République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7096
10. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le tourisme. ( )PL7096

EXPOSÉ DES MOTIFS

En date du 20 janvier 1993, le Conseil d'Etat a déposé au secrétariat du Grand Conseil un projet de loi sur le tourisme (PL 6941).

L'article 20, alinéa 2, de ce projet, traitant du taux de la taxe hôtelière, avait la teneur suivante:

«Montant

2 La taxe est constituée par une retenue, pouvant aller jusqu'à 1%, opérée par le débiteur sur toutes les factures de biens et services en rapport avec l'exploitation de l'établissement au moment de leur règlement.»

L'exposé des motifs précisait que le pourcentage prévu étant un maximum, il sera loisible au règlement d'application de fixer un taux inférieur ou encore de procéder à des distinctions selon le genre de biens ou de services fournis (PL 6941, p. 29).

La commission de l'économie chargée d'étudier ce projet de loi a, dans un souci de simplification de la perception, émis le souhait que le taux susmentionné soit fixe et a modifié comme suit cet alinéa:

«Montant

2 La taxe est constituée par une retenue, d'un taux fixe pouvant aller jusqu'à un maximum de 1%, opéré par le débiteur sur toutes les factures de biens et services en rapport avec l'exploitation de l'établissement au moment de leur règlement.» (Mémorial du Grand Conseil, 1993, p. 3513.)

Dans son commentaire par article, la commission a en outre précisé que ce principe du taux fixe pourrait être réexaminé après quelques années d'application.

Or, quelques mois seulement après l'entrée en vigueur de la loi, l'expérience montre déjà que cette notion de taux unique crée des distorsions difficilement acceptables, lorsqu'il s'agit de fournitures de produits du secteur alimentaire.

En effet, l'on constate que, dans le domaine alimentaire, le prélèvement d'un montant de 0,75% au titre de taxe hôtelière absorbe une importante part de la marge bénéficiaire, relativement faible dans ce secteur.

A titre d'exemple, on citera un calcul réalisé sur la marge bénéficiaire moyenne nette des bouchers, boulangers et pâtissiers. Cette étude a révélé une marge variant entre 3 et 6% du chiffre d'affaires. La taxe hôtelière représente donc respectivement entre 25% et 12,5% du bénéfice net.

Compte tenu de ces constatations, il s'avère nécessaire de donner plus de souplesse au Conseil d'Etat pour apprécier le montant de cette taxe. Il vous est par conséquent proposé de supprimer la notion de taux fixe et de réintroduire l'alinéa 2 de l'article 20 dans sa teneur initiale.

Au vu des explications qui précèdent, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter la modification rédactionnelle résultant du présent projet de loi.

Préconsultation

M. Nicolas Brunschwig (L). Il est apparu que la loi sur le tourisme nécessitait un certain nombre de modifications, entre autres celle-ci qui a sa base dans la loi que nous avions votée. Cela me paraît tout à fait légitime et justifié. C'est pourquoi je propose la discussion immédiate dans la mesure où cette modification me semble mineure et qu'elle ne devrait pas encombrer nos travaux en commission.

Mise aux voix, l'entrée en matière sur ce projet est adoptée.

M. Claude Blanc (PDC). Je pensais intervenir sur la discussion immédiate, mais puisque c'est fait, c'est du temps de gagné !

Je constate avec vous que la modification proposée est mineure, mais d'une grande importance pour pouvoir appliquer la loi votée récemment. En effet - l'exposé des motifs est assez clair à ce sujet - la commission du Grand Conseil, suivie en cela par le plénum, a divergé sur un point qui apparaissait mineur de la proposition du Conseil d'Etat. Ce dernier proposait une taxe pouvant aller jusqu'à 1% sur les factures de biens et services en rapport avec l'exploitation des établissements qui reçoivent des clients. La méfiance viscérale du parlement vis-à-vis du gouvernement a poussé le Grand Conseil à fixer le taux lui-même.

