant de la dépense étant approximativement le même que celui des dépenses actuellement inscrites au budget, la réforme n'est qu'apparente. Je crois qu'il faut nous détromper. Le projet qui vous est soumis est au contraire destiné à changer...» - écoutez bien, Monsieur Lescaze - «...des rapports d'ordre beaucoup plus psychologique que matériel dans l'attitude que certains milieux avaient à l'égard de l'enseignement supérieur.».

Henri Schmitt continue en disant : «C'est un but d'élémentaire justice et je crois que, dans cette réforme qui est plus importante qu'on ne le pense, malgré le fait que la dépense ne sera pas plus élevée que les dépenses que nous engageons aujourd'hui dans le cadre du budget, il y a là, comme le relevaient les orateurs de tous les partis politiques lors de l'entrée en matière, le 21 juin 1963, comme le relevait le chef du département des finances lors des promotions civiques d'il y a deux ans, une véritable révolution en la matière, et c'est là cet acte de justice auquel je vous invite à adhérer en acceptant les conclusions prises par notre commission.».

Par voie de conséquence, le Grand Conseil avait bien conscience de toute la valeur symbolique et effective que représentait la gratuité des études par la suppression des taxes et qu'il ne fallait pas faire oeuvre de mesquinerie, comme M. Schmitt le disait également.

Je pourrais citer nombre d'autres orateurs...

La présidente. Monsieur Grobet, il vous reste une minute !

M. Christian Grobet. J'arrive bientôt au bout, Madame la présidente. Je pourrais également citer M. Guy Fontanet qui, à cette époque, saluait avec enthousiasme cette loi qui constitue un progrès certain et faisait référence à la réforme de 1900, soit la gratuité de l'école primaire et, maintenant, la gratuité de l'école secondaire et de l'université. (Brouhaha.)

Par voie de conséquence, il est indiscutable qu'aujourd'hui la démocratisation des études telle qu'elle a été voulue par le législatif et ensuite par le peuple est remise en cause au travers de ce projet de loi.

Enfin, je désire souligner en complément à ce que M. Ferrazino a dit tout à l'heure sur le fait que la loi ne mentionne pas le montant des taxes, ce qui permet effectivement, Monsieur Lescaze, après la taxe modeste que vous nous annoncez aujourd'hui, de l'augmenter considérablement, que vous seriez peut-être bien inspirés, sur les bancs du gouvernement, d'écouter la proposition qui a été faite de renvoyer ce projet de loi en commission.

Je pense que cet article est tout simplement inconstitutionnel. (Protestations.) Cela vous étonne peut-être, mais certains, sur les bancs du Conseil d'Etat, se souviennent - M. Haegi sourit - des débat que nous avons eus sur le problème des taxes, et la jurisprudence du Tribunal fédéral indique très clairement que le montant des taxes et des impôts doit être indiqué dans la loi et qu'on ne peut pas simplement laisser fixer le principe d'une taxe et laisser à l'exécutif le soin de fixer le montant de cette taxe.

Ainsi, vous devriez prendre très au sérieux ce manque de rigueur dans cet article qui, à mon avis, ne répond pas à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

La présidente. Ensuite, nous débattrons du renvoi en commission et nous appliquerons la procédure de préconsultation, soit une seule intervention par groupe pendant cinq minutes.

M. Pierre Kunz (R). Contrairement à M. Vanek et à ses collègues des bancs de gauche qui se sont exprimés, je ne m'adresserai pas à la galerie. C'est à vous, Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition, que je m'adresse.

Dans le passé, vous étiez des rêveurs qui prétendaient connaître et imposer à tous la recette du bonheur universel. Vous étiez inquiétants, mais vous étiez dignes de respect. Vous êtes devenus, vous le montrez ce soir, de vulgaires tricheurs qui, pour conserver un rôle politique, ne reculent devant aucun retournement, aucune manipulation, aucune récupération.

Des voix. T'es mauvais !

M. Pierre Kunz. Monsieur Hausser, ne vous comportez pas comme Abdallah dans «Tintin au pays de l'or noir». (Grand éclat de rire de toute l'assemblée.) Henri Schmitt est mort. Emile Dupont est mort aussi. André Chavanne est mort et, disons-le, l'Etat providence est mort aussi.

Une voix. Et le parti radical ?

M. Pierre Kunz. Des décisions, des renoncements sont nécessaires qui ne nuiront en rien à la liberté, à la justice de l'enseignement, qu'il soit primaire ou universitaire. Mais vous, une fois de plus, vous cherchez à vous construire un avenir politique en exploitant, en flattant de la manière la plus détestable l'égoïsme et la mesquinerie qui reposent en chacun de nous. Tout ce que vous dites et direz encore ne changera rien à cette lamentable réalité.

Votre attitude doit être condamnée et vos arguments vigoureusement rejetés.

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je souhaiterais corriger certains propos concernant ma présence en commission. Malheureusement, je n'ai pas participé aux travaux de la commission de l'université sur ce sujet. Je n'ai donc pas pu voter, ni pour dire oui, ni pour dire non à la loi qui nous est présentée ce soir.

Madame la présidente, vous me permettrez de continuer. Les socialistes, dans leur volonté légitime de justice sociale, ont toujours vigoureusement lutté contre tous les privilèges dans le domaine de l'éducation. C'est ainsi qu'après Jules Ferry ils ont systématiquement milité pour une école publique, laïque et obligatoire. Une des conquêtes sociales de l'école genevoise est donc bien ce principe de la gratuité des études, de la classe enfantine jusqu'à l'université et l'application de ce principe a eu un certain nombre d'effets.

L'école de Chavanne est plus démocratique qu'elle ne l'était en 1960 et les progrès réalisés ont permis d'augmenter le niveau général de formation des jeunes gens et jeunes filles.

Cependant, on se rend compte aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, qu'indépendamment du phénomène de sélection par l'argent, l'éducation est un véhicule identifié de reproduction des inégalités sociales. C'est ainsi que l'origine sociale reste encore déterminante pour l'accès à l'université, et ceci après des décennies de démocratisation des études.

En conséquence, le débat de ce jour n'est pas un débat simpliste. Ce n'est pas un débat pour ou contre la démocratisation des études et l'égalité des chances au travers de la gratuité, mais il prouve que les choses ne sont pas forcément toutes blanches ou toutes noires et que la démocratisation et l'égalité des chances sont une recherche constante et peuvent donner lieu à des discussions pour savoir quels sont les meilleurs chemins à poursuivre pour y parvenir.

Lorsque l'on cherche, comme le font les socialistes, comment défendre le mieux les gens les plus modestes, comment approcher de plus près la justice sociale, on ne peut pas manquer de constater que la culture universitaire profite plus à ceux qui appartiennent aux catégories moyennes et élevées qu'à ceux de condition moins aisée. On ne peut pas manquer de constater que les impôts payés par les gens les moins aisés contribuent à subventionner une offre de formation universitaire gratuite pour des individus mieux lotis.

En soi, on peut être pour le principe de l'introduction des taxes à l'université. Le problème est que la mesure prise par ce projet de loi est unique et qu'elle s'inscrit dans une démarche dirigée à l'encontre des étudiants, sinon pourquoi n'aurait-on pas aussi recherché de nouvelles recettes ailleurs, par exemple du côté des professeurs et en particulier du côté des doubles mandats des professeurs.

Le problème est aussi que ce projet de loi n'est pas un bon projet et une des raisons pour lesquelles il n'est pas un bon projet est que le montant de la taxe qui va être fixée n'est pas inscrit dans la loi. Un amendement a été proposé par les commissaires socialistes en commission de l'université et il a été rejeté par la majorité de la commission.

Le problème est enfin qu'il y a doute sur la volonté de l'exécutif. C'est tout de même le gouvernement actuel qui devra appliquer cette taxe et nous nous méfions des gens qui ne nous disent pas où ils nous conduisent. Le rétrécissement du principe de la gratuité que l'on nous propose s'inscrit-il simplement dans une volonté d'augmenter les recettes ou alors s'inscrit-il dans le cadre d'une politique de la rareté, d'une politique socialement encore plus sélective ?

A l'appui de l'interprétation restrictive, le manque de moyens et d'encadrement à l'université, l'introduction prochaine de tests d'aptitude et, surtout, quelques résidus des temps passés qui traînent encore dans les esprits de certains d'entre ceux qui soutiennent ce projet de loi.

On a entendu dire qu'il y avait trop d'universitaires. Monsieur Kunz, il paraît que vous auriez dit en commission que ce projet de loi aurait l'immense avantage de réduire le nombre des étudiants. Mais comment trop d'universitaires, comment trop d'étudiants quand il s'agit de donner aux jeunes gens et jeunes filles la formation la plus élevée, la culture la plus étendue, une certaine égalité des chances sur un marché du travail de plus en plus restreint.

Dire qu'il y a trop de monde, c'est vouloir un système universitaire malthusien qui forme 5 ou 10% d'élèves aptes à diriger le pays. C'est une conception élitaire que les socialistes ne partagent pas.

En réalité, la volonté du gouvernement est axée prioritairement sur le rétablissement de l'équilibre budgétaire et, en conséquence, elle débouche sur l'impossibilité de donner les moyens nécessaires à l'université pour accueillir des étudiants de plus en plus nombreux.

Dès lors, évidemment, l'instauration d'une taxe de cours n'a pas pour objectif d'obtenir de nouvelles recettes, mais elle s'inscrit dans une vision dissuasive, celle de rationner l'accès à l'université. Si cette interprétation est juste, on peut parier que la politique d'exemption et la politique d'allocation de bourses d'études sera elle aussi restrictive.

Nous ne partageons pas les objectifs de ce projet de loi. La politique qu'il sert n'est pas la nôtre. Nous voterons donc contre ce projet. Nous sommes bien entendu d'accord de le renvoyer en commission, si la demande de renvoi est maintenue.

La présidente. J'ai rappelé, pour tous ceux d'entre vous qui n'étaient pas encore à la tribune, que les manifestations en tout genre ne sont pas tolérées à la tribune. Ne m'amenez pas à devoir faire usage de mes moyens de police au sein du Grand Conseil.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Même si mon groupe est contre ce projet de loi, il ne s'opposera pas à son renvoi en commission, car il garde l'espoir qu'en commission quelque raison s'allume dans l'esprit de certains des membres de l'Entente.

