République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 juin 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 8e session - 23e séance -autres séances de la session
No 23
Vendredi 17 juin 1994,
soir
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Claude Blanc, Hervé Dessimoz, Catherine Fatio, Jean-Pierre Gardiol, René Koechlin, Claude Lacour, Alain-Dominique Mauris et Barbara Polla, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Le président. La proposition de résolution suivante est parvenue à la présidence.
Mme Micheline Calmy-Rey(S). Serait-il possible de traiter cette proposition de résolution ce soir ou la semaine prochaine ?
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Elle sera traitée encore ce soir, si possible.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission de l'université du canton, sous la présidence de M. Pierre Kunz, a procédé à l'étude du projet de loi susmentionné lors de ses séances des 5 et 19 mai 1994.
Introduction
Le projet de loi 7088 a pour objectif de créer à Genève un institut d'architecture, rattaché à l'université au même titre que les facultés des sciences, de médecine, des lettres, des sciences économiques et sociales, de droit et de psychologie et des sciences de l'éducation, cela avec les mêmes droits, les mêmes structures et la même organisation qu'une faculté. Le corollaire de la création de l'institut d'architecture est la fermeture de l'actuelle école d'architecture.
Ce projet, qui préoccupe le rectorat de l'université depuis 1991, intervient après une longue période d'incertitude concernant l'avenir de l'école d'architecture, incertitude qui aura souvent été source d'inquiétude pour ses enseignants et ses étudiants. Ce projet de loi est donc particulièrement bienvenu, dans la mesure où son acceptation va mettre fin à cette incertitude et apporter des solutions concrètes. C'est la raison pour laquelle la commission a exprimé, dans sa quasi-unanimité, et malgré certaines divergences de point de vue qui seront résumées ci-dessous, la volonté d'assurer que le projet de loi soit accepté dans les meilleurs délais de façon que les solutions concrètes qu'il propose puissent être mises sur pied avant l'été. La commission a ainsi expressément renoncé à tout amendement au projet de loi du Conseil d'Etat.
Audition
La commission a auditionné M. L. Weber, recteur, accompagné de M. Collet, le 5 mai 1994. Au cours de cette audition, M. Weber a souligné que la modification prévue par le projet de loi 7088 crée une base légale pour relancer les études d'architecture à Genève. La création d'un institut a paru la solution la plus opportune, préférable, pour des raisons de taille et d'organisation, au rattachement à une autre faculté ou à la création d'une faculté. L'accord intervenu avec l'EPFL en février 1994 permet de rationaliser les études de base, puisque les 1re et 2e années seront effectuées à Lausanne, alors que Genève mettra l'accent sur le 3e cycle. Les étudiants pourront obtenir leur diplôme soit à Lausanne soit à Genève, des accents différents étant portés dans l'une et l'autre structure. Les deux diplômes seront équivalents (diplômes d'architecture généraliste), le diplôme genevois étant eurocompatible, dans la mesure où les études y comporteront un semestre supplémentaire. M. Weber a ensuite répondu aux questions concernant le problème de la nomination des professeurs du futur institut. En effet, dans la mesure où la mission d'un institut est différente de celle d'une école, si le nombre de professeurs sera le même, leurs charges seront différentes. Une commission ad hoc de 5 membres sera désignée dès l'acceptation du projet de loi par le Grand Conseil (en réponse à une question, M. Weber précise que, si des contacts ont été pris, cette commission ad hoc n'a pas encore été réunie). Cette commission aura pour mission, sur la base des dispositions transitoires prévues par le projet de loi 7088, d'examiner les dossiers des candidats actuellement enseignant à l'école d'architecture. M. Weber précise que des contacts ont été pris avec les syndicats. Il souligne combien les décisions à prendre sont à la fois délicates et urgentes, dans la mesure où le programme d'enseignement devrait être prêt pour la rentrée, un programme qui se devra d'être de qualité puisqu'il a pour but de faire venir les élèves de Lausanne à Genève.
Discussion
L'importance des passerelles entre le nouvel institut d'architecture et l'EPFL est soulignée, de même que l'attention qui devra être portée à éviter que des cours ne soient donnés «à double», en particulier avec les sciences sociales. Des inquiétudes sont exprimées quant aux délais fixés pour la nomination des enseignants, mais la commission retiendra surtout la nécessité que l'année puisse commencer à la rentrée universitaire pour que le programme genevois soit crédible. Un éventuel référendum comprendrait le risque que l'institut ne puisse être ouvert et qu'il soit impossible de nommer les enseignants. Il est rappelé qu'aucun des professeurs de l'actuelle école d'architecture n'a demandé à être auditionné par la commission parlementaire, alors que tous souhaitent être entendus le plus rapidement possible par la commission ad hoc. Des inquiétudes sont également exprimées quant aux moyens dont disposera le futur institut pour relever le défi devant lequel il se trouve et quant aux programmes d'études prévus. La commission estime cependant dans l'ensemble qu'il ne lui appartient pas de décider de ces programmes, dont l'organisation du contenu est le fait de l'université. Finalement, plusieurs députés s'inquiètent de la composition de la commission ad hoc, de sa neutralité et de son objectivité. Il sera cependant retenu que la désignation doit en revenir au rectorat.
Au vote, le projet de loi 7088 est accepté par 12 oui et 1 abstention.
Conclusions
La commission de l'université, par 12 oui et 1 abstention, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi modifiant la loi sur l'université.
PROJET DE LOI
modifiant la loi sur l'université
(C 1 27,5)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:
Art. 17, al. 3 et 4 (nouvelle teneur)
al. 5 et 6 (nouveaux)
Facultés et
instituts
3 L'institut est une subdivision qui exerce, outre les fonctions d'enseignement et de recherche, une autre fonction de service public.
4 L'institut est rattaché à l'université, à une faculté ou à une section. La liste des instituts rattachés à une faculté ouà une section figure dans le règlement de l'université.
5 L'université comprend:
a)
la faculté des sciences;
b)
la faculté de médecine;
c)
la faculté des lettres;
d)
la faculté des sciences économiques et sociales;
e)
la faculté de droit;
f)
la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation;
g)
l'institut d'architecture.
6 En outre, la faculté autonome de théologie protestante est rattachée à l'université et, sous réserve des dispositions spéciales qui la concernent, est soumise à la présente loi et aux règlements.
Art. 19, al. 3 et 4 (nouvelle teneur), al. 5 (abrogé)
Ecoles
3 L'école est rattachée respectivement à une faculté ou à une section; exceptionnellement, elle peut être rattachée à l'université.
4 Sur proposition de l'université, le Conseil d'Etat dresse la liste des écoles.
Art. 79, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En outre, les responsables des écoles et instituts rattachés à l'université peuvent être invités de manière durable à ses séances.
CHAPITRE III
Organes des subdivisions
SECTION 1
Facultés et instituts rattachés à l'université
(nouvelle teneur)
Art. 85 A (nouveau)
Instituts rattachés
à l'université
1 Les instituts rattachés à l'université sont dirigés par un directeur. Il est assisté par un vice-directeur et un administrateur.
2 Les articles 82 à 85 de la loi sont applicables par analogie.
Art. 87, note marginale (nouvelle teneur)
Départements et instituts rattachés à une faculté ou à une section
Art. 103 (nouveau)
Dispositions transitoires concernant l'institut d'architecture
1 Le premier règlement d'études de l'institut d'architecture est préparé par le rectorat. Il est soumis au collège des recteurs et doyens et au conseil de l'université avant d'être transmis pour approbation au département de l'instruction publique.
2 Une commission ad hoc est chargée d'évaluer les candidatures des membres du corps professoral, des maîtres d'enseignement et de recherche, des chargés d'enseignement et du conseiller aux études de l'école d'architecture en vue de leur nomination éventuelle à l'institut d'architecture dès le 1er octobre 1994. Elle est composée de cinq membres désignés par le rectorat, dont deux experts extérieurs.
3 Les candidatures sont évaluées conformément aux critères énoncés aux articles 48, 49, alinéa 2, et 57 F de la loi.
4 La commission ad hoc prépare les préavis de nomination au sens des articles 42, alinéa 9, et 57 D de la loi. La procédure de nomination suit son cours par l'examen du rectorat, conformément aux articles 43, alinéa 1, et 57 D, alinéa 6 de la loi.
Art. 2
1 La chancellerie d'Etat est chargée de remplacer, lors des prochaines révisions de la présente loi, les actuelles dénominations «facultés ou écoles» par une nouvelle dénomination «facultés, instituts rattachés à l'université ou écoles» ou «collège des professeurs ordinaires de la faculté, de l'institut ou des professeurs d'écoles» ou «doyen, directeur d'institut rattaché à l'université ou président d'école», suite à l'entrée en vigueur de l'article 17, alinéa 4 de la loi.
2 Cette modification vise les articles 26 A, al. 2 et 3; 26 B, al. 1 et 2; 31, al. 2; 41, al. 4; 42, al. 3, 5 et 7; 43, al. 1, 2 lettre d, 3 et 4; 45, al. 2; 46, al. 2; 47 G, al. 2, 5, 7 et 9; 47 D, al. 1; 47 E, al. 1 et 2; 47 G, al. 1; 49, al. 2, lettre a; 52, al. 3 et 4; 55, al. 3; 57, al. 1; 57 C, al. 1 et 2; 57 D, al. 2 et 6; 59, al. 1; 64, al. 1; 67, al. 2; 73, al. 2 lettre c; 75, al. 2; 76 lettre c; 77, al. 1 lettre a; 78, al. 1 et 2 lettre d; 99, al. 3.
Rapport de LA minoritÉ
Ce qui a motivé la rédaction de ce rapport de minorité tient à la fois aux enjeux du projet de loi 7088, le cadre législatif nécessaire à la création d'un institut d'architecture à Genève, et à la manière dont se sont déroulés les débats en commission parlementaire de l'université. En toile de fond, il y a bien sûr l'avenir de l'université de Genève, qui est non seulement soumise aux restrictions budgétaires actuelles mais aussi aux contraintes découlant des adaptations continuelles à de nouvelles problématiques académiques.
Planent aussi de sournoises attaques d'un petit groupe de personnes extérieures à la communauté universitaire. Celui-ci vise, par le projet de loi 7063, à remettre en cause la participation démocratique au sein de l'université. Il en veut à l'autonomie universitaire sous prétexte de lui en garantir davantage. Il cherche délibérément à asservir l'université aux seuls impératifs de l'économie néo-libérale par le biais d'une réorganisation des structures décisionnelles qui a enfin trouvé son alibi: le renforcement du rectorat. La quête d'efficacité soi-disant recherchée n'est ici que volonté de contrôle extérieur et arbitraire, exclusion et asservissement à des intérêts d'ordres privés alors que, de toute évidence et sans plus tarder, l'université doit entreprendre de profondes réformes.
Ce climat pervertit la qualité des débats en commission. Les séances sont mal présidées, délibérément rallongées, convoquées hors des plages horaire habituelles (le samedi matin, dans un centre commercial ....). Mais, faits plus graves, des groupes directement concernés par les objets traités en commission et qui demandent à être auditionnés, ne le sont pas, en raison de futiles prétextes. Ainsi les députés n'auront pas pu entendre les points de vue de l'APUG et de l'Interassar. Il devient dès lors difficile de remplir sérieusement un mandat de député, à moins que l'on ne conçoive cet engagement que dans la précipitation, de manière folklorique ou au service d'intérêts particuliers. La majorité politique actuelle, décervelée par son pouvoir absolu tant au Parlement qu'au Conseil d'Etat, préfère manifestement les rapports de force et la précipitation à l'analyse approfondie, à la lucidité et aux décisions fondées sur la concertation démocratique avec l'ensemble des partenaires. Ceux-ci, s'ils font part d'opinions différentes, sont actuellement superbement ignorés, ridiculisés, voire méprisés.
C'est ce que nous regrettons. Et c'est ce que nous voulons faire savoir à la Cité et à la communauté universitaire au travers de ce modeste rapport de minorité.
Pour en venir directement au projet de loi qui est soumis à notre appréciation, malgré sa forme un peu anodine, il contient de bonnes vertus dont le rapport de majorité fera certainement l'éloge. Nous ne nous y attarderons pas puisque nous le reconnaissons honnêtement et sans détours.
Le projet de création au sein de l'université de Genève d'un Institut d'architecture a comme objectif de matérialiser une collaboration entre l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et l'université de Genève. Ce qui est une bonne chose. Certes, il aurait pu être vraiment audacieux d'aller un peu plus loin (cela aurait certainement suscité moins de remous que les maladroites tentatives qui ont ponctué l'actualité universitaire lémanique ces saisons dernières!) pour s'inscrire dans la belle perspective d'une vraie fusion entre l'Ecole architecture de l'université de Genève et le département d'architecture de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ou dans celle de la création d'une Ecole d'architecture suisse-romande, première unité d'une université suisse-romande!
Mais un pas est franchi. Ce projet permettra le maintien d'une institution d'enseignement et de recherche dans les matières relevant du métier d'architecte et d'urbaniste à Genève, deuxième ville de Suisse les villes étant les lieux privilégiés de l'exercice de ce métier.
L'institut projeté propose un enseignement de deuxième cycle qui se voudrait relativement attractif mais surtout un enseignement de troisième cycle sur les matières nécessaires aux nouvelles formes de projets pour les villes et le territoire ainsi que pour le patrimoine bâti.
Or nous devons avertir que la venue d'étudiants dans le deuxième cycle du futur institut est des plus aléatoire malgré les assurances d'une information poussée auprès des étudiants de premier cycle à l'EPFL et à l'EPFZ; malgré la possibilité dans le proche futur d'inscriptions d'étudiants ayant terminé une école d'ingénieur telle que l'EIG; et malgré encore l'ouverture promise aux étudiants étrangers et aux programmes ERASMUS. L'attractivité de ce deuxième cycle constitue un défi. Elle sera bien sûr proportionnelle aux ressources qui lui seront affectées et à la réelle volonté des autorités de le développer. Que penser dès lors du non-respect par l'EPFL du contenu du protocole d'accord de collaboration UNI-GE (EAUG) - EPFL (DA)? L'EPFL maintiendra pour l'an prochain dans son cursus de deuxième cycle des enseignements en matière d'urbanisme et de sauvegarde du patrimoine bâti... La CEAT (Communauté d'études en aménagement du territoire) proposerait un troisième cycle, ou une post-formation en urbanisme dès l'année prochaine à Lausanne. Les diplômes qui seront délivrés, s'ils seront équivalents, ne seront pas les mêmes et seul le marché des titres (pour faire libéral...), à terme, établira ses distinctions, ses reconnaissances. Il faut donc que des garanties tangibles soient maintenant données pour que les équivalences ne se révèlent pas demain de simples attrape-nigauds et vide l'institut de sa substance.
Comment ne pas s'étonner de l'absence de prise de position du Département fédéral de l'intérieur sur le projet de création à Genève d'un Institut d'architecture alors que c'est notamment de ce département qu'est parti le processus y conduisant? M. Cotti, lorsqu'il en était le chef, proposait même la fermeture pure et simple de l'Ecole d'architecture de Genève. Il serait important de connaître aujourd'hui l'avis de Mme Dreifuss. A moins que l'on soit tellement pressés...
La nomination de la commission ad hoc chargée d'évaluer les dossiers des enseignants actuels en regard des objectifs du futur institut est, dans le projet de loi, du ressort du rectorat. Il serait sans doute préférable, vu l'importance de l'enjeu, qu'elle soit nommée par le Conseil d'Etat.
De plus, il semble bien, d'une part, que les membres de cette commission aient été déjà choisis, sans attendre la fin de la procédure parlementaire et, d'autre part que sa composition ne rencontre, dans les milieux intéressés, pas le même accueil, que le projet proprement dit. Dans le landernau académique on susurre déjà les noms de MM. B. Vittoz, ancien président de l'EPFL, Cocchi, architecte collaborateur de l'EPFL, Imhof, ancien doyen de la faculté des sciences, R. Roth, juge, Ramos, architecte, qui seraient pressentis. Rumeurs infondées? Désinformation? Entreprise de déstabilisation? Nous ne le savons pas. Mais les noms cités nous étonnent, non en regard des qualités de ces personnes et de leur intégrité, qui sont totalement indiscutables. Car comment garantir à la communauté universitaire genevoise la neutralité nécessaire à une saine appréciation dès lors que deux personnes sont (ou ont été) directement liés à l'EPFL et qu'il n'y a qu'un seul architecte véritablement reconnu par la communauté universitaire? Nous savons qu'il faut faire vite, très vite, et qu'il faut apaiser de nombreux enseignants dont l'avenir professionnel doit être enfin assuré afin de rétablir toute la sérénité voulue, mais est-ce une raison pour commettre ces petites maladresses? Du calme! Nous sommes persuadés, en définitive et grâce aux efforts que continuera de déployer le rectorat, que l'application de l'article 129 de la loi sur l'instruction publique ne sera pas nécessaire.
