République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 avril 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 6e session - 15e séance
PL 6922-A et objet(s) lié(s)
9. Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier :
Ces deux projets de lois ont été déposés le 17 novembre 1992 et traités lors des séances de la commission des affaires sociales des 12 janvier, 26 janvier et 2 février 1993.
A la suite des travaux de la commission, ces deux projets de lois ont été acceptés, amendés, à l'unanimité. Malencontreusement, aucun rapport n'a été effectué et ces objets sont restés en suspens. La présente commission des affaires sociales a repris ces projets de lois et les a traités lors de sa séance du 15 janvier 1994, sous la présidence de M. P.-A. Champod.
La modification de la loi qui vous est soumise à la fin du présent rapport ainsi que les conclusions sont superposables aux travaux de la précédente commission des affaires sociales.
M. Guy-Olivier Segond, chef du département de l'action sociale et de la santé, a assisté aux travaux de la commission.
Travaux de la commission
Préambule
Il faut rappeler, pour les nouveaux députés, le principe de l'évolution du montant des allocations familiales.
Tous les deux ans, après consultation des milieux concernés, le Conseil d'Etat examine le montant des allocations familiales versé aux salariés et aux agriculteurs indépendants conformément aux articles 8 A de la loi sur les allocations en faveur des salariés (J 7 1) et 9 A de la loi sur les allocations familiales des agriculteurs indépendants (J 7 6). Selon ces dispositions légales, l'examen du montant des allocations tient compte de l'évolution du coût de la vie, du revenu du travail et des charges des caisses.
Ainsi, le mécanisme pour fixer le montant des allocations familiales comporte essentiellement deux volets:
a) l'examen du rapport du service cantonal de statistique portant sur l'analyse de l'évolution des prix et des salaires;
b) les recommandations faites par la conférence des caisses d'allocations familiales genevoises en fonction, comme l'indique la loi, de l'équilibre financier desdites caisses.
Introduction
On comprend parfaitement bien que si les deux premiers paramètres (évolution du coût de la vie et du revenu du travail) sont des notions ne prétendant à aucune interprétation, le troisième élément (l'évolution des charges des caisses d'allocations familiales) est une notion beaucoup plus difficilement appréciable selon la lecture des chiffres faite par les uns ou les autres.
Depuis de nombreuses années, lors de chaque procédure de consultation, un débat sans fin s'engage quant aux montants à fixer pour les allocations familiales. En effet, de nombreux députés ne peuvent apprécier de manière objective, sur la base des documents remis par les caisses d'allocations familiales, la charge supportable et acceptable pour les entreprises. Ils réclament une transparence plus importante dans la présentation de leur compte.
Ainsi le projet de loi déposé par nos collègues socialistes se fait leur porte-parole en demandant que:
«le Conseil d'Etat soit habilité à réclamer les comptes et bilans annuels des quatre derniers exercices comptables des caisses publiques et privées d'allocations familiales. Ces dernières communiquent à cette occasion toutes les modifications du taux de contribution intervenues dans le courant des deux dernières années».
Discussion
La commission a repris les travaux effectués lors de la précédente législature et a tenu compte des remarques faites par les responsables des caisses d'allocations familiales.
En effet, selon le type de comptabilité, il est difficile de fournir un bilan pour les seules prestations d'allocations familiales, notamment lorsque les comptabilités ne sont pas complètement séparées des autres prestations sociales. D'ailleurs, il semble bien que la plupart des caisses d'allocations familiales fonctionnent à partir de caisses de prévoyance sociale qui alimentent toute une série d'autres fonctions. Il n'existe pas, selon ce mode de fonctionnement, de réserve à proprement parler. La notion de réserve, importante pour certains commissaires, semble être une notion difficile à évaluer pour les raisons mentionnées ci-dessus.