S'il s'agit bien de modifier la loi sur l'encouragement aux études qui devrait aujourd'hui s'alimenter d'une taxe prise aux étudiants et destinée à financer leur encadrement pédagogique, M. Lescaze a admis sans peine que la démocratisation des études est un long chemin à parcourir et qu'elle n'a pas encore atteint tous ses résultats.

La présidente. Madame Deuber-Pauli, je suis navrée de vous interrompre. Je vous rendrai la parole, mais nous devons nous prononcer en premier sur le renvoi en commission.

Mme Erica Deuber-Pauli. Alors, sur le renvoi en commission...

La présidente. Uniquement le renvoi en commission !

Mme Erica Deuber-Pauli. ...il existe des possibilités d'amender cette loi afin de renoncer au prélèvement des taxes et de financer l'encouragement aux études par la modulation des salaires des professeurs du plus haut rang selon la proposition des étudiants; on peut aussi l'amender en inscrivant le montant dans la loi.

Le groupe de l'Alliance de gauche, soutenu par les socialistes, a proposé des amendements en séance, où aucun débat n'a eu lieu, tout simplement parce que les jeux étaient pipés. Ce projet de loi a été lancé dans la foulée de l'allégresse provoquée par l'arrivée au pouvoir du gouvernement uniforme de l'Entente et on a refusé tout débat sur les possibilités d'amender la loi.

Je ne demande que l'ouverture de ce débat. C'est pourquoi, nous demandons le renvoi de ce projet de loi en commission.

Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce projet en commission est rejetée.

La présidente. Madame Deuber-Pauli, si vous voulez ajouter quelque chose, je vous rends la parole pour le débat général.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Merci, Madame la présidente. L'université est une institution publique comme n'importe quelle autre école. Elle est financée par l'impôt du contribuable. Lever une taxe sur les étudiants domiciliés à Genève, on l'a dit et redit, revient à lever un impôt social catégoriel, prélevé sur un seul groupe, ce qui contrevient à l'esprit de la constitution et va, de surcroît, à l'encontre de l'encouragement aux études. Qui paiera?

Tout à l'heure, mon collègue Ferrazino a fait remarquer que l'exemption s'étendrait sur le tiers, voire la moitié des étudiants allocataires de bourses, et que la politique d'allocation des bourses deviendrait extrêmement tendue. J'attire votre attention sur le fait que cette loi n'atteindra pas son but si elle doit générer une augmentation des demandes de bourses.

Or, actuellement, le principe de la gratuité des études constitue non seulement un encouragement aux études pour les classes pauvres, mais aussi pour les classes moyennes dont le budget est juste à la limite au-delà de laquelle on ne touche pas d'allocations d'études. Ces familles, au moment où elles devront s'acquitter d'une taxe de 1 000 F par enfant, à raison de deux ou trois enfants étudiants à l'université, ne pourront pas survivre sans demander l'allocation de bourses.

Par conséquent, il faudra bien revoir le système d'allocation des bourses. Si on ne le fait pas, cette catégorie de gens verra la possibilité de faire une carrière universitaire diminuée.

Je n'évoquerai même pas ce que M. Kunz a dit, tant cela est grotesque. Par contre, les gens les plus sérieux qui pensent que cette loi ne portera pas atteinte à la démocratisation des études ignorent complètement quels ont été les effets de la gratuité à l'époque où elle a été introduite.

A cette époque, j'étais encore étudiante et je puis vous dire que cela a représenté la fin d'un cauchemar d'embêtements pour moi. Le problème de devoir trouver la taxe, qui n'était pas de 1 000 F par année mais qui avoisinait 500 F à l'époque, revenait continuellement. Où trouver l'argent pour m'acquitter de cette taxe ?

J'ai payé entièrement mes études, mais lorsqu'il fallait trouver ces 500 F, en plus de se nourrir et de se loger, je devais emprunter. C'est très décourageant de recourir à l'emprunt pendant des années, et cela ne favorisait que les carrières d'étudiants très doués qui pouvaient se permettre de réussir leurs examens en travaillant 8 heures par jour pour gagner leur vie et rembourser les emprunts.

Je trouve que cette sélection du cerveau et de l'argent élimine les chances de carrière universitaire pour toutes celles et ceux qui doivent travailler très dur pour réussir leurs études, soit, la plupart du temps, de nouveau celles et ceux qui n'ont pas d'acquis au départ. Cela est profondément injuste et nous ramène en arrière.

Personnellement, je me bats contre l'introduction de cette taxe en raison de ma propre expérience, et en me souvenant de l'enthousiasme qui nous a saisis lorsque celle-ci a été levée. La suppression de ces taxes a libéré d'une partie des soucis que générait l'accès à l'université celles et ceux qui appartenaient aux classes pauvres ou moyennes.

Le fait de payer des taxes est dissuasif, particulièrement dans les familles où les parents ne sont pas favorables à ce que les enfants aillent à l'université. C'est précisément le cas des familles modestes, pour lesquelles l'université apparaît comme un lieu hostile dans lequel les enfants s'éloigneront de leur milieu familial, voire deviendront des adversaires. C'est précisément là qu'il faut instituer des mesures d'encouragement spéciales. Or, une de ces mesures d'encouragement, le grand Chavanne l'avait compris, était d'enlever le souci des taxes financières de la tête des parents déjà hostiles à envoyer leurs enfants à l'université.

Dans le canton de Vaud où, dans les années 60, la réforme pour la démocratisation des études n'a pas eu lieu, l'université ne compte aujourd'hui, comme le démontre une récente enquête de la Fédération des associations d'étudiants sur la situation socio-économique de ces derniers, que 13% d'étudiants et d'étudiantes provenant des milieux populaires.

On peut donc comparer Vaud avec Genève où cette démocratisation a été engagée. Je vous prie de réfléchir avant de voter cette loi, car vous porterez la responsabilité, non seulement d'un geste symbolique marquant le début du démantèlement d'une situation que l'on a mis trente ans à mettre en place, mais aussi l'instauration immédiate, dans la tête des parents et des étudiants, d'un souci supplémentaire, alors que, de plus en plus, on a de la peine à trouver du travail temporaire et de la peine à payer ses études lorsque l'on appartient à un milieu modeste.

Je vous engage à réfléchir à votre décision avant de voter sans conscience ni état d'âme comme le recommandait tout à l'heure Mme Polla.

Mme Claude Howald (L). Vous vous trompez si vous croyez que la démocratisation des études a été enterrée. Il existe des allocations d'études, des bourses qui sont largement distribuées à condition que les élèves et les étudiants qui les demandent remplissent les termes de la loi. D'ailleurs, je vous en conseille la lecture, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face. Il s'agit de la loi sur l'encouragement aux études. Si vous en avez envie, vous pouvez aussi lire son règlement d'application et vous livrer à quelques exercices pratiques. Vous verrez sur des cas concrets que la loi répond aux engagements qui ont été pris à l'époque par les députés qui siégeaient sur ces bancs et qui voulaient aider et encourager aux études aussi bien les élèves que les étudiants de l'université.

Pour information, je vous dirai simplement qu'en 1993 la somme des allocations accordée était de 7 millions, mis au bénéfice d'environ sept cents étudiants à l'université de Genève. Ce n'est pas rien. A mon avis, cela répond complètement à certains soucis qui ont été émis jusqu'à maintenant.

Les étudiants qui s'inscrivent à l'université ou qui fréquentent un établissement scolaire sont informés de leurs droits, soit par le biais de formulaires d'information, pour l'université, soit par l'établissement scolaire qu'ils fréquentent.

Il leur suffit, c'est la moindre des choses que l'on peut demander à un citoyen ou à son répondant légal, de remplir la formule et de la retourner au service des allocations d'études qui l'examinera selon les termes de la loi. Suivant les conditions de revenu familial et le type d'études suivi, l'étudiant, respectivement son répondant légal, recevra une allocation de manière automatique. Et si de cette manière l'allocation, ou le prêt, ne peut être accordé, la loi prévoit l'instauration d'une commission des allocations spéciales.

Mais vous sauriez tout cela, Mesdames et Messieurs les députés, si vous vous étiez donné la peine de consulter, d'une part, la loi sur l'encouragement aux études et, d'autre part, son règlement d'application.

Je préciserai que cette commission des allocations spéciales ne représente pas une seule commission. Il existe une commission qui s'occupe des cas universitaires et une autre des cas secondaires, donc des élèves qui fréquentent encore le collège ou qui retournent aux études en faisant une maturité au collège pour adultes. Elle est aussi professionnelle et, par dérogation, cette commission des allocations d'études est habilitée à accorder un prêt, une allocation complète ou partielle à ceux qui la demandent.

Bien évidemment, puisqu'il s'agit d'apprécier des situations, le recours est prévu dans les termes de la loi, et c'est au Tribunal administratif que la personne qui n'a pas reçu l'allocation à laquelle elle croit avoir droit peut faire recours.

Je regrette vivement que l'on déplace le débat et que l'on remette en cause des systèmes qui fonctionnent. Je vous rappelle que 7 millions ont été versés en 1993 et que, simplement pour aller au-delà de ce que prévoit le projet de loi, on utilise des voies et moyens qui ne sont pas dignes des élus du peuple. (Applaudissements de la part des libéraux.)

M. Jean-François Courvoisier (S). Je voudrais signaler que Mme Polla a dit par erreur que Micheline Calmy-Rey avait voté cette augmentation, alors que, le jour du vote, je la remplaçais à la commission.

M. René Longet (S). M. Kunz et Mme Polla, notamment, avaient l'air étonnés d'un certain nombre de positions défendues sur les bancs de la gauche. A mon tour, je suis étonné de cet étonnement, et j'aimerais, une fois encore, revenir sur certains points qui me paraissent essentiels.

Si vous aviez accepté le renvoi en commission, cette perche qui vous était tendue tout à l'heure, vous auriez pu corriger le premier point dont je vais parler.