Les questions que nous soulevons dans notre rapport de minorité nous invitent à cette grande circonspection. Nous nous abstiendrons lors du vote après avoir proposé en plénière plusieurs amendements. Nous devons absolument assurer à l'Institut d'architecture (comme à l'université) son avenir et nous voulons y contribuer sincèrement en toute transparence selon les moyens à notre disposition. Mais nous nous refusons de nous compromettre par des dénis de lucidité, des égarements de raisons critiques, des absences de débats.
Premier débat
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je souhaitais prendre la parole - ce qui n'est pas l'usage - en premier pour vous donner un certain nombre d'informations.
Ce projet de loi - dont je vous rappelle qu'il traite essentiellement des nouvelles structures prévues pour l'école d'architecture, laquelle, comme vous l'avez constaté dans le rapport, devient un institut d'architecture rattaché à l'université - est basé sur un accord signé au début de cette année entre l'EPFL et l'université de Genève. Il est important de le souligner, car il est le fruit des négociations qui ont eu lieu à cette époque. Je ne vais pas vous rappeler les différents épisodes relatifs à l'école d'architecture. Je crois que la page est tournée, puisque vous êtes nantis de ce projet de loi.
Il est évident que l'accord était destiné, en premier lieu, à donner à l'école d'architecture une possibilité de dispenser un enseignement de qualité en s'accordant au paysage confédéral. L'autorité fédérale a mis des priorités en matière d'enseignement universitaire, notamment dans ce domaine. En l'occurrence, il s'agissait bel et bien pour l'université de Genève et l'école d'architecture, d'une part, et pour l'EPFL, d'autre part, d'arriver à une solution qui permette de rationaliser ce qui est possible. C'est pourquoi les deux premières années sont prises en charge par l'Ecole polytechnique fédérale.
Ces derniers temps, des observations et des craintes ont été formulées par divers milieux. Le projet étant délicat et important pour l'avenir de l'école d'architecture, j'ai demandé à l'université de réunir les personnes intéressées dans une séance prévue pour le 29 juin à 18 heures pour permettre à celles et ceux qui ont, à un titre ou à un autre, des informations ou des connaissances à partager, de le faire avant l'adoption définitive d'un règlement d'études et d'organisation.
D'autre part, j'ai souhaité que la commission d'évaluation soit étoffée d'une ou plusieurs personnes, afin d'enrichir la réflexion lorsqu'il faudra choisir la manière d'organiser les enseignements et ceux qui devront enseigner au nouvel institut d'architecture. Ce mode de faire n'est pas usuel, mais c'est indispensable pour traiter le problème de l'école d'architecture.
Je souhaite vivement que le plan d'études et d'organisation définitif tienne compte des différentes articulations de cet enseignement, y compris des écoles qui, à un titre ou à un autre, enseignent cette matière. Je souhaite également que l'on réfléchisse d'ores et déjà aux possibilités d'articulations avec les hautes écoles spécialisées.
J'ai demandé en dernier ressort - c'est un voeu soutenu par la commission universitaire romande - que l'on négocie avec la CEAT - communauté qui s'occupe d'aménagement du territoire - les territoires de recherche et d'enseignement de troisième cycle pour éviter les doublons, les incompréhensions ou toute autre activité qui, sur le plan des intérêts des uns et des autres, ne se révélerait pas rationnelle ou intelligente, dans un périmètre relativement restreint.
Je souhaitais vous faire part, en préambule, de ces dispositions, pour cadrer véritablement le débat autour de ce projet de loi. Je vous le rappelle, ce projet ne stipule pas dans le détail ce qu'est le règlement d'études ou le plan d'organisation, mais il est indispensable, pour l'université et l'institut d'architecture, qu'il soit adopté ce soir par votre Conseil, faute de quoi nous ne pourrons pas aborder la rentrée universitaire dans de bonnes conditions.
Le président. Je demande à Mme la secrétaire de bien vouloir lire la lettre de M. Pierre Golinelli, comme cela a été demandé.
M. Armand Lombard (L), rapporteur ad interim. Tout d'abord, je vous signale que la pétition 989, qui date d'avril 1993, est contre la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève. Elle comporte 27 signatures. Au cas où le projet de loi serait accepté, cette pétition deviendra officiellement caduque.
J'aimerais souligner trois points très positifs de ce rapport. Dans un deuxième temps, j'évoquerai les trois questions qui ont été posées et longuement discutées en commission.
Après que la commission de l'université eut discuté longtemps de la «saga» de l'école d'architecture - que l'on pourrait appeler : la «descente aux enfers» - et après les essais pour trouver une solution favorable, trois points positifs sont sortis du projet de loi qui nous est soumis ce soir.
1) Les coûts contenus, avec un espoir très net de qualité meilleure. Il semble donc - espérons que les faits le prouveront - possible de faire mieux avec un peu moins.
2) Je tiens à saluer la structure régionale qui a été trouvée dans cet accord, tant il est vrai qu'il est difficile de s'entendre. En effet, on a entendu beaucoup de propos patriotiques et nationalistes, des Genevois sur Genève et Vaudois sur Lausanne, à propos de ce projet. Il est heureux de voir le résultat d'une collaboration équilibrée et non pas l'absorption d'une région par l'autre. On appellerait cela une «joint venture» en anglais, que je traduirai par : une «aventure commune». C'est l'esprit d'aventure qui ressort de ce projet, avec ses côtés extrêmement positifs, mais aussi ses risques.
3) Cette aventure commune permet, en fait, un enseignement en Suisse romande de deux types d'architecture : au départ, les bases techniques architecturales enseignées à Lausanne pendant deux ans, puis, par la suite, chaque université enseigne son génie particulier. L'EPFL enseigne la partie plus technologique et l'université de Genève continue à perpétuer les vieilles traditions genevoises, telles l'urbanisme, la rénovation, le patrimoine bâti, les arts appliqués et la gestion des projets architecturaux. Cela me paraît, si cela marche - le futur n'est jamais certain - une formidable aventure et une amélioration du génie proposé par la Suisse romande.
Je reviens aux trois questions posées.
1) Il faut relever un défi : savoir si l'école d'architecture de Genève pourra faire face à cet enseignement et si elle saura être suffisamment attractive pour les étudiants qui seront installés à Lausanne pendant deux ans. Pour cela il faut que son enseignement soit crédible. Je suis certain que ce défi sera relevé avec succès.
2) Les mesures transitoires provoquent quelques inquiétudes : la réévaluation des enseignants, la sortie d'un corps professoral d'une structure dite ancienne et sa rentrée dans un nouveau système qui méritera, comme le mentionne l'auteur de la lettre, un examen approfondi, sans entrer pour cela dans les craintes exagérées exprimées dans cette lettre. D'une part, il y a urgence pour remettre les choses sur pied et, d'autre part, il y a la commission ad hoc, dont il faut souhaiter qu'elle puisse faire son travail dans les meilleures conditions.
3) Les doublons interfacultés. Il faut éviter de transférer des professeurs de l'école d'architecture à la faculté des sciences politiques, par exemple, et de recréer immédiatement à l'école d'architecture un enseignement qui serait déjà dispensé en sciences politiques. Ce n'est pas notre Grand Conseil, évidemment, qui va régler la chose, mais je pense que l'attention des exécutifs, de l'université et du DIP doit être attirée sur ces risques, pour les éviter.
J'ai donc évoqué six éléments. Trois sont très positifs et trois doivent être suivis avec attention. La commission a bien travaillé. Pourtant, ce n'est pas facile de travailler sous pression, ce qui arrive toujours, car le temps passe trop vite et que l'on aimerait toujours pouvoir discuter plus longuement.
Je vous recommande donc ce projet de loi.
M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur. Je vous prie de rectifier, en page 9, le terme «lanterneau» par «landernau». Une malheureuse faute orthographique s'est glissée dans mon traitement de texte !
Je signale à M. Lombard que la pétition 989, à laquelle il s'est référé, a déjà été traitée par le Grand Conseil. J'ai en effet rédigé un rapport qui a été adopté.
Enfin, je souligne ma satisfaction suite à la déclaration de Mme la présidente, certainement inspirée et alertée par ce rapport de minorité, qui fait état d'un certain agacement sur la manière dont se sont déroulés les travaux en commission. Cela tranche, évidemment, avec la nécessité de conclure rapidement cette affaire en adoptant ce projet de loi.
Nous proposerons un amendement, parce que nous voulons avoir un certain nombre de garanties sur l'avenir de cet institut, qui ne pourra survivre que si des subventions suffisantes lui sont affectées. Dans une période de restrictions budgétaires, il faut veiller particulièrement à cet aspect des choses. Il faut également une véritable volonté politique universitaire, pour que cet institut puisse continuer à déployer ses effets à Genève.
Je me réserve la possibilité d'intervenir plus tard.
Mme Janine Hagmann (L). Je voudrais juste faire quelques commentaires à propos du rapport de minorité, mais j'espère que vous ne les prendrez pas mal, Monsieur Boesch. Vos explications ainsi que celles de Mme Brunschwig Graf m'ont rassérénée.
En tant que membre de la commission de l'université, je ne peux accepter certaines allégations fallacieuses. Je conteste votre affirmation selon laquelle la commission est mal dirigée, qu'un mauvais climat pervertit la qualité des débats et que les députés agissent de manière folklorique ou sont au service d'intérêts particuliers.
Vous vous souvenez tous des propos de M. Saurer au sujet de l'importance des neurosciences. Grâce à sa parabole du réverbère, il nous a prouvé que même les zones d'ombre devaient être explorées. Il a cité Carl Vogt pour montrer l'importance des fonctions cérébrales.
Et que dit le rapport de minorité ? Que la majorité politique actuelle est «décervelée» ! Alors, pauvre M. Guy-Olivier Segond, il est inutile de promouvoir la future exposition nationale. Il nous a été dit que le cerveau est une boîte à communiquer. Je me permets de rajouter : «à communiquer ce qui est vrai !». La vérité avec un grand V, sinon je serai tentée de croire, Monsieur le rapporteur de minorité, que vous prêtez aux autres des défauts dont vous n'êtes pas exempt ! (Manifestation.)
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Nous nous sommes opposés, en 1992, à la disparition de l'école d'architecture de l'université de Genève, préconisée par M. Flavio Cotti, conseiller fédéral, et programmée de façon très autoritaire. La fermeture d'une école est toujours, quelles que soient les circonstances, un mauvais cas. Quand celle-ci est dotée d'un capital théorique critique et d'une tradition d'ouverture incontestable, comme l'était l'école d'architecture de l'université de Genève, le cas est suspect d'être politiquement orienté. On n'a pas manqué d'évoquer cette tentation.
Notre position a été largement partagée par les milieux professionnels, puis par M. Dominique Föllmi, lui-même, alors chef du DIP. Nous avons été entendus, du moins en partie.
La création d'un institut d'architecture universitaire, en lieu et place de l'école d'architecture de l'université de Genève, ne constitue pas, loin de là, une action révolutionnaire, mais bel et bien une perte partielle. Vu la conjoncture budgétaire et le mouvement de restructuration et de mise en réseau - dont l'enseignement universitaire en Suisse, et singulièrement en Suisse romande, est le théâtre - il a bien fallu entrer en matière. Nous avons compris que le combat pour la préservation d'une école à part entière serait vite compromis faute de combattant et qu'il fallait en passer par une convention de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne avec l'institut d'architecture de Genève d'aujourd'hui, pour éliminer les doublons et faire des économies. Voilà donc le projet sur nos tables. La perte est essentiellement la suppression du premier cycle, c'est-à-dire la première et la deuxième année et le renvoi des étudiants à Lausanne, pour l'accomplissement de celui-ci. Cela représente 1,5 million de francs d'économies !
Disons d'emblée que cette perte passerait mieux encore si l'effort de mise en réseau avait été poussé un peu plus loin - jusqu'au bout, à vrai dire - entre les deux institutions romandes, avec une véritable intégration polytechnique, autrement dit avec la création d'une véritable institution romande d'enseignement de l'architecture, dotée d'un seul et même diplôme. Or, tel n'est pas le cas ! Les diplômes n'ont pas la même valeur. Les écoles ne seront pas intégrées et l'on ignore - car il n'en est pas question dans le projet - si cette perspective reste ouverte à moyen ou plus long terme. C'était l'objectif de certains fonctionnaires du département de Mme Dreifuss. Il est dommage d'avoir ignoré cette position et de ne plus l'évoquer dans le présent projet. On n'a même pas pris la peine de reprendre l'avis du Département fédéral de l'intérieur. Si on l'a fait, personne dans cette enceinte n'en sait rien, sinon peut-être Mme le chef du département de l'instruction publique !
Néanmoins, après trois ans d'atermoiements et de profonde inquiétude, ce projet est censé sauver la situation. Nous espérons donc fermement - qu'on ne s'y trompe pas - le voir entrer en oeuvre en 1994. Mais - c'est là que le bât blesse et mon collègue l'a amplement exprimé dans son rapport de minorité, même s'il l'a fait avec un rien d'ironie acerbe - ce projet - je persiste à le dire - a fait l'objet d'un bien mauvais examen de la part de la commission de l'université. Tant et si bien qu'aujourd'hui beaucoup de questions restent en suspens et que beaucoup de mécontentements s'expriment à son sujet.
Nous n'avons pas procédé aux auditions d'usage. Nous aurions dû, si ces auditions n'avaient pas été demandées dans les délais, du moins les solliciter à temps et obtenir que celles qui étaient sollicitées soient effectuées. Il était d'autant plus absurde de refuser ces auditions qu'on peut toujours auditionner des opposants à un projet et ne pas se montrer d'accord avec eux. Mais lorsqu'ils ont été auditionnés, ils ont au moins le sentiment d'avoir pu donner leur avis. En bonne démocratie, c'est d'usage ! Je regrette que cet usage n'ait pas été observé dans le climat de précipitation qui a prévalu à la commission de l'université.
La nomination précipitée d'une commission d'évaluation des fonctions - dont les noms circulaient avant même l'adoption de ce projet de loi et qui n'ont pas forcément été choisis de la meilleure façon - a également jeté le doute sur la sérénité qui doit présider à l'organisation de l'enseignement dans le futur institut d'architecture.
Nous n'avons pas eu non plus d'approche approfondie sur les questions de passerelle et de mise en rapport entre ce futur institut d'architecture, l'Ecole polytechnique fédérale et les hautes écoles spécialisées, comme l'école d'ingénieurs de Genève qui délivre une formation d'architecte. Elle offre des passerelles, dès aujourd'hui, avec l'EPFL, mais on n'a pas examiné en détail les passerelles possibles avec l'institut d'architecture de l'université. Il en va de même pour les arts appliqués en architecture, dont l'accent sera porté au cours du deuxième et du troisième cycle à Genève et pour l'Ecole des arts décoratifs, laquelle - je vous le rappelle - délivre, bon an mal an, quelques dizaines de diplômes d'architecte d'intérieur et dispense des cours d'arts appliqués. Ces passerelles n'ont fait l'objet d'aucune discussion. L'information a été trop rapide et trop lacunaire. Cette absence de discussion suscite aujourd'hui, bien sûr, de nombreuses interrogations, soit à l'école d'ingénieurs, soit à l'école des arts décoratifs. Il y a également eu absence d'informations approfondies sur les passerelles européennes avec le prochain enseignement d'architecture à Genève; je pense notamment au sort des étudiants étrangers et aux programmes ERASMUS en Europe.
L'incertitude réside aussi - vous le savez tous - quant aux moyens budgétaires de l'université qui sont déterminants pour l'attractivité du deuxième cycle, dont parlait tout à l'heure notre collègue Armand Lombard.
En effet, de quoi s'agit-il ? Eliminer le doublon d'un enseignement propédeutique d'architecture en renvoyant celui-ci à Lausanne et en tenant pour acquis que, dès la troisième année, les étudiants lausannois reviendront à Genève pour y accomplir la poursuite de leur formation d'architecte, pose un grand nombre de problèmes relatifs au profil du métier d'architecte.
M. Golinelli, dans un rapport assez étayé que certains d'entre vous ont reçu, pose la question de l'insuffisance d'une formation en deux ans et du caractère fort improbable de la validité d'une spécialisation dès la troisième année dans les domaines pour lesquels Genève devrait se spécialiser pour éviter les doublons avec Lausanne. En effet, si l'on redéfinit le métier d'architecte avec cette nécessaire inscription du métier dans les problématiques de l'urbanisme, de l'environnement, du paysage, du droit, du management, des arts appliqués, des sciences sociales en général, de la conservation et de la sauvegarde du patrimoine, il n'en reste pas moins qu'un architecte doit savoir faire un plan et un projet et que cette problématique n'est pas encore bien claire ni dans l'esprit de ceux qui font le projet de l'institut d'architecture ni dans ce que l'on sait du futur plan d'études.
Ce profil est important à cause des débouchés impliqués dans cette formation. C'est la raison pour laquelle nous vous demanderons d'ajouter au projet de loi qui vous est soumis un amendement, que j'ai déposé sur le bureau du président, à la page 6 du PL 7088-A, un article 2 en lieu et place de l'article 2 actuel, qui dirait :
«Le Conseil d'Etat est chargé de présenter un rapport au Grand Conseil d'ici au 31 décembre 1994, comportant les règlements et plans d'études, ainsi que les modalités d'organisation de l'institut d'architecture de l'université de Genève.»