Comme le mieux est souvent l'ennemi du bien, nous nous sommes aperçus à l'usage de son inefficacité. En effet, un certain nombre de fournisseurs des établissements publics vendent des choses très différentes et il n'est pas possible de prélever le même taux. Les produits alimentaires sont vendus avec des marges très réduites, aussi le taux de 1% qui avait été fixé représentait déjà une part trop importante de la marge et devenait, par conséquent, insupportable pour les professionnels de la branche. Par contre, d'autres produits supportent, eux, des taux plus importants, compte tenu des marges qui sont beaucoup plus confortables. Si bien que la loi, telle qu'elle est entrée en vigueur, se heurte à une impossibilité d'application.

Il est donc urgent que nous y remédions. C'est pour cela que je vous propose de voter immédiatement cette modification.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Excusez-moi, Monsieur le président, je n'ai pas compris que nous avions voté sur la discussion immédiate !

Le président. Madame, la nouvelle procédure de notre règlement nous oblige à sortir du débat de préconsultation si vous voulez pouvoir parler nombreux par groupe, le temps que vous voulez. Il faut donc entrer en matière. Maintenant, vous pouvez vous exprimer autant que vous voulez ! Allez-y !

Mme Maria Roth-Bernasconi. Je demande simplement que nous votions pour savoir si nous sommes d'accord sur la discussion immédiate !

Le président. Nous avons déjà voté !

Mme Maria Roth-Bernasconi. Nous avons voté sur l'entrée en matière ! Je vous prie de m'excuser, je ne connais pas bien le français, mais je l'ai compris comme ça !

Le président. Très bien, Madame ! Par gain de paix, que celles et ceux qui souhaitent la discussion immédiate lèvent la main.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). La modification de la loi proposée ce soir répond-elle aux interrogations exprimées par des commerçants qui se sont regroupés en comités, ou qui ont signé une pétition ?

En effet, je trouve regrettable que cet objet ne soit pas renvoyé en commission, au moins pour respecter ceux qui se sont opposés à ces pratiques et à ces ponctions. Ils auraient pu dire s'ils étaient d'accord avec la modification du projet. En votant ce soir, les problèmes ne seront pas résolus, et les mécontents risquent de refaire une pétition.

Mme Claire Chalut (AdG). Pourquoi veut-on absolument aboutir à ce changement de loi et instaurer cette taxe de 1% ? Ne serait-il pas possible d'attendre l'application de la TVA pour connaître le résultat économique ? C'est tout ! Je ne vois pas la nécessité de changer ce taux maintenant. Après l'application de la TVA, peut-être y aura-t-il quelque chose à revoir !

M. Jean Spielmann (AdG). Lors de l'introduction de cette taxe - que je ne conteste pas sur le fond, au contraire - il y a eu une levée de boucliers et les problèmes importants n'ont pas été suffisamment examinés.

Je considère que le parlement commettrait une erreur en votant immédiatement la modification de ce taux. Il serait plus intelligent de consacrer une séance en commission pour étudier le problème dans son ensemble. On risquerait de se heurter à d'autres problèmes en l'appliquant à la hâte. Vous avez pu voir des documents à ce sujet. Je trouve que ce Grand Conseil serait bien inspiré d'examiner plus dans le détail l'application de différents taux et la mise en place de cette loi pour éviter de réviser ce projet encore une fois.

Je propose donc formellement le renvoi de ce projet en commission.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Suite aux dernières interventions, je tiens à dire qu'il y a, me semble-t-il, une erreur d'appréciation. Je voudrais vous en convaincre !

Lorsque votre Grand Conseil, sur proposition du Conseil d'Etat, a instauré dans la loi sur le tourisme le principe de la taxe hôtelière, il a fait oeuvre de nouveauté dans la capacité de trouver des ressources nouvelles directement liées aux bénéfices tirés du tourisme pour financer l'Office du tourisme. Cependant, votre Conseil, dans une volonté probable de simplification des modes de perception, n'a pas suivi la proposition du Conseil d'Etat.