En effet, ce projet ne peut pas être vu comme la commission, par la voix de son rapporteur, nous le relate, mais il doit être inséré dans son contexte. Vous ne pouvez nier, Mesdames et Messieurs de la majorité, qu'il subsiste de nombreux dysfonctionnements à l'université. Vous ne pouvez nier la non-transparence des budgets au niveau des facultés, ni la précarisation et un sentiment d'insécurité croissant du côté du corps intermédiaire et des étudiants. Vous ne pouvez nier qu'il existe encore au sein de cette université des possibilités de gains multiples, notamment au niveau de la faculté de médecine, et que l'on n'a jamais réussi à mettre véritablement de l'ordre là-dedans.

Par rapport à ces faits, votre étonnement m'étonne, car nous devons régler ces problèmes dans l'ordre et nous ne pouvons pas accepter qu'on résolve les problèmes de l'université en s'attaquant en premier au maillon le plus faible de la communauté universitaire. Nous demandons d'établir tout simplement un principe qui devrait vous être familier et qui s'appelle la symétrie des sacrifices. Nous ne pouvons pas accepter que l'on commence à restreindre du côté des plus faibles.

Ensuite, deuxième point, nous ne savons pas dans quelle direction le Conseil d'Etat, le chef du département et la majorité vont en matière de formation. On ne cesse de confondre investissements et dépenses. Vous savez très bien qu'un pays comme le nôtre a peu de richesses naturelles, sinon sa matière grise, et on le dit à chaque occasion. On s'est repenti d'avoir taillé, durant les années 70, dans les budgets de recherche et dans ceux de la formation. Aujourd'hui, nous ne savons pas où vous voulez aller et vous-mêmes ne le savez pas non plus. Personne ne nous a indiqué le chemin qui était poursuivi pour nos jeunes et leur formation. Voici le contexte dans lequel il nous importe d'insérer un projet tel que celui-ci.

Enfin, troisièmement, lorsque l'on parle de l'université, nous avons encore un regret, celui de la réforme qui a été opérée voici deux mois et qui nous laisse un sentiment de déséquilibre et d'amertume d'avoir été inachevée, d'avoir créé une structure dont nous ne sommes pas du tout sûrs, personnellement en tout cas, que ce soit la bonne. Eh bien, il nous faut une réforme d'ensemble de l'université. Nous ne sommes plus d'accord avec ces bricolages successifs imposés par une majorité, sans concertation, et dont nous ne sommes pas du tout sûrs du résultat d'ensemble.

Il est tout à fait normal que nous réagissions contre de telles propositions et que nous essayions de les améliorer en commission. D'ailleurs, certaines améliorations ont été obtenues. Il est tout à fait normal que nous essayions d'obtenir le renvoi en commission pour corriger ce qui n'a pu l'être, pour mettre le texte dans son contexte. Or, puisque vous n'acceptez pas tout cela, Mesdames et Messieurs de la majorité, il est tout à fait logique que nous vous renvoyions votre copie.

La présidente. Monsieur Bernard Lescaze, vous sembliez vous interroger sur l'ordre d'intervention des rapporteurs. Lorsque vous prenez place à la table des rapporteurs, vous parlez en premier. Ensuite, vous prenez la parole dans l'ordre où vous êtes inscrit. Vous avez un privilège, de par la loi portant règlement du Grand Conseil, c'est que vous n'êtes pas limité quant au nombre d'interventions.

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. J'aimerais simplement faire une ou deux remarques sur ce qui a été dit. Ce soir, le débat est déplacé. Je tiens à dire que Mme Calmy-Rey a participé à une des trois séances et non pas à deux, son nom figure, non seulement dans la liste des présences, mais dans les interventions au procès-verbal.

Lors des séances de commission, à aucun moment ce débat sur la valeur symbolique de la démocratisation des études, que je préfère appeler la démocratisation de l'accès aux études, n'a été soulevé. La raison en est très simple. A ce moment-là, les quinze parlementaires étaient parfaitement convaincus que la mesure proposée allait dans l'intérêt des étudiants en leur proposant un meilleur encadrement et ne mettait nullement en cause ce principe de la démocratisation de l'accès aux études, car telle n'a jamais été la volonté de cette majorité de remettre ce principe en cause.

Aujourd'hui, Mme Roth-Bernasconi regrette que ce modeste rapport, sur un point précis et ponctuel, douloureux, certes, car l'imposition d'une taxe nouvelle est toujours douloureuse, n'étudie pas les inégalités générées par le système scolaire et social. Mais enfin, un tel rapport n'existe pas ! Des bibliothèques entières ont été remplies de propositions telles que les imagine Mme Roth-Bernasconi, sans aucun succès ni aucun résultat, car c'est précisément le propre d'une société libérale qui s'interroge sur elle-même que de savoir pourquoi certaines inégalités sociales persistent malgré l'égalité des chances dans l'enseignement.

M. Ferrazino s'inquiète de l'absence de garanties. Il m'a lu attentivement, mais il a mal interprété mon propos, car il a bel et bien été précisé en haut de la page 4 du rapport que les directives financières et les principes de taxation seraient concrétisés dans un règlement d'application du département de l'instruction publique, et non pas, comme le voulait le rectorat, dans un règlement interne de l'université, précisément pour donner la possibilité de faire un recours sur des modalités particulières à ceux qui le désireraient.

D'ailleurs, le projet de loi présenté par le département de l'instruction publique prévoyait que la fixation du montant des taxes en cas d'augmentation serait effectuée par le département sur proposition du rectorat. Au cours des débats en commission, il a été précisé qu'ainsi les étudiants seraient les premiers informés d'une éventuelle mesure d'augmentation par leurs représentants au Conseil de l'université ou au Conseil académique grâce à la nouvelle loi votée il y a deux mois. Face à une éventuelle jurisprudence du Tribunal fédéral, il faudra peut-être admettre de fixer le montant à 500 F par un seul amendement et un petit paragraphe dans la loi, comme on l'avait proposé. Nous en rediscuterons ultérieurement.

Nous sommes prêts à vous donner des garanties, Monsieur Ferrazino. Elles figurent dans le rapport qui vous est présenté. Mais, face à la volonté de l'université qui réclamait un maximum de souplesse dans l'application de ces mesures, nous ne pouvions pas être trop rigoureux, précisément pour étendre le nombre des bénéficiaires d'une exemption de taxe.

Je regrette que vous trouviez le nombre des exemptés trop important. Vous avez l'air de nous reprocher une certaine générosité. Disons que votre intervention comporte un certain paradoxe. Mais peut-être ne cherchiez-vous simplement qu'à élargir votre base électorale !

On nous reproche d'oublier certains principes de la démocratisation des études. M. Christian Grobet nous a rappelé tout à l'heure un certain nombre de démarches faites dans les années 63-65 pour en venir à la gratuité, Mémorial à l'appui. C'est beau le Mémorial !

Toutefois, je me contenterai de citer ma modeste expérience d'étudiant entré à l'université en 1965. J'ai retrouvé mon livret d'étudiant dans lequel j'ai relevé que non seulement l'université faisait payer une taxe de 150 F par semestre, ce qui fait aujourd'hui trois fois plus à la valeur du franc 1965, mais, non contente de cela, l'université n'acceptait pas ce qu'elle défend aujourd'hui, à savoir la pluridisciplinarité. Comme j'avais l'incroyable toupet de vouloir faire deux facultés à la fois, je payais une taxe et demie. Dans le projet qui vous est soumis aujourd'hui, de telles absurdités n'entrent plus en ligne de compte.

Enfin, à plusieurs reprises, certains intervenants de l'Alliance de gauche ou du parti socialiste, voire du parti écologiste, ont prétendu que d'autres pistes existaient et, parmi elles - d'ailleurs ce soir le ton a été plus doux que dans certains articles - il en existe une que vous mentionnez, à savoir - soyons clairs et concrets - la baisse du salaire, d'après vous trop important, des professeurs. Ce projet avait été assez bien calculé, quoi qu'on en pense, et il était prévu de moduler la baisse en fonction du statut, soit de professeur, pour lequel elle serait plus importante, soit de maître assistant.

Lorsque l'on voit les manifestations agiter la fonction publique à Genève, parce que les augmentations offertes ne sont pas assez importantes et assez rapides, je me demande si, véritablement, vous trouverez un soutien dans le corps professoral et le corps intermédiaire sur ce sujet.

Et pourtant, Mesdames et Messieurs sur les bancs d'en face, votre réflexion, mais dans un autre cadre que celui-ci, mériterait d'être affinée à l'échelon européen, car, en effet, il n'est peut-être pas normal qu'un assistant à l'université de Genève gagne autant qu'une sommité à Oxford ou à Cambridge, mais il s'agit là d'un autre système d'éducation, d'une autre réflexion qui n'appartient pas à ce projet de loi.

En conséquence, vos inquiétudes quant à l'application généreuse de ce projet n'ont pas lieu d'être. Quant à votre attaque symbolique sur le principe de la démocratisation des études, elle aurait davantage de poids si vous vous étiez inquiétés auparavant de savoir s'il était normal et naturel, comme vous semblez le proclamer aujourd'hui, que les étudiants bénéficient d'une gratuité complète. Il ne s'agit pas, bien entendu, de l'instruction publique et gratuite jusqu'à l'âge de seize ans, nous sommes dans un autre système.

Mais il s'agit de dire que les apprentis, eux, paient l'écolage et leurs fournitures. Nous pouvons penser que vos intentions ne sont pas aussi pures et désintéressées que vous l'affirmez, car vous oubliez que les apprentis paient des taxes et les étudiants non. C'est pour cette raison que l'article du «Nouveau Quotidien», qui s'intitulait : «La gauche genevoise soutient les riches», est peut-être abusif, mais en tout cas il est vrai de dire que la gauche genevoise soutient aujourd'hui les privilégiés. (Vifs applaudissements sur les bancs de la droite.)

Mme Janine Hagmann (L). Après l'excellent exposé de M. Bernard Lescaze, il m'est difficile de dire ce que j'avais envie de déclarer, car cela paraîtra plat.

Mais, tout de même, la manchette du «Nouveau Quotidien» qui titrait hier : «Les étudiants, nouvel enjeu, un combat gauche-droite» me paraît être très réelle. Cette modification de loi vaut-elle un tel combat ? Bernard Lescaze l'a dit et redit, le sujet en soi est mineur. 500 F de taxe universitaire pour les Genevois qui en ont la possibilité ne sont pas un barrage à l'accès aux études et à la formation de haut niveau. Les 65 F demandés aux enseignants genevois représentaient un privilège, on vous l'a dit, qu'il faut, hélas, abandonner dans les conditions actuelles.