Le titre de cet article pourrait être :
«Disposition transitoire concernant l'institut d'architecture».
L'article 2 actuel deviendrait l'article 3.
Je vous demande d'accepter cet amendement qui donnerait compétence au Conseil d'Etat et au Grand Conseil de recevoir des informations sur tous les sujets d'inquiétude que nous avons.
D'autre part, je vous propose une procédure qui va un peu à l'encontre de la déclaration de Mme Brunschwig Graf, mais je ne sais pas si elle est acceptable. Nous pourrions voter ce projet de loi en deux débats aujourd'hui. Au cours de la semaine prochaine, nous procéderions à l'audition des personnes qui ont le plus expressément demandé d'être auditionnées, pour mettre à plat les questions que je viens de soulever. Ensuite, nous pourrions voter ce projet en troisième débat, lors de la séance de la semaine prochaine. Cette proposition est en contradiction avec la déclaration de Mme Brunschwig Graf, puisqu'elle a préconisé une réunion générale d'information le 29 juillet. Or cette réunion arrivera, naturellement, après notre séance de la semaine prochaine.
Je vous demande néanmoins d'examiner cette proposition, et je vous prie instamment de voter l'amendement que je vous ai soumis.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Bien évidemment, le projet de loi qui nous est présenté ce soir est le sujet de sentiments mitigés, d'inquiétude et d'incertitude pour les personnes qui travaillent dans l'école, qu'il s'agisse des professeurs ou des élèves.
En ce qui concerne la procédure, vous parlez de vérité, Madame Hagmann. On la dit parfois toute nue ou cachée au fond d'un puits. Je ne sais pas quoi en penser. J'ai également le sentiment qu'à un certain moment, on avait agi, sinon avec les sentiments exprimés par M. Boesch, en tout cas avec une maladresse digne d'Obélix. Il me semble tout à fait négatif de répondre que l'on n'a pas le temps d'entendre quelqu'un qui demande à être entendu. La commission a prouvé, dans son fonctionnement ultérieur, qu'elle était capable de trouver des solutions pour placer des séances même pendant les jours de Grand Conseil, de façon que chacun y trouve son compte et qu'on puisse discuter. Je regrette beaucoup, par souci démocratique, que nous n'ayons pas entendu l'APUG et Interassar. Au grand maximum, cela nous aurait pris une séance de plus, et je reste persuadée que nous aurions pu trouver le temps de le faire.
L'objet de la discussion d'aujourd'hui est le projet de loi et non pas le contenu de la nouvelle école sur laquelle, effectivement, nous pouvons avoir des inquiétudes. Ce projet de loi va entériner une situation. Nous savons - en tout cas les membres de la commission le savent parfaitement - que les professeurs qui sont actuellement assis entre deux chaises - ou pas assis du tout - ont vraiment envie de savoir à quelle sauce ils seront mangés cet automne. Il est donc temps - s'il n'est déjà dépassé - d'avertir les éventuels futurs étudiants, qui voudront commencer leurs études au mois de septembre, du contenu des nouveaux programmes. On ne peut pas les laisser plus longtemps dans l'incertitude. Il faut que professeurs et étudiants sachent ce qui va se passer cet automne ! Je suis contente d'apprendre, comme l'a précisé Mme Brunschwig Graf, qu'une réunion aura lieu le 29 juin; c'est un peu tard, mais c'est mieux que rien.
Cela dit, il faut penser à l'avenir, même si nous avons des craintes quant à la suite. L'institut d'architecture va-t-il devenir une espèce d'annexe de l'EPFL de Lausanne ? Les étudiants qui ont commencé leur école et leurs études à Lausanne auront-ils vraiment envie, une fois qu'ils auront pris leurs marques là-bas, de revenir à Genève ? Franchement, j'en doute un peu ! L'avenir de l'institut d'architecture réside très certainement dans le développement du troisième cycle qui fera son originalité. Je souhaite effectivement que les autorités qui seront responsables de cette école - si vous me passez l'expression - mettent le paquet pour que le développement de ce troisième cycle devienne la spécificité de l'institut d'architecture de Genève. Cette école trouvera ainsi sa place et n'aura pas seulement les restes que l'EPFL voudra bien lui laisser !
Les dispositions transitoires proposées par Mme Deuber-Pauli me semblent être une solution intéressante. Demander au Conseil d'Etat de nous renseigner sur la manière dont les choses vont se passer cet automne n'empêche pas la mise en place de l'école. Ce mode de faire permettrait une meilleure information et plus de transparence.
Je pense qu'il faut voter ce projet de loi aujourd'hui, ne serait-ce que par égard pour les personnes concernées, qui attendent notre décision avec inquiétude.
Mme Anne Briol (Ve). Vu la situation dans laquelle se trouve l'école d'architecture et vu l'accord intervenu avec l'EPFL, il est clair que ce projet de loi ne peut qu'être accepté.
Cependant, il semble qu'il y ait deux omissions dans le rapport. D'une part, nous avions demandé qu'il soit spécifié que les experts extérieurs de la commission ad hoc soient véritablement neutres, c'est-à-dire issus ni de l'EPFL, ni de l'école d'architecture et, d'autre part, qu'il soit rapporté que le passage direct de l'école d'ingénieurs au deuxième cycle du futur institut d'architecture est actuellement étudié.
M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur. Vous voulez savoir pourquoi je n'étais pas à ma place ? Je vais vous le dire...
Mme la présidente du département a donné un certain nombre de garanties pour que les personnes qui ont quelque chose à dire et qui n'ont pas été entendues jusqu'à présent puissent véritablement s'exprimer. Les garanties seront suffisantes, si l'amendement proposé par Mme Erica Deuber-Pauli est adopté, pour que nous soyons renseignés avant la fin de l'année sur le programme et les plans d'études et d'organisation.
Je vous enjoins donc de voter ce projet de loi le plus rapidement possible pour permettre aux gens de travailler, tant à l'institut d'architecture qu'à l'université ou au département. Ainsi l'institut que nous désirons tous pourra être performant.
M. Pierre Kunz (R). Les humeurs et les aigreurs de M. Boesch et de certains de ses collègues ayant été éliminées par l'intervention de Mme la présidente, je renonce à m'exprimer !
M. Jean Montessuit (PDC). J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt les interventions des uns et des autres sur l'avenir de l'école d'architecture. Je dois dire que j'ai été sécurisé par l'intervention de Mme Brunschwig Graf qui a donné des assurances sur cet avenir.
L'école d'architecture a déjà traversé des crises. L'institut d'architecture, me semble-t-il, est sa seule issue possible, mais son avenir dépendra beaucoup de la qualité du programme et de l'enseignement qui sera dispensé au sein de cette école. Or, on peut avoir certaines craintes au vu des prémices du programme qui a été établi. Vous l'avez dit, tout cela sera repris et remis sur la bonne voie. Je m'en réjouis par avance. Il ne faudrait pas que cet institut fasse du nombrilisme. Il doit rester proche de la profession pour permettre aux étudiants qui en sortent de trouver des emplois. C'est l'essentiel.
Il faut donc soutenir ce projet de loi, ainsi que l'amendement proposé par Mme Deuber-Pauli. Cela permettra d'exercer une pression sur l'institut lui-même et d'obtenir les informations nécessaires à notre Grand Conseil.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je voudrais simplement répondre à deux questions qui ont été posées.
S'agissant de l'autorité fédérale, le Conseil des écoles polytechniques fédérales, représenté par son président, a participé aux travaux. Non seulement il a été consulté, mais il a été présent lors de toutes les discussions et négociations. C'est avec son approbation que nous avons mis cet accord sur pied.
Je vous rappelle que l'urgence était malheureusement de mise, car l'école commençait gentiment à péricliter. Dans les deux premières semaines de mon nouveau mandat, j'ai dû reprendre ce dossier pour trouver un accord avant la fin janvier de cette année.
En ce qui concerne les diplômes, nous avons bien évidemment négocié ce point avec l'EPFL. A l'heure actuelle, vu la réputation, justifiée ou non, de l'école, la discussion sur les diplômes n'a pas été rendue facile. Nous avons mis ce point en évidence et il reviendra dans les discussions.
Madame Deuber-Pauli, les sirènes fédérales proches du Département de l'intérieur n'ont ajouté ni à la sérénité ni à l'information en passant de la fermeture de l'école à la transformation en institut fédéral. Leurs informations étaient pour le moins contradictoires et «désécurisantes» pour les personnes concernées. Nous avons donc traité avec les autorités compétentes chargées par le Département de l'intérieur de mener cette opération. Je peux vous garantir qu'elle a été menée en toute connaissance de cause et avec leur accord.
L'amendement proposé doit être soutenu. En effet, il nous permettra de vous donner les informations auxquelles vous avez droit. J'ajouterai que les plans d'études et d'organisation sont, par essence, de la compétence d'élaboration de l'université et, par essence et par la loi, de la compétence de décision du Conseil d'Etat. A l'heure actuelle, celui-ci n'a été saisi ni de l'un ni de l'autre. Cela signifie très clairement qu'à un moment donné ou à un autre le Conseil d'Etat a un pouvoir d'intervention.
J'ai dérogé aux règles du fonctionnement de l'université, mais je l'ai fait dans l'intérêt de l'école ou du futur institut d'architecture. J'espère que vous veillerez également, lorsque vous réfléchirez aux structures de l'université, à leur donner la forme adéquate permettant que cette dérogation ne se reproduise pas trop souvent.
Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (souligné).
Art. 2 (souligné)
Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par Mme Deuber-Pauli, qui consiste à créer un article 2 nouveau, dont le titre marginal serait :
«Disposition transitoire concernant l'institut d'architecture».
et dont le libellé est le suivant :
«Le Conseil d'Etat est chargé de présenter un rapport au Grand Conseil d'ici au 31 décembre 1994, comportant les règlements et plans d'études ainsi que les modalités d'organisation de l'institut d'architecture.»
L'article 2 deviendrait l'article 3 souligné.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). J'aimerais que l'on s'assure, avant d'imprimer le texte, que ce sont bien les règlements et plans d'études ainsi que les modalités d'organisation qui sont impliqués. J'ai un doute quant à la terminologie exacte.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Vous m'avez demandé les plans d'études et d'organisation.
Mme Erica Deuber-Pauli. C'est ce qui m'a semblé, lorsque vous en avez parlé. J'apporterai donc la correction nécessaire. L'esprit de l'amendement concerne bien les plans d'études et d'organisation.
Le président. Cette question de vocabulaire sera réglée par la législation.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) (nouveau) est adopté.
Art. 3 (souligné)
Le président. L'article 2 (souligné) actuel devient l'article 3 (souligné).
Mis aux voix, l'article 3 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur l'université
(C 1 27,5)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:
Art. 17, al. 3 et 4 (nouvelle teneur)
al. 5 et 6 (nouveaux)
Facultés et
instituts
3 L'institut est une subdivision qui exerce, outre les fonctions d'enseignement et de recherche, une autre fonction de service public.
4 L'institut est rattaché à l'université, à une faculté ou à une section. La liste des instituts rattachés à une faculté ouà une section figure dans le règlement de l'université.
5 L'université comprend:
a)
la faculté des sciences;
b)
la faculté de médecine;
c)
la faculté des lettres;
d)
la faculté des sciences économiques et sociales;
e)
la faculté de droit;
f)
la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation;
g)
l'institut d'architecture.
6 En outre, la faculté autonome de théologie protestante est rattachée à l'université et, sous réserve des dispositions spéciales qui la concernent, est soumise à la présente loi et aux règlements.
Art. 19, al. 3 et 4 (nouvelle teneur), al. 5 (abrogé)
Ecoles
3 L'école est rattachée respectivement à une faculté ou à une section; exceptionnellement, elle peut être rattachée à l'université.
4 Sur proposition de l'université, le Conseil d'Etat dresse la liste des écoles.
Art. 79, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En outre, les responsables des écoles et instituts rattachés à l'université peuvent être invités de manière durable à ses séances.
CHAPITRE III
Organes des subdivisions
SECTION 1
Facultés et instituts rattachés à l'université
(nouvelle teneur)
Art. 85 A (nouveau)
Instituts rattachés
à l'université
1 Les instituts rattachés à l'université sont dirigés par un directeur. Il est assisté par un vice-directeur et un administrateur.
2 Les articles 82 à 85 de la loi sont applicables par analogie.
Art. 87, note marginale (nouvelle teneur)
Départements et instituts rattachés à une faculté ou à une section
Art. 103 (nouveau)
Dispositions transitoires concernant l'institut d'architecture
1 Le premier règlement d'études de l'institut d'architecture est préparé par le rectorat. Il est soumis au collège des recteurs et doyens et au conseil de l'université avant d'être transmis pour approbation au département de l'instruction publique.
2 Une commission ad hoc est chargée d'évaluer les candidatures des membres du corps professoral, des maîtres d'enseignement et de recherche, des chargés d'enseignement et du conseiller aux études de l'école d'architecture en vue de leur nomination éventuelle à l'institut d'architecture dès le 1er octobre 1994. Elle est composée de cinq membres désignés par le rectorat, dont deux experts extérieurs.
3 Les candidatures sont évaluées conformément aux critères énoncés aux articles 48, 49, alinéa 2, et 57 F de la loi.
4 La commission ad hoc prépare les préavis de nomination au sens des articles 42, alinéa 9, et 57 D de la loi. La procédure de nomination suit son cours par l'examen du rectorat, conformément aux articles 43, alinéa 1, et 57 D, alinéa 6 de la loi.
Art. 2
Disposition transitoire concernant l'institut d'architecture
Le Conseil d'Etat est chargé de présenter un rapport au Grand Conseil d'ici au 31 décembre 1994, comportant les règlements et plans d'études ainsi que les modalités d'organisation de l'institut d'architecture.
Art. 3
1 La chancellerie d'Etat est chargée de remplacer, lors des prochaines révisions de la présente loi, les actuelles dénominations «facultés ou écoles» par une nouvelle dénomination «facultés, instituts rattachés à l'université ou écoles» ou «collège des professeurs ordinaires de la faculté, de l'institut ou des professeurs d'écoles» ou «doyen, directeur d'institut rattaché à l'université ou président d'école», suite à l'entrée en vigueur de l'article 17, alinéa 4 de la loi.
2 Cette modification vise les articles 26 A, al. 2 et 3; 26 B, al. 1 et 2; 31, al. 2; 41, al. 4; 42, al. 3, 5 et 7; 43, al. 1, 2 lettre d, 3 et 4; 45, al. 2; 46, al. 2; 47 G, al. 2, 5, 7 et 9; 47 D, al. 1; 47 E, al. 1 et 2; 47 G, al. 1; 49, al. 2, lettre a; 52, al. 3 et 4; 55, al. 3; 57, al. 1; 57 C, al. 1 et 2; 57 D, al. 2 et 6; 59, al. 1; 64, al. 1; 67, al. 2; 73, al. 2 lettre c; 75, al. 2; 76 lettre c; 77, al. 1 lettre a; 78, al. 1 et 2 lettre d; 99, al. 3.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'article 4 de la loi sur l'instruction publique;
- la plaquette éditée par le département de l'instruction publique, s'intitulant: «L'an 2000, c'est demain, où va l'école genevoise ?»;
- la nouvelle montée du racisme, du nationalisme, de l'intégrisme;
- la difficile construction de l'Europe sur fond de crise économique;
- le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil, du 13.09.1991, sur la pétition «Ecole et développement» de la Jeunesse étudiante chrétienne, Genève. (P 694-B)
- la motion M 905 sur la violence en milieu scolaire,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier la possibilité de mettre en place progressivement au sein de l'école genevoise, tous degrés et types confondus, une pédagogie dite «pédagogie des valeurs».
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'école est un lieu de vie et d'apprentissage, elle ne peut donc pas se couper de l'univers social et fonctionner dans un univers clos. Elle doit s'ouvrir au monde en évitant de suivre des modes ou de céder à des groupes de pression. Elle doit donc impérativement se définir, trouver une identité propre, un état d'esprit.
Cette identité est définie dans des textes officiels comme l'art. 4 de la LIP:
«l'enseignement public a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun:
(...)
d) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en développant en lui le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération»
ainsi que dans la plaquette «L'an 2000 c'est demain, où va l'école genevoise ?»
«Aujourd'hui, plus que jamais, elle doit favoriser chez chacun le développement de l'identitié dans la diversité, l'ouverture à l'autre et l'enracinement dans une collectivité cantonale et nationale sans enfermement ni exclusion. Elle doit contribuer à développer la tolérance à l'égard des minorités, des immigrés, des réfugiés et favoriser l'ouverture aux cultures...» (p. 9).
Les grands principes qui fondent l'éducation sont clairement connus:
la solidarité, l'esprit critique, la tolérance, la coopération, la responsabilisation, le respect, sont autant de valeurs qui esquissent un modèle de société. L'école a dans ce sens un rôle primordial à jouer. Cependant ces valeurs ne s'enseignent pas en tant que telles, elles ne peuvent être l'objet d'un cours, d'une discipline spécifique. Les manuels ne contiennent pas d'exercices dans ce sens. Le seul moyen de les transmettre est de les vivre et de les faire vivre. La classe, microcosme de la société, permet de partager une expérience sociale, de donner à ces valeurs la possibilité d'émerger, d'exister, de se charger de sens. Comment est-il possible d'orienter une action éducative qui tende à développer les valeurs de tolérance, de coopération, de solidarité, si préalablement la question n'est pas posée de savoir ce qu'est la tolérance, la coopération, la solidarité, dans l'institution, dans la classe ?
