République et canton de Genève

Grand Conseil

M 923
12. Proposition de motion de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Liliane Maury Pasquier, Dominique Hausser et Philippe Schaller concernant les accueils familiaux. ( )M923

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le nombre important de familles ayant recours à des accueils familiaux;

- le risque, en période de chômage touchant particulièrement les femmes, de voir s'étendre des accueils d'enfants «au noir», sans critères d'évaluation, sans suivi et sans sécurité;

- les coûts relativement élevés, pour les familles modestes, de tels placements, les incitant à confier leurs enfants en évitant les structures officielles;

- la difficulté pour les services chargés de la surveillance de ces placements d'assurer un suivi régulier (manque de postes);

- l'importance que ce type de placement dispose d'un maximum de garanties pour le bien-être et le développement harmonieux des enfants placés,

invite le Conseil d'Etat

- à étudier, en collaboration avec les communes et les associations s'occupant de ce problème, la possibilité de créer une structure de type fondation de droit public pour les accueils familiaux;

- à maintenir le mandat de l'évaluation et de la surveillance aux services de la Protection de la jeunesse.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour des parents qui travaillent tous les deux, pour les pères ou mères seul(e)s au foyer ou encore pour ceux qui sont dans l'impossibilité de garder momentanément leurs enfants auprès d'eux, placer son ou ses enfants devient un problème difficile. Les crèches en certains endroits sont surchargées, les grands-parents ne sont pas toujours disponibles. Les structures offertes par la collectivité publique (parascolaire par exemple) ne correspondent pas systématiquement aux horaires de travail des parents. Dès lors le placement dans des familles d'accueil est une alternative très valable et présente un intérêt certain. L'enfant reste dans un contexte familial, il bénéficie d'un accueil personnalisé, le nombre d'enfants n'est pas trop important et permet donc une socialisation en douceur, les contacts entre familles d'accueil et familles placeuses sont fréquents, etc. Malheureusement ce tableau est rarement aussi idéal, et de nombreux problèmes surgissent:

1. Le coût du placement, environ 35 F par jour, s'avère trop élevé pour certaines familles modestes. Des aides peuvent il est vrai être obtenues, mais une fois de plus c'est une démarche qui place les gens dans une situation d'assistés, difficile à accepter pour certains.

2. Les services de Protection de la jeunesse (ci-après PDJ), mandatés pour l'évaluation et la surveillance de ces familles, ne parviennent plus malgré leurs efforts à suivre tous les dossiers, ni à être suffisamment présents lors des mises en contact entre les familles. Aujourd'hui, ce sont plus de 600 familles d'accueil qu'il faut accompagner, s'occupant d'environ 2000 enfants !

3. Les familles sont souvent livrées à elles-mêmes dans les problèmes qu'elles peuvent rencontrer. Si une famille placeuse ne paie pas les montants dus à la famille qui garde son enfant, c'est cette dernière qui doit se débrouiller seule pour tenter de se faire payer, voire même de mettre aux poursuites les parents de l'enfant qu'elle accueille. Difficile situation que d'entrer en conflit avec le père ou la mère d'un enfant avec lequel on a créé des liens d'affection.

4. L'ampleur prise par le chômage pousse des femmes à proposer leurs services pour de la garde d'enfants en-dessous des prix habituels, alors qu'elles n'ont pas été accréditées par la PDJ, et ne bénéficient donc d'aucun conseil ni suivi. Dans ces situations, les mesures élémentaires de sécurité ne sont pas toujours respectées, ni le nombre maximum d'enfants admis en général.

Cette énumération de difficultés montre bien l'importance de se pencher sans tarder su ce problème. L'accueil d'enfants dans des familles est une alternative qu'il ne faut pas négliger et qui présente beaucoup d'avantages si elle était encore développée:

- décharges de systèmes existants, crèches, parascolaire, restaurants scolaires, etc.;

- possibilités d'accueil avec horaire souple, y compris pendant les vacances;

- prise en charge des enfants même s'ils sont malades;

- accompagnement possible à des rendez-vous de médecins, à des traitements ou encore à des cours (musique, sport, etc.);

- possibilités d'adaptation immédiate en fonction d'un changement de situation;

- prise en charge des enfants dans une ambiance familiale, que tant d'enfants souffrent de ne pas connaître.

Cette motion propose donc de créer une structure de type fondation de droit public, chargée de gérer, avec les communes et avec des associations concernées, les accueils d'enfants dans des familles. (Pro Juventute a beaucoup travaillé sur cette problématique dans d'autres cantons). Il deviendrait alors possible, grâce à une telle structure, d'améliorer le recrutement de familles d'accueil, de leur fournir conseils et surtout formation, d'organiser des conférences et discussions entre familles, de les conseiller face à certains problèmes de type pédagogique ou psychologique et enfin de faciliter leurs contacts avec les divers services sociaux communaux ou cantonaux. Autre avantage qui nous paraît très important: diminuer au maximum les risques de placements «clandestins» ou d'enfants laissés livrés à eux-mêmes. Le financement de cette fondation pourrait être assuré par les paiements des parents, par des cotisations et dons, ainsi que par des subventions des pouvoirs publics. Le principe des «vases communicants» permettra d'éviter de nouvelles dépenses importantes. En effet, chaque enfant placé dans une famille est un enfant en moins dont les structures publiques ont la charge.