Dans tous les cas, il ne s'agit pas de rentabiliser l'université. Comment cela serait-il possible quand on en connaît les coûts ? Et, comme lu dans le rapport de minorité, il ne s'agit absolument pas d'un démantèlement très rapide des conditions de liberté et d'indépendance de l'enseignement et de la recherche. Cela est aberrant.

Selon l'enquête «Etudiants 90», sur cent soixante et un étudiants qui renoncent à poursuivre leurs études à l'université, seuls trois d'entre eux ont invoqué des problèmes financiers. Les étudiants sont prêts à lancer un référendum soutenu par la gauche. Avant de protester, ne devraient-ils pas, peut-être, regarder un peu plus loin que l'horizon de notre lac ?

Cette augmentation n'a rien de réactionnaire, d'autant plus qu'elle servira à leur encadrement. Je ne suis pas sûre que les apprentis qui doivent payer des taxes d'écolage signeront le référendum.

Quant à vous, Monsieur le rapporteur de minorité, lors d'un précédent rapport modifiant la loi sur l'université, vous aviez déjà été assez peu aimable vis-à-vis de la majorité. Cette fois, vous dites que la majorité parlementaire suit benoîtement le Conseil d'Etat. Eh bien, pour une fois, je suis d'accord avec vous ! Benoîtement veut dire d'une façon calme et paisible. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre avec calme les conclusions du rapport de majorité et d'approuver ce projet de loi tel qu'il vous est soumis, sans modifications.

M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur de minorité. Je reviendrai sur deux ou trois points. M. Lescaze a parlé des difficultés du fonctionnement de la commission. Il est vrai qu'elle était présidée par M. Lombard et, auparavant, par M. Kunz. Ce qui n'est pas forcément la meilleure manière de conduire une commission.

En ce qui concerne ce projet de loi, les travaux ont été très rapidement menés. Dans cette commission, il est extrêmement difficile d'avoir une vue d'ensemble de tous les projets qui concernent le développement de l'université. Par exemple, cette commission n'examine même pas le budget de l'université, et pourtant, c'est cette commission qui devrait s'en occuper.

Je suis très satisfait d'avoir fait un rapport qui ramène les choses à leur principe. Madame Barbara Polla, je suis très honoré que vous preniez du temps pour me lire. Par contre, je trouve profondément détestable, par honnêteté intellectuelle, que vous tronquiez les textes que j'ai écrits. Je prétends que la destination des taxes à l'encadrement des étudiants pourraient se concevoir, mais prévoir de la restreindre à l'engagement de moniteurs dont le statut est des plus aléatoires et dont aucun programme sérieux n'a été énoncé, c'est délibérément déqualifier l'encadrement des étudiants, puisqu'en principe les assistants devraient remplir cette tâche dont simultanément on diminue le nombre et on précarise la fonction.

Le nombre d'étudiants va croissant. Les conditions de travail ne cessent de se dégrader. Le nombre d'enseignants diminue. Les nécessités de l'excellence universitaire exigent de plus en plus de ressources qui devraient être galvanisées par les ambitions s'inscrivant dans un projet généreux, ouvert, pensé, cohérent. Tout ce que l'on trouve à proposer, ce sont des moniteurs d'encadrement. Ceci est profondément ridicule et parfaitement minable. Je souscris à cela, et tant que le Conseil d'Etat et notre commission ne seront pas capables d'avoir un projet ambitieux, généreux, ouvert, pensé et cohérent et qu'il prendra ce problème par le petit bout de la lorgnette, celui des taxes des étudiants et des moniteurs, cela continuera à être parfaitement ridicule et parfaitement minable.

Une voix. C'est la deuxième fois que tu le dis.

M. Jacques Boesch, rapporteur de minorité. Oui, mais il faut peut-être le comprendre. Je peux vous le répéter une troisième fois ! (Rouspétance.) Pour en revenir au problème des taxes, j'ai dit que, s'il peut paraître comme relativement équitable que tous les étudiants paient les mêmes taxes universitaires, il faut veiller à ce que cette mesure ne s'avère pas discriminatoire dans les faits entre les catégories particulières d'étudiants, soit les Genevois établis à Genève et les Confédérés pour lesquels les autorités cantonales versent une contribution à Genève par étudiant. Ces personnes ou leurs représentants fiscaux paient déjà des impôts dont une partie sert à financer l'université par le biais du budget de l'Etat. Persister à prélever cette taxe revient à lever un impôt social, catégoriel, à imposer doublement une catégorie de personnes, ce qui est naturellement contraire à l'esprit de nos constitutions.

Vous avez ergoté, aligné des chiffres, je n'ai encore entendu aucun raisonnement ni aucun fait qui vienne démontrer le contraire de l'affirmation que j'ai posée dans mon rapport.

M. Pierre-François Unger (PDC). J'avoue ne plus rien y comprendre. Lorsque j'ai lu ce projet de loi, puis le rapport au demeurant excellent de notre collègue Lescaze, j'ai naïvement trouvé cette loi nécessaire, raisonnable et consensuelle. Je ne reviendrai pas sur les motifs du nécessaire et du raisonnable, car ils ont été largement développés. Mais j'ai également trouvé cette loi consensuelle, puisque, malgré une situation politique propice aux clivages, elle a reçu en commission l'approbation de douze des quinze députés, trois seuls députés de l'Alliance de gauche pour deux d'entre eux la rejetant, pour le dernier s'abstenant.

Je suis prêt à tirer mon chapeau à l'Alliance de gauche qui représente fidèlement le petit cinquième de la population qui l'a élue avec pour mission un rôle d'opposition systématique. Cette mission est scrupuleusement remplie et, je dois l'avouer, souvent avec talent.

Mais la surprise est tout de même forte face aux positions socialistes et écologistes. Quelle confiance les dirigeants de ces partis font-ils à leurs députés ? Ceux-ci ont fait accepter leurs amendements en grande majorité en commission. Ils appliquent un programme électoral dans lequel les taxes universitaires étaient acceptées, puis votent la loi des deux mains en commission. Mais, dès les premières effluves référendaires, ils retournent leur veste, sans aucun état d'âme. Et encore, si c'était la première fois, mais durant toute cette année, ils nous ont habitués au point qu'ils finissent par tourner plus de vestes qu'ils n'en ont. Et ce n'est pas faute d'en manquer !

M. Michel Balestra. Pas plus qu'ils n'en prennent ! (Grand éclat de rires de l'Entente.)

M. Pierre-François Unger. Ainsi donc, la députation socialiste tourne des vestes qu'elle acquiert en leasing ! Il ne vous reste qu'à espérer, Mesdames et Messieurs de la gauche incertaine, que le prix du crédit pratiqué par l'Alliance de gauche ne vous mette pas définitivement sur la paille. (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (AdG). Je désire intervenir sur un certain nombre de points. Le premier concerne les attaques très vives que Mme Polla nous a portées tout à l'heure en disant que notre position sur cette affaire était le fruit de soucis électoralistes, de démagogie, de manipulations et que nous aurions eu l'énorme talent d'avoir été capables de susciter le mouvement étudiant qui s'est élevé et s'est opposé à cette taxe, et d'avoir été à l'origine de la manifestation de la semaine dernière. Les manifestants présents, ainsi qu'un certain nombre de gens venus à la tribune, ne seraient venus que grâce au talent politique et machiavélique de l'Alliance de gauche. C'est complètement absurde !

En début de séance, vous m'avez entendu. Je ne suis pas intervenu en mon nom, je n'ai fait que rapporter fidèlement dans cette enceinte une prise de position très claire de la conférence universitaire des associations d'étudiants.

Ce type d'interventions est parfaitement détestable. D'abord, elles nous accordent beaucoup trop de crédit. A la limite, on pourrait passer là-dessus. (Rires.). Mais, surtout, ce sont des interventions extrêmement méprisantes à l'égard des étudiants eux-mêmes, de leur association, de leurs structures, des débats qu'ils ont eus, notamment en état généraux, il n'y a pas si longtemps - Madame Brunschwig Graf en sait quelque chose - et de l'autonomie de leur mouvement du fait qu'ils ont annoncé eux-mêmes le lancement d'un référendum et qu'ils le mèneront avec un certain soutien.

Ensuite, que l'on trouve surprenant que la gauche soutienne ce mouvement, qu'elle défende la démocratisation des études est tout de même un peu fort de café. On nous a sorti toutes sortes d'arguments extrêmement entortillés et ridicules sur la défense des privilèges et des privilégiés par la gauche. On nous a parlé de taxes d'écolage pour les apprentis. Je suis heureux d'entendre de la part d'un certain nombre de représentants de la majorité de ce Grand Conseil que vous trouvez ces taxes inadmissibles et nous pourrons ensemble les supprimer. Toutefois, cela n'est pas l'objet de ce débat. Je peux vous rassurer, allons dans ce sens, effectivement il doit y avoir une gratuité de la formation de l'enseignement, de la formation professionnelle, du parascolaire...

Une voix. Ah ! Ah !

M. Pierre Vanek. Il n'y a pas de ah, ah ! Nous avons fait cette expérience. Nous avons vu ce que l'introduction du paiement du parascolaire a provoqué, soit une diminution de son accès dans des quartiers populaires, et vous êtes en train de prendre l'autre bout du spectre de la formation pour essayer de faire la même chose avec des airs de sainte Nitouche en disant que des dérogations auront lieu mais que cela ne portera pas à conséquence. Bien entendu que cela portera à conséquence !

Les accusations de Mme Barbara Polla sont absolument détestables et infondées. On nous a porté des accusations en disant qu'on se «foutait» des étudiants, le terme était plus poli mais cela revenait au même. On nous a accusés de vouloir élargir notre base électorale par ce biais. On n'en a franchement pas besoin... (Rires.) ...parce que, dans cette enceinte, nous avons sur les bancs du Conseil d'Etat une équipe qui travaille assidûment à élargir notre base électorale... (Applaudissements et bravos de la gauche.) ...et je me permets de les en remercier !