Comprendre pour mieux agir. Se responsabiliser pour ne pas accepter le racisme comme une fatalité, la faim comme l'affaire des autres, la dégradation de l'environnement comme une fatalité. Etre soi-même pour être avec les autres, première étape pour un monde plus solidaire, pour agir en tant que citoyen responsable, libre de ses jugements et conscient de ses choix. Pour cela, il ne suffit pas de donner aux jeunes quelques «cours de tolérance et d'ouverture», il ne s'agit pas d'en faire une discipline à part, mais bien de concevoir une école qui doit être LE LIEU où l'on apprend à respecter, à écouter, à faire preuve de tolérance et de responsabilité, en mettant en place une pédagogie de la solidarité, une pédagogie des valeurs. Le DIP n'est bien sûr pas resté inactif dans ce domaine. Avec l'appui notamment de la Déclaration de Berne, de l'Ecole Instrument de Paix, de l'UNICEF, etc, et sur l'initiative de quelques enseignants, les élèves des écoles genevoises ont pu suivre un certain nombre d'activités pédagogiques d'éveil à la solidarité. Mais au vu de l'actualité et de l'évolution de notre société, ces actions ponctuelles nous semblent aujourd'hui insuffisantes. (La réflexion en cours appelée «Formation Equilibrée des Elèves», FEE, apportera peut-être quelques éléments nouveaux dans ce domaine, mais aucune concrétisation ne semble se dessiner à l'horizon pour l'instant).
Conclusion
Le monde balance entre l'indifférence et l'intolérance. Refus de s'écouter, de se parler, de se respecter, d'échanger. De plus en plus nous assistons à un repli sur «soi», à un refus de l'autre pour ce qu'il est, ce qu'il fait, ce qu'il pense. Que faire? L'école peut-elle, doit-elle jouer un rôle dans la prise de conscience de ces différentes réalités ?
Nous croyons fermement que la réponse est positive et c'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette motion.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Lors de notre dernière séance, nous avons longuement évoqué le triste et grave problème de la violence à l'école. Le manque d'instruction civique dispensé aux jeunes a été également soulevé.
J'avais alors expliqué que si des cours sur ce sujet ne pouvaient être que positifs, ils n'étaient cependant pas suffisants, car ils devaient s'accompagner d'une pédagogie globale. L'enfant ne pourra pas être respectueux, conscient de ses propres responsabilités dans la construction de son entourage immédiat et du monde, conscient aussi des possibilités de choix qui lui incombent, s'il ne reçoit que des cours cloisonnés, un peu comme des casiers qui s'ouvrent pendant une heure pour enregistrer des mathématiques, puis la non-violence, puis l'allemand, et ainsi de suite. Il faut que l'école soit un lieu dans lequel toutes ces valeurs sont omniprésentes.
A la motion sur la violence, Mme Brunschwig Graf avait d'ailleurs très justement répondu qu'il était important de travailler dans le cadre de la formation continue des enseignants, afin de leur donner les moyens d'enseigner dans ce sens. Il en va de même, bien évidemment, pour cette proposition de motion encourageant l'introduction progressive d'une pédagogie des valeurs à l'école.
Aujourd'hui, les signes de repli et d'égoïsme autour de nous sont inquiétants et l'école ne doit plus se fonder sur la seule raison encyclopédique, mais aussi sur la paix, la tolérance, la solidarité et la responsabilisation. L'avenir des jeunes et du monde ne se construira pas que sur le savoir, mais aussi dans l'apprentissage de ces valeurs. C'est pourquoi nous vous demandons, par l'intermédiaire de cette motion - même si des efforts ont déjà été entrepris dans ce sens - de nous engager encore un peu plus sur le chemin d'une école de l'humanité.
Enfin, concrètement, nous proposons le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement, afin qu'elle y soit traitée conjointement avec la motion concernant la violence à l'école.
M. Dominique Belli (R). Récemment dans cette enceinte, nous avons accepté deux motions importantes pour le monde de l'enfant, celle relative à l'enfance maltraitée et celle concernant la violence en milieu scolaire, dont j'ai eu un exemple frappant cette semaine - si j'ose dire - avec un bras cassé !
Il semble clair pour chacun d'entre nous que, dans ce domaine encore plus que dans d'autres, la prévention aura un rôle prépondérant à jouer. D'ailleurs, Mme Brunschwig Graf s'est très justement exprimée récemment dans ce sens, en demandant de pouvoir examiner les motions dont je viens de parler en commission, pour pouvoir dégager un concept global dans cette direction.
La proposition de motion que nous vous faisons aujourd'hui se situe exactement dans cette optique. Il s'agit d'étudier la possibilité d'intégrer dans l'enseignement un comportement social où l'on apprenne à respecter la différence. L'apprentissage de l'écoute, de la tolérance et des valeurs humaines est à mon sens le garant d'un comportement ultérieur digne et intelligent, aboutissant à une prévention de divers comportements non acceptables et pourtant bien réels.
Le fait d'être capable d'écouter, de tolérer et de comprendre quelqu'un d'une culture ou surtout d'une idéologie différente de la sienne est la base même de la démocratie éclairée. Vous en conviendrez, notre parlement en est constamment un exemple vivant !
C'est dans cet esprit que nous avons déposé cette motion, dont je vous demande de soutenir le renvoi à la commission de l'enseignement, puisqu'elle pourra être traitée globalement avec les autres objets dans une optique de conception globale de l'enseignement.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Tout a été dit pour cette entrée en matière. Nous aurons l'occasion de nous exprimer davantage et de clarifier le terme de «valeurs». En effet, cela paraît simple, mais ça l'est moins lorsqu'il s'agit de le définir. Je rappelle que l'article 4 de la loi sur l'instruction publique en contient de très importantes. Il sera intéressant, en commission, de savoir ce que les auteurs en pensent et si nous devons dépasser ces définitions.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. M. Dominique Hausser m'a posé trois questions hier. Je lui ai d'ailleurs dit que s'il souhaitait des réponses précises à ces questions, il devait me fournir les textes à l'avance, ce qu'il a fait. Cela m'a permis de vérifier un certain nombre d'informations. Tout s'enchaîne, Monsieur le député !
S'agissant de la rentrée scolaire, du nombre d'élèves et de la réduction des postes, je vous signale tout d'abord que, contrairement à ce que nous pouvons observer avec le service de la recherche sociologique quant à l'évaluation du nombre d'élèves dans le primaire ou à l'école enfantine, les choses sont différentes pour le parascolaire. Nous nous apercevons, année après année, qu'il n'y a pas d'évolution proportionnelle du nombre d'élèves fréquentant le parascolaire. On ne peut donc pas en tirer des conclusions fiables.
Comme dans les services de l'administration, il y a une diminution de 2% des animateurs et animatrices. Mais, dans l'organisation de ces groupes tels qu'ils sont évalués, cela représente une moyenne de 11,05 élèves par rapport à une moyenne actuelle de 10,76 élèves. Je ne suis pas de celles qui pratiquent d'habitude ce genre de moyennes, mais, sachant que certains d'entre vous y sont sensibles, je vous fournis tout de même cette information !
Je vous précise par ailleurs - pour répondre au souci légitime de M. Hausser concernant l'accompagnement des enfants dans les lieux à risques - que le personnel parascolaire, dans son organisation, a évidemment prévu de tenir compte de ces risques et de ne pas procéder à une répartition mathématique, mais plutôt intelligente en fonction des problèmes spécifiques.
Monsieur Hausser, vous vous souciez de l'accueil du matin. Je vous signale qu'il existe actuellement dix groupes d'accueil du matin dans trois écoles : Seujet, Geisendorf et Trembley. Quelques élèves, c'est vrai, quatre à six enfants ont fait des demandes qui n'ont pu être acceptées, car il n'est pas souhaitable de mettre en place un groupe d'accueil pour si peu d'élèves. Par contre, nous allons chercher des solutions individualisées avec les parents.
Votre deuxième question portait sur des études prospectives faites ou non pour l'organisation du parascolaire et la diminution du nombre de postes. Ces études, bien sûr, ont été faites et nous évaluons, en fonction des préinscriptions et d'un certain nombre de renseignements, la répartition à effectuer. Les décisions - encore une fois - ne sont pas prises à l'aveugle.
Monsieur Hausser, une représentante du Conseil municipal issue de votre parti présentera un rapport oral à la séance du Conseil municipal des 28 et 29 juin et, très probablement selon nos dernières informations, le parascolaire sera accepté par la Ville de Genève ainsi qu'il l'a été dans la quasi-totalité des communes. Voilà pour la position de la Ville de Genève. Je tenais à le souligner, comme je tiens à souligner que, contrairement aux craintes que vous pouviez avoir, les communes qui n'avaient pas de parascolaire ont été particulièrement solidaires dans cette opération; les résultats, de ce fait, ont été plus que satisfaisants dans les conseils municipaux.
J'aborde le problème des coûts pour les parents. Dans le courant de la semaine, l'Association des communes genevoises a envoyé une lettre aux différentes communes pour évoquer les possibilités de tarifs. Je vous rappelle, comme dans le dernier débat, que c'est de la compétence du groupement intercommunal et de celles et ceux qui y sont représentés de décider de la politique tarifaire qui sera adoptée en matière de parascolaire. Je peux déjà vous dire que nous avons prévu dans notre évaluation des exonérations, des demi-tarifs et des trois-quarts tarifs. Celles et ceux qui paieront plein tarif ne seront pas les plus nombreux. Cela est fondé sur l'étude de base qui a été effectuée. En définitive, c'est le groupement intercommunal qui décidera du montant des tarifs et de l'échelonnement en fonction des différents revenus. Nous pourrons donc bel et bien offrir un éventail de tarifs selon les revenus des parents.
J'espère, Monsieur le député, avoir répondu complètement à vos questions. Si tel n'est pas le cas, je vous fournirai par écrit les explications complémentaires nécessaires.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je réponds à l'interpellation de M. Michel Halpérin que je remercie de sa loyauté, puisqu'il a eu la délicatesse de m'adresser cette question de manière préalable. Elle concerne en réalité mon collègue, M. Claude Haegi, que je vais tenter - mais on ne remplace pas M. Haegi ! - de remplacer.
La loi sur la nationalité genevoise prévoit, depuis 1955, une procédure accélérée pour les jeunes étrangers de moins de 25 ans. Seul le préavis du Conseil administratif ou du maire de la commune choisie est sollicité. Le préavis du Conseil municipal ne l'est pas, contrairement à ce qui se fait pour les étrangers de plus de 25 ans. Pour mémoire, ce sont les articles 15 et 16 de la loi genevoise.
C'est dire qu'un jeune étranger né à Genève peut déposer une demande de naturalisation dès l'âge de 11 ans, les années entre 10 et 20 ans comptant double. De plus, selon l'article 12 du règlement, l'émolument fixe de 550 F pour les étrangers est ramené à 300 F pour les jeunes étrangers de moins de 25 ans. Ceux-ci ne sont d'ailleurs pas assujettis à la taxe d'admission à la naturalisation. L'article constitutionnel qui a été refusé le 12 juin dernier par le peuple suisse n'était qu'un accord de principe qui devait être concrétisé dans une loi fédérale non encore élaborée.
Le projet de concordat intercantonal, Monsieur le député, que vous appelez de vos voeux, ne pourra pas aller au-delà des conditions imposées par la loi fédérale actuelle, puisque les jeunes étrangers ne peuvent obtenir la naturalisation sans être préalablement au bénéfice de l'autorisation fédérale. Néanmoins, le canton de Genève examinera, le moment venu, l'opportunité d'adhérer à ce concordat s'il apporte des facilités supplémentaires pour la naturalisation des jeunes étrangers.
J'espère avoir été complet et, selon la formule désormais consacrée, je suis à votre disposition pour vous fournir d'autres explications, si nécessaire.
Cette interpellation urgente est close.
M. Laurent Moutinot (S). M. le président Vodoz n'est pas là et il me semble que mon interpellation s'adresse à son département. Je souhaiterais qu'il soit présent, mais je vais quand même poser les questions.
Le président. M. Vodoz était là il y a quelques minutes.
Une voix. Le voilà ! (Aahh de satisfaction.)
M. Laurent Moutinot. Depuis la Révolution française, l'impôt doit être prévu par une loi. Nous discutons souvent dans cette enceinte de modifications quelquefois mineures. Or, le débat sur la valeur locative n'a pas eu lieu dans cette enceinte, mais ailleurs. Pourtant, les montants en cause sont importants. Je sais bien qu'il s'agit, en l'occurrence, de l'impôt fédéral direct, mais, néanmoins, l'administration cantonale a prêté la main à cette démarche. C'est la raison pour laquelle j'adresse ces quelques questions à M. Vodoz.
1) Il est paru dans la presse que le nouveau système engendrait une baisse de la valeur locative pour 60% des propriétaires, une valeur inchangée pour 30% et augmentée pour 10%. Ces chiffres sont-ils exacts ?
2) Quelle est le bénéfice ou la perte en francs pour le fisc fédéral ?
3) Il a été dit, en particulier dans une séance d'information de la Chambre genevoise immobilière, la chose suivante, je cite : «Nous avons dû, avec le concours de l'autorité fiscale cantonale, avec laquelle nous avons travaillé la main dans la main, nous opposer de manière très ferme à ce que désirait l'autorité fiscale fédérale.». Est-il exact que l'administration fiscale cantonale a travaillé la main dans la main avec la Chambre genevoise immobilière ? Et, si oui, sur la base de quel mandat donné par notre Conseil ou sur la base de quelle directive politique ?
4) S'agissant du fameux questionnaire, on observe, en page 4, que le prix au mètre carré va de 270 F le mètre pour les petits logements à 100 F le mètre pour les grands logements. Pourquoi ces chiffres ? Comment ont-ils été élaborés ? Il s'agit là d'une question très technique, je l'admets, mais je souhaiterais tout de même savoir comment ces paramètres ont été déterminés.
5) Enfin, je n'ai a priori rien contre le système d'un questionnaire pour déterminer la valeur locative. Le canton de Genève envisage-t-il d'utiliser une telle méthode pour calculer la valeur locative dans le système fiscal genevois ? Dans cette hypothèse, il serait indispensable que nous ayons un débat au Grand Conseil parce que cela implique une décision politique fondamentale. Faut-il taxer plus ou moins la valeur locative ? C'est à nous de répondre à cette question. Ce n'est pas par le choix d'un questionnaire ou d'une méthode de calcul que l'on peut modifier aussi fondamentalement l'assiette de l'impôt et, par conséquent, les résultats fiscaux !
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je répondrai à l'occasion d'une prochaine séance, compte tenu des questions précises et des chiffres qui nous sont demandés sur les gains et les pertes. Ce sera pour la rentrée de septembre, puisque, en l'état, nous n'avons dépouillé qu'environ 10% des questionnaires.
Néanmoins, j'entends, et sans que cela constitue ma première réponse, dire deux choses à M. Moutinot. Je rappelle, comme vient de le faire l'interpellateur, qu'il s'agit exclusivement de la valeur locative de l'impôt fédéral direct. La Confédération a souhaité s'assurer que la taxation pour déterminer les valeurs locatives, qui sont donc un revenu immobilier théorique, soit uniforme sur tout le territoire suisse. C'est pourquoi l'administration fiscale fédérale procède à des enquêtes périodiques dans tous les cantons. Elle intervient également auprès des cantons pour que les valeurs locatives taxées soient revues lorsque des différences dépassent 30%. C'est la raison pour laquelle à Genève, en 1990, le taux de l'impôt fédéral direct des villas a été majoré de façon extrêmement importante.
C'est en raison des demandes successives de la Confédération qui allaient grever très fortement les propriétaires d'appartements et de biens immobiliers, toutes situations sociales confondues, que le département cantonal des finances a suggéré - à l'instar de ce qui s'est fait dans le canton de Fribourg et dans le canton de Vaud, par exemple - que nous établissions, sur la base d'un questionnaire agréé par l'autorité fédérale, une valeur objective des biens immobiliers. C'est ce questionnaire qui a été élaboré, qui a fait l'objet de consultation dans les différents milieux immobiliers et qui a été envoyé aux contribuables. Mais, contrairement à ce que dit M. Moutinot, et même si apparemment - on me l'a rapporté, puisque je n'étais pas à cette assemblée de la Chambre genevoise immobilière - certaines personnes du comité de cette organisation se seraient flattées de ce que vous venez de rappeler, les membres de la commission fiscale de ce Grand Conseil savent bien ce qui a été entrepris, puisque j'ai eu l'occasion d'en parler à la commission fiscale, et dans quel esprit ce questionnaire a été introduit.