De plus, pour les caisses l'ayant constitué, le montant est bien souvent relativement faible et correspond à seulement quelques mois de prestations. Celles-ci sont infiniment moindres que celles exigées au niveau de l'AVS. Il n'est pas inutile de rappeler l'importante disparité entre les caisses, notamment celles du bâtiment qui sont très sollicitées et celles du secteur bancaire où les salaires sont les plus élevés et le nombre d'enfants moindre. Il semble bien que le système de péréquation entre les caisses ne soit plus suffisant.
Fort de ces explications, et bien que certains commissaires regrettent amèrement que l'on ne puisse exiger des caisses de compensation de fournir leurs comptes avec leurs bilans annuels, c'est à l'unanimité que la commission accepte le libellé qui est soumis à votre vote. La commission des affaires sociales espère qu'avec cette exigence minimale elle pourra mieux apprécier la charge des caisses et ainsi proposer des montants d'allocations familiales qui soient acceptables pour l'ensemble des partenaires.
Il faut savoir que le Conseil d'Etat a mandaté une commission d'experts pour préparer un projet de loi modifiant l'ensemble de la législation sur les allocations familiales. Ce mandat a été par ailleurs confié au Conseil d'Etat suite à la proposition de motion (n° 836) issue des travaux de la commission des affaires sociales déposée le 30 novembre 1992.
Conclusions
La commission des affaires sociales vous propose, Mesdames et Messieurs les députés à l'unanimité, d'accepter les deux projets de lois modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés.
Premier débat
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur. Comme vous l'avez constaté, ces projets de lois ont été acceptés et amendés par deux générations de députés.
Nous avons évalué avec soin les demandes des motionnaires et leur faisabilité. Finalement, nous avons trouvé un compromis, qui améliore considérablement la situation actuelle, soit de connaître de manière beaucoup plus transparente les comptes des caisses d'allocations. Un certain nombre d'arguments comptables ont convaincu une majorité de la commission sur l'impossibilité de donner le montant des réserves, car ces montants ne pouvaient être connus, vu le type de comptabilité non séparée avec les différentes autres prestations sociales. La majorité de la commission a voulu trouver une formulation minimale, acceptable, en attendant la réponse du Conseil d'Etat sur les motions issues de ce parlement et actuellement en concertation, soit l'uniformisation du taux de contribution entre toutes les caisses, un enfant une allocation, la modulation en fonction du revenu du groupe familial, l'eurocompatibilité, solution acceptable lors d'exportation des prestations.
C'est ainsi que je vous propose d'accepter ces deux projets de lois.
M. Bernard Clerc (AdG). Les deux projets de lois qui vous sont soumis résultent donc du travail de la commission des affaires sociales de la précédente législature, puisqu'ils ont été traités il y a maintenant plus d'un an. Le fait qu'ils parviennent aujourd'hui devant le Grand Conseil vient de l'oubli de la commission de l'époque de nommer un rapporteur. Cela avait fait bondir M. Dupraz...
Les députés de notre groupe, membres de l'actuelle commission, qui n'avaient donc évidemment pas participé à ces travaux de l'époque, n'ont pas voulu bloquer le travail réalisé lors de la précédente législature, mais ils ne sont pas satisfaits pour autant du projet qui vous est soumis. En effet, celui-ci prévoit de demander aux caisses de fournir les comptes des deux derniers exercices, mais pas les bilans. Rappelons qu'initialement le projet demandait la production des comptes et des bilans des quatre dernières années pour pouvoir déterminer les éventuelles provisions ou réserves des caisses, élément essentiel lors de la fixation du montant des allocations familiales.
Comment voulez-vous évaluer la gestion et la capacité financière des caisses d'allocations familiales sans la production des bilans ? Que dirait notre ministre des finances si pour leur taxation les entreprises ne produisaient que leurs comptes d'exploitation et pas leur bilan ? Convenons que cela n'est pas très sérieux ! Faut-il rappeler que les caisses d'allocations familiales sont instituées par des lois votées par ce Grand Conseil. Le versement d'allocations familiales constitue une partie de ce que l'on nomme le salaire indirect. Les employeurs ne se privent pas de rappeler qu'elles font partie de leurs charges salariales. De quel droit les caisses refuseraient-elles de produire leur bilan, alors que cet élément est essentiel à la détermination de leurs réserves et provisions éventuelles ?