Sur la question de la gauche soutenant les privilégiés à l'université. Tout à coup, on découvre que ce sont des fils de médecins et d'avocats qui y sont. Or, en instaurant la gratuité des études à ce niveau, on favoriserait ces gens ! Ce raisonnement est absurde ! D'abord parce que, à l'évidence, comme l'a rappelé Erica Deuber-Pauli avec beaucoup de talent en parlant de son expérience personnelle, on instaure pour cette minorité d'étudiants qui ne viennent pas de milieux aisés une barrière supplémentaire, et ce sont essentiellement eux que nous défendons.

Mais si vous estimez que des avocats, des médecins, des gens aisés et fortunés - et, croyez-moi, la fortune croît dans ce canton - ne crachent pas assez au bassinet pour financer l'université, eh bien, il existe des moyens pour augmenter le prélèvement dans ces secteurs. Ces moyens, vous les connaissez aussi bien que nous, il s'agit des impositions. Et notre position a toujours été conséquente sur le fait que les riches devaient payer un certain nombre de choses et nous continuerons à défendre ce point de vue.

D'aucuns prétendent que ce projet était consensuel et s'étonnent que l'on s'élève contre ce dernier. M. Unger nous a rendu le compliment en disant que nous avions été conséquents dans cette affaire qui a déjà été débattue en plénière au sein de ce Grand Conseil, voici quelques mois. Cela a été rappelé à l'occasion d'une pétition déposée par les étudiants; quatre mille étudiants, si ma mémoire me sert correctement, l'avaient signée.

Par conséquent, il n'y a aucune surprise à avoir sur le fait que cette loi ne pouvait pas passer comme une lettre à la poste dans ce Grand Conseil. En effet, il existe des gens, y compris des gens prêts à changer d'avis, qui écoutent les principaux concernés par les objets votés dans ce Grand Conseil. D'autres n'écoutent pas. Ils sont sourds lorsqu'il s'agit d'entendre la population. C'est dommage pour eux et pour les personnes que l'on attaque par ce biais.

On dit souvent que la vérité sort de la bouche des enfants. Beaucoup d'entre vous ont essayé de «tortiller» autour de la question de la démocratisation en disant qu'elle n'était pas remise en cause. L'adage que je viens d'évoquer s'adresse à M. Kunz. Il a cité Tintin dans ses références, ce qui est une bonne lecture, et s'est félicité du fait qu'André Chavanne était mort. Il nous a laissé entendre que c'était une bonne chose et qu'aujourd'hui on enterrait son école. (Protestations.) C'est ce qu'il a dit avec beaucoup de franchise. Il est vrai que souvent M. Kunz est plus franc que d'autres dans ce Grand Conseil et je lui en rends hommage. Si André Chavanne est mort, son esprit ne l'est pas, et je pense que c'est son esprit qui triomphera de ce projet de loi parfaitement inique et détestable.

J'ai ici une lettre datant du 30 avril 1993 que le président du département de l'instruction publique de l'époque, M. Dominique Föllmi, avait adressée à la CUAE et qui s'insurgeait - déjà à l'époque, il n'y a donc pas de surprise ! - contre des projets d'instauration de la taxe universitaire. M. Dominique Föllmi disait, entre autres, je ne vous lis pas toute la lettre : «Je n'ai pas transmis le projet de loi sur les taxes universitaires, ni au Conseil d'Etat ni au Grand Conseil, donc il ne saurait être question de parler déjà et par anticipation d'une atteinte grave à la démocratisation des études.». Il disait donc qu'il n'avait pas mis la machine en route. Voilà la preuve qu'il s'agit bien d'une atteinte grave à la démocratisation des études. Il s'agit bien de ce dont nous débattons aujourd'hui et il faudra voter sur cet objet tout à l'heure. (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Plusieurs d'entre vous sont intervenus pour souligner les comparaisons existant entre les écolages que les apprentis paient et les positions que nous défendons par rapport aux étudiants.

Mme Polla s'est une nouvelle fois distinguée dans la manière avec laquelle elle interprète les textes des autres. Elle est presque aussi malhonnête que l'est le journaliste qui a été cité tout à l'heure sur la position de l'Alliance de gauche et la soi-disant défense des privilégiés, comme il l'a écrit en faisant référence, tout comme vous sur les bancs d'en face, aux taxes d'écolage des apprentis, cela pour faire croire à la population que la gauche ne se bat pas sur la question de l'écolage des apprentis mais qu'elle défend les étudiants, ces privilégiés, comme vous les appelez ! Vous êtes bien placés pour parler de privilèges, puisque vous êtes ici les porte-parole des privilégiés de cette société.

En fait, que s'est-il passé ? Comment l'écolage des apprentis a-t-il été introduit ? Il n'y a pas besoin de remonter bien loin dans le passé. Voici deux ou trois ans dans les débats budgétaires, nous nous sommes battus à fond contre les augmentations des taxes d'écolage concernant les apprentis. Des pétitions d'apprentis ont été lancées et une bataille a eu lieu. Vous auriez pu avoir l'honnêteté de dire tout à l'heure que, si les apprentis paient aujourd'hui de telles taxes d'écolage, c'est parce que vous, en face, les avez votées.

On peut prendre la situation de l'école d'infirmières dont on a déjà débattu au cours de cette législature à trois, quatre ou même cinq reprises dans cette enceinte. De votre côté, à chaque fois vous vous êtes battus pour limiter les possibilités d'accès à leur école aux infirmières. (Applaudissements.)

De votre côté, vous vous en prenez directement à la gratuité des écoles. On a bien fait de vous rappeler tout à l'heure la dure bataille qu'il a fallu conduire pour apporter cette gratuité. Mais au fond, que faites-vous ? Vous remettez en cause, ou vous rendez plus difficile, l'accès aux études, l'accès au savoir qui est la seule matière première que nous ayons dans ce pays et qui permet, dans les circonstances actuelles, de sortir de la crise en augmentant les qualifications quel que soit le niveau des intéressés, apprentis, infirmières ou étudiants.

Que proposez-vous pour de simples mesures budgétaires ? C'est un peu pareil, Madame Polla, que lorsque vous parliez de la fermeture de Montana. «Nous faisons des économies sans états d'âme...» disiez-vous, «...s'il fallait fermer l'hôpital nous le fermerions, car seuls les motifs financiers nous conduisent.». Ce sont des motifs à la petite semaine et vous avez obtenu la réponse du peuple en rapport avec votre arrogance. J'espère que vous serez sanctionnée encore plusieurs fois et, si vous continuez à intervenir de cette manière, soyez persuadée que nous aurons l'occasion de faire savoir à la population ce que vous défendez et avec quelle malhonnêteté vous interprétez les rapports des autres, en citant des phrases tronquées et en les sortant totalement de leur contexte.

Une fois encore, cette démarche caractérise l'arrogance de ceux qui nous font face, de ceux qui défendent les privilégiés. Permettez-nous de défendre le libre accès à la culture, aux études, étudiants, infirmières et apprentis, c'est le même combat contre votre arrogance et contre vos privilèges. (Applaudissements.)

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). D'ordinaire, notre collègue M. Lescaze s'exprime avec un tel talent et une telle assurance qu'on est porté à le croire. Je l'ai entendu dire qu'à la commission aucune voix ne s'était élevée pour protester contre le geste symboliquement déplorable que constituerait l'introduction de ces taxes dans la loi, car cela instituerait le début d'un démantèlement de certains droits acquis dans le domaine de l'accès démocratique à l'université.

Je vous trouve «gonflé», Monsieur Lescaze ! Depuis notre élection, nous «ferraillons» sur ce sujet au sein de la commission de l'université. Ce fut le cas lors de la pétition des étudiants relative aux taxes et aux moyens d'y pallier en modulant les salaires des professeurs ainsi que lors du débat sur le projet de loi modifiant le rectorat, et maintenant sur le projet de loi d'encouragement aux études instaurant les taxes.

Vous ne voulez pas voir les conséquences de l'introduction de ces taxes, mais vous êtes responsables de l'amorce de ce mouvement. Toutefois, vous avez des scrupules, puisque vous admettez que vous vous contenteriez de taxes de 300 F par semestre et qu'on aurait pu les affecter, non pas à des moniteurs, mais à l'achat de livres pour la BPU. Vous apportez toutes sortes d'amendements qui vous honorent, mais vous ne voulez pas voir que le mouvement est amorcé.

Lors du débat sur le projet de loi du rectorat, vous avez dit que ceux qui se battaient autrefois contre la loi la défendaient aujourd'hui. A ce moment, je n'avais pas pu vous répondre, car j'avais eu un malaise et je n'étais pas en état de parler. Je vous réponds aujourd'hui à ce sujet.

Dans les années 60, nous nous sommes battus, comme étudiants, comme assistants puis comme chargés de cours, pour cette démocratisation et nous étions appuyés par les forces démocratiques de ce canton. Votre parti appartenait à ces forces. Depuis le siècle passé, il était en faveur de la démocratisation des études.

On arrivait enfin à dégager des acquis pour l'université et, aujourd'hui, vous faites machine arrière. Je ne peux pas vous le pardonner, car vous êtes un universitaire et vous favorisez cette offensive globale extrêmement violente dictée par le mot d'ordre de l'équilibre budgétaire et qui s'en prend là où cela ne vous fait pas mal, soit aux plus faibles.

J'aimerais vous demander de considérer la demande de renvoi en commission et d'avoir l'honnêteté de la reconnaissance du combat qui a été mené par la gauche et par celle du parti radical, et même parfois par le parti radical lui-même ou par le parti démocrate-chrétien, pour obtenir de sortir des privilèges dans lesquels l'école et l'université étaient intensément plongées encore jusqu'au début des années 60. Enfin, j'aimerais vous demander d'arrêter le mouvement, car, si vous continuez ainsi, vous aurez la population contre vous. (Applaudissements.)

M. Michel Halpérin (L). Il y a un peu de surréalisme dans ce débat qui dure depuis deux heures.

On entend parler d'atteinte à la démocratie dans les études. Notre parlement pourrait s'interroger sur ce qu'est la démocratie et de sa place dans les études. Ce soir, quelques modestes tentatives ont eu lieu dans ce sens.

