République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 juin 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 8e session - 23e séance
R 274
EXPOSÉ DES MOTIFS
De très nombreuses personnes ont été et sont encore victimes d'exécutions extrajudiciaires imputables aux forces armées ou à des groupes paramilitaires agissant avec leur soutien ou leur assentiment. Avant d'être tuées, bon nombre d'entre elles ont été torturées. Les violations commises ont principalement affecté des paysans vivant dans les zones de conflit, mais également des étudiants, enseignants, syndicalistes, membres d'associations politiques légales de gauche et des défenseurs des droits de l'homme.
Des personnes considérées comme «socialement indésirables» sont continuellement assassinées dans les régions urbaines. Les disparitions de personnes sont régulièrement signalées.
Les responsables de la plupart des atteintes aux droits fondamentaux n'ont pas été traduits en justice, bien que dans quelques cas exceptionnels des progrès aient été enregistrés au niveau des enquêtes par des juges civils. La plupart du temps les dossiers sont transmis aux tribunaux militaires; il n'existe pas d'information sur le devenir de ceux-ci...
La politique d'information du gouvernement colombien tend à faire croire que la violence politique de ce pays est l'oeuvre des seuls mouvements de guérilla et des narco-traficants. Les implications des forces de sécurité ainsi que le peu d'empressement du gouvernement à prendre des mesures concrètes pour améliorer la situation sont, quant à eux, régulièrement passés sous silence.
Amnesty International a lancé il y a quelques semaines une campagne mondiale visant à améliorer la situation déplorable des droits de l'homme qui prévaut en Colombie. Un soutien politique à cette action est nécessaire pour en renforcer l'impact auprès des autorités colombiennes nouvellement élues (mars 1994).
Tels sont, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à vous demander de soutenir cette résolution.
Débat
M. Dominique Hausser (S). En Colombie, l'armée assassine en toute impunité; ce n'est d'ailleurs pas le seul pays ! Plus de vingt mille personnes sont mortes depuis 1986, victimes de la terreur politique. Si beaucoup ont été tuées lors d'affrontements entre forces régulières et combattants de la guérilla, d'autres, plus nombreuses encore, ont trouvé la mort parce qu'elles avaient le seul tort de vivre dans des zones en proie à des conflits. Le gouvernement colombien attribue l'essentiel des violences politiques au cartel de la drogue et aux forces insurgées, mais, s'il est exact que les narcotrafiquants sont - comme les mouvements de guérilla - responsables de graves exactions, il s'est toutefois avéré que la plupart des meurtres sont l'oeuvre des forces de sécurité et de leurs auxiliaires paramilitaires.
Les gouvernements qui se sont succédé à la tête de la Colombie ont tous promis de faire respecter les droits de l'homme. Aucun n'a tenu parole ! Tant que les autorités n'auront pas la volonté politique de traduire dans les faits leurs promesses, les violations des droits de l'homme continueront. Amnesty International mène depuis quelques mois une campagne mondiale visant à mobiliser l'opinion publique et à inciter les dirigeants colombiens à mettre en oeuvre toute une série de mesures visant à améliorer la situation en matière de droits de l'homme. Je tiens à préciser ici que des recommandations ont également été formulées aux groupes d'opposition armés. Il est de notre devoir de parlementaires d'une république démocratique de nous associer à l'action d'Amnesty International, bien entendu, dans la mesure de nos possibilités.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant le respect des droits de l'homme en Colombie
Considérant:
-- le manque de volonté du gouvernement colombien jusqu'à ce jour de faire en sorte que les forces armées et les organismes de sécurité agissent conformément à la loi,
- que les membres de l'armée et de la police ne sont que rarement traduits en justice, malgré les preuves de leur responsabilité dans de nombreuses violations des droits de l'homme,
- que les groupes paramilitaires ont des pratiques généralement en contravention directe avec les principes du droit humanitaire international,
LE GRAND CONSEIL
invite le Conseil fédéral à intervenir auprès du gouvernement colombien afin que celui-ci prenne les mesures visant au respect des droits de l'homme telles qu'elles sont recommandées par Amnesty International (Recomendaciones al gobierno colombiano, AMR 23/17/94s).