Votre commission fiscale a entendu un de mes collaborateurs, M. Hepp, qui traite ces dossiers; ils ont pris connaissance, eux aussi, tous partis confondus, du caractère effarant des attaques dont l'administration fiscale a fait l'objet à ce sujet. Des tracts ont été envoyés à tous les propriétaires de villa; j'en cite un : «Menaces sur votre villa, prenez garde au fisc !». Des lettres m'ont été adressées par une association genevoise dont le contenu disait : «Nous ne pouvons malheureusement nous rallier, vu les conséquences catastrophiques qu'entraîneraient vos décisions pour plus de 12 000 petits et moyens propriétaires.». Ou encore : «Nouvelle déclaration fiscale fédérale : les propriétaires sont inquiets». Ils étaient convoqués à deux assemblées pour indiquer qu'ils devaient lutter contre ces mesures. La nouvelle valeur locative des villas inquiète les propriétaires genevois. Des critiques violentes nous ont été adressées, au-delà de ce qui est acceptable. Heureusement, je crois qu'aujourd'hui les auteurs de ces attaques ont enfin compris qu'elles n'étaient pas fondées.
Nous avons voulu - je crois que c'est reconnu - qu'à Genève désormais, comme ailleurs en Suisse, il y ait des valeurs objectives de telle sorte que, entre des villas acquises il y a fort longtemps et celles acquises récemment, il y ait une certaine équité. Monsieur Moutinot, je vous donnerai plus de renseignements en septembre après avoir dépouillé l'ensemble des questionnaires. Nous devons cependant traiter des centaines de recours suite à la précédente valeur locative fixée. Des propriétaires de villa ou d'appartement acquis il y a fort longtemps, qui n'ont subi qu'une augmentation de 20% décennale, verront, il est vrai, leur valeur locative extrêmement faible augmenter. En revanche, des propriétaires de villas qui ont acquis leur propriété il a quelques années seulement, à l'époque où l'immobilier était élevé, verront, en raison de cette valeur locative objective, leur valeur locative fédérale baisser quelque peu.
Chez nous, il y a deux valeurs locatives : la valeur de l'IFD et la valeur cantonale qui, elle, permet un abattement jusqu'à 40%. Nous avons décidé de ne pas changer la valeur cantonale et d'appliquer en l'état les valeurs objectives exclusivement à l'impôt fédéral direct.
Monsieur Moutinot, lorsque nous aurons dépouillé tous les questionnaires, je répondrai précisément aux quatre questions posées, mais je voulais répondre immédiatement à la question de nature plus politique que vous avez posée au milieu de votre interpellation !
Le président. Nous prenons note que la suite de la réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. M. Gilly continue à me faire beaucoup d'honneur en pensant que le chef du département militaire cantonal - qui au demeurant est fier de l'être (Rires.) - a des pouvoirs énormes au point d'avoir la compétence de régler les problèmes de grenades - évoquées il y a quelque temps - et serait le commandant en chef de notre aviation ! (Rires.) Hélas, il n'en est rien aujourd'hui !
Cela étant, Monsieur le député, la «Tribune de Genève» a relaté - c'est vrai - que le 7 juin, un appareil militaire de type Mirage 3 de reconnaissance a été engagé par l'autorité fédérale pour le tournage d'une vidéo destinée aux parlementaires fédéraux, membres de la commission politique de sécurité, et commandée par le groupement de l'instruction. Le vol avait reçu toutes les autorisations nécessaires. L'altitude du survol...
(S'adressant à M. Gilly qui bavarde.) Ecoutez, puisque vous vous intéressez à cette importante question !
L'altitude du survol de Genève était planifiée à 1000 mètres, m'a-t-on confirmé. Le pilote militaire a reçu cependant l'ordre de descendre et de se maintenir entre 200 et 300 mètres parce qu'un aéronef civil était dans la phase d'approche de Cointrin. La presse a été orientée par la direction de l'aéroport de Genève/Cointrin sur cet événement. Il n'était pas dans les intentions de la direction d'autoriser des vols de reconnaissance en survolant la rade à l'altitude de 200 à 300 mètres. Elle regrette les désagréments provoqués, notamment le bruit. C'est bien Swisscontrol, qui assure le contrôle aérien dans notre pays, qui a ordonné au pilote de déplafonner son appareil. L'exercice a parfaitement réussi, mais il a provoqué du bruit et, semble-t-il, si j'en juge par la presse, quelques émotions puisqu'une personne a raconté à un journaliste, je cite : «Quelle trouille ! Je regardais tranquillement les filles court-vêtues et tout à coup il y a une explosion. Je ne savais pas ce qui m'arrivait !». (Oohh et applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.
1. Introduction
Déposé le 15 mai 1992, le projet de loi 6833 vise, comme le précise l'exposé des motifs, à favoriser une bonne administration de la justice en établissant la réciprocité dans la communication des renseignements pertinents entre le département des finances et contributions, ci-après le département, d'une part, et le Ministère public ainsi que les juges d'instruction, d'autre part.
En effet, en l'état de la législation, l'article 335 la loi sur les contributions publiques, ci-après LCP, fait obligation aux administration publiques cantonales et communales ainsi qu'aux institutions dépendant le l'Etat de fournir gratuitement au département lorsqu'il en fait la demande, tous les renseignements dont ils disposent propres à le renseigner sur le revenu et la fortune des contribuables.
La nouvelle norme proposée tend, en conséquence, à faire exception au secret de fonction qui n'est pas un principe constitutionnel mais le résultat d'une pesée d'intérêt, généralement faite par le législateur entre d'une part l'intérêt de l'administré à la confidentialité et d'autre part, l'intérêt des autorités à la transparence.
Dans notre canton, ce principe est prévu de manière générale pour les employés de l'Etat. Il en découle qu'en regard du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs qui place les autorités judiciaires et administratives sur pied d'égalité, qu'aucun fonctionnaire ne peut fournir de son propre chef des renseignements aux autorités judiciaires. C'est le Conseil d'Etat, autorité de surveillance des fonctionnaires qui procède ainsi à la pesée des intérêts en jeu, à savoir l'intérêt de la justice à la levée du secret et les intérêts publics ou privés à le maintenir.
En conséquence le projet vise à transférer cette pesée d'intérêt du Conseil d'Etat au Ministère public, respectivement au juge d'instruction.
2. Travaux de la commission
Réunie sous la présidence de M. Michel Jacquet, la commission judiciaire a examiné le projet de loi 6833 lors de ses séances des 23 et 27 septembre et 14 octobre 1993 en présence de MM. Bernard Ziegler, alors Conseiller d'Etat, chef du département de justice et police; Rémy Riat et Bernard Dupont, secrétaires adjoints du département de justice et police. La commission a procédé à diverses auditions.
2.1. Auditions
2.1.1. Audition de M. Laurent Kasper-Ansermet, procureur du 23 septembre 1993.
Le parquet soutient ce projet de loi. Il serait en effet logique de pouvoir bénéficier de la réciprocité en matière d'obligation de fournir des renseignements. En outre, la criminalité économique se développe sans cesse en matière de fraude dans la saisie, de banqueroute frauduleuse et de blanchiment d'argent sale.
Il faut relever que dans la plupart des pays qui nous entourent les lois de procédure permettent de recouper les diverses informations, notamment fiscales, sur une personne mise en cause afin d'augmenter l'efficacité des autorités judiciaires.
Il est non seulement dans l'intérêt de la justice de mieux connaître le profil des personnes mises en cause mais également d'alléger la procédure dont le poids se fait de plus en plus sentir.
Il faut également relever que la doctrine et la jurisprudence admettent que ce soit l'autorité judiciaire qui procède à la pesée des intérêts en cause.
La notion de poursuite pénale engagée amène les précisions suivantes. Cette notion vise déjà l'enquête préliminaire du ministère public. A ce stade les renseignements ne sont pas transmis aux parties.
La seule réserve serait le cas d'un recours en classement par devant la Chambre d'accusation ce qui ne pose en l'occurence aucun problème car il s'agit d'un type d'affaires qui, par leur nature, ne comportent pas de plaignants.
Lorsqu'il y a inculpation, deux stades sont à distinguer dans la pesée des intérêts. Le premier est de savoir si le juge veut effectuer les démarches pour obtenir les renseignements, le second celui de savoir s'il veut les verser à la procédure après les avoir obtenus. Dans ce dernier cas, si les informations sont délicates, on pourrait imaginer une solution de mise sous enveloppe scellée.
Il est bien évident que l'administration fiscale ne serait tenue de fournir des renseignement que si le parquet ou le juge d'instruction en fait la demande.
2.1.2. Audition de M, Flurin Koenz, chef du service judidique de l'administration fiscale cantonale du 23 septembre 1993.
M. Koenz précise d'emblée que le secret fiscal est une notion plus ample que le secret de fonction ordinaire. Ceci dans le but d'inciter les contribuables à faire preuve de sincérité dans leurs déclarations.
A Genève, le Conseil d'Etat est la seule autorité compétente dans ce domaine, ce qui selon lui, aurait été confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt (ATF 80 I 4 = JT 1954 p.336) cité dans l'exposé des motifs. Voir à cet égard l'arrêt du Conseil d'Etat figurant en annexe (Annexe I).
M. Koenz estime que le projet de loi n'est pas suffisamment précis quant à la nature des renseignements qui devraient être fournis, en particulier les termes «renseignements utiles» sont trop larges et le mélange entre les notions de renseignements et de témoignages peut être source de confusion.
Il est bien évidemment indispensable que la justice dispose des éléments nécessaires au niveau de l'instruction, mais c'est déjà le cas avec le système actuel. M. Koenz craint de voir ce projet ouvrir la voie à des demandes de renseignements prospectives qui iraient au-delà de ce qui est nécessaire à une bonne administration de la justice.
D'autre part certaines données peuvent être confidentielles, par exemple l'existence d'un enfant illégitime ou certains renseignements sur les conjoints des contribuables mariés. Ces personnes doivent pouvoir rester protégées par le secret fiscal si elles ne sont pas impliquées dans la procédure pénale.
En conséquence, le système actuel lui semble suffisant et la compétence du Conseil d'Etat en la matière la meilleure solution possible. Si le système devait être modifié, il faudrait une solution plus clairement définie.
2.1.3. Audition de M. Olivier Vodoz, Conseiller d'Etat, chef du Département des finances et contributions du 27 septembre 1993.
M. Vodoz précise que le Conseil d'Etat n'a pas débattu de la question soulevée par le projet de loi. A titre personnel, il est réservé , non pour des motifs de nature politique car sa collaboration avec la justice est excellente, mais pour les raisons suivantes:
a) Lors d'une réunion avec la procureur général intervenue en août 1990, une procédure accélérée de communication de renseignements a été mise au point.
Cette procédure est indiquée dans la lettre adressée par le procureur général à Mme Christiane Sordet, alors présidente du Collège des juges d'instruction en date du 16 août 1990 et citée en annexe II du présent rapport.
b) Depuis 1989, huit demandes ont émané du parquet et il a été donné suite à toutes ces demandes dans un délai d'environ quinze jours. Le Conseil d'Etat par ailleurs ne débat jamais de ces questions (Annexe III).
c) Une telle procédure ne dénote pas une volonté de cacher quoique ce soit à la justice, mais se justifie pour éviter que ces transmisssions de dossiers n'interviennent automatiquement par le biais de requêtes directes.
d) Il faut garder en effet à l'esprit que des problèmes peuvent se poser en relation avec la divulgation d'informations sur le conjoint ou l'entourage de la personne faisant l'objet de la procédure pénale. Les commissions rogatoires, dans le cadre de l'entraide internationale peuvent aussi poser problème. Il faut également relever que dans un certain nombre de pays, les infractions en matière fiscale sont érigées en crime. Des documents fiscaux suisses pourraient démontrer des crimes non punissables en Suisse ce qui n'est pas précisément le but de l'entraide internationale.
e) C'est la lecture des réquisitions détaillées du juge d'instruction qui fait apparaître clairement le besoin de collaboration.
f) En cas d'urgence, il a été prévu que les juges d'instruction s'adressent directement au chef du Département des finances et contributions qui peut répondre par fax, ce qui réduit substantiellement les délais.
En conclusion, aucun problème n'est à déplorer à ce jour car aucune doléance n'est parvenue du Palais de justice. Une automatisation de la procédure mériterait que soient prises des précautions, afin que le système fonctionne convenablement. En effet le terme «poursuite pénale engagée» est vaste. Le risque existe d'atteindre des personnes non visées à l'origine, si des déclarations fiscales sont remises au parquet, sans qu'une plainte ne soit précisément circonscrite. Le projet de loi devrait être plus précis sur ce point le cas échéant.
2.1.4. Position du Collège des juges d'instruction présidé par M. Pierre Marquis déterminée lors de sa séance du 6 octobre 1993 et transmise par courrier le même jour.
1. Sur le principe, nous sommes favorables à l'adoption de cette nouvelle disposition.
2. En effet, nous sommes saisis d'un nombre de plus en plus important de procédures financières, et en particulier d'affaires de banqueroute, de gestion déloyale, de fraude dans la saisie..., cas dans lesquels le «dossier fiscal» est susceptible de contenir des éléments utiles à la manifestation de la vérité.
3. A la lecture de l'exposé des motifs, il apparaît que la crainte de voir ce texte utilisé de manière abusive a été exprimée.
A ce sujet, il est bon de rappeler qu'il est fait obligation au juge d'instruction, dans le cadre de perquisitions et de saisies, de respecter le principe de la proportionnalité, qui a comme corollaire d'écarter de la procédure et de restituer à l'ayant droit les documents inutiles.
4. Il convient de modifier le libellé de l'alinéa premier de la nouvelle disposition qui parle de «poursuites pénales engagées» dans la mesure où, selon l'exposé des motifs, cette disposition ne s'appliquerait qu'après inculpation.
Une telle interprétation aurait pour effet de vider la nouvelle disposition de l'essentiel de sa portée pratique.
Il nous paraît que le terme «engagées» peut être purement et simplement supprimé.
Les renseignements doivent pouvoir être demandés à l'administration fiscale des contributions dès qu'il y a «poursuites pénales», c'est à dire dès l'ouverture d'une enquête préliminaire par le Parquet du Procureur général, soit avant même l'ouverture d'une information, a fortiori avant le prononcé d'une inculpation.
Dans son libellé actuel, la disposition signifie par exemple que le Ministère public ne peut obtenir des renseignements de l'AFC qu'après clôture de l'instruction préparatoire, ce qui est un non-sens.
5. Enfin, la création de cette base légale paraît logique dans la mesure où l'on voit mal que le Conseil d'Etat, qui n'a pas connaissance du contenu de la procédure pénale, décide en lieu et place du juge, de ce qui est ou non utile à la manifestation de la vérité.
2.2. Débats
Les débats ont permis aux commissaires de procéder à une délicate pesée d'intérêt entre le désir légitime de ne pas porter atteinte à la protection de la sphère privée et les exigences de transparence, de rapidité de transmission des informations, d'égalité de traitement entre les différentes administrations, conditions nécessaires pour une justice plus efficace et plus rapide que chacun appelle de ses voeux.
a) Interprétation de la disposition
Dans le cadre des arguments soulevés, il a été relevé que les craintes exprimées à l'égard d'une interprétation trop large de la disposition sont infondées. En effet, en matière de collecte de renseignements, les juges d'instruction doivent se conformer aux mêmes principes qu'en matière de perquisition et de saisie comme le précisent expressément les articles 178, alinéa 2, et 181 du code de procédure pénale. Par ailleurs, l'article 178, alinéa 2, a fait l'objet d'un commentaire détaillé dans le rapport concernant les importantes modifications du code de procédure pénale adoptées par notre Grand Conseil le 17 mai 1990 (Mémorial 1990, page 1952 et suivantes).
b) Fonds illicites
En ce qui concerne les fonds acquis illicitement qui sont visés par la disposition envisagée, il est vrai qu'ils ne figurent en général pas dans les déclaration fiscales. Néanmoins ces derniers peuvent être de précieux outils pour connaître la personnalité d'un inculpé. En ce sens, les déclarations fiscales sont des points de références importants. Ce sont par ailleurs les raisons pour lesquelles les données fiscales figurent dans les banques de données américaines.
c) Délais
Le délai d'environ quinze jours pour obtenir les renseignements de l'administration fiscale a retenu l'attention de la commission qui n'a pu déterminer - en l'absence de renseignements plus précis - dans quelle mesure il pourrait être dissuasif pour les juges d'instruction. Mais d'une manière générale, un délai de quinze jours peut s'avérer long, soit en raison d'une détention préventive, soit en raison de la nature de l'enquête pour éviter les risques de fuite de personnes et de capitaux.
d) Accès des tiers aux données concernées
La problématique de l'accès de tiers au dossier à déjà été étudiée par la commission juidiciaire. Le Parlement s'est prononcé en défaveur de l'introduction d'un tel secret dans le cadre du projet de loi traitant du transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice.
Il est vrai que des renseignements éminemment personnels figurent au dossier, dont les tiers parties à la procédure peuvent prendre connaissance. La seule solution sertait d'exclure cet accès des parties civiles au dossier, solution qui a toujours été rejettée.