Il me semble que, dans un régime politiquement démocratique comme le nôtre, il est indispensable que chaque citoyen puisse accéder au savoir. C'est d'abord cela la démocratie dans l'enseignement. Il faut commencer par l'enseignement primaire, l'enseignement obligatoire et supérieur au sens large et, finalement, universitaire, si on peut. Il y a vingt ou trente ans, nos prédécesseurs étaient guidés par ces principes réjouissants. Ils avaient fait l'unanimité.

A cette époque, notre université comptait environ six ou sept mille étudiants et le budget universitaire ne ressemblait pas à ce qu'il est devenu. Notre République connaissait une phase de richesse croissante. C'était avant qu'un certain nombre d'idées, dont vous êtes les porte-paroles habituels pour certaines, ne mettent en pièces cet effort et cet essor économiques.

Aujourd'hui, nous devons tenir compte d'un certain nombre de paramètres supplémentaires qui n'existaient pas à cette époque et qui n'étaient même pas des espérances. Vous nous accusez de porter une atteinte antidémocratique aux études universitaires. Cet argument n'est ni raisonnable, ni sérieux. En effet, on ne peut pas prétendre que d'imposer une contribution à des étudiants à l'effort général soit nécessairement antidémocratique. C'est moins bien que la gratuité, mais ce n'est pas encore une atteinte en soi. Il est normal d'ouvrir le débat, mais il faut le replacer dans son contexte.

En effet, soutenir qu'il est discriminatoire d'imposer des taxes à des étudiants genevois qui sont les seuls à en être exonérés, car tous les autres étudiants en paient, c'est franchement remplacer une discrimination par une autre. Est-il vraiment satisfaisant et osez-vous vraiment affirmer sur les bancs d'en face que les étudiants d'autres cantons et les étrangers devront être moins bien traités, en termes de démocratie et d'accès à l'éducation, que les nôtres, nos «Natifs», nos Genevois ? Sommes-nous déjà revenus au temps d'avant Jean-Jacques Rousseau ? Voici la question que vous semblez poser.

Et s'il ne s'agit que du montant de la taxe par égard au fait, dites-vous, que les Genevois sont déjà des payeurs d'impôts. Mais alors, ceux d'entre nous qui paient leur abonnement 560 F par an pour accéder aux TPG et qui sont des Genevois sont-ils discriminés ? Alors qu'il n'y a même pas d'exclusion pour les pauvres, les malades, les personnes âgées. Et leur abonnement de télévision mensuel ? Ceux-là sont-ils aussi discriminés dans leur droit au savoir et à l'information ?

Tout de même, nous parlons de 500 F par semestre. Il s'agit d'une somme que la plupart d'entre nos familles sont heureusement en mesure de payer. Les parents qui peuvent offrir à leur fils, à leur fille une année aux Etats-Unis, voire peut-être des études à Harvard, à 50 000 dollars par an... (Des voix : ouuhh ! - Sifflets). Je peux crier aussi fort que M. Vanek, mais j'ai pitié de mes contemporains. (Rires de la droite.) J'attendrai donc que le silence soit revenu à la tribune.

Ceux qui sont en mesure d'offrir des études à l'étranger à leurs enfants avec des tuition fees, comme on les appelle là-bas, de 30 ou 40 000 dollars par an, ne peuvent pas offrir 1 000 F par an à leur université genevoise ? C'est cela ? Et puis, dites-moi, ces payeurs d'impôts sont-ce les étudiants ou leurs parents ? Quant à ceux qui ne peuvent pas, qui sont allocataires, boursiers, assistants, ils sont tous exonérés de la taxe. Tout à l'heure, on a vu, grâce à un calcul de la gauche, que ce sont peut-être cinq mille et non pas trois mille étudiants qui bénéficieraient de ce régime et c'est devenu un argument sur les bancs d'en face pour prétendre que cette loi n'est pas assez générale parce qu'elle ne fait payer qu'une grande moitié des étudiants plutôt que la totalité. Si cet argument n'est pas franchement facétieux, nous ne savons plus où aller trouver des sources à notre humour naturel ! (Rires de la droite.)

On prétend que nous sommes en train d'imposer une taxe qui n'aurait pas de base constitutionnelle et que tout le mouvement que nous sommes en train d'adopter aujourd'hui en cache un autre, plus vaste, qui serait une menace de nuisance générale à l'accès aux études. Et puis, on nous explique que la loi que nous présentons ne respecte pas les exigences constitutionnelles, puisque le taux maximum de la taxe n'y figure pas.

Il est vrai que ce point pose un problème constitutionnel. D'ailleurs, il se trouve que ce problème n'est pas dû aux auteurs du projet de loi qui vous est soumis, mais à ceux qui ont été si fort loués, tout à l'heure, notamment par l'excellent député Grobet. En effet, les auteurs du texte de 1973 n'ont pas introduit le maximum de la taxe dans les textes légaux. Il semble qu'à l'époque le Tribunal fédéral n'avait pas encore les exigences qu'il a évoquées depuis, confirmées par un arrêt récent à propos de la taxe sur le tourisme. Il faut que nos lois stipulent le maximum des taxes, sans quoi elles sont inconstitutionnelles.

Je dois constater, Monsieur Grobet, que les auteurs des textes de 1973, si doués qu'ils eussent été, ont effectivement manqué de perception et de vision sur les exigences à venir et n'ont pas introduit ce plafond. Eh bien, nous l'introduirons, et je déposerai un amendement au deuxième débat proposant que l'on plafonne cette taxe. Ainsi, je rassurerai ceux qui s'imaginent que ce débat est anticonstitutionnel ou ceux qui pensent qu'il s'agit de l'amorce d'un débat antidémocratique. Cela n'est ni l'un ni l'autre, et il était temps que l'on s'en aperçoive. (Applaudissements de l'Entente.)

M. Andreas Saurer (Ve). On sent planer les résultats des votations de Montana et du SAN au-dessus de nos débats. J'en veux pour preuve un certain nombre d'interventions que je suis bien obligé de qualifier de revanchardes en regard des Verts et de la gauche que vous qualifiez de «profiteuse».

J'ai l'habitude d'entendre ce genre de discours de la part de certaines intervenantes. En revanche, j'étais surpris que M. Unger ait entonné la même trompette... (Cherchant M. Unger du regard.) Il est probablement parti à la buvette et je souhaite que cela lui fasse le plus grand bien !

Comme Mme Bugnon l'a dit dans son intervention, nous avons eu des débats parmi les Verts. La réponse n'était pas du tout claire. Les opinions divergeaient. Finalement, il s'est dégagé une majorité pour refuser cette loi, mais ce n'est absolument pas en fonction d'un «courant d'air» que nous avons pris notre décision. Mme Bugnon l'a très clairement expliqué, l'argument essentiel était la toute première phrase de votre rapport, Monsieur Lescaze, où vous dites que ce projet de loi constitue une réponse à l'augmentation du nombre des étudiants. Cette phrase dit l'essence même de ce projet de loi. Après, nous pouvons discuter du montant, prohibitif ou non, mais je n'entrerai pas dans ce genre de discussions d'épiciers. Le fond du problème est que la majorité et le Conseil d'Etat estiment, je cite votre rapport, qu'il y a trop d'étudiants. Nous ne sommes pas d'accord avec ce point de vue. Je pense que la seule matière première de la Suisse est la matière grise et elle mérite d'être formée.

Nous avons pris notre décision au sein de notre groupe, mais c'est bien la première fois que les Verts prennent une décision en opposition à celle qui était défendue en commission, et je peux parfaitement bien comprendre que, si on prend le projet de loi en tant que tel, la chose n'est pas dramatique, comme d'ailleurs aussi les votations concernant Montana et le SAN. En tant que tel, ce n'était pas un drame, mais ces rejets s'insèrent dans une certaine politique. Nous sommes dans le même cas de figure en ce qui concerne les taxes universitaires. Quelquefois, il est nécessaire de prendre un peu de recul afin de nous permettre de mieux voir la globalité de la situation. C'est pour cette raison que nous avons finalement décidé de refuser ce projet de loi.

M. Christian Grobet (AdG). Le débat de ce soir est significatif d'une conception défendue sur les bancs d'en face, qui concerne l'accès aux études, et celle défendue sur les bancs de la gauche.

Vous pensez que nous défendons des privilégiés. Pour nous, la formation et les études ne doivent pas être un privilège, il s'agit d'un droit fondamental. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à ce que ce droit se transforme aujourd'hui en privilège.

Ainsi, on revient trente ans en arrière et je trouve ceci pitoyable, car ce n'est pas avec le montant des taxes, tel qu'il est prévu, que l'on sauvera la situation financière de l'Etat.

Ce débat est exactement le même que celui que nous avons eu il y a trois mois au sujet de la clinique de Montana, dans lequel j'ai posé la question pour savoir si on ne pourrait pas retrouver dans le budget les 4,8 millions qui, soit disant, devaient impérativement être trouvés et justifiaient la fermeture de la clinique de Montana.

Depuis lors, j'apprends que le Conseil d'Etat, comme par hasard, n'a pas retrouvé 4,8 millions mais, semble-t-il, 17 millions pour répondre au vote clair et net du peuple. Alors, ne nous dites pas, Mesdames et Messieurs, qu'il est indispensable d'avoir 2 millions de taxes provenant des étudiants pour sauver le budget de l'Etat ! Il s'agit de la même politique que celle qui est menée au niveau des soins hospitaliers et que l'on veut réduire. Dans ce projet de loi, on veut porter atteinte à la démocratisation des études. Et, par la force des choses, votre raisonnement vous conduira à vous demander pourquoi les jeunes qui fréquentent les écoles secondaires et dont les parents sont aisés ne payeraient pas, eux aussi, une taxe, et que, par ce biais, l'on revienne à la taxe qui existait il n'y a pas si longtemps encore dans les écoles secondaires.

Nous ne pouvons pas admettre ce principe, comme nous ne pouvons pas admettre, Monsieur Lescaze, que vous prétendiez que nous voulons baisser les salaires des assistants. Nous n'avons jamais proposé cela. J'ai cru comprendre que le parti socialiste avait proposé, non sans raison, d'examiner plus attentivement la situation des professeurs qui ont une activité privée à côté de leur fonction, et qui sont extrêmement bien rémunérés. Effectivement, on voit dans certaines facultés - je connaissais la faculté de droit - comment certains professeurs qui, grâce à leur titre, bénéficient de revenus supplémentaires. A mon avis, ce n'est pas admissible. Il y a là un problème réel qui devrait être examiné.