La PDJ devrait bien évidemment conserver le mandat d'évaluation des familles et la «surveillance» de celles-ci, comme l'exige d'ailleurs l'ordonnance fédérale réglant le placement d'enfants (extraits en annexe).

Il ne s'agit pas de créer par cette proposition une structure lourde, complexe et onéreuse. Au contraire, il s'agit, sous une instance générale, de décentraliser l'organisation des accueils familiaux en permettant ainsi aux problèmes spécifiquement locaux d'être pris en compte en fonction d'une réalité propre. La collaboration avec les institutions publiques ou privées locales est aussi à privilégier. Reste l'aspect financier. Le parascolaire est subventionné, les crèches aussi, les institutions spécialisées prenant en charge des enfants, de même. Les familles d'accueil ne le sont pas. Et pourtant elles devraient pouvoir être reconnues aussi comme un service à la communauté et devenir, au vu des intérêts cités plus haut, concurrentielles avec d'autres types de placements. Enfin, toutes ces structures offrent des prises en charge financièrement supportables pour tous, puisque proportionnelles aux revenus des parents, principe qui devrait désormais être pris en compte dans le cadre des accueils familiaux.

En conclusion l'offre de prise en charge des petits enfants à Genève devrait pouvoir être multiple, en permettant aux parents, quelles que soient leur conditions et leurs motivations, de trouver un accueil permettant à leur enfant de s'épanouir harmonieusement et dans un contexte de bien-être.

C'est pour cette raison que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette proposition de motion.

ANNEXE

Extraits de l'ordonnance fédérale réglant le placement d'enfants:

Art. 5, al. 1

1. L'autorisation (de placement) ne peut être délivrée que si les qualités personnelles, les aptitudes éducatives, l'état de santé des parents nourriciers et des autres personnes vivant dans leur ménage, et les conditions de logement offrent toute garantie que l'enfant placé bénéficiera des soins, d'une éducation et d'une formation adéquats et que le bien-être des autres enfants dans la famille sera sauvegardé.

Art. 10

1. L'autorité désigne une personne compétente qui fera au domicile des parents nourriciers des visites aussi fréquentes qu'il le faudra, mais au moins une fois par an.

2. La personne chargée de ces visites doit s'assurer que les conditions auxquelles est subordonné le placement sont remplies; elle conseille les parents nourriciers et les aide à surmonter les difficultés qui se présentent.

Art. 12

1. les personnes qui publiquement s'offrent à accueillir régulièrement dans leur foyer, à la journée et contre rémunération, des enfants de moins de douze ans doivent l'annoncer à l'autorité.

2. Les dispositions concernant le placement d'enfants chez des parents nourriciers s'appliquent par analogie à la surveillance qu'exerce l'autorité en cas de placement à la journée (art. 5 et 10).

Compétences à Genève:

Le groupe d'évaluation continue des lieux de placement pour enfants et adolescents du service de Protection de la jeunesse est chargé de l'application de la présente ordonnance. Il délivre les agréments et les autorisations aux personnes désireuses d'accueillir un ou des enfants étrangers à leur propre famille.

Débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). La problématique des placements familiaux est importante. A l'heure actuelle, le nombre de placements est en augmentation, de même que les difficultés de nombreuses familles en raison notamment de la gestion du temps, de l'obligation de travailler, des difficultés financières. Le suivi par les services compétents est aussi difficile par manque de forces.

On se retrouve parfois dans des situations à risques. Des familles non accréditées, sans appui ni conseil, s'occupent parfois de plusieurs enfants dont, souvent, ils ne savent véritablement que faire. Des conditions ne respectent pas les garanties visant à offrir à chaque enfant un développement le plus harmonieux possible.

L'accueil en milieu familial est une alternative à préserver, y compris, bien sûr, les accueils bénévoles. Il répond aux besoins de nombreux enfants et parents. Ce type d'accueil est souvent fort positif et très chaleureux.

Cette motion vise donc à mettre en place des moyens de maintenir, voire de développer, le placement familial, cela sans créer de structures lourdes, onéreuses ou dissuasives pour les familles. Des fonctionnements divers existent. Pro Juventute a, par exemple, travaillé à la mise en place, dans d'autres cantons, de structures fort intéressantes dont il serait peut-être possible de s'inspirer. De son côté, la commune de Meyrin vient d'élaborer et de mettre en route un projet d'association fort intéressant lui aussi. Il existe, dans certains quartiers de la ville, des crèches familiales mais, malheureusement, fort chères et donc difficilement réalisables à une plus large échelle.

Bref, des idées existent et il serait judicieux de les confronter et d'imaginer un projet permettant à Genève un fonctionnement en vue d'encourager les accueils familiaux tout en se donnant les garanties nécessaires au bon développement des enfants. C'est pourquoi je vous propose le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement.

M. Bernard Annen (L). Si j'ai bien entendu Mme Reusse-Decrey, elle a proposé le renvoi en commission. Nous sommes d'accord avec le renvoi en commission. (Rires amusés.)

Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation est adoptée.