En ce qui concerne les autorités étrangères, le problème est plus délicat. Des protections sérieuses existent dans le cadre de l'entraide internationale. Le juge étranger est lié par les conditions auxquelles l'entraide est accordée.
Un problème semblable se pose en relation avec le secret bancaire. Les juges d'instruction trient les informations qu'ils communiquent et le système fonctionne très bien.
e) Nécessité de légiférer
La commission s'est interrogée sur la pertinence de légiférer pour un nombre aussi restreint de cas. Mais rien de permet d'affirmer que la pratique ne variera pas à l'avenir. D'autant plus qu'une procédure de consultation fédérale est en cours concernant les moyens d'accélérer les procédures et que le Conseil d'Etat a estimé que les mesures préconisées étaient trop timides. En fin de compte ce qui est essentiel c'est que les milieux maffieux ne soient pas objectivement protégés par le fisc.
2.3. Vote de la commission
Les arguments avancés en faveur et à l'encontre du projet de loi ont mis en évidence la nécessité de modifier la proposition initiale.
a) Alinéa l
En ce qui concerne l'alinéa l, la commission est entrée en matière sur la proposition du Collège des juges d'instruction de supprimer le terme «engagée» en fin d'alinéa. En effet, le terme «engagée» signifie que le Ministère public ne pourrait obtenir des renseignements de l'AFC qu'après clôture de l'instruction préparatoire alors que c'est dans le cadre de cette dernière que des renseignements fiscaux pourraient être déterminants par rapport au but visé par le projet de loi.
Un amendement tendant à remplacer le terme «fournit» par «est tenu de fournir» a été refusé par 6 voix contre 6, le département ayant précisé que les deux formules sont juridiquement équivalentes.
b) Alinéa 2
L'alinéa 2 a été profondément remanié en raison du fait que le seul titulaire du secret de fonction est le Conseil d'Etat. Il est en conséquence souhaitable que les échanges d'înformations entre les différents pouvoirs se fassent par l'intermédiaire des magistrats pour éviter tout risque de dérapage comme se fut le cas dans l'affaire des fiches au plan fédéral où la Confédération s'adressait directement aux fonctionnaires cantonaux pour obtenir les renseignements auxquels elle avait droit.
Il a en outre semblé judicieux à la commission de déléguer cette tâche au département concerné pour des questions de gain de temps. Il s'agit en fait d'une codification de la pratique actuelle.
Al. 2
Les demandes de renseignements et d'auditions sont adressées par écrit au chef du département. Elles précisent la nature des renseignements demandés.
Cette nouvelle teneur a été adoptée par 9 voix contre 3 voix.
c) Introduction d'un nouvel alinéa 3
Afin de bien préciser la portée et l'étendue de la nouvelle disposition un alinéa 3 a été introduit qui précise:
Al. 3
Tout document qui s'avère inutile est restitué immédiatement au département.
Cet alinéa a été adopté à l'unanimité.
3. Conclusion
Le projet de loi amendé qui vous est proposé marque une volonté d'améliorer et d'accélérer les procédures tout en prenant en compte le respect de la sphère privée. Même si cette proposition n'établit pas une réciprocité totale entre les diverses administrations ce qui exigerait la modification de l'art. 335 LCP, il vise à améliorer la transmission de renseignements et contribue ainsi à une meilleure efficacité de la justice.
C'est en conséquence à l'unanimité moins deux abstentions (l MPG, l L) que le présent projet de loi amendé a été adopté par la commission judiciaire et nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir en faire de même.
ANNEXE I
ANNEXE II
ANNEXE III
Premier débat
Mme Françoise Saudan, rapporteuse. Je voudrais apporter une correction en page 6, à la fin du quatrième paragraphe. Il faut le compléter comme suit : «comme le précisent expressément les articles 178, alinéa 2, et 181 du code de procédure pénale. Par ailleurs, l'article 178, alinéa 2, a fait l'objet d'un commentaire détaillé dans le rapport concernant les importantes modifications du code de procédure pénale adoptées par notre Grand Conseil le 17 mai 1990 (Mémorial 1990, page 1952 et suivantes).»
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le travail en commission a démontré le débat important qui devait s'instaurer entre deux volontés : celle d'accroître l'efficacité de la justice et celle de conserver au secret de fonction, le secret fiscal en particulier, toute sa valeur. La commission judiciaire est parvenue à un bon accord de synthèse. Je n'ai rien à ajouter au rapport très clair de Mme Saudan.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi générale sur les contributions publiques
(Secret de fonction)
(D 3 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:
Exception en cas de poursuite pénale
Art. 347 A (nouveau)
1 Le département fournit au Ministère public et aux juges d'instruction tous les renseignements utiles à la constatation d'infractions et à la recherche de leurs auteurs dans le cadre d'une poursuite pénale.
2 Les demandes de renseignements et d'auditions sont adressées par écrit au chef du département. Elles précisent la nature des renseignements demandés.
3 Tout document qui s'avère inutile est restitué immédiatement au département.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En date du 18 septembre 1987, notre Grand Conseil adoptait un nouvel article constitutionnel, l'article 2A, consacrant aussi dans notre canton le pricipe de l'égalité des droits entre hommes et femmes et les obligations y relatives.
Le but de cet article n'est naturellement pas de rester un principe vain, mais d'appuyer des réalisations progressives en vue de cette égalité. Le Bureau de l'égalité en particulier a pour mandat de dynamiser ce travail.
Diverses mesures ont déjà été adoptées, nous pensons notamment aux mesures introduites à l'université, mais nous savons que de nombreuses inégalités subsistent. Ainsi s'agissant des salaires, les statistiques fédérales continuent de montrer des écarts importants entre hommes et femmes. D'autres faits empiriques sont connus, notamment en matière de moyens de prise en charge des tâches éducatives, etc.
Cependant, il n'existe aucune photographie complète et fiable de la situation genevoise, permettant de montrer l'état réel de la situation, les efforts encore à entreprendre et de manière générale d'évaluer l'efficacité de la politique déjà mise en place.
Pour ces motifs, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le 14 juin 1981, le peuple suisse a accepté l'article constitutionnel consacrant l'égalité entre hommes et femmes dans notre loi fondamentale. La même année, la motion 143 a été déposée au Grand Conseil, pour demander au Conseil d'Etat de dresser un inventaire complet des inégalités juridiques entre hommes et femmes figurant dans la législation genevoise et de proposer les modifications nécessaires pour rendre ces textes conformes à la Constitution fédérale.
En 1984, le Conseil d'Etat a fait un rapport assez complet qui dressait la liste des lois dans lesquelles il fallait enlever des discriminations. Dans le même temps, le Grand Conseil avait accepté la motion 278 qui est la base du bureau de l'égalité, tel que nous le connaissons. En 1987, le peuple genevois a adopté l'article 2 A de la constitution genevoise qui consacre, au niveau cantonal, le principe de l'égalité entre hommes et femmes. La même année, le bureau de l'égalité a été institué et avec lui une commission consultative concernant ces questions. En 1989, ce même parlement a adopté une loi sur l'université, progressiste en matière d'égalité, loi citée comme exemplaire même dans des cours de droit dispensés dans d'autres universités suisses.
Au niveau de l'approche juridique, le canton de Genève est donc exemplaire. Il a fait un travail conséquent et intéressant. De plus, un portrait statistique de la situation des femmes à Genève est sorti en février 1988, basé sur le recensement populaire de 1980. Un nouveau portrait statistique est en préparation, basé sur le recensement de 1990.
A notre avis, l'inégalité entre hommes et femmes a deux aspects. D'une part, l'inégalité des droits dans la législation et, d'autre part, l'inégalité dans les faits, dans les grands domaines que sont la famille, la formation, le travail et le chômage, les rapports sociaux entre les sexes, notamment en ce qui concerne la violence.
Nous aimerions aborder ce deuxième aspect aujourd'hui. Au niveau suisse, nous avons l'impression que l'article constitutionnel sur l'égalité est plus utilisé en défaveur des femmes qu'en leur faveur. Il s'agit d'une égalité dans le malheur, alors que l'humanité aspire plutôt au bonheur. Pensons à l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes. Le Conseil d'Etat a décidé la semaine dernière - et cela malgré une pétition signée par plus de 40 000 citoyens et citoyennes et malgré une manifestation à Berne - de relever l'âge de la retraite des femmes, alors qu'elles ont toujours et encore des salaires d'environ 30% inférieurs à ceux des hommes et qu'elles se retrouvent largement seules pour assumer la double charge des activités familiales, ménagères et du travail non rémunéré dans notre société.
Au niveau genevois, nous pensons que plus personne ne conteste aujourd'hui qu'il y a des domaines de la vie sociale et professionnelle dans lesquels les femmes rencontrent des difficultés considérables. Celles-ci sont d'autant plus grandes que la conjoncture économique est défavorable. Les motionnaires désirent une photo complète et fiable de la situation genevoise en matière d'égalité. Il s'agit de dresser un bilan de la vie sociale, via une «problématisation» des chiffres. Plusieurs études sur la situation des femmes par domaine spécifique ont déjà été élaborées par le bureau de l'égalité, mais nous aimerions qu'un état des lieux général sur la situation soit dressé, et cela sous la responsabilité du Conseil d'Etat. Une délégation du Conseil d'Etat étudie cette question depuis 1987, et il nous semble extrêmement important que le Conseil d'Etat fasse un rapport au Grand Conseil sur une tâche qu'il a acceptée en la déléguant.
En deuxième lieu, le Conseil d'Etat devrait proposer un plan d'action en suggérant des moyens pour pallier à un éventuel déficit, car nous sommes certaines qu'il y en a encore. Nous pensons notamment à une politique d'information et de sensibilisation de la population, afin de créer un climat favorable à l'égalité. L'Etat doit également montrer l'exemple en la matière en réfléchissant aux mesures qu'il peut prendre dans les domaines qui sont de sa compétence. Je pense, par exemple, à l'instruction publique, qui peut grandement influencer le changement des mentalités. Je me réjouis, par ailleurs, de lire le rapport concernant la motion sur les moyens pédagogiques non sexistes. Il serait également intéressant de réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour tenir compte du travail effectué à la maison, lors d'engagement de personnel administratif. Ce ne sont que des exemples et nous sommes persuadés que vous pouvez nous proposer d'autres mesures.
Pour toutes ces raisons, nous vous prions de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Mme Michèle Wavre (R). Il n'est pas nécessaire d'être une ardente féministe - je n'en suis pas une - pour s'inquiéter des progrès de l'égalité entre les hommes et les femmes, telle qu'elle est consacrée dans notre constitution genevoise.
Si des progrès notables ont été réalisés, comme l'a dit tout à l'heure Mme Roth-Bernasconi, dans la législation, si pour les fonctionnaires le principe : «à travail égal, salaire égal» est acquis depuis longtemps - nous avons un bureau de l'égalité efficace et dynamique - et si dans de nombreux domaines les choses bougent dans le bon sens, il semble bien que dans d'autres secteurs d'activités tout soit loin d'être satisfaisant. La situation paraît évoluer de façon inégale, lente et incertaine. Nous manquons d'éléments pour avoir une vision nette et précise de l'état actuel de la question, et, comme ces informations sont rares et lacunaires, le flou qui domine laisse largement place à la rumeur et à l'exagération. Ces dernières sont préjudiciables à la cause de l'égalité.
C'est pourquoi nous soutenons cette motion et demandons au Conseil d'Etat un rapport précis et complet sur la situation qui prévaut actuellement, ainsi qu'un catalogue des mesures qu'il compte prendre, pour faire du principe de l'égalité une réalité et non un article décoratif de la constitution ! Nous voudrions savoir ce qui reste à faire et pourquoi cela n'a pas encore été fait, de façon que le Grand Conseil, dûment renseigné, puisse prendre à son tour les mesures législatives qui s'imposent.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je remercie les quatre couples qui en toute égalité ont proposé cette motion !
Mme Roth-Bernasconi l'a rappelé, le peuple genevois, en 1987, se prononçait en faveur de l'inscription dans la constitution genevoise du principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes. Ce nouvel article donne pour mission au Conseil d'Etat, notamment, de promouvoir et d'encourager par des mesures concrètes l'égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines de la vie. Une des premières mesures que le gouvernement a d'ailleurs prise dans ce domaine fut la création du bureau de l'égalité en février 1987, qui s'est vu, par délégation du Conseil d'Etat, confier la mission de veiller à l'élimination des discriminations contenues dans la législation genevoise, d'effectuer des études et des enquêtes, de constituer une documentation, d'établir des données relatives à la condition féminine et aux questions qui concernent l'égalité entre les hommes et les femmes et d'informer la population sur l'ensemble des questions concernant l'égalité des droits entre hommes et femmes.
La situation en matière d'égalité des droits entre hommes et femmes a été documentée, notamment par des publications du bureau de l'égalité, sur des points précis : formations scolaire et professionnelle, situation professionnelle, paupérisation, violences conjugales et harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Mais il est vrai que, par absence de photographie de la situation, il y a effectivement un manque qu'il faudrait combler. Mme Roth-Bernasconi a mentionné un document de 1984; c'est un rapport du Conseil d'Etat sur une motion concernant l'application de l'égalité des droits entre hommes et femmes. Il serait intéressant de réactualiser et de dresser le bilan des améliorations apportées à ce jour à notre législation cantonale. Elle a également évoqué, en ce qui concerne la réalité chiffrée, un document publié par l'office cantonal de la statistique «Les femmes à Genève : portrait statistique». Ces statistiques sont dépassées, puisqu'elles proviennent principalement du recensement fédéral de 1980.
Il nous semble, par conséquent, intéressant et utile de rendre compte de la situation dans ce domaine. Le bureau de l'égalité est en mesure de rassembler toutes les informations nécessaires, de dresser un état général de la situation en matière d'égalité et de formuler un certain nombre de recommandations. Je dois cependant mentionner que le bureau de l'égalité sera, comme tous les services de mon département, durement touché par les restrictions budgétaires. Il lui appartiendra donc de recentrer son activité, entre autres, sur la réponse à cette motion, de sorte que le rapport attendu ne doit pas l'être dans un délai trop bref.
Sous les réserves qui précèdent, le Conseil d'Etat accueille favorablement et volontiers cette motion.
Mme Claire Chalut (AdG). En lisant cette motion, je pense que le DMF a plus de chance que le principe de l'égalité entre hommes et femmes inscrit dans notre constitution. En effet, lorsque le DMF exige quelque chose, il l'obtient dans les meilleurs délais. Un exemple tout à fait au hasard : le F-A/18 !
Pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, on aurait pu penser, puisque cette égalité est inscrite dans la loi fédérale aussi bien que dans la loi cantonale, que nous aurions les outils d'analyse nécessaires sans avoir besoin de les réclamer, ce qui aurait permis d'aboutir à des faits concrets. Si je dis que le DMF a plus de chance que le principe de l'égalité, c'est pour vous rappeler que malgré les actions, tant au plan fédéral que cantonal, ce dernier n'est toujours pas appliqué.
Mieux, ne vient-on pas de voter au plan fédéral la retraite à 64 ans pour les femmes ? Merci du cadeau ! Au cours de ce vote, aussi bien au Conseil national qu'au Conseil des Etats, les députés, à l'exception honorable de quelques-uns, ne se sont pas montrés très progressistes en la matière; au contraire, leur décision a soulevé l'indignation populaire. Savez-vous que dès 40 ans une femme - c'est valable également pour les hommes - est déjà trop vieille pour trouver un emploi. Alors, que penser de la retraite à 64 ans ! Ce que l'on constate au plan fédéral vaut aussi pour le plan cantonal. Les inégalités face à l'emploi et les salaires sont encore bien trop nombreuses, comme nous le rappelle cette motion. Pour nous, la récession d'aujourd'hui ne saurait être un prétexte pour remettre indéfiniment au lendemain l'application de cet article 2 A de notre constitution. Cette manière de faire reviendrait à dire que l'on se permettrait de violer impunément les lois votées par le peuple. Il est maintenant urgent d'y mettre fin !