Enfin, nous ne pouvons pas admettre l'argument que vous avancez, celui de dire que nous voudrions opposer les étudiants aux apprentis. Aujourd'hui, nous sommes, comme l'a dit M. Spielmann, extrêmement intéressés par votre sollicitude soudaine à l'égard des apprentis que vous négligiez par le passé. Alors, nous allons vous donner l'occasion, Mesdames et Messieurs les députés, de concrétiser cette sollicitude.

J'imiterai M. Halpérin, que je remercie de m'avoir écouté, qui a tout de même reconnu que mon intervention n'était pas totalement insensée. Il s'agit d'un échange de bons procédés, cher député, et puisque nous sommes dans le cadre de l'examen de la loi sur l'encouragement aux études, il est évident que l'on peut amender d'autres articles.

Nous allons donc vous proposer de compléter l'article 10 de la loi sur l'encouragement aux études qui précède immédiatement l'article 11 que nous allons discuter tout à l'heure et qui dit quels sont les bénéficiaires de la loi. L'article 10 dit : «Les dispositions de la présente loi s'appliquent à toute une série d'élèves et d'étudiants.». Nous proposons de compléter cet article par la lettre n) en disant qu'elles s'appliquent également aux apprentis et aux élèves des écoles professionnelles. Ainsi, l'égalité de traitements que vous revendiquez, à juste titre, sera effective, mais ce ne sera pas une égalité de traitements par la régression sociale mais bien par le progrès social. Et sans nul doute que les ex-jeunesses progressistes radicales voteront cet amendement dans l'enthousiasme. Merci d'avance ! (Applaudissements y compris à la tribune.)

M. Bernard Clerc (AdG). Je constate que M. Halpérin veut faire payer les riches. C'est bien la première fois que je l'entends dire une chose pareille. Il nous a déclaré que les parents fortunés qui envoient leurs enfants aux Etats-Unis peuvent très bien payer cette taxe. Si M. Halpérin veut faire payer les riches, j'attends son appui avec impatience en commission fiscale lorsqu'il s'agira de se prononcer sur les initiatives fiscales qui sont débattues dans cette commission. Toutefois, ce n'est pas un hasard que M. Halpérin veuille faire payer les riches, c'est parce qu'il sait très bien que les taxes sont les mêmes pour tout le monde. Que l'on soit millionnaire, que l'on gagne 50 000 F par an ou 300 000, on paie la même chose. Voilà la conception de l'égalité qu'a Me Halpérin. Tandis que l'impôt, Monsieur Halpérin, est progressif. Et, bien entendu, sur vos bancs, on préfère de loin les taxes à l'impôt progressif. Venons-en maintenant à la question de l'encadrement des étudiants. Il s'agit de la carotte que l'on brandit pour dire que le produit des taxes sera affecté à l'encadrement des étudiants. D'ailleurs, on se demande pourquoi les étudiants y sont tant opposés, puisque qu'ils devraient en bénéficier en premier chef.

Nous retrouvons là un artifice déjà utilisé en d'autres occasions, soit, dans un premier temps, on diminue le nombre de moniteurs, d'assistants, ou de l'encadrement en général. Et, lorsque le secteur est quelque peu asséché, on annonce qu'on ne peut pas continuer ainsi, qu'il faut relever le taux d'encadrement, mais qu'on n'a pas les moyens de le payer. Donc, on introduit la taxe.

La manoeuvre est classique. Nous la connaissons, elle ne passera pas. J'aimerais en venir à la question de l'égalité de traitement. En ce qui concerne les apprentis, le député Grobet a donné la réponse et, en ce qui concerne les étudiants, elle est simple, Monsieur Halpérin, il s'agit de faire payer la même taxe fixe pour tout le monde. (Applaudissements à la tribune.)

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. (Mme Brunschwig Graf est huée et invectivée par le public à la tribune.)

La présidente. S'il y a encore une manifestation à la tribune, je devrai faire évacuer la salle. Alors, tenez-vous le pour dit !

Mme Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Dans cette cité, il existe des lieux de débat. Le parlement en est un et l'université en est un autre. Ces deux lieux où le débat parfois animé, parfois tranquille et quelquefois violent doit avoir lieu, doivent être respectés par ceux qui les visitent. Je crois indispensable de le dire aujourd'hui, mais j'aurais souhaité le dire dans d'autres circonstances.

Dans ce débat, on a beaucoup fait parler M. Chavanne. On a très largement parlé de démocratisation des études. J'aimerais vous dire que, après avoir lu dans le Mémorial le récit des débats qui ont précédé la naissance de la loi sur l'encouragement aux études et toutes les interventions de ces dernières années relatives à ce sujet, ce qui tenait le plus à coeur aux intervenants de l'époque, et particulièrement à M. Chavanne, c'était les allocations d'études qui permettaient à tout un chacun d'y avoir accès.

Celles et ceux qui se donneront la peine de lire le Mémorial après cette séance ne trouveront pas de propos de M. Chavanne au sujet de la gratuité des études, mais des pages entières sur cette belle loi, comme il l'appelait, qui a encore été améliorée au fil des années. La dernière fois, c'était en 1988 par votre parlement qui, pour faire encore mieux, a augmenté les limites de revenus au-delà desquelles il n'est plus possible d'obtenir des allocations.

Lorsque l'on parle de revenus modestes qui impliquent la possibilité de toucher des allocations d'études, y compris l'exonération des taxes, on entend une fourchette de revenus se situant au-dessous de 80 000 F mais pouvant aller jusqu'à 100 000 F suivant les cas. La démocratisation des études voulue par le parlement de l'époque était bel et bien de dire qu'il ne devait pas y avoir de barrières financières empêchant quiconque ayant le souhait, les capacités et la volonté - et je cite des propos de la loi sur l'université - d'accéder aux études, y compris à l'université.

Toutefois, à l'époque, les conditions n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui et je ne pense pas que l'on fasse injure à la démocratisation des études en introduisant la taxe pour tous et sur laquelle je reviendrai tout à l'heure.

Si l'on avait porté atteinte à la loi sur les allocations d'études en réduisant le droit à l'obtention de ces dernières, on aurait causé d'autres maux. Ce n'est ni la volonté du Conseil d'Etat ni celle du législateur. J'ai eu l'occasion de dire à tous les étudiants que j'ai rencontrés à l'université que non seulement telle n'était pas l'intention du Conseil d'Etat mais qu'en plus il avait inscrit en tout premier lieu le montant pour les années à venir comme étant impérativement à respecter dans son plan financier quadriennal, soit, concrètement, de verser les allocations à tous les ayants droit et leur donner l'exonération à laquelle ils ont droit.

Ce débat est quelque peu surréaliste à l'heure où nous souhaitons une harmonisation sur le plan intercantonal. J'ai en effet reçu, de la part des autres cantons, une énième lettre nous signalant que nous violons l'accord intercantonal d'égalité des droits entre nos ressortissants et les Confédérés qui viennent étudier dans notre université. A partir de là, il s'agit, soit de supprimer toute taxe, soit de fixer le montant d'une taxe augmentée, je le reconnais, au niveau de celle que nous faisons payer aux étrangers de notre université. Mais cela pour de bonnes raisons qui, à l'époque, avaient d'ailleurs été négociées au sein de l'université. Ce sont ces raisons qui avaient fait que les étudiants présents au conseil de l'université en 1993 avaient accepté la proposition de fixer des taxes à l'université.

Lorsque, le 17 mai dernier, à ma demande j'ai rencontré les étudiants, donc bien avant le dépôt de ce projet de loi, je leur ai expliqué les raisons pour lesquelles il s'agissait aujourd'hui de passer à ce projet de loi. Devant eux, je me suis engagée à ce que ces montants soient affectés à leur encadrement et non pas à d'autres domaines. La conférence universitaire des associations d'étudiants a reçu la copie d'une lettre où le recteur précise que ces taxes ne sont pas destinées à engager des professeurs. Cela doit être précisé quelle que soit l'opinion qu'on peut avoir sur les taxes universitaires.

Tout à l'heure, on a parlé de démocratisation des études et de manque de projets de formation. Je ne sais pas si tous les députés ont pris connaissance des travaux de la commission de l'enseignement et des documents qui ont été remis, mais les vrais problèmes de démocratisation des études que nous rencontrons à travers, notamment, l'analyse du professeur Walo Hutmacher sont ceux de constater que, malgré les grands moyens que nous mettons à disposition, malgré les lois que nous avons mises en application, nous ne parvenons toujours pas, dans notre système scolaire, à faire en sorte que le milieu culturel dont on est issu ne pèse pas trop dans une évolution scolaire.

C'est la raison pour laquelle nous avons commencé une rénovation de l'enseignement primaire qui s'étendra à tous les ordres d'enseignement. Je ne pense pas que l'on puisse sérieusement dire, dans ce Conseil, que le Conseil d'Etat et le département de l'instruction publique n'ont pas de projets de formation, ni non plus, parce qu'il est question des taxes universitaires, qu'il s'agit d'un premier pas vers autre chose.

Faut-il vous rappeler que vous votez les lois, Mesdames et Messieurs ? Que vous les acceptiez ou les refusiez, vous êtes consultés. Vous choisissez, dans certains cas, de faire appel au peuple et, lorsqu'il se prononce, il peut le faire différemment, comme vous l'avez constaté.

Cette loi vous soumet des taxes qui concernent l'université. Elle ne vous parle pas des collèges, ni des écoles professionnelles, et pour cause, nous n'avons pas l'intention d'y introduire des taxes. Il n'y a donc pas à y voir d'intentions cachées.

On me reproche beaucoup de choses, mais je crois qu'on ne peut pas m'accuser d'avoir une langue de bois et de ne pas dire mes intentions. Il m'en coûte parfois, mais je ne crois pas qu'on puisse me reprocher des mensonges et des omissions.