L'automne prochain, comme tous les deux ans, le montant des allocations familiales devra être revu par le Grand Conseil. Une fois de plus, les employeurs pleureront misère et nous diront qu'ils ne peuvent pas augmenter les allocations, alors que nous ne disposerons toujours pas des éléments comptables suffisants pour nous déterminer. Les arguments - je devrais plutôt dire les prétextes - pour refuser de produire ces bilans ne sont pas sérieux. A entendre les représentants patronaux, leur gestion serait des plus archaïques, puisqu'ils ne seraient pas en mesure de déterminer la part des frais administratifs relatifs aux allocations familiales, sous prétexte qu'elles sont gérées avec d'autres prestations sociales. Ce prétexte me ferait rire s'il ne provenait pas des même milieux qui, à longueur d'année, critiquent la gestion des services publics et se posent en chantres de l'orthodoxie comptable : la rigueur c'est pour les autres, par pour eux !
C'est pourquoi je dépose deux amendements aux projets de lois qui vous sont soumis. L'enjeu de ce vote est le suivant : celles et ceux d'entre vous qui accepteront ces amendements manifesteront clairement leur volonté de transparence dans la gestion de l'une de nos prestations sociales; celles et ceux qui s'y opposeront laisseront à penser que les milieux patronaux ont quelque chose à cacher dans la gestion des caisses d'allocations familiales. Dans ce dernier cas, nous en tirerons les conclusions qui s'imposent lors des prochains débats sur ce sujet.
De grâce, un peu de cohérence !
M. Bernard Annen (L). Monsieur Clerc, avant de critiquer une loi et son application il faut d'abord la connaître. Vous êtes un homme raisonnable, mais aujourd'hui vous nous faites la démonstration que vous ne connaissez pas du tout les allocations familiales et les caisses qui les gèrent. Vous faites donc un procès d'intention. C'est le reproche que je vous adresse. Vous auriez pu essayer de vous informer avant d'émettre vos critiques !
Nous avons déjà eu ce débat. Monsieur Clerc, sachez que la commission sociale a analysé les caisses en profondeur. Rien n'a été caché. C'est dire à quel point la transparence a été de mise. Même et y compris les membres du parti du Travail ont été convaincus de la justesse des propos et de la bonne gestion de ces caisses de compensation !
Vous demandez des bilans. Pourquoi pas ? S'ils ne peuvent pas être rendus aujourd'hui c'est simplement parce qu'ils n'existent pas et qu'il faut les constituer. Je croyais, Monsieur Clerc, que vous connaissiez un peu la logique comptable ! En effet, dans la mesure où il y a un ensemble de prestations, c'est cet ensemble qui dégage des bénéfices, si tant est qu'il y en ait, par rapport aux charges représentées par l'ensemble des prestations sociales. Lorsque vous avez un tronc commun, il est tout à fait impossible, à moins de prendre des mesures tout à fait arbitraires, de dégager le bilan de l'une des prestations de la caisse de compensation.
Finalement, il serait possible de le faire. Je peux vous en dégager un avec une perte. Comment me prouverez-vous qu'il est faux ? Il est absolument simple, voire simpliste de dégager des bilans incontestables sans aucune fortune. C'est dire à quel point votre proposition est incongrue dans l'état actuel des choses.