Ce sont les raisons pour lesquelles je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
Egalité de droits hommes-femmes; plan d'action
- Vu une récente publication de l'Office fédéral de la statistique signalant que l'égalité entre hommes et femmes était loin d'être réalisée en Suisse, notamment sur le plan des rémunérations,
- vu le vote, par le Grand Conseil, le 18 septembre 1987, puis par le peuple, d'un nouvel article constitutionnel 2A, sur l'égalité de droits au plan cantonal,
- vu la nécessité de rendre compte de la situation à Genève sur le plan de l'égalité de droits et de son évolution,
LE GRAND CONSEIL,
désireux de veiller à une bonne application de l'article 2A,
invite le Conseil d'Etat à lui présenter un rapport sur :
1. L'état de la situation en matière d'égalité de droits entre hommes et femmes dans le canton de Genève;
2. Les mesures qu'il envisage de prendre ou de soutenir pour remédier aux déficits constatés;
3. Un plan d'action à plus long terme.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- les voix de plus en plus nombreuses qui s'expriment en faveur d'une venue en Suisse de l'écrivain Salman Rushdie;
- le refus du rectorat de l'université d'accueillir l'écrivain et de lui décerner un titre honoris causa lors du Dies academicus;
- la pétition signée par de nombreux professeurs demandant que l'écrivain honore l'université de sa présence le plus rapidement possible;
- que la venue à Genève de Salman Rushdie s'inscrit parfaitement dans l'esprit des manifestations prévues pour fêter cette année le tricentenaire de la naissance de Voltaire;
- que l'écrivain a été invité à diverses reprises dans des pays qui nous sont proches (à Paris, à Strasbourg, à Vienne tout récemment, etc.) et que sa venue s'est déroulée sans incident;
- que les récentes déclarations du Conseil fédéral laissent percevoir une attitude plus favorable à la venue en Suisse de Salman Rushdie,
invite le Conseil d'Etat
à étudier en collaboration avec l'université les possibilités et les conditions permettant d'inviter Salman Rushdie à Genève, cette année encore;
à inviter les autorités fédérales à apporter leur soutien et leur concours à ce projet.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Une première tentative de faire venir Salman Rushdie à Genève échoue en mai 1993. Lauréat du prix Colette, l'écrivain ne peut venir recevoir son prix au Salon du livre, les autorités cantonales et fédérales ayant refusé de prendre en charge les frais indispensables à sa sécurité.
Les premières réactions de déception passées, on assiste à une mobilisation de plus en plus importante d'intellectuels et de défenseurs des droits de l'homme en faveur de la venue en Suisse de l'écrivain.
La Société suisse des écrivains suggère alors à l'université de lui décerner un titre honoris causa lors de son Dies academicus. La réponse est négative: l'université ne s'engage pas dans la défense de cas particuliers et les problèmes de sécurité sont insurmontables. S'il est évident que la venue de Salman Rushdie à Genève exige des conditions d'accueil particulières à étudier avec le plus grand soin, ce point est-il vraiment du ressort de l'université? Et les problèmes de sécurité sont-il réellement insurmontables dans la ville des conférences internationales où les grands de ce monde ont toujours obtenu la protection nécessaire? Ces questions méritent d'être posées.
Or, la défense du cas particulier de Salman Rushdie a valeur de symbole aujourd'hui où, en Algérie notamment, on assiste à la persécution et à l'assassinat d'intellectuels par des intégristes islamiques.
Accueillir maintenant Salman Rushdie à Genève, c'est marquer une opposition claire à ces condamnations à mort pour délit de pensée. C'est «faire un signe» comme l'écrivait récemmment un journaliste genevois dans une ville s'apprêtant à célébrer le tricentenaire de la naissance de Voltaire, ardent défenseur de la liberté d'expression. Et c'est aussi démontrer notre fermeté face aux menaces des autorités religieuses iraniennes à l'égard des pays occidentaux.
Par ailleurs, si le Conseil fédéral a rejeté une motion de notre ex-collègue Charles Poncet, demandant de recevoir officiellement Salman Rushdie en Suisse ou même de l'accueillir s'il voulait s'y établir, il a tout de même ajouté que si l'écrivain venait un jour en Suisse, les autorités pourraient décider de s'entretenir avec lui.
Voilà les motifs qui nous ont incités à déposer cette résolution. Nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur l'oeuvre de Salman Rushdie, force est de constater qu'il représente aujourd'hui le symbole de la résistance à la condamnation pour délit d'opinion, condamnation la plus grave, condamnation ultime en l'occurrence.
En condamnant à mort l'écrivain britannique, les dirigeants iraniens condamnent implicitement tous ceux qui pensent et écrivent librement, tous ceux qui estiment que la valeur d'une démocratie réside dans le droit de chacun à s'exprimer, même lorsque ses propos déplaisent. L'inertie et l'absence de réaction à cette condamnation ne peuvent qu'encourager d'autres fanatiques à poursuivre l'escalade de l'intolérance.
Aujourd'hui, au Bangladesh, Taslima Nasrin, la féministe, est accusée de blasphème contre le Coran et une récompense est offerte en échange de sa mort. Aujourd'hui, en Algérie, on persécute, on assassine des intellectuels, des journalistes. D'autres pays que le nôtre ont compris qu'il fallait réagir. Salman Rushdie est déjà venu trois fois en France, notamment à Strasbourg, l'année dernière, invité au Carrefour des littératures européennes. Tout récemment, il était à Vienne pour recevoir un prix d'Etat de littérature européenne. Il a également été invité dans certains pays scandinaves.
Nous ne minimisons ni les risques, ni l'importance des mesures à prendre pour pouvoir assurer les conditions d'accueil et de protection adéquates si l'écrivain se déplaçait dans notre canton. Mais sommes-nous réellement, nous Genevois ou Suisses, dans l'incapacité de faire ce qu'ont fait nos voisins ? Telle est la question que nous nous posons. Ou y aurait-il une absence de volonté de résister à ces nouveaux inquisiteurs que sont devenus les mollahs iraniens ?
Toujours est-il qu'à Genève nous avons déjà manqué deux occasions de prouver notre attachement à ces valeurs fondamentales que sont la liberté d'expression et le droit de penser autrement. La première fois, lorsque Salman Rushdie n'a pu venir à Genève recevoir son prix Colette au salon du livre de 1993 - je ne reviens pas en détail sur cet échec - je dirais simplement que les différentes parties concernées se sont renvoyé la balle, chacune refusant d'assurer les responsabilités et les charges inhérentes à cette invitation. La deuxième fois, lorsque l'université a refusé d'accorder un doctorat honoris causa à Salman Rushdie et de le lui remettre lors de son Dies academicus. Sur ce point, nous nous étonnons que le rectorat invoque des questions de sécurité, alors que ces dernières ne sont absolument pas de son ressort. Quant aux autres motifs invoqués par l'université, concernant la défense des cas particuliers, j'en laisse l'entière responsabilité à son ou à ses auteurs !
Fort heureusement pour l'image de notre alma mater, on n'en est pas resté là. Des professeurs en colère ont réagi et lancé une pétition pour que l'écrivain condamné honore l'université de sa présence le plus rapidement possible. Et alors, pourquoi ne pas profiter des manifestations organisées durant l'année pour célébrer le tricentenaire de la naissance de Voltaire ? Voltaire, l'auteur du traité sur la tolérance dont les premières lignes sont les suivantes, je cite :
«Nous osons croire à l'honneur du siècle où nous vivons, qu'il n'y a point dans toute l'Europe un seul homme éclairé qui ne regarde la tolérance comme un droit de justice, un devoir prescrit par l'humanité, la conscience, la religion, une loi nécessaire à la paix et à la prospérité des Etats.».
Nous n'avons pas à imposer quoi que ce soit à l'université, mais, au vu de la pétition dont j'ai parlé, nous souhaiterions que les autorités cantonales prennent contact avec les autorités universitaires et qu'elles étudient ensemble les possibilités et les conditions qui seraient nécessaires si l'université revenait sur sa décision. En effet - certains pétitionnaires le disent très clairement - une invitation à Salman Rushdie ne pourrait se concrétiser sans une adhésion des autorités politiques. D'où l'idée de ce projet de résolution, visant à coordonner les efforts des uns et des autres pour tenter d'aboutir - pourquoi pas - à un projet concret qui pourrait rencontrer l'adhésion des autorités fédérales dont le discours évolue favorablement en faveur de la venue de Salman Rushdie en Suisse.
Si nous arrivions à remplir les conditions nécessaires à la venue de l'écrivain à Genève, ne serait-ce pas là la meilleure occasion possible de prouver à cette Europe, dont nous aimerions tellement nous rapprocher, nous Genevois, notre esprit d'ouverture et de donner l'image d'un canton qui ose, à défaut d'un canton qui gagne, d'un pays qui ne transige pas lorsqu'il faut défendre des valeurs essentielles, en bref l'occasion de redorer notre blason ?
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je m'exprimerai seulement sur l'aspect sécurité de ce dossier. Mme Martine Brunschwig Graf s'exprimera sur l'aspect de l'opportunité de cette visite. La visite de M. Salman Rushdie, en 1993, a été remise pour trois raisons. Tout d'abord, les frais de sécurité à charge des organisateurs, les complications d'ordre diplomatique dénoncées par le Département fédéral des affaires étrangères et, enfin, la volonté de l'intéressé de jouer un rôle totalement public.
Les menaces adressées à M. Salman Rushdie sont toujours d'actualité; elles le resteront tant que la Fatwa lancée par les ayatollahs iraniens sera en vigueur. Cela étant, la police genevoise est prête à assumer la sécurité de M. Salman Rushdie, néanmoins, elle pose un certain nombre de problèmes délicats sur lesquels il convient que vous soyez orientés.
Tout d'abord, nous devons obtenir une garantie de la compagnie aérienne chargée du transfert. Nous devons ensuite organiser une réception officielle garantissant au maximum les conditions de sécurité. M. Salman Rushdie doit ensuite accepter un logement adéquat à la situation. Cette visite doit être strictement planifiée; en particulier les rencontres de presse doivent être organisées dans un cadre strict de sécurité. Et, enfin, les détails de l'organisation doivent rester confidentiels. En matière de sécurité et en conclusion, la police doit donc pouvoir décider en fonction des éléments que je viens de citer. Je mentionne pour mémoire le coût de l'opération, soit environ 25 000 F pour deux jours. Il a été fait allusion dans cette motion à l'affaire Clinton. Il va de soi que cette opération n'a aucune commune mesure avec le problème de la rencontre Clinton/Assad, mais je rappelle que pour la visite de ces deux présidents à Genève une énorme infrastructure de sécurité avait été organisée par les présidents eux-mêmes.
En conclusion, mon département est prêt à assumer ses responsabilités sous les conditions déjà énumérées. Quant à l'opportunité, la nécessité et le sens de cette visite, je laisse le soin à Mme Martine Brunschwig Graf de s'exprimer.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Celles et ceux qui auront pris connaissance de la position de l'université dans la presse auront eu l'occasion de prendre connaissance de la mienne, suite au refus de l'université d'entrer en matière non pas sur la qualité de docteur honoris causa, mais sur l'accueil lui-même. Effectivement, plusieurs possibilités peuvent être envisagées et, compte tenu, des éléments de sécurité et du sens que l'université pourrait donner à une telle démarche, il est opportun de les examiner toutes.
C'est le rôle de l'université d'être capable - c'est sa vocation - d'animer en son sein un débat et une réflexion sur le sens d'une démarche relative au problème de la tolérance ou à d'autres problèmes comme la théologie. Au sein de l'université, sitôt la décision connue, il y a eu de fortes réactions qui ont donné naissance à une pétition. Je me suis adressée à l'université pour savoir quelle suite elle pensait donner à cette pétition. Dans un premier temps, elle pensait que le colloque organisé sur la tolérance donnait lieu de réponse à cette pétition. Je vous dis très clairement que tel n'est pas mon avis. Il me semble que ce colloque aurait eu lieu de toute façon et qu'il a un lien très lointain avec la démarche symbolique qui était demandée.
Il est donc opportun et souhaitable que le Grand Conseil auditionne les autorités universitaires à la commission de l'université, qu'il fasse part de ses propres réflexions et de sa propre volonté pour arriver à des propositions qui tiennent à la fois compte de l'aspect symbolique important que l'on souhaite donner et des contingences de sécurité qu'il ne faut pas négliger. Des solutions peuvent, me semble-t-il, être envisagées.
M. Armand Lombard (L). Au vu de ce qui vient d'être exprimé par les deux conseillers d'Etat, je pense qu'il est nécessaire de renvoyer cette proposition de résolution en commission. Mais, j'ai tout d'un coup un doute, car je ne sais plus si une résolution peut être renvoyée en commission. Si c'est le cas, je pense que ce serait une bonne chose, car le projet me paraît intéressant. Je pense, du reste, que c'était l'idée de Mme Torracinta-Pache de le renvoyer en commission, et je souscris à cette proposition.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je voulais simplement remercier Mme Brunschwig Graf et M. Ramseyer pour l'accueil qu'ils ont réservé à cette proposition de résolution et, bien entendu, je me rallie au renvoi à la commission de l'université.
Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'université est adoptée.
EXPOSÉ DES MOTIFS
De très nombreuses personnes ont été et sont encore victimes d'exécutions extrajudiciaires imputables aux forces armées ou à des groupes paramilitaires agissant avec leur soutien ou leur assentiment. Avant d'être tuées, bon nombre d'entre elles ont été torturées. Les violations commises ont principalement affecté des paysans vivant dans les zones de conflit, mais également des étudiants, enseignants, syndicalistes, membres d'associations politiques légales de gauche et des défenseurs des droits de l'homme.
Des personnes considérées comme «socialement indésirables» sont continuellement assassinées dans les régions urbaines. Les disparitions de personnes sont régulièrement signalées.
Les responsables de la plupart des atteintes aux droits fondamentaux n'ont pas été traduits en justice, bien que dans quelques cas exceptionnels des progrès aient été enregistrés au niveau des enquêtes par des juges civils. La plupart du temps les dossiers sont transmis aux tribunaux militaires; il n'existe pas d'information sur le devenir de ceux-ci...
La politique d'information du gouvernement colombien tend à faire croire que la violence politique de ce pays est l'oeuvre des seuls mouvements de guérilla et des narco-traficants. Les implications des forces de sécurité ainsi que le peu d'empressement du gouvernement à prendre des mesures concrètes pour améliorer la situation sont, quant à eux, régulièrement passés sous silence.
Amnesty International a lancé il y a quelques semaines une campagne mondiale visant à améliorer la situation déplorable des droits de l'homme qui prévaut en Colombie. Un soutien politique à cette action est nécessaire pour en renforcer l'impact auprès des autorités colombiennes nouvellement élues (mars 1994).
Tels sont, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à vous demander de soutenir cette résolution.
Débat
M. Dominique Hausser (S). En Colombie, l'armée assassine en toute impunité; ce n'est d'ailleurs pas le seul pays ! Plus de vingt mille personnes sont mortes depuis 1986, victimes de la terreur politique. Si beaucoup ont été tuées lors d'affrontements entre forces régulières et combattants de la guérilla, d'autres, plus nombreuses encore, ont trouvé la mort parce qu'elles avaient le seul tort de vivre dans des zones en proie à des conflits. Le gouvernement colombien attribue l'essentiel des violences politiques au cartel de la drogue et aux forces insurgées, mais, s'il est exact que les narcotrafiquants sont - comme les mouvements de guérilla - responsables de graves exactions, il s'est toutefois avéré que la plupart des meurtres sont l'oeuvre des forces de sécurité et de leurs auxiliaires paramilitaires.
Les gouvernements qui se sont succédé à la tête de la Colombie ont tous promis de faire respecter les droits de l'homme. Aucun n'a tenu parole ! Tant que les autorités n'auront pas la volonté politique de traduire dans les faits leurs promesses, les violations des droits de l'homme continueront. Amnesty International mène depuis quelques mois une campagne mondiale visant à mobiliser l'opinion publique et à inciter les dirigeants colombiens à mettre en oeuvre toute une série de mesures visant à améliorer la situation en matière de droits de l'homme. Je tiens à préciser ici que des recommandations ont également été formulées aux groupes d'opposition armés. Il est de notre devoir de parlementaires d'une république démocratique de nous associer à l'action d'Amnesty International, bien entendu, dans la mesure de nos possibilités.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant le respect des droits de l'homme en Colombie
Considérant:
-- le manque de volonté du gouvernement colombien jusqu'à ce jour de faire en sorte que les forces armées et les organismes de sécurité agissent conformément à la loi,
- que les membres de l'armée et de la police ne sont que rarement traduits en justice, malgré les preuves de leur responsabilité dans de nombreuses violations des droits de l'homme,
- que les groupes paramilitaires ont des pratiques généralement en contravention directe avec les principes du droit humanitaire international,
LE GRAND CONSEIL
invite le Conseil fédéral à intervenir auprès du gouvernement colombien afin que celui-ci prenne les mesures visant au respect des droits de l'homme telles qu'elles sont recommandées par Amnesty International (Recomendaciones al gobierno colombiano, AMR 23/17/94s).
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Monsieur Ramseyer, vous n'ignorez sans doute pas qu'actuellement la commission des pétitions traite deux pétitions ayant pour objet l'église de scientologie. Tous mes collègues députés auront pu apprécier le flot de littérature qu'ils reçoivent en ce moment de ce mouvement. Ce que nous savons aujourd'hui sur eux doit nous inciter à une grande prudence. Dès lors, quelle n'a pas été ma surprise de découvrir dans un poste de police une publicité pour un centre Narconon qui utilise les techniques de Run Hubbard, fondateur de la scientologie.
Narconon, selon ces petits papillons, prétend sortir définitivement les toxicomanes de la drogue en utilisant une méthode sans médicament, mais avec vitamines, sauna et sport. Si sur le plan purement social l'intention est louable, je ne peux imaginer le sérieux de l'entreprise, lorsque l'on apprend que le toxicomane voit ses relations avec l'extérieur rompues, qu'il subit une cure de purification comprenant des séances de sauna de plus de quatre heures par jour pendant près de trois semaines au moins, l'absorption de calcium/magnésium à forte dose, de même que la prise massive de vitamines, notamment la niacyne qui provoque un violent urticaire et transforme un patient en soleil incandescent ! De plus, il ingurgite chaque jour un bon verre d'huile.