J'aimerais encore vous parler d'une chose qui me préoccupe davantage. On a dit que ces lois étaient introduites à cause du nombre croissant d'étudiants. C'était vrai, mais les nouvelles inscriptions de la rentrée, sans taxe pour les Genevois, sont pour la première fois en diminution, et ce n'est pas parce qu'il y a ici, dans ce Grand Conseil, un débat sur les taxes à l'université, car les inscriptions sont en très forte augmentation à l'université de Fribourg où les taxes sont perçues depuis belle lurette.

Un certain nombre de questions sont à se poser qui ne sont pas en relation directe avec ce débat. Lors du vote du nouveau projet de loi portant sur les structures de l'université, j'ai eu l'occasion de vous dire qu'il appartenait à l'université de commencer sa réforme et ses réflexions en profondeur. Vous avez dit vous-mêmes, sur ces bancs, qu'il était regrettable qu'un groupe de travail externe à l'université ait été à l'origine de la modification des structures universitaires. J'ai eu l'occasion de vous répéter qu'il fallait un chef pour mener à bien des réflexions au sein de l'université. C'est à l'université de produire ses réflexions et non pas au parlement à les introduire par le biais de la loi sur l'encouragement aux études.

M. Halpérin vous a proposé un amendement qui permet au Conseil d'Etat et au parlement de s'engager formellement sur un plafonnement des taxes dans la loi. Modifier ce plafond nécessiterait une nouvelle modification de cette loi, donc un nouveau débat, une nouvelle possibilité de référendum. Vous n'aurez jamais de meilleures garanties.

M. Grobet nous a généreusement proposé un amendement qui, si j'avais été députée, m'aurait plu, car j'ai toujours défendu l'égalité des filières. Alors je lui dis très gentiment qu'il n'est pas nécessaire de déposer cet amendement, car la loi sur la formation professionnelle prévoit, au titre des allocations d'apprentissage, les mêmes dispositions qui concernent les étudiants et les élèves de nos collèges... (Tollé à la tribune.) ...Je vous remercie de ne pas entamer un second débat s'il n'est pas utile et si vous estimez avoir dit l'essentiel de ce que vous souhaitiez.

En conclusion, je dirai qu'il ne s'agit pas d'un coup de couteau à la démocratisation des études. Dans cette enceinte, une seule autre proposition cohérente aurait pu voir le jour par rapport à nos devoirs intercantonaux, c'était celle qui aurait proposé qu'il n'y ait aucune taxe, ni pour les Confédérés ni pour les Genevois. Cela aurait été la seule proposition cohérente par rapport à un discours et à des exigences qui sont posés par des accords intercantonaux. Et pour être tout à fait honnête, cette proposition, pour être valable, aurait dû être accompagnée d'une diminution de dépenses correspondantes équivalente à ce que permettent aujourd'hui de financer les taxes acquittées par les Confédérés.

Il est rare que le politique que je représente ait à défendre un projet dont il n'a rien à retirer du tout, sinon des problèmes, comme vous pouvez le constater. Cet argent, contrairement à ce que vous imaginez, ne va pas améliorer d'un centime le déficit de l'Etat. Il n'entre simplement pas tel quel dans les comptes de l'Etat mais dans ceux de l'université, dans les rubriques correspondantes. J'ai le regret de vous dire, car nous avons quelques problèmes financiers, que ces montants sont entièrement dépensés par l'université à des titres divers et vont principalement à l'encadrement des étudiants, pour ne pas dire totalement, après les modifications que vous avez faites.

Lorsque le politique vient devant vous et prend les risques qu'il prend, au risque de l'impopularité que cela entraîne, c'est qu'il estime vraiment que cette modification est nécessaire et qu'elle est indispensable à l'université. Merci de voter cette loi avec l'amendement proposé par M. Halpérin. (Applaudissements de l'Entente.)

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

M. Christian Grobet (AdG). J'attache tellement de crédit à vos amis politiques que j'ai cru, et je n'en ai pas douté un instant, bien entendu, lorsque M. Halpérin et l'autre député sont intervenus pour dire que les apprentis devaient payer des taxes, que leurs affirmations étaient exactes. Vous comprendrez mon souci de vouloir rétablir une égalité à laquelle vous êtes aussi sensible que moi.

Madame la présidente du département de l'instruction publique, sans avoir lu le texte et faisant aussi confiance à mon ancien collègue, M. Jean-Philippe Maitre, qui avait attiré mon attention sur l'existence de ce texte, je constate que mon amendement est superfétatoire et vos amis politiques en seront rassurés. En conséquence, je le retire, en profitant de l'occasion pour souligner que, lorsque vous indiquez que la taxe ne vise pas à réduire le déficit de l'Etat, je crois tout de même avoir lu que la subvention de la BPU est diminuée dans le budget et compensée par ce dont il est question ici... (Protestations.) ...10%. Je tenais tout de même à le dire, puisque vous aimez la précision, Monsieur Vodoz.

Enfin, on ne peut pas non plus, Madame la présidente, tirer une conclusion entre une inégalité de traitement quand les conditions sont différentes et, que je sache, on ne donne pas non plus les mêmes conditions aux Confédérés qui se font hospitaliser à l'hôpital cantonal. Le problème des étudiants confédérés qui viennent étudier à Genève, auxquels vous êtes sensible et nous aussi, aurait pu se résoudre par un accord avec les cantons pour qu'ils augmentent leur participation, qui reste trop faible, aux études universitaires suivies par les Confédérés dans notre canton.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Article 2 (souligné)

Art. 63, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

Mme Liliane Charrière Urben (S). Je voudrais rappeler aux personnes qui faisaient partie de la commission de l'université que l'inscription dans la loi, à l'article 63, alinéa 1, du montant de la taxe universitaire avait été proposée par moi-même et par le groupe socialiste. J'invite l'assemblée à suivre ce mouvement, comme la droite le propose. Je pense que cet amendement fera beaucoup moins peur.

M. René Ecuyer (AdG). J'anticipe, mais il me paraît utile de dire que, pour ce vote, nous demanderons l'appel nominal. (Appuyé.).

M. Michel Halpérin (L). Je propose que nous amendions l'article 63, alinéa 1, de la loi sur l'université, tel qu'il nous est proposé ici. Nous lisons en son alinéa premier :

«Sous réserve des dispositions de la loi sur l'encouragement aux études, les taxes universitaires, dont le montant ne peut être supérieur à 500 F par semestre et par étudiant, sont fixées...».

Ainsi, nous aurons fait litière des procès d'intention qui ont été lancés tout à l'heure.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 63, alinéa 1 et 2 (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).

Le projet est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent le projet de loi répondront oui, celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Ce projet est adopté par 54 oui contre 31 non et 9 abstentions.

Ont voté oui (54) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Dominique Belli (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Hervé Burdet (L)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Jean-Claude Genecand (DC)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Philippe Schaller (DC)

Micheline Spoerri (L)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Nicolas Von der Weid (L)

Michèle Wavre (R)

Ont voté non (31) :

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Jacques Boesch (AG)

Fabienne Bugnon (E)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Gilles Godinat (AG)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

Sylvie Hottelier (AG)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (E)

René Longet (S)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Danielle Oppliger (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Andreas Saurer (E)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Pierre Vanek (AG)

Se sont abstenus (9) :

Anne Briol (E)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Christine Sayegh (S)

Max Schneider (E)

Claire Torracinta-Pache (S)

Etaient excusés à la séance (4) :

Catherine Fatio (L)

Luc Gilly (AG)

David Hiler (E)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Etait absente au moment du vote (1) :

Liliane Charrière Urben (S)

Présidence :

 Mme Françoise Saudan, présidente.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant:a) la loi sur l'encouragement aux études (C 1 1,5);b) la loi sur l'université (C 1 27,5)

(Taxes universitaires)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989, est modifiée comme suit:

Art. 11 (nouvelle teneur)

Principe

1 Pour bénéficier de la gratuité au sens de la présente loi, l'étudiant doit suivre sa formation dans un établissement public d'enseignement non universitaire situé en Suisse.

Etablissements non universitaires subventionnés

2 A droit au remboursement des taxes jusqu'à concurrence d'un montant global de 3 220 F par an, l'étudiant qui suit sa formation dans un établissement non universitaire subventionné par le canton.

Etablissements universitaires suisses

3 Pour les enseignements dispensés par les établissements universitaires en Suisse, seul l'étudiant qui jouit du statut d'allocataire au sens de la présente loi bénéficie de la gratuité des études.

Etablissements à l'étranger ou établissements non officiels dans un canton confédéré

4 A droit au remboursement annuel des taxes jusqu'à concurrence d'un montant global correspondant à une allocation de base complète, l'étudiant qui suit sa formation dans un établissement d'enseignement à l'étranger, au sens de l'article 6, alinéa 1, lettre c ou d, ou dans un canton confédéré, au sens de l'article 6, alinéa 2, lettre b, pour autant:

a)

qu'il ait le statut d'allocataire au sens de la présente loi;

b)

que, sans être allocataire, le revenu déterminant du groupe familial du répondant ne dépasse pas la limite fixée pour l'octroi d'une allocation complète augmentée de la somme de base prévue à l'article 18, alinéa 1.

Modalité de remboursement

5 Le service des allocations d'études effectue le remboursement des taxes sur présentation des pièces justificatives.

Art. 2

La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:

Art. 63, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

Taxes

1 Sous réserve des dispositions de la loi sur l'encouragement aux études, les taxes universitaires, dont le montant ne peut être supérieur à 500 F par semestre et par étudiant, sont fixées par le département, sur proposition du rectorat. L'université en dispose en les affectant pour 10% à la Bibliothèque publique et universitaire et pour 90% à l'encadrement des étudiants, notamment au début de leur parcours universitaire.

2 L'utilisation de ces taxes universitaires fait l'objet d'un rapport distinct présenté lors des comptes rendus.

Art. 3

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 1995.

M. Bernard Annen (L). Je vous propose de travailler encore trois quarts d'heure et de nous arrêter vers 22 h.

La présidente. Monsieur Annen, j'allais également faire une proposition concernant la suite de nos travaux, mais, avant de discuter de cela, je vous propose de passer à la prestation de serment de M. Leonardo Malfanti qui attend depuis une heure. Je prie M. l'huissier de bien vouloir le faire entrer. Ensuite, nous discuterons de la poursuite ou non de nos travaux. (Sifflets et manifestations à la tribune.)