Par contre, les caisses ont accepté de jouer ce rôle qu'on ne leur a jamais demandé, il faut le savoir, sur la base des propositions faites par la commission sociale. Seulement il faut constituer ces réserves, faire une comptabilité stricte réservée aux seules allocations familiales. En effet, dans quelques années, vous pourrez dégager, exercice après exercice, des bénéfices qui seront constitués en capital, et vous pourrez estimer les choses en connaissance de cause. Aujourd'hui, vous devez savoir que les cotisations d'allocations familiales servent seulement à couvrir les charges. Lorsque les cotisations ou les recettes ne couvrent pas les charges, c'est le reste des recettes couvrant les autres prestations sociales qui couvrent ce déficit. (M. Annen est interpellé par M. Clerc.) Monsieur Clerc, je vous expliquerai une fois comment cela se passe !
C'est la raison pour laquelle l'ensemble de la commission sociale a accepté la loi telle qu'elle vous est présentée aujourd'hui. Il est sage, à mon avis, de la maintenir et d'en rester là.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je suis surprise qu'un projet de loi voté à l'unanimité - deux fois, si je ne me trompe pas - suscite à nouveau une discussion identique à celle que nous avons eue pendant des semaines en commission. Je ne tiens pas à revenir sur tout ce qui y a été dit. En tant que coauteur du projet de loi, je tiens simplement à dire que nous étions dans une impasse à un certain moment. Il fallait donc bien, et c'est le travail parlementaire, s'en dégager. C'est pour cela que chacun a fait un pas. Les auteurs du projet de loi ont donc accepté une exigence minimale, comme l'a dit M. Schaller, et ceux qui étaient opposés à tout projet de loi l'ont également accepté. Ce travail parlementaire est presque exemplaire. Nous ne reviendrons donc pas sur notre position.
Monsieur Clerc, bien entendu, tout n'est pas satisfaisant, mais ce projet n'est pas inutile, car il nous donnera une certaine efficacité à moyen et à long terme. Lorsque vous connaîtrez régulièrement les rentrées et les sorties, vous connaîtrez indirectement les réserves. Notre idée n'est pas complètement abandonnée. D'autre part, je vous rappelle que toute la refonte du système d'allocations familiales est étudiée actuellement, et, vraisemblablement, ce problème sera abordé dans ce cadre.
Je vous demande donc d'accepter ce projet de loi, tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.
M. Bernard Clerc (AdG). (Accueilli par un oohh de désapprobation.) Rassurez-vous, je serai très bref ! Je ne tiens pas non plus à refaire le débat qui a eu lieu en commission.
Monsieur Annen, j'ai lu les procès-verbaux des débats de l'époque. Je suis donc au courant de tout ce qui a été dit en commission, mais je ne suis pas pour autant convaincu. N'ayant pas participé à ces travaux, j'estime qu'il reste un problème de fond que je souhaite poser à travers ces amendements. C'est tout !
PL 6922-A
Le président. Je vous signale une rectification purement formelle. Il s'agit non pas de l'article 8, mais de l'article 8 A.
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Art. 8 A, al. 2
Le président. L'amendement de M. Clerc consiste à rajouter «et leur bilan» après «contributions encaissées».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Les articles 1 et 2 (soulignés) sont adoptés.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
PL 6922
LOI
modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés
(J 7 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961, est modifiée comme suit:
Art. 8 A, al. 2 (nouveau, l'al. 2 devenant l'al. 3)
2 Dans le cadre de la consultation prévue à l'alinéa 1, les caisses remettent au Conseil d'Etat leurs comptes (charge de la caisse par type d'allocation, contributions encaissées) des deux derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pendant la même période.
Art. 2
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
PL 6923-A
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Art. 9 A, al. 2
Le président. L'amendement de M. Clerc consiste à rajouter «et leur bilan» après «contributions encaissées».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Les articles 1 et 2 (soulignés) sont adoptés.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
PL 6923
LOI
modifiant la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants
(J 7 6)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955, est modifiée comme suit:
Art. 9 A, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)
2 Dans le cadre de la consultation prévue à l'alinéa 1, les caisses remettent au Conseil d'Etat leurs comptes (charge de la caisse par type d'allocation, contributions encaissées) des deux derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pendant la même période.
Art. 2
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.