Le Conseil d'Etat proposait que la taxe hôtelière soit fixée à concurrence d'un plafond maximum de 1% du prix des biens et services vendus, ce qui signifie que l'on peut moduler au-dessous de ce plafond en fonction de la nature des activités prises en considération. Or, le Grand Conseil a fixé un taux unique de 1%, ce qui ne permet pas de faire de distinction. Alors, en application de la loi, le département des finances a été chargé d'envoyer les bordereaux avec ce taux. Les distorsions que nous craignions sont alors apparues entre ceux qui fournissent des produits du secteur non-alimentaire, du secteur alimentaire et ceux qui fournissent des biens et services, car les marges de ces différents secteurs sont complètement différentes.

Dans le secteur alimentaire, les marges bénéficiaires sont de l'ordre de 3 à 6% du prix de vente ou du chiffre d'affaire, cela dépend du produit. Il est évident que le taux de 1% sur le chiffre d'affaires total vous mange entre 15, 20, parfois 25% suivant les cas, de la marge bénéficiaire. Les petits commerçants concernés, en particulier du secteur alimentaire, nous ont fait constater ces distorsions. Nous le savions mais nous devions appliquer la loi. Soit nous l'appliquions en attendant les réactions après avoir envoyé les bordereaux, Monsieur Spielmann, soit nous proposions de modifier la loi dans une procédure très rapide qui nous permette de retaxer les personnes concernées. C'est ce que nous vous proposons en raison de l'urgence.

En réponse à l'intervention de M. Lyon, je tiens à dire ceci : nous avons, dans le cadre de la procédure qui a été parfaitement planifiée et qui a permis d'enregistrer les observations aux taxations envoyées, réuni tous les groupes professionnels concernés par les réclamations envoyées. On n'a évidemment jamais vu l'instauration de nouvelles taxes sans provoquer de réactions, mais qu'il me soit permis de dire que les réclamations sont au demeurant relativement limitées, puisqu'elles représentent entre 10 et 15% du nombre total des bordereaux expédiés. Nous avons d'ores et déjà pris la décision, pour le courant de ce mois, d'adapter le taux, là où les informations du terrain étaient justifiées, selon les secteurs géographiques ou professionnels, pour que ces taxes soient correctement ciblées.

Sur un point, cependant, le gouvernement n'a pas la capacité d'adapter seul la procédure, il doit solliciter l'approbation de votre parlement : je veux parler de la taxe hôtelière. En effet, le taux qui la concerne se trouve dans la loi et pas dans le règlement. C'est pourquoi, Monsieur Spielmann, les bordereaux étant envoyés, si l'on veut éviter de poursuivre des procédures tendant à récupérer la totalité d'une taxation qui nous paraît injuste, s'agissant d'une catégorie de professionnels, nous devons modifier la loi en revenant à la première proposition du Conseil d'Etat, ce qui nous permettra d'expédier aux commerçants concernés des bordereaux ajustés en fonction de leur marge bénéficiaire qui, dans le domaine du commerce alimentaire, est effectivement particulièrement réduite.

C'est donc une simple mise à jour. Ce n'est que justice de procéder ainsi et nous souhaitons véritablement que cela se fasse toutes affaires cessantes. Cela n'a pas de sens de traîner sur cette affaire alors que tout le monde est d'accord sur le fond. Merci donc de voter ce projet de loi en discussion immédiate.

Mise aux voix, la proposition de renvoi en commission est rejetée.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOImodifiant la loi sur le tourisme(I 3 24)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur le tourisme, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit:

Art. 20, al. 2 (nouvelle teneur)

Montant

2 La taxe est constituée par une retenue, pouvant aller jusqu'à 1%, opérée par le débiteur sur toutes les factures des biens et services en rapport avec l'exploitation de l'établissement au moment de leur règlement.

 

La séance est levée à 19 h 10.