Ce bref tableau pour démontrer que ces centres sont tout au plus l'occasion de recruter de futurs scientologues en les faisant passer d'une dépendance à une autre. J'en veux pour preuve la conclusion de leur brochure : «Une réponse pour sortir du problème des drogues : une fois que vous aurez terminé le programme de purification, ne vous arrêtez pas en si bon chemin; inscrivez-vous immédiatement à la procédure sur les drogues : la scientologie.».
Face à un problème aussi grave que celui de la toxicomanie, je ne comprends pas pourquoi la population genevoise est informée sur l'existence de ces centres uniquement par l'intermédiaire des postes de police ! A Genève, nous avons des infrastructures subventionnées qui ont fait leurs preuves et qui méritent d'être connues. Je pense, par exemple, à l'Association pour la création de dispositifs thérapeutiques en faveur des toxicomanes, devenue depuis quelques années «ARGOS» et qui gère deux institutions le TOULOURENC et le CRMT. Ses valeurs sont la solidarité, la prévention, les soins, la recherche du bien-être sanitaire et social, le respect de la dignité humaine et une vision globale de la personne. Ces actions sont menées par des professionnels compétents et soutenues par des personnalités politiques, l'OFAS et différentes communes.
A l'avenir ne pourrait-on pas trouver dans chaque poste de police des brochures des différentes institutions genevoises publiques ou privées en lieu et place de ces petits papillons ?
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il est exact qu'une publicité faite par Narconon a été déposée au poste de police d'Onex. A notre connaissance, il s'agit du seul et unique poste dans ce cas. Ces dépliants ont été déposés sur le présentoir de l'avant-poste à l'insu du personnel de service. Le présentoir n'étant pas à la vue directe des gendarmes, ces derniers n'ont pas réagi. En outre, cette publicité antidrogue n'a pas offusqué non plus les patrouilles entrant et sortant.
Cela étant, je déplore comme vous cet incident. Les remarques qui en découlaient ont été faites à la hiérarchie, et je souhaite que les postes de police soient plus prudents sur la publicité qu'ils affichent dans leur poste à l'avenir, étant entendu que, de toute façon, il ne peut s'agir que de publications officielles, à l'exclusion de publications émanant d'organismes tels les sectes ou émanant des milieux commerciaux. Je remercie Mme Gossauer-Zurcher de son intervention. Encore une fois, la remarque a été communiquée comme il se devait à la hiérarchie.
Cette interpellation est close.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. M. Lescaze s'est exprimé hier sur les déclarations de M. Bernard Bosson, ministre français des transports. Il a demandé quelle serait la position helvétique à l'égard de ces déclarations et il a souhaité que le Grand Conseil en soit informé.
Je vous apporte donc de manière linéaire les éléments suivants :
Le Conseil d'Etat, le 13 juin 1994 - c'est donc tout récent - a publié un communiqué de presse.
Le premier chapitre traite du contenu du dossier que nous possédons. Dans ce dossier, il y a tout d'abord - je le rappelle - le vote du peuple suisse sur Alpes/transit, vote plébiscité par les Genevois. Dans le texte soumis à votation figurait la liaison de Genève-Mâcon par TGV.
Dans ce dossier figurent également trois décisions de la commission ferroviaire romande de 1988, 1990 et 1994. Ces trois décisions vont dans le même sens, à savoir que les liaisons à grande vitesse passent par Genève et Bâle et, de Genève, vont à Mâcon. Les autres lignes traditionnelles, celle de Vallorbe en particulier, ne doivent pas être oubliées pour autant.
Troisième et dernier élément figurant au dossier que nous possédons : ce sont deux schémas directeurs, celui de la SNCF et celui des CFF, qui tiennent compte d'une liaison Genève-Mâcon.
Le second chapitre de ce communiqué de presse disait clairement que l'objectif pour Genève est de se relier au réseau TGV européen et français. Les discussions sur le ou les tracés ne peuvent être que secondaires par rapport à cette volonté clairement réaffirmée : Genève doit se relier au réseau TGV européen et français.
Le troisième chapitre indique que le dossier du tracé par Mâcon (dorénavant l'appellation officielle de ce tracé est : TGV/Léman/Mont-Blanc) est très avancé et faisable techniquement. Ce dossier montre surtout une rentabilité concrète du projet. Nous avons donc souhaité que ce dossier soit affiné pour réaliser cette liaison.
Le quatrième chapitre traite, lui, du sillon alpin. Genève n'entend pas ignorer les intentions françaises moult fois annoncées par le ministre, M. Bosson. Mais il se trouve que le dossier du sillon alpin n'est en rien comparable au niveau du stade d'avancement des études. On ignore en particulier les notions de coût et de rentabilité. Nous avons dit en toute objectivité que nous souhaitions obtenir de la part de la France un rapport comparable à celui de la liaison par Mâcon, pour pouvoir en discuter.
Enfin, nous avons dit que si la Suisse - je veux rappeler que les négociations internationales sont le fait du pays et non pas du canton - et la France ne parvenaient véritablement pas à se mettre d'accord, il faudrait au moins que la fameuse ligne dite «des Carpates», un tronçon entre Nurieux et Bellegarde, soit modernisée et aménagée.
Vous ayant rappelé ce que le Conseil d'Etat a communiqué à la presse le 13 juin dernier, je vous précise les éléments suivants :
Il se trouve que les études concordent pour dire que 80% de la clientèle de Genève et de la région franco-genevoise vont en direction de Paris et non pas en direction de Chambéry. C'est la raison pour laquelle il nous paraît, sur un plan ferroviaire, nécessaire de poser une liaison là où se trouve la clientèle; c'est élémentaire ! A fortiori, s'il fallait faire un détour de 150 km pour aller à Paris, ce serait inutile ! Cette liaison par Mâcon met Lyon à la même «durée de déplacement» qu'en passant par le sud, ce qui montre clairement qu'en passant par Mâcon, on ne porte, en tout cas, pas préjudice à la ville de Lyon. Nous désirons étudier avec les Français un autre élément, je veux parler de l'aspect urbanistique, le développement promis de la région Rhône-Alpes, auquel nous sommes très intéressés.
Monsieur le député, je vous communiquerai simplement la conclusion suivante :
Personnellement - je l'ai dit, vous avez peut-être pu le lire - je me refuse à évoquer un sujet aussi important par journaux interposés. Le moment est venu de rencontrer M. Bosson, de lui faire part des positions genevoises qui ne sont que le reflet de la volonté politique du peuple suisse et genevois, de voir avec lui en quoi nos positions seraient contradictoires et d'examiner avec objectivité et avec une totale honnêteté intellectuelle les autres propositions faites par M. Bosson.
Une chose est certaine, Monsieur le député, si des investisseurs suisses se sont signalés pour investir très lourdement sur ce tronçon, ces mêmes investisseurs n'ont pas le même enthousiasme pour l'autre tracé, celui du sillon alpin. C'est évidemment un élément primordial, parce que, que la France le veuille ou non, que la Suisse le veuille ou non, nous ne ferons rien tout seuls en l'état des finances que nous connaissons. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons ce contact. J'ai rencontré furtivement, l'espace d'un petit quart d'heure, M. Bosson mercredi dernier. Il m'a invité à le rencontrer à Annecy à la fin du mois. D'autre part, j'ai, pour le compte du gouvernement, accepté un rendez-vous avec M. Ogi ce lundi. J'espère qu'au cours de ces deux contacts nous pourrons faire valoir la position genevoise. Mais, une fois encore, il me paraît vain de tant discuter des tracés.
Ce qui doit être clair pour tout le monde, Confédération et France, c'est la volonté de Genève de ne pas manquer une nouvelle fois son rattachement au réseau européen à grande vitesse.
Cette interpellation urgente est close.
Considérant:
- la décision inacceptablee des Chambres fédérales d'élever l'âge de la retraite des femmes à 64 ans;
- que la procédure d'élimination des divergences reste ouverte,
LE GRAND CONSEIL
invite les Chambres fédérales
1) à revenir sur cette décision;
2) subsidiairement, à scinder la dixième révision en deux, le premier paquet concernant l'ensemble des lois non contestées, le deuxième la question de l'âge de la retraite.
Débat
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Le thème de l'AVS devient un thème de débat public; c'est une bonne chose à un moment où certains, pour faire des économies, parlent de «moratoire social» et où, sous couvert de l'égalité des responsabilités, on veut augmenter l'âge de la retraite des femmes à 64 ans.
La majorité des femmes de ce Grand Conseil est opposée à l'élévation de l'âge de la retraite des femmes à 64 ans. Vous l'avez remarqué, vingt-deux femmes ont signé cette proposition de résolution, c'est-à-dire toutes les femmes de gauche, à l'exception des femmes qui nous font face ! Bien que j'aie demandé à chacune d'entre elles de cosigner cette proposition de résolution, croyez-le, je le regrette beaucoup !
L'élévation de l'âge de la retraite des femmes, de deux ans, procurera à l'AVS une somme de 800 millions de francs. Or, la dixième révision de l'AVS n'apporte pas en francs et en centimes des avantages aux femmes pour un montant correspondant. Les femmes payent, mais cela ne s'impose pas. Toutes les améliorations prévues au titre de la dixième révision de l'AVS, par exemple le barème amélioré, le «spleeting», les rentes pour les plus modestes ne représentent que 3% du budget global de l'AVS et sont donc parfaitement supportables par le budget actuel. De toute façon, la contribution des femmes ne réglera pas le problème du financement de l'AVS.
D'autre part, l'argumentation ne tient pas compte des ressources et des nouveaux financements possibles. 1% supplémentaire de TVA a déjà été voté et il pourra être utilisé, si nécessaire. L'argumentation ne tient pas compte, non plus, de la solution d'une retraite à la carte. Des propositions ont été faites aux Chambres fédérales par le groupe socialiste qui propose de situer l'âge de la retraite entre 62 et 67 ans. Entre ces deux âges, il y a des solutions possibles de rente totale, de rente partielle ou de continuation de travail. Nous pouvons trouver des solutions au problème de l'âge avec la 11ème révision de l'AVS.
Comme l'argument de la situation financière ne s'impose pas, on avance l'argument de l'égalité. C'est quand même un monde d'avancer un tel argument pour augmenter l'âge de la retraite des femmes, alors que l'on sait pertinemment que les femmes gagnent en moyenne 30% de moins que les hommes, qu'elles sont davantage atteintes par la chômage et que, d'une façon générale, les inégalités existent de fait et sont nombreuses dans notre société ! La proposition d'augmenter l'âge de la retraite des femmes à 64 ans devrait, pour le moins, être indexée à la suppression de toutes les inégalités qui touchent les femmes.
Enfin, dernier argument : à un moment où nous connaissons un chômage de longue durée, de type structurel qui ne doit rien à la crise, mais qui perdure, à un moment où on parle de réduction du temps de travail, d'augmenter les congés de formation, on nous propose d'augmenter l'âge de la retraite des femmes, c'est-à-dire de bloquer trente mille postes de travail et de laisser des jeunes aux portes du marché de l'emploi ! C'est pour le moins une mesure inadéquate.
Mesdames et Messieurs, la proposition de résolution que vous avez sous les yeux vous demande d'intervenir auprès des autorités fédérales pour qu'elles reviennent sur leur décision de porter l'âge de la retraite des femmes à 64 ans. C'est encore possible, puisque la procédure d'élimination des divergences est encore ouverte.
Nous demandons encore aux autorités fédérales de bien vouloir couper en deux le paquet de la dixième révision. Un premier paquet comprendrait les mesures non contestées, c'est-à-dire l'augmentation des rentes pour les plus modestes, les avantages pour les femmes divorcées, qui sont d'ores et déjà entrés en vigueur depuis près de deux ans, et le «spleeting». La dernière question portant sur l'âge de la retraite serait séparée pour éviter qu'un éventuel référendum ne fasse «capoter» la totalité de la dixième révision de l'AVS.
Enfin, je sais qu'un amendement a été déposé par M. Dupraz, comprenant l'introduction d'une invite demandant l'examen approfondi de la proposition de flexibilité de l'âge de la retraite. Comme je l'ai dit, cette proposition a d'ores et déjà été faite au parlement et n'a jamais été examinée sérieusement. Elle devra faire partie du paquet de la onzième révision. Nous acceptons évidemment cet amendement...
Une voix. Il n'a pas encore été énoncé !
Mme Micheline Calmy-Rey. Excusez-moi, mais j'en ai déjà eu connaissance ! Cela m'évitera de me lever deux fois !
Nous acceptons donc d'ores et déjà cet amendement. Je vous remercie de bien vouloir accepter cette résolution.
M. John Dupraz (R). Je tiens à dire d'emblée que je m'exprime en mon nom personnel. (Grand éclat de rires de M. Fontanet, puis de la salle.) (M. Dupraz s'adresse alors à M. Fontanet.) J'ai le droit, oui ?
M. Bénédict Fontanet. Tout à fait, tout à fait !
M. John Dupraz. Ça te dérange ? Evidemment, tu as l'habitude de parler pour les autres !
Une voix. Vas-y, vas-y !
Le président. On peut avancer, Monsieur Dupraz ?
M. John Dupraz. Vous êtes pressé, Monsieur le président ?
Le président. Oui !
M. John Dupraz. Moi, j'ai tout mon temps, jusqu'à minuit s'il le faut ! (Brouhaha.)
Ces derniers temps, j'ai été déçu, voire choqué, par certaines décisions prises par les Chambres fédérales. Je rappellerai, par exemple, le non-contrôle des loyers. C'est une très mauvaise proposition !
Une voix. Quel parti l'a prise ?
M. John Dupraz. Ecoutez, mon cher, si on parlait de ce qui a été fait par votre parti, vous devriez vous taire, parce que ce n'est pas très glorieux ! (Rires.) Ces décisions sont choquantes et dressent une partie de la population contre une autre.
En ce qui concerne l'âge de la retraite, la décision des Chambres fédérales n'est pas très heureuse. On en voit le résultat aujourd'hui, puisque seules des femmes ont déposé cette résolution. C'est un peu dommage d'en arriver à de tels combats de tranchées dans notre pays et qu'on n'arrive plus à dégager, si ce ne sont des consensus, au moins des compromis sur des sujets aussi importants. Je soutiens donc cette proposition de résolution, avec l'amendement que j'ai déposé. Il ajoute une troisième invite, qui demande à mettre en place un système de retraite à la carte entre 62 et 67 ans lors de la prochaine révision de l'AVS.
Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Dupraz, qui consiste à ajouter un troisième paragraphe ainsi libellé :
«3) à mettre en place un système de retraite à la carte entre 62 et 67 ans pour les femmes et les hommes lors de la prochaine révision de l'AVS.»
M. Michel Halpérin (L). Le projet de loi... (Eclat de rires.) ...le projet de résolution que voici place un certain nombre d'entre nous dans un embarras croissant, car seules des femmes l'ont signé... (Oohh de toute l'assemblée.) ... et on peut se demander, par conséquent, si des hommes peuvent ou non prendre la parole sur ce sujet. A supposer qu'ils s'y autorisent - comme je me hasarde à le faire maintenant - nous voilà placés entre deux solidarités, celle des femmes qui nous font face et celle des femmes qui sont derrière nous. On ne sait plus très bien à quel saint se vouer ! (Hilarité générale, tohu-bohu, charivari. Les députés tapent sur leur bureau.)
M. John Dupraz. Une fois à gauche, une fois à droite...
Une voix. Le «saint» gauche ou le «saint» droit ?
M. Michel Halpérin. Je te donne le choix, mon cher !
Pour toutes sortes de raisons, qui ne sont pas forcément égalitaires - comme d'autres - je regrette personnellement qu'on ait ainsi porté atteinte à de vieilles règles de courtoisie qui donnaient la préséance aux femmes sur les hommes, dont les unes se manifestaient par une déférence courtoise dans les rencontres et d'autres par davantage d'égards quant aux conditions de la retraite. Cette considération m'embarrasse également parce que je ne sais pas très bien si c'est au nom du droit à l'égalité ou du droit au privilège que j'ai envie d'aller à la rencontre des proposantes.
Maintenant, je voterai la proposition d'amendement faite par M. Dupraz; une fois n'est pas coutume, mais les femmes m'inspirent !
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, la résolution ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant l'âge de la retraite des femmes
Considérant:
- la décision inacceptable des Chambres fédérales d'élever l'âge de la retraite des femmes à 64 ans;
- que la procédure d'élimination des divergences reste ouverte,
LE GRAND CONSEIL
invite les Chambres fédérales
1) à revenir sur cette décision;
2) subsidiairement, à scinder la dixième révision en deux, le premier paquet concernant l'ensemble des lois non contestées, le deuxième la question de l'âge de la retraite;
3) à mettre en place un système de retraite à la carte entre 62 et 67 ans pour les femmes et les hommes lors de la prochaine révision de l'AVS.
Le président. Je vous prie de noter la modification de l'ordre du jour des séances des 23 et 24 juin que j'ai fait retirer et distribuer sur des feuilles jaunes.
La séance est levée à 19